Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient les ...

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Tous droits réservés © Les Éditions Histoire Québec, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 4 jan. 2022 22:28 Histoire Québec Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient les industries du III e Reich Stéphan Garneau Volume 18, numéro 2, 2012 URI : https://id.erudit.org/iderudit/68932ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Histoire Québec La Fédération Histoire Québec ISSN 1201-4710 (imprimé) 1923-2101 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Garneau, S. (2012). Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient les industries du III e Reich. Histoire Québec, 18(2), 24–26.

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Tous droits réservés © Les Éditions Histoire Québec, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

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Histoire Québec

Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient lesindustries du IIIe ReichStéphan Garneau

Volume 18, numéro 2, 2012

URI : https://id.erudit.org/iderudit/68932ac

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Éditeur(s)Les Éditions Histoire QuébecLa Fédération Histoire Québec

ISSN1201-4710 (imprimé)1923-2101 (numérique)

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Citer cet articleGarneau, S. (2012). Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient lesindustries du IIIe Reich. Histoire Québec, 18(2), 24–26.

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Quand les mines d’amiante thetfordoises courtisaient lesindustries du III

eReich

par Stéphan Garneau,archiviste au Centre d’archives de la région de Thetford

Stéphan Garneau détient un baccalauréat en histoire, un certificat en archivistique de l’Université Laval, ainsi qu’undiplôme d’études complémentaires de 2e cycle en archivistique, orientation administration et entreprise contemporainesde l’Université Libre de Bruxelles (Belgique). À titre de professionnel, il est archiviste au Centre d’archives de la régionde Thetford et responsable de la bibliothèque au Cégep de Thetford. Il a publié à ce jour trois livres (100 ans d’histoiresur les mines d’amiante à travers les archives 1901-2000, Le Cégep de Thetford - 40 ans d’évolution, LeCollège Canadien des armoiries - un organisme voué au développement identitaire) de même qu’une dizained’articles.

C’est en juillet 1936 que laguerre civile éclate en Espagne.Sous la direction du généralFranco, les nationalistes, soute-nus par l’Allemagne, s’opposentaux républicains, soutenus parl’Union Soviétique.

Le IIIe Reich étant un importantacheteur des ressources russes,le pays doit regarder ailleurspour s’approvisionner. Ceciamène un accord commercialconclu le 13 novembre 1936entre l’Allemagne et le Canada.

Cette entente prévoit une baissedes taxes canadiennes sur lesproduits allemands. De son côté,l’Allemagne s’engage à acheterau Canada pour un montantéquivalent au produit obtenusur les exportations réalisées auCanada, ce qui entraîne unehausse des exportations cana-diennes en Allemagne. Ainsi,alors que les exportations sechiffrent à 4,47 millions en 1935,elles s’élèvent à 17,8 millions dedollars en 1939.

Pour l’industrie de l’amiante, lemême constat peut être effectué.De fait, au cours de l’année 1936,les exportations soviétiquesd’amiante baissent de 69% enAllemagne. Pour leur part, les ven -tes canadiennes (presque essen-tiellement québécoises), connais-sent un bon fulgurant de 78%entre 1935 et 1938.

C’est donc dans ce cadre que larégion de Thetford Mines estl’hôte, en juin 1938, d’un grouped’industriels de l’Allemagne hit-lérienne, comme le rapporte larevue Asbestos de juillet 1938:

«  Un groupe d’hommes engagésdans l’industrie de la fabricationd’amiante en Allemagne ont visitérécemment Thetford Mines. Ilssont arrivés à New York le 2 juinet après une visite de quelquesjours dans cette ville, se ren di -rent à Thetford Mines où ils ontvisité les principales minesd’amiante dans la région.

«  Ils ont entre autre visité lamine King Beaver de l’AsbestosCorporation Limited, la mineJohnson et la mine Bell Asbestosà Thetford Mines, la mine VimyGroupe d’industriels allemands à la mine British Canadian.

(Source : Fonds Alfred Lloyd Penhale)

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à Coleraine et la mine BritishCanadian à Black Lake, les deuxdernières propriétés étant del’Asbestos Corporation Limited.

«Pendant leur séjour, ils ont étéhonorés lors d’un banquet donnépar l’Asbestos Corporation Limi -ted, la Johnson Company et laBell Asbestos Mines Limited. Ilsont également été reçus parAndrew S. Johnson, directeurgénéral de la Johnson Company,et par J.G. Ross, directeur del’Asbestos Corporation. Le 8 juin,ils sont partis pour Québec.»

Signe de la bonne entente quirègne entre le Canada et l’Alle -magne hitlérienne en juin 1938,la visite des industriels passequasi inaperçue au sein de lapopulation thetfordoise. Cepen -dant, pour les compagniesminières, cette rencontre revêtune grande importance puisquele groupe est composé des prin-cipaux joueurs dans le domainede l’amiante, autant en Alle -magne qu’en Europe de l’Est.

Parmi les visiteurs de passagedans la région, il faut noter :M. har man Becker de la firmeBecker & haag située à Berlin, leDr Guenther Beste, M. Wal de -mar Dinner, M. Oskar Fromme,M. Gerhard Geyer, M. Loewe,M. Karl Adolf Oesterheld, M. RolfRitter, M. Rommler, Dr WalterThoenes, M. Ewald Merkel etM. Oskar h. Ritter de la firmeTropag Asbest-und Erzimportde hambourg.

Bien que ceux-ci vendentl’amiante thetfordois principale-ment à des entreprises deconstruction, une partie non

négligeable des quantitésimportées en Allemagne estdirigé vers le secteur militaire.En effet, ce matériau séduit lesingénieurs de l’armement puis -qu’il possède de nombreusesqualités (par exemple, il est iso-lant et léger) qui permettent del’utiliser dans de multiplesdébouchés : couvrir les toits desbaraques, protéger les tran-chées, l’intégrer dans certainsfiltres de masques à  gaz. Tissé,l’amiante sert tout simplement àprotéger du feu ou de la chaleur.Ainsi, les Allemands en confec-tionnent des uniformes pour lestankistes.

Dans ce contexte, la visite desindustriels du IIIe Reich en juin1938 est loin de n’être qu’unesimple visite de courtoisie, alorsqu’elle a lieu entre l’annexionde l’Autriche en mars 1938, etcelle des Sudètes en octobre dela même année. D’autant plusque certains visiteurs ne cachentpas leur sympathie pour lenazisme. C’est le cas par exem-ple d’Oskar h. Ritter, principalactionnaire de la firme TropagAsbest-und Erzimport, qu’il afondée en 1922. D’abordœuvrant dans l’importation ducaoutchouc, l’entreprise se met àimporter de l’amiante à partirde 1929. Quatre ans plus tard,soit en 1933, Oskar h. Ritterdevient membre en règle duParti national-socialiste des tra-vailleurs allemands dirigé parAdolf hitler. Au déclenchementde la Deuxième Guerre mon-diale, l’entreprise continuerad’opérer, l’armée allemande uti-lisant énormément d’amiantedans ses équipements.

Andrew Stuart Johnson. (Source : FondsGalerie de nos ancêtres de l’or blanc.)

La firme Becker & Haag était l’agent européen de l’Asbestos Corporation.

(Source : Fonds Société Asbestos Limitée)

Oskar H. Ritter avec des sacs d’amiante de la mine Johnson.

(Source : www.tropag.com)

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De leur côté, les compagniesminières de la région deThetford Mines ne démontrentaucun signe de malaise à traiteravec les entreprises allemandes.Au contraire, celles-ci ont per-mis à l’industrie de se releverd’années difficiles. Par exemple,la demande croissante de fibresd’amiante par l’Allemagne naziepermet à l’Asbestos Corporationde remettre en opération, en1936, les mines Beaver et BritishCanadian fermées en 1929. Demême, le prix du minéral et lesprofits enregistrés en trois ans,soit de 1936 à 1939, vont lui per-mettre d’effacer complètementune dette de 7 810 000 $ qu’elleavait contractée en 1926.

Pour ce qui est de la compagnieJohnson, si son directeur géné-ral, Andrew Stuart Johnson Jr.,déplore l’annexion de l’Autricheet d’une partie de la Tché cos -lovaquie, ce n’est pas tant parceque les Allemands ont fait fi dudroit international en fusion-nant des territoires voisins, maisparce que ces rattachementssont mauvais d’un point de vueéconomique. Ainsi, lors d’unmeeting tenu le 26 octobre 1938,Andrew Stuart Johnson Jr.déclare : ’’We feel that the recentabsorption of Austria and partof Czecho-Slovakia by Germanyhas left our company withoutany of the advantages we hadexpected to have with regard to

outsider business’’1. Avec la finde la guerre civile espagnole enmars 1939, les Allemands et lesRusses signent d’importantsaccords commerciaux portantsur l’exportation des matièrespremières entre les deux pays.Par conséquent, le IIIe Reichdiminue ses approvisionne-ments du Québec. Quelquesmois plus tard, suite au déclen-chement de la Seconde Guerremondiale, les relations commer-ciales entre les compagniesminières de la région deThetford Mines et l’Allemagnehitlérienne sont interrompues.

Visiteurs allemands dans le puits de la mine British Canadian. (Source : Fonds Alfred Lloyd Penhale)

Notes

1 Source : Centre d’archives de la régionde Thetford - Fonds Société AsbestosLimitée

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