Quelle Voie Pour Le Martinisme

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Travaux du groupe Tiferet

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Quelle voie pour le Martinisme ?Rflexion sur les principes du Martinisme

Quelle pratique du Martinisme pour notre poque ? & Quels outils au Martiniste ?

Pratique de la voie Martiniste

Par un serviteur de lOrdre

Avertissement pour la prsente diffusion publique.

Les documents de cette collection (on les reconnatra leur prsentation identique) sont destins linformation de quiconque, initi ou profane pour reprendre ces qualificatifs, aura quelque intrt pour le Martinisme en gnral, quelque forme quil prenne : soit plutt martinsienne , soit plutt saint-martinienne , pour ne citer ici que ces deux ples historiques. Cela tant, bien que disponibles et l sur quelques sites spcialiss o nous les avons placs dessein, il sest avr quon les aura repris quelquefois (qui ? pourquoi ?) et mis disposition du plus grand nombre (sans toujours beaucoup de discernement dailleurs), sans prendre garde den prciser souvent la source ; quelquefois mme sous une forme dnature par leur reproduction ; tel est le cas, par exemple, du livret ayant pour titre Autour du Martinisme : Le Collge Tiferet, qui se trouve en plusieurs endroits du prsent site, malheureusement mis en ligne dune manire imparfaite (problmes de mise en page notamment, sans doute lis des copier-coller dune version rcupre ailleurs). Cest donc pour pallier cet inconvnient majeur, savoir le risque dune diffusion dun matriel dfaillant, qui ne servira personne, que nous avons choisi de mettre en ligne icimme quelques-unes des pices en question. Quil soit ds lors clair pour le lecteur que toute diffusion sur cette liste de nos textes qui ne serait pas accompagne du prsent avertissement nest aucunement du fait daucun membre de notre Collge, et que donc, nous ne saurions en garantir ni la justesse, ni la conformit.

QUELLE VOIE POUR LE MARTINISME ?Par un serviteur de lOrdre lhomme et Dieu, voil les deux extrmes de la chane des tres (Louis-Claude de Saint-Martin, Le Ministre de lHommeEsprit)

ABORD, il me faut prvenir, puisque je dis par un serviteur de lOrdre ; de quel Ordre sagit-il ? En fait, de lOrdre Martiniste en gnral, par-del les spcificits des divers groupements ou structures ; en dfinitive, la collectivit des initis Martinistes, do quils soient ; cest l le seul objet des prsentes pages.

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Quant serviteur , il renvoie simplement ici une autre lecture (quon mconnat trop souvent) de la qualit de S Z I Z et il nest pas utile de sy arrter outre mesure. Quest-ce alors que le Martinisme ? Quelle est la particularit de cette voie initiatique ? Cest ces deux questions prliminaires que je voudrais essayer de donner ici, non pas la rponse, mais une rponse courte, qui aille lessentiel : celle qui est mienne, aprs prs de vingt-cinq annes passes ctoyer et pratiquer ce chemin. Rponse, dabord lattention du lecteur profane (le mot na ici rien dinfmant ni pjoratif) ; ventuellement aussi liniti Martiniste qui dsirerait le tmoignage rien que cela dun de ses Confrres rien de plus en initiation Martinisme, Martiniste, les termes sont il est vrai vagues ; et il est vrai aussi quon naura pas aid leur comprhension, si lon considre les contenus fort divers, quelquefois opposs qui leur ont t attribus. Doit-on le vocable au nom de Martines de Pasqually ? ou celui de Louis-Claude de Saint-Martin ? aux deux ? Martines de Pasqually (1727 ?- 1774) fut le premier matre de Saint-Martin, celui par qui ce dernier put entrer dans la carrire . Cela tant, Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) reste, pour la plupart des Martinistes de nos jours (de fait, depuis Papus), la source principale de la philosophie de lOrdre.

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Quoiquil en soit, ce qui est sr, cest que le terme na commenc dtre utilis (je ne considre videmment pas les homonymies sans lien) quaprs que Louis-Claude de Saint-Martin, celui quon a vite dsign comme le Philosophe inconnu, eut commenc son uvre ; dabord et assez longuement associ luvre de Martines, dont il fut un temps secrtaire (alentour 1771-1772) ; ensuite, tardivement, sen tant dtach tout le moins des formes extrieures bien que demeurant jusqu la fin convaincu quil y avait du bon dans sa premire cole . Il nest par exemple ici qu considrer le cas du Martinisme dit russe , dont on voit quen fait il rfre des Maons, tout empreints dun Martinsisme fortement color par la patte-mme du Philosophe inconnu. Se lancer dans lhistoire du Martinisme, dans lhistorique des Ordres et des groupes sen rclamant nest pas chose aise (il est cependant des tudes bien faites, que lon considrera avec profit) ; et tel nest pas ici, ni mon propos, ni mme mon souhait : je lai annonc tout net ds louverture, mon but est ici de dire quelle est en dfinitive la vision que jai de cette cole de pense et de vie (puisque cen est une). Quon le veuille ou non, quon le regrette ou y adhre pleinement, force est de constater que le Martinisme moderne (convenons ici de cette pithte) doit beaucoup Papus, Jacques Papus de fait pour donner son nomen complet, Grard Encausse (1865-1916) de son vrai nom. Il lui doit pour tre plus exact davoir t le premier en notre poque constituer quelque chose qui devait devenir le vecteur des penses saint-martinienne et martinsienne, de fait toutes deux confondues dans lesprit de cet organisateur. Et il nest qu considrer plusieurs points des crits du premier Grand-Matre dun Ordre Martiniste alors naissant (en tant que tel), plusieurs galement des discours quon trouve dans le rituel attribu Tder1, pour se rendre compte combien le Martinisme de lpoque avait vocation assimiler entre autres sources nombre de points de la doctrine de Martines de Pasqually. Certes, toutefois, lombre dun Saint-Martin (entre autres mules ) devait veiller, et donner cette coloration particulire que jvoquais tantt, et qui donnait sa spcificit au Martinisme moderne, alors en closion.

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Voir ainsi le Rituel de lOrdre Martiniste, Dmter, Paris, 1985 (daprs Dorbon, Paris, 1913).

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Mais, si Papus, fort notamment des pices quil fut amen consulter et utiliser2, put bien mettre sur pieds un Martinisme organis, il nen demeure pas moins vrai que dautres aussi semblent avoir veill (plus discrtement semble-t-il) et prennis luvre martinsienne sous dautres horizons ; ainsi en fut-il, ce quil semble, de certaine Maonnerie misramite3, qui devait galement abriter des vestiges de lOrdre jadis instaur par celui que Louis-Claude de Saint-Martin continuait dappeler son premier matre , au sein de sa premire cole . Et, depuis la cration du premier Ordre Martiniste, alentour 1891, combien dautres prtentions (le mot na rien ici de pjoratif dans mon esprit) proposer aussi une voie qui eut la mme source, sinon le mme but exactement ! Quoiquil en soit, il est vrai quassez tt finalement, de cet Ordre initial r-invent par Papus, dautres rameaux, plus ou moins fidles et productifs, devaient natre leur tour. Et il nest, de nos jours, qu consulter ouvrages, publications et sites sur lInternet, pour constater lextrme (pas toujours heureuse, ici comme ailleurs) diversit Alors ! dans tout cela, au milieu de cette fort dont on peut craindre quelle nous cache larbre qui nous conviendrait, quest-ce donc que le Martinisme en dfinitive ? et pour reprendre ici mon titre quelle voie pour le Martinisme ? Cest donc le fruit de mes propres rflexions et expriences que je vais mefforcer de clarifier ici Simple tmoignage, dont on fera ce que bon semblera Indniablement mme, quitte sen dtacher plus ou moins pour certaines adaptations, si tous ne le revendiquent pas le rameau papusien fut celui dont drivent en dfinitive tous les Martinismes contemporains ; mme, ceux qui, du nombre, voulurent prenniser linitiation et loutil martinsien4 y puisent leur origine (du nombre, ai-je bien dit : je mets en effet ici volontairement de ct les prtentions la succession hors le cadre proprement Martiniste , puisque tel nest pas mon objet en ces pages5).

Voir ainsi le fonds Willermoz de la Bibliothque Municipale de Lyon (BML). En son ouvrage, Martines de Pasqually. Sa vie. Ses pratiques magiques. Son uvre. Ses disciples (Dmter, Paris, 1986), Papus fait un bref point sur lesdites archives (op. cit., Introduction, p. 1-17). 3 Il faut ici considrer les prtentions, lpoque de Papus, de la Loge misramite LArc-en-ciel, dont furent membres Albric Thomas et Ren Philipon (Loge au reste lorigine de la cration de la Bibliothque rosicrucienne, qui devait tre lorigine de la premire dition publique en 1899 du Trait de la Rintgration, de Martines de Pasqually), perptuer un Martinisme plus orthodoxe que celui de Papus . Sur ce point, on pourra considrer louvrage de Grard Galtier, Maonnerie Egyptienne, Rose-Croix et NoChevalerie. Les Fils de Cagliostro, Editions du Rocher, Alenon, 1989, p. 133. 4 Ainsi des multiples rsurgences cohens ou cons, si lon veut ; cela fait peu laffaire en somme issues de 1943, avec Robert Ambelain et Robert Amadou entre autres principaux protagonistes. Toutes ces rsurgences (et, tous les no-cohens actuels lui sont redevables, des degrs divers) ont ceci en commun : elles se fondent sur le matriel Ambelain (cela tant dit, non pour diminuer, mais pour situer) ; elles se situent dans un cadre strictement martiniste ( tout le moins, lorigine en tout cas, hors de la FrancMaonnerie). 5 Ainsi, des possibilits dune continuit au sein de lOrdre Maonnique, o il convient de le rappeler sinscrivait pleinement lOrdre pens par Martines. Je renvoie ici, pour la Maonnerie Egyptienne, ce que jai mentionn plus haut (cf. note 3) ; mais le cadre maonnique initial est rsolument Ecossais .

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Cela est vrai, dans les faits de la petite histoire : celle des hommes, des groupes, de leurs encore une fois prtentions ; il nempche, depuis, les historiens srieux ont pu faire leur sort maintes de ces prtentions Pour autant, peut-tre ici faut-il savoir sarrter : savoir jaime quelquefois prendre cette image poser ses bagages, pour enfin se mettre luvre : essayer enfin. Quon me permette ici cette citation du Philosophe inconnu, en son recueil, artificiellement intitul Mon Livre vert (si cest lEglise que rfre ici Saint-Martin, aux rticences quon prouve la pratiquer avant que de la comprendre, ladaptation peut aisment tre faite nos objets) : Cest souvent une erreur de croire que lintelligence doive toujours prcder la pratique. Cest surtout dans lordre des choses vraies que les abus de ce genre sont dangereux. Et, sil est des cas o lintelligence doive mener la pratique, il en est mille autres o cest la pratique qui doit mener lintelligence. Lusage des bonnes choses [] est de ce nombre ; si lon veut sacharner les comprendre avant den approcher, il est probable quon nen approchera jamais. Si, au contraire, on essaie den approcher avec simplicit et un dsir vif et pur, il est probable quon en acquerra par un moyen quelconque le sentiment, et quon en gotera la douceur. (Op. cit., pense 862) Alors, quelque srieux quon puisse attribuer aux dires dun Papus (somme toute trs lger comme historien ; mais peut-tre son but tait-il autre) comme tant dautres, quelque validit quon puisse reconnatre ou pas dans la filiation de ce premier Martinisme moderne, il nen reste pas moins vrai que les choses sont maintenant l, bien tablies, et que rejeter loutil faute dy pouvoir accorder a priori une confiance tout intellectuelle, rejeter loutil parce quon a peur de se tromper, cest un peu comme lamoureux qui nosera jamais avouer sa flamme faute dtre crdible, crainte dtre conduit et qui demeurera seul et amer : en un mot, veuf de quelque chose Puisquil est ici un peu question dhistoire, de petite histoire ai-je dit plus haut, prcisons quelques points de filiation. Pour ce faire, jemprunterai dabord un courrier en date de mars 1991, en provenance de lOrdre Martiniste Traditionnel (OMT), destination de ses membres. Ce courrier, contemporain de la rgularisation qui y a t conduite courant 1991 permet de dresser un panorama assez fidle : Les historiens affirment quil ny a jamais eu dorganisation martiniste structure avant lpoque de Papus et dAugustin Chaboseau. Cest pourquoi tous saccordent pour dire que Papus fut le vritable organisateur du Martinisme, la fin du 19 me sicle. Cependant, Louis-Claude de Saint-Martin tant dcd en 1803, comment et pourquoi une organisation base sur son enseignement put-elle voir le jour prs dun sicle aprs sa mort ? En fait, depuis lpoque de notre Vnr Matre, linitiation stait transmise uniquement dinitiateur initi travers deux rameaux ou branches principales6 : lune comprend Jean Antoine Chaptal et Henri Delaage, linitiateur de Papus ; lautre inclut labb De la Noue, Antoine Hennequin, Henri de la Touche, Adolphe Desbarolles et Amlie de Boisse-Mortemart qui confra linitiation son neveu Augustin Chaboseau. Malheureusement, la filiation de Papus est entache dun6

Voir le synoptique donn en page 9.

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doute puisque les historiens nont jamais pu connatre le nom de linitiateur dHenri Delaage7. En 1888, Augustin Chaboseau dtenteur dune filiation authentique et ininterrompue, dune part, et Papus, dautre part, dcidrent dchanger leurs initiations. Cest sur cette base et sur la connaissance reue par ces deux grands mystiques que les rituels martinistes furent crits8. Linitiation qui stait transmise depuis Louis-Claude de Saint-Martin ne comportait quun seul degr, celui de S.I. Afin de structurer le travail futur des Martinistes et den faciliter la comprhension, Papus et Augustin Chaboseau divisrent linitiation en trois parties distinctes et crrent deux degrs probatoires : Associ et Initi9. Papus tablit le premier Suprme Conseil de lOrdre Martiniste, en 1891. A cette poque, les premires Loges martinistes firent leur apparition. Grce au remarquable talent dorganisateur de Papus, lOrdre Martiniste connut une rapide extension et put stablir dans de trs nombreux pays. Cependant, sa mort prmature en 1916 entrana rapidement la dsagrgation de lOrdre. Ce fut Charles Detr, plus connu sous le nom de Tder, qui prit sa succession. Malheureusement, il ne put redonner limpulsion ncessaire lOrdre et mourut en septembre 1918. Aprs la premire guerre mondiale, lOrdre avait perdu son unit. Deux hommes revendiqurent le titre de Grand Matre : Jean Bricaud Lyon et Victor Blanchard Paris. Ce dernier, ancien proche collaborateur de Papus puis secrtaire particulier de Tder, ajouta au nom de lOrdre, le qualificatif de Synarchique, et lOrdre Martiniste devint ainsi en 1920, lOrdre Martiniste et Synarchique. De son ct, Jean Bricaud transforma le Martinisme en lui ajoutant des lments totalement trangers. Devant cette situation conflictuelle, de nombreux martinistes, dont la plupart des survivants du premier Suprme Conseil de 1891, prfrrent conserver leur indpendance. Ils ne prirent part ni aux querelles de succession, ni aux transformations abusives que subissait lOrdre. En 1931, le Martinisme franais se trouvait dans une impasse. Afin dviter que linitiation martiniste ne disparaisse, les trois derniers survivants du premier Suprme Conseil de 1891 dcidrent de restaurer lOrdre dans sa forme initiale, pure et traditionnelle. Ces initis taient Augustin Chaboseau, cofondateur de lOrdre Martiniste et descendant par filiation initiatique directe de Louis-Claude de Saint Martin, Victor Emile Michelet et Lucien Chamuel. A eux, vint se joindre Octave Bliard. Ils crrent lOrdre Martiniste Traditionnel et Victor Emile Michelet en devint le premier Grand Matre. Ds sa fondation, les dirigeants de lOrdre choisirent de travailler dans la discrtion afin dprouver les chercheurs et de ne transmettre linitiation qu ceux quils jugeaient dignes. En 1934, Emile Dantinne, mystique belge, plus connu sous le nom de Sr Hironymus, et Victor Blanchard, Grand Matre de lOrdre Martiniste et Synarchique, organisrent la F.U.D.O.S.I. (Fdration Universelle des Ordres et Socits Initiatiques). Pour cette mission importante, ils firent appel Harvey Spencer Lewis,Voir ainsi X1 dans la ligne Papus du synoptique. Las ! plus tard, Jean Chaboseau, fils dAugustin, dira que son pre navait rien reu de formel. Voir ainsi la lettre de dmission quil crivit en septembre 1947 (reproduite par Philippe Encausse en son ouvrage, Sciences occultes ou 25 annes doccultisme occidental. Papus, sa vie, son uvre, OCIA, Paris, 1949, p. 70-79). Las, encore ! plus que des connaissances hrites, strictement martinistes, cest davantage au fonds occultiste en vogue lpoque quils emprunteront ; Papus tout particulirement, nonobstant la ralit des matriaux willermoziens et martinsiens auxquels il put avoir accs. 9 A noter : avant la rgularisation de mars 1991 (accompagne dun ajustement des pratiques rituelles : retour plus de conformit avec les usages originaux), le deuxime degr de lOMT portait le nom de Mystique ; en fait, confusion vidente corrige depuis avec la deuxime chambre, dite effectivement Mystique , pour le degr Initi.8 7

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Imperator de lA.M.O.R.C.10 Lors dune runion prparatoire la F.U.D.O.S.I., Victor Blanchard se fit reconnatre par les martinistes prsents, comme tant le seul pouvoir revendiquer le titre de Grand Matre. Il convient de prciser que les dirigeants de lOrdre Martiniste Traditionnel, dont Augustin Chaboseau, ntaient pas entrs en contact avec les fondateurs de la F.U.D.O.S.I. Sr Hironymus et Harvey Spencer Lewis ignoraient donc que des survivants du premier Suprme Conseil de 1891 avaient rorganis en 1931 un Martinisme vritablement traditionnel. Ceci permit Victor Blanchard dimposer lOrdre Martiniste et Synarchique comme seule autorit en matire de Martinisme. Ainsi, au cours de cette anne 1934, Harvey Spencer Lewis, Ralph Maxwell Lewis11, Jeanne Guesdon12 et dautres rosicruciens amricains, franais, suisses, belges et polonais furent initis dans lOrdre Martiniste et Synarchique et non dans lOrdre Martiniste Traditionnel. Cependant, Victor Blanchard se montra rapidement incapable dassurer la direction de lOrdre. Pendant ces annes, les activits de lOrdre Martiniste et Synarchique se limitrent la transmission de quelques initiations. Devant cette situation, en 1939, certains dirigeants de la F.U.D.O.S.I., mandats pour cela, entrrent en contact avec Augustin Chaboseau, Grand Matre de lOrdre Martiniste Traditionnel. Au cours dune runion spciale de la F.U.D.O.S.I., en septembre 1939, lensemble des martinistes prsents dcida de se ranger sous lautorit du Grand Matre de lOrdre Martiniste Traditionnel. Cette organisation qui navait encore jamais particip aux travaux de la F.U.D.O.S.I., fit donc son entre dans cette fdration. Victor Blanchard fut destitu de son poste dImperator et Augustion Chaboseau le remplaa pour devenir lun des trois Imperators [sic] de la F.U.D.O.S.I. Les deux autres taient Sr Hironymus et Ralph Maxwell Lewis qui succda son pre dcd le 2 aot 1939. Afin de rgulariser ses initiations martinistes prcdentes confres dans lOrdre Martiniste et Synarchique et faire partie dune filiation authentique et reconnue13, Ralph Maxwelle Lewis, Imperator de lA.M.O.R.C. fut reu dans lOrdre Martiniste Traditionnel, en septembre 1939, par Georges Lagrze reprsentant et lgat dAugustin Chaboseau. Les responsables franais lui transmirent tous les pouvoirs pour tablir lOrdre Martiniste Traditionnel aux Etats-Unis et lui envoyrent aussitt lensemble des documents, chartes et rituels ncessaires ltablissement de lOrdre. Malheureusement, une fois encore, la guerre allait empcher le Martinisme de poursuivre ses activits de manire normale en France car loccupation allemande interdisait tout travail de lOrdre14. Malgr tout, deux groupes continurent fonctionner pendant la deuxime Guerre mondiale : les Loges Athanor et Brocliande15. Aprs la guerre, lOrdre tenta de se rorganiser en France, cependant, la mort dAugustin Chaboseau et de Georges Lagrze, au dbut de lanne 1946, rendit les choses difficiles. Avant de mourir, Augustin Chaboseau avait dsign sonAncien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, auquel lOMT est li. Fils du premier, qui lui succdera la tte de lAMORC et de lOMT, au niveau international. 12 Qui, aprs la Seconde Guerre mondiale, devait jouer un rle important dans limplantation de lAMORC et de lOMT en France (et les pays de sa juridiction). 13 Il convient dtre prcis et exact : ce nest pas tant que la filiation prcdente tait non valable, comme filiation initiatique du Martinisme ; cest quelle se voulait transmettre la filiation de lOrdre Martiniste Traditionnel, quand en fait elle tait celle de lOrdre Martiniste et Synarchique (OMS). Or, pour transmettre correctement, il faut savoir ce quon transmet exactement. 14 On le notera : la mme poque, avec dautres initis dont Robert Amadou, Robert Ambelain dit avoir perptu en toute clandestinit les lumires maonnique et martiniste ; plus, il rveillera selon lexpression consacre ce qui devait constituer son Ordre des Chevaliers Maons Elus Cohen de lUnivers. 15 Cette dernire a cela dintressant pour lhistoire du Martinisme en gnral que cest en son sein que prit naissance et forme lusage dsormais gnralis du Flambeau des Matres du Pass .11 10

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fils Jean pour lui succder. Hlas, ce dernier qui ntait pas en mesure de supporter une telle charge, perdit rapidement la confiance du Suprme Conseil. Dpass par la situation16, il mit lOrdre en sommeil en septembre 1947. Cest ainsi que lOrdre Martiniste Traditionnel disparut dEurope, tout en restant actif aux Etats-Unis. Ralph Maxwell Lewis, hritier dune filiation ininterrompue depuis Louis-Claude de Saint-Martin17 avait commenc transmettre des initiations depuis 194018. Aux Etats Unis, cependant, linitiation fut transmise de deux faons diffrentes. La premire, dans les Heptades, terme qui avait t choisi ds 1940 par Ralph Maxwell Lewis pour les diffrencier des Loges de lA.M.O.R.C. et viter ainsi des confusions19 ; la seconde par auto-initiation pour les membres qui avait fait le choix de suivre un enseignement par correspondance. Cette dernire mthode ne fut jamais considre comme une vritable initiation20. Malgr tout, certains martinistes amricains pensrent tort que lauto-initiation leur donnait le pouvoir de confrer des initiations en Heptade, ce quils firent effectivement. En consquence, nous retrouvons aujourdhui, aux Etats-Unis, des martinistes dont la filiation remonte des initis de lOratoire, et dautres dont la filiation est parfaitement rgulire, cest--dire remontant des martinistes initis de faon tout fait traditionnelle, en Heptade. Comme cela a t dit prcdemment, lOrdre Martiniste Traditionnel nexistait plus en France depuis septembre 1947. Cependant, par lintermdiaire dun martiniste amricain, Duane Freeman, linitiation fut de nouveau transmise aux franais partir de 1959. LOrdre Martiniste Traditionnel est de nouveau actif dans les pays de langue franaise depuis cette date. Toute la filiation actuelle [jusquen mars 1991] des martinistes de notre juridiction remonte donc Duane Freeman21. Malheureusement, rien ne permet de prouver son initiation par Ralph Maxwell Lewis ou par un autre initiateur rgulier22. Cette situation a donc incit prendre des mesures prcises afin dviter que dans le futur, la validit des initiations transmises par lOrdre Martiniste Traditionnel soit remise en cause [] Une recherche minutieuse a t entreprise ces derniers mois pour retrouver les membres anciens de notre Ordre dont la filiation est certaine, afin de pouvoir rgulariser lensemble des membres partir de leur filiation. Frre Orval Graves a t choisi pour cette rorganisation. Il a t initi le 17 octobre 1940 par Ralph Maxwell Lewis dune manire rgulire, et son certificat dinitiation portant les signatures de Ralph Maxwell Lewis, Jeanne Guesdon et Georges Lagrze tmoigne de la validit de son initiation [] Un sicle aprs lorganisation du Martinisme par Papus et Augustin Chaboseau, et soixante ans aprs la fondation de lOrdre Martiniste Traditionnel, un travail capital va seffectuer au sein de notre Ordre, au cours de cette anne 1991 : la rgularisation des initiations de tous les martinistes des pays de langue franaise. Leur filiation actuelle

Plus justement, rappelons ce que Jean Chaboseau dira avoir reu en confidence de son pre : voir note 8 supra. 17 A la rserve seule mais fondamentale du cas dAugustin Chaboseau ! 18 Donc : bien dans le cadre strict de lOMT ; plus celui de lOMS. 19 Les deux organisations tant, rappelons-le, lies ; avec les mmes responsables. 20 De fait le terme mme dauto-initiation est-il maladroit. Les crmonies en question (quon retrouve aussi en France, pour la section dite de lOratoire) nont dautre but en ralit quune introduction symbolique dans chacune des classes chacun des degrs du Martinisme. Cela tant, le Suppliant qui en manifeste lenvie reoit, le moment venu, une vritable initiation, au sein dune Heptade dment constitue, avec sa prsence effective. Ce nest qualors quil est proprement martiniste . 21 Et, par lui, Raymond Bernard. 22 Voir ainsi X2 dans la ligne Freeman du synoptique.

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remonte Duane Feeman. Il est donc ncessaire quelle se rattache galement Orval Graves, ceci afin dviter toute contestation future23 Voil donc qui permet un peu de situer mieux le paysage du Martinisme sensibilit plutt saint-martinienne , au travers dun de ses reprsentants. Pour ce qui relve du Martinisme dit russe , dj voqu plus haut, je me reporterai maintenant une plaquette dinformation en provenance de lOrdre Martiniste Initiatique (OMI), lequel revendique une filiation russe, quil donne comme plus srement rattache Martines de Pasqually par Nicolas Novikov (qui fut la figure dominante, au dix-huitime sicle, du Martinisme russe) et Frdric Tieman : Lauthenticit de la filiation initiatique [de lOMI] devait reposer sur 4 critres. Il fallait que le Frre susceptible de transmettre la filiation Martiniste aux Maons Russes ft dabord Maon lui-mme mais galement : - Russe ou fix en Russie - Avoir connu Saint-Martin Londres, Paris et Rome - Avoir t li au Prince Galitzine - Avoir t Elu-Cohen de Martinez de Pasqually Un nom semblerait runir lensemble de ces critres. Il sagit de Frdric Tieman von Berend, dorigine saxonne, demeurant Saint-Peterbourg, Major au service de lArme Russe, prcepteur et mentor du jeune Prince Alexis Galitzine, travers ses voyages en Europe [] Frdric Tieman von Berend rpond ces critres. Particulirement, il fut initi par Jean-Frdric Kuhn, lequel lavait t par Martinez de Pasqually lui-mme en son temple de Bordeaux. (OMI, LOrdre Martiniste Initiatique et le Martinisme. Historique & filiation, Lhistoire et les filiations du Martinisme Russe, p. 11-12) En fait, ce Martinisme-l tient davantage de la Franc-Maonnerie Rectifie, laquelle il est au reste indiscutablement li. Quoiquil en soit, on ne pourra nier que cette dernire a pu constituer un vhicule privilgi alors pour prenniser certains aspects de lOrdre Cohen, sous limpulsion de Jean-Baptiste Willermoz notamment ; quelle a permis lclosion dun Martinisme tout entier empreint des trois figures matresses de Martines, de Saint-Martin et de Willermoz. Le synoptique donn en page suivante reprend les diffrents lments de filiation, tels quils figurent en nombre dtudes historiques, tels quils sont revendiqus par les divers Ordres Martinistes ; on y trouvera maints lments signals dans les deux textes prcdents.

Si le but recherch est plus que lgitime (et, de fait, y avait-il quelque obscurit lever), il convient de noter que rechercher un second lignage permettait, ds lors quil fut trouv, de minimiser, dans la chane de transmission dsormais revendique par lOMT, le rle jou par Raymond Bernard, alors plus que suspect aux yeux des dirigeants de lOrdre, du fait de ses activits comme organisateur du Cercle International de Recherches Culturelles et Spirituelles (CIRCES), que beaucoup (guerre des Roses ritre) ont voulu opposer lAMORC. Cest cette fin que Christian Bernard, fils de Raymond Bernard, et alors Souverain Grand Matre de lOMT (et Imperator de lAMORC), se fit rgulariser par Orval Graves, le 22 octobre 1990, en lHeptade Suprme de San Jos (Californie, sige mondial de lOrdre). Ds lors devait suivre la rgularisation par Christian Bernard de lensemble des Grands Matres nationaux, puis, par les seconds, des Matres Provinciaux qui furent leur tour chargs de rgulariser lensemble des membres de leur ressort.

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Martines de Pasqually ------------------------- Louis-Claude de Saint-Martin ---------- Jean-Baptiste Willermoz Jean-Frdric Kuhn --------------------------------------------------- Frdric Tieman von Berend Abb de la Noue Jean-Antoine Chaptal Antoine-Marie Hennequin X1 Henri de la Touche Adolphes Desbarolles Amlie de Boisse-Mortemart Henri Delaage Pierre-Augustin Chaboseau ----- (1888) ----Grard Encausse (Jacques Papus) Premier Suprme Conseil de lOrdre Martiniste de 1891 :(Jean Bricaud, Victor-Emile Michelet, Lucien Chamuel, Octave Bliard, Jean Chaboseau, Georges Bog de Lagrze, Victor Blanchard)

---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Charles Dtr (Teder) Ralph Maxwell-Lewis (Blanchard : OMS 1934 Lagrze : OMT 1939) Jean Bricaud Cration de lOrdre Martiniste Traditionnel : Constant Chevillon X2 Orval Graves Charles-Henry Dupont Duane J. Freeman (Rsurgence de 1952) (1991) Philippe Encausse (fils de Papus) ----------------Raymond Bernard (succession le 13.08.1960) Irne Sguret Madeleine Verger - (1939) - Christian Bernard Philippe Encausse (de nouveau) Emilio Lorenzo Alphonse Delille (OM Papus) (Dlgu de lOM pour la Suisse)

Certes, le tableau des prtentions filiales est loin dtre complet24 ; il nen demeure pas moins assez reprsentatif des grands courants du Martinisme moderne, et assez fidle aux derniers lments de recherche historique. Toujours en la matire conserver lesprit lide de prenniser lesprit des choses , plus que les choses elles-mmes L est toute vraie prtention poursuivre lexemple de nos prdcesseurs Au reste, il convient de le noter et on le comprendra aisment, lvidence je nai pas voulu y mentionner les noms des protagonistes actuels (et toujours en vie) qui ne sont pas dj et largement connus s qualit.24

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Quelle est donc la nature de ce Martinisme-l, qui entend embrasser en un mme mouvement, et le meilleur de Martines, et le meilleur de Saint-Martin (tant il est vrai quon peut avec grand profit oprer certain mariage non point de tout ! entre les deux coles25) ? Ds Papus, et aprs lui, la note est donne, et cette note-l je lai rencontre dans les diverses structures que jai pu frquenter depuis 1986 (anne de mon tout-premier contact avec le Martinisme ; quel contact ! il fut dcisif !) : cole (acceptons le mot : il invite la rflexion) de Chevalerie et de Mysticisme chrtiens. Entendons-nous ! Chevalerie ? de cette sorte-l qui invite (y oblige ?) la noblesse de lme et du cur (en tout cas, le dsir de cela)26. Mysticisme ? certes le mot peut induire en erreur (daucuns prfrerons thosophie pourquoi pas ?), mais cest quil sagit de souligner quelle doit tre la pente naturelle du cur, ltre de dsir : lorsque son me comme son cur sont tout tendus vers le seul Autre qui soit, vers cet Ineffable qui est notre Source et notre Retour. Tendus vers le seul Autre, certes oui ! mais sans pour autant ngliger pour chacun ses frres et surs humains et notre vie prsente ! Pour autant, si la Chevalerie invite prendre les armes, que notre guerre sainte soit dabord pour chacun contre nous-mme ; si le Mysticisme invite se poser , savoir attendre que notre coupe soit remplie, quon ne nglige point cependant le conseil avis du Philosophe inconnu en son Homme de Dsir : Purifie-toi, demande, reois, agis : toute luvre est dans ces quatre temps ! Agir donc ; et je ne puis concevoir quil est un Martinisme (ou quelque autre voie possible de ralisation) qui puisse tre autre chose quopratif (pour user de ce vocable, souventes fois maltrait). Alors, oui, le Martinisme est voie daction ; restera toutefois ltre de dsir chercher quelle est la sorte daction qui lui convient : quel est larbre (pour reprendre mon image de tout lheure) qui est fait pour lui dans cette fort profonde et touffue Quelle action donc ltre de dsir ? Un point de ralliement possible tous (le cadre et nos matres du pass y invitant) ltude assidue des textes fondateurs. Tout de suite, je mempresse de le prciser, je mets ici de ct la question des textes et documents dintrt plutt historique, voire rituel (quon ne saurait toutefois ignorer sans manquer son but), pour ne considrer que luvre plutt littraire , daccs sans doute plus immdiat. Cest quil est impossible de sinscrire pleinement dans une dmarche quelconque quand on en nglige les outils de base ; et, privilgier le cur (mais, est-ce cela qui est demand ? privilgier ou, ne pas ngliger ?) nest certes pas dire oublier le reste, de ces secours de la terre sur laquelle nous marchons , comme nous le rappelle encore Saint-Martin en son Tableau Naturel.

Il nest qu se souvenir du souhait de Saint-Martin, de parvenir faire un mariage entre ces deux coles. 26 Cela tant, il convient de mentionner la possibilit dune voie proprement Chevaleresque au sein de certains Martinismes : avec les Chevaliers de la Palestine notamment, que lon retrouve tant au sein du Martinisme dit russe (filiation Robert Ambelain) quen celui de certains Rites Maonniques ; avec les Chevaliers Bienfaisants de la Cit Sainte, qui figurent tant au tableau des Grades de lOrdre Rectifi que, l encore, celui du Martinisme de filiation Ambelain.

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Et ces textes qui sont autant de moyens offerts notre sagacit, quels sont-ils ? A lvidence, au premier chef, les Ecritures, tant il est sr et vrai que la voie du Martiniste, des Martinistes, passe elle la ctoie par celle du Christianisme. Mais, prcisons, pour viter toute confusion, partant, toute erreur Non point un Christianisme qui serait rejet de toute autre conception (et dire que la voie qui est mienne passe par le Christianisme ne doit pas signifier que les autres voies sont fausses ou invalides), non point un Christianisme qui sinscrirait dans une pratique dogmatique troite (je dis bien dogmatique troite, non que toute dogmatique27 le soit), dans le sein particulier et partisan dune Eglise quelconque ; non ! un Christianisme dont la seule exigence mais elle est, elle, incontournable, au risque sinon de lerrance est lacceptation du Verbe comme Divin et Crateur : le Verbe-Logos : le Christ ou Messie en lespce : Yechouah comme il arrive aux Martinistes de le dsigner, de son nom hbreu, et qui fait de ce Verbe-l llment central de toute thurgie28 (entendons avec Littr de toute production du divin). Et ce point Central-l nexclue en rien les autres recours ; simplement, il rappelle combien ils sont relatifs Hors lEcriture, quon dit alors sainte gageons au moins quelle convie cette saintet qui sied ltre de dsir : celle de la Vie luvre de Louis-Claude de Saint-Martin ne saurait tre nglige par le Martiniste, potentiel comme de fait. Certes, tout ny est pas gal ; mais pour ce qui est gnralement connu du grand public (lon pourra lenvi se replonger dans la Notice biographique sur Louis-Claude de Saint-Martin par Jean-BaptisteModeste Gence29), il y a l bien des perles rcuprer et cultiver Au premier rang, si lon veut un Saint-Martin encore proche de son premier matre, les tout premiers de ses ouvrages ; de fait, jusque vers 1782, jusque donc son Tableau Naturel. A cette poque encore (de fait au moins jusque vers 1790) le Philosophe inconnu accordait encore de lintrt la Chose (pour user de la terminologie martinsienne), et confrait avec quelques collgues en initiation30.Je rappellerai simplement ici le sens tymologique : dogme, du latin ecclsiastique dogma, emprunt au grec dogma, siginifie simplement opinion . 28 Je reviendrai plus loin sur cette importante notion. 29 Cette notice a t reprise en 1902 par Papus, ampute de lintroduction ainsi que lanalyse bibliographique, dans son ouvrage Louis-Claude de Saint-Martin. Sa vie. Sa voie thurgique. Ses ouvrages. Son uvre. Ses disciples (Dmter, Paris, 1988, p. 213-226). Lanalyse a toutefois t reproduite par le mme auteur, lanne suivante, dans le numro de fvrier 1903 de la revue LInitiation. Plus rcemment, la notice de Gence a t rdite intgralement en annexe au roman de Xavier Cuvelier-Roy, Sursum Corda, trois entretiens sur les sciences secrtes (Diffusion Rosicrucienne, Le Tremblay, 2003). 30 Entre 1767 et 1779 stablit une correspondance rgulire entre Jean-Baptiste Willermoz et Martines de Pasqually (BML, fonds Willermoz, Ms. 5471). Ces lettres proviennent des archives de la loge rectifie La Bienfaisance de Lyon, rcupres par Jean-Baptiste Willermoz. La quasi totalit des lettres de Martines (presque toutes adresses Willermoz, les autres dautres initis) ; pour certaines, cest Saint-Martin qui prendra la plume pour ce dernier, en tant que secrtaire particulier, une autre fois (sadressant aux frres de Paris) ce sera Willermoz. Papus a publi des extraits de cette correspondance en son ouvrage Martines de Pasqually. De son ct, Grard van Rijnberk, dans le second tome de son ouvrage Un Thaumaturge au XVIIIe sicle, Martinez de Pasqually, sa vie, son uvre, son ordre, (Lucien Raclet, Lyon, p. 71-167 ; Librairie Flix Alcan, Paris, 1935 pour la premire dition ; Georg Olms, 1982) a publi lintgralit de ces lettres, quil introduisit chaque fois par une brve analyse.27

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Dans son premier ouvrage public, Des erreurs et de la vrit ou les Hommes rappels au principe universel de la science, par un Ph... Inc... (Edimbourg, sic pour Lyon, 1775) Saint-Martin devait montrer ses contemporains la possibilit, dans la nature mme de lhomme, dune connaissance dune cause active et intelligente ; cause dont devaient dcouler allgories, mystres, institutions et lois. Ce faisant, il voulait contrer certaine philosophie quil considrait par trop matrialiste ; en tout cas insuffisamment voire anti spiritualiste. Dans son Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, lhomme et lunivers (Edimbourg, sic pour Lyon, 1782), il devait tirer, de la supriorit des facults de lHomme et de ses actes sur les organes des sens et sur ses productions, que lexistence de toute la Nature est le produit de puissances cratrices suprieures elle. Hlas ici-bas, lHomme est dans la dpendance des choses physiques, et il ne peut en avoir lide que par limpression quelles font sur ses organes. LHomme est tomb, y dit-il avec dautres ; et ce qui existait en principe immatriel a t sensibilis en des formes matrielles. Toutefois, lHomme a des notions dune autre classe, des ides de loi et de puissance, dordre et dunit, de sagesse et de justice, et il est autant dpendant de ses ides intellectuelles et morales que des ides tires des sens. Tout tend rentrer dans lUnit do tout est sorti. Et, si par suite de la Chute, les vertus ou facults morales et intellectuelles ont t partages pour lHomme , il doit travailler recouvrer son tat premier : objet de sa Rgnration. Cette Rgnration ne peut soprer quen vertu de lacte du Rparateur. Aprs, ce sera surtout vers la pense proprement saint-martinienne quon sorientera ; cette vision clairera nombre daspects de sa propre philosophie, ce qui devait conduire je parlai plus haut dadaptations aux formes actuelles du Martinisme tant il est vrai que sa marque y est omniprsente, quelque Ordre ou structure actuelle que lon considre et qui ait cette dnomination. Considrons alors lindication dun chemin possible nous trac, pour tre suivi, au travers dune suite de quatre livres-cls Cheminons donc voulez-vous ? au travers dune histoire possible (partant, un programme qui lui est offert) ltre de dsir, lhomme, la femme de bonne volont ; Martiniste peut-tre ; ce qui est sr, membre de la grande famille humaine.

Entre 1771 et 1790 stablit une correspondance rgulire entre Jean-Baptiste Willermoz et Louis-Claude de Saint-Martin (BML, fonds Willermoz, cote 5956). Papus la donne intgralement en son ouvrage, Louis-Claude de Saint-Martin. (op. cit., Chapitre II. Rfrences pour la vie de Saint-Martin, Correspondance indite de SaintMartin J.-B. Willermoz, p. 83- 209). Entre 1776 et 1785, stablit une correspondance rgulire entre Saint-Martin et plusieurs membres de la famille Du Bourg. Ces lettres ont t publies par Robert Amadou dans Lettres aux Du Bourg (1776-1785), mises au jour et publies pour la premire fois, avec une introduction et des notes critiques (Paris, 1977). Quelques-unes ont t reprises partiellement par Clment Tournier ( qui chut la plus grande partie des archives Du Bourg, lui confies par Gaston Du Bourg, arrire petit-fils de Mathias Du Bourg, le Conseiller) en appendice son ouvrage Mesmrisme Toulouse (Imprimerie Saint-Cyprien, Toulouse, 1911).

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Avec LHomme de dsir (Lyon, 1790), ce sont les lans de lme humaine qui voque son premier tat, et tend y retourner. Louvrage fut compos par Saint-Martin, durant ses voyages Strasbourg et Londres. Lavater a fait un loge distingu de cet ouvrage, comme tant lun des livres quil avait le plus got, quoiquil avoue ingnument, quant au fond de la doctrine, lavoir peu compris . Kirchberger de son ct, plus familiaris avec les principes de ce livre, le regarde, au contraire, comme le plus riche en penses lumineuses . Et lauteur mme convient quen effet il sy trouve des germes pars a et l, dont il ignorait les proprits en les semant, et qui se dveloppaient chaque jour pour lui, depuis quil avait connu Jacob Boehme . De fait cette premire tape insistera sur les aspirations qui doivent tre celles de ltre de Dsir que le Martiniste plus, tout homme, toute femme de bonne volont doit tre, et qui sont son arme principale, dans le dur combat quil livre icibas pour recouvrer ses vertus primitives. Deuxime tape sur le chemin, Ecce homo (Paris, Imprimerie du Cercle social, an IV - 1792), fait le constat de notre ralit ; lHomme est infirme et dchu, il succombe souvent un merveilleux de mdiocre qualit ; il convient de le sortir de l : mettre en garde contre les nouveaux prophtes et les fausses voies , tel est donc lobjet de louvrage : lHomme, image de Dieu est une Pense, et une Parole de Dieu ; il peut devenir une Action de Dieu. Cest Paris que lauteur devait crire ce livre, daprs une notion vive quil avait eue Strasbourg. Le Nouvel Homme (Paris, Imprimerie du Cercle social, an IV 1792), par sa parution, marque la troisime tape sur notre route. Cest ici plus une exhortation quun enseignement, et Saint-Martin devait lcrire Strasbourg sur le conseil du Chevalier Silverhielm, ancien aumnier du roi de Sude, et neveu dEmmanuel Swedenborg. LHomme, y lit-on, porte en lui une espce de texte dont sa vie entire devrait tre le dveloppement, parce que, selon lauteur, lme de lHomme est primitivement une pense de Dieu : do pour chacun la possibilit de retrouver la patrie Cleste. Le Ministre de lHomme-Esprit, (Paris, Migneret, an XI 1802), avec ses trois parties (De lhomme ; De la nature ; De la Parole), invite enfin, sorte daboutissement provisoire sur le chemin, rendre lHomme sa place et son rle premiers ici-bas. LHomme-Esprit (exerant un ministre spirituel) peut samliorer, et rgnrer luimme et les autres, en rendant la Parole lHomme et la Nature ; le progrs ne peut se faire sans lHomme, sans lHomme-Esprit. Cest dans cette Parole que lauteur puise la vie dont il anime ici sa pense. Cet ouvrage, crit Gence, quoique plus clair en gnral que les prcdents, est encore, dans plusieurs endroits, trop loign des ides humaines, pour tre pleinement conu et senti. La grande amlioration que le thosophe propose, consiste dans le dveloppement radical de notre essence intime .

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Quon le note une fois pour toutes, ici aussi les secours de lEcriture seront grands, tant le Philosophe inconnu y recourut, tant il y fit allusion. Et, puisque jvoque nouveau les Ecritures, par association dides, je ne puis ni saurais oublier ici, figurant galement au corpus saint-martinien (contexte y obligeant), le texte des Dix prires, composes par Louis-Claude de Saint-Martin ; certes, il en est dautres et combien ! qui ont diverses sources, et sont autant doutils (et tant pis si le mot est laid : il parle) de prdilection ltre de dsir, le Martiniste ici au premier chef ; et, de fait, la prire de constituer un moyen bel et bon duvrer ici-bas : La prire est la respiration de notre me nous dit Saint-Martin. Mais encore, celui qui voudra approfondir les Mystres de son premier matre, lvidence toujours, le Trait de la rintgration des tres dans leur premire proprit, vertu et puissance spirituelle divine (pour en donner ici le titre complet)31 ne saurait souffrir quon loublie ou nglige ! Mais, l encore, avec le support dune bonne connaissance du matriel biblique32 ; cadre et nature du texte y obligeant ! Dudit Trait, un peu plus dune dizaine de versions sont maintenant mises au jour, et entre elles, trois au moins sont depuis longtemps largement disponibles, et qui mritent quon sy attarde33. Que faut-il en somme au Martiniste pour travailler ? Pas grand-chose si lon y songe, puisque mme les rituels en usage dans nos groupes fort diversifis sont somme toute tout rcents et relatifs, eu gard lorigine voulue notre Ordre. Et, de fait, tout est l notre disposition, avec les textes aisment disponibles, avec le peu de moyens qui sont rellement requis Aussi, beaucoup travailleront selon un programme tabli sur la base des textes intressant notre histoire et notre doctrine, dont ceux prsents ci-dessus ; textes, qui pourront tre lobjet de commentaires, dune tude critique ; en un mot : tout ce qui contribuera nous familiariser sans cesse davantage avec notre matriel . Partant, on pourra lenvi chercher comment appliquer tout ceci notre propre existence, amliorer notre condition commune, rendre en un mot meilleur le monde o nous uvrons.

En sa rdition auprs de la Diffusion Rosicrucienne (Collection Martiniste, Le Tremblay, 1995 pour la version typographie), Robert Amadou titre : Trait sur la rintgration (Une version fac-simil est ainsi dsigne : Trait sur la rintgration des tres dans leur premire proprit, vertu et puissance spirituelle divine. Fac-simil du manuscrit autographe de Louis-Claude de Saint-Martin publi par Robert Amadou, mme diteur, 1993). 32 De fait le Trait couvre-t-il la Bible jusqu I Samuel (I Rois selon la Vulgate), XXVIII, avec lapparition du prophte Samuel. 33 Pour les diverses versions recenses ce jour : cf. Xavier Cuvelier-Roy, Des diverses ditions du Trait de (ou sur) la Rintgration des Etres , in Bulletin de la Socit Martins de Pasqually, n 17, 2007, p. 3 ; Dcouverte de deux nouveaux manuscrits du Trait sur la rintgration des tres , in Bulletin de la Socit Martins de Pasqually, n 20, 2010, p. 10. De mme, Michelle Nahon, Trait sur la rintgration des tres crs dans leur premire proprit, vertu et puissance spirituelle divine (AD de Lot et Garonne) , in Bulletin de la Socit Martins de Pasqually, n 20, 2010, p. 15 (suivi dune transcription partielle par Jean-Louis Boutin et Georges Courts, p. 19 et suiv.).

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Que lon considre ici, par exemple et pour rester sur notre note, le cas dun Saint-Martin, soit quil enseignait quelques mules de lOrdre, ainsi Lyon, entre 1774 et 1776, avec Jean-Baptiste Willermoz et Jean-Jacques du Roy dHauterive34 ; soit quil voulut fonder quelque petite cole 35 ; soit encore, quil tnt salon, comme il tait courant lpoque. Certes, au-del du corpus littraire ou scripturaire, il est encore des outils quon dira obligatoires , tant ils semblent communs tous les Martinismes depuis et avec Papus ; ainsi du Masque, ainsi du Manteau, ainsi de la Cordelire. Et l, nous avons un autre objet de travail : lapprofondissement du symbolisme propre chacun de ces ornements de liniti Martiniste ; quelque couleur quils aient selon les structures rencontres, quelque soit le moment o ils y sont donns, la bonne intelligence partant, un bon vcu de la voie Martiniste ncessite que lon sarrte ces lments de notre initiation. Ainsi, encore, du Pantacle (certes fort vari selon les groupes, mais qui nen prsente pas moins des constantes communes) qui orne nos Temples ou Loges, en mme temps quil est un support symbolique dune grande importance : ornement protecteur, lment dinstruction. Je le dis tout net, pas plus quil ntait question pour moi de faire tout lheure uvre dhistorien, il nest pas davantage question que jentre ici dans des considrations dordre symbolique ; je veux dire que mon intention nest pas, en cet opuscule qui nest que le simple tmoignage dun parcours, de faire pour le lecteur Martiniste le travail de rflexion sur les prsents lments de son initiation (et, pour le non-Martiniste, quel intrt y aurait-il le faire pour lui aussi ? sil devait le faire un jour, il le ferait lui-mme). Cest, encore une fois, ltre de dsir travailler : de lui-mme, et dabord pour lui-mme ; ensuite il pourra prtendre tre un modle pour ses semblables, voire une aide pour eux. Laboure donc ton champ sans relche, de lorient loccident et du nord au sud ; cest le vrai moyen de le rendre fertile , nous enseigne ainsi Saint-Martin dans son Portrait historique et philosophique. Les Leons ou Confrences de Lyon furent faites par Louis-Claude de Saint-Martin, Jean-Jacques du Roy dHauterive et Jean-Baptiste Willermoz aux disciples lyonnais (cf. BML : fonds Willermoz, Ms. 5476). Elles ont t publies par Antoine Faivre, sous le titre Les confrences des lus cohens de Lyon (1774-1776). Aux sources du rite cossais rectifi (Editions du Baucens, Braine-le-Comte, 1975) puis, par Robert Amadou, sous le titre Les Leons de Lyon aux Elus Cons. Un cours de Martinisme au XVIIIe sicle (Dervy, collection LEsprit des Choses, 1999). A signaler galement une publication par les soins de Gilbert Tappa : Jean-Baptiste willermoz, Instructions pour les Elus-Cohen, in Les Feuillets dHermopolis, Bulletin du Cercle Historique et Philosophique de Memphis et de Misram, Vol. II, 1999. 35 Ainsi, en sa lettre date de Paris, le 10 mai 1782, Saint-Martin crit Willermoz (cest moi qui souligne) : [] Tout le bien que vous me dites de M. de Virieu, T. Ch. M tre ne fait quaugmenter mes regrets davoir vcu si prs de lui sans quil me fut permis de le connotre. []. Malgr tous ces motifs et quoiquil soit admis parmi nous, quoique mme mon dessein subsiste dtablir Paris une petite cole, je vous prviens davance que je ne ly laisserai pas venir sans votre aveu 34

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Mais, y a-t-il ltre de dsir, au Martiniste en lespce, dautres voies de travail possibles ? Quelles voies, ds lors, pour le Martinisme ? pour paraphraser ici mon titre Il est vrai, de multiples courants existent (si diversit signifie souvent richesse, las ! cest quelquefois confusion), et qui ont chacun leur spcificit, leur vision et approche du Martinisme. Pour ne pas me perdre ici inutilement, je men tiendrai trois grandes approches, dont une a t assez expose prcdemment. De fait, la sensibilit davantage saint-martinienne semble-t-elle prvaloir dans lhorizon vaste du Martinisme moderne. Jy ai fait cho tout lheure, au travers du corpus propre au Philosophe inconnu, et je terminerai quant cette premire approche en renvoyant notamment lOrdre Martiniste proprement dit (de fait, via Philippe Encausse, la succession Emilio Lorenzo) dont lactivit et la qualit des travaux ne sont plus dmontrer36. Voie damour ; daucuns diront voie cardiaque (comme si les autres en taient dpourvues !) En tout tat de cause, quelque voie particulire quon y suive, quelque sensibilit particulire quon y manifeste, le trait commun tous les Martinismes (quon me permette ici le pluriel) : mon sens, lAmour de la Cration en ses cratures et leur Crateur (mais ce nest certes pas l, ni sa spcificit, ni son exclusivit !), et le sentiment quil est lHomme ici-bas (do quil soit aprs tout) ncessaire de contribuer chacun sa mesure et selon ses moyens luvre divine Oh ! certes, je le sais et le sens bien : le mot est fort, et combien lide peut tre connote ! Alors, tentons de prciser. Cest ici vouloir dire et cest un trait commun tous les Martinismes, entre autres voies daction et de ralisation quil incombe lHomme ici-bas de veiller maintenir des conditions harmonieuses de vie : cela pour la Collectivit ; veiller samliorer sans cesse, parfaire loutil que constituent et son corps et son intellect (jy inclus la totalit de ce qui nous constitue : corps, me et esprit le Martinisme est rsolument spirituel) ; cela pour lui-mme : quand lhomme de dsir travaille sur soi, il travaille rellement pour les autres hommes, puisquil sefforce et concourt par l leur montrer dans sa puret limage et la ressemblance de Dieu, et que cest la connaissance de cette image et de cette ressemblance dont ils ont exclusivement besoin , telle est la parole de Saint-Martin en son Ministre de lHommeEsprit. Et, cet ici-bas que jvoque ici, nest pas davantage une prison quil nest une punition : cest notre seul lieu daction matrielle possible : l o agir sur ce plan, pour en dfinitive participer, sinon parfaire, du moins maintenir luvre de Cration dans des conditions qui soient pour user du terme bnfiques tous. Et toute vraie thurgie est lJe le mentionne ici, parce que je le connais bien pour y participer rgulirement comme invit, et parce quil est de la mme rgion gographique que lorigine du prsent opuscule, le groupe Discernement (de lOrdre Martiniste) se fait un devoir de travailler de manire rgulire depuis plusieurs annes, et particulirement sur les ouvrages de Louis-Claude de Saint-Martin. Par ailleurs, les forums Matres Passs (ouvert tous : http://fr.groups.yahoo.com/group/maitrespasses/) et Matre Inconnu (rserv aux Martinistes : http://fr.groups.yahoo.com/group/maitreinconnu/) essaient de constituer une vitrine de nos travaux et objectifs tout en tant indpendants de quelque Ordre en particulier.36

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Cest ainsi quune deuxime approche en fait, la premire historiquement ressortit la pratique de la thurgie des Elus Cohens, en un mot des pratiques rituelles dordre crmoniel. Et il faut ici prendre le temps de quelques explications pour ne pas tomber dans lerreur ou la caricature. Cest quon a dit et fait dire tant de choses sur le sujet ; cest, sans doute l plus quailleurs, quon a tant glos, spcul et affabul sur la chose , quon a maintes fois dans lhistoire rcente vu des adaptations qui taient bien trangres lesprit initial. Quest-ce alors que la thurgie, telle que pense et mise en uvre dans lOrdre instaur alentour 1760 par Martines de Pasqually ? Certes la thurgie peut efficacement tre internalise (quon me pardonne ce barbarisme), tre ce point intgre lessence de ltre que le cur y suffit ; notamment par la prire et ses vrais secours. Cest l quon retrouve notamment un Louis-Claude de Saint-Martin ; l quon trouvera cette voie dite cardiaque (jy reviens), encore dite interne , tant elle tient lintime ; l encore que lon trouvera luvre dun Jacob Boehme, si cher plus tard au Philosophe inconnu et qui tend au dpouillement, la simplicit des actes, pour ne plus sattacher quaux secours du cur Du cur, mais dun cur qui soit Intelligence et Sagesse, non point sensiblerie vaine et strile. Considrons alors ce que nous dit Saint-Martin en son Nouvel Homme : il y a deux portes dans le cur de lhomme ; lune infrieure, et par laquelle il peut donner lennemi laccs de la lumire lmentaire, dont il ne peut jouir que par cette voie ; lautre, suprieure, et par laquelle il peut donner lesprit renferm avec lui laccs la lumire divine qui ne peut icibas lui tre communique que par ce canal. Tout est dit l, quant au cur comme organe vraiment central dune action suprieure possible : ds lors que le dsir est l, convenablement nourri et dirig Pour autant, jy reviens, il reste quil est ltre de dsir dautres moyens galement efficaces doprer (pour reprendre le terme ; et il parle !) ici-bas. Et les pratiques crmonielles ressortissant (entre autres) lOrdre des Chevaliers Maons Elus Cohens de lUnivers (pour donner ici le nom complet de lOrdre instaur par Martines de Pasqually) ont cette vocation. Donner au mineur spirituel quest lHomme ici-bas de recontacter le Monde do il mane ; lui permettre de, pas pas, rtablir un lien qui saura le guider sur le chemin du Retour : la Rintgration ; voil sommairement le but ultime de lOrdre et des moyens quil propose.

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Partant, des outils lui sont donns, qui lui permettent lui rendent possible, sinon facile ce chemin-l ; et, chemin faisant, qui lui permettent dagir ds ici-bas, et pour lui-mme, et pour le bnfice de la Collectivit des hommes, ses frres en lHumanit. En un mot, des outils pour oprer finalement sa Rintgration, en mme temps que celle de ses semblables, les autres hommes au bnfice desquels il uvre galement. De fait y a-t-il l une vritable liturgie, qui est celle de lElu Cohen : un vrai culte opratif rparateur notamment qui simpose lui, et qui est de tous les instants : chaque anne, chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, chaque moment, le principe suprieur te et rend les puissances aux tres nous dit Saint-Martin en son Tableau Naturel. On pourra gloser indfiniment sur la nature exacte de cette liturgie, de ce culte ; mme historiquement au moins lvidence bas sur les pratiques romaines, il nen reste pas moins vrai que lune et lautre se situent bien en dehors (non point contre) de toute Eglise constitue : lune et lautre nentrent pas mme en opposition avec lEglise ; simplement, cest l une autre manire dagir pour le bien le bnfice public (ce qui est proprement liturgie). Aucune autre prtention historiquement fonde : ni constituer une Eglise secrte, ni prenniser le culte historique de lIsral biblique. LElu Cohen agit opre s qualit ; pour le reste, il y a les Ministres officiels qui ont leurs pleine justification et leur pleine utilit. Oprer ai-je dit plus haut ! Le mot parle en effet Cest que, sur le chemin du Retour, notre grande affaire comme a dit Saint-Martin, notre action ncessaire passe par ce quon pourrait qualifier au sens propre une action thrapeutique. De fait, lHomme a-t-il maintenir des conditions harmonieuses en ce Monde ai-je dit plus haut. Tout homme, toute femme, il est vrai ; en soi-mme et autour de soi-mme. Mais, dfaut, au moins les tres de dsir. Que le Martiniste quelque manire quil ait dagir ait toujours ce souci-l prsent au cur et lesprit ! Et, l encore, des moyens sont offerts lElu Cohen. Voil pour les deux premires approches, quon pourrait mmement qualifier de Martinistes , au double-sens historique et moderne du vocable. Et sil est vrai que ces deux approches ont de fait bien des lments communs ( commencer par le but), sil est vrai quon peut chercher y marier le meilleur des deux37, il nempche, il convient de ne pas les fondre sans discernement, au risque de perdre et la spcificit et le bnfice de lune et lautre.Et tel a t, entre autres, le souhait de Robert Ambelain, cependant quil devait rformer certain Martinisme pour fonder (en 1968) lOrdre Martiniste Initiatique, lequel devait proposer une pratique de la thurgie Cohen adapte nos poque et condition . Plus rcemment (depuis 2007 environ) il convient de mentionner la Grande Loge Martiniste Initiatique (GLMI), qui, avec lOrdre de Josu qui lui est associ, propose ses membres une double-voie mene en parallle : Martiniste et Elu-Con. Je mentionnerai de mme lexistence (depuis 2000) du Collge Tiferet, qui a vocation a perptuer un Martinisme de filiation russe dont il est issu (avec prsence dune composante Elu Cohen), et (depuis 2010), issu de ce dernier, la mise en activit dun Temple Elu Cohen restituant les Grades Cohens dans leur cadre strictement maonnique, et ce en totale indpendance du Martinisme.37

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Troisime et dernire voie dapproche que je signalerai simplement ici sans my tendre, ce que Papus a qualifi de Willermozisme ; entendons plus exactement lOrdre Rectifi, ou le Rgime Ecossais Rectifi, au sein de la Franc-Maonnerie qui doit beaucoup JeanBaptiste Willermoz (1730-1824). De fait, on a pu le voir plus haut, cest davantage l quil faudrait chercher les sources du Martinisme russe : chez nos Frres russes lpoque, qui voulurent incorporer certains aspects de lenseignement de Louis-Claude de Saint-Martin leur pratique maonnique. Quant au fonds martinsien de la doctrine de lOrdre Rectifi, il nest, par exemple, qu se reporter louvrage dAntoine Faivre sur La Franc-Maonnerie Templire et Occultiste aux XVIIIe et XIXe sicles38. Ce nest pas une voie que je pratique, et tant dautres ont parl avec qualit l-dessus, commencer par Jean Tourniac en son ouvrage Principes et problmes spirituels du Rite Ecossais Rectifi et de sa chevalerie templire39. En conclusion Que dire de plus ici que ce que jai dj dit plusieurs fois en cette petite tude ? Nulle autre prtention que celle dun tmoignage : celui dun Martiniste certes, dun Maon aussi, qui sans tre aveugl par ses outils (au point de sillusionner) nen demeure pas moins convaincu quil est lHomme ici-bas quelque devoir accomplir, quelque but atteindre ; et quil est pour lui des moyens daccomplir sa tche. Alors, en route au travail quelle que soit la manire dont on souhaite aborder notre ouvrage

Nahoum, achev le 12 novembre 2010, jour de la saint Martin Ier Il ny a que linaction qui donne jour lorgueil. (Louis-Claude de Saint-Martin, Mon Livre vert, n 6)

2 Tomes, La Table dEmeraude, Paris, 1987. A noter que le tome 2 donne en appendice l Instruction secrte des Grands Profs (op. cit., p. 1021), grade terminal de lOrdre o lon constate maints chos de la doctrine martinsienne sur la Rintgration, et les moyens qui sont offerts lHomme cette fin. 39 Dervy-Livres, coll. Franc-Maonnerie traditionnelle, Paris, 1985 (1969 pour la premire dition).

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Lille, novembre 2010