Purdie. Silence Nous Sommes en Direct Avec Allah

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Archives de sciences sociales des religions 153 (janvier-mars 2011) Prisons et religions en Europe | Religions amérindiennes et New Age ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Mallory Schneuwly Purdie « Silence... Nous sommes en direct avec Allah » L'émergence d'intervenants musulmans en contexte carcéral ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Mallory Schneuwly Purdie, « « Silence... Nous sommes en direct avec Allah » », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 153 | janvier-mars 2011, mis en ligne le 03 décembre 2013, consulté le 07 janvier 2015. URL : http://assr.revues.org/22771 ; DOI : 10.4000/assr.22771 Éditeur : Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales http://assr.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://assr.revues.org/22771 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Archives de sciences sociales des religions

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  • Archives de sciences socialesdes religions153 (janvier-mars 2011)Prisons et religions en Europe | Religions amrindiennes et New Age

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    Mallory SchneuwlyPurdie

    Silence... Nous sommes en directavec AllahL'mergence d'intervenants musulmans en contextecarcral................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectroniqueMallory SchneuwlyPurdie, Silence... Nous sommes en direct avec Allah, Archives de sciences sociales desreligions [En ligne], 153|janvier-mars 2011, mis en ligne le 03 dcembre 2013, consult le 07 janvier 2015. URL:http://assr.revues.org/22771; DOI: 10.4000/assr.22771

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  • Mallory Schneuwly Purdie

    Silence... Nous sommes en direct avec Allah Lmergence dintervenants musulmans en contexte carcral

    Dans les tablissements carcraux de Suisse, comme ailleurs en Europe, lesmusulmans sont une population surreprsente par rapport leur poids dmo-graphique dans la socit civile. Le recensement fdral de la population de lan2000 montrait que les musulmans reprsentaient prs du quart des individusincarcrs en Suisse (23,6 %) alors quils reprsentaient moins du 5 % de lapopulation de Suisse (4,3 %). Il sagit dune population essentiellement mascu-line, relativement jeune et provenant en majorit du sud-est de lEurope (Kosovo,Macdoine et Montenegro). Ce pourcentage lev ne se retrouve pas chez lesfemmes incarcres. Si lon ne connat pas les dtails de lappartenance religieusepar genre, ces mmes donnes montrent que seulement 20 % des femmes incarc-res viennent dEurope du Sud et que 5 % sont albanophones, des pourcentagesqui slvent respectivement 40 % et 20 % pour les hommes 1.

    Lislam et les musulmans dans les prisons ont dj fait lobjet de diversesrecherches, en Grande-Bretagne, en France, en Norvge, au Danemark et auxtats-Unis. Jusqu rcemment (Gilliat-Ray, 2008), les tudes ont avant toutport sur laccs des dtenus un reprsentant de leur religion (Beckford, Gilliat,1998 ; Beckford, Joly, Khosrokhavar, 2005 ; Ternissien 2002), aux opportunitsdes dtenus musulmans de pratiquer leur religion (Khosrokhavar 2004, 2006 ;Furseth 2000, 2003), aux formes de religiosit dveloppes par les musulmans

    1. Il est ncessaire de manipuler ces chiffres avec diligence afin de ne pas envisager lappar-tenance religieuse ou la langue maternelle comme des facteurs dterminant dans lincarcration.Ces donnes chiffres concernent lensemble des personnes dtenues dans les tablissements deprivations de libert. Or, dans les tablissements prventifs, le pourcentage de dtenus de natio-nalit trangre est sensiblement suprieur celui des tablissements dexcution des mesures(87 % en maison darrt et prventive contre 64 % en pnitencier). Ils doivent aussi tre nuancsdu fait que les personnes de nationalit suisse qui dtournent la loi bnficient plus frquemmentdun logement, possdent de meilleures possibilits de rinsertion professionnelle (langues, for-mation reconnue) et sont plus frquemment en mesure de payer en espce des amendes dordre,trois facteurs qui contribuent rduire leur probabilit de se trouver incarcres dans des mai-sons darrt par rapport aux personnes de nationalit trangre. Cf. Broquet (2007) et Bovay,Broquet (2004) propos des donnes du recensement 2000.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS 153 (janvier-mars 2011), pp. 105-121

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    en prison (Khosrokhavar, 2004 ; Spalek, 2007 ; Ammar, 2004), aux raisonsqui incitent les dtenus musulmans sengager dans une dmarche religieuse(Dammer, 2002), aux risques de radicalisation lislam des dtenus musulmanset aux phnomnes de conversion (Khosrokhavar, 2006 ; Ammar, 2004 ; Hamm,2009). Rcemment, une tude suisse sest penche sur le cas des dtenus musul-mans dans une prison de Suisse almanique (Endrass et al., 2008). Lintrt deschercheurs sest notamment port sur les possibilits des dtenus de pratiquerleur religion ainsi que sur limportance subjective que des lments de la pratiquereligieuse, tels que la prire ou lalimentation, peuvent avoir pour les dtenus.

    Dans cet article, je propose de dvelopper un autre aspect de lislam en milieucarcral et de prsenter les pourvoyeurs de lislam dans les prisons suisses, endautres termes, ceux (et plus rarement celles) qui offrent un accompagnement spiri-tuel aux dtenus musulmans. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Comment conoivent-ils leurs rles ? Si les directions dtablissement les dsignent gnralement sousles termes dimam ou daumnier musulman, il semble plus pertinent, dans lecontexte des prisons suisses, de les appeler intervenants musulmans de prison .Largument principal plaidant contre lappellation daumnier tient au faitque les intervenants musulmans nappartiennent pas au personnel de ltablis-sement : ils sont soumis au protocole des visiteurs, ils doivent annoncer leurpassage en moyenne deux jours lavance, ils doivent dposer leurs papiersdidentit lentre, ils nont pas de bureau et ne disposent parfois pas non plusdun vritable local de recueillement 2. Le second argument trouve sa source dansune rcente tude sur les musulmans dans le canton de Zurich qui relve quelusage du terme aumnier pose des enjeux importants qui refltent le dca-lage entre les pratiques et les reprsentations sociales. Selon ltude mentionne,les aumniers de prison chrtiens refusent le qualificatif daumniers aux inter-venants musulmans qui visitent une prison cantonale. En effet, les aumnierstraditionnels reprochent souvent leurs homologues musulmans de ne pas avoirde formation thologique pousse et de ne pas avoir suivi de formation profes-sionnelle spcifique au travail daumnier de prison. Dans ces conditions, il est, leur sens, erron dutiliser le substantif daumnier pour parler de ces inter-venants. Quant au label dimam de prison , ce sont les informateurs eux-mmes qui bien souvent le refusent. leur avis, mme si un certain nombre destches qui leur incombent sinscrivent dans le cahier des charges traditionneldun imam, ils considrent, pour la plupart, que leur formation thologique,leurs rles et leurs fonctions dans les prisons ne sont pas des lments suffisantspour porter le titre dimam. Ils ne parlent du reste jamais de leur fonction, maisprfrent voquer leur action quils comparent un service quils rendent et unbesoin quils comblent.

    2. Un rfectoire ponctuellement apprt ou une salle de sport.

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    Lislam, le droit et la prisonEn Suisse, lislam ne bnficie ni du statut de religion reconnue, ni de prroga-

    tive de droit public. Cependant, la rglementation des rapports entre lglise etltat tant du ressort des autorits cantonales, certains cantons, dans le domainede la pnalit, accordent une reconnaissance informelle la religion musulmane.La lecture du code pnal 3 attire lattention sur la marge de manuvre laisseaux tablissements eux-mmes quant la place quils accordent aux religionsnon chrtiennes et leurs reprsentants. Le droit tant sujet interprtation,cette place peut dpendre de linterprtation que les autorits institutionnellesfont, par exemple, des termes ecclsiastique et tches analogues . Si eccl-siastique dsigne exclusivement le membre certifi dune glise reconnue pro-diguant des services religieux chrtiens ou sil dsigne tout individu en chargedu soutien et de laccompagnement spirituel des dtenus, quelles que soient leursconfessions, la place des religions non reconnues peut sen trouver modifie.Dans ce cas, imams, rabbins et moines bouddhistes pourraient prtendre auxmmes conditions dexercice que les aumniers chrtiens en place. Tout leproblme, pour lislam en loccurrence, est que les rglementations font parfoismention de la visite dun reprsentant devant tre reconnu par les autoritsreligieuses comptentes 4. Or, comment cette exigence d autorits religieusescomptentes peut-elle se traduire dans une religion comme lislam o lautoritreligieuse demeure une question thologiquement problmatique 5 ? Quelle auto-rit lgitime pourrait tre en mesure, en Suisse, dtablir des critres thologiquesportant sur la reconnaissance des qualifications et qualits du candidat ? Commele relve, juste titre, Frank Fregosi, il nexiste pas en Europe ( ce jour) dinstitu-tion susceptible de rguler lautorit religieuse musulmane. On observe davan-tage une situation de dissmination des sources et des canaux dexpression delautorit religieuse , une situation qui renvoie de fait la diversit culturelledes populations musulmanes prsentes en Europe (Frgosi, 2004 : 170). Mais laquestion de lautorit religieuse comptente ntant pas spcifiquement articule lexemple de lislam, cette dernire dsigne-t-elle simplement une autorit

    3. Le Code pnal suisse stipule larticle 74 que le dtenu et la personne excutant unemesure ont le droit au respect de leur dignit. Lexercice de leur droit ne peut tre restreint quedans la mesure requise par la privation de libert et les exigences de la vie collective dansltablissement . Larticle 84, alina 3, dit lui que les ecclsiastiques, les mdecins, les avocats,les notaires, les tuteurs ainsi que les personnes qui remplissent des tches analogues peuventtre autoriss communiquer librement avec les dtenus dans les limites fixes par le rgle-ment dtablissement .

    4. Rglement des dtenus et des interns des tablissements de Bellechasse, art. 56 surlassistance spirituelle, al. 2.

    5. Gaborieau et Zeghal (2004) mentionnent deux raisons essentielles pour cela : des raisonsthologiques et des raisons lies aux coutumes ethnico-culturelles en matire de hirarchiesociale. Les auteurs insistent ainsi sur la centralit de la rfrence Dieu dans le processusdattribution de lautorit.

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    musulmane ? Si cest le cas, quel type dacteur musulman pourrait tre en mesurede lgifrer sur la comptence des candidats : Les autorits consulaires ? Les fdra-tions islamiques internationales ? Les reprsentants des associations musulmaneslocales 6 ? Mais il est aussi possible dentendre par autorit religieuse comptentelautorit religieuse en place dans la prison, savoir les aumniers catholiqueset rforms.

    On rencontre parfois la mention de reprsentants des glises et communau-ts religieuses attitres de ltablissement 7. L encore se pose la question de lalgitimit des modalits partir desquelles ces reprsentants sont attitrs et desautorits ayant en charge ces attributions ? Les directions dtablissement ? Lesdpartements cantonaux de justice et police ? Les reprsentants des glisesprennent-ils part cette consultation ? Il sagit ici dautant de questions quirestent en suspens vis--vis de la loi et qui sont laisses linterprtation desautorits carcrales.

    Cela tant dit, si sur lensemble des rglementations des tablissements enSuisse romande, seul un tablissement, se distinguant par son caractre stricte-ment administratif, fait clairement mention de la prsence dun imam, il resteque, dans les faits, bien des tablissements pnitentiaires ont recours aux servicesdun intervenant musulman. Si les rglementations ne statuent pas clairementsur lexercice de la libert religieuse des dtenus non chrtiens, il importe denoter que cette dimension est belle et bien prise en compte par les tablissementseux-mmes 8.

    MthodologieDans le cadre dune recherche sur les enjeux du pluralisme religieux dans les

    prisons suisses 9, jai t amene tudier la mise sur pied des dispositifs desoutien religieux, spirituel et pastoral aux dtenus de confession musulmane.

    6. Outre les trois sources dautorits cites ci-dessus, Michel Reeber mentionne encore lacomptence revendique comme quatrime modalit. Celle-ci dsigne le musulman sestimantsuffisamment rudit pour proposer ses services la communaut locale. Dans le cas qui nousoccupe, cette quatrime option est celle qui correspond le mieux au profil de nos informateurs.Du point de vue de la loi, toutefois, cela ne rpond pas la question de savoir quelles autoritsreligieuses sont mme de dsigner et reconnatre les comptences revendiques du candidatprdicateur (Reeber, 2004 : 193-194).

    7. Cf. le rglement du canton de Vaud sur le statut des condamns excutant une peineprivative de libert et les rgimes de dtention applicable, art. 10 sur lassistance spirituelle.

    8. propos de la prise en compte du pluralisme religieux dans les prisons suisses et lepotentiel discriminatoire, voir : Schneuwly Purdie, Vuille 2010 ; Schneuwly Purdie, 2010.

    9. Projet de recherche dirig par I. Becci, C. Bovay et A. Kuhn intitul Enjeux socio-logiques de la pluralisation religieuse dans les prisons suisses , PNR 58 Collectivits religieuses,tat et socit, 2007-2010.

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    Des outils qualitatifs et quantitatifs ont t dvelopps afin de runir un matrielempirique riche. Tout dabord, des entretiens semi structurs raliss en face face ont t raliss avec des intervenants qui exercent le rle dimam dans neuftablissements de Suisse romande. Les entretiens ont t analyss thmatique-ment selon une grille commune, tenant notamment compte du statut, de la fonc-tion, des activits organises et des attentes de lintervenant.

    Le deuxime type de matriel est issu dun journal de terrain tenu durant neufpriodes dobservation de runions mettant en scne un intervenant et un groupede dtenus. Il sagissait, dune part, des prches du vendredi et, dautre part, degroupes de discussion rassembls spcifiquement loccasion du Ramadan 10.Ayant eu, sept reprises, lopportunit denregistrer les sances, des retranscrip-tions des prches clbres appartiennent aussi ce journal ethnographique.

    Le troisime type de matriel est un questionnaire quantitatif cr spcifique-ment lintention des intervenants musulmans. Ce questionnaire a t distribu tous les intervenants musulmans de prison qui intervenaient dans un tablisse-ment, au minimum une fois par mois. Malgr le fait que cinquante-six tablis-sements pnitentiaires, choisis selon leur appartenance concordataire 11 et leurtaille aient t contacts, il savre que je nai pu avoir que douze contacts quirpondaient ce simple critre mensuel. Sur les douze intervenants contacts,dix ont rpondu au questionnaire ce qui indique quun nombre important dta-blissements contacts ne collaboraient pas avec des intervenants rpondant aucritre mensuel. La prsence dintervenants musulmans dans les prisons concerneessentiellement les tablissements de grande taille, cest--dire de plus de centplaces 12 et la Suisse nen compte que dix-huit. Tous les intervenants ayantrpondu au questionnaire officient dans des tablissements de grande taille. Ilest intressant de relever que les intervenants de notre chantillon travaillentdans 40 % des grands tablissements. Je suis consciente quon ne peut pas parler

    10. Ma dmarche consistait en une observation participation modre, soit dune formede participation suggrant la prsence du sociologue sur la scne de laction mais sans participa-tion active (Dewalt, 1998).

    11. Les concordats sont des conventions intercantonales signes par les gouvernementscantonaux. Ils ont pour objet la construction et lexploitation communes ou coordonnes dta-blissements pnitentiaires et luniformisation de directives obligatoires et de recommandations.Il existe actuellement en Suisse trois concordats qui organisent le paysage carcral : le concordatde la Suisse romande et du Tessin (Fribourg, Genve, Jura, Neuchtel, Vaud, Valais, Tessin) ;le concordat de la Suisse orientale (Appenzell Rhodes Intrieur, Appenzell Rhodes extrieur,Glaris, Grisons, Schaffhouse, Saint-Gall, Thurgovie, Zurich) ; le concordat de la Suisse centraleet du Nord-Ouest (Argovie, Ble-ville et Ble-campagne, Berne, Lucerne, Obwald, Nidwald,Schwytz, Soleure, Uri, Zoug).

    12. La Suisse compte un nombre trs important dtablissements de petite taille, cest--dire de moins de cinquante places. Dans les dtails, il y a en Suisse 124 tablissements deprivation de libert, dont 80 de moins de cinquante places et seulement 18 de plus de centplaces. Concernant les tablissements de trs petite taille, on en recense 48 ayant moins de20 places, et pour les tablissements de taille moyenne, 48 possdent entre 50 et 100 places.

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    ici dune quelconque reprsentativit statistique de ces donnes, mais celles-cipermettent nanmoins de formuler des hypothses relatives au profil des intervenants.

    Les intervenants musulmans de prison : douze portraitsMme Saba : Suissesse et Macdonienne, 52 ans, assistante logistique dans

    une entreprise de tlcommunication. Elle na pas dautre formation thologiqueque sa propre socialisation en tant que musulmane. la prison, elle nest pasen charge des services religieux, elle intervient essentiellement comme visiteuse.

    M. Seoudi : Tunisien, 34 ans, sunnite, ducateur spcialis pour jeunes endifficult. Il na pas suivi de formation thologique proprement dite, mais a suivides cours de thologie musulmane dans le cadre de sa formation universitaireen philosophie.

    M. Kadri : Marocain, 54 ans, sunnite. Il donne des cours de Coran, darabeet soccupe de la conciergerie dune mosque. Il na pas de formation thologiqueislamique, mais il connat le Coran par cur.

    M. Mestiri : Tunisien, 46 ans, sunnite, ducateur spcialis pour enfants han-dicaps. Il a suivi une formation en sciences islamiques (Coran, Sunna et fiqh).

    M. Bouzar : Tunisien, 52 ans, chauffeur de bus, interprte et mdiateur culturel.Il est titulaire dun diplme reconnu par ltat tunisien pour exercer comme imam.

    M. Benkais : Tunisien, sunnite, la cinquantaine, employ dans une usine. Ilna pas de formation thologique spcifique, il tient ses connaissances de coursde religion suivis dans les mosques en Tunisie.

    M. Ouali : Tchadien, 35 ans, sunnite, chauffeur de taxi de profession. Il sestform en autodidacte, grce lcoute de cassettes, de prches sur Al-Jazira et delectures.

    M. Tilyl : Pakistano-Suisse, 41 ans, sunnite, homopathe et mdiateur inter-culturel. Il a suivi une formation dans un collge islamique au Pakistan et pour-suivi sa formation en autodidacte. Il traduit dans une langue nationale suisse lesprches de la mosque de sa rgion.

    M. Ouari : Turco-Suisse, 60 ans, sunnite, imam de profession, activementengag dans la vie associative musulmane de sa rgion. Il a suivi lenseignementdun cheikh dans une cole coranique en Turquie.

    M. Cezmi : Turco-Suisse de 35 ans, sunnite. Ingnieur de profession, il a suivilenseignement dun cheikh en Turquie, puis sest form en autodidacte en Suisse.

    M. Dalab : Franais, dorigine tunisienne, 40 ans. Imam de profession etmdiateur interculturel, titulaire dun diplme universitaire en sciences isla-miques, droit et fondement de la doctrine. Il a suivi cette formation Paris.

    M. Taha : Franais, dorigine tunisienne, 44 ans. Ingnieur de profession, ila suivi une Haute cole coranique en Tunisie et il est titulaire dun diplme ensciences islamiques.

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    Il apparat ainsi que les intervenants de prison enquts sont rsolument untype dacteur masculin, dorigine trangre 13, relativement jeune et qui bnficiedune bonne ducation : les trois-quarts sont gs de moins de cinquante ans etont suivi une formation universitaire dans leur pays dorigine. Cette formationntant gnralement pas reconnue en Suisse, ils nexercent pas souvent le mtierpour lequel ils sont forms, mais tous sont employs professionnellement pleintemps. Leur fonction dintervenant musulman de prison seffectue en dehors deleur temps de travail, et, pour la majorit dentre eux, de faon bnvole. Seulsdeux dentre eux appartiennent au personnel carcral : ils sont rmunrs et nese trouvent pas dans lobligation de se soumettre aux contrles de scurit. Laplupart des intervenants interrogs exercent dans plus dun tablissement.

    Le temps de prsence dans les institutions est trs variable : quatre inter-venants musulmans sont prsents moins dune heure par semaine, deux oprentune heure par semaine et les trois derniers ont leur disposition plus dune heurepour effectuer leur mandat. Jamais le temps de prsence nexcde deux heureset trente minutes. Si lon sattarde sur leur rle, on remarque que, pour neufdentre eux, il sagit formellement dassurer le prche et la prire du vendredi,alors que les trois derniers interviennent plus ponctuellement sur des mandatsprcis de linstitution (gestion de conflit intergroupe, visites et ftes notamment).Sils ne dfinissent pas leur rle selon le mme qualificatif, ni ne le comprennentde la mme faon, ils saccordent pour justifier leurs motivations en revendiquantune qualit commune : la philanthropie et le souci dapporter une contributionpersonnelle au bon fonctionnement de la socit. M. Benkais dit ce propos Nous on le fait la fonction dimam titre disons philanthropique, vousvoyez, dans le sens du bnvolat. (...) Cest ma participation personnelle pourle bien des autres (...) Jaide des gens qui sont entre guillemets en tat de dtresseou qui ont besoin dun petit peu de rconfort pour vivre . M. Seoudi insiste surlimportance de faire passer un message dapaisement et dapporter un soutien.M. Kadri dit apporter des conseils, de la gentillesse et de la sagesse. Il sefforcedattirer lattention des dtenus sur les piges qui les ont conduits en prison ettente de leur apprendre les reprer afin quils puissent, lavenir, les esquiver.Il leur apprend diffrencier le bien du mal, reconnatre le chemin de Dieu et ne pas suivre les sentiers de Satan qui conduisent invariablement enprison. M. Mestiri estime que sa prsence apporte un bien-tre, quelle donnede lespoir et de la force aux dtenus pour faire face aux difficults lies lincar-cration. M. Bouzar cherche, pour sa part, faire passer un message dapaisementet enseigne le comportement responsable . M. Benkais insiste sur le repentir : lerreur est humaine dit-il, il sagit donc de tirer un enseignement des cartscommis. M. Ouali tient des propos qui soulignent ces diffrents lments : quand on rencontre quelquun de musulman qui est en prison, cest quil y a

    13. Au moment de lenqute, seuls quatre dentre eux bnficiaient de la nationalit suisse,les huit autres possdaient des permis dtablissement (permis C).

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    quelque chose quelque part qui a t mal fait. Donc peut-tre psychologiquementje peux amener quelque chose, peut-tre aussi leur amener les quelques connais-sances que jai. Je leur parle surtout de lendurance, du pardon, du bien-faire.Jessaie vraiment dapporter du changement par rapport ce quils ont vcupeut-tre ou bien par rapport au futur quils vont vivre. Lorsquil sadresseaux dtenus, M. Ouali met laccent sur la possibilit de changer, de prendre unnouveau dpart. Il leur explique quils doivent troquer la recherche de forcemusculaire contre une nouvelle force de caractre, une volont de changer et devivre honntement : Alors quand je leur dis : Sil vous plait, mme si quelquunvous insulte, ninsultez pas. Vous savez, lhomme le plus fort, cest celui qui,quand il est nerv, ne va pas agir ! Alors l, les gars, ils disent : Ah ! Mais !.Parce quils nont jamais entendu des choses comme cela ! La force, cest pas laforce du muscle, mais cest la force du caractre.

    Une typologie en cinq profilsLa recherche-mre de cette enqute sur les intervenants musulmans de prison

    (cf. note 8) avait comme objectif danalyser les enjeux de la diversit religieusedans les prisons suisses, notamment les mutations des dispositifs de soutien spiri-tuel face la diversification de la population carcrale et le respect de la libertreligieuse des incarcrs 14. Afin dapporter des lments danalyse aux probl-matiques initiales, les analyses ont crois les matriaux quantitatifs et qualitatifsen tenant compte de quatre lments : la prsence ou labsence de lintervenant pour la clbration dun service reli-gieux ou dune fte ; le temps consacr au rite islamique en regard du temps consacr un espacede discussion ; lusage dune langue nationale suisse, allogne (turc, albanais, ourdou, etc.)ou de larabe ; la possibilit dintervenir dans dautres circonstances que celle de la liturgiehebdomadaire (groupe de discussion, cours de religion, mdiation).

    Ces critres, articulant des indices relatifs la pluralisation culturelle et reli-gieuse, lexercice de la libert religieuse et lintgration des minorits auxdispositifs institutionnels ont permis de dgager cinq profils des intervenantsmusulmans de prison.

    Lintervenant-imamIl existe tout dabord des intervenants qui rpondent au profil de limam,

    cest--dire des acteurs musulmans qui bnficient de connaissances religieuses

    14. Voir dans ce numro la contribution dIrene Becci.

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    suffisantes pour leur permettre dassurer le prche et de diriger la prire duvendredi. Lintervenant-imam est un individu de confession musulmane, socialisjusqu lge adulte dans son pays dorigine et qui y a reu une formation tho-logique plus ou moins pousse.

    Pour lui, lobservation scrupuleuse du rite musulman est essentielle. Il tientun prche en arabe quil traduit ensuite en franais, compltement ou partielle-ment selon le temps disposition. Laccent est souvent mis sur lexemplaritcomportementale qui ne doit pas se rsumer un comportement licite en islam,mais un comportement lgal et social dans la socit dans laquelle lindividu vit.La pnitence, le repentir et le pardon sont des thmes auxquels les intervenants-imam ont frquemment recours. Les propos de M. Benkais illustrent par exemplela liminalit de lexprience carcrale comme tant la fois une preuve, maisaussi une possibilit dvoluer vers des horizons meilleurs : Le fait dtre dansune prison, a veut dire que la personne a commis une erreur quelque part. Il acommis une erreur envers dautres individus ou peut-tre il a outrepass une loi.Il a fait une erreur. Je choisis de leur parler du thme du repentir. Cest enquelque sorte pour leur montrer que la personne peut se racheter. On nest pasdes saints ! Tous, on est expos lerreur. Si on fait une erreur, on fait uneerreur. On est jug pour a. On est dans ce lieu. Si on est emprisonn, cestun moment o on peut peut-tre se retrouver avec soi-mme et puis faire uneautocritique et puis se diriger vers des solutions futures. Parce que, en fin decompte, le but dtre dans une prison, cest une punition mais peut-tre aussimoi jimagine que a pourrait aussi tre un moment trs fort pour la personne.La prison, a agit trs fort sur lmotionnel. La personne qui se voit prive desa libert et tout, peut-tre a laide se reconstruire et puis peut-tre se revalo-riser et peut-tre aussi aller de lavant et de se dire plus jamais je ne feraiquelque chose qui memmne dans une telle situation.

    Une prire rituelle clture systmatiquement la sance. lissue de la prire,lintervenant-imam salue les participants et se retire dans des dlais relativementcourts. Il peut arriver quil distribue de petits manuels dintroduction lislamou des fascicules illustrant les tapes des ablutions et de la prire. Les interactionsentre lui et les dtenus se limitent des formules de politesse, au respect et aucivisme. Les salutations se droulent sans accolades ni chaleureuses poignesde mains.

    Lintervenant-aumnierSecond profil, lintervenant-aumnier est un individu qui associe la visite et

    le conseil personnalis lorganisation du service religieux du vendredi. Laccentest mis sur laccompagnement des dtenus et le rite, avec un lger avantage pourle premier. M. Ouali dit, par exemple, venir essentiellement passer un messagede pardon, passer le message de lespoir . Lintervenant-aumnier peut avoir

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    des rendez-vous individuels avec des dtenus et peut leur rendre visite en dehorsdu vendredi. Il accompagne par exemple un dtenu dans une prire pour lesdfunts lors dun dcs dans sa famille ; il visite les dtenus linfirmerie ou ilrend visite leurs familles ; il anime des cours de religion ou des groupes dediscussion autour de questions religieuses. Selon M. Bouzar, les questionstouchent essentiellement la relation directement Dieu, la relation avec le Sei-gneur. Comment je dois faire la prire ? Est-ce que je dois manger telle chose ?Ou est-ce haram ? Comment je peux faire pour respecter le jene ? son avis, tout ce qui est dehors des quatre murs ne les intresse pas . Afin de soulagerle quotidien des dtenus musulmans, M. Kadri organise chaque anne une ftepour lId el-Fitr. Avec lautorisation de la direction de ltablissement, il apporteun repas cuisin par ses soins et certifi halal. Celui-ci comprend de la viandede mouton, des saucisses et du couscous, des douceurs orientales et des boissonssucres. La direction met sa disposition un rfectoire spcialement apprt.Pour organiser les festivits, M. Kadri collecte des fonds auprs des membres desa communaut et auprs des commerants et restaurateurs musulmans. cetteoccasion, il prononce aussi un prche.

    Le profil de lintervenant-aumnier est fonction des autorisations contracteset de sa libert de mouvement dans la prison. Cela dit, le respect du prche et dela prire du vendredi constitueront nanmoins le cur de la visite hebdomadaire.

    Lintervenant-grand-frreLe troisime profil est celui de lintervenant-grand-frre qui accepte, faute de

    mieux, dassurer le service religieux lintention des dtenus. Lintervenant-grand-frre met laccent sur sa prsence auprs des dtenus, sur la chaleurhumaine quil amne avec lui, sur le message de tranquillit, dapaisement, depatience et despoir quil essaie de faire passer. Comme les deux profils prc-dents, lintervenant-grand-frre se prsente la prison pour diriger la prire duvendredi et il suit scrupuleusement le rite. Cependant, les rfrences au Coranet la Sunna sont plus rares et il courte le prche pour assurer un moment departage et de discussion avec les dtenus lissue de la sance. Pour lui, le respectde la langue arabe est plus relatif, le prche ne se tient quen franais, seule laprire est rcite en arabe. M. Benkais confie avoir choisi, de leur parler enfranais. Je viens pour leur donner quelque chose, autant que je fasse passer monmessage de la meilleure faon et quils me comprennent . lissue du rite, vientalors le temps de lchange et des questions. Si des questions religieuses peuventtre discutes, lessentiel de lchange concerne les conditions de vie dans lta-blissement. Lintervenant-grand-frre apporte davantage un soutien moral, uneprsence amicale auprs des dtenus quun encadrement religieux et/ou spirituel.M. Ouali explique ses visites hebdomadaires comme suit : Quand jarrive, jereste tout simplement assis comme a dune manire trs amicale. Relax. On sesalue. Je leur demande tout simplement Comment allez-vous ?, Ca va ?,

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    Ca bouge ? Tout simplement moi je leur demande des nouvelles. Jaime biensavoir si entre temps (depuis sa dernire visite) ya eu des problmes. Ca peutarriver entre prisonniers : yen a un qui se rebelle contre le gardien, etc. Ondiscute cinq-dix minutes, parfois cinq minutes seulement si on na pas beaucoupde temps. Parfois, ils ont des questions poser, des questions religieuses. Maismon domaine, cest pas vraiment a, jai pas de connaissances religieuses, donccest vraiment parce que ya personne dautres qui est disponible que jy vais. Jene suis pas vraiment de la formation, je suis vraiment un simple gars dans lafilire. Mais je me dis que peut-tre que ces gens-l, ils ont plus besoin daide.Je dis que mme si je nai pas de connaissance peut-tre que le peu que jai vcu,lexprience que jai dans la vie et avec lenseignement de lislam de bien faire,de rester bien partout o on est, donc peut-tre que je leur apporte quelque chosede plus. Et au moins, le jour quils vont sortir de cette prison, ils vont tre desbons citoyens ou bien des gens normaux qui vont tre bien tout simplement .

    Ces trois premiers profils ont comme dnominateur commun la clbrationde la prire du vendredi. Ils schelonnent sur un axe allant dun respect domi-nant de lorthopraxie une adaptation du rite aux conditions dincarcration.Le contenu des prches oscille entre la psalmodie en arabe de longs extraits duCoran et la lecture de nombreux hadiths un rite profondment ds-arabis etdsacralis mettant laccent sur lencouragement et les perspectives qui soffrirontaux dtenus leur sortie de prison.

    On rencontre ensuite deux profils qui se distinguent des trois prcdents parlabsence de liturgie.

    Lintervenant-mdiateurLe quatrime profil est celui de lintervenant mdiateur. Il sagit dun individu

    qui na pas pour fonction de diriger un service religieux. Il intervient sur demandede ltablissement en tant que mdiateur culturel et/ou religieux entre les dtenusdes diffrentes cultures et/ou religions. Il sagit dindividus de confessions et decultures musulmanes diverses (Pakistanais, arabo-musulmans, balkaniques) quiservent dintermdiaires entre linstitution et les dtenus, mais qui peuvent aussiintervenir aux moments de tensions entre deux ou plusieurs dtenus. Comme lesprofils prcdents, lintervenant-mdiateur a suivi une formation thologiqueplus ou moins pousse. Il est commun quil soit engag dans la vie associativemusulmane de sa rgion ainsi que dans des initiatives portant sur le dialogueinterreligieux et/ou interculturel. M. Tilyl explique ainsi quil traduit les prchesde limam de sa mosque dans une langue nationale tous les vendredis. M. Dalaborganise pour sa part des formations la communication interculturelle qui sontsuivies par des membres du corps professionnel dune prison de sa rgion. Laformation et linformation du personnel carcral peuvent mme directement res-sortir son mandat. M. Ouari confie par exemple quil donne un cours dintro-duction semestriel lislam et aux cultures musulmanes, cours adress tout

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    nouvel employ de ltablissement. Lintervenant-mdiateur nest ainsi pas uni-quement un agent de la religion des dtenus, mais a un rle actif y compris pourle personnel de ltablissement. Ses visites dans les prisons ne sont pas structurel-lement organises. Elles rpondent des demandes, parfois des urgences, ponctuelles.

    Lintervenant-visiteur

    Finalement, il existe lintervenant-visiteur, qui, linstar du mdiateur, napas non plus comme fonction dassurer un service religieux. Comme son nomlindique, il intervient pour rendre visite plus ou moins rgulirement un indi-vidu ou un groupe de dtenus. Il sagit par exemple de partager un moment dediscussion autour dun caf, danimer une discussion autour dun thme religieuxou non (la famille, le couple, lamiti), dorganiser un petit cours de religion une occasion particulire (Ramadan) ou de partager un moment de convivialit lissue dun moment fort de lanne liturgique musulmane (Id el-Fitr ou Id el-Kebir). M. Seoudi, par exemple, rencontre un groupe de dtenus tous les mercre-dis du Ramadan. Ces rencontres sont d-ritualises : M. Seoudi se rend la pri-son en tenue civile (au lieu de la longue robe blanche, la cape et la calotte queportent traditionnellement les imams), il dispose les chaises en cercle et sassiedau milieu des dtenus (et non en position debout et face au groupe comme durantles prches rituels). Les interactions entre lui et les dtenus sont frquentes etspontanes : il fait appel des volontaires pour lire une sourate du Coran deleur choix. Il donne ensuite des explications adaptes sur le contexte de rvlationdu passage lu. Puis, en groupe, ils discutent de ce que cela signifie pour eux, deleur comprhension du texte et de lenseignement quils en retiennent, chacundonnant son avis librement. Le reste de la rencontre est consacr une discussionportant sur les conditions de vie et les difficults quils rencontrent dans leurjene. Cet change se droule dans un esprit convivial et les arabophones prsentsprofitent de sa prsence pour parler dans leur langue maternelle. Un secondexemple est celui de Mme Saba qui, seule ou en compagnie dautres femmesdune association musulmane, visite des dtenues un samedi par mois pendanttrois heures. Elle apporte avec elle des croissants et elles partagent un momentde discussion. Mme Saba apprcie la compagnie dautres surs pour cesrencontres. Cela lui permet de sisoler un moment une autre table avec luneou lautre dtenue qui aurait besoin de se confier en priv. Lintervenant-visiteura un statut ambigu se situant entre le visiteur religieux et le visiteur civil. Sesvisites ne sont pas justifies par une liturgie, mais elles sadressent nanmoins un groupe religieux spcifique, groupe qui souvent partage des affinits linguis-tiques. Trilingue (serbo-croate, albanais et turc), Mme Saba rencontre galementdes femmes orthodoxes, catholiques et mme sans confession. Ce dernier typedintervenant est celui qui scarte le plus du ct rituel de la religion. Les visitessont plus loccasion de briser la routine, de parler dans sa langue maternelle

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    et de parler du pays, damener une once dextrieur entre les quatre murs dela prison 15.

    Les intervenants musulmans interviews dans le cadre de cette rechercherpondent un profil dominant, sans pour autant exclure les autres profils. la fois prdicateur derrire lequel les dtenus salignent pour prier, professeurqui dispense des rudiments de religions, ngociateur ou intermdiaire entre lesdiffrents acteurs de la prison et tre humain sensible leur dtresse, les inter-venants dveloppent une image de leurs rles et de leurs fonctions cheval surles domaines du religieux, mais aussi du social.

    Silence. Nous sommes en direct avec Allah . lments conclusifsLislam en Suisse nest devenu un objet social et politique que rcemment 16.

    Cest la raison pour laquelle lmergence dune aumnerie pluriconfessionnellenen est qu ses premiers pas et que la prsence dintervenants musulmans dansles prisons suisses est encore marginale. Cela dit, il serait erron de conclure quela libert religieuse des dtenus est bafoue. Comme je lai dit prcdemment,mme si les tablissements, structurellement, nont que rarement des intervenantsattitrs, il nen reste pas moins quils cherchent et mettent au point des solutionsau cas par cas.

    En conclusion de cet article, jaimerais proposer quelques rflexions sur laplace et le travail de lintervenant musulman. Comme le relve pertinemmentJames Beckford, on aurait pu croire que laugmentation de la diversit religieusedans les prisons et la diffusion des religiosits individuelles pouvait mener lmergence dune foi gnrique, une sorte de spiritualit prte croire , maiscette hypothse savre fausse (Beckford, 2009). Mme sil est un fait que ladiversit religieuse augmente et quelle influence la formation et le quotidien desaumniers traditionnels chrtiens, la logique institutionnelle dlimite, lint-rieur mme de lespace carcral, des frontires entre le religieux institutionnalis,le religieux admis et le religieux prohib. Preuves en sont les conditions dexercicedes mandats rciproques : dun ct, les aumniers traditionnels reoivent etvisitent les dtenus de toutes confessions, y compris ceux sans confession ; ilsorganisent des clbrations cumniques et parfois pluri-religieuses ; ils doiventse former aux autres religions afin de pouvoir rpondre aux questions des dte-nus non chrtiens, etc. La rciproque nest pas valable. Les intervenants musul-mans, et plus largement les intervenants religieux statutairement non reconnus,nadressent leurs services quaux dtenus de leur confession et ne sont pas autori-ss rendre visite un dtenu non musulman, sauf requte expresse du dtenu.

    15. Il sagit aussi de la modalit qui existe dans les tablissements pour femmes. Relevonspar ailleurs, que si les musulmans sont surreprsents en prison, ce nest absolument pas le casdes musulmanes. La demande en termes dexercice de la religion est ainsi moins importante.

    16. Cf. Schneuwly Purdie, 2009 ; Belhoul, 2009 ; Clavien, 2009.

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    Cette sgrgation confessionnelle, prcisons-le, nest pas une demande des inter-venants eux-mmes, mais elle participe tacitement des frontires institutionnellesqui rgissent les domaines daction des acteurs religieux (et non religieux) enprison. Paradoxalement, alors que lon assiste une uniformisation et une cer-taine scularisation du travail de laumnier chrtien (par exemple, ceux-ci neportent souvent plus dhabits ecclsiaux), les institutions carcrales posent lesjalons dune spcialisation et dune communautarisation du travail des inter-venants musulmans, en confinant leur action aux dtenus musulmans. Cependant,notre recherche montre que les aumneries traditionnelles souvrent, sous cer-taines conditions, laltrit religieuse. Bon gr, mal gr, elles deviennent pluri-religieuses et admettent des visiteurs religieux varis comme les intervenantsmusulmans, mais aussi des pasteurs vangliques, des visiteurs salutistes ou encoredes nonnes bouddhistes. Comme leurs homologues chrtiens, les intervenantsmusulmans participent au dveloppement dune aumnerie pluri-religieuse, quicontraste avec le religieux hors murs port sur le renversement subjectif (Heelas,Woodhead, 2005), par la normativit de leurs discours. En effet, les intervenantsconceptualisent lislam comme un ensemble de rgles et de codes qui peuventassister lindividu dans sa rhabilitation sociale. Lislam est prsent comme unmode de vie thique et englobant. La rflexion hermneutique sur les textes,leurs conditions de production ou sur le sens de prescriptions religieuses sontquasiment absentes de leurs discours. Ce qui peut ressembler une compr-hension et une reprsentation littrale et dogmatique de lislam est en substanceune prsentation adapte de celui-ci la ralit sociologique des musulmansde prisons. Aux dires mmes des intervenants, les dtenus ne sont pas des prode lislam , ce sont bien souvent des dbutants en religion. leur avis, au vudu niveau socio-ducatif relativement bas des dtenus, le message quils leurtransmettent doit tre clair, pragmatique et relever de lintramondain, de lici etdu maintenant. Ils estiment devoir leur proposer une aide immdiate et desexemples de solutions concrtes pour la sortie. Pas question ici dun salut extra-mondain : il sagit avant tout de traverser lincarcration et dviter de retomberdans la dlinquance et la criminalit. Les questions que posent les dtenusabondent galement en ce sens : pas de question sur le sens dun verset ou dequestions mtaphysiques, mais des questions simples et techniques se rapportant la pratique ou lalimentation. Il existe un rel hiatus entre lislam des inter-venants et lislam quils prsentent aux dtenus. Lislam historicis, thique etphilosophique de lintervenant soppose lislam littral et normatif quil pr-sente aux dtenus. Un hiatus qui sexplique par lcart quil y a entre le niveausocio-ducatif des intervenants et celui des dtenus, mais qui sexprime aussidans lcart entre les aspirations des intervenants dapporter de lair, de la tran-quillit, de la paix intrieure aux dtenus et la rduction de leur message desproccupations profanes, techniques et quotidiennes des dtenus.

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  • Silence... Nous sommes en direct avec Allah - 119

    Silence, nous sommes en direct avec Allah . Voici la phrase par laquelleM. Mestiri dbute les clbrations religieuses, une phrase emblmatique du hia-tus entre lintervenant et les dtenus. Elle exprime symboliquement lordre intimde respecter, par le silence, le temps et lespace sacr dans lequel va se droulerla prire. Mais simultanment, elle matrialise la relation de proximit avec ledivin laquelle aspire lintervenant dans sa prire et exprime par ces quelquesmots ses convictions sociales et spirituelles.

    Mallory SCHNEUWLY PURDIEObservatoire des Religions en Suisse, Universit de Lausanne

    [email protected]

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  • Silence... Nous sommes en direct avec Allah - 121

    RsumLaccompagnement spirituel dans les prisons suisses est domin par le modle culturelchrtien. La prsence importante de dtenus de confession musulmane dans les ta-blissements pnitentiaires incite cependant ceux-ci organiser un soutien spiritueladapt cette catgorie de leur population. Dans quel cadre lgal cet accompagne-ment spirituel se droule-t-il ? Quelle forme prend-il ? Quels sont ceux (et plus rare-ment celles) qui assistent spirituellement les dtenus musulmans ? Rappelant lesprincipes juridiques relatifs lexercice de la religion en contexte carcral, cette tudeprsente cinq profils dintervenants musulmans de prison : limam, laumnier, legrand-frre, le mdiateur et le visiteur.

    Mots-cls : musulmans, islam, intervenants religieux musulmans, prisons, Suisse.

    AbstractSpiritual care in Swiss prisons is organized according to a model that can be charac-terized as monocultural of Christian inspiration. Today, the significant presence ofMuslim inmates encourages prison institutions to adapt spiritual support to thiscategory of the inmate population. What legal framework applies to this spiritualaccompaniment? What shape does it take? Who are those men (and more rarelywomen) who provide spiritual care to Muslim inmates? This article offers answersto these questions by first setting out the legal principles applicable to religious prac-tice in the prison context. Then, on the basis of qualitative and quantitative material,it presents five profiles of Muslim representatives in prison: the imam, the chaplain,the big brother, the ombudsman and the visitor.

    Key words: Muslims inmates, Islam, Muslims representatives, prisons, Switzerland.

    ResumenEl acompaamiento espiritual en las prisiones suizas est dominado por el modelocultural cristiano. La presencia importante de detenidos de confesin musulmana enlos establecimientos penitenciarios los lleva sin embargo a organizar un sostn espiri-tual adaptado a esta categora de su poblacin. En qu marco legal se desenvuelveeste acompaamiento espiritual? Quines son aquellos (y ms raramente aquellas)que asisten espiritualmente a los detenidos musulmanes? En dilogo con los princi-pios jurdicos relativos al ejercicio de la religin en contexto carcelario, este estudiopresenta cinco perfiles de interventores musulmanes en prisin: el imam, el capelln,el hermano mayor, el mediador y el visitante.

    Palabras clave: Musulmanes, Islam, interventores religiosos musulmanes, prisiones,Suiza.

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    LidyaneHighlightthe imam, the chaplain,the big brother, the ombudsman and the visitor.

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