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Offre d’électricité et développement
des entreprises industrielles au Cameroun
T. Tamo Tatietse a, A. Kemajou b, B.S. Diboma a,
*
a Ecole Nationale Supérieure Polytechnique, University of Yaoundé I
Po Box 8390 Yaoundé - Cameroon
b Ecole Normale Supérieure d’Enseignement Technique ,University of Douala
Po Box 1872 Douala -Cameroon
____________________________________________________________________
Résumé
La production industrielle dans les pays en developpement est fréquemment
perturbée par les difficultés d’approvisionnement en énergie électrique. Cet article
présente une estimation des pertes de production et du surcoût de l’électricité dans
les entreprises industrielles du Cameroun à l’aide de la méthode des moments. Cette
modélisation se fonde sur les données réelles recueillies aucours d’une enquête dans
un échantillon répresentatif d’entreprises industrielles et sur de nombreuses études
thématiques et statistiques. Il ressort de nos analyses que les dépenses relatives à
l’électricité dans entreprises industrielles au Cameroun ont quintuplées du fait des
délestages et interruptions involontaires de l’énergie électrique. Les pertes de
production ont été estimées à 91,5 millions d’Euros/an dans les entreprises
industrielles à cause des difficultés d’approvisionnement en électricité. Ces résultats
montrent qu’une offre d’électricité insuffisante et de mauvaise qualité en direction
des entreprises a ralenti leur developpement. Ces résultats devraient donc conduire
les pouvoirs publics et la société en charge de l’électricité à prendre des décisions
visant à l’amélioration des performances du secteur électrique notammant la
reduction des pertes et des pollutions dans le réseau électrique.
2
Mots clés: Electricité, industries, developpement.
__________________________________________________________________
* Corresponding author: Benjamin Diboma, Ecole Polytechnique, University of
Yaoundé I, Po Box 8390 Yaoundé - Cameroon, Phone: (237). 77.69.96.31
E-mails: [email protected] (B.S.Diboma), [email protected]
(T.Tamo Tatietse), [email protected] (A.Kemajou).
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1. Introduction
L’électricité est devenue depuis la révolution industrielle une nécessité pour le
développement des entreprises industrielles dans la quasi-totalité des pays, et son
importance s’accroît aujourd’hui avec les progrès technologiques. L’énergie
électrique est acheminée des centres de production vers les entreprises à travers un
réseau électrique. La fiabilité de ce réseau conditionne l’approvisionnement de
l’électricité car il est question de transporter d’importantes charges électriques sur de
longues distances en minimisant les pertes d’énergies d’origines techniques et non
techniques. Dans la majorité des pays industrialisés, les secteurs de l’électricité sont
en pleine restructuration et les monopoles qui prévalaient jadis, laissent leurs places à
un marché libéralisé avec pour conséquence la réduction des prix de l’énergie
électrique en faisant jouer la concurrence, les flux de transit de puissances étant en
nette progression (Gerbex, 2003). Les secteurs électriques des pays en
développement (PED) quant à eux, connaissent une perte des performances se
traduisant par un déficit d’énergie électrique qui a conduit à la pratique des
délestages, à une dégradation de la qualité de l’électricité du fait des harmoniques
ainsi qu’à des insuffisances managériales. Les prix de l’électricité ont connu des
hausses importantes, ce qui est contraire au principe de réduction des coûts qui est à
la base de toute privatisation. Les PED connaissent un essor industriel qui se traduit
3
par la création de plusieurs entreprises et l’extension de celles existantes avec pour
conséquence une augmentation des besoins en électricité. Il est clair qu’une offre
d’électricité meilleure en quantité et en qualité est indispensable au développement
des entreprises. La relation entre la croissance économique et l’augmentation de la
consommation d’énergie a été établie dans (Balat, 2008). Les besoins en énergies
électriques des entreprises industrielles au Cameroun croissent en moyenne de 8%
par an depuis 2001 tandis que l’offre d’électricité ne cesse de se dégrader du fait des
pertes élevées, de la présence des harmoniques et de nombreux incidents dans le
réseau électrique. Le déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité qui en
découle a conduit à un rationnement de l’électricité et aux interruptions
involontaires d’énergie avec pour conséquence immédiate la baisse de la
productivité des entreprises industrielles. Le paradoxe est que les quantités d’énergie
produites mais non distribuées (END) sont de plus en plus importantes. Plusieurs
études ont été menées dans le sens de l’amélioration des performances du secteur
électrique au Cameroun, c’est ainsi qu’un système de téléconduite (Foumane, 2007)
et d’automatisation d’un centre de conduite (Yaye, 2000) du réseau ont été
proposées. De nombreuses études de la fiabilité (Iloga et al, 2001), (Ndjanga, 1998)
ont esquissé des solutions aux problèmes de gestion du réseau électrique. Une
nouvelle approche de modélisation et de détermination des lois de probabilités qui
gouvernent les interruptions dans les lignes de moyenne tension a été présentée
(Tamo et al, 2002). La méthode des réseaux de neurones a été développée pour le
diagnostic des pannes (Voufo, 2001) ainsi que l’algorithme de Djitskra pour la
détermination des chemins de pertes minimales dans le réseau électrique (Voufo,
2002), l’algorithme du min-max (Nchrourupouo, 2001) et la programmation
dynamique (Kamga, 1995) pour la gestion de la production. De nouvelles avancées
technologiques ont été faites dans le domaine du développement des dispositifs de
4
compensation d’énergie ou Flexibles alternative current for transmissible system
(FACTS), l’optimisation des réseaux par leur reconfiguration ( Fan et
al,1996),(Zhang et al,2008),(Civanlar et al,1988) ainsi que sur le plan des capacités
de contrôle (Huang et al,1996). L’évaluation des pertes de production dues à l’offre
d’électricité a été faite dans les petites et moyennes entreprises/petites et moyennes
industries (PME/PMI) dans (Biyo’o et al, 2004), par les syndicats des industriels
(GICAM, 2006) et par les pouvoirs publics (Mindic, 2001). Les résultats de ces
études n’ont jamais été mis en application par la société en charge de l’électricité au
Cameroun AES-SONEL et parce que parfois limitées à un groupe d’entreprises
donné ou découlant des modèles adaptés à des secteurs industriels bien structurés, ils
cadrent difficilement avec les réalités des PED, ce qui pourraient expliquer l’inertie
et la réticence des pouvoirs publics à prendre en compte leurs recommandations.
L’approche de modélisation des pertes de production et du surcoût de l’électricité
proposée dans cet article tient compte des prévisions de la production déterminées en
début d’exercice qui sont fonction de la conjoncture du marché, de la capacité de
production réelle des usines à la différence des autres études qui se basent sur la
capacité théorique et l’hétérogénéité des entreprises industrielles au Cameroun. La
méthode des moments est utilisée pour l’estimation des paramètres compte tenu de
son opérationnalité et parce qu’elle donne l’expression mathématique du principe de
choix des meilleures valeurs des variables estimées (Lemelin, 2004). Après une
succincte présentation des secteurs électrique et industriel, la section « Matériel et
Méthodes » décrit le cadre de l’enquête et l’approche de modélisation dévéloppée.
Les résultats obtenus et leurs interprétations sont ensuite présentés. Quelques
projections de l’offre et de la demande en électricité sont enfin présentées dans la
section « Développement industriel ».
5
2. Le secteur électrique
La dégradation de la qualité de l’offre d’électricité et les résultats médiocres de la
société en charge de la production, du transport et de la distribution de l’énergie
électrique dans un contexte de morosité économique ont contraint les autorités
camerounaises à libéraliser le secteur électrique en 1998. Un contrat de concession a
été ainsi signé entre le gouvernement camerounais et le groupe Applied Energy
System (AES-Corps) donnant naissance à une nouvelle société en charge de la
production, du transport et de la distribution de l’électricité au Cameroun AES-
SONEL. Le Cameroun s’est doté de plusieurs organismes ayant chacune une mission
spécifique, il s’agit de l’agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL),
l’agence de l’électrification rurale (AER) et la société Electricity Development
Corporation (EDC) dont la principale mission est la promotion des investissements et
l’accroissement de l’offre d’énergie électrique en direction des entreprises. Les
bailleurs de fonds et organismes internationaux dont la Banque Mondiale et le Fond
Monétaire International (FMI) sont devenus dans un contexte d’application de la
politique de l’ajustement structurel des acteurs essentiels du secteur électrique en
conseillant le gouvernement camerounais et en octroyant des crédits. En raison des
fonds importants nécessaires à la construction des ouvrages de productions
d’électricités, la participation des entreprises nationales du secteur privée a été
sollicitée. Dans cette optique, la société Aluminium du Cameroun (ALUCAM) filiale
du groupe canadien ALCAN Inc s’est engagée à financer la construction du barrage
de Lom-Pangar et la centrale hydro-électrique de Nachtigal. Cette centrale qui aura
une capacité de quelques 300MW permettra non seulement d’alimenter les différents
sites de production mais elle contribuera à réduire le déficit quantitatif d’énergie qui
affecte gravement le tissu industriel du Cameroun. Le projet d’extension de l’usine
6
ALUCAM d’Edéa va au-delà d’une simple augmentation des capacités de production
, il améliore les conditions générales de d’offres de l’énergie dont on sait qu’elle est
un facteur important (Groupe ALCAN, 2008) . La reforme du secteur de l’électricité
visait l’augmentation de l’accès à l’électricité mais le constat d’échec qui se dégage
de la situation actuelle marquée par les délestages confirme que la privatisation avait
été mal pensée, le modèle ayant été imposé par la Banque Mondiale et le FMI
(Pineau, 2005). La Banque Mondiale reconnaît dans un rapport que les performances
post-privatisation de la Société Nationale d’électricité (SONEL) ont été médiocres,
AES-SONEL n’ayant pas pu délivrer l’énergie électrique en qualité et en quantité
suffisante (World Bank, 2004).Le réseau électrique qu’exploite AES-SONEL
comprend le réseau interconnecté Nord qui dessert la partie septentrionale du
Cameroun, le réseau interconnecté Sud et un réseau autonome qui fournit de
l’électricité à l’Est du pays. La production d’électricité est assurée principalement par
des centrales hydroélectriques et des centrales thermiques. Le Cameroun dispose en
outre de trois barrages de retenue des eaux. Le tableau 1 qui suit présente l’inventaire
des moyens de productions d’électricité de AES-SONEL.
7
Tableau 1 : Moyens de production d’électricité de AES-SONEL
RéseauHydro électricité(puissance installée)
Production thermiqueBarrage de retenue des
eaux
RéseauInterconnectéSUD
.Edéa : 265 MW
Songloulou :396MW
Limbé : 85 MWBassa : 22 MWLog –baba : 22 MW. Bafoussam : 18 MW.Mefou : 2 MW. Oyomabang :41 MWEbolowa 2,2 MW
RéseauInterconnectéNORD
. Lagdo : 72 MW Djamboutou : 20 MW.Kousseri : 3 MWAutresinstallations : 1, 5 MW
AutreInstallationsthermiques
.Bertoua : 30 MW.Autresinstallations :4,15 MW.
Mbakaou : 2,62.109 m3
Bamendjin :1,8.109 m3
Mape : 3,2.109 m3
Total 733 MW 270 MW7,2.109 m3
L’évolution des moyens de production d’électricité n’a pas suivi la demande au
point où des aménagements nouveaux s’imposent afin de permettre au Cameroun de
soutenir sa croissance économique par une production industrielle importante. Les
investissements nécessaires pour la réalisation des infrastructures électriques afin de
mettre le Cameroun à l’abri d’une crise énergétique à court terme et surtout permettre
au secteur électrique d’impulser le développement économique sont divers et
coûteux, ils sont estimés à 1,37 milliards d’Euros pour la période 2005 à 2015
(Ngnikam, 2006). Le problème du financement des secteurs électriques dans les pays
africains en général et au Cameroun en particulier est une préoccupation des
organismes de développement car l’électricité est à la base de la croissance
économique (Shurr, 1990). L’obtention des financements est conditionnée par
l’élaboration des politiques énergétiques efficaces et réalistes, la restructuration du
secteur électrique et le respect des exigences des bailleurs de fonds à savoir la bonne
8
gouvernance, la garantie des droits des investisseurs et la libéralisation du marché de
l’électricité (Bile, 1998). Plusieurs études relatives à la contribution des autres
sources d’énergies au développement du secteur électrique ont été menées, c’est ainsi
qu’un bilan énergétique des filières de gazéification de la biomasse sèche, de la
biométhanisation de la biomasse humide et de la micro-hydroélectricité a dégagé un
potentiel électrique de 3753 GWh par an (Tchouate, 2003). La filière de l’énergie
solaire a été aussi explorée mais le coût élévé de l’intégration de ces autres sources
d’énergies dans le secteur de l’électricité empêche leur développement.
L’exploitation d’un réseau électrique doit obéir à trois exigences à savoir : garantir la
sûreté de fonctionnement, favoriser la performance économique et l’ouverture du
marché électrique, enfin satisfaire les engagements contractuels (Aguet, 2007). Ces
exigences sont loin d’être satisfaites à cause des problèmes que connaît le secteur
électrique tant sur le plan managérial que sur le plan technique. Sur le plan
managérial, il s’agit de l’absence des prévisions et des investissements pour faire
face à l’augmentation de la demande d’électricité du fait de la démographie et de la
croissance économique (Pineau, 2005). Sur le plan technique, il est question
principalement de la faible production d’électricité par rapport à la puissance
installée, des pertes électriques élevées et de la mauvaise qualité de l’électricité du
fait de la pollution des réseaux électriques. La puissance électrique installée de AES-
SONEL correspond à une mise à disposition théorique d’électricité de 8000 GWh par
an, mais l’énergie réellement émise dans le réseau électrique ne représente qu’à peine
42% du productible. Un déficit de production d’électricité en 2006 de 57% par
rapport à la capacité installée est une première indication forte des contre-
performances de AES-SONEL. Au lieu que les capacités inutilisées soient justifiées
par la faiblesse de la demande d’énergie électrique, elles sont plutôt la traduction des
déficiences managériales de l’entreprise, notamment le refus de mettre
9
l’investissement de renouvellement en priorité. Les négligences, les défaillances
techniques ont déprécié la qualité de la maintenance qui bien qu’étant un point de
dépenses financières important pour une société d’exploitation d’un réseau
électrique, a néanmoins le mérite de réduire l’ampleur des dégradations (Tapper et al,
2003). La maintenance dans le réseau électrique camerounais est en dessous des
standards dans le domaine, c’est ce que confirme les études dans les stations de
Melen et Ngousso de la ville de Yaoundé (Tamo et al, 2002). Les pertes dans le
réseau électrique sont très élevées, la ligne de l’ouest Bekoko-Nkongsamba avec une
chute de tension de l’ordre de 16 % en 2006 traduit les difficultés à optimiser le
transport de l’énergie électrique. La situation n’est guère reluisante dans les autres
lignes. Outre les lignes de transport ou de distribution, les transformateurs sont
surchargés, de plus les systèmes d’automatisme, d’automatisation ne réagissent plus
convenablement aux attentes. Les fraudes, les branchements non répertoriés, et les
comptages défectueux conduisent à un niveau de pertes non techniques inacceptable.
L’utilisation des dispositifs de compensation d’énergie FACTS considérés coûteux
n’est pas envisagée. L’évolution de la production, de la demande et de l’offre
d’électricité présentée dans la fig 1 qui suit, illustre l’ampleur des pertes électriques.
Fig.1 : Evolution de la production, de la demande et de l’offre d’électricité
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Ele
ctri
cal e
ner
gy
(GW
h)
E lectric ity p roduction E lec tric ity dem ands E lec tric ity o f fe r
10
La présence des charges non-linéaires contribue à la pollution du réseau électrique,
ainsi sur le plan de la qualité de l’énergie électrique, les perturbations de tensions
dues aux courants harmoniques, déséquilibrés et réactifs, aux creux de tension et
tensions harmoniques sont sources de plusieurs incidents. L’année 2006 a été
marquée par de nombreux incidents dans le réseau électrique dont la perte de
plusieurs transformateurs, les explosions et déclenchements des disjoncteurs, enfin la
présence au niveau du Supervisory control and data acquisition system (SCADA) des
signaux parasites transportés par des « courants porteurs ». Les désagréments dans
les entreprises ont été importants car les brèves interruptions d’électricité et chutes de
tension ont un effet négatif sur la qualité de l’énergie électrique, ce qui est
préjudiciable pour les processus industriels et le fonctionnement des équipements
(Zamora et al, 2003).
3. Evolution du secteur industriel
A l’origine, l’industrialisation du Cameroun avait pour objectif principal la
production des biens de consommations et des matières premières destinés
essentiellement à la France,c’est ainsi que les premières sociétés oeuvraient donc
dans la transformation des produits de base et dans l’industrie de l’aluminium..
L’objectif d’accroissement de son capital industriel a poussé le Cameroun à
s’engager au lendemain des indépendances dans la production en investissant dans
diverses branches rentables de l’activité industrielle (Kamgnia, 2002). Avec la
création de la société nationale d’électricité (SONEL), le développement du tissu
industriel camerounais correspond à trois phases marquées par une politique
industrielle volontariste mais dont la mise en œuvre a souffert de plusieurs aléas de la
conjoncture économique, il s’agit de la période de croissance (1976-1982) marquée
par une industrialisation de substitution aux importations par des productions locales
destinées à un marché protégé de barrières tarifaires et restrictions quantitatives. La
11
période de récession (1984-1994) se caractérise quant à elle par une baisse de la
production industrielle et du pouvoir d’achat des ménages. C’est un bouleversement
du paysage industriel marqué par une baisse des investissements productifs, et
l’émergence du secteur informel qui menace de phagocyter l’industrie des biens de
manufacture. Les industries sont fragilisées, vulnérables et en perte de compétitivité.
La pression fiscale auprès des industries s’est renforcée, contribuant ainsi au déclin
du secteur industriel. La période de relance du secteur industriel (depuis 1995) a
permis de renouer avec la croissance économique avec un taux annuel supérieur à
4,5%. La relative stabilité économique offre de nouvelles bases pour la formulation
d’une politique industrielle susceptible de soutenir la croissance et d’attirer les
investisseurs. Les entreprises industrielles se repartissent en 11 domaines d’activités
avec un essor des industries lourdes et de manufactures. La nouvelle politique
industrielle a remplacé le plan directeur d’industrialisation qui n’a pu être appliqué
convenablement à cause des contraintes de la crise économique et des mesures de
l’ajustement structurel qui privilégiaient l’équilibre des finances publiques au
détriment de la création de la valeur ajoutée. Nonobstant des indicateurs
économiques favorables, les difficultés d’approvisionnement d’électricité continuent
d’annihiler les progrès du secteur industriel.
4. Matériels et méthodes.
4.1 Cadre général de l’étude
Pour cette étude qui concerne les entreprises industrielles camerounaises, nous avons
adopté la méthode d’enquête par questionnaire pour la collecte des données. Ce
choix s’explique par les faiblesses structurelles du secteur industriel et sa grande
hétérogénéité qui compliquent toute analyse et projection statistique dans ce domaine
d’activités. Les difficultés dans la diffusion des données d’entreprises conduisent à
des écarts considérables entre les prédictions et la réalité réduisant ainsi l’intérêt des
12
études qui sont menées. L’enquête est donc une approche qui permet de recueillir des
données primaires assez fiables. Le cadre géographique de cette enquête s’étend aux
villes de Douala, Yaoundé, Edéa et de Limbé qui concentrent 80 % des entreprises
industrielles au Cameroun (Amougou, 2000). La base de sondage qui comporte 200
entreprises a été établie grâce aux statistiques des services de douanes et des impôts,
des registres de la Chambre de commerce des mines et de l’industrie, ainsi qu’à
l’annuaire des industries. Un échantillon représentatif de 30 entreprises a été
constitué par tirage à probabilités inégales pour prendre en compte le poids des
différentes strates sur la base des critères relatifs au niveau de consommation
d’électricité, au chiffre d’affaire et effectif du personnel. Nous avons distingué les
entreprises de grandes consommations d’électricité (EGCE) et celles de moyennes
consommations d’électricité (EMCE). Notre champ d’investigations s’est aussi
étendu à certaines institutions étatiques à savoir : les ministères en charge de
l’énergie, du développement industriel, du plan et de la programmation économique,
aux organismes économiques, au syndicats des industriels du Cameroun
(Syndustricam), au groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM), Institut
National de statistiques, Chambre de mines et de l’industrie, et naturellement à AES-
SONEL.
4.2 Méthode de redressement et éléments de modélisation
La méthode inductive a été utilisée pour cette étude, ainsi les données recueillies lors
de l’enquête dans l’échantillon des entreprises industrielles ont été redressées à toute
la population statistique. Considérons une population de N unités statistiques et n la
taille d’un échantillon extrait de celle-ci, soient : X une variable et Xi la valeur de
cette variable dans l’unité-échantillon Ui, i=1,2...............n.
La moyenne m de la variable X dans la population peut être estimée par X (Grais,
2001)
13
n
i i
i
P
X
nNX
1
11' (1)
Dans la suite, nous designons par:
pC ' : Estimateur sans biais du coût financier des pertes de production
Ci : Coût financier /an pour l’entreprise Ui
Di : Coût du KWh produit à l’aide des groupes électrogènes par l’entreprise Ui
Ei : Coût unitaire du KWh fourni par AES-Sonel à l’entreprise Ui
Fi : Coût annuel de la maintenance des groupes électrogènes dans l’entreprise Ui
Gi : Consommation /an de gasoil des groupes électrogènes dans l’entreprise Ui
Hm : Prix moyen du litre de gasoil
Ji : Prix d’acquisition des groupes électrogènes dans l’entreprise Ui
Ki: Coefficient de pertes de production pour l’entreprise Ui
pK ' : Estimateur sans biais du coefficient de perte de production
Pai : Puissance apparente des groupes électrogènes pour l’entreprise Ui
Pim : Prix de vente unitaire moyen du bien économique /an pour l’entreprise Ui
Pi : Probabilité de tirage d’une entreprise industrielle Ui
Qdi : Déficit de production pour l’entreprise Ui
Qti : Quantité prévisible de biens à produire pour l’entreprise Ui
Tim : Temps moyen de fonctionnement des groupes électrogènes dans l’entreprise
Ui
'X : Estimateur sans biais de la moyenne de la variable X dans la population
i : Surcoût de l’énergie électrique dans l’entreprise Ui
' : Estimateur sans biais du surcoût de l’énergie électrique
λ : Coefficient de fractionnement de l’achat d’un groupe électrogène
Les valeurs des variables d’entrées du modèle Di , Ei , Fi , Gi , Ji , Pai , Pim , Qdi
,Qti, Tim ont été recueillies directement auprès des entreprises industrielles faisant
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partie de l’échantillon d’enquête tandis que Hm fournie par l’Institut National de
statistiques est la moyenne arithmétique des prix du litre de gasoil de l’année
considérée et λ égale à 1/25 .
Pour l’entreprise industrielle Ui de l’échantillon, on a
ti
dii Q
QK (2)
Ci=Qdi .Pim (3)
i
ii E
D (4)
Dans laquelle
.i i m i
iai im
F G H JD
P t
(5)
Le redressement à l’ensemble de la population statistique conduit aux estimateurs
sans biais du coefficient de pertes de production pK , du coût financier des pertes de
production pC et du ratio
n
i iti
di
PQ
Q
nNK
1
111' (6)
n
i iimdip P
PQnN
C1
111' (7)
1
1 1 1 1'
.
ni i m i
i i ai im i
F G H J
N n E P t P
(8)
5. Résultats et discussions
Le traitement des données d’enquête a produit des résultats qui mettent en exergue
les conséquences de l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique en direction des
entreprises industrielles. Nos analyses sont basées principalement sur les données
d’entreprises des trois derniers exercices (2004-2006).
15
5.1 Les pertes de la production
Les données d’entreprises indiquent des déficits de production par rapport aux
prévisions imputables aux difficultés en électricité, l’impact des autres causes
(insuffisance managériale, conjoncture du marché) ayant été pris en compte lors de la
définition des objectifs à atteindre aucours d’un exercice. L’évolution du coefficient
de pertes de production Qdi/Qti (Diboma, 2007) dans chacune des entreprises de
l’échantillon au cours de cette période est présentée dans la fig 2 qui suit.
0
0,05
0,1
0,15
0,2
0,25
0,3
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Sample compagnie's numbering Ui
Qdi
/Qti
2004 2005 2006
Fig 2. Evolution annuelle du ratio Ki (2004-2006)
Le ratio Qdi/Qti varie entre 2004 et 2006 de 0,19 à 0,24 pour les EGCE et de 0,18 à
0,20 dans les EMCE, ces disparités s’expliquent par la nature des activités et les
contraintes des processus industriels. Ces valeurs décroissent à cause des
investissements dans la production thermique d’électricité dont la mise en service de
la centrale de Limbé, la réhabilitation des infrastructures électrique et
l’autoproduction d’énergie dans les entreprises. Les industries lourdes sont plus
vulnérables aux perturbations dans l’approvisionnement en électricité, et enregistrent
par conséquent d’énormes pertes. Les entreprises industrielles ont une diminution
16
des parts dans la consommation d’énergie électrique nationale malgré une nette
progression des besoins en énergie comme indiqué dans la Fig.3
Fig 3 : Evolution annuelle de la consommation industrielle d’électricité.
Les insuffisances quantitative et qualitative de l’offre d’électricité se sont traduites
par des délestages, des interruptions involontaires d’énergie et des fluctuations de
tension aux effets néfastes sur l’appareil de production dans les entreprises avec pour
conséquence immédiate la baisse des rendements dans les usines. Le cumul des
durées des interruptions involontaires a été de 700 heures par mois correspondant à
des énergies non distribuées (END) de 7GWh pour la ville de Yaoundé en 2006
(AES SONEL, 2006), ce qui est inacceptable dans un pays où la production
d’électricité est faible. Les évolutions annuelles des pertes dans le réseau électrique
et des pertes de productions réelles dans les entreprises industrielles depuis la
libéralisation du secteur de l’électricité en 1998 sont contenues dans le tableau 2 qui
suit.
0
2 0 0
4 0 0
6 0 0
8 0 0
1 0 0 0
1 2 0 0
1 4 0 0
1 6 0 0
1 8 0 0
1 9 7 1 1 9 7 3 1 9 8 0 1 9 9 0 1 9 9 5 2 0 0 0 2 0 0 1 2 0 0 2 2 0 0 3 2 0 0 4 2 0 0 5 2 0 0 6
A n n é e s
En
erg
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GW
h/a
n
C o n so m m a tio nin d u str ie l led 'é le c tr ic ité
Ele
ctri
city
ener
gy (
GW
h)
Year
17
Tableau 2 : Evolution annuelles des pertes de productions
et du réseau électrique (Diboma,2007)
Années Taux des pertes
dans le réseau électrique (%)
Taux des pertes de productions
dans les entreprises industrielles (%)
1997/1998 15,05 18,25
1998/1999 13,82 18,62
1999/2000 21,03 17,85
2000/2001 18,63 19,95
2001/2002 21,98 23,60
2002/2003 22,05 21,57
2003/2004 23,08 20,69
2004/2005 20,86 21,25
2005/2006 21,67 19,45
Le coût financier des pertes de production est 91,5 millions d’Euros/an en moyenne
aucours des trois dernières années, soit 3% de la contribution du secteur secondaire
au produit intérieur brut (PIB). Le tableau 3 qui suit résume les résultats des études
menées dans le domaine de l’estimation des pertes de productions au Cameroun.
18
Tableau 3 : Estimation des pertes de production
Année
Montant estimé des
pertes de production
(en millions d’Euros
Secteur des
entreprises
Sources
2004 9,2 PME/PMI (Biyo’o et al, 2004)
2005 16,7 Industries (GICAM, 2005)
2006 91,5 Industries
(EGCE, EMCE)
(Diboma, 2007)
Ces disparités s’expliquent par le fait que l’étude du GICAM n’est basée que sur les
données des entreprises industrielles qui en sont membres, et l’enquête dans les
PME/PMI ne concerne que les unités de faibles productions et de petites
consommations d’électricités. Les conséquences industrielles de l’approvisionnement
d’électricité en direction des entreprises sont catastrophiques pour l’économie dont le
ralentissement de la croissance découle en partie du recul des investissements et la
faible productivité des entreprises qui suivent. Le ralentissement annuel de la
croissance économique du Cameroun à cause des difficultés d’approvisionnement en
énergie électrique a été estimé à 1% (Pineau, 2002.), ce qui est un frein pour le
développement du pays. De nombreuses solutions ont été adoptées dont l’acquisition
des groupes électrogènes dans les entreprises industrielles afin de pallier aux
délestages et un développement de la production thermique d’électricité avec pour
conséquence un surcoût de l’énergie électrique.
5.2 Le surcoût de l’électricité
Dans le contrat de concession entre AES-SONEL et le gouvernement camerounais,
une clause stipulait que cette société devait procéder à trois augmentations du prix de
l’électricité afin de lui permettre de rentabiliser ses investissements. Le taux
19
d’augmentation a été de 5% entre 2001 et 2002, puis de 7,5% par an jusqu’à 2004.
Le coût de ces investissements orientés pour l’essentiel vers la production thermique
et contenus dans le plan de développement des infrastructures de AES-SONEL a
donc été répercuté sur le prix du KWh d’électricité. Les disparités dans les prix de
l’électricité sont grandes, c’est ainsi que les EMCE qui sont de véritables moteurs de
l’économie et à ce titre devraient bénéficier d’un régime tarifaire préférentiel afin
booster la croissance par l’investissement subventionnent plutôt la consommation
d’électricité des EGCE, la société ALUCAM paie ainsi le KWh à 0,012 Euros contre
0,099 Euros pour les autres entreprises industrielles. La production d’électricité dans
les entreprises industrielles à l’aide des groupes électrogènes est à l’origine des
surcoûts importants de l’énergie électrique observés car les combustibles utilisés sont
des produits dérivés du pétrole dont le prix ne cesse de flamber sur le marché
mondial (110 $USA le baril en mars 2008). Sur le marché national, les prix des
produits pétroliers ont connu d’importantes fluctuations et triplé en une décennie, la
fig.4 montre ces évolutions.
0
100
200
300
400
500
600
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Pri
x an
nu
el m
oye
n d
u li
tre
en F
CF
A
SUPERGASOIL
Fig.4 : Evolution des prix des produits pétroliers (INS)
Les coûts de production d’origine thermique de l’électricité dans les entreprises
industrielles sont élevés car ils prennent en compte les frais d’acquisition des groupes
20
électrogènes, les dépenses liées à l’achat des combustibles et à la maintenance de ces
unités. Les périodes de délestages devenant de plus en plus longues (35h /mois) et
celles des interruptions involontaires de l’approvisionnement électrique étant de
16h/mois (Iloga, 2001), les durées de fonctionnement des groupes électrogènes
tendent à se rallonger. Pour une entreprise Ui donnée, i indique le rapport entre les
coûts du KWh d’électricité d’origine thermique produit et l’équivalent vendu par la
société en charge de la distribution de l’énergie électrique. La fig.5 présente les
valeurs de i dans chacune des entreprises de l’échantillon.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Sample compagnie's numbering
over
cost
of e
lect
rici
ty
2004 2005 2006
Fig.5 : Evolution de i dans les entreprises de l’échantillon
Les disparités des coûts de productions du KWh d’électricité d’une entreprise à une
autre s’expliquent par la nature des contrats et de la politique de maintenance qui
diffère naturellement d’une société à une autre avec pour conséquence des
fréquences de pannes différentes. De plus au sein d’une même entreprise industrielle,
les prestataires de services changent fréquemment d’une année à une autre, d’où la
tendance à l’augmentation des coûts d’exploitation des groupes électrogènes
observée ces trois derniers exercices. Le ratio qui compare le coût de production
21
du KWh d’électricité produit par groupe électrogène au prix du KWh vendu par
AES-SONEL est de 5,7. En clair, les dépenses relatives à l’électricité dans
entreprises industrielles au Cameroun quintuplent durant les délestages et
interruptions involontaires de l’énergie électrique du fait de l’usage des groupes
électrogènes. Le développement industriel est ainsi ralenti, ce qui cadre mal avec
l’énorme potentiel hydroélectrique de 297 TWh dont dispose le Cameroun
(deuxième en Afrique après celui de la République Démocratique du Congo). Ces
dépenses vont s’accroître au fil du temps du fait de la bipolarisation dans la mise en
application de la politique énergétique au Cameroun par d’une part les pouvoirs
publics qui font preuve d’inertie à investir et AES-SONEL qui privilégie les intérêts
de ses actionnaires dont la priorité est d’engranger plus de bénéfices. La crainte est
de voir les investisseurs privés orienter les choix technologiques vers les solutions
rentables pour eux sur le plan financier indépendamment de la dotation en ressources
énergétiques du Cameroun. L’illustration de l’inflexion des schémas de
développement des infrastructures électriques qui en découle est la priorité accordée
par AES-SONEL au vu de ces investissements actuels, à la filière thermique (plus
chère et polluante) au détriment de l’hydraulique. Il ya lieu d’émettre des réserves
sur cette politique du tout thermique, ce d’autant plus que les centrales en
construction le sont dans des agglomérations (Log-baba et Yassa à Douala,
Oyomabang à Yaoundé et Kribi) et utilisent le fioul lourd, un combustible très
polluant qui nécessite d’importantes quantités d’oxygène pour sa combustion.
6. Développement des entreprises industrielles
Le développement des entreprises industrielles dans un contexte de difficultés
d’approvisionnement en énergie électrique est analysé à la lumière de deux scénarios
d’évolution de l’offre d’électricité. Le scénario A dit énergétique intègre une
augmentation des moyens de production de l’électricité avec la construction des
22
nouveaux barrages hydroélectrique et centrales thermiques à l’horizon 2015, ce qui
porterait la puissance installée à 1350 MW. Ce scénario suppose une réhabilitation
des infrastructures, une réduction des pertes du réseau électriques à des niveaux
admissibles et une amélioration de la qualité de l’énergie, il s’ensuit une croissance
de 5% de l’offre d’électricité. La demande d’électricité connaîtra aussi une hausse
consécutive à la mise en application des programmes d’extension des entreprises
industrielles dont une augmentation de la productivité, Alucam verrait sa capacité
passer de 110 Kt/an à 300 Kt/an, il en est de même des autres sociétés dont les
cimenteries, les brasseries etc. Le scénario B non énergétique est basé sur le maintien
des trends actuels à savoir une insuffisance de l’offre d’électricité et surtout des
lenteurs dans la construction des nouveaux barrages, ce qui empêche l’installation de
nouvelles unités de productions. Il s’ensuit une stagnation de l’activité économique
et par conséquent un ralentissement du développement des entreprises industrielles,
le taux de croissance de l’offre électrique est de 2%. L’augmentation de la demande
d’électricité est complexe et dépend de trois facteurs à savoir la démographie, la
croissance économique et le taux de croissance du réseau de distribution (Tchouate,
2002). Nos projections sont confrontées à celles faites par la société financière
internationale (SFI) et l’IEPF dans la Fig.6 qui suit.
23
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
2005 2010 2015 2020 Year
Ele
ctri
cal E
ner
gy
(GW
h)
Electricity consum ption(Script A) Electricity consum ption(Script B) Electricity dem and( IFS script) E lectricity dem and(Basis script)
Fig.6 : Evolution de l’offre et de la demande d’électricité (Scénarios A et B)
Dans le scénario A énergétique, la courbe de l’offre d’électricité est croissante et
coupe celle de la demande électrique en 2020, ce qui traduit un équilibre permettant
une diminution des pertes de productions et de nouveaux investissements. L’énergie
électrique devenant un facteur qui relance la croissance économique. Dans le
scénario B non énergétique, l’offre d’électricité est largement inférieure à la
demande, ce qui accroît le déficit d’électricité avec pour conséquence un
ralentissement des investissements. Il ressort en définitive que des mesures doivent
être prises afin d’améliorer l’approvisionnement d’électricité en direction des
entreprises industrielles. Ainsi, pour résorber la demande en électricité en direction
des entreprises, AES- SONEL devrait orienter ses investissements vers la production
hydroélectrique par rapport aux centrales thermiques d’une part sur l’entretien des
centrales hydroélectriques existantes et des appareils de production d’autre part. Bien
sûr, cela nécessite un investissement important, aussi AES- SONEL devrait accroître
sa coopération avec les bailleurs de fonds. Ces derniers et les organismes
internationaux dont la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International (FMI)
devraient octroyer des crédits nécessaires à la construction des ouvrages de
24
productions hydroélectriques au vue du potentiel naturel existant. Il serait pas
judicieux de solliciter davantage la participation des entreprises nationales du secteur
privée (GICAM) dont la solution miracle ne serait pas toujours l’achat des groupes
électrogènes (au vue des conséquences environnementales qu’elles entraînent) pour
parer au déficit d’électricité dans leurs entreprises. Une négociation durable entre
AES -SONEL et les entreprises serait par exemple basée sur un contrat qui garanti
l’approvisionnement à long terme de l’énergie électrique aux entreprises en
contrepartie AES- SONEL pourrait solliciter des fonds auprès des entreprises pour
investir dans la réhabilitation des centrales hydroélectriques existantes et la
construction de celles en projet pour un gain de puissance de l’ordre de 585 MW à
l’horizon 2020.
7. Conclusion
Dans le but d’estimer les pertes de production dues aux difficultés
d’approvisionnement d’électricité en direction des entreprises industrielles au
Cameroun, une enquête a été menée dans un échantillon de sociétés. Les résultats
obtenus ont permis d’élaborer une approche de modélisation des pertes de production
grâce à la méthode des moments. C’est ainsi que les pertes de productions ont été
estimées à 91,5 millions d’Euros/an dans les entreprises industrielles camerounaises
aucours des trois derniers exercices budgétaires. L’utilisation des groupes
électrogène a été une des solutions privilégiée en industrie, mais elle s’est avérée très
coûteuse, et il ressort de notre étude que les dépenses liées à l’autoproduction d’un
KWh d’électricité sont le quintuple de l’équivalent vendu par la société AES-
SONEL. Entre les impératifs de consommations d’électricités des processus
technologiques de production des biens économiques et les contraintes d’une offre
d’énergie électrique insuffisante et de mauvaise qualité, les performances des
entreprises ont diminué considérablement et certaines ont du cesser leurs activités.
25
Le niveau des pertes (techniques et non techniques) dans le réseau électrique au
Cameroun se situe entre 20 et 23 %, ce qui explique ses mauvaises performances
énergétiques. Les réseaux à caractère radial présentant des grandes pertes électriques,
il y a donc lieu de procéder à l’interconnexion des réseaux interconnecté Nord (RIS)
et interconnecté Sud (RIS), ce d’autant plus que les courbes de charges indiquent que
les pics ne sont pas atteints au même moment. Une voie de solution est d’engager
une politique de réduction des pertes électriques concomitamment avec l’intégration
régional et internationale en matière d’électricités dans le cadre par exemple des
projets de la dimension du CAPP (Central African Power Pool) qui s’inspirerait des
modèles WAPP (West African Power Pool) et SAPP (South African Power Pool)
(Pineau, 2008).
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