QU’EST.CE QUE LE MARCHÉ PUBLIC GLOBAL DE PERFORMANCE? · plir des objectifs chiffrés de...

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32 TERRITORIAL JURIDIQUE | PRATIQUE Essentielle, l’information juridique ne doit pas être réservée aux seuls spécialistes. Cette rubrique vous propose ainsi chaque mois des décryptages clairs et compréhensibles par tous sur l’ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales. Elle est réalisée en partenariat avec le cabinet Seban & Associés, premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics avec une approche pluridisciplinaire. En partenariat avec n Comment définir le marché public global de performance MPGP? Prévu à l’article 34 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, le MPGP succède aux marchés de CREM et de REM de l’ancien article 73 du Code des marchés publics. Il permet à l’acheteur d’associer l’exploitation ou la main- tenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de presta- tions (de travaux, de fournitures ou de services), dans le but de rem- plir des objectifs chiffrés de per- formance. Avec le marché public de conception-réalisation et les marchés publics globaux secto- riels, il appartient à la catégorie des marchés publics globaux (art. 33 à 35 bis de l’ordonnance). Ces contrats, par lesquels le titulaire assure une mission globale com- portant des prestations de nature différente moyennant le versement d’un prix, dérogent de plein droit au principe de l’allotissement posé par l’article 32 de l’ordonnance et offrent aux acheteurs qui sont sou- mis à la loi MOP la possibilité de s’affranchir de l’obligation prévue en son article 7 alinéa 2, à savoir dissocier la mission de maîtrise d’œuvre et d’entrepreneur. n Quelles sont les conditions pour recourir au MPGP? Elles sont volontairement souples et liées à la substance même de ce contrat. La seule vraie exigence imposée à l’acheteur réside dans la nécessité de fixer, au sein du contrat, des engagements de per- formance mesurables pouvant « notamment » porter sur le niveau d’activité, la qualité de service, l’efficacité énergétique ou l’inci- dence écologique. Ces objectifs peuvent se cumuler et doivent être chiffrés. Sans oublier que ce contrat comporte a minima un volet main- tenance – qui doit rester crédible. Le marché public global de perfor- mance constitue donc une solu- tion sécurisée qui ouvre considé- rablement les possibilités offertes aux acheteurs d’avoir recours à une commande globale pour leurs projets. n En quoi son mécanisme estil incitatif pour le titulaire? L’atteinte, ou non, des objectifs de performance fixés par le marché public global de performance pour toute sa durée doit impérativement être prise en compte pour la déter- mination de la rémunération du titulaire au titre de la maintenance ou de l’exploitation des prestations réalisées (art. 92-I al. 1 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics). Autrement dit, la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance de l’opérateur est modulée en cas de sous-perfor- mance ou de surperformance, ce qui constitue une incitation forte pour l’opérateur à réaliser des travaux (ou autres prestations) de qualité. Le caractère global du marché fait du titulaire le seul garant du résultat tout au long du contrat. n Quelles sont ses princi pales différences avec le marché de partenariat? Le marché de partenariat (succes- seur du « contrat de partenariat ») est, à l’instar du marché public global de performance, un contrat global caractérisé par l’étendue de la mission confiée au titulaire. Mais il comprend des différences notables avec celui-ci. D’abord, le recours au marché de partenariat s’avère bien plus encadré (impos- sibilité de recourir à ce contrat en deçà de certains seuils, étude de soutenabilité budgétaire, éva- luation préalable et nécessité de démontrer que le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable que celui des autres modes de réalisation du projet, avis préalables obligatoires; v. art. 74 et 75 de l’ordonnance). Ensuite, l’interdiction du paiement différé perdure en MPGP – pour les per- sonnes publiques qui y sont sou- mises. Par conséquent, contraire- ment au marché de partenariat, le titulaire ne pourra pas – en règle générale donc – préfinancer, même partiellement, les investissements (v. art. 60-I de l’ordonnance). Enfin, à l’inverse du marché de partenariat, l’acheteur conserve, en marché public global de performance, la maîtrise d’ouvrage opération- nelle des travaux à réaliser – mais supporte les risques inhérents à cette qualité. n Quelles sont les procé dures de passation envisageables? Les règles classiques s’appliquent; l’acheteur a donc le choix entre les différents modes de passation prévus par l’ordonnance, y com- pris la procédure adaptée lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est inférieure aux seuils européens (art. 42 de l’ordon- nance). Toutefois, des dispositions spécifiques pour les marchés au- dessus des seuils et qui compren- nent la réalisation de travaux rele- vant de la loi MOP sont prévues à l’article 92-III du décret – qui ren- voie aux modalités fixées à l’article 91-II pour les marchés publics de conception-réalisation. Et, comme pour ces derniers, on notera surtout que le choix entre l’une des trois procédures énumérées à l’article 25-I du décret (à savoir la procédure d’appel d’offres, la procédure concurrentielle avec négociation et le dialogue compé- titif) est libre pour autant que le marché public global de perfor- mance inclut des prestations de conception (art. 25-II-3° du décret, applicable par renvoi de l’art. 91-II de ce texte). La procédure concur- rentielle avec négociation et le dialogue compétitif sont, dans la quasi-totalité des cas, à privi- légier. n Sur quels critères est sélectionné le titulaire? Pour attribuer le marché public global de performance, l’acheteur devra notamment se fonder sur le critère du coût global ainsi que sur un ou plusieurs critères relatifs aux objectifs de performance définis en fonction de l’objet du contrat (art. 92-I al. 2 du décret). n Quelles sont les utilisations possibles pour le MPGP? Le marché public global de perfor- mance porte sur des « presta- tions », ce qui ne suppose pas nécessairement la réalisation de travaux. Et qu’en cas de travaux, il peut s’appliquer: aussi bien à des constructions nouvelles qu’à la rénovation de bâtiments exis- tants (avec la possibilité de moduler les interventions du titu- laire selon les bâtiments); à des opérations d’ampleur ou plus modestes. Certes, ce véhicule juri- dique apparaît directement perti- nent pour des projets de rénova- tion énergétique de bâtiments, d’énergies renouvelables et d’éclairage public. Mais, on l’a vu, le dispositif n’est aucunement limité à la seule performance énergétique. Il a notamment déjà été plébiscité en matière de trans- ports, de communications élec- troniques ou encore d’équipe- ments sportifs et de loisirs et, au regard de son attractivité, il pourrait concurrencer les autres contrats de la commande publique dans de nombreux domaines, y compris pour des projets de faible montant. QU’ESTCE QUE LE MARCHÉ PUBLIC GLOBAL DE PERFORMANCE? Par Christophe Farineau, avocat au cabinet Seban & Associés © Wikimedia Commons Lionel Allorge

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  • 32TERRITORIAL

    JURIDIQUE | PRATIQUE

    Essentielle, l’information juridique ne doit pas être réservée aux seuls spécialistes. Cette rubrique vous propose ainsi chaquemois des décryptages clairs et compréhensibles par tous sur l’ensemble des sujets relatifs aux collectivités territoriales. Elle est réalisée en partenariat avec le cabinet Seban & Associés, premier cabinet d’avocats s’adressant à l’ensemble des acteurs publics avec une approche pluridisciplinaire.

    En partenariat avec

    n Comment définir lemarché public global deperformance (MPGP)?

    Prévu à l’article 34 de l’ordonnancen° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, le MPGP succède aux marchés de CREM et de REM de l’ancien article 73 du Code des marchés publics. Il permet à l’acheteur d’associer l’exploitation ou la main-tenance à la réalisation ou à laconception-réalisation de presta-tions (de travaux, de fournituresou de services), dans le but de rem-plir des objectifs chiffrés de per-formance. Avec le marché publicde conception-réalisation et lesmarchés publics globaux secto-riels, il appartient à la catégorie des marchés publics globaux (art. 33 à 35 bis de l’ordonnance).Ces contrats, par lesquels le titulaireassure une mission globale com-portant des prestations de naturedifférente moyennant le versementd’un prix, dérogent de plein droitau principe de l’allotissement posépar l’article 32 de l’ordonnance etoffrent aux acheteurs qui sont sou-mis à la loi MOP la possibilité des’affranchir de l’obligation prévueen son article 7 alinéa 2, à savoirdissocier la mission de maîtrised’œuvre et d’entrepreneur.

    n Quelles sont les conditionspour recourir au MPGP?

    Elles sont volontairement soupleset liées à la substance même de ce contrat. La seule vraie exigenceimposée à l’acheteur réside dansla nécessité de fixer, au sein ducontrat, des engagements de per-formance mesurables pouvant«notamment» porter sur le niveaud’activité, la qualité de service, l’efficacité énergétique ou l’inci-dence écologique. Ces objectifspeuvent se cumuler et doivent êtrechiffrés. Sans oublier que ce contrat

    comporte a minima un volet main-tenance – qui doit rester crédible.Le marché public global de perfor-mance constitue donc une solu-tion sécurisée qui ouvre considé-rablement les possibilités offertesaux acheteurs d’avoir recours à une commande globale pour leursprojets.

    n En quoi son mécanismeest-il incitatif pour le titulaire?

    L’atteinte, ou non, des objectifs de performance fixés par le marchépublic global de performance pourtoute sa durée doit impérativementêtre prise en compte pour la déter-mination de la rémunération du titulaire au titre de la maintenanceou de l’exploitation des prestationsréalisées (art. 92-I al. 1 du décretn° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics). Autrement dit, la rémunération des prestations d’exploitation oude maintenance de l’opérateur estmodulée en cas de sous-perfor-mance ou de surperformance, ce qui constitue une incitation forte pour l’opérateur à réaliser des travaux (ou autres prestations)de qualité. Le caractère global du marché fait du titulaire le seulgarant du résultat tout au long du contrat.

    n Quelles sont ses princi-pales différences avec lemarché de partenariat?

    Le marché de partenariat (succes-seur du « contrat de partenariat »)est, à l’instar du marché public global de performance, un contratglobal caractérisé par l’étendue dela mission confiée au titulaire. Mais il comprend des différencesnotables avec celui-ci. D’abord, lerecours au marché de partenariats’avère bien plus encadré (impos-sibilité de recourir à ce contrat en

    deçà de certains seuils, étude de soutenabilité budgétaire, éva-luation préalable et nécessité dedémontrer que le recours à un telcontrat présente un bilan plus favorable que celui des autresmodes de réalisation du projet, avispréalables obligatoires; v. art. 74et 75 de l’ordonnance). Ensuite,l’interdiction du paiement différéperdure en MPGP – pour les per-sonnes publiques qui y sont sou-mises. Par conséquent, contraire-ment au marché de partenariat, le titulaire ne pourra pas – en règlegénérale donc – préfinancer, mêmepartiellement, les investissements(v. art. 60-I de l’ordonnance). Enfin,à l’inverse du marché de partenariat,l’acheteur conserve, en marché public global de performance, la maîtrise d’ouvrage opération-nelle des travaux à réaliser – maissupporte les risques inhérents àcette qualité.

    n Quelles sont les procé-dures de passation envisageables?

    Les règles classiques s’appliquent;l’acheteur a donc le choix entre les différents modes de passationprévus par l’ordonnance, y com-pris la procédure adaptée lorsque la valeur estimée hors taxe du besoin est inférieure aux seuils européens (art. 42 de l’ordon-nance). Toutefois, des dispositionsspécifiques pour les marchés au-dessus des seuils et qui compren-nent la réalisation de travaux rele-vant de la loi MOP sont prévues à l’article 92-III du décret – qui ren-voie aux modalités fixées à l’article91-II pour les marchés publics deconception-réalisation. Et, commepour ces derniers, on notera surtout que le choix entre l’une des trois procédures énumérées à l’article 25-I du décret (à savoir la procédure d’appel d’offres, la procédure concurrentielle avecnégociation et le dialogue compé-titif) est libre pour autant que lemarché public global de perfor-mance inclut des prestations deconception (art. 25-II-3° du décret,applicable par renvoi de l’art. 91-II

    de ce texte). La procédure concur-rentielle avec négociation et le dialogue compétitif sont, dans la quasi-totalité des cas, à privi-légier.

    n Sur quels critères estsélectionné le titulaire?

    Pour attribuer le marché public global de performance, l’acheteurdevra notamment se fonder sur le critère du coût global ainsi quesur un ou plusieurs critères relatifsaux objectifs de performance définis en fonction de l’objet ducontrat (art. 92-I al. 2 du décret).

    n Quelles sont les utilisations possiblespour le MPGP?

    Le marché public global de perfor-mance porte sur des « presta-tions », ce qui ne suppose pas nécessairement la réalisation detravaux. Et qu’en cas de travaux, il peut s’appliquer : aussi bien à des constructions nouvelles qu’àla rénovation de bâtiments exis-tants (avec la possibil ité de moduler les interventions du titu-laire selon les bâtiments) ; à desopérations d’ampleur ou plus modestes. Certes, ce véhicule juri-dique apparaît directement perti-nent pour des projets de rénova-tion énergétique de bâtiments,d’énergies renouvelables et d’éclairage public. Mais, on l’a vu,le dispositif n’est aucunement limité à la seule performance énergétique. Il a notamment déjàété plébiscité en matière de trans-ports, de communications élec-troniques ou encore d’équipe-ments sportifs et de loisirs et, au regard de son attractivité, il pourrait concurrencer les autrescontrats de la commande publiquedans de nombreux domaines, y compris pour des projets de faible montant. �

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