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LE DEVOIR, LES SAMEDI 5 ET DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2011 INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES L’État devient un instrument majeur de rattrapage économique Page 2 Elles sont 700 personnes au service de la députation Page 7 Deux travailleurs sur cinq étaient syndiqués dans les années 1970 Page 8 CAHIER G SOURCE CHRISTIAN CHEVALIER ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC L’Assemblée nationale du Québec NORMAND THÉRIAULT U n vent contestataire souffle sur tout l’appareil politique. Et les té- nors du néolibéralisme ne peu- vent que se réjouir: ils en sont même arrivés à convaincre de larges pans des populations que le slogan du passé, ce «no government is better go- vernment», établit la meilleure forme de gestion des affaires citoyennes. Et s’il survient une crise économique qui a mis à mal toutes les démocraties occidentales, cela s’ex- pliquerait toutefois par l’avidité de quelques-uns et ne devrait d’aucune façon remettre en question le laisser-faire qui autorise toute initiative individuelle. Et la crise qui s’ensuit favorise même tous les excès de déréglementation: qu’aurait à dire le «bon peuple» contre toute mesure qui favorise la créa- tion d’emplois? En fait, sur ce sujet, qui nous dit, dé- clare plus d’un, que ce «réchauffement climatique» et autres épouvantails ne sont tout simplement pas des élucubrations de gauchistes ou encore n’ont pas été générés par ces autres penseurs généreuse- ment entretenus par des universités qui, on le sait, vivent aux crochets de l’État? Le Québec démocratique vit des jours troubles. Se fie-t-on aux divers sondages et aux résultats d’élections qu’on en arrive à des constats effarants: des majorités absolues sont accordées à des incon- nus et un parti non fondé est porté au pouvoir sans qu’il y ait des candidats qui le soutiennent et au mo- ment où il ne proclame rien d’autre qu’une volonté de faire dans des secteurs bien précis. Quant aux personnes en poste, elles posent problème: le Québec électeur ne veut plus de son premier ministre et l’opposition officielle doute fort de sa chef de parti. Et, dans les autres secteurs de la gestion publique, on a vu plus d’un scandale ébranler le monde municipal, et même l’appareil syndical connaît des ratés, quand c’est tout l’univers de la construction et des vastes pro- grammes d’infrastructure qui semble gangrené par des collusions qui favorisent certains groupes d’intérêt. Réussites institutionnelles Pourtant, oublierions-nous que le Québec mo- derne a été fait par la mise en place d’une vaste stratégie institutionnelle? Que serions-nous sans Hydro-Québec? Comment se comporterait l’éco- nomie québécoise sans la Caisse de dépôt et les divers fonds corporatifs et fonds de travailleurs? Quel serait l’état du monde de l’éducation sans les universités et ces cégeps qui sont des acteurs majeurs en région? Et ce ne sont là que les institutions les plus vi- sibles. Pouvons-nous en fait concevoir un Qué- bec où il n’y aurait plus de régime d’assurance maladie, de Régie des rentes, de Commission de la santé et de la sécurité du travail, voire de gar- deries à 5 $ ou 7 $ ou 12 $, sans parler des socié- tés de transport publiques ou des corps intermé- diaires qui permettent aux régions de faire en- tendre leurs voix prêchant pour leur survie? Corriger Certains font fi de tout cela. D’autres proposent des mesures correctives. On dira qu’un coup de balai s’impose pour empêcher les excès de pouvoir quand, à l’opposé, un doyen de la chose et une jeune qui s’affiche comme représentante de sa gé- nération décrivent la situation actuelle, le cynisme affiché, comme un mouvement temporaire. «Je pense que les institutions actuelles ré- pondent plutôt bien aux désirs des citoyens», déclare donc Éric Montpetit, directeur de la Faculté des sciences politiques de l’Uni- versité de Montréal, quand Mélanie Joly voit le temps actuel comme le prélude d’une autre «Révolution tranquille»: «Les gens sont convaincus qu’ils n’ont pas d’im- pact sur leur société. Pourtant, si demain on décide de lancer un projet qui nous tient à cœur, on peut le fai- re. Ça ne dépend que de chacun. De petits gestes peu- vent avoir un énorme impact.» À qui la faute? Cela dit, il faut admettre qu’il y a un malaise. Un ancien ministre de l’actuel gouvernement québécois dira ainsi que les pouvoirs que la Constitution accorde au premier ministre sont excessifs: il est un «empereur». Un autre, ancien ténor du Parti québécois, dénonce que, dans les faits, les partis ne respectent pas les volontés des électeurs et un fédéraliste ne pourra que souli- gner qu’il y a un désengagement des gens. Pourtant, si la démocratie va mal, est-ce la faute de son programme institutionnel ou de l’utilisation, voire de la manipulation, qu’en font ceux qui nous gouvernent? Et, à tout confondre, ne risque-t-on pas de laisser le pouvoir à ceux qui préfèrent agir dans l’ombre et imposer au grand nombre des mesures qui ne favorisent en fait que leur intérêt personnel? Que le pouvoir corrompt, cela a été prouvé. Que les machines électorales, dont l’existence explique qu’un Bush ou un Cheney ont encore la cote au sud de nos frontières, que ces machines n’ont d’autre raison d’être que de perpétuer ce qui les autorise, cela est, quand d’autre part la population électorale ne veut pas nécessairement un changement, mais la mise en fonction de ce qui existe déjà: qui réclame une commission d’enquête sur la construction? Qui veut que la lumière soit faite sur les dossiers obscurs? Et si on voulait comprendre que l’As- semblée nationale a toujours sa raison d’être, qu’il suffise pour cela de constater comment un parti politique, avec un seul candidat élu, a au Québec une influence grande, occupant un espace beau- coup plus vaste que celui défini par son siège de député. Il y a des jours où la démocratie fonction- ne. Et alors, les institutions ont leur raison d’être. Le Devoir Jours troubles en terre québécoise « Les gens sont convaincus qu’ils n’ont pas d’impact sur leur société » Il y a crise. Le Canada de Harper n’est pas le Canada des Québécois. Le Québec de Charest est rejeté par la grande majorité de ses électeurs. Et aux États-Unis, le Parti républicain et son aile réactionnaire qu’est le Tea Party bloquent systématiquement tous les projets déposés par un président démocratiquement élu. Et l’Europe remet en cause le fonctionnement de l’appareil politique. Et vote-t-on une résolution à l’UNESCO qu’on le fait au risque de voir le financement de l’organisme être mis à mal. Y a-t-il donc un problème avec les institutions démocratiques? Il y a des jours où la démocratie fonctionne. Et alors, les institutions ont leur raison d’être. QUEBEC ACTUEL

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1

INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUESL’État devient un instrument majeur de rattrapage économiquePage 2

Elles sont 700 personnes au service de la députationPage 7

Deux travailleurssur cinq étaientsyndiqués dans les années 1970Page 8

CAHIER G

SOURCE CHRISTIAN CHEVALIER ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC

L’Assemblée nationale du Québec

N O R M A N D T H É R I A U L T

U n vent contestataire souffle surtout l’appareil politique. Et les té-nors du néolibéralisme ne peu-vent que se réjouir: ils en sontmême arrivés à convaincre delarges pans des populations que

le slogan du passé, ce «no government is better go-vernment», établit la meilleure forme de gestiondes affaires citoyennes.

Et s’il survient une crise économique qui a mis àmal toutes les démocraties occidentales, cela s’ex-pliquerait toutefois par l’avidité de quelques-uns etne devrait d’aucune façon remettre en question lelaisser-faire qui autorise toute initiative individuelle.Et la crise qui s’ensuit favorise même tous les excèsde déréglementation: qu’aurait à dire le «bonpeuple» contre toute mesure qui favorise la créa-tion d’emplois? En fait, sur ce sujet, qui nous dit, dé-clare plus d’un, que ce «réchauffement climatique»et autres épouvantails ne sont tout simplement pasdes élucubrations de gauchistes ou encore n’ontpas été générés par ces autres penseurs généreuse-ment entretenus par des universités qui, on le sait,vivent aux crochets de l’État?

Le Québec démocratique vit des jours troubles.Se fie-t-on aux divers sondages et aux résultats

d’élections qu’on en arrive à des constats effarants:des majorités absolues sont accordées à des incon-nus et un parti non fondé est porté au pouvoir sansqu’il y ait des candidats qui le soutiennent et au mo-ment où il ne proclame rien d’autre qu’une volontéde faire dans des secteurs bien précis.

Quant aux personnes en poste, elles posentproblème: le Québec électeur ne veut plus deson premier ministre et l’opposition officielledoute fort de sa chef de parti. Et, dans les autressecteurs de la gestion publique, on a vu plus d’unscandale ébranler le monde municipal, et mêmel’appareil syndical connaît des ratés, quand c’esttout l’univers de la construction et des vastes pro-grammes d’infrastructure qui semble gangrenépar des collusions qui favorisent cer tainsgroupes d’intérêt.

Réussites institutionnelles Pourtant, oublierions-nous que le Québec mo-

derne a été fait par la mise en place d’une vastestratégie institutionnelle? Que serions-nous sansHydro-Québec? Comment se comporterait l’éco-nomie québécoise sans la Caisse de dépôt et lesdivers fonds corporatifs et fonds de travailleurs?Quel serait l’état du monde de l’éducation sansles universités et ces cégeps qui sont des acteursmajeurs en région?

Et ce ne sont là que les institutions les plus vi-sibles. Pouvons-nous en fait concevoir un Qué-bec où il n’y aurait plus de régime d’assurancemaladie, de Régie des rentes, de Commission dela santé et de la sécurité du travail, voire de gar-deries à 5 $ ou 7 $ ou 12 $, sans parler des socié-tés de transport publiques ou des corps intermé-diaires qui permettent aux régions de faire en-tendre leurs voix prêchant pour leur survie?

CorrigerCertains font fi de tout cela. D’autres proposent

des mesures correctives. On dira qu’uncoup de balai s’impose pour empêcherles excès de pouvoir quand, à l’opposé,un doyen de la chose et une jeune quis’affiche comme représentante de sa gé-nération décrivent la situation actuelle, lecynisme affiché, comme un mouvementtemporaire.

«Je pense que les institutions actuelles ré-pondent plutôt bien aux désirs des citoyens»,déclare donc Éric Montpetit, directeur dela Faculté des sciences politiques de l’Uni-versité de Montréal, quand Mélanie Jolyvoit le temps actuel comme le préluded’une autre «Révolution tranquille»: «Lesgens sont convaincus qu’ils n’ont pas d’im-pact sur leur société. Pourtant, si demain on décide delancer un projet qui nous tient à cœur, on peut le fai-re. Ça ne dépend que de chacun. De petits gestes peu-vent avoir un énorme impact.»

À qui la faute?Cela dit, il faut admettre qu’il y a un malaise.

Un ancien ministre de l’actuel gouvernementquébécois dira ainsi que les pouvoirs que la

Constitution accorde au premier ministre sontexcessifs: il est un «empereur». Un autre, ancienténor du Parti québécois, dénonce que, dans lesfaits, les partis ne respectent pas les volontés desélecteurs et un fédéraliste ne pourra que souli-gner qu’il y a un désengagement des gens.

Pourtant, si la démocratie va mal, est-ce la fautede son programme institutionnel ou de l’utilisation,voire de la manipulation, qu’en font ceux qui nousgouvernent? Et, à tout confondre, ne risque-t-on pasde laisser le pouvoir à ceux qui préfèrent agir dansl’ombre et imposer au grand nombre des mesures

qui ne favorisent en fait que leur intérêtpersonnel?

Que le pouvoir corrompt, cela a étéprouvé. Que les machines électorales,dont l’existence explique qu’un Bush ouun Cheney ont encore la cote au sud denos frontières, que ces machines n’ontd’autre raison d’être que de perpétuer cequi les autorise, cela est, quand d’autrepart la population électorale ne veut pasnécessairement un changement, mais lamise en fonction de ce qui existe déjà: quiréclame une commission d’enquête sur laconstruction? Qui veut que la lumière soitfaite sur les dossiers obscurs?

Et si on voulait comprendre que l’As-semblée nationale a toujours sa raison d’être, qu’ilsuffise pour cela de constater comment un partipolitique, avec un seul candidat élu, a au Québecune influence grande, occupant un espace beau-coup plus vaste que celui défini par son siège dedéputé. Il y a des jours où la démocratie fonction-ne. Et alors, les institutions ont leur raison d’être.

Le Devoir

Jours troubles en terre québécoise«Les gens sont convaincus qu’ils n’ont pas d’impact sur leur société»

Il y a crise. Le Canada de Harper n’est pas le Canada des Québécois. Le Québec de Charest estrejeté par la grande majorité de ses électeurs. Et aux États-Unis, le Parti républicain et son aileréactionnaire qu’est le Tea Party bloquent systématiquement tous les projets déposés par unprésident démocratiquement élu. Et l’Europe remet en cause le fonctionnement de l’appareilpolitique. Et vote-t-on une résolution à l’UNESCO qu’on le fait au risque de voir le financementde l’organisme être mis à mal. Y a-t-il donc un problème avec les institutions démocratiques?

Il y a desjours où ladémocratiefonctionne.Et alors, lesinstitutionsont leurraison d’être.

QUEBEC ACTUEL

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1G 2

I N S T I T U T I O N S

M A R T I N E L E T A R T E

L es Québécois ne votent pas en grandnombre aux élections. Beaucoup se désen-

gagent et deviennent cyniques. Plusieurs élusproposent de se rapprocher des gens et de ré-former les institutions démocra-tiques. On parle notamment de chan-ger le mode de scrutin. Est-ce que cesera suf fisant pour renverser la va-peur? Jean-Claude Rivest n’est pasconvaincu.

«Je n’ai pas d’objection à ce qu’on re-garde par exemple le mode de scrutin,affirme-t-il. Par contre, je ne crois pasque ce soit le grand problème», affirmele sénateur, qui a participé le mois der-nier à une soirée tenue à l’École natio-nale d’administration publique (ENAP)ayant eu pour thème «Le Québec et sesinstitutions, un modèle à redéfinir?»

Il croit que l’un des problèmes majeurs auQuébec, c’est le manque de discours politiquemobilisateur. «Tous les par tis politiques auQuébec ont en ce moment énormément de dif fi-culté à trouver une ligne mobilisatrice. Cette in-capacité à mobiliser met énormément de pres-sion sur les institutions démocratiques. Les genspensent qu’elles ne marchent pas.»

Des enjeux mondialisésPourtant, Jean-Claude Rivest a le sentiment

que le Québec dispose d’un arsenal d’institu-tions démocratiques assez exceptionnel.

«Il y a l’Assemblée nationale avec toute la pra-tique des commissions parlementaires. Les genspeuvent s’y exprimer selon leur vision. Il y a unbon éventail de partis politiques, de gauche àdroite, et ils ont un écho. Il y a aussi toutes leschartes des droits qui donnent des possibilités im-menses aux individus. C’est dif ficile de trouver

autant d’institutions démocratiques ailleurs», affirme-t-il.

Un autre grand problème aux yeux du séna-teur, qui a été député libéral de Jean-Talon,puis conseiller politique de Robert Bourassa,c’est que plusieurs grandes décisions qui ontun impact majeur sur la société échappent deplus en plus au contrôle des gouvernements.«C’est ainsi au Québec et dans dif férents pays,précise-t-il. Par exemple, sur le plan écono-mique, la Grèce et Lehman Brothers (unebanque d’investissement américaine qui a faitfaillite en 2008 à la suite de la crise financière)ont eu beaucoup plus d’impact sur les REER desCanadiens que les bons ou les mauvais coups

du gouvernement Harper. Le monde fi-nancier est mondialisé.»

Jean-Claude Rivest croit que la po-pulation sent cette réalité. «Les gens sedisent: À quoi bon changer de gouver-nement si en réalité, il n’a pas de véri-table impact? Plusieurs se disent doncque ça ne vaut pas la peine d’aller voter.»

Le sénateur Rivest remarque quec’est la même chose avec la délocali-sation des emplois dans la province.«Les gouvernements disent qu’ils met-tent le cap sur la création d’emplois,

mais ils n’ont pas de contrôle sur la délocalisa-tion», affirme-t-il.

Le sénateur croit aussi que le désengage-ment de la population s’explique par la com-plexité des systèmes établis au Québec. «Lesystème d’éducation et le système de santé auQuébec sont des immenses machines très com-plexes. Pour les faire bouger réellement, c’est ex-trêmement dif ficile, qu’on soit d’un par ti oud’un autre.»

Il donne pour exemple des urgences dansles hôpitaux québécois. «Depuis 15-20 ans, lesministres de la Santé tentent d’améliorer leschoses. La plupartétaient doués, mais on vit en-core des problèmes. Quand Bourassa et Caston-guay ont décidé de mettre en place l’assurance-maladie, le lendemain, ils passaient la loi et lesgens ne payaient plus pour leurs soins de santé!Les citoyens voyaient des solutions rapides etconcrètes se mettre en place», raconte Jean-Claude Rivest.

Le Québec dispose d’un arsenal Le désengagement de la société est profond, mais rien n’est

P I E R R E V A L L É

«I l y a d’abord eu un important changementdans le rôle de l’État. Auparavant, en ma-

tière économique, l’État était généralement at-tentiste. Mais la Révolution tranquille et le re-nouveau d’idées qu’elle a amené ont fait en sorteque l’État est devenu un instrument majeur durattrapage économique du Québec, d’où une pré-sence plus accrue de l’État dans les affaires éco-nomiques», rappelle d’entrée de jeu Claude Sé-guin. Économiste et spécialiste en administra-tion publique, M. Séguin a longtemps œuvrécomme grand commis au sein de l’État québé-cois, notamment au ministère des Finances etau Conseil du trésor. Il travaille maintenantdans le secteur privé.

Bien qu’officiellement fondée en 1944 sousle gouvernement Godbout, Hydro-Québec de-vient, lors de la nationalisation de l’électricité,la première véritable institution économiquede l’État québécois. «Il y avait plusieurs raisonsde nationaliser l’électricité et d’en confier la pro-duction et la distribution à Hydro-Québec. Onvoulait d’abord assurer une distribution unifor-me de l’électricité sur le territoire québécois. En-suite, on jugeait que les entreprises privéesn’avaient ni la capacité ni l’intérêt de l’exploiterhors de leurs régions. Pourquoi aller sur la Côte-Nord lorsqu’on peut exploiter la rivière Saint-Maurice? Et, finalement, on considérait queseule une société de grande taille, comme pou-vait l’être Hydro-Québec une fois les entreprisesprivées absorbées, pouvait trouver le finance-ment nécessaire aux grands projets hydro-élec-triques, comme Manic 5 ou le développement dela baie James.»

La Caisse de dépôt et placementLa seconde institution économique majeure

à voir le jour est la Caisse de dépôt et place-ment du Québec, créée en 1965. «Le gouverne-ment Lesage a profité de l’accord fédéral-provin-cial créant le Régime des rentes du Canada etdu Québec pour mettre en place la Caisse de dé-

pôt et placement. On voulait ainsi faire en sorteque les cotisations au Régime des rentes du Qué-bec échappent à ce qu’on appelait à l’époque lesyndicat financier. De plus, on avait la convic-tion que la création d’une telle caisse augmente-rait la capacité d’emprunt de la province. Dès ledépart, dans la loi qui l’a créée, la Caisse de dé-pôt et placement se voit dotée d’un double man-dat: obtenir le meilleur rendement possible surles cotisations des membres et participer au dé-veloppement économique du Québec.»

Les sociétés d’investissement et lessociétés d’exploitation

Mais l’État québécois va même plus loin, puis-qu’il met en place, dès 1962, la Société généralede financement (SGF), dont l’un des mandats estde rendre accessible un certain financement auxentreprises québécoises. «La Société générale definancement est une véritable société de finance-ment industriel et l’un de ses mandats est d’amélio-rer la base industrielle du Québec.»

Après la création de la SGF, l’État québécoisne s’arrête pas là pour autant et crée une sériede sociétés d’investissement, chacune œuvrantdans un secteur industriel précis. Ainsi naissentdes sociétés comme REXFOR, dans le domainedes terres et forêts, la SOQUEM, dans le do-maine des mines, et la SOQUIA, dans le domai-ne de l’agriculture et de l’agroalimentaire, pourn’en nommer que quelques-unes. «Presque tousles secteurs économiques ont eu leur société d’in-vestissement, de l’aluminium à la pétrochimie enpassant même par l’automobile. Leur mandatétait spécifique, contrairement à celui de la SGF,qui était plus général.»

Qu’en reste-t-il ?Apparaîtront, au cours des années suivantes,

une nouvelle série de société d’État, celles-ci étantpar contre des sociétés d’exploitation. «C’est la pé-riode de Sidbec, de la Société nationale de l’amian-te, de Madelipêche, de Québecair, etc. L’État québé-cois est le propriétaire majoritaire de ces entrepriseset en contrôle le fonctionnement.»

Les sociétés d’exploitation furent les pre-mières à disparaître. «Plusieurs de ces sociétésd’exploitation ont connu d’importantes pertes.Le gouvernement Bourassa, au milieu des an-nées 1980, a choisi de presque toutes les privati-ser. On avait alors compris que l’État n’est pastoujours le mieux placé pour se livrer à des acti-vités commerciales. Son rôle consiste à inciteret à accompagner le secteur privé, plutôt que des’y substituer.»

Restent encore dans le décor certaines so-ciétés d’État commerciales, telles Loto-Qué-bec et la Société des alcools du Québec.«Mais, avant d’être des sociétés commerciales,la SAQ et Loto-Québec sont d’abord des mono-poles fiscaux.»

Quant aux sociétés d’investissement secto-riel, comme REXFOR et autres, elles onttoutes été intégrées à la SGF en 2000, sous legouvernement Landry. Récemment, le gouver-nement Charest a choisi de fusionner la SGFavec Investissement Québec, de sor te qu’il

n’existe maintenant qu’une seule société d’in-vestissement étatique, soit InvestissementQuébec.

Restent donc dans le paysage québécoisdeux sociétés étatiques héritées de la Révolu-tion tranquille, soit Hydro-Québec et la Caissede dépôt et placement du Québec. «Évidem-ment, Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et pla-cement suscitent périodiquement des débats pu-blics. Hydro-Québec est-elle aussi ef ficace qu’au-paravant? La Caisse de dépôt et placement s’est-elle égarée au fil des ans et a-t-elle trahi sadouble mission d’origine? Ce type de questionne-ment est tout à fait normal. Ce qui était unebonne idée il y a 50 ans l’est-il encore aujour-d’hui?», conclut Claude Séguin.

Mais poser cette question n’invalide pasl’importante contribution qu’ont apportée audéveloppement économique du Québec cessociétés d’État.

Collaborateur du Devoir

L’héritage des années 1960

La Belle Province se construitAu temps de la Révolution tranquille, «l’État est devenu un instrument majeur du rattrapage économique»

LE DEVOIR

Le barrage Daniel-Johnson et la centrale Manic-5 sur la Côte-Nord, en 1960

C’est à compter de la Révolution tranquille que l’État québécois a commencé à mettre en pla-ce ses propres institutions économiques. Au fil des ans, ces sociétés étatiques se sont multi-pliées. Aujourd’hui, si plusieurs d’entre elles ont disparu, certaines existent encore. Brefsurvol historique de ces institutions.

Acteur et observateur privilégié de la vie poli-tique, le sénateur Jean-Claude Rivest re-marque que plusieurs éléments font en sorteque le désengagement de la société québécoi-se est profond. Il ne perd toutefois pas espoirqu’un revirement de situation soit possible.

Jean-ClaudeRivest

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1 G 3

I N S T I T U T I O N S

Le sénateur croit qu’aujourd’hui les gouverne-ments agissent, mais que beaucoup de choseséchappent à leur pouvoir. «Pour ce qui est des ur-gences, les ministres de la Santé doivent composeravec les conventions collectives, avec le manque depersonnel, etc. C’est dif ficile de faire bouger leschoses, et les gens ne voient pas rapidement les résul-tats, donc ils ne vont pas voter», remarque-t-il.

Enfin, le sénateur remarque que bien des gensqui en ont les moyens financiers se désengagentdes débats. «Ces gens ont bénéficié du systèmed’éducation et d’une augmentation des salaires. Il ya eu des progrès extraordinaires de la société. Cesavancées ont donné les moyens à plusieurs citoyensde vivre leur vie confortablement sans se soucier desdébats publics. Ils se sont “paquetés” dans les ban-lieues, envoient leurs enfants à l’école privée et sesont désengagés», décrit-il.

Pistes de solutionsC’est tout ce contexte politique qui fait en sorte,

d’après Jean-Claude Rivest, que bien des Québé-cois sont devenus cyniques. «Cela ne signifie pasqu’il n’y a rien à faire pour améliorer nos institutionsdémocratiques, mais il faut être prudent. Un systèmeproportionnel signifie une multitude de partis, des

coalitions, de l’arbitrage quotidien, etc. Pour faireface à la mondialisation, pour faire bouger les struc-tures complexes et pour contrer l’individualisme, çaprend des gouvernements forts», affirme-t-il.

Si on parle beaucoup du citoyen en ce moment, lesénateur rappelle qu’il ne peut pas être là tous lesjours pour administrer l’État. «Nous ne sommes pasen démocratie directe. Nous sommes dans une démo-cratie de représentation. On confie le mandat à ungouvernement de prendre ses responsabilités et d’agir.S’il ne fait pas son travail correctement, on le sanction-ne aux prochaines élections. C’est sans doute une bon-ne idée que de vouloir faire évoluer le pouvoir vers lecitoyen, mais il faut faire attention pour ne pas tropétirer l’élastique», affirme-t-il.

Le sénateur n’est toutefois pas pessimistequant à la possibilité de chasser le cynisme et ledésengagement. «Il n’y a rien d’irréversible, préci-se-t-il. On l’a vu aux États-Unis avec l’arrivéed’Obama, qui a su mobiliser les gens. C’estl’exemple le plus évident, bien qu’il connaisse desdif ficultés aujourd’hui. Ce qu’il faut, c’est quel-qu’un qui est capable de trouver des thèmes, de sou-lever l’enthousiasme.»

Collaboratrice du Devoir

démocratique exceptionnelirréversible selon le sénateur Jean-Claude Rivest

SOURCE LES PUBLICATIONS DU QUEBEC

L’Assemblée nationale de Québec

É T I E N N E P L A M O N D O N É M O N D

D ans l’Histoire, les populations se sont maintesfois engagées dans l’action publique et poli-

tique en y voyant la voie libératrice pour atteindre lebonheur collectif. Désillusionnés, déçus et amersdevant les limites de cette action, les gens se sontrecroquevillés ensuite dans leur vie privée, espé-rant dès lors trouver là la source de leur bonheur.Puis, inévitablement, ils y constatent aussi des li-mites et recommencent par la suite à s’engagerdans les sphères politiques et publiques.

Éric Montpetit, directeur de la Faculté dessciences politiques de l’Université deMontréal, défend cette thèse du cycle,émise par Albert Hirschman dans l’essaiBonheur privé, action publique, publié audébut des années 1980. Or ces cyclessont longs. Éric Montpetit considère que,depuis le début de la décennie 1980, la so-ciété, québécoise comme occidentale, seretrouve dans cette phase creuse où lesgens mobilisent leur énergie dans lasphère privée, tout en demeurant cy-niques envers les institutions publiques.Un cynisme qui, aujourd’hui, n’est «pasjustifié», selon lui.

La faute aux médias«Je pense que les institutions actuelles répondent

plutôt bien aux désirs des citoyens», insiste-t-il. Il attri-bue beaucoup la responsabilité de ce cynisme am-biant aux médias. Ceux-ci, à son avis, se concen-trent presque exclusivement sur ce qui fonctionnemal et occultent ce qui fonctionne bien. Un problè-me en partie structurel, reconnaît-il, puisque lesmédias ne peuvent pas tout couvrir. À l’argumentdu rôle de chien de garde de la démocratie, M.Montpetit rétorque que, lorsqu’il fouille dans les ar-chives et examine les articles écrits il y a 30 ou 40ans, il «trouve que le ton était différent». Il ajoute que«le commentaire est beaucoup plus pratiqué aujour-d’hui. Il y a beaucoup plus de chroniqueurs» soule-vant davantage l’indignation et la dénonciation quel’invitation à la mobilisation.

Comment alors s’y prendre pour convaincre lapopulation de s’intéresser de nouveau aux affairespubliques et de s’y engager? «Ce n’est pas quelquechose qu’on peut stimuler, considère Éric Montpetit.Je ne peux pas produire cette nouvelle phase du cycle.Cela relève d’un cheminement de société.» Bien qu’ilsoit un fervent promoteur du mode de scrutin pro-portionnel, il avertit que cette réforme, ou toutautre réforme des institutions publiques, ne mettrapas fin au cynisme, contrairement à ce que pour-raient croire certains qui y voient une panacée.

«J’ai comme l’impression qu’on espère une réformedes institutions ou un vrai leader qui va s’occuper cor-rectement [des problèmes importants, mais] je pen-se qu’un leader comme ça est susceptible d’émergeraprès que le cynisme aura retombé. Pas avant. Autre-ment dit, ce n’est pas ce genre de leader qui va fairetomber le cynisme, c’est quand le cynisme va tomberqu’on va probablement découvrir ce genre de person-ne-là», dit M. Montpetit, qui admet qu’il y a actuelle-ment un «vide politique».

Le danger du populisme ou de l’élitisme

Le cynisme stimulerait plutôt la popularité d’unautre type de dirigeant. Il serait, selon M. Montpetit,un terrain fertile pour le succès d’un politicien popu-liste. Dans une lettre d’opinion publiée dans La Pres-se le 10 août dernier, Éric Montpetit attribuaitd’ailleurs le succès de Régis Labeaume au cynisme.«Le projet de loi 204, qui soustrait l’entente entre laVille de Québec et Quebecor sur la construction d’unamphithéâtre à toute possibilité de contestation judi-ciaire, illustre parfaitement le danger du cynisme pourla démocratie», y écrivait-il.

En entrevue avec Le Devoir, il s’explique davanta-ge. «Le cynisme est un cynisme à l’endroitdes institutions formelles, de ce qui est perçucomme une élite qui dirige de manière dé-connectée des préoccupations du peuple.[...] Le populisme qui accède au pouvoir, àun moment donné, peut justifier qu’il nerespecte pas un certain nombre de règles,parce que ces règles appartiennent au systè-me qui est décrié par la population.»

Le cynisme engendrerait aussi desespoirs illusoires envers une gouver-nance technique. Selon Éric Montpetit,la popularité de François Legault repré-sente cette attente envers un «expert

éclairé» qui va régler «nos problèmes de manièreapolitique. Donc, il ne souhaite pas mobiliser lesgens.» De la politique dans une logique privée, enquelque sorte. «Dans un contexte où les gens n’ai-ment pas la politique, ça peut prendre. Je pensequ’il y en plusieurs qui se disent: “Ah, enfin un poli-ticien qui ne va pas faire de politique”.» Mais ils’empresse d’ajouter qu’il croit «que ça ne faitqu’un temps. [François Legault], qu’il le veuille ounon, va être pris dans des dynamiques politiques etil va être obligé de faire de la politique.»

Éric Montpetit conteste le discours qui, dansle domaine de l’administration publique, établitune distinction entre les choix politiques et leschoix administratifs. «Cette distinction, ça fait desannées qu’on sait qu’elle ne tient pas», dit-il. Ce«managérialisme», qu’il croit aussi observerdans la manière de diriger de Jean Charest, finitnécessairement par se buter au débat, ce qui en-gendre de la déception à l’endroit de ce qui étaitprésenté comme un problème d’ordre techniqueet alimente davantage le cynisme envers la clas-se politique.

Place au débatOr le débat constitue peut-être, selon Éric

Montpetit, un des remèdes contre le cynisme.«Il faut surtout faire comprendre aux gens quec’est normal et qu’on n’a pas à être mal à l’aise là-

dedans. Les désaccords sont normaux à tous les ni-veaux, même sur des questions de politiques pu-bliques très techniques.» M. Montpetit rédige ac-tuellement un livre sur le débat, qui joue, selonlui, un «rôle très positif». «Le processus dans lequelil y a moins de débats produit de moins bonnes po-litiques publiques, affirme-t-il. Le débat prend unetournure qui a des airs de chicane quand tout lemonde veut avoir le dernier mot. Mais faire valoirson point de vue, justifier ses positions, je penseque c’est tout à fait sain dans une démocratie.»

Un débat doit donc s’effectuer dans une dy-namique respectueuse du point de vue d’autruiet qui favorise, d’abord et avant tout, le biencommun. «C’est sûr que si l’attente, c’est de ga-gner […], ça nourrit le cynisme, parce que legouvernement ne peut pas satisfaire tout le mon-de. C’est ça, faire de la politique: c’est faire deschoix qui vont forcément aller à l’encontre del’opinion d’un certain nombre de personnes.»

Le Devoir

Au temps du cynisme

La société québécoise et occidentale vit une phase creuseEn politique, on va «forcément aller à l’encontre de l’opinion d’un certain nombre de personnes»Cyclique, le cynisme envers les institutionspubliques? C’est ce que croit Éric Montpetit,directeur de la Faculté des sciences poli-tiques de l’Université de Montréal. À sonavis, ce phénomène ne doit pas être pris à lalégère, mais l’adhésion de la population à unengagement public vigoureux relève d’un«cheminement de société» qu’on peut dif fici-lement forcer.

CLÉMENT ALLARD LE DEVOIR

Selon le politicologue Éric Montpetit, Régis Labeaume doit son succès au cynisme.

«Un vraileader estsusceptibled’émergeraprès que lecynisme auraretombé»

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1G 4

I N S T I T U T I O N S

K A R L R E T T I N O - P A R A Z E L L I

«L a période actuelle me faitbeaucoup penser aux an-

nées 50 au Québec. C’était laGrande Noirceur, Duplessis ré-gnait en maître et, graduelle-ment, des poches de contestationse sont développées» , lancespontanément Mélanie Jolylorsqu’on la questionne sur leclimat qui règne présentementdans notre société.

Pour elle, les publicationspolitiquement engagées quiont vu le jour à l’époque, tellesla revue Parti pris et le journalCité libre, trouvent leur équiva-lent dans les groupes de ré-flexion apparus récemment.Génération d’idées, un groupeque Mme Joly a cofondé en2007, est un espace d’expres-sion d’idées offert aux jeunesde 20 à 35 ans, tandis que Sor-tie 13 cherche, avec sa plate-forme web, à encourager lesdébats d’idées et à proposerdes réponses aux défis d’au-jourd’hui et de demain.

Mélanie Joly sait bien quecomparer l’actuel état des lieuxau foisonnement intellectuelqui a précédé la Révolutiontranquille peut en surprendreplus d’un, mais elle est catégo-rique: la génération Y, celledes décideurs de demain, a«rendez-vous avec l’histoire», af-

firmait-elle carrément lorsd’une récente conférence pré-sentée à l’Université de Mont-réal, au sujet de l’avenir duQuébec.

Ça bouge !C’est donc avec tout son op-

timisme, sa confiance enl’avenir, mais aussi son im-pressionnant bagage d’expé-rience que Mélanie Joly nousreçoit dans l’élégant bureauvitré qu’elle occupe au 7e éta-ge d’un immeuble du centre-ville de Montréal. Après avoirpoursuivi des études en droitet bifurqué temporairementvers le journalisme, cette élé-gante blonde aux yeux bleusest aujourd’hui associée di-rectrice du bureau montréa-lais de l’agence de communi-cation internationale Cohn &Wolfe. Elle a quitté Généra-tion d’idées au printemps2011, ce qui ne l’empêche tou-tefois pas de continuer à s’en-gager pour diverses causesqui lui tiennent à cœur et sur-tout de porter un regard aver-ti sur le rôle que peuventjouer les jeunes en politique.

«Je pense qu’il y a de la pla-ce pour des organismes commeGénération d’idées, comme lesIndignés, comme Sor tie 13,pour faire en sorte que ça bou-ge au Québec. Ça fait du biend’amener un peu d’air frais

aux débats, mais aussi de sor-tir des débats qu’on connaît denos jours», résume cette diplô-mée d’Oxford en droit euro-péen et comparé.

«Ce que je déplore actuelle-ment, c’est que j’ai vraimentl’impression que les politiciensqui sont à la Chambre des com-

munes ou à l’Assemblée natio-nale n’ont pas eu l’occasion dedévelopper leur vision» avant dese lancer en politique. «Ils fontle saut, ils sont coincés dansleur quotidien et ils sont aspiréspar la machine», dit-elle pourillustrer son propos.

Selon Mélanie Joly, la raison

d’être de groupes comme Gé-nération d’idées et Sortie 13serait donc double: mettre del’avant de nouvelles idées etpréparer la relève politique.«Lorsqu’on a d’abord développéune vision en s’engageant parexemple dans un groupe de pres-sion ou un groupe écologiste, jecrois qu’on peut être plus cohé-rent dans ses actions et dans sespropositions par la suite.»

« Croire en ses idées »Le ton est amical mais affir-

matif. La jeune femme tient àpréciser qu’elle ne parle pas aunom de Génération d’idées oude Sortie 13, mais on sent queses convictions politiques sontprofondes. Pour elle, l’engage-ment, à petite ou à grandeéchelle, est primordial. «Lesgens sont convaincus qu’ilsn’ont pas d’impact sur leur so-ciété. Pourtant, si demain ondécide de lancer un projet quinous tient à cœur, on peut le fai-re. Ça ne dépend que de cha-cun. De petits gestes peuventavoir un énorme impact.»

Mais, pour «croire en sesidées», comme elle le suggère,encore faut-il s’intéresser aufait politique. Des jeunes com-me Mélanie Joly et les partici-pants de Génération d’idéesou de Sortie 13 ne courent pasles rues, ce qui ne la découra-ge pas pour autant. Si 85 % desjeunes n’ont pas d’intérêt pourla politique, ce sont les autres15 % qu’il faut mobiliser etconvaincre d’entraîner aveceux encore plus de gens, réplique-t-elle.

Inébranlable, elle ajoute que,depuis quelques années, l’inté-rêt envers les «Y» est «plusgrand qu’auparavant». Fran-çois Legault qui regroupe 40jeunes professionnels lors d’un

rassemblement par tisan, denouveaux visages qui se fontremarquer à l’Assemblée na-tionale, la revue L’Actualité quiconsacre ce mois-ci un dossierspécial à la relève politique: lesjeunes politiciens actifs aux ni-veaux municipal ou provincialjouissent d’une nouvelle visibi-lité, ce qui fait dire à MélanieJoly que le vent de fraîcheuranticipé s’apprête véritable-ment à souffler sur le Québec.

Demain, MontréalUn mouvement auquel elle

compte bien prendre par t,d’ailleurs. «Me lancer un jouren politique? C’est sûr. Je nem’en suis jamais caché.» Ellerefuse de préciser à quel mo-ment, mais elle reconnaît déjàqu’elle a un faible pour la poli-tique municipale, l’ordre degouvernement dont le «pou-voir d’action sur le terrain est lemoins dilué», selon elle.

Quelques-unes de ses idéespour Montréal? Améliorer sagouvernance, revoir sa capaci-té de générer des revenus, atti-rer plus de sièges sociaux, di-minuer son empreinte écolo-gique, pousser la créativité,soutenir les artistes, dévelop-per l’offre culturelle…

«Je voudrais faire en sor teque les gens retrouvent leurpouvoir d’impact et qu’ils ne sesentent pas victimes du systè-me», précise-elle, empruntantsoudainement le discours etles airs d’une politicienned’expérience. «Je pense que jesuis bonne pour convaincre lesgens, pour les rallier à unecause.» Saura-t-elle convain-cre les jeunes Québécois quela politique mérite qu’on s’yintéresse?

Collaborateur du Devoir

De Génération d’idées à Sortie 13

Le Québec est-il mûr pour une seconde « Révolution tranquille » ?La génération Y, celle des décideurs de demain, a « rendez-vous avec l’histoire »

R É G I N A L D H A R V E Y

L’ École nationale d’adminis-tration publique poursuit

sa mission de dispenser uneformation spécifique à la maîtri-se et au doctorat aux gens quisont chargés de la gouvernanced’un État moderne, en plus dedif fuser savoir et exper tiseailleurs dans le monde.

Parlant de sa raison d’être,son directeur général, NelsonMichaud, jette cet éclairage:«C’est aussi un pur produit de cequi était la volonté du législateurà l’époque de doter le Québecd’un réseau universitaire, celuide l’Université du Québec (UQ),

marqué au sceau de l’accessibili-té; celle-ci se déclinait essentielle-ment de deux manières, soit defaçon territoriale, avec les éta-blissements situés en région, etpar l’accès à la science de hautniveau, avec des instituts spécia-lisés, dont l’ÉNAP fait partie.»

Encore aujourd’hui, l’ÉNAPdemeure marquée par cette vi-sion de départ: «On fait partiede cette volonté-là d’enrichir leQuébec à titre de réseau univer-sitaire, ce qui teinte énormémentnotre manière de faire et nos dé-marches encore maintenant.C’est une valeur qui est toujourstrès présente chez nous, que cesoit auprès des étudiants ou en

matière de recherche et de per-fectionnement; même dans notrerayonnement international, oncontinue de jouer la car te dupar tenariat.» Il tire cette ré-flexion de cette façon de faire:«Cela a très bien servi l’ÉNAPau cours des 42 dernières annéeset ça continue d’être un des élé-ments moteurs de notre action.»

Spécialisée,pluridisciplinaire et en mouvement

L’ÉNAP porte bien son nom,qui en démontre le caractèremarqué de spécialisation et quilaisse voir que son enseigne-ment s’adresse à une clientèledistinctive. M. Michaud cernedeux aspects de cette réalité: «Lepremier, qui est le plus évident,c’est le thème même que nousabordons, soit celui de l’admi-nistration publique. Ceci étant dit,

VOIR PAGE G 5: ÉNAP

École nationale d’administration publique

Les fonctionnaires ont leur université« On doit être au quotidien à l’écoute de ce qui se faitdans les milieux que nous fréquentons »

N’essayez pas de convaincre Mélanie Joly que l’avenir poli-tique du Québec est sombre. Cette jeune femme dans la tren-taine, avocate de formation, cofondatrice de l’organisationGénération d’idées et membre du collectif Sor tie 13, estconvaincue que le cynisme et le désengagement politique desQuébécois pourraient bientôt être des choses du passé. En-tretien avec cette «hyperoptimiste» engagée qui croit que l’ar-rivée au pouvoir de la génération Y changera sous peu le vi-sage de la province.

CLÉMENT ALLARD LE DEVOIR

L’organisation Génération d’idées a eu l’idée récemmentd’installer 260 balais devant l’Assembée nationale, façonoriginale de réclamer une commission d’enquête sur l’industriede la construction.

SOURCE ÉNAP

Le siège social de l’ÉNAP à Québec

L’École nationale d’administration publique (ÉNAP) se pointesur la scène universitaire québécoise en 1969, au momentoù cet établissement prend alors racine dans le sillage mêmede la Révolution tranquille. Au fil des ans, elle a formé 8000administrateurs et professionnels exerçant leurs compé-tences dans le secteur public.

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R É G I N A L D H A R V E Y

I l y eut le père Georges-Hen-ri Lévesque qui fonda l’Éco-

le des sciences sociales del’Université Laval et qui mitsur pied le Conseil supérieurde la coopération du Québec,à la fin des années 1930. Par lasuite et dans le sillage de ceprécurseur, résonna, environ20 ans plus tard sur les tri-bunes politiques, le slogan«Maîtres chez nous», pendantque, de nos jours, re-prend du service uneéconomie sociale etsolidaire qui fait lar-gement appel à la for-mule coopérative.

Il aura toutefoisf a l l u a t t e n d r e l e tournant des années1960-1970 pour quel’université franco-phone d’ici imprègnesignif icat ivement,par sa présence etses inter ventions,des pans entiers dela vie et des institu-tions des Québécois,au nombre desquel-les figurent entreautres l’économique, le poli-tique et l’éducation.

Guy Rocher est aujourd’huiprofesseur au Département desociologie de l’Université deMontréal et chercheur auCentre de recherche en droitpublic. Il a d’abord étudié cettescience à l’Université Laval en1947, avant d’entamer unelongue carrière de professeurau même endroit en 1952.

Il fournit de prime abord uncadre qui situe l’influence del’université sur la société qué-bécoise: «La raison en est qu’il ya un avant et un après-père Lé-vesque, si on prend ce derniercomme point de transition ou derepère. Avant lui, nous vivionsvraiment, du point de vue del’impact universitaire, une situa-tion à peu près coloniale, en cesens que, depuis le début du XIXe siècle, il y avait à Montréalune université anglaise québécoi-se, McGill, qui était florissante,richement dotée par la bourgeoi-sie anglaise et bien installée dansde très beaux immeubles; à côtéde cela, les Canadiens françaisdu Québec n’avaient qu’une uni-

versité, Laval, qui avait une suc-cursale à Montréal.» La compa-raison entre les deux établisse-ments ne tenait pas la route surle plan des retombées qu’ilsproduisaient sur leur commu-nauté respective, notammentdans le secteur de l’économie.

À partir de 1920, l’Universitéde Montréal, à l’instar de Laval,apparaît comme une sourced’inspiration restreinte: «Elles’ef force d’entretenir une petiteélite bourgeoise canadienne-fran-

çaise de professionnelsqui n’avait pas d’in-fluence économiqued’importance, qui nepar ticipait pas aucontrôle de l’économiemais qui jouait tout demême un rôle dans lavie politique locale.»

Le grand virage des années 1960

Durant plus d’unsiècle, de 1850 jus-qu’aux environs desannées 1960, perdureen quelque sorte unetelle situation, jus-qu’au moment où seproduit une transfor-

mation majeure sur plusieursfronts à la fois. Guy Rocher entémoigne: «Nos universités accè-dent à un niveau qui commenceà être véritablement de calibreuniversitaire à partir des années1960-1970, avec, en parallèle, ledéveloppement d’un véritable ré-seau d’institutions sur l’ensembledu territoire québécois; c’est trèsimportant parce que les univer-sités ont quitté les grandes villes,avec l’arrivée de l’Université duQuébec, qui essaime en tous senset qui fait partie de l’histoire dudéveloppement régional, écono-mique et culturel des régions.»Les jeunes peuvent dès lors en-treprendre des études supé-rieures dans leur patelin d’origi-ne ou à proximité.

Au même moment, l’Univer-sité Laval, l ’Université deMontréal et l’Université deSherbrooke prennent un nou-vel essor: «Elles ont contribuéau développement économiquedu Québec en formant unemain-d’œuvre professionnelle etscientifique d’ingénieurs etd’hommes d’affaires qui corres-pondait à ce dont le Québec

avait besoin pour s’affirmer surce plan à ce moment-là.»

Il se remémore le chambar-dement qui est survenu: «L’Uni-versité Laval et l’Université deMontréal que j’ai connues dansles années 1940 et 1950, à l’ex-ception de McGill, je dirais quec’étaient de petites écoles profes-sionnelles qui n’étaient pas enga-gées dans le monde internationalde la vie universitaire. Elles ontaccompagné le développementéconomique à partir des années1960-1970, quand la rechercheest vraiment entrée dans le mi-lieu, avec la mise en place degrands programmes et de centresde recherche.» Les professeursne sont plus seulement des en-seignants, ils sont aussi deschercheurs: «C’est le grand tour-nant qui a modifié nos fonctions.En 1952, j’enseignais, et, vers lesannées 1970, j’étais devenu unchercheur.»

Formation des enseignants et des adultes

À la suite de cette transfor-mation en profondeur, à la foispolitique et culturelle, du milieuuniversitaire, des remous semanifestent dans plusieurs as-pects du vécu socioéconomique

québécois. Il en va de mêmedans le secteur de l’éducation,comme le montre l’analyse deGuy Rocher: «À compter du rap-port Parent, les universités ontassumé la fonction de préparerles enseignants du préscolaire,du primaire, du secondaire et ducollégial. Si le milieu scolaire apu changer à cette époque-là,c’est en partie parce qu’est arri-

vée une relève d’enseignants for-més dans les facultés des sciencesde l’éducation.»

En même temps, l’universitéa rempli une autre fonctionmajeure, qui est celle de l’édu-cation des adultes. Il remonteau temps du père Lévesquepour laisser savoir que celui-ciavait mis en place un tel pro-gramme de formation, qui pre-nait notamment la forme decours par correspondance trèscourus; dans ce sens, il s’estmontré très novateur du côtéfrancophone en se servant dumodèle qui existait déjà ducôté de McGill.

En outre, le professeurouvre une parenthèse pour in-diquer que ce dernier étaittrès engagé dans le mouve-ment coopératif; de 1939 à1944, il fut même président duConseil supérieur de la coopé-ration qu’il avait fondé:«Quand on pense à l’influencede la Faculté des sciences so-ciales, on se tourne vers les étu-diants qu’elle a formés et on nemet pas assez en relief son ac-tion envers les adultes et pour ledéveloppement également de lacoopération québécoise.» Ceconcept économique demeuretoujours contemporain dans lecourant actuel d’une économiesociale et solidaire revisitée.

Fonction publique et journalisme

Dans le domaine politique,Guy Rocher retient deux élé-ments marquants de l’impactuniversitaire: «Le premier, c’estle développement de la fonctionpublique québécoise, auquel lesuniversités ont participé parceque, à l’arrivée de la Révolu-tion tranquille, il a fallu meu-

bler celle-ci adéquatement surle plan intellectuel. Contraire-ment à la politique antérieure,on a commencé à embaucherdes diplômés universitaires.»Le mouvement allait se pour-suivre de plus belle pour assu-rer un cer tain équilibre desforces avec les mandarins bienoutillés du fédéral, déjà en pos-te depuis longtemps.

Il se penche sur le deuxièmeaspect politique, qui relève del’information: «L’université a for-mé en par tie des journalistesbeaucoup plus éclairés dans sesfacultés de journalisme et dessciences politiques; je parle ici deceux-ci et des commentateurs po-litiques qui ont été trempés dansce monde-là et qui ont été mar-qués par ces sciences, par la so-ciologie, l’anthropologie et l’éco-nomie.» Il tire un exemple de sacarrière de professeur: «J’ai vuarriver dans les années 1980mes anciens étudiants qui deve-naient journalistes ou commen-tateurs et qui remplaçaient lesprofesseurs appelés auparavantà remplir de telles fonctions; jem’en réjouis et il est bien qu’onfasse la plupart du temps appel àleurs services, car ils sont issusdes sciences sociales qui ontémergé au Québec.»

Guy Rocher cernera enoutre des réalités d’hier etd’aujourd’hui puisées dans lemonde du travail et dans la viear tistique et culturelle pourdémontrer à quel point, là en-core, ces grands établisse-ments que sont les universitésont influé sur l’ensemble de lavie institutionnelle québécoiseet dans quelle mesure ellesl’alimentent toujours.

Collaborateur du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1 G 5

I N S T I T U T I O N SL’université québécoise

Et les professeurs deviendront des chercheurs« Il y a un avant et un après-père Lévesque »

SUITE DE LA PAGE G 4

nous sommes en même temps uneuniversité qui a une très forte di-mension multidisciplinaire, parceque cette forme d’administrationen tant que telle existe dans la pra-tique mais, concrètement, pourformer ses praticiens, l’enseigne-ment doit se tourner vers le droit,l’économie, la gestion des res-sources humaines, le manage-ment, vers un peu de sciences poli-tiques et vers la psychologie et lasociologie des organisations.»

Il ajoute à ce sujet: «Voilà queje suis en train de vous décriredu même coup le corps professo-ral de l’ÉNAP. On n’a pas, entant que tels, de départementschez nous comme dans une uni-versité traditionnelle, mais nousavons une diversité très accen-tuée en matière d’intérêts et deformations, autant des profes-seurs que des étudiants.»

En fonction desmutations

Au fil du temps et desépoques traversées, il a été né-cessaire que l’ÉNAP ajuste sesprogrammes en fonction desmutations que connaissait la so-ciété et des groupes qu’elle cô-toyait; il en va de même encoreaujourd’hui: «On ne pourraitpas faire autrement. On doit êtreau quotidien à l’écoute de ce quise fait dans les milieux que nousfréquentons, parce que, là enco-re, cette administration est plu-rielle dans sa pratique au Qué-bec, puisqu’elle se compose de lafonction publique fédérale et pro-vinciale, du secteur municipal,de la santé et de l’éducation;

entre guillemets, on ne peut ap-pliquer la même recette à nullepart du fait que chacun possèdeses besoins, et, si on s’alignait surune trajectoire sans regarder cequi se passe autour, à l’intérieurde quelques années, on perdraitcertainement beaucoup de notrepertinence et de notre impact.»

Sur le plan de la recherche,une phase intensive de dévelop-pement s’est produite au coursdes dix dernières années. Le di-recteur général en fournit plu-sieurs exemples, tout en déga-geant là encore le caractère dediversification de celle-ci: «Au-tant on va avoir de la recherchefondamentale en vertu de laquel-le les chercheurs font avancer lesconnaissances à partir de problé-matiques qui les intéressent, au-tant on s’applique à obtenir uneimpor tante dimension de re-cherche appliquée contractuelle,qui vient en appui aux organisa-tions publiques.»

Le territoire et les étudiants

L’ÉNAP dispose de pointsd’ancrage dans plusieurs ré-gions du Québec, ce qui fait enquelque sorte partie intégran-te de sa mission d’origine etqui figure d’ailleurs dans seslettres patentes: «J’évoquais àce sujet, tout à l’heure, la di-mension d’accessibilité issue dela volonté du législateur au mo-ment de la fondation du réseaude l’UQ. Dans notre cas, cettenotion d’accessibilité au planphysique se traduit aussi par lanécessité de couvrir l’ensembledu territoire québécois; on nousa demandé d’aller là où se trou-

vent les administrateurs publicsen quête de formation.»

Qui sont-ils? Nelson Mi-chaud décrit les gens que for-me l’ÉNAP en divers lieux: «Ily a environ 2200 personnespar année qui nous fréquen-tent; de ce nombre, à peu près65 à 70 % sont des individusqui sont déjà en poste de ges-tion ou qui sont sur le point del’être; les 30 à 35 % restantssont composés de personnes quiamorcent leur carrière dansl’administration publique, quioccupent davantage des postesde professionnel et qui nous ar-rivent après avoir terminé leurbaccalauréat.»

Il expose certains traits ca-ractéristiques de la clientèle:«Elle est très diversifiée; il y abeaucoup de gens qui arriventau Québec et qui souhaitent fai-re carrière dans la fonction pu-blique qui vont venir chez nous;d’autres sont déjà en poste etjoignent nos rangs dans le butde franchir dif férentes étapesdans leur carrière.» Il ajouteencore: «Tout cela figure sur leplan des crédits accordés, maisil y a aussi tout l’aspect de laformation continue et appli-quée aux organisations, qui estun autre service de l’ÉNAP quiest très fréquenté; chaque an-née, plusieurs milliers de per-sonnes viennent suivre ces for-mations, que ce soit par le biaisde l’of fre publique générale oumême par la voie de demandesspécifiques qui nous sont adres-sées par divers ministères etauxquelles on peut répondre.»

Collaborateur du Devoir

ÉNAP

L’université transfère ses compétences vers la société depuisun demi-siècle. Mais à la fin des années 30, déjà, à Québec,le père Georges-Henri Lévesque fondait l’École des sciencessociales de l’Université Laval, qui a introduit dans l’universi-té cette notion du service. L’université, au-delà d’un simplesystème qui assure le seul transfert des connaissances.

SOURCE TÉLÉ-QUÉBEC

Le père Georges-Henri Lévesque, un précurseur

« Avant lui,nous vivionsvraiment, du point devue del’impactuniversitaire,une situationà peu prèscoloniale... »

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1G 6

I N S T I T U T I O N S

J E S S I C A N A D E A U

André Larocque est catégo-rique. Il faut absolument ré-

former les institutions démocra-tiques. Pourquoi? «Parce que lebon peuple n’est pas au pouvoir»,répond d’emblée celui qui estaujourd’hui professeur associé àl’École nationale d’administra-tion publique (ÉNAP) et auteurdu livre Au pouvoir, citoyens!Mettre fin à l’usurpation des par-tis politiques.

Pour lui, le principal problèmedes institutions démocratiquesactuelles réside dans le faitqu’elles ne représentent pas lavolonté des citoyens. «Nos insti-tutions, nous ne les avons jamaischoisies, ce sont des institutionsque nous avons reçues de l’Angle-terre. Les citoyens d’ici n’ont ja-mais été consultés sur nos institu-tions, ils n’ont jamais participé àles définir, pas plus, d’ailleurs,qu’ils n’ont été consultés sur laConstitution de cette société.»

Des décennies d’attenteRéfléchissant à la question

depuis l’époque de René Lé-vesque, avec qui il tentait de re-définir certaines constituantesde la démocratie à titre de hautfonctionnaire, il af firme quecela fait plusieurs décenniesque les citoyens réclament uneréforme en profondeur des ins-titutions démocratiques.

«Nous savons depuis 40 ans ceque les citoyens veulent. Chaquefois que nous leur posons la ques-tion, ils donnent les mêmes ré-ponses. Le problème, c’est que les ci-toyens sont sans voix et les partispolitiques, sans oreilles. C’est undiscours de sourds.»

Selon lui, il est plus que tempsqu’un gouvernement ose enfinredonner le pouvoir aux citoyensqui ne sont satisfaits ni des institu-tions, ni de leur mode de fonc-tionnement, ni des gens qui lesmanœuvrent.

«Les par tis politiques, c’estune chose. Et le peuple, c’en estune autre. Ce divorce-là, c’est levice fondamental dans un systè-me démocratique. La Constitu-tion américaine commencecomme cela: “We the people ofthe United States”. La Consti-tution de la Suède dit: “Toutpouvoir émane du peuple”. Ici,tout pouvoir émane des partispolitiques.»

C’est pourquoi toute réformedu système doit inévitablementpasser par une redéfinition dumodèle de gouvernement tel

que souhaité par le peuple, esti-me celui qui décortique égale-ment la question au sein duMouvement Démocratie et Ci-toyenneté du Québec.

«Le premier pas, le plus impor-tant, c’est de se doter d’une assem-blée constituante, une assemblée decitoyens qui consulte les électeurs,région par région, sur la façon dontils veulent être gouvernés et quisoumet cela à un référendum sousforme d’une Constitution.»

À son avis, la priorité devraitensuite être accordée à l’initiativepopulaire, une mesure qui per-met aux citoyens de présenter unprojet de loi sur la base d’une péti-tion ayant récolté un certainnombre de signatures, générale-ment l’équivalent de 5 % de l’élec-torat. Le projet de loi citoyen peutensuite être présenté en référen-dum si le gouvernement nel’adopte pas d’emblée.

Sor tant du mode constitu-tionnel, il donne l’exemple dela commission d’enquête surla construction, qui aurait puêtre adoptée il y a plus dedeux ans grâce à une gouver-nance d’initiative populaire. Ileffleure également la questionsouverainiste.

«Avec le projet d’initiative popu-laire, le Parti québécois cesseraitd’être le propriétaire du processusréférendaire sur l’indépendance.Ce sont les citoyens, et non pas lePQ, qui doivent décider quandnous avons envie de répondre à cet-te question-là et à quelle questionnous voulons répondre.»

C’est, aux yeux d’André La-rocque, la plus fondamentaledes réformes. Car, en contour-nant le blocage qui se fait parles partis au sommet, elle per-

mettrait, selon son analyse,d’introduire toutes les réformessubséquentes, aussi nom-breuses que nécessaires. Etelle a le mérite d’avoir déjà faitses preuves, notamment en Co-lombie-Britannique, en Saskat-chewan, en Suisse et dans lesdeux tiers des États américains.

Voter en deux tempsAndré Larocque croit que les

électeurs seraient mieux servispar des élections à date fixe, demême que par l’abolition de ladiscipline de parti.

Il estime également qu’il fau-drait voter en deux temps: élirele premier ministre, puis les dé-putés séparément. «Un des pro-blèmes actuels, c’est que, devantun bulletin de vote, environ 80 %de la population ne choisit pasparmi les candidats, mais parmiles partis, parce qu’elle a derriè-re la tête de choisir le chef ou dechoisir l’option», explique l’an-cien sous-ministre.

«Quand vous êtes devant unbulletin de vote, avec votre petitcrayon et votre petit rond ànoircir, vous êtes en train de fai-re toute une série de choix: vousdécidez entre le Canada et leQuébec, entre le chef libéral, lechef péquiste et les autres, vouschoisissez entre les programmesnationaux et les programmes lo-caux, et possiblement des candi-dats. Vous faites toute une sériede choix qui sont tous confondusdans un geste.»

Il est partisan d’une réformedu mode de scrutin, mais il res-te prudent quant à la façon del’introduire.

Des gouvernements non élus?

Pourtant, il faut que ça chan-ge, af firme-t-il, soutenantqu’un par ti qui obtient 20 %des voix doit avoir 20 % dessièges. Pour illustrer le ridicu-le du système actuel, il évoqueles dernières élections fédé-rales. «Le Parti conservateur aeu 39 % des votes. Ça veut direque 61 % des Canadiens ontvoté contre lui. Mais, avec 39 %des votes, il a la majorité dessièges à la Chambre des com-munes. On détourne la volontépopulaire à tour de bras, là!»

Depuis le temps qu’il en parleet qu’il y réfléchit, le professeurde l’ENAP aimerait bien voirpoindre à l’horizon une réformedes institutions démocratiques.

La bonne nouvelle, notepour tant André Larocque,c’est qu’un certain nombre dedéputés remettent présente-ment ce discours à l’ordre dujour. «Comment ça va aller, jene le sais pas, mais désormaisil y a un débat. Et ça, ça m’en-courage beaucoup.»

Collaboratrice du Devoir

Un projet radical

Le pouvoir aux citoyens

J E S S I C A N A D E A U

N on seulement il faut revita-liser les institutions démo-

cratiques, mais il y a urgencede le faire, souligne Benoît Pel-letier, professeur titulaire à laFaculté de droit de l’Universitéd’Ottawa et ex-ministre des Af-faires intergouvernementaleset de la Réforme des institu-tions démocratiques dans legouvernement Charest.

«Il y a une partie du cynismequ’éprouve la population en cemoment, par rapport à la poli-tique, qui est liée à la santé denotre démocratie. Il faut que lesgouvernements trouvent lesmoyens d’écouter davantage lescitoyens. C’est dans ce sens-là queje parle d’urgence de revitaliserla démocratie.»

Selon lui, le cynisme estplus for t que jamais. Il parled’une «forme dedésabusement», lié à différentsfacteurs, dont les nombreuxéchecs que le Québec aconnus sur le plan national. «Jepense aux deux échecs référen-daires de 1980 et 1995, àl’échec de l’Accord du lac Mee-ch, à l’échec de Charlottetown.Je pense à ce projet de souverai-neté, qui est perçu comme ir-réalisable par un nombre accrude Québécois. Mais, en mêmetemps, je pense à la dif ficultéénorme de modifier la constitu-tion canadienne dans un sensqui satisfasse vraiment les be-soins du Québec. Alors, il y aune forme d’impasse qui s’estdessinée dans tout cela, et ça ex-plique en partie le cynisme.»

Benoît Pelletier croit qu’a-près tous ces échecs les Qué-bécois ont besoin de se don-ner un «beau projet collectif».Et la revitalisation, ce chan-tier pour discuter des fonde-ments du régime démocra-tique, peut faire partie de ceprojet collectif.

Le premier ministre «empereur »

«Il y a plusieurs options qui sontsur la table. Moi, notamment, j’aiinsisté sur la réduction des pou-voirs du premier ministre. Je pen-se que nous sommes dans un Étatoù le premier ministre a trop depouvoir. Et je pense que lameilleure façon de réduire le pou-voir du premier ministre, c’estd’augmenter les mécanismes decontrôle de l’Assemblée nationalepar rapport aux décisions du pre-mier ministre.»

Il songe notamment à cer-taines nominations, qui pour-raient échapper au pouvoir dupremier ministre pour êtreremplacées par des processusparlementaires, et à «toute unenouvelle culture qui ferait en sor-te que le premier ministre ne se-rait plus l’empereur».

Il affirme qu’un premier mi-nistre à la tête d’un gouverne-ment majoritaire dispose de«pouvoirs absolus» dans le systè-me démocratique québécois.«Toutes proportions gardées, cesont des pouvoirs qui sont encoreplus importants que ceux du pré-sident américain. Toutes propor-tions gardées, évidemment.»

Il précise que le présidentaméricain doit constammentnégocier avec le Congrès pourfaire adopter ses projets de loi,alors qu’un premier ministremajoritaire au Québec a «uncontrôle non seulement sur lepouvoir exécutif, mais égalementsur le pouvoir législatif».

Selon lui, la diminution despouvoirs du premier ministredoit s’accompagner d’une reva-lorisation du travail des députéset d’une bonification de leursconditions de travail.

Les citoyens aspirent à êtreécoutés des politiciens, sou-tient le spécialiste du droitconstitutionnel. Ils veulentsentir que leur opinion et leurvote comptent. Et ils ne sontpas les seuls. «Nous sommesdans un régime où les députésaussi se sentent brimés par lesmachines politiques, par le faitqu’il y a une ligne de parti quiest beaucoup trop sévère, beau-coup trop rigide. Nous avonsune culture qui est fondée surla ligne de parti. Nous l’appli-quons pour toute question,alors qu’il y a certainement desvotes tenus en Chambre quipourraient être libres.»

Débats et résistancesBenoît Pelletier a lui-même

siégé comme ministre des Ré-formes lors de sa dernière an-née comme député, en 2008,mais il af firme que, jusqu’àprésent, les ministres qui ontoccupé ce siège ont sur toutété actifs sur le plan du finan-cement électoral, de la carteélectorale et de la loi électora-le dans son ensemble.

«Quand j’étais ministre, j’aiconduit le dossier de la réfor-me du mode de scrutin, qui n’apas abouti, mais qui est quandmême allé assez loin. On avait

même obtenu la création, parl’Assemblée nationale, d’unecommission parlementaire spé-ciale sur la réforme du modede scrutin. C’était la premièrefois que des non-élus siégeaientà notre commission. Et c’étaitune commission itinérante. Ily avait eu tout un débat, mais,finalement, les résistances à laréforme du mode de scrutinétaient très importantes, sur-tout en région. Il a donc falluabandonner l’idée de réformernotre mode de scrutin.»

Pourquoi alors revenir sur lesujet aujourd’hui? Parce que laréforme des institutions vabeaucoup plus loin que la réfor-me du mode de scrutin, préciseBenoît Pelletier.

«Il n’y a pas que cela dont ilfaut parler. C’est un ensemble dechoses qui doivent être débattuespar les citoyens pour tenter devoir comment nous pouvonsaméliorer notre démocratie. Il ya peut-être des choses qui ne se-ront pas faisables, mais il y en ad’autres qui le seront.»

Il déplore que la questionsoit trop facilement évacuéedu débat public, «probablementparce qu’elle semble théoriqueaux yeux de cer taines per-sonnes». Et s’il souhaite un réelquestionnement en profon-deur sur le sujet, il est néan-moins lucide. Une réformedes institutions ne pourrait, àelle seule, contrer le cynismeambiant, mais cela fait partiede la solution, plaide-t-il.

«Les citoyens ont un peu l’im-pression que les politiciens neles écoutent pas et que, dans lefond, plus ça change, plus c’estpareil. Je pense donc que sinous ramenions le sujet de ladémocratie à l’avant-plan, nousferions un bon coup. Est-ce queça règlerait le problème du cy-nisme? La réponse est non. Est-ce que ça pourrait réoxygénerun peu la société québécoise?La réponse est oui.»

Collaboratrice du Devoir

Revitaliser la démocratie

Pour un projet collectif

C L A U D E L A F L E U R

L e 21 septembre, SylvainPagé, député de la circons-

cription de Labelle, qui englobeMont-Laurier et Mont-Trem-blant, a déposé à l’Assemblé na-tionale le Manifeste pour une nou-velle culture politique. En 36 pages, il dresse le constat na-vrant de la partisanerie qui règneà Québec et il propose des di-zaines de réformes, allant desplus simples — comme de placerles députés par ordre alphabé-tique au Salon bleu afin de favori-ser leur coopération — à de pluscomplexes, comme la réforme dumode de scrutin et du finance-ment des partis. Il s’agit, insisteM. Pagé, d’une démarche nonpartisane, mûrement réfléchie etélaborée à la suite de multiplesconsultations.

«Pour faire la petite histoire, ra-conte-t-il, disons que, deux se-maines après mon arrivée à l’As-semblé nationale, en 2001, j’obser-vais la période des questions en medisant: “Non, je ne participerai ja-

mais à ce cirque!” Lorsque tout lemonde se lève pour applaudir lechef, je demeure assis, car je n’ai ja-mais accepté de jouer cette mise enscène. D’ailleurs, en 2003, Le So-leil a publié un reportage sur moiintitulé: “Sylvain Pagé, le députéqui n’applaudit pas”!»

En 2010, il décide «de se fairemoins discret» et donc de présen-ter comment devrait se faire lajoute politique, selon lui. En colla-boration avec Pierre Lessard-Blais — un jeune stagiaire avecqui il s’est lié d’amitié — il rédigeson fameux manifeste.

«Selon moi, dit-il, en démocratie,il faut s’élever au-dessus de la parti-sanerie. C’est ce que j’ai tenté defaire en menant des consultationsauprès d’une vingtaine de per-sonnes de toutes allégeances poli-tiques. Nous avons aussi fait vali-der nos propositions par des fonc-tionnaires de l’Assemblée afin denous assurer que ce qu’on proposeest viable. Je suis issu d’une modes-te famille de commerçants, sou-ligne-t-il. À huit enfants, on exploi-tait à un moment donné huit com-

merces. J’ai eu ma propre entre-prise durant 17 ans, mais jamaisje n’aurais pu imaginer la gérercomme on gère l’avenir du Qué-bec! Cela me déçoit terriblement etc’est pourquoi, depuis dix ans, j’es-saie d’appor ter ma vision deschoses… une vision différente.»

Le manifesteAprès avoir constaté de quelle

façon lamentable sont menées lapériode des questions et les com-missions parlementaires, ainsique le peu de liberté d’expressiondont disposent les députés, Syl-

vain Pagé élabore dans son mani-feste une série de propositionsconcernant aussi bien les rela-tions avec les citoyens — dont lapossibilité pour eux d’organiserdes référendums d’initiative po-pulaire et même de révoquer leurdéputé (selon certaines balises)— que le financement des partispolitiques (qui devrait être pu-blic), la tenue d’élections à datefixe et la réforme du mode descrutin. Devant le fait que toutesles précédentes tentatives pourréformer notre système politiqueont échoué, le député propose lacréation d’un comité permanentdes réformes démocratiques, ain-si qu’une tournée de consulta-tions à travers le Québec.

Surtout, peut-être, il proposede changer la dynamique deconfrontation qui règne à l’As-semblée nationale. «Actuellement,les députés d’un même parti sontassis dans le même bloc de sièges,écrit-il. Nous proposons que les dé-putés soient assis par ordre alpha-bétique de leur circonscription. Cet-te proposition vise à la fois à dimi-nuer les invectives entre les députéset à favoriser un climat de collabo-ration.» Il préconise en outre uneréforme de la période des ques-tions et même l’ajout d’une pério-de de questions citoyennes. «Nepourrait-on pas passer d’une dyna-

mique de confrontation à une dy-namique de collaboration, ce quim’apparaîtrait tellement plus pro-ductif?», se demande-t-il.

«Il faut collectivement trouverune nouvelle démarche politiquepour être beaucoup plus perfor-mant collectivement, par l’entremi-se d’institutions où il y aurait unemeilleure compréhension de la po-pulation à l’égard du travail desélus, poursuit-il. Or ce que les gensne voient pas, c’est qu’il se fait del’excellent travail à l’Assemblée,mais la game politique qui s’y jouenous discrédite terriblement! Çafait en sorte que la population n’aplus confiance en ses élus.»

«La première mise aujeu… d’une longue saisonde hockey»

«Pour moi, le manifeste n’est pasune fin en soi, poursuit SylvainPagé. Je me plais plutôt à dire quec’est la mise au jeu d’une partie dehockey et qu’on est loin d’être en fi-nale!» Il souhaite par conséquentque son manifeste soit l’amorced’un processus de consultations.«En déposant le document à l’As-semblée, j’ai demandé qu’on y don-ne suite en mettant sur pied unecommission parlementaire spécialedu type “Mourir dans la dignité”ou Bélanger-Campeau. Cette com-mission pourrait faire le tour du

Québec afin d’entendre les citoyensconcernant le renouveau démocra-tique qu’ils souhaiteraient voirs’instaurer.»

«J’ai déjà obtenu l’aval de Pauli-ne Marois, d’Amir Khadir et deGérard Deltell. Et il y a des libé-raux qui m’ont dit qu’ils défen-draient ma demande en caucus.»Le manifeste a fort bien été reçupar ses collègues, rapporte-t-il.«Mais ce n’est pas tout le mondequi va le crier haut et fort, puisquelorsqu’on joue la game, on peut dif-ficilement la dénoncer et dire qu’onest d’accord avec mon manifeste! Ily a même des ministres qui sont ve-nus me voir pour me dire: “Syl-vain, ce que tu proposes là, je seraistellement heureux si c’était ce genrede politiques qu’on menait!”»

M. Pagé rapporte même qu’ilne s’écoule guère une journéesans que quelqu’un communiqueavec lui pour le féliciter et lui of-frir de diffuser le manifeste. «Et,de plus en plus, je reçois des invita-tions pour en parler, ce qui me faitdire que mon manifeste fait son pe-tit bonhomme de chemin.»

Collaborateur du Devoir

Le Manifeste pour une nouvelleculture politique est disponible à:sylvainpagedepute.org/nouvellecul-turepolitique.

Pour une nouvelle culture politique

Les Marois, Khadir et Deltell soutiennent Pagé« En démocratie, il faut s’élever au-dessus de la partisanerie »La démarche se veut non partisane, mais elle touche tous lespartis. Sylvain Pagé, le député qui n’applaudit pas, a déposéun manifeste dont l’objectif est de redonner à l’Assemblée na-tionale sa dignité. À propos d’une réforme en profondeur desfaçons de faire traditionnelles.

ARCHIVES LE DEVOIR

Le député péquiste SylvainPagé

La première étape vers une réforme des institutions démocratiquesau Québec est de se donner une Constitution, estime André La-rocque, ancien sous-ministre de la réforme sous le gouvernementde René Lévesque. «Un pays sans Constitution, c’est comme un in-dividu sans papiers […]. Se donner une Constitution, c’est un peuvenir au monde, c’est la porte qui ouvre tout le reste.»

ARCHIVES LE DEVOIR

André Larocque

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Benoit Pelletier

Pour contrer le cynisme ambiant, il faut revitaliser la démocra-tie, estime l’ancien ministre libéral Benoît Pelletier. Et cela pas-se par une diminution des pouvoirs du premier ministre et unerevalorisation du rôle des députés. Une initiative qui pourraitmême devenir «le beau projet collectif» dont les Québécoissemblent avoir besoin pour se sortir du désabusement.

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T H I E R R Y H A R O U N

P résider l’Assemblée natio-nale du Québec «est un ar-

bitrage qui est un peu compli-qué à appliquer parce que, évi-demment, les débats [entre lesdéputés] peuvent s’échauf ferparfois. C’est un peu difficile deconserver un tempérament fleg-matique, mais généralement çase passe assez bien», rappelleJacques Chagnon, présidentde l’Assemblée nationale de-puis avril dernier et député li-béral de Westmount–Saint-Louis. Il a été élu par ses col-lègues députés au scrutin se-cret. C’est ainsi depuis 1999,alors que, auparavant, la candi-dature du président était pro-posée par le premier ministreet généralement adoptée àl’unanimité.

Rappelons que le présidentne participe pas aux débats dela Chambre et ne vote pas, saufen cas d’égalité des voix. Il ces-se de participer aux activitésde son parti dès son élection etne fait partie d’aucun groupeparlementaire. Ses responsabi-lités sont nombreuses, parmilesquelles il doit s’assurer quesoient protégés les droits etprivilèges de l’Assemblée et detous les députés qui la compo-sent. «Le président de l’Assem-blée nationale est aussi respon-sable, note M. Chagnon, d’unbudget annuel de 115 millionsde dollars et de 700 personnes.»

L’imageDe plus, il représente l’As-

semblée nationale dans ses re-lations avec les autres parle-ments. D’ailleurs, tout justeaprès son entretien avec LeDevoir , il est ainsi allé ac-cueillir un haut-commissairedu Kenya. «Vous savez, l’As-semblée nationale est très enga-

gée sur le plan des relationsparlementaires à l’échelle inter-nationale. Elle s’est aussi beau-coup investie dans des groupesd’amitiés particulières avec laFrance, la Belgique, le pays ca-talan, la Bavière et maintenantle Maroc.»

Quelle image le système par-lementaire québécois et sa dé-putation projettent-ils à l’étran-ger? «Sur une base personnelle,les parlementaires du Québecsont bien vus. Sur une base ins-titutionnelle, [les parlemen-taires dans le monde] trouventun peu compliquée la façondont on fonctionne. Ça les sur-prend toujours un peu quand onleur dit que, pour être ministre,il faut d’abord être député», ob-serve M. Chagnon.

L’Assemblée nationale, com-posée de 125 députés, logedans l’hôtel du Parlement, quicélèbre cette année ses 125 an-nées d’existence: un double125, quoi!

Commissaires, directeuret vérificateur

Mais l’Assemblée nationale,c’est aussi un ensemble decorps institutionnels, géréspar des personnes qu’ellenomme. Parmi les personnesqui sont désignées par l’As-semblée nationale et qui sontresponsables devant elle, il y ale commissaire à l’éthique et àla déontologie, le commissaireau lobbyisme, le directeur gé-néral des élections, le protec-teur du citoyen et le vérifica-teur général.

Ainsi, on ne s’ennuie pas ausein de cette institution qui atant à raconter. Et, pour s’enconvaincre, il suffit de consul-ter son dernier rappor t an-nuel, qui couvre la périodes’étendant du 1er avril 2010 au31 mars 2011.

Donc, pendant cette pério-de, 45 heures ont été consa-crées aux questions et ré-ponses orales. En tout, 677questions principales et 1178questions complémentairesont été posées. Notons deplus que 9196 personnes ontassisté à la période des ques-tions, 1038 documents ont étédéposés à l’Assemblée natio-nale, dont 208 pétitions et 114rapports de commission, tan-dis que 9785 personnes ontpris par t aux commissionsparlementaires. Le rappor tannuel nous apprend aussique 75 978 personnes ont visi-té l’hôtel du Parlement.

La bibliothèqueCes personnes auraient pu

également consulter à la bi-bliothèque de l’Assemblée na-tionale plus de 2,1 millions de

documents, dont 497 856 mo-nographies, 571 375 micro-fiches, 185 enregistrementssonores et 949 af fiches,car tes et photographies. Lepersonnel du service de la ré-férence de la bibliothèque arépondu à 9988 demandesd’information et de recher-che. Cette bibliothèque, quidétient aussi une collection

de livres rares et précieuxd’environ 6400 titres, a sou-vent été consultée par Jac-ques Chagnon.

«Une bonne partie de la col-lection de livres anciens, se sou-vient Jacques Chagnon, a étébrûlée lors de l’incendie de [l’hô-tel du Parlement] en 1883. Eton a eu tellement peur pournotre bibliothèque il y a environ

une quinzaine d’années, lorsd’une fête de la Saint-Jean, alorsque des gens ont voulu s’atta-quer au Parlement en lançantroches et cocktails Molotov.Franchement, on a été chan-ceux. Depuis, des dispositifs desécurité ont été renforcés autourdu Parlement.»

Collaborateur du Devoir

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1 G 7

I N S T I T U T I O N SAssemblée nationale du Québec

La présidence est aussi responsable d’un budget annuel de 115 millions de dollarsElles sont 700 personnes au service de la députation

«É coutez, nous informe Jacques Chagnon,son président actuel, il y a 200 ans le

Code criminel comptait trois articles. Aujour-d’hui, il en compte 2000 et il y a encore descrimes! Vous comprendrez qu’il n’y a pas d’insti-tution qui ne doive pas se per fectionner. L’As-semblée nationale a connu toutes sor tes dechangements depuis 1792. Il faudra d’ailleursattendre 1840 pour avoir un gouvernement res-ponsable. Entre 1792 et 1840, le rôle du prési-dent de l’Assemblée nationale a été extrêmementimportant. Je pense à Louis-Joseph Papineau,qui a été président pendant plus d’une quinzai-ne d’années. Ce poste à l’époque était l’équiva-lent de celui d’un chef d’État.»

Un peu d’histoireEt, pour preuve que l’institution se transfor-

me, la documentation de l’Assemblée nationalenote que le règlement, la liturgie parlementai-re, les commissions permanentes et le Conseillégislatif comptent parmi les éléments qui ontévolué, se sont adaptés ou ont disparu. À titred’exemple, en 1874, on consacre la fin dudouble mandat. Ainsi, un député ne peut plussiéger simultanément à Québec et à Ottawa. En1914, on met en place une nouvelle codificationdes règles de procédure.

En 1982, l’Assemblée nationale acquiert uneplus grande autonomie par suite de l’adoption dela Loi sur l’Assemblée nationale et de la créationdu Bureau de l’Assemblée nationale. Et, en 1984,l’Assemblée nationale modernise, entre autres,par voie de règlement le fonctionnement des tra-vaux en commissions parlementaires en donnantaux députés un pouvoir d’initiative.

Reculons davantage dans le temps. Le 10 juillet1792, sur les 50 députés élus, 16 sont de langueanglaise, soit près du tiers, alors que la popula-tion britannique forme au plus un quinzième dela population totale du Bas-Canada. Le 7 janvier1793, les députés adoptent une motion obligeantla personne élue dans deux circonscriptions à op-ter pour l’une ou l’autre circonscription en moins

de trois semaines. Le 12 janvier 1793, il y a lectu-re d’une prière au début de la séance par l’ora-teur du Conseil législatif. Cette prière est sem-blable à celle qu’on récite au Parlement deLondres. Et, le 8 janvier 1794, une résolution estadoptée. Celle-ci permet à un député présent enChambre d’accorder un billet à un visiteur pourqu’il puisse assister à une séance, mais debout eten dehors de la barre.

La Tribune de la presse Et que dire de la relation suivie entre la Tribu-

ne de la presse parlementaire et la députation?«Chacun à son rôle à jouer, rappelle Jacques Cha-gnon. Il se tisse parfois des amitiés un peu spé-ciales entre les parlementaires et certains membresde la presse. Mais, en général, il y a un devoir deréserve de part et d’autre.»

En complément d’information, on trouveratoutefois des perles sur cette relation dansHistoire de la Tribune de la presse à Québec:1871-1959, de Jocelyn Saint-Pierre (VLB édi-teur), lui qui a fait carrière à la bibliothèquede l’Assemblée nationale.

T. H.

« Il faudra attendre 1840 pour avoirun gouvernement responsable »En 1792, un tiers des députés sont de langue anglaise

L’Assemblée nationale du Québec constitue le pivot du pou-voir législatif. Son rôle est double: exercer un contrôle surl’action gouvernementale et voter les lois. Radiographie d’uneinstitution sise au carrefour de l’histoire et de la gouvernanced’un État appelé Québec, et ce, depuis 1792.

MATHIEU BÉLANGER REUTERS

Le Salon bleu de l’Assemblée nationale du Québec

JACQUES GRENIER LE DEVOIR

Jacques Chagnon, président de l’Assembléenationale depuis avril dernier et député libéralde Westmount–Saint-Louis

L’Assemblée nationale serait-elle une institu-tion à parfaire? Un retour sur quelques mo-ments et événements qui ont marqué la peti-te histoire de cette institution.

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A S S I A K E T T A N I

A près trois grandes phasesd’expansion du syndicalis-

me — la syndicalisation des ou-vriers qualifiés jusqu’aux an-nées 30, l’expansion du syndica-lisme industriel qui bat sonplein entre les deux guerresmondiales et la syndicalisationdu secteur public et parapublicdans les années 60-70 — le tauxde syndicalisation décline de-puis le début des années 80.Ainsi, après plus d’un siècle etdemi d’expansion, pour arriverà 40 % de syndiqués à la fin desannées 70, le taux de syndicali-sation au Québec est aujour-d’hui de 36 %.

Survivre aunéolibéralisme

Comment expliquer ce dé-clin? Selon Jacques Rouillard,professeur titulaire au Dépar-tement d’histoire de l’Universi-té de Montréal et spécialiste del’histoire du syndicalisme auQuébec, la tendance politiquenéolibérale est un facteur depremier plan. «Avec la réces-sion des années 80 s’est graduel-lement imposé le discours néoli-béral, qui tend vers unemoindre intervention de l’État,davantage de privatisations, dedéréglementations, la libéralisa-tion des échanges et les délocali-sations. Comme les travailleursd’ici sont en concurrence avecles travailleurs de la Chine oude l’Amérique du Sud, ils sontdevenus très modérés dans leursrevendications.»

La conséquence de cet affai-blissement du syndicalisme:une détérioration générale desconditions de travail, avec l’aug-mentation du travail précaire,l’accroissement des inégalitéset l’accumulation de la richessechez les mieux nantis. Le tauxde croissance est, quant à lui,

de plus en plus élevé, mais lescitoyens n’en profitent pas, et lepouvoir d’achat stagne. «C’estdu jamais vu, estime le profes-seur. Le pouvoir d’achat des sa-lariés n’augmente plus depuis 35 ans, ce qui ne s’était jamaispassé depuis le début du XXe siècle. En plus, de nos jours,ils n’ont jamais été aussi endettéset ils n’épargnent pas.»

Et, selon Jacques Rouillard,cette tendance n’est pas près dedisparaître. «La diminution dutaux de syndicalisation va s’accé-lérer et se poursuivre, car les em-plois ne se créent plus dans les sec-teurs syndiqués, comme les indus-tries manufacturières et le secteurpublic.» Le mouvement syndicalest-il pour autant condamné àdisparaître? Loin de là, estimeJacques Rouillard. «Tôt ou tard,les salariés devront se rendre àl’évidence et constater que la si-tuation se détériore. C’est sûr qu’ily aura une réaction.»

RésistanceL’avenir du syndicalisme, se-

lon lui, sera justement là où lesemplois se créent aujourd’hui:dans le secteur des services pri-vés, qui compte les secteurs dela finance, du commerce, del’hébergement et de la restaura-tion. Mais la route sera longue,vu la résistance des em-ployeurs, comme le prouventles récents conflits qui ont im-pliqué Walmart, Couche-Tardet Le Journal de Montréal. «Leslois du travail sont mal adaptéesaux transformations du marchédu travail, explique-t-il, puisquecer tains employeurs peuventpoursuivre le travail indépen-damment de leurs employés engrève. Et, lorsque le gouverne-ment impose un retour au tra-vail, il ne reconnaît tout simple-ment pas le droit de grève.»

Quant à savoir quand le mou-vement reprendra de la vi-

gueur, il est dif ficile, selonJacques Rouillard, d’être opti-miste à court terme. «Dans ledomaine politique, les forces duchangement tendent vers la droi-te», estime-t-il. La crise de 2008aurait-elle pu, comme l’avait faitla crise de 1929, déboucher surun mouvement syndical en for-ce pour relancer les conditionsde vie des travailleurs? Après2008, Jacques Rouillard admety avoir cru. Avec l’électiond’Obama et le libéralisme mon-tré du doigt comme respon-sable de la crise, le mouvementsyndical aurait pu gagner enforce. Mais, après la victoiredes républicains aux électionsde mi-mandat, l’espoir d’un re-gain d’influence syndicale dansun avenir proche s’est effondré.

Dangereux projet de loi 33

Dans la foulée de l’affaiblisse-ment du mouvement syndical, leprojet de loi 33 sur le placementsyndical vient attiser le brasier.Mais l’enjeu, selon JacquesRouillard, est trop importantpour qu’on accepte de baisserles bras, quitte à af fronter lagrogne populaire. «Ce n’est pasun concours de popularité», affir-me-t-il. Alors, même s’il faut allerà l’encontre de l’opinion, le com-bat doit être mené.

Pour lui, ce qui relève de pra-tiques condamnables et illé-gales — intimidations, rapportsmusclés, conflits de syndicatsqui ne veulent pas que desmembres d’autres syndicats ac-cèdent au chantier — ne doitpourtant pas avoir pour consé-quence l’abandon du placementsyndical, qui permet une réelleprotection des travailleurs. «Lesfrictions entre les dif férentes fa-milles syndicales ont amené legouvernement à vouloir abolir leplacement syndical dans laconstruction, ce qui a pour effetd’affaiblir le syndicalisme», maisle prix à payer n’en vaut pas lachandelle. «Il faut que les tra-vailleurs de la constructionconservent leur contrôle collectifdu placement, ce qui a été un ac-quis important dans leur rap-port de force avec le patronat.»

En observant l’évolution desmouvements syndicaux surprès de deux siècles, l’historienrappelle qu’il y a toujours desfrictions entre grévistes et bri-seurs de grève et que toutes lesgrandes grèves dressent l’opi-nion publique contre les syndi-cats. «J’ai étudié le rapport del’opinion publique avec les syndi-cats, et c’est toujours pareil: l’opi-

nion publique a une image néga-tive des syndicats en temps degrève. Les gens acceptent mal lecaractère conflictuel des rela-tions de travail. L’image des syn-dicats en souf fre, mais c’est lapossibilité de grève qui permetun rapport relativement égalitai-re avec les employeurs.»

Collaboratrice du Devoir

Pour en savoir plus: ! Jacques Rouillard, L’expérien-ce syndicale au Québec: ses rap-por ts avec l’État, la nation etl’opinion publique, vlb éditeur,2009! Le syndicalisme québécois.Deux siècles d’histoire, Boréal,2004.

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I N S T I T U T I O N SUn Québec syndical

40 % des travailleurs étaient syndiqués à la fin des années 70« Tôt ou tard, les salariés devront se rendre à l’évidence et constater que la situation se détériore »Avec près de deux cents ans d’histoire, le mouvement syndicalau Québec a connu une évolution incessante, de son âge d’or,dans les années 60-70, à l’essoufflement qu’il connaît aujour-d’hui. Né en 1818 avec la création de la Société amicale descharpentiers et menuisiers de Montréal, le mouvement syndicalau Québec a mené plus d’une bataille et compte plus d’un suc-cès notoire, parmi lesquels figurent la négociation collective,l’interdiction du travail des enfants, le salaire minimum, la se-maine de 40 heures, l’assurance chômage ou encore les pen-sions de vieillesse. Le Québec à l’heure syndicale.

SOURCE CSN

Louis Laberge, président de la FTQ, et Marcel Pepin, président de la CSN, à la tête d’une manifestation du Front commun desgrandes centrales syndicales, en 1972

JOHN GRESS REUTERS

La progression du syndicalisme dans le secteur des services sera lente, vu la résistance desemployeurs, comme le prouvent les récents conflits qui ont impliqué Walmart, Couche-Tard et LeJournal de Montréal.

MARIE CHARBONNEAU

Jacques Rouillard, professeur titulaire au Département d’histoirede l’Université de Montréal et spécialiste de l’histoire du syndi-calisme au Québec