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ÉTUDES ÉCONOMIQUES PROSPECTIVE Économie sociale et solidaire : les circuits courts alimentaires

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ÉTUDES ÉCONOMIQUES

PROSPECTIVEÉconomie sociale et solidaire : les circuits courts alimentaires

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Date de parution : 2017Couverture : Hélène Allias-Denis, Brigitte BaroinÉdition : Martine Automme, Nicole Merle-Lamoot

ISBN : 978-2-11-151550-5

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Le Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques (Pipame) a pour objectif d’apporter, en coordonnant l’action des départements ministériels, un éclairage de l’évolution des principaux acteurs et secteurs économiques en mutation, en s’attachant à faire ressortir les menaces et les opportunités pour les entreprises, l’emploi et les territoires.Des changements majeurs, issus de la mondialisation de l’économie et des préoccupations montantes comme celles liées au développement durable, déterminent pour le long terme la compétitivité et l’emploi, et affectent en profondeur le comportement des entreprises. Face à ces changements, dont certains sont porteurs d’inflexions fortes ou de ruptures, il est nécessaire de renforcer les capacités de veille et d’anticipation des différents acteurs de ces changements : l’État, notamment au niveau interministériel, les acteurs socio-économiques et le tissu d’entreprises, notamment les PME. Dans ce contexte, le Pipame favorise les convergences entre les éléments microéconomiques et les modalités d’action de l’État. C’est exactement là que se situe en premier l’action du Pipame : offrir des diagnostics, des outils d’animation et de création de valeur aux acteurs économiques, grandes entreprises et réseaux de PME/PMI, avec pour objectif principal le développement d’emplois à haute valeur ajoutée sur le territoire national.Le secrétariat général du Pipame est assuré par la sous-direction de la Prospective, des Études et de l’Évaluation Économiques (P3E) de la direction générale des Entreprises (DGE).

Les départements ministériels participant au Pipame sont :- le ministère de l’Économie et des Finances ;- le ministère de la Transition écologique et solidaire ;- le ministère de la Cohésion des territoires- le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation ;- le ministère des Armées ;- le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ;- le ministère du Travail ;- le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ;- le ministère des Sports ; - le ministère de l’Intérieur ;- le ministère des Solidarités et de la Santé ;- le ministère de la Culture ;- le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), rattaché au Premier ministre.

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MEMBRES DU COMITÉ DE PILOTAGE

Odile KIRCHNER Délégation interministérielle à l’Économie sociale et solidaire

Thierry LANGE DGE, service de la Compétitivité, de l’Innovation et du Développement des entreprises (SCIDE)

Jean-Paul PLATTIER DGE, sous-direction du Droit des entreprises

Alice MÉTAYER-MATHIEU DGE, bureau de l’Information économique et de la Prospective

Soufiane DAHBI DGE, bureau de l’Information économique et de la Prospective

Marie-Pierre LE BRETON DGE, mission des Services à la personne

François VILLEREZ DGE, bureau des Éco-industries et du Développement industriel durable

Géraldine LACROIX Caisse des Dépôts, département Économie et Cohésion sociale

Frédéric LEVET Caisse des Dépôts, département Économie et Cohésion sociale

Julia GASSIE Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

La conduite des entretiens et la rédaction du présent rapport ont été réalisées par les cabinets de conseil :

CMI 80 rue Gallieni

92773 Boulogne-Billancourt Cedex Tél. : +33 (0) 1 47 12 53 00

www.cmi-strategies.com

AUXILIA 41 rue du Chemin Vert

75011 Paris Tél. : +33 (0) 1 55 28 97 10

www.auxilia-conseil.com

LE COMPTOIR DE L’INNOVATION 7 boulevard Voltaire

75011 Paris Tél. : +33 (0) 1 55 28 01 50

www.lecomptoirdelinnovation.com

Consultants : Jean-Guillaume BAYADA, CMI, directeur de mission Julie KOELTZ, CMI, associée Lucie BARRA, CMI, consultante Hélène LE TENO, Auxilia, directrice Entreprises Sophie DANLOS, Auxilia, consultante Séniors Léonie DUPHENIEUX, Le Comptoir de l’Innovation, chef de projet

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION .................................................................................................................................... 11

Phasage et méthodologie .................................................................................................................... 12 Méthodologie de l’analyse quantitative ............................................................................................... 13

Analyse de la dynamique des quatre secteurs .................................................................................. 13 Analyse de la dynamique de l’ESS dans les quatre secteurs .............................................................. 13

PÉRIMÈTRE DE L’ÉTUDE « CIRCUITS COURTS ALIMENTAIRES » ........................................................ 15

Définition des termes .......................................................................................................................... 15 Périmètre étudié .................................................................................................................................. 16

PANORAMA DE L’ÉVOLUTION RÉCENTE DU SECTEUR − CIRCUITS COURTS ALIMENTAIRES ......... 19

La demande ........................................................................................................................................ 19 Les ménages .................................................................................................................................... 19 La restauration collective .................................................................................................................. 21 Les autres segments ......................................................................................................................... 23

L’offre ................................................................................................................................................. 23 La production .................................................................................................................................. 23 La transformation ............................................................................................................................ 25 La distribution .................................................................................................................................. 26

L’emploi .............................................................................................................................................. 29 Success stories ................................................................................................................................. 37

PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DU SECTEUR ........................................................................................ 40

L’impact du numérique ....................................................................................................................... 42 Le potentiel d’emplois ......................................................................................................................... 43 Les perspectives d’évolution de l’ESS ................................................................................................... 44 Enjeux et leviers de développement de l’ESS : recommandations ......................................................... 48

SIGLES ................................................................................................................................................... 53

INDEX DES ILLUSTRATIONS ................................................................................................................. 54

PERSONNALITÉS CONSULTÉES DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE ........................................................... 55

BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 56

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INTRODUCTION

Objectifs de l’étude

Avec à ce jour environ 165 000 entreprises1, comprenant 154 000 associations employeuses, 8 700 coopératives, 800 mutuelles, 500 fondations et une centaine de sociétés commerciales, l’économie sociale et solidaire (ESS) emploie près de 2,4 millions de salariés, soit 13 % de l’emploi salarié privé, dans des secteurs diversifiés : 63 % des emplois de l’action sociale, 56 % des emplois du sport et des loisirs, 30 % des activités financières et d’assurance, 29 % de la culture, 19 % de l’enseignement2.

La répartition sur le territoire fait apparaître de fortes disparités : en 2015, le Limousin, la Basse-Normandie, le Poitou-Charentes, la Bretagne, la Franche-Comté, l’Auvergne et le Languedoc-Roussillon atteignent ou dépassent 16 %, contre 8,7 % en Île-de-France. En raison de la nature de ses activités tournées vers les besoins de la population, mais aussi par conviction, l’ESS est une économie qui agit dans la proximité et a donc un poids particulièrement significatif de l’emploi dans les territoires peu denses.

Les entreprises de l’ESS se caractérisent également par leur forte capacité d’innovation : nouveaux services, nouveaux métiers, nouvelles formes de gouvernance, nouvelles réponses aux défis sociaux toujours plus nombreux et plus complexes. L’ESS défriche depuis de nombreuses années des filières et repousse des frontières : elle a été pionnière du recyclage (papier, textile, déchets électroniques, etc.), créatrice dans les modes de production et de distribution d’une offre agricole plus respectueuse de la planète (bio, agriculture paysanne, circuits courts, etc.) et active dans le déploiement au plus grand nombre de la transition énergétique (lutte contre la précarité énergétique, mobilité durable et partagée, coopératives d’énergie citoyenne, etc.). Elle a inventé l’insertion par l’activité économique qui accueille aujourd’hui environ 130 000 personnes et est particulièrement foisonnante en innovations pour accompagner le retour à l’emploi, en s’attaquant aux freins insuffisamment traités : la mobilité, la préparation aux entretiens et l’accompagnement à la prise de poste, l’ouverture des entreprises à la diversité…

Autant d’atouts qui inscrivent aujourd’hui les entreprises de l’ESS dans des dynamiques durables alliant développement économique et social, transition écologique, lutte contre l’exclusion, renforcement de l’engagement citoyen et de la fraternité. Par les emplois qu’elle crée, son implication dans le développement local, son impact sur l’attractivité des territoires, mais aussi par cette capacité à mobiliser des citoyens autour de projets variés, l’ESS est un levier majeur pour les politiques publiques.

Pour autant l’ESS doit faire face, comme le reste de l’économie, à de nombreux défis et transitions. Ses entreprises connaissent, dans certains secteurs, une concurrence accrue du secteur lucratif (aide à domicile, recyclage et valorisation des déchets notamment) ou l’arrivée de nouveaux acteurs économiques. Elles sont comme les autres entreprises confrontées à la transformation numérique, source d’opportunité en termes de process internes, d’offre de nouveaux services, de visibilité mais également d’inquiétude pour les structures de petite taille qui manquent des compétences nécessaires.

Économie circulaire, gestion des biens communs, autant de pistes à conquérir ou reconquérir pour démontrer que développement économique peut se conjuguer avec ambition sociale et pratiques solidaires.

Pour éclairer ces enjeux et apporter une vision prospective, la Délégation interministérielle à l’économie sociale et solidaire, la Direction générales des entreprises (DGE) et la Caisse des dépôts ont décidé de financer une étude stratégique sur quatre filières à fort potentiel pour l’ESS :

1 La loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS a défini les entreprises de l’ESS comme l’ensemble des acteurs appartenant traditionnellement à l’économie sociale par leur forme juridique (associations, coopératives, mutuelles et fondations) en y ajoutant une nouvelle catégorie, celle des sociétés commerciales susceptibles de porter de nouvelles formes d’entrepreneuriat social et répondant à des critères précis définis à l’article 2 de cette même loi (gouvernance démocratique, impartageabilité des réserves). Ces sociétés peuvent solliciter d’être agréées comme entreprises solidaires d’utilité sociale. A contrario, l’expression « entreprises non-ESS » correspond aux entreprises qui ne répondent pas à la définition ci-dessus. (On trouvera parfois dans le langage courant les expressions « entreprises classiques », « traditionnelles » ou encore « privées lucratives » pour décrire ces structures). 2 Source : CNCRESS - Atlas national de l’ESS.

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1. circuits courts de production de denrées alimentaires vers les consommateurs (qu’il s’agisse des particuliers, des restaurants ou de la restauration collective) au sein des secteurs du commerce alimentaire de détail et de la transformation alimentaire ;

2. collecte, recyclage de déchets, production et vente de matières premières recyclées, production et vente de produits recomposés ou de seconde main ;

3. écobâtiment, rénovation thermique de bâtiments (habitation, locaux d’entreprises) ;

4. aide à la personne, pour les personnes âgées.

Ces études ont été confiées au groupement CMI – Auxilia – Le Comptoir de l’Innovation avec pour objectif de situer le positionnement stratégique des acteurs de l’ESS par rapport aux acteurs de l’économie non-ESS dans chaque filière, d’analyser les forces et faiblesses des entreprises de l’ESS et d’identifier les leviers de leur développement.

Phasage et méthodologie

L’étude a été menée en trois volets de juillet 2016 à mars 2017, en étroite relation avec le comité de pilotage :

- volet 1 : L’évolution récente du secteur économique considéré et de ses acteurs économiques ; part de l’ESS et analyse de ses forces et faiblesses ;

- volet 2 : L’évaluation prospective du potentiel d’activités et d’emploi à moyen terme de la filière ;

- volet 3 : Les leviers de développement de l’ESS dans chaque filière.

Figure 1 – Déroulé de l’étude

Volet 1 Volet 2 Volet 3

Juillet – octobre 2016 Octobre – décembre 2016 Décembre 2016 – janvier 2017

Objectifs/livrables Objectifs/livrables Objectifs/livrables

Analyse quantitative et évolution récente du secteur économique

considéré

Analyse du poids de l’ESS par secteur et de son ancrage géographique

Analyse des forces et faiblesses et des modèles économiques de l’ESS

Vision prospective des grandes tendances d’évolution à 3/5 ans de la

demande et de l’offre

Analyse de l’impact de la transformation numérique sur le secteur et de ses conséquences

notamment sur l’ESS

Opportunités et risques pour l’ESS et adaptations pertinentes des modèles

économiques de l’ESS

Scénarios d’évolution du secteur et de l’ESS

Recommandations stratégiques sur le positionnement des acteurs de l’ESS

dans chaque secteur

Leviers opérationnels pour le développement de l’ESS au sein de

chaque secteur

Moyens Moyens Moyens

Études documentaires

Traitements statistiques

Entretiens avec une sélection d'acteurs

Atelier prospectif réunissant 40 acteurs des marchés étudiés (non-ESS

et ESS)

Atelier sur les leviers de développement de l’ESS dans chaque

filière

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La réalisation de cette étude a reposé sur :

- l’exploitation de ressources documentaires (cf. bibliographie) ;

- l’exploitation de données de la statistique publique (Insee) et privée (Base de données Diane, Bureau Van Dijk) ;

- la réalisation d’une série d’entretiens réalisés auprès d’acteurs – non-ESS et ESS − représentatifs des quatre secteurs étudiés (quinze entretiens par secteur) ;

- la création de deux ateliers de travail réunissant les acteurs publics et privés des secteurs considérés.

Méthodologie de l’analyse quantitative

Analyse de la dynamique des quatre secteurs L’analyse de la dynamique des quatre secteurs a été menée de la manière suivante :

- identification des ensembles d’acteurs pertinents pour chacun des maillons des quatre chaines de valeur à partir des codes NAF (toutes sociétés hors SCOP et SCIC) ;

- extraction des données entreprises par code NAF sur la base de données Bureau Van Dijk ;

- contrôle de cohérence (nombre d’établissements) et exploitation des variables à analyser (effectifs, chiffre d’affaires, rentabilité) sur la période 2011-2014.

Analyse de la dynamique de l’ESS dans les quatre secteurs L’analyse de la dynamique de l’ESS dans les quatre secteurs a fait l’objet d’un traitement isolé, en utilisant deux bases de données distinctes : les données de Bureau Van Dijk pour les SCOP et SCIC, qui ont l’obligation de déclarer leurs comptes annuels, et les données de l’Insee pour les autres acteurs de l’ESS non soumis à cette obligation.

Figure 2 – Méthodologie d’analyse quantitative de la dynamique de l’ESS dans les quatre secteurs considérés

1 Identification des ensembles d’acteurs pertinents pour chacun des maillons des quatre chaînes de valeur à partir des codes NAF

Pour les Scop et les Scic (soumises à une obligation de déclaration des comptes annuels)

Pour les associations, coopératives (hors Scop et Scic), fondations et mutuelles (non soumises à une obligation

de déclaration des comptes annuels)

2 Extraction des données entreprises par code NAF sur la base de données Bureau Van Dijk

Extraction des données Insee (données agrégées, non nominatives, disponibles par statut, pas de données

nominatives)

3 Contrôle de cohérence (nombre d’établissements) et exploitation des variables à analyser (effectifs, chiffre

d’affaires, rentabilité) sur la période 2011-2014

Exploitation des variables à analyser (effectifs, volume d’activité) sur la période 2011-2013 (dernière année

disponible)

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L’analyse quantitative de la dynamique de l’ESS a requis la définition de certains partis pris. Définition de l’ESS retenue pour l’analyse quantitative

- Ont été retenus dans l’analyse quantitative de la dynamique de l’ESS les acteurs identifiables comme appartenant à l’ESS par leur forme juridique : associations, coopératives (dont SCOP et SCIC), mutuelles et fondations.

- Toutes les entreprises d’insertion ou habilitées à employer des personnes en insertion pertinentes ont été incluses dans le périmètre d’étude de par leur domaine d’activité (code NAF) et/ou leur statut (ESS / non ESS).

- N’ont pas été isolées dans l’analyse quantitative de la dynamique de l’ESS les entreprises de forme juridique conventionnelle (« sociétés commerciales de l’ESS »), encore peu nombreuses.

Évaluation du volume d’activité pour les acteurs de l’ESS hors Scop et Scic

- Le volume d’activité a été défini comme étant égal à : total des dotations et de subventions + total des ressources propres = produits d’exploitation.

- A défaut de bases de données spécifiques exploitables, le ratio moyen du volume d’activité par emploi et de la dynamique de ressources propres a été déterminé grâce aux entretiens pour chaque catégorie d’acteurs.

- Ce ratio a été projeté sur l’ensemble des acteurs de la même catégorie pour chaque secteur. Biais d’analyse En raison de l’incomplétude des bases de données utilisées (certaines entités ne déposant pas leurs comptes et ne déclarant pas leurs effectifs de manière régulière et exhaustive), un échantillon a été constitué à partir des entreprises non-ESS et entreprises de l’ESS ayant déclaré l’ensemble des variables analysées de l’année 2011 à l’année 2014.

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PÉRIMÈTRE DE L’ÉTUDE « CIRCUITS

COURTS ALIMENTAIRES »

Définition des termes

Cette étude porte sur le mode de commercialisation de la production alimentaire en circuits courts. Est considéré comme circuit court tout mode de commercialisation reposant sur :

- un intermédiaire maximum entre le producteur et le consommateur final. Relèvent ainsi des circuits courts les schémas de commercialisation suivants : producteur – consommateur, producteur – distributeur – consommateur, producteur – restaurateur – consommateur, producteur – transformateur – consommateur. Selon l’INRA, la présence de jusqu’à deux intermédiaires de petite transformation entre le producteur et le consommateur final peut également être considérée comme compatible avec le concept de circuits courts ;

- une proximité géographique entre le producteur et le consommateur final. Si la définition ci-dessus des circuits courts, établie par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), n’inclut aucune dimension locale, elle semble toutefois indispensable dans la mesure où réduire les intermédiaires entre le producteur et le consommateur passe également par la limitation des distances géographiques et donc par l’incitation à une consommation locale, dans une logique de développement durable. Établir un seuil kilométrique est toutefois problématique car il n’existe pour l’heure aucune définition officielle des circuits de proximité. Celle-ci peut être extrêmement variable et dépendre de manière directe des volumes à approvisionner. Les autorités françaises ont quant à elles sélectionné un rayon de 70 kilomètres pour l’application des mesures agroenvironnementales et climatiques d’aides aux circuits courts relevant de la politique agricole commune3.

De nombreux amalgames existent autour de cette notion. Pour certains, circuit court signifie également « production et conditionnement local », « origine France », « saisonnalité des produits », « bio », « avantage nutritif ». La notion de circuit court étant récente, le flou sur la définition n’est pas anormal. Parmi les quelques paradoxes cités concernant la définition, retenons la confiture de fraises locales, fabriquées avec 50 % de sucre brésilien, ou les crevettes de Madagascar vendues avec un seul intermédiaire sur un marché ou un magasin spécialisé. Par ailleurs, la notion d’alimentation durable recoupe généralement circuits courts alimentaires et produits biologiques. Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude parlent plus volontiers de « circuits courts et de proximité », définis comme un mode de commercialisation « qui valorise le lien social, la transparence, l’équité dans les échanges, la coopération des acteurs, le maintien ou la création d’emploi et qui préserve l’environnement ». NB : L’expression « circuits courts » utilisée dans le corps de l’étude l’est par commodité de langage. Elle doit être comprise comme englobant également la notion de proximité géographique.

3 Source : Brigitte Allain, « Rapport d’information déposé par la Commission des Affaires économiques sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires », présenté à l’Assemblée nationale le 7 juillet 2015.

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Figure 3 – Modes de commercialisation en circuits courts

Vente directe Vente indirecte

Vente à la ferme (panier, cueillette, marché à la ferme, etc.)

Vente collective (point de vente collectif ou panier collectif)

Vente sur les marchés (marchés de producteurs de pays, marchés paysans, marchés polyvalents)

Vente en tournées (avec éventuellement point relais de livraison) ou à domicile

Vente par correspondance (Internet, etc.)

Vente organisée à l'avance à travers les Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap)

Accueil à la ferme (gîtes, tables d'hôtes...) avec consommation sur place des produits de la ferme

Vente à la restauration (traditionnelle, collective)

Vente à un commerçant-détaillant (boucher, épicerie de quartier, Grandes et Moyennes Surfaces GMS, etc.)

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS a défini les entreprises de l’ESS comme l’ensemble des acteurs appartenant traditionnellement à l’économie sociale par leur forme juridique (associations, coopératives, mutuelles et fondations) en y ajoutant une nouvelle catégorie, celle des sociétés commerciales susceptibles de porter de nouvelles formes d’entrepreneuriat social et répondant à des critères précis définis à l’article 2 de cette même loi (gouvernance démocratique, impartageabilité des réserves). Ces sociétés peuvent solliciter d’être agréées comme entreprises solidaires d’utilité sociale. A contrario, l’expression « entreprises non-ESS » correspond aux entreprises qui ne répondent pas à la définition ci-dessus. (On trouvera parfois dans le langage courant les expressions « entreprises classiques », « traditionnelles » ou encore « privées lucratives » pour décrire ces structures).

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Périmètre étudié

L’analyse de la dynamique des quatre secteurs a été menée de la manière suivante :

- identification des ensembles d’acteurs pertinents pour chacun des maillons des quatre chaînes de valeur à partir des codes NAF (toutes sociétés hors Scop et Scic) ;

- extraction des données Entreprises par code NAF sur la base de données Bureau Van Dijk ;

- contrôle de cohérence (nombre d’établissements) et exploitation des variables à analyser (effectifs, chiffre d’affaires, rentabilité) sur la période 2011-2014.

Figure 4 – Chaîne de valeur des circuits courts alimentaires

Liste des codes NAF retenus pour chaque maillon de la chaîne de valeur des circuits courts alimentaires

Production (tout type de production animale et végétale à vocation alimentaire) A - Agriculture, sylviculture et pêche

o 01 - Culture et production animale, chasse et services annexes 01.1 - Cultures non permanentes hors 01.14 (canne à sucre) et 01.15 (tabac) 01.2 - Cultures permanentes hors 01.27 (plantes à boisson), 01.28 (épices et plantes

médicinales), 01.29 (arbres de Noël) et 01.21 (vigne) 01.4 - Production animale hors 01.49 (animaux de compagnie) 01.5 - Culture et élevage associés

o 03 - Pêche et aquaculture 03.1 - Pêche 03.2 - Aquaculture

Distribution (commerce de détail à prédominance alimentaire) Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles

o 47 - Commerce de détail, à l'exception des automobiles et des motocycles 47.11B, C, D et F - Commerce de détail en magasin non spécialisé à prédominance

alimentaire (hors surgelés et multi-commerces) 47.21 - Commerce de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé 47.22 - Commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin

spécialisé 47.23 - Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé 47.29 - Autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé 47.81 - Commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés

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Restauration collective (activités de restauration collective publique et d’entreprise + traiteurs) I - Hébergement et restauration

o 56 - Restauration 56.21 - Services des traiteurs 56.29 - Autres services de restauration

• 56.29A - Restauration collective sous contrat o 56.29B - Autres services de restauration n.c.a.

Transformation industrielle (activités de transformation de produits alimentaires bruts, comme celles des abattoirs. Sont exclues les transformations agro-industrielles lourdes où les lieux de production sont très éloignés des lieux de consommation)

C - Industries manufacturières o 10 - Industries alimentaires 10.1 - Transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de

viande 10.2 - Transformation et conservation de poisson, de crustacés et de mollusques 10.3 - Transformation et conservation de fruits et légumes

Méthodologie d’analyse de l’activité en circuits courts dans la chaîne alimentaire Les données et analyses issues du recensement agricole 2010 accessibles sur le site Agreste du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA)4 ont été mobilisées pour répartir l’activité du premier maillon de la chaîne de valeur du secteur et donc évaluer la part de la production agricole commercialisée en circuits courts. Pour les autres maillons de la chaîne (distribution et restauration collective), l’absence de données statistiques disponibles sur la part des circuits courts a conduit à l’application d’estimations obtenues au cours de la phase d’entretiens. Biais d’analyse En raison de l’incomplétude des bases de données utilisées (certaines entités ne déposant pas leurs comptes et ne déclarant pas leurs effectifs de manière régulière et exhaustive), un échantillon a été constitué à partir des entreprises non-ESS et ESS ayant déclaré l’ensemble des variables analysées de l’année 2011 à l’année 2014. Les analyses chiffrées relatives au secteur des circuits courts alimentaires présentées dans les graphiques ci-après sont ainsi basées sur un échantillon de 13 203 entreprises non-ESS et 2 421 entreprises ESS ayant déposé leurs comptes ou/et déclaré leurs effectifs, sur les près de 34 460 entreprises non-ESS et 5 180 entreprises ESS enregistrées dans les bases de données Bureau Van Dijk et Insee en 2014. Les résultats issus des analyses réalisées sur cet échantillon ont ensuite été extrapolés à l’ensemble des entités constituant le secteur.

4 http://agreste.agriculture.gouv.fr/recensement-agricole-2010/

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PANORAMA DE L’ÉVOLUTION RÉCENTE DU

SECTEUR − CIRCUITS COURTS

ALIMENTAIRES

La demande

Nous présentons ci-dessous des éléments de compréhension des évolutions de deux segments majoritaires de la demande en produits alimentaires en circuits courts : les ménages et la restauration collective. La restauration hors domicile (restaurants, fast food, etc.) est pour l’instant proportionnellement très peu engagée dans des dynamiques d’approvisionnement en circuit court de proximité.

Les ménages Le secteur des circuits courts connaît une croissance de la demande tirée par un intérêt grandissant des consommateurs finaux, notamment celui des ménages. Les ménages consacrent à l’alimentation une part de plus en plus réduite de leurs dépenses de consommation : 20 % en 2014 contre 35 % en 1960. Ceci s’explique par le fait que la croissance des volumes des dépenses alimentaires (+ 1,4 % en moyenne par an et par habitant) est inférieure à celle du budget total des dépenses de consommation (+ 2,5 %), en raison d’un effet de saturation des besoins alimentaires. Si les dépenses alimentaires continuent de croître, même à un rythme faible (1 470 € par habitant en 1960 contre 2 640 € en 20075), c’est dû en grande partie à une consommation plus soutenue de produits de meilleure qualité, ou davantage transformés (produits surgelés et plats préparés) au détriment de produits bruts exigeant plus de temps de préparation comme la viande, les fruits et légumes, les pains et céréales, qui progressent moins vite. Les pratiques alimentaires se modifient donc sous l’effet conjugué de la hausse du pouvoir d'achat des ménages, de l'évolution contrastée des prix des différents produits et de la baisse du temps consacré à la cuisine6. L’intérêt croissant pour la consommation en circuits courts pourrait toutefois, dans les années qui viennent, faire évoluer cette tendance. On peut considérer qu’ils représentent aujourd’hui de 10 à 15 % des achats alimentaires7. D’après l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), en 2013, 13 % des consommateurs de produits en circuits courts en ont acheté depuis moins d’un an, soulignant ainsi une progression rapide de ces produits dans le panier des ménages. Un sondage Ipsos réalisé en février 2014 confirme cette tendance de fond8.

- 41 % des Français achètent souvent voire très souvent des produits locaux, contre 20 % rarement ou jamais.

- Parmi ceux qui en consomment, 69 % disent en consommer davantage ces deux dernières années.

- 59 % affirment vouloir en consommer plus dans les six prochains mois. Parmi les facteurs qui expliquent l’évolution croissante de cette demande figurent :

- La perte de confiance dans les produits alimentaires, liée à la succession de crises sanitaires. Ceci motive la recherche d’une relation directe/désintermédiée avec les producteurs afin de mieux

5 En euros constants de 2007. 6 Source : Insee Première, « Cinquante ans de consommation alimentaire : une croissance modérée, mais de profonds changements », n°1568, octobre 2015. 7 Source : entretien expert INRA. 8 Source : Sondage Ipsos « Les Français et le consommer local », février 2014.

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connaître l’origine des produits et de maîtriser leur traçabilité, couplée à une plus grande préférence accordée à la proximité géographique des produits, jugée gage de qualité et de fraîcheur.

- Une volonté des consommateurs de contrer la fragilisation des producteurs, issue de la pression exercée sur les prix d’achat par la grande distribution, en achetant leurs produits à un prix « juste », mais également par une volonté de contribuer au maintien d’une économie locale.

Le profil des consommateurs évolue : les retraités, cadres et professions intellectuelles supérieures ne sont plus les uniques acheteurs de ces produits. Des catégories socioprofessionnelles moins diplômées et moins aisées en consomment chaque année davantage, les circuits de commercialisation étant devenus plus accessibles et pratiques grâce à leur apparition dans la grande distribution. Le dénominateur commun est le besoin de savoir à qui on a affaire (pouvoir identifier le producteur) et avoir des produits frais qui ont un vrai goût. L’importance du facteur prix est controversée selon les personnes interrogées. Pour l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), le consommateur n’est pas prêt à faire l’effort d’une augmentation de 30 ou 40 centimes pour un produit vertueux. Le discours est décalé par rapport au réel comportement d’achat. En revanche, les professionnels de la distribution considèrent qu’il existe un différentiel acceptable, dès lors qu’il est valorisé et expliqué au consommateur. « Les produits locaux mis en rayon sont systématiquement un succès commercial », affirme l’une des enseignes de grande distribution interrogée. Le comportement du consommateur n’est cependant pas toujours cohérent. Il peut être soucieux des circuits courts de façon ponctuelle (le week-end, pendant les vacances) et ne pas se poser la question le reste du temps. Sa demande peut être contradictoire avec la répartition des produits sur un territoire : par exemple, avec une forte demande de jambon local, la production française n’est pas suffisante. Les flux internationaux peuvent alors rester nécessaires à la fois pour approvisionner et pour valoriser les autres parties de l’animal9. Le mode de distribution est enfin important. Le fonctionnement en Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne ) qui nécessite un engagement à long terme (6 mois ou 1 an), ou les achats groupés avec un lien direct vers le producteur (organisés par exemple dans les comités d’entreprises), permettent d’accéder à des produits moins coûteux que dans la grande distribution, les magasins spécialisés et les services web tels que La Ruche Qui Dit Oui !. Les groupements d’achat sont également une solution à moindre coût, avec des groupes de citoyens autonomes rassemblant une vingtaine de familles qui passent directement leurs commandes, jusqu’à des plateformes numériques telles que OpenFood Network ou Mon Pti’Voisinage (60 000 utilisateurs en ligne), qui proposent généralement aussi des produits non alimentaires.

9 Source : entretien ANIA

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La restauration collective La restauration collective constitue potentiellement un levier de croissance important du secteur, mais la demande est encore timide et certaines contraintes restent déterminantes. La restauration collective constitue un segment assez diversifié qui comprend la restauration collective publique (restauration scolaire et universitaire, hospitalière, des administrations, des maisons de retraite et des établissements pénitentiaires) et la restauration collective des entreprises. Près de 4 milliards de repas sont servis chaque année en France, dont 1 milliard dans la restauration scolaire. La restauration collective publique, en particulier, constitue un segment où les circuits courts seront amenés à se développer à court-moyen terme La loi visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation prévoit en effet qu’à compter du 1er janvier 2020, la composition des repas servis dans les restaurants collectifs publics devra inclure 40 % de produits relevant de l’alimentation durable (produits mentionnant la qualité et l’origine, issus de circuits courts, ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité). Ces dispositions ont d’ailleurs été reprises dans la loi Égalité et Citoyenneté, votée le 22 décembre 2016, à la section 5 « Égal accès à une alimentation saine et de qualité pour les citoyens sur les territoires » 10. Cette loi, a été censurée par le Conseil constitutionnel le 26 janvier 2017 pour des motifs de forme, mais ses objectifs sont repris par des territoires qui souhaitent impulser une dynamique autour des sujets alimentaires. D’après une enquête spécifique menée en 2015 en Alsace, les produits agricoles locaux pesaient pour 36 % des volumes et 27 % de la valeur des produits utilisés par la restauration scolaire en région Alsace11. Mais il reste difficile d’estimer ce ratio à l’échelle nationale tant celui-ci est variable selon les régions (structuration des filières, types de productions agricoles, etc.). Quant à la restauration collective dans son ensemble (publique et d’entreprises), Interbio Normandie estime qu’elle serait encore bien éloignée de ces valeurs : les approvisionnements en produits locaux ne représenteraient qu’environ 5 % des approvisionnements totaux à l’heure actuelle. Plusieurs raisons expliquent cette présence encore timide des circuits courts de proximité :

- Du côté des producteurs, ces derniers peinent à répondre aux critères formulés par les pouvoirs prescripteurs. Ils sont généralement peu organisés pour répondre aux appels d’offre, qui requièrent des volumes importants. Par ailleurs, certaines exigences de petite transformation intermédiaire des produits (comme le lavage, l’épluchage et le découpage des légumes) peuvent être formulées, auxquelles les producteurs ne sont pas toujours en capacité de répondre. Autre élément déterminant : comparée à la vente directe au consommateur, la vente à la restauration collective est moins incitative pour les producteurs car elle engage un processus de négociation sur le prix avec les pouvoirs prescripteurs. En résulte un prix de vente nécessairement moins avantageux. Les changements dans les pratiques d’achat ne sont pas encore adaptés à la logique des cours où la répartition de valeur fonctionne différemment, à partir du juste prix pour le producteur (par juste prix, on entend un prix qui permet à l’agriculteur de couvrir ses charges et se rémunérer décemment). L’interprofession Interbio Normandie insiste sur le fait que ce juste prix ne doit pas être négociable.

- Du côté de la commande publique notamment, les collectivités connaissent encore assez mal l’offre locale de producteurs en circuits courts. Le recours à ce mode d’approvisionnement reste en outre encore très dépendant des volontés politiques et des engagements des personnels de cantine, et peut donc fortement varier au gré des échéances électorales ou des mutations de personnels. Le Code des marchés publics est par ailleurs très contraignant et peu adapté à la réalité des producteurs locaux ; le MAA a à ce sujet publié un guide en novembre 2014 pour accompagner la commande publique dans la définition des besoins, la rédaction des pièces du marché et la sélection des offres.

« En restauration collective, nous sommes confrontés à une forte résistance. Les opérateurs, gestionnaires, cuisiniers, ont des habitudes de fonctionnement et du matériel adapté aux produits surgelés mais pas au

10 Source : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0878.asp - Voir Article 192 de la loi. 11 Source : Agreste Alsace, « État des lieux des produits de proximité dans la restauration scolaire des écoles primaires », Analyses et résultats, n°31, décembre 2015.

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frais. Le gâchis alimentaire reste important mais il est encore difficile de payer plus cher pour du bio local. », Groupement de maraîchers biologiques Val Bio Centre. Si la loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation offre de belles perspectives d’évolution des circuits courts de proximité, certaines questions se posent encore quant à la capacité d’adaptation des producteurs et des prescripteurs. Des interrogations subsistent quant à la manière dont la saisonnalité de certains produits pourra être prise en compte avec des menus adaptés en conséquence, sur la façon dont le surcoût matière pourra être absorbé/répercuté, ou encore sur la capacité des structures à s’adapter aux exigences logistiques de ce mode d’approvisionnement (gestion de livraisons moins fréquentes et donc du stockage des marchandises par exemple). Les collectivités s’emparent du sujet à travers les dispositifs tels que les Projets alimentaires territoriaux (PAT, entre autres dispositifs), inscrits dans la loi d’Avenir de 2014 mais leurs budgets reste limités. Pour donner un ordre de grandeur, en 2015, 2 millions d’euros sont consacrés à l’échelle nationale à un appel à projets sous l’égide du MAA et de l’Ademe, qui vise à soutenir des projets fédérateurs, exemplaires, ou ayant la capacité d’être reproduits, s’inscrivant dans les priorités de la politique publique de l’alimentation. Néanmoins, il ne s’agit pas du seul mode de financement de tels projets de territoire. Ils ne ciblent pas le développement des circuits courts (quatre thématiques adressées : ancrage territorial, gaspillage alimentaire, justice sociale, éducation alimentaire de la jeunesse). Par ailleurs des plateformes d’achats communes à plusieurs collectivités ou à l’échelle des départements se développent (par exemple, Approlocal dans les Hauts-de-France, qui propose à la restauration collective des produits alimentaires du territoire).

Que dit la loi ? Art. L.1. « Les actions répondant aux objectifs du programme national pour l’alimentation et aux objectifs des plans régionaux de l’agriculture durable, définis à l’article L. 111-2-1 du présent Code, peuvent prendre la forme de projets alimentaires territoriaux. Ces derniers visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation ».

Projet alimentaire territorial (PAT)

Les « PAT » sont prévus dans la loi d’Avenir du ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt d’octobre 2014. Ils permettent de construire un projet de territoire en concertation avec les acteurs locaux, à partir d’un diagnostic partagé sur la production agricole locale et les besoins, à différentes échelles possibles. Ils présentent trois dimensions :

- Une dimension économique : structuration et consolidation des filières dans les territoires et mise en adéquation de l’offre avec la demande locale ; contribution à l’installation d’agriculteurs et à la préservation des espaces agricoles sans lesquels la production n’est pas possible.

- Une dimension environnementale : développement de la consommation de produits issus de circuits de proximité ; valorisation d’un nouveau mode de production agroécologique, dont la production biologique.

- Une dimension sociale : c’est un projet collectif, fondé sur la rencontre d’initiatives, et regroupant tous les acteurs d’un territoire ; il contribue à une identité et une culture du territoire et permet de valoriser les terroirs.

(Source : MAA)

Dans la restauration collective privée, l’offre commence à se structurer mais reste encore très limitée : Sodexo, dont 60 % à 70 % des achats de la branche Restauration collective sont réalisés avec un intermédiaire maximum (groupements de commandes via les grossistes) entre les restaurants et les producteurs, estime que l’approvisionnement local ne répond tout simplement pas aux besoins et contraintes du secteur en termes de volumes et catégories d’approvisionnement ou encore de sécurité sanitaire. La société reconnaît qu’une offre de restauration incluant de l’approvisionnement local peut

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constituer un élément différenciant sur le marché, davantage chez les clients du secteur public (plus demandeurs) que dans la restauration collective d’entreprises, mais que les exigences des prescripteurs sont incohérentes avec le fonctionnement réel du secteur. « La réglementation impose de servir des pommes de petit calibre dans les restaurants scolaires. Or, toutes les exploitations en France ne fournissent pas ce genre de calibre. Par ailleurs, nous devons assurer des approvisionnements de produits aux caractéristiques identiques en grande quantité, ce qu’un petit éleveur local ne sera pas toujours en mesure de faire. Nous sommes encouragés à travailler avec des producteurs et transformateurs locaux mais le manque de disponibilité des produits ou des processus de transformation sont un réel frein. », Sodexo. Plusieurs acteurs, tels que Biocoop Restauration, ont néanmoins construit des partenariats structurés avec des groupements de producteurs locaux partout où cela est possible en France, là où les volumes de production sont significatifs, avec la volonté de compléter l’offre locale, et non de la supplanter. Biocoop créé également des filières bio et locales quand elles n’existent pas, telles que le lait de chèvre bio (filière construite en cinq ans). La structure développe également des maillons manquants de la chaîne de valeur tels que les outils de découpe pour des producteurs de porcs en Bretagne, ou des outils de transformation du lait et des céréales.

Les autres segments Les autres segments de la demande sont encore peu actifs : les artisans de l’agroalimentaire et l’aide alimentaire. Les métiers de bouche (boulangers, bouchers…), la restauration commerciale et les traiteurs sont peu actifs en matière d’achats en circuits courts. L’absence de centralisation des achats, élément facilitant la mise en relation directe avec les producteurs, constitue l’un des principaux éléments bloquants une telle démarche d’approvisionnement. Dans le segment de l’aide alimentaire12 (distribution par les associations caritatives ; acteurs des épiceries solidaires, qui vendent des produits alimentaires à prix réduits à des personnes en difficulté), la volonté est forte pour modifier leur offre en y incluant une partie approvisionnée en circuits courts de proximité. « Les Restos du Cœur sont passés de colis de produits transformés ou défraîchis à des produits frais de proximité livrés deux fois par semaine. », INRA.

L’offre

La production La production en circuits courts est croissante. Elle avoisine en 2015 les 7,8 milliards d’euros en valeur. Le secteur de la production agricole a fortement évolué ces 50 dernières années sous l’effet de plusieurs facteurs, notamment la concentration et l’agrandissement des exploitations (2,3 millions d’exploitations en 1955 contre 436 000 en 2015) et le recul de la part de l’emploi agricole dans l’emploi total (30 % d’emploi agricole en 1955 contre moins de 3 % en 2015, avec une baisse de la population active agricole de près de 5 millions de personnes). En 2010, le secteur comptait 71 % d’exploitations individuelles, 15 % d’EARL13 (8 % avec chef d’exploitation seul, 7 % avec plusieurs coexploitants) et 7 % de GAEC (groupements agricoles d’exploitation en commun)14. 12 Voir avis 72 du Conseil national de l'alimentation : http://www.cna-alimentation.fr/wp-content/uploads/2013/04/cna_avis72.pdf

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La valeur de la production agricole15 a atteint 65,7 milliards d’euros en France en 201016. Le secteur comptait alors 515 000 exploitations, dont 490 000 en France métropolitaine, parmi lesquelles 36 % de petites exploitations (production brute standard – PBS17 inférieure à 25 000 €), 31 % de moyennes exploitations (PBS comprise entre 25 000 et 100 000 €) et 33 % de grandes exploitations (PBS supérieure à 100 000 €). La valeur de la production agricole, qui s’élève à 74,6 milliards d’euros en 2015, connaît une certaine stagnation depuis 2011 (+ 4,5 % sur la période 2011-2015)18. D’après le recensement agricole 2010 (ce recensement a lieu tous les dix ans), 36 % des petites et moyennes exploitations (118 000 exploitations sur 329 000) commercialisaient tout ou partie de leur production en circuits courts en 2010, contre 28 % des grandes exploitations (45 000 exploitations sur 162 000). La vente en circuits courts représentait respectivement environ 61,4 %, 49,3 % et 29,4 % du chiffre d’affaires de petites, moyennes et grandes exploitations qui y ont recours. Par extrapolation, on peut donc estimer que la part de la valeur de la production agricole commercialisée en circuits courts en 2010 se situait autour de 6,7 milliards d’euros (10,2 % du total). Dans la mesure où la demande de produits en circuits courts connaît une dynamique positive, la part des circuits courts dans la production agricole commercialisée était de l’ordre de 12 à 13 % en 2015 (ce qui correspond à une progression d’environ 0,5 point par an depuis 2010) et devait peser près de 7,8 milliards d’euros de valeur19. La vente en circuits courts ne concerne en revanche pas toutes les productions agroalimentaires dans les mêmes proportions (graphique 1). Le miel, les légumes, les fruits et le vin sont davantage commercialisés en circuits courts que les produits animaux et laitiers, plus contraignants en termes de transformation et de conservation.

Graphique 1 – Part des exploitations commercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts, par type de produit20

13 EARL : Entreprise à responsabilité limitée. 14 Source : recensement agricole 2010, Agreste. Les données et analyses issues du recensement agricole 2010 accessibles sur le site Agreste du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA)14 ont été mobilisées pour répartir l’activité du premier maillon de la chaîne de valeur du secteur et donc évaluer la part de la production agricole commercialisée en circuits courts. 15 Valeur hors subventions. 16 Source : Insee. 17 La production brute standard décrit un potentiel de production des exploitations en fonction de leurs orientations techniques (otex/type de production) et de leurs données de structure (hectares). Elle permet de classer les exploitations selon leur dimension économique. Les coefficients de PBS (en euros/hectare) ne constituent pas des résultats économiques observés. Ils doivent être considérés comme des ordres de grandeur définissant un potentiel de production de l'exploitation. 18 Source : Insee. 19 Estimations CMI – Auxilia – Le Comptoir de l’Innovation en extrapolant la tendance d’évolution de la production en circuits courts depuis 2010. 20 Source : recensement agricole 2010, Agreste.

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Il en va de même concernant la répartition territoriale des circuits courts (figure 5). Ce type de commercialisation est traditionnellement plus ancré en Corse et en outre-mer, tous produits confondus. À l’inverse, dans les régions où la concentration d’exploitants est plus importante, ces derniers se regroupent davantage dans des structures collectives, organisations de producteurs ou coopératives, qui assurent une commercialisation en filière longue. Notons également que la concentration des circuits courts dans le Sud correspond aux régions les plus productrices de produits biologiques.

Figure 5 – Part des exploitations commercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts, par localisation géographique21

Autre donnée importante : les modes de commercialisation privilégiés. La vente directe domine largement la vente par intermédiaire, quel que soit le produit. La vente à la ferme, suivie de la vente sur les marchés, sont majoritaires. L’ajout d’un intermédiaire (détaillant, grande ou moyenne surface, restaurateur) concerne entre 20 et 40 % des exploitants, en fonction du produit22. À noter que six exploitants sur dix commercialisant en circuits courts n’ont qu’un seul mode de vente principal, un sur quatre en ayant deux.

La valeur de la vente des produits issus de la transformation en circuits courts n’est pas chiffrée, elle est incluse dans la valeur ajoutée des agriculteurs qui réalisent leurs transformations, ou des industriels qui développent des produits spécifiquement locaux.

La transformation

L’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) considère que la transformation locale est déjà le fait des PME et TPE, largement impliquées et dépendantes de leur territoire. L’ANIA est composée à 98 % de PME dont 76 % sont des TPE, donc très locales. Aucune précision n’est cependant apportée sur l’origine des matières premières transformées ni sur leur lieu de consommation.

Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude font plutôt état d’un manque de produits transformés à proximité des lieux de production et de transformation. Cette transformation

21 Source : recensement agricole 2010, Agreste. 22 Source : recensement agricole 2010.

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constitue justement une forte demande des consommateurs et permettrait de mieux valoriser les produits :

Marque Bon et Bien : « Les clients achètent davantage de produits préparés que de produits bruts : cela se vend mieux avec une meilleure marge. Créer des offres de plats cuisinés aurait vraiment du sens. Aujourd’hui quand on veut faire des frites locales ou des carottes râpées, c’est compliqué : soit on le fait soi-même (en tant qu’enseigne de la grande distribution) mais ce n’est pas toujours facile, soit on passe par une logique de Bon et Bien et on crée ce type de structure, sur lequel on a déjà prouvé que le modèle économique fonctionne ».

Les grandes marques de transformation défendent un modèle de proximité sous l’angle « Made in France » ou sous des marques à caractère régional promouvant l’origine des produits ou le lieu de transformation. Bonduelle revoit ainsi sa stratégie et ouvre un magasin Bonduelle Bienvenue à Villeneuve d’Ascq qui offre une gamme de légumes élaborés, Häagen-Dazs contractualise avec des producteurs laitiers locaux (et exporte dans le monde entier), La Belle-Iloise valorise les produits de la mer fabriqués à Belle-Île. Pour autant, ils ne garantissent pas la proximité avec le lieu de consommation, ni ne raisonnent sur une échelle géographique des 70 km théoriques recommandés dans l’appellation « circuits courts ». Des marques se créent également sur le principe du local : Breizh Cola qui représente 15 % du marché en Bretagne et Loire-Atlantique est maintenant vendu en Île de France.

La distribution

Le commerce alimentaire de détail comprend les magasins d’alimentation spécialisée, l’artisanat commercial, les petites surfaces d’alimentation générale, les magasins de produits surgelés et les grandes surfaces d’alimentation générale. Le chiffre d’affaires du secteur s’élevait en 2015 à 202,1 milliards d’euros, contre 171 milliards en 2010.

- En 2015, les ventes ont nettement progressé dans le secteur de l’alimentation spécialisée et de l’artisanat commercial (+ 2,7 % en volume) pour la deuxième année consécutive. Elles ont augmenté en valeur de 3,2 % par rapport à 201423.

- Les ventes des petites surfaces d’alimentation générale et des magasins de produits surgelés ont conservé une tendance ascendante (+ 2,8 % en volume et + 2,7 % en valeur).

- Les ventes en volume des grandes surfaces d'alimentation générale (GSA), composées des hypermarchés, supermarchés et magasins multi-commerces, ont stagné en 2015 (+ 0,1 %). La performance des hypermarchés (+ 0,6 %) a toutefois été meilleure que celle des supermarchés (- 0,7 %).

- Le commerce hors magasin (commerce de détail sur éventaires et marchés, vente à distance, vente à domicile et par automate) a observé un ralentissement, mais reste très dynamique avec une croissance de 3,2 % en 2015 après + 4,2 % en volume en 2014. Le commerce sur éventaires et marchés a notamment augmenté de 1,9 % en volume et de 2,9 % en valeur.

En termes de parts de marché, les grandes surfaces d’alimentation générale commercialisent près des deux tiers des produits alimentaires hors tabac (graphique 2). Leur part de marché sur ces produits s’élevait à 65,5 % en 2015. Il s’agit notamment d’E. Leclerc, Intermarché, Carrefour, Super U, Auchan - cf. top 10 du classement LSA 2014). La part des petites surfaces alimentaires (supérettes, alimentations générales, commerces de surgelés) est restée stable et s’établissait à 7,4 %. Celle des commerces alimentaires spécialisés, y compris l’artisanat commercial, s’élevait quant à elle à 18,8 %. Les ventes hors magasin de produits alimentaires représentaient 5,7 % des ventes totales de produits alimentaires en 2015.

23 Source : Rapports des comptes du commerce, Insee.

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Graphique 2 – Répartition des parts de marché en 2011 et 2015 sur les produits alimentaires hors tabac24

Le maillon de la distribution est engagé dans les circuits courts − toutes les grandes enseignes de distributions mènent des projets exploratoires pour développer des partenariats locaux − mais leurs approvisionnements en circuits courts ne dépassent pas encore 5 % de leurs achats, selon les personnes de la grande distribution interrogées dans le cadre de cette étude. « Le poids des circuits courts dans notre activité dépend des types de produits et des régions, mais il est de l’ordre de quelques pourcents, donc infime. Nous sommes tous pareils. » Enseigne de la grande distribution25. Ceci s’explique notamment par une politique d’achats de la grande distribution qui n’a culturellement pas encore opéré de transition. L’insuffisance de l’offre, notamment sur les produits transformés (par exemple : des carottes râpées plutôt que des carottes brutes), et une organisation logistique encore inadaptée aussi bien chez les producteurs que les grandes enseignes, sont évoquées comme les principaux points de blocage d’un approvisionnement plus important en circuits courts. Toutefois, les enseignes restent sensibles aux approvisionnements locaux pour des raisons de fraîcheur (valable en particulier sur les salades), de goût (pas de stockage en frigo, passage direct du champ au consommateur), et de liens interpersonnels qui rendent l’acte d’achat plus facile (« le consommateur connaît le frère du salarié qui a fabriqué les biscuits locaux »). Elles manifestent généralement une volonté de développer une politique d’achats de proximité plus soutenue, sous réserve que les producteurs puissent s’adapter aux exigences de petite transformation. Dans la mesure où les achats de fruits et légumes sont actuellement réalisés à 74 % dans la grande distribution26, un développement de masse des circuits courts nécessite des adaptations entre les producteurs et les distributeurs (adaptions décrites ci-après, telles que l’organisation de la logistique, le recours à des ateliers de transformation et une réflexion à mener sur le partage de la valeur). « Nous nous approvisionnons à 1 ou 2 % auprès de producteurs et transformateurs locaux. Mais nous pourrions ambitionner de faire 10 à 15 % d’ici 5-10 ans si les producteurs se dotent d’outils de transformation. Les producteurs de bio dans le Nord perdent 50 % de leur récolte faute d’outil de transformation car les clients ne sont pas là au moment où les produits sont frais. Les producteurs pourraient confier les produits à des transformateurs avec un social business. » Leclerc Wattrelos. Chez Biocoop (magasin spécialisé), 12 % de l’activité en moyenne est réalisée avec des producteurs de proximité, mais avec de fortes disparités régionales. Dans le Sud, il existe beaucoup de productions et de transformations locales, 80 % des produits de certains magasins sont alors en circuits courts. Certaines coopératives agricoles développent également des magasins de vente de produits locaux (venant de leurs adhérents ou non). C’est le cas d’initiatives comme les magasins GammVert et Frais d’ici d’InVivo, qui essaiment progressivement.

24 Source : « Rapports des comptes du commerce », Insee. 25 Cette enseigne a souhaité que ses propos soient anonymés dans le cadre de l’étude. 26 France Agrimer, « Achats de fruits et légumes frais par les ménages », édition mars 2015 - N° ISSN : 2273-693X.

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Les perspectives de croissance des approvisionnements en circuits courts sont assez prometteuses et reposeront, en dehors des leviers cités précédemment, sur la mise en place d’ateliers de transformation (légumeries, ateliers de découpe, conserveries…) à proximité des distributeurs et des producteurs pour vendre des produits issus des circuits courts. Etant donné le poids du maillon distribution dans l’ensemble du secteur des circuits courts (près de 80 % en CA), le développement des emplois liés aux circuits courts passera indéniablement par un basculement des approvisionnements de la distribution en circuits courts.

Figure 6 – Segmentation de la valeur ajoutée du secteur et évolution de la rentabilité dans chaque maillon sur la période 2011-2014, hors transformation, pour les circuits courts 27

Lecture : La production représentait 18,9 % de la valeur ajoutée du secteur sur la période 2011-2014. L’ESS (tous statuts confondus) représentait 23 % de la valeur ajoutée de la production sur la période 2011-2014. La rentabilité de la production était de 1,12 % en 2014 et s’inscrivait dans une tendance positive sur la période 2011-2014.

27 Source : analyse des bases de données, Bureau Van Dijk et Insee.

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L’emploi

Le premier secteur bénéficiaire d’emplois est celui de l’agriculture Concernant la part des circuits courts dans l’emploi agricole, le recensement 2010 permet d’établir que ce mode de commercialisation consomme plus d’emplois : une exploitation en circuits courts mobilise ainsi en moyenne 2,2 UTA (unités de travail annuelles), contre 1,4 UTA pour l’ensemble des exploitations. La commercialisation en circuits courts (de même que l’agriculture biologique et les autres démarches de qualité) a un impact significatif sur le volume de travail dans toutes les orientations productives (à l’exception du maraîchage et de l’horticulture), avec cependant des variations selon la taille des exploitations28. La main-d’œuvre permanente s’élevant à 608 500 UTA en 2010 pour l’ensemble du secteur de la production agricole29, on peut estimer à 200 000 le nombre d’UTA travaillant dans des exploitations ayant intégré les circuits courts dans leur modèle économique. Avant même la création d’emplois, la dynamique croissante de la demande de produits en circuits courts a un effet positif sur le maintien de l’emploi agricole. Si les exploitations en partie positionnées sur les circuits courts sont plus consommatrices d’emplois que les exploitations commercialisant en filière longue, elles sont également plus créatrices d’emplois salariés permanents (14 % des exploitations en circuits courts y ont recours, contre 4 % pour les autres)30. Les activités de préparation, de vente et de livraison (en fonction du mode de circuits courts) mobilisent davantage de personnel agricole. Un levier d’emploi se trouve également dans l’association circuit court et agriculture biologique. L’agriculture biologique créé 2,5 fois plus d’emplois que l’agriculture conventionnelle31. En dehors de la production à proprement parler, plus les producteurs se développent dans les circuits courts, plus ils sont obligés de recruter (conditionnement, transport, commercialisation). Des mutualisations de postes sont organisées, sous forme par exemple de mini groupements logistiques à 20-25 producteurs. Des logisticiens locaux indépendants s’organisent (voir ci-dessous l’exemple des Poireaux de Marguerite). La logistique reste néanmoins difficile à mutualiser car le producteur doit avoir un diplôme de transporteur. Un groupe de travail du Réseau Mixte Technologique Alimentation Locale (RMT) est en cours sur les questions réglementaires de ce type, liées aux circuits courts. Il est porté par la FNCIVAM32, coanimé par l'INRA et soutenu par le MAA. La problématique de la logistique est également soulevée par les enseignes de distribution, pour qui les process actuels ne sont pas organisés pour des petits flux diffus. La révolution logistique est un véritable enjeu pour améliorer l’efficacité des circuits courts sur les plans économique, environnemental et social.

Logistique adaptée aux circuits courts : Les Poireaux de Marguerite

Les Poireaux de Marguerite est une SAS fondée en 2012 dont le chiffre d’affaires a atteint 373 K€ en 2015. En dehors de constituer des paniers de viande, fruits, légumes, crèmerie et livrés aux particuliers, l’entreprise organise la chaîne logistique de ramasse dans les différentes exploitations agricoles puis distribue aux magasins ou restaurateurs de la région parisienne. La logistique est opérée en propre par petits camions. Son PDG, Stéphane Drouet, développe en parallèle une filiale « le Comptoir du Carreau ». Située sur le marché de Rungis, cette plateforme a pour but de regrouper la production fermière et artisanale locale d’Île-de-France. Elle rassemble 400 références de produits. 28 Source : Agreste, « Démarches de qualité/diversification et emploi », Les dossiers, n°34, juillet 2016 ; « La pratique de l’agriculture biologique créatrice d’emploi ? – Une évaluation de l’impact du bio sur la quantité de travail agricole », Les dossiers, n°35, juillet 2016. 29 Source : Agreste, « Recensement agricole 2010 ». 30 Source : AREFA Languedoc-Roussillon, « Emploi et compétences des circuits courts », 2009. 31 « Plus de données sur l'Agriculture Bio », - site de l'Agence Bio - panoramas annuels du secteur bio (de la production à la consommation). 32 FNCIVAM : Fédération nationale de centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural.

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Le développement réel de ces emplois agricoles dépendra d’une politique volontariste sur les sujets agricoles et alimentaires. Des mesures prises à différentes échelles (communes, départements, régions, État, partenaires privés) seront nécessaires ou à renforcer pour aider l’agriculture à développer ses infrastructures de logistique, de transformation plus locales et plus décentralisées (abattage/découpe, nettoyage des légumes, conserveries, etc.). Selon La Ruche Qui Dit Oui !, le besoin n’est pas de subventionner l’emploi (les producteurs agricoles sont majoritairement des entrepreneurs à leur compte, et non des structures dont la finalité première serait le retour à l’emploi), mais d’aider la dynamique, et de favoriser un développement rural solide – riche en emplois directs et indirects sur le territoire. L’activité de transformation, étape qui peut être requise avant la commercialisation des produits, constitue également un segment de croissance potentiellement important pour le secteur, notamment pour des emplois d’insertion, avec des organisations innovantes mixant ESS et entreprises non-ESS. Bon et Bien en est un exemple.

Bon et Bien SAS indépendante, 250 K€ de chiffre d’affaires en 2015, Bon et Bien résulte d’un partenariat dans le Nord de la France, entre un groupement d’agriculteurs en pommes de terre, McCain, E. Leclerc, Randstad, et la Banque alimentaire. L’entreprise produit des soupes commercialisées principalement dans les établissements E. Leclerc du Nord. Elle répond à plusieurs enjeux :

- gaspillage alimentaire : les produits sont issus de légumes invendus, mis de côté car ils ne correspondent pas aux standards de commercialisation ou décalés entre la période de récolte et la présence des clients ;

- insertion : la structure accueille des chômeurs, parfois en grande difficulté, pour assurer une formation et aider au retour à un emploi pérenne ;

- partenariats de long terme du champ à l’assiette : des contractualisations sur la durée sont mises en place avec les producteurs locaux.

Bon et Bien a vocation à diffuser largement le concept, sur d’autres territoires, et en diversifiant la gamme de produits. D’autres emplois sont envisagés dans les métiers du numérique pour les start-up spécialisées (par exemples : La Ruche Qui Dit Oui !, Drive des champs). Le potentiel d’emploi porte essentiellement dans le développement informatique de sites web : soit pour la mise en relation entre l’offre et la demande des consommateurs finaux, soit plus en amont sur l’organisation des groupements de producteurs entre eux, soit pour constituer un marché de l’offre et de la demande entre les producteurs et des acteurs économiques intermédiaires (restaurateurs, centrales d’achats, distributeurs).

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L’ESS dans le secteur

Présence dans le secteur

Les acteurs de l’ESS sont présents sur tous les maillons de la chaîne de valeur. Ils pèsent, en CA ou équivalent, 23 % du maillon production, 6 % du maillon distribution et 4 % du maillon restauration collective/traiteurs en 2014 (figure 6). Mais leur poids a tendance à baisser ces dernières années au profit des acteurs non-ESS, dans un secteur pourtant en croissance moyenne de 2,25 % par an : alors que l’ESS représentait près de 12 % du CA ou équivalent des circuits courts en 2011, cette part a diminué presque de moitié en 2014. Cette tendance peut s’expliquer par un intérêt croissant des acteurs non-ESS pour un marché prometteur, alimenté par des évolutions sociétales de fond.

Figure 7 – Évolution de la valeur ajoutée globale du secteur, segmentation de la valeur ajoutée du secteur et taux de croissance annuel moyen par statut juridique sur la période 2011-2014

Lecture : La valeur ajoutée de l’ensemble du secteur (production, distribution et restauration collective) a crû de 2,25 % sur la période 2011-2014, pour atteindre 18,580 milliards d’euros en 2014. Les associations, fondations, mutuelles et coopératives hors Scop et Scic représentaient 5,74 % de la valeur ajoutée du secteur en 2014. La valeur ajoutée des Scop et Scic a baissé en moyenne de 5,1 % par an sur la période 2011-2014.

Production Les coopératives agricoles et agroalimentaires sont les acteurs principaux de la production agricole. On dénombrait environ 2 600 entreprises coopératives en 2016, qui employaient 165 000 salariés. 75 % des agriculteurs adhèrent à une coopérative. Les coopératives permettent la mise en commun des moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique des agriculteurs, et notamment la diminution du coût des intrants ou de certains services grâce aux achats groupés. Elles sont composées de 15 grands groupes, 146 ETI et 90 % de PME et TPE. Les trois quarts du chiffre d’affaires sont réalisés par 10 % des structures. La tendance actuelle est guidée par la volonté d’un développement international, le renforcement des leaders coopératifs et la croissance externe33. Le fonctionnement en circuit court est un sujet émergent pour les grandes coopératives, en dehors de celles qui se sont créées sur le principe même du circuit court de proximité. Pour exemple, une coopérative de producteurs autour de Figeac a changé de statut pour devenir une SICA34 (société d’intérêt collectif agricole) dès 1991 afin de mieux coopérer sur le territoire, créer de

33 http://www.coopdefrance.coop/fr/16/une-reussite-economique-et-sociale/ 34 La coopérative ne peut travailler qu’avec ses adhérents. La SICA peut vendre à tout acteur économique du territoire sans condition d’adhésion.

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nouvelles relations, pouvoir offrir des services à des acteurs autres que ses coopérateurs, et forger une nouvelle notion de coopérative agricole de territoire, à impact social et environnemental positif. Ce changement lui a permis de réaliser du chiffre d’affaires avec des non-adhérents et de lancer le dialogue avec les habitants du territoire. Les adhérents, agriculteurs actionnaires uniques de leur entreprise, ont décidé de se grouper pour acheter au meilleur prix et bénéficier de services mutualisés et de conseils techniques. L’entreprise n’est pas délocalisable car elle ne peut appartenir qu’aux agriculteurs du territoire. Par ailleurs, Fermes de Figeac (la Sicaseli) a obtenu l’agrément ESUS.

Distribution On y retrouve les coopératives de distribution telles que E. Leclerc et Système U dans le segment de la grande distribution, ou encore dans le segment des magasins spécialisés de plus petite taille tels que Biocoop. En matière de circuit court, leur fonctionnement n’est pas différent des autres enseignes de distribution (présence actuelle et historique de quelques produits du terroir, quelques partenariats avec des agriculteurs locaux lorsque les process d’achat interne le permettent, volonté de développer ces pratiques pour répondre aux attentes des consommateurs). Des réseaux de distribution spécialisés se développent à la fois autour du bio et du local avec des créations d’emplois dans les magasins et un fort besoin de postes qualifiés. « Aujourd’hui, on est en dessous de tout en matière de formation sur nos métiers : on a du mal à recruter en boucherie et charcuterie, on va manquer de boulanger en bio, on manque de produits finis faute de professionnels. Le conseil à la vente dans les magasins nécessite des compétences multiples. », Biocoop. Biocoop considère également que les magasins spécialisés génèrent 1,2 fois plus d’emplois qu’en grandes et moyennes surfaces : « pour 500 emplois dans un hypermarché de 8 000 m2, on génère 15 emplois pour 200 m2 chez Biocoop ». L’ESS est également présente à travers les associations qui portent des Amap : apparues en France en 2001, elles sont de l’ordre de 1 000 à 1 200 actuellement, pour environ 50 000 familles adhérentes nourries, soit près de 200 000 consommateurs (sur la base de quatre personnes par famille), et un chiffre d’affaires de 36 millions d’euros35.

Elle compte aussi des acteurs du numérique tels que La Ruche qui dit Oui !, (voir encadré détaillé en 4.3), plateforme numérique de vente en circuits courts en forte croissance, labellisée entreprise solidaire en 2012. L’entreprise met en relation des producteurs locaux (légumes, crèmerie, viande, miel, etc.) avec des consommateurs, qui passent commande à l’avance par le biais d’un site internet. Un animateur de la ruche organise les distributions et sélectionne les producteurs.

Les Amap Les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne sont destinées à favoriser l'agriculture paysanne et biologique. Le principe consiste à créer un lien direct entre paysans et un groupe de consommateurs, qui s'engagent à acheter la production à un prix équitable, fixé et payé par avance. Les consommateurs sont ainsi solidaires des risques liés aux aléas climatiques et aux éventuels problèmes sanitaires. Les productions sont diverses : légumes et fruits, crèmerie, pain, œufs, viande, miel, etc. Chaque semaine, le ou les producteurs mettent à disposition sur un lieu de distribution l’ensemble des produits qui sont constitués en panier. Les adhérents sont généralement invités à participer quelquefois dans l’année à la vie de la ferme (cueillette, désherbage). Agriculteurs et consommateurs font l’objet d’engagements mutuels formalisés dans un contrat. En savoir plus : http://www.reseau-amap.org/amap.php Dans tous ces cas, l’appartenance à l’ESS ne donne pas nécessairement d’indication sur le potentiel fort de développement dans le domaine des circuits courts. En particulier, ESS ne veut pas mécaniquement dire « juste prix » : les contradictions sur la notion de prix juste persistent (des prix suffisants pour le producteur pour assurer revenu et pérennité de ses activités, et également accessibles pour les consommateurs dans leur diversité, des conditions économiques et sociales viables pour le distributeur…).

35 Source : MIRAMAP.

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Les situations de fixation de prix ou d’absence totale de politique « prix » et de rapports d’équilibre ou de rapports de force se posent autant pour les acteurs de l’ESS que pour les acteurs non-ESS, et les décisions à prendre en la matière sont complexes. Les coopératives de distribution, tout comme les coopératives de production, peuvent se heurter précisément à la question du dialogue et de l’équilibre entre l’amont et l’aval. La priorité donnée aux adhérents peut conduire à une agilité réduite pour faire face rapidement aux évolutions de la demande finale. Pour certains acteurs de l’ESS, l’organisation par maillon (et bien souvent par filière spécialisée) évolue vers de nouvelles organisations : territorialisées (associations, coopératives de territoires positionnées sur l’amont ou l’aval) et/ou réseaux communautaires (AMAP, communautés numériques…).

Autres segments

Les autres segments – transformation, traiteurs et restauration – comprennent une variété assez large d’acteurs qu’il est complexe de cartographier avec précision : de l’artisanat de bouche (comme Bou’Sol, réseau de boulangeries solidaires) aux ateliers de transformation le plus souvent en statut associatif ou coopératif qui se développent en particulier depuis cinq ans36 (comme les légumeries – voir l’exemple de Bon et Bien cité plus haut, les confitureries – par exemple Re-Belle, les conserveries – par exemple celle du Chênelet). Les traiteurs en insertion sont également présents sur ce segment, comme La Table de Cana (voir encadré détaillé), ou Baluchon et Té. Ils emploient des personnes en insertion avec des programmes de formation aux métiers culinaires (en cuisine ou en salle).

Atouts et faiblesses

Les entreprises de l’ESS présentent des atouts et faiblesses distincts selon qu’il s’agit des producteurs ou des distributeurs et transformateurs. En revanche, ils s’inscrivent dans les mêmes tendances favorables, qui profitent au secteur non ESS, et souffrent des mêmes faiblesses.

Les personnes interrogées dans cette étude mettent toutefois en évidence que la différence entre le secteur ESS et non ESS n’est pas toujours une question de statut mais plutôt d’état d’esprit basé sur la répartition de la valeur et la pérennité du modèle de développement pour un territoire. Rappelons cette définition retenue lors de l’atelier du 9 novembre 2016 : « les circuits courts et de proximité » sont définis comme un mode de commercialisation qui valorise le lien social, la transparence, l’équité dans les échanges, la coopération des acteurs, le maintien ou la création d’emploi et qui préserve l’environnement ».

Concernant les producteurs, plusieurs caractéristiques ressortent :

- En termes de proposition de valeur, les producteurs identifiés comme fonctionnant en circuit court apportent au moins deux réponses à la demande des consommateurs : la fourniture de produits de qualité, une répartition supposée équitable de la richesse sur le territoire et la création d’emploi local non délocalisable. Le consommateur qui privilégie le circuit court est particulièrement motivé par le juste prix payé à l’agriculteur. « Nous sommes 40 producteurs maraîchers diversifiés à Val Bio Centre. Nous travaillons avec deux autres groupements (soit 120 producteurs en tout). Les producteurs se réunissent deux fois par an et déterminent leurs plantations des six prochains mois, selon la demande en nombre et en contenu souhaité par les consommateurs. Le producteur sait donc à l’avance ce qu’il va vendre et à quel prix. C’est totalement différent du fonctionnement classique actuel : des grossistes passent dans les exploitations, choisissent les légumes. Les producteurs sont informés du prix d’achat une semaine plus tard, fixé selon les volumes présents sur le marché et les négociations à Rungis. Notre objectif, c’est que le producteur ait le choix de valoriser sa production : par exemple en paniers, ou en gros dans une collectivité s’il dispose d’un gros volume. », Val Bio Centre.

- Les nouvelles formes de coopératives agricoles comme les Scic (Société coopérative d’intérêt collectif) ou Scop (Sociétés coopératives et participatives) développent de nouveaux services, qui

36 Source : exploration web des initiatives émergentes sur les ateliers de transformation par rapport aux dates de création et statut.

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dépassent le cadre de la production alimentaire ou l’achat groupé d’engrais. Des producteurs associés développent des canaux de distribution de produits de proximité dans des magasins de producteurs ou des magasins spécialisés (exemple : Gamm Vert par le biais des Fermes de Figeac). Ils peuvent se constituer en groupements de producteurs pour mieux répondre à la demande variée (exemple : La Ruche qui dit Oui), ou développer de nouveaux produits à multiples bénéfices pour le territoire (exemple : Le Panier Vert dans le Nord, coopérative agricole de 50 agriculteurs, a mis en œuvre une production de pain à partir d’une variété ancienne de blé local, en culture raisonnée et distribuée à la restauration collective). Ces activités sont cependant rendues difficiles par le manque d’organisation des acteurs entre eux et les problématiques de logistique. Les caractéristiques des Scop 37: il s’agit d’une coopérative de forme SA, SARL ou SAS dont les salariés sont les associés majoritaires et détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Le dirigeant est élu par les salariés associés. Le partage du profit est équitable : - une part pour tous les salariés, sous forme de participation et d’intéressement ; - une part pour les salariés associés sous forme de dividendes ; - une part pour les réserves de l’entreprise. Les réserves, impartageables et définitives - en moyenne 40 à 45 % du résultat - vont contribuer tout au long du développement de l’entreprise à consolider les fonds propres et à assurer sa pérennité. Les coentrepreneurs sont rémunérés de leur travail et de leur apport en capital, mais à leur départ, celui-ci leur est remboursé sans plus-value. Dans une Scic, les mécanismes coopératifs et participatifs sont identiques à ceux de la Scop. Toutefois, les membres associés au capital sont par définition de toutes natures : les salariés mais aussi celles et ceux qui souhaitent s’impliquer dans le projet comme les clients, les bénévoles, les collectivités territoriales, les partenaires privés, etc.

- Marché : les producteurs disposent d’un marché en forte croissance, tant pour l’accès direct au

consommateur final qu’à la restauration collective et aux enseignes de la distribution. À noter que cet avantage vaut autant pour des entreprises ESS (coopératives traditionnelles ou nouvelles) que pour des agriculteurs indépendants non-ESS.

- Ressources et partenaires : le format coopératif pour les agriculteurs est un gage de solidité économique dans la durée. Il est propice à explorer des formes d’organisations nouvelles et des liens économiques pérennes avec les autres acteurs du territoire, en portant une attention particulière sur des solutions de long terme. La coopérative a intérêt à répartir équitablement la valeur entre les différents maillons pour maintenir un tissu d’activités localement. Elle redistribue en interne sa plus-value et capitalise sa richesse de façon infinie : au moment de la vente d’une structure, la valeur reste sur le territoire. En revanche, les personnes interrogées notent que le statut coopératif ne garantit pas l’esprit coopératif de tous les producteurs qui peuvent raisonner de façon individualiste et ne sont pas nécessairement attirés par le modèle social et solidaire. De plus, les nouvelles formes de coopératives (Scop, Scic) restent mal connues des chambres d’agriculture, qui concentrent leur accompagnement vers les agriculteurs indépendants et les coopératives traditionnelles (de type Invivo, Sodiaal, Terrena, Tereos, Vivescia, Agrial). L’ESS est plutôt assimilée à des activités d’insertion, peu présentes dans les activités purement agricoles. Le potentiel d’emplois ESS dans des entreprises proches du secteur agricole sur les territoires (animation de réseau, mise en relation d’acteurs), n’est pas identifié. Ce potentiel, pas plus que les spécificités du mode de commercialisation en circuits courts, n’est massivement développé dans les programmes de formation des jeunes agriculteurs.

- La structure de coûts des agriculteurs en circuits courts montre des difficultés à supporter des

coûts spécifiques : main-d’œuvre plus nombreuse, non accès à des subventions liées à la surface ou peu significative du fait des petites surfaces de production, coûts supplémentaires liés à la

37 Site des Scop : http://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html

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diversification (exemple : besoin d’investir dans un véhicule de distribution, espace de commercialisation, moyens commerciaux) et à des pratiques d’agriculture durable (exemple : plantation d’arbres, restauration de la fertilité naturelle des sols, installation d’abris en soutien de la biodiversité). Le passage en circuits courts présente également la difficulté pour un producteur laitier de se désengager des contrats établis avec les grosses coopératives. Les groupements d’agriculteurs en coopérative sont plus stables dans la mesure où l’ancrage territorial constitue l’une des finalités du regroupement, les bénéfices sont réinvestis pour développer de nouvelles activités locales et des emplois locaux (exemple : fermes de Figeac en 2015 : 18 M€ de CA, 120 K€ de résultat net en 2015, investit dans l’énergie solaire et la filière bois).

Concernant les distributeurs et transformateurs (exemples : Biocoop, E. Leclerc, Baluchon) :

- La proposition de valeur est très contrastée entre une enseigne traditionnelle (telle que E. Leclerc et Super U) et une enseigne spécialisée telle que Biocoop, qui constitue un projet coopératif atypique autour de quatre collèges décisionnaires (magasins, producteurs, salariés, consommateurs). Les personnes interrogées dans le cadre de cette étude estiment qu’un acteur de l’ESS bénéficie d’un a priori positif de la part des consommateurs. Le principe de l’« intérêt général » porté par l’ESS est cohérent avec la dimension environnementale et sociale qui entre en compte dans les choix des consommateurs de circuits courts. Néanmoins, la reconnaissance de l’ESS en tant que telle pourrait être plus forte : « Le consommateur ne voit pas encore que nous sommes un acteur de l’ESS, mais cela changera. Il prend de plus de plus conscience de son influence par l’acte d’achat : le pouvoir du vote par le ticket de caisse », (Biocoop). Avis légèrement différent mais lié aux valeurs de l’ESS : « Le sujet n’est pas " ESS ou pas ESS ", mais le fait d’être ou pas dans une organisation financière. Cela détermine le bon niveau de générosité qu’on est prêt à mettre pour développer ces projets. Ce qu’on fait avec Bon et Bien, d’autres gros acteurs industriels ne pourraient pas le faire, leurs processus de décision, orientés uniquement sur l’aspect financier, sont aberrants », (Bon et Bien).

- L’offre de services pour les distributeurs traditionnels de l’ESS se présente sous forme de rayons de produits locaux, ou de paniers locaux mis à disposition dans les magasins. Les représentants interrogés indiquent que le chiffre d’affaires réalisé sur les produits alimentaires locaux ne dépasse pas 5 %, avec un flou sur la définition de local (régional, départemental ou plus proche encore).

- Le marché : tout autant que pour les producteurs, le marché des produits transformés en circuits courts profite de la demande croissante des consommateurs. La transformation est poussée par la demande des particuliers. Les acteurs de la distribution ESS rencontrent les mêmes difficultés d’approvisionnement que les non ESS (logistique sur des petits volumes, non maîtrise des délais d’approvisionnement ou rupture d’approvisionnement, résistance au changement au sein des organisations chez les distributeurs notamment dans les logiques d’achat).

- Ressources et partenaires : de même qu’en production, les acteurs de l’ESS défrichent plus facilement des nouveaux modes de gouvernance (par exemple chez Biocoop, le Conseil d’administration rassemble quatre collèges constitués des représentants des magasins, des représentants de groupements de producteurs, un représentant des salariés et un autre des consommateurs). Les coopératives et associations ont par ailleurs l’habitude de structurer des réseaux d’acteurs. « On est pertinent sur le terrain. », (FRCIVAM).

« Le format ESS permet de soutenir en permanence l’envie de coopérer. », (Fermes de Figeac).

« Le statut ESS permet de travailler plus facilement en partenariat avec des associations sur d’autres domaines, comme les associations de handicap. », (La Ruche Qui Dit Oui !).

Par ailleurs, le modèle ESS est attractif pour recruter de nouveaux salariés. Les règles, les salaires, la gouvernance rassurent en interne (Biocoop, La Ruche Qui Dit Oui !).

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En revanche, la gouvernance ESS, qui promeut le consensus et l’expression de chacun, peut rendre la prise de décision longue et difficile (témoignage de Biocoop).

- Structure de coûts/équilibre économique : la structure de coûts d’une enseigne traditionnelle ou

ESS n’est pas différente du fait d’un développement de circuits courts. Pour les ateliers de transformation, le statut ESS permet de bénéficier de financements complémentaires dans l’embauche de personnes en insertion, ou dans l’accès à des soutiens de fondations.

Forces

- Le format coopératif : un gage de solidité

économique dans la durée et de résilience sur le territoire.

- Une répartition supposée équitable de la richesse sur le territoire.

- Une capacité de défrichage des nouveaux modes de gouvernance et de structuration des réseaux d’acteurs.

- Une facilité à coopérer avec des associations sur d’autres domaines.

- Un modèle attractif pour recruter des salariés pour les acteurs intermédiaires (distribution, transformation et numérique).

- Un effet d’image pour les clients et leur contribution au développement économique du territoire.

- L’accès à des financements spécifiques sur l’insertion.

Faiblesses

- La transition vers le circuit court implique des

coûts supplémentaires pour l’agriculteur. - Certains producteurs raisonnent de façon

individuelle et ne sont pas attirés par le modèle social et solidaire, y compris dans des structures ESS.

- La gouvernance ESS peut rendre la prise de décision difficile.

- La perception de l’ESS par les acteurs non ESS peut être limitée à l’insertion (cas de chambres d’agriculture) : la dimension complète, les postes qualifiés ne sont pas considérés comme faisant partie de l’ESS.

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Success stories

La Ruche qui dit Oui !38

Création de la société Equanum SAS en décembre 2010 par trois associés : Guilhem Chéron, Marc-David Choukroun et Mounir Mahioubi.

Agrément « Entreprise solidaire » obtenu en septembre 2012.

Activité : développement d’une plateforme numérique de vente en circuits courts, « La Ruche qui dit Oui ! », permettant aux producteurs de vendre à des communautés de consommateurs regroupées au sein de ruches.

Modèle économique : Equanum offre un appui technique et commercial aux ruches (mise à disposition et développement de l’interface numérique, site de formation participatif, outils de communication, développement et animation du réseau, etc.), tandis que les responsables de ruches sont chargés de la création et de l’animation de leur communauté (prospection des membres et des producteurs, recherche du lieu de distribution, préparation des ventes et de la distribution, etc.). Les producteurs peuvent également bénéficier de la plateforme et de l’appui de l’équipe opérationnelle d’Equanum pour la facturation, la gestion de stocks ou encore le transport. La société et les responsables des ruches (sous statut d’autoentrepreneurs ou associatifs) touchent chacun une commission de 8,35 % sur le chiffre d’affaires hors taxes, le reste revenant aux producteurs. Un responsable de ruche touche environ 400 € par mois pour dix à quinze heures de travail hebdomadaire.

Volume d’activité (2015) : entre 45 et 55 M€.

Facteurs de succès : levées de fonds auprès d’investisseurs de sphères diverses (numérique et ESS) (1,5 million d’euros auprès de X-Ange en 2012, octroi de prêts BNP, CDC et France Active pour un montant de 500 K€ chacun en 2014) ; acteur uniquement positionné sur le développement de solutions informatiques pour les circuits courts, pas sur le reste de la chaîne de valeur (prospection des producteurs et consommateurs, gestion des ventes et de la logistique) ; souplesse du système (pas d’engagement comme dans les AMAP).

Nombre d’ETP (2015) : 130-140.

Territoire d’activité : France (80 % des activités), Royaume-Uni, Belgique, Allemagne ; bientôt au Danemark, aux Pays-Bas et en Suisse.

Typologie de la clientèle : les responsables de ruches sont souvent des femmes (90 %), entre 30 et 50 ans, en recherche d’une activité complémentaire, avec une bonne maîtrise des outils numériques. Les producteurs sont de petits exploitants et les consommateurs souvent des familles issues des CSP+.

Chiffres clés : environ 5 000 producteurs actifs dans le réseau, représentant 5 % des producteurs français commercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts ; environ 110 000 consommateurs et 700 ruches.

38 Source : entretien La Ruche Qui Dit Oui !

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Biocoop39

Création de l’association Biocoop en 1986, devenue société anonyme coopérative en 2002 (Biocoop SA Coop).

Activité : réseau de distribution de produits issus de l’agriculture biologique.

Modèle économique : la coopérative dispose d’un réseau de 382 magasins indépendants au 1er janvier 2016 (420 envisagés à fin 2016), dont 40 % sont des coopératives, 60 % des SARL familiales. L’adhésion au réseau nécessite le respect d’une charte encadrant l’ensemble des activités des magasins (distribution, gestion, dimensions sociale et sociologique). Les services centraux de Biocoop gèrent une centrale d’achat et quatre plateformes logistiques qui approvisionnent les magasins. Le développement de l’approvisionnement local (dans un rayon de 150 km) est de la responsabilité des magasins. Celui-ci représente environ 12 % de l’approvisionnement du réseau, avec toutefois de fortes disparités (davantage de production et de transformation locales dans le Sud de la France, où près de 80 % des produits en magasins sont issus de circuits courts).

Biocoop a par ailleurs créé une filiale en 2006, Biocoop Restauration (SAS à actionnaire unique), pour promouvoir la restauration collective bio et locale. Elle construit des partenariats avec des groupements de producteurs locaux afin de compléter l’offre locale, en s’appuyant sur la logistique déjà existante pour les magasins. Près de 4 000 établissements sont actuellement livrés en partenariat avec 25 groupements de producteurs.

Chiffre d’affaires (2015) : 445 M€ pour Biocoop SA Coop (+ 18 % par rapport à 2014), 768 M€ pour les magasins (+ 16,9 %), 5,5 M€ pour Biocoop Restauration (+ 11 %).

Facteurs de succès : passage d’une croissance à un chiffre (jusqu’en 2011) à une croissance à deux chiffres rendue possible grâce à l’introduction de compétences dans toutes les fonctions, à l’uniformisation des process, à la formation.

Nombre de salariés (2015) : 849 pour la centrale, environ 2 500 pour le réseau de magasins.

Territoire d’activité : France.

Typologie de la clientèle : consommateurs « bio-convaincus » des zones urbaines (clientèle historique), et de plus en plus de jeunes ménages.

Chiffres clés : environ 6 600 produits référencés, fournis par 700 producteurs.

39 Source : entretien Biocoop.

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La Table de Cana40

Création de l’association La Table de Cana en 1985, devenue SARL en 1987 et entreprise d’insertion en 1990 ; le réseau compte 8 entreprises, dont celle de Genevilliers.

Activité : restauration/traiteur/organisateur de réception en insertion.

Modèle économique : le modèle économique repose à 15 % sur les subventions publiques, à 85 % sur le marché. L’entreprise s’approvisionne à hauteur de 5 à 10 % en circuits courts, qu’elle définit comme un mode d’approvisionnement à intermédiaire unique, dans un rayon de 200 km. La politique appliquée est toutefois plus large, non restrictive aux circuits courts : favoriser la saisonnalité, privilégier l’emploi, soutenir le bio, plébisciter l’équitable. L’offre en circuits courts est en voie de progression au sein de la structure, toutefois freinée par l’incapacité à centraliser les approvisionnements.

Chiffre d’affaires (2015) : 1 M€.

Nombre de salariés (2015) : 15 salariés en insertion, 6,5 permanents, 2 vacataires en service.

Territoire d’activité : Île-de-France.

Typologie de la clientèle : toutes typologies (associatif, secteur public, entreprises, particuliers).

Chiffres clés : rentabilité annuelle de 2 à 3 %.

40 Source : entretien La Table de Cana.

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PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DU SECTEUR

Les évolutions prévisionnelles de la demande et de l’offre

La demande

La demande de produits en circuits courts par les ménages est actuellement très dynamique (voir panorama plus haut) et cette tendance devrait se poursuivre. Un consensus se dégage en ce sens à l’issue des entretiens, et ce auprès des acteurs non-ESS, des acteurs majoritaires ou des jeunes pousses de l’ESS. Les déterminants de cette hausse sont considérés comme solides : maîtrise du budget pouvant inciter à des achats « désintermédiés », recherche du goût, de la fraîcheur, du terroir, de la proximité avec le producteur… Néanmoins, des tendances émergentes sont susceptibles d’influer sur la structuration du marché dans les prochaines années : Il est probable que l’irruption des géants du numérique incluant la livraison à domicile (sur la vente de produits alimentaires y compris ultra frais, comme Amazon Prime Now) puisse constituer un nouvel acteur significatif de la distribution. Amazon, dont la grande force réside dans la maîtrise de la logistique de distribution, se positionne progressivement sur des produits alimentaires frais (sans garantie pour le moment d’une zone de production proche du lieu de distribution), qui permet d’envisager un lien futur avec des producteurs ou transformateurs locaux. De même, la livraison de repas de restaurants (comme UberEats ou Foodora) par le biais d’applications numériques, peut conduire à des déplacements majeurs de la demande alimentaire globale dans toutes ses dimensions : types de produits achetés, lieux d’achat… Les restaurateurs proposent ainsi des plats produits localement et distribués dans leur zone de chalandise (sans forcément d’indication sur l’origine des produits pour le moment). Une incertitude forte sur l’horizon temporel de ces ruptures demeure. La demande croissante sur les produits vendus en vrac, poussée par la démarche Zero Waste/Zero Déchets, peut constituer un potentiel à investir par de nouveaux acteurs, y compris acteurs de l’ESS (producteurs, transformateurs). Par exemple, l’enseigne Day By Day, créée en 2013, est la première franchise française d’épicerie sans emballage. 30 magasins ont été ouverts en France depuis la création et proposent 750 références. Ce sujet n’a été abordé que par une seule des personnes interrogées : « Les magasins qui développent le vrac augmentent. On a fait à Paris un magasin éphémère 100 % vrac pour la Cop21 : un gros succès chez les consommateurs de proximité. Mais on a un vrai souci avec la réglementation : par exemple, on n’a pas le droit de mettre du vin ou de la lessive dans un contenant non étiqueté. Cela rend les opérations plus compliquées en magasin», Biocoop.

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L’offre

Du côté de l’offre, le développement des circuits courts concerne tous les maillons et pose divers enjeux de structuration du secteur, à la fois pour la production, la transformation et la logistique. Le déficit de production par rapport à la demande est souligné par l’ensemble des personnes interrogées. De nouvelles installations agricoles seront nécessaires pour répondre aux attentes des clients. La commercialisation de tout ou partie de la production en circuits courts constitue une alternative avantageuse pour les exploitants, en leur offrant davantage d’autonomie dans la fixation de leurs prix de vente et en permettant de sécuriser une partie de leurs débouchés. Il est ainsi de plus en plus fréquent de voir de jeunes agriculteurs reprendre des exploitations jusqu’alors entièrement positionnées sur les circuits de commercialisation classiques, et d’intégrer la commercialisation en circuits courts dans le modèle économique de l’exploitation. Il reste cependant difficile pour les producteurs de s’adapter à un modèle économique intégrant une partie de commercialisation en circuits courts. Ce mode de vente requiert en effet la maîtrise de nouvelles compétences pour rendre leur offre visible : promotion de leur activité grâce aux outils numériques (réseaux sociaux notamment) ou besoin parfois de transformer une partie de la production afin de faciliter sa commercialisation (plus particulièrement pour ce qui concerne les fruits et légumes bruts et le lait). La capacité d’adaptation de l’exploitation à ces nouvelles exigences constitue donc un facteur clé de réussite, d’autant plus que le potentiel de développement des circuits courts dans la grande distribution semble prometteur, à condition que les outils de transformation intermédiaire existent. Vendre en circuits courts implique par ailleurs certaines contraintes auxquelles les exploitants ne peuvent pas ou difficilement répondre.

- Ces derniers doivent en effet prévoir – s’ils ne pratiquent pas que la vente à la ferme – de transporter leurs produits vers les lieux de distribution : points de vente collectifs, marchés de producteurs, vente en tournées, etc. La logistique reste complexe à organiser pour les petits producteurs, un diplôme de transporteur étant nécessaire pour assurer les livraisons. Il existe néanmoins une dérogation pour les transports agricoles – hors produits laitiers – de faible tonnage et de grande proximité. Cette situation a notamment amené Les Poireaux de Marguerite (mise en relation entre producteurs et magasins de distribution avec un approvisionnement mutualisé sur Rungis) à développer une offre de ramassage de la production directement chez les exploitants. À cette contrainte de transport s’ajoute aussi une contrainte de présence, potentiellement forte, sur les lieux de distribution.

- Si la saisonnalité des produits constitue un ajustement des pratiques de consommation nécessaire et globalement accepté par la demande finale, c’est moins le cas pour l’irrégularité potentielle des approvisionnements. Développer une activité de commercialisation en circuits courts implique pour les producteurs d’être particulièrement vigilants sur ce point.

- Les formations agricoles existantes intègrent rarement des modules sur les spécificités du fonctionnement en circuits courts. En conséquence, les jeunes agriculteurs sont peu sensibilisés, et surtout peu préparés, notamment : à la diversification de la commercialisation et aux nouvelles compétences que cela requiert, à l’usage des réseaux sociaux ou outils informatiques spécialisés existants.

- Enfin peuvent se poser de nouvelles questions de responsabilité sur la qualité sanitaire des produits.

Ces évolutions entraînent également le développement de nouveaux partenariats entre producteurs, acteurs de la transformation et distributeurs. Des grands groupes élaborent de plus en plus de partenariats avec des producteurs agricoles en proximité (les éleveurs laitiers pour Häagen Dazs, les champs de légumes autour des usines Bonduelle et de Fleury Michon pour ses plats préparés, les pommes de terre pour McCain dans le Nord).

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Häagen Dazs et les glaces « Made in France »

400 fermes (laits et œufs) dans un rayon de 50 km fournissent le site de production de Tilloy-les-Mofflaines (banlieue d’Arras).

300 personnes employées, en complément des agriculteurs.

19 millions d’euros d’investissement pour une nouvelle ligne de production ouverte en 2013.

Des produits vendus dans 80 pays (du local pour la France, moins local pour les autres pays).

Les enseignes de la distribution sont sensibles au développement des approvisionnements locaux pour répondre aux attentes des consommateurs. De nouveaux partenariats avec des producteurs agricoles ou des transformateurs sont testés (conserveries, biscuiteries, confitures etc.). Le circuit court est alors perçu non comme une menace mais comme une opportunité de répondre à de nouveaux besoins avec une offre différenciante. Dans le cadre de cette étude, les évolutions propres à la restauration (non collective) n’ont pas été identifiées de façon significative par les personnes interrogées. Un entretien avec Métro montre néanmoins que les restaurateurs sont en attente de produits locaux : « Les attentes en matière de proximité sont exprimées par les chefs de rayon Métro et par nos clients directs (les restaurateurs). La demande porte sur une production française et de proximité. Les restaurateurs sont capables de comprendre les aléas de production si on sait leur raconter l'histoire. Ils savent eux-mêmes très bien expliquer les ruptures de matières premières à leurs clients. La relation humaine est une forte attente. D’ailleurs, la proximité est plus facilement valorisable financièrement que le bio ».

L’impact du numérique

L’usage du numérique dans l’agriculture est largement focalisé sur les pratiques agricoles dans les champs : il vise à une meilleure prise de décision dans les doses d’intrants, par le biais de capteurs physiques, et à un meilleur usage des machines (tracteurs, semoirs, drones, etc.). L’étude Bearing Point de 201641 montre que le numérique n’est actuellement pas orienté sur la question des modes de commercialisation et répond encore moins aux besoins spécifiques des circuits courts, en tout cas, dans l’orientation actuelle des investissements réalisés. En effet, l’agriculture numérique se développe majoritairement sur les grandes cultures. Or, les exploitations en circuits courts, en particulier pour du maraîchage, sont souvent de petite ou moyenne taille. Les acteurs industriels développent néanmoins des premiers produits sur ce secteur et pour de grandes surface (exemple : Naïo, robot autonome qui désherbe et communique par SMS). L’étude fait également état d’un décalage entre l’approche française et américaine : en France, des exploitations morcelées de 80 ha en moyenne qui limitent la rentabilité des technologies, une difficulté à démonter la valeur ajoutée auprès des agriculteurs, un manque d’envergure dans le développement des technologies numériques, plus orientée sur la R & D que sur les usages. Aux États Unis : de forts investissements par les big players (Monsanto, John Deere, SST Software) tournés vers des exploitations industrielles de 440 ha en moyenne avec des agriculteurs ayant une connaissance agronomique plus limitée et donc un besoin d’assistance supplémentaire. Les technologies (capteurs, caméras, outils d’aide à la décision) sont jugées non mûres, trop chères et faiblement adoptées par les agriculteurs, freinant le décollage de la collecte massive des données. D’après l’étude, les géants du marché de la donnée (tels que Google) risquent de fragiliser les instituts de recherche, experts historiques en France et techniquement à la pointe (exemple : INRA). Les centres techniques et coopératives, qui aujourd’hui

41 Stratégies de développement de l’agriculture numérique – enseignements majeurs – Bearing Point Sept 2016

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apportent le conseil aux agriculteurs, font preuve d’une inertie sur l’ouverture au numérique (crainte autour de l’ouverture des données) et risquent d’être mis en difficulté par la nouvelle offre de conseil de start-up dynamiques, particulièrement sur la distribution et le négoce des produits. Ces perspectives dominantes du numérique restent éloignées de l’approche exprimée lors des entretiens réalisés pour cette présente étude. Le besoin ne porte pas tant sur les pratiques culturales que sur la mise en relation des acteurs (entre producteurs ou producteurs avec ses consommateurs), et la compréhension des besoins du marché. Le numérique peut être néanmoins un outil facilitateur pour les acteurs spécialisés en circuits courts. En facilitant la mise en relation entre acheteurs et fournisseurs (via les catalogues de producteurs en ligne, les plateformes de rencontre virtuelle entre l’offre et la demande, la géolocalisation des produits fermiers sur smartphone, l’utilisation des réseaux sociaux par les producteurs pour promouvoir leur activité…), le numérique permet de mieux connaître l’offre locale et de réduire les intermédiaires de manière significative, avec une répercussion souhaitée sur le prix de vente. Cette évolution impacte aussi bien la vente directe au consommateur (exemples : Mon-producteur.com, Hopla-Ferme.com, Localharvest) que la restauration collective. De nombreuses solutions ont ainsi été développées ces dernières années, comme La Ruche Qui Dit Oui ! et les drives fermiers en matière de vente directe, ou encore Agrilocal, Solibio, Loc’halles sur le segment de la restauration collective42. La vente en ligne de produits alimentaires se développe progressivement également, même si elle concerne pour l’instant moins de 5 % des agriculteurs pratiquant la vente directe43. « Il faut réinventer la logistique et des outils de gestion informatiques. Le numérique est un enjeu majeur pour nous : il s’agit de mettre en relation l’offre de multiples producteurs, pour de multiples consommateurs, presque en temps réel, pour plusieurs filières de distribution (paniers, restauration collective, magasins). La Ruche Qui Dit Oui ! a apporté un super service pour le consommateur. Nous cherchons à développer l’outil pour le producteur. », Val Bio Centre. Le développement des plateformes de financement participatif (crowdfunding) s’observe aussi dans le secteur agroalimentaire. Les plateformes Miimosa et Blue Bees, entre autres, sont spécialisées dans le soutien aux projets liés à l’agriculture et à l’alimentation. Elles connaissent un beau succès en surfant sur l’attachement plutôt marqué du public en France à ces thématiques. Miimosa récolte en moyenne 6 500 € par projet auprès des consommateurs, alors que la moyenne des plateformes de financements participatifs tourne autour de 3 500 €. Blue Bees favorise le prêt avec intérêts ou le système de dons avec contreparties (comme un panier de produits, une visite à la ferme ou un cours sur l'agroécologie), sur les différents maillons de la chaîne de valeur, et permet de satisfaire plusieurs types de besoins : soutien à l’installation ou à la création d’un atelier de transformation ou d’un magasin de producteur, besoin en fonds de roulement pour des acteurs des maillons intermédiaires (pour développer plus vite leurs activités), soutien à des marques d’alimentation durable distribuées en grandes et moyennes surfaces... En revanche, pour les acteurs non spécialisés dans le local (enseignes de la distribution), la révolution numérique démarre, mais le magasin de proximité reste un lieu de vie plus naturel que le Web. La numérisation n’est pas vécue comme une menace, mais plutôt comme une opportunité de développer les commandes en ligne avec retrait en magasin ou d’élaborer des programmes de fidélisation. De plus, le numérique n’a pas de prise sur le marché de plein vent qui reste un mode majeur de distribution en circuits courts.

Le potentiel d’emplois

La demande croissante de produits en circuits courts évoquée plus haut et l’intensité élevée des circuits courts en emplois (sur les différents maillons) font des circuits courts un gisement d’emplois important. Peu de scénarios prospectifs fournissent des estimations de ce gisement. Parmi les grandes catégories d’emplois potentiels, figurent :

42 « Les défis de l’agriculture connectée dans une société numérique – Renaissance numérique », novembre 2015. 43 Source : Drive-fermier.fr, « Les défis de l’agriculture numérique et de l’alimentation connectée ».

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- La reprise d’emplois de production en fruits et légumes (au vu du déficit de 4 milliards d’euros de la balance commerciale française sur cette catégorie44), secteur relativement intense en main-d’œuvre. Ces emplois se sont érodés fortement sur la dernière décennie. La demande en produits de proximité ainsi qu’une potentielle hausse de la part végétale dans l’alimentation des Français pourraient impulser une dynamique conduisant à quelques dizaines de milliers d’emplois de production à horizon 203045.

- Les emplois de petite transformation (création de valeur ajoutée, gestion de la saisonnalité, maillons manquants tels que légumerie en amont de la restauration collective) recèlent également un potentiel de création significatif.

- Les nouvelles formes de logistique/distribution/commercialisation en circuits courts dont les estimations sont plus incertaines.

Du fait de la diversité des circuits courts (avec ou sans intermédiaire, à destination des ménages ou de la restauration), et de celle des acteurs de l’ESS (coopératives agricoles, entreprises d’insertion, start-up, associations…), il n’est pas possible de généraliser le caractère particulièrement attractif des métiers associés. Toutefois, les entretiens réalisés dans le cadre de cette étude font ressortir que, de façon globale, les circuits courts créent des métiers plus nobles (porteurs de sens du fait de l’impact environnemental et social), moins répétitifs, plus relationnels. Dans le secteur agricole, cela peut se traduire par le fait que 40 % des nouvelles installations sont le fait de personnes « non issues du milieu agricole », attirées par les nouvelles façons de produire46. Ces métiers concernent différents types de profils et de compétences. Il peut s’agir de personnes en insertion ou en activité partielle nécessitant un complément de revenu : dans la production (exemple : Jardins de Cocagne, insertion), la gestion d’une ruche (exemple : La Ruche qui dit Oui !, création d’un revenu nouveau pour des personnes qui étaient majoritairement sans emploi ou à domicile précédemment), en passant par la transformation (exemple : Légumerie 53, conditionnement, épluchage). Il peut s’agir également de métiers de techniciens qualifiés : développement informatique, personnel de magasin polyvalent (exemple : conseillers à la vente spécialisée dans les magasins Biocoop qui sont aussi caissiers et chefs de rayon). Enfin, des cadres à forte qualification sont également nécessaires (start-up avec ou sans numérique).

Les perspectives d’évolution de l’ESS

La dynamique positive de la demande de produits en circuits courts profitera aux entreprises de l’ESS, qui sont en capacité de se positionner sur l’ensemble de la chaîne de valeur : tant en production, qu’en commercialisation et en transformation. Les opportunités et menaces décrites ci-dessous portent sur les acteurs de l’ESS, mais bénéficient également aux acteurs non ESS. Concernant les producteurs, il s’agit en particulier :

1/ de répondre à des nouveaux besoins des territoires (restauration collective, nouveaux lieux de production, production énergétique, animation des acteurs du territoire) ;

2/ de profiter des dispositifs favorables autour de l’alimentation sur les territoires tout en parvenant à préserver le foncier agricole ;

3/ de rendre plus visible la valeur créée sur le territoire :

- La proposition de valeur des coopératives et nouvelles organisations agricoles ESS, axée sur la préservation des emplois agricoles, l’activité économique du territoire et un environnement sain, est un réel atout en regard des exigences croissantes des consommateurs sur la qualité des produits et la préoccupation des bénéfices et risques liés aux choix de consommation.

44 Source : Agreste, mémo15 comext. 45 Source : Plaidoyer Fermes d’avenir, 2016. 46 Morel K., thèse sur la viabilité économique des microfermes et les motivations des nouveaux agriculteurs, AgroParis Tech, 2016.

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L’offre de services des agriculteurs peut se diversifier pour répondre aux besoins de la restauration collective, sur les territoires où celle-ci représente un débouché représentatif pour les producteurs. En revanche, l’offre autour d’une alimentation durable, à la fois bio et locale, n’est pas toujours lisible et stable. Une concurrence se produit parfois entre le bio et le local : les collectivités peuvent préférer le bio proposé par les grossistes (même s’il vient de loin) par rapport à du local ou inversement préférer des produits locaux mais non certifiés biologiques. Concernant l’approvisionnement des cantines scolaires, les personnes interrogées relèvent les changements d’orientation dans les achats, en fonction des équipes municipales, ce qui déstabilise la mise en place de contrats dans la durée entre les agriculteurs et les responsables des cuisines. Une autre opportunité de diversification réside dans les nouveaux services aux citoyens et aux collectivités locales, tels que la production d’énergie, la création d’emplois non délocalisables dans de nouveaux métiers autour des énergies renouvelables (méthanisation, éolien), ou encore dans la pédagogie auprès des enfants ou adultes sur l’alimentation. Le développement des plateformes d’échanges numériques entre producteurs est indéniable et représente une opportunité de développement pour les nouvelles coopératives.

- La croissance du marché constitue une opportunité majeure de développement (largement décrite plus haut). Val de Bio Centre : « Si on est peu soutenu, on continuera à nous développer à notre rythme, car à l’inverse du reste d’une grande partie de l’agriculture, on vit quand même de nos activités. Mais si on est soutenu, on ira plus vite ». « La demande des consommateurs fait davantage bouger les lignes que la réglementation ». Le développement des groupements d’achats est un exemple de pratique émergent favorable directement au producteur.

- Ressources et partenaires : les Plans alimentaires territoriaux (ou systèmes alimentaires, ou boucles alimentaires selon les endroits) constituent des dispositifs favorables à l’ESS. Ils visent notamment une meilleure intégration des acteurs de l’ESS. Ils peuvent contribuer à leur montée en puissance en structurant des boucles locales d’alimentation et en soutenant de manière plus ciblée les agriculteurs en circuits courts. L’accès au foncier agricole peut cependant être une difficulté, en particulier en zone périurbaine.

- Structure de coûts/équilibre économique : la contribution des agriculteurs aux services sociaux et

environnementaux n’est pas encore lisible ni valorisée. À titre d’exemple, la création d’emplois supplémentaires nécessaires dans les fermes privilégiant les circuits courts ne fait l’objet d’aucun soutien. Les services rendus par les fermes sur le plan écologique peuvent être rémunérés à travers les « Paiements pour services écosystémiques ». Ces outils financiers innovants permettent d’organiser une contractualisation entre un agriculteur (par exemple, qui limite la pollution de l’eau) et des bénéficiaires (par exemple, l’agence de l’eau ou la collectivité qui paie pour la dépollution). L’agriculteur préserve ou restaure des écosystèmes et à ce titre, il est rémunéré par des acteurs publics ou privés. Ces dispositifs restent cependant peu connus et peu déclinés. La mise en place des Mesures agro environnementales et climatiques (MAEC) est susceptible de soutenir la diversification des activités et des revenus des agriculteurs en leur assurant des revenus qui ne dépendent pas uniquement de leur production. Elles soutiennent les moyens mis en œuvre pour préserver l’environnement (par exemple, plantation des haies, moindre usage des produits phyto-sanitaires, non-labour des sols). Enfin, le développement de la finance participative, qui s’intéresse de plus en plus aux projets liés au secteur agroalimentaire (exemples : Bluebees, Miimosa), pourra constituer un soutien privé non négligeable à l’ESS dans les circuits courts alimentaires.

Concernant les distributeurs et transformateurs, il s’agit en particulier 1/ de valoriser le modèle spécifique de l’ESS en lien avec les attentes des consommateurs et des collectivités, 2/de répondre aux besoins émergents en produits transformés pour les particuliers et la restauration collective, et 3/ d’investir les maillons manquants en logistique :

- La proposition de valeur des distributeurs de l’ESS peut être développée en regard des exigences croissantes des consommateurs sur la qualité des produits et la préoccupation des bénéfices et

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risques liés aux choix de consommation. La création d’emplois supplémentaires peut être valorisée, ainsi qu’une juste rémunération garantie au producteur.

- L’offre de services couvre des activités différentes selon qu’il s’agit de grande consommation ou de restauration collective : Pour répondre au besoin des consommateurs particuliers, l’offre de services en produits transformés reste insuffisante et peut être investie par les acteurs de l’ESS (plats cuisinés) ; Pour répondre au besoin de la restauration collective, la préparation de légumes et fruits lavés/découpés issus d’une production maraîchère locale permettrait d’optimiser les temps de préparation dans les communes. Il s’agit là aussi d’une opportunité de développement propice à des activités d’insertion. En revanche, ce développement se heurte à des freins en matière de réglementation de la commande publique (il est difficile d’inclure des clauses de proximité dans les cahiers des charges) et de conduite du changement (auprès des équipes de cuisine, gestionnaires des restaurants, ou des élus). Les activités de logistique, déterminantes pour maximiser le potentiel des approvisionnements en circuits courts de la grande distribution et de la restauration collective, offrent de réels gisements d’activité à l’échelle locale pour l’ESS, quels que soient la taille des structures et les niveaux des compétences (publics en insertion, postes plus qualifiés…). L’apparition de nouveaux acteurs de la distribution et/ou du numérique (exemple : Amazon) maîtrisant les flux logistiques constitue un concurrent émergent.

- Marché : la croissance du marché constitue une opportunité majeure de développement (largement décrite plus haut). Les débats de 2015 et 2016 liés au projet de loi sur l’ancrage territorial de l’alimentation (loi censurée par le Conseil constitutionnel en janvier 2017 pour des motifs de forme) ont permis de construire un niveau d’ambition, repris par des collectivités volontaires. La demande croissante sur le vrac et le zéro déchet favorise les circuits courts. En revanche, les grands acteurs de la restauration collective (Sodexo, Elior) sont perçus comme des concurrents par les acteurs ESS de petite taille. De même, les grandes enseignes de la distribution sont perçues comme des concurrents qui profitent de la croissance du marché sans changer leur système de valeur.

- Ressources et partenaires : les Plans alimentaires territoriaux (ou systèmes alimentaires, ou boucles alimentaires selon les endroits) constituent des dispositifs favorables à l’ESS. Ils visent notamment une meilleure intégration des acteurs de l’ESS, peuvent soutenir de manière plus ciblée les chaînons déficitaires de la chaîne de valeur. Le déficit de formation sur les approvisionnements en circuits courts pour les métiers de bouche constitue un frein au développement d’un secteur encore sous-représenté dans le circuit court.

- Structure de coûts/équilibre économique : le point d’équilibre pour les ateliers de transformation

et les légumeries reste à définir. Pour les légumeries, il reste très dépendant des volumes requis par la restauration collective, variable d’un territoire à l’autre (et ultérieurement par les autres acteurs de la restauration hors domicile qui, nous l’avons vu précédemment, ne sont pas encore très impliqués dans les approvisionnements en circuits courts). Le recours à l’insertion permet de diminuer la masse salariale (du fait des aides accordées aux ateliers et chantiers d’insertion, et de l’exonération d’une partie des charges sociales) et de construire des parcours qualifiants pour des personnes éloignées de l’emploi. Les innovations dans les modes de distribution (vente en ligne, intégration à des magasins de producteurs) peuvent ouvrir de nouveaux marchés. Enfin, le développement de la finance participative peut également profiter aux distributeurs et transformateurs (exemple : Bluebees, Miimosa), comme mode de financement complémentaire au système classique d’investissement.

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Opportunités

- Plusieurs gisements d’emplois en ESS et pour

différents niveaux de compétences (production via les coopératives ou associations, en transformation, logistique, commercialisation).

- Les programmes alimentaires territoriaux ou équivalents se développent et sont favorables aux acteurs ESS.

- La différenciation ESS peut être davantage valorisée car en phase avec la sensibilité croissante des consommateurs sur la juste rémunération du producteur.

- La demande croissante sur le vrac et le zéro déchet favorise les circuits courts.

- De nouveaux outils citoyens (finance participative) peuvent faciliter le financement direct de projets couplant ESS et circuits courts.

Menaces

- Concurrence entre le bio et le local : les

collectivités peuvent préférer le bio proposé par les grossistes par rapport à du local.

- La grande distribution et les grands acteurs de la restauration collective sont perçus comme des concurrents par les acteurs ESS de petite taille.

- De nouveaux entrants sur le marché de la livraison alimentaire avec des vrais atouts en logistique (Amazon).

- Pour la restauration collective, le Code des marchés publics reste contraignant pour les commandes locales.

- La logique des circuits courts n’est pas encore répandue dans les formations agricoles ni dans les métiers de bouche.

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Enjeux et leviers de développement de l’ESS : recommandations

Les éléments précédents font état d’un potentiel de développement fort des circuits courts par le biais de la demande, avec une offre en cours de structuration. Pour que l’ESS profite pleinement de ce potentiel, les leviers décrits ci-dessous constituent des accélérateurs et concernent différents ministères ou collectivités :

1. Répondre aux besoins croissants de la restauration collective en agissant sur les freins actuels et en développant de nouveaux produits, et aux nouveaux besoins des particuliers.

2. Orienter les financements vers le soutien aux entreprises de l’ESS, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

3. Agir sur la formation, la pédagogie et la communication sur les bénéfices des acteurs de l’ESS dans les différentes composantes des circuits courts.

Orientations stratégiques et leviers associés Type de levier Acteurs concernés par la mise en œuvre

Orientation stratégique

Répondre aux nouveaux besoins de la restauration collective et des particuliers

Levier associé

Faire évoluer le Code des marchés publics pour introduire des critères de circuits courts/alimentation durable, assouplir les conditions d’engagement et accompagner une évolution du changement des pratiques.

Il s’agit de rendre simple et légale l’indication de critères de proximité dans les cahiers des charges. C’est aujourd’hui un frein majeur relevé par les acteurs de la restauration collective, qui sont obligés de faire appel à des spécialistes de la rédaction des marchés pour répondre à leur besoin. Le processus d’achat vu de l’utilisateur final peut être repensé, avec des procédures simplifiées valables quel que soit le volume ou la proportion de produit local commandé.

Levier prioritaire.

Réglementation

Financement

Logistique

Ministère de l’Économie et des Finances

Levier associé

Mettre en cohérence les exigences nutritionnelles avec la variabilité intrinsèque aux produits en circuits courts.

Que ce soit pour les cantines scolaires ou les maisons de retraite, les programmes nutritionnels ne correspondent pas toujours aux goûts des consommateurs, et peuvent conduire à du gaspillage alimentaire. Les exigences nutritionnelles peuvent être perçues comme un frein au déploiement des circuits courts. Une nouvelle politique d’approvisionnement locale peut être l’occasion de redonner une marge de liberté aux cuisiniers pour tenir compte du calibrage variable des produits et de la variabilité des arrivages, sans pour autant revenir sur les fondamentaux des nutritionnistes.

Un débat sur ce point avec le ministère des Solidarités et de la Santé est réalisable à court terme pour cerner les marges de liberté existantes et à faire évoluer.

Levier prioritaire.

Réglementation Ministère des Solidarités et de la Santé

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Levier associé

Renforcer les synergies entre les CRESS et les chambres d’agriculture, afin de rendre plus lisibles les diverses composantes de l’ESS auprès des chambres. Faire connaître, en particulier, les nouveaux modèles de coopératives et leurs offres de services élargis pour essaimer ce type de projet.

Levier secondaire.

Communication et sensibilisation

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

Acteurs ESS

Levier associé

Adapter les exigences en matière de diplôme de transporteur pour les producteurs en circuits courts.

Il s’agit d’élargir la dérogation pour le transport agricole de faible tonnage et de grande proximité, valable hors produits laitiers.

Levier secondaire.

Réglementation

Levier associé

Encourager les partenariats entre ESS et acteurs non-ESS (grande distribution, restauration collective privée).

Il peut s’agir de partenariats entre un atelier de transformation ESS pratiquant l’insertion ou une coopérative agricole avec une enseigne de distribution conventionnelle. Ou encore une légumerie avec un restaurateur collectif privé.

La commande publique peut être un levier en intégrant dans les cahiers des charges des clauses d’insertion (par exemple) ou de partenariat sur l’obtention de marché en restauration collective ou en achat de produits transformés.

Levier secondaire.

Organisation entre acteurs

Collectivités territoriales

Orientation stratégique

Orienter les financements vers les entreprises ESS

Levier associé

Accompagner le déploiement des Projets alimentaires territoriaux ou équivalent, avec des financements adaptés.

L’AAP annuel du MAA est un dispositif à maintenir et renforcer pour stimuler les démarches territoriales autour de l’alimentation. Le partage de bonnes pratiques entre les collectivités, métropoles, territoires ruraux peut être stimulé par les biais d’une animation de ces dispositifs, avec la mise en valeur des meilleurs pratiques, la constitution de réseaux d’acteurs, le travail collectif sur les leviers réglementaires et la conduite du changement à tout niveau. Le financement peut porter sur des ressources d’ingénierie dont sont dépourvues les villes petites et moyennes.

Ce type d’approche est fortement fédérateur sur les territoires (collectivités, acteurs privés, citoyens, associations se mobilisent avec facilité).

Levier prioritaire.

Financement /

Accompagnement

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, collectivités territoriales

Levier associé

Organiser des cofinancements publics/privés vers des projets de territoire relocalisés, diffus, avec des montants adaptés (quelques dizaines de milliers

Financement Financeurs traditionnels tels que la Caisse des Dépôts

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d’euros), et soutenir les projets, en particulier en phase d’amorçage.

• Ingénierie, formations et nouvelles organisations humaines pour animer.

• Nouvelles infrastructures (magasins de producteurs, ateliers transformation).

• Structuration de la logistique et du numérique.

Levier prioritaire.

et Bpifrance, collectivités territoriales

Levier associé

Faciliter l’accès au foncier agricole pour les agriculteurs sur de petites surfaces, par l’orientation des documents d’urbanisme.

Pour éviter la concurrence entre les projets agricoles et l’extension urbaine, et pour tenir compte du départ en retraite de 40 % des agriculteurs en 2020.

Il s’agit de protéger le foncier agricole, pour que des installations de nouveaux agriculteurs soient possibles dans les dix prochaines années.

Levier prioritaire.

Foncier Communes et EPCI

Levier associé

Faire connaître et déployer les rémunérations pour services rendus (exemple : paiements pour services écosystémiques) en soutien des acteurs de l’ESS, au sein de l’amont agricole ou dans les activités de transformation et de distribution.

Pour renforcer le modèle économique des fermes en transition vers la distribution locale, souvent couplé avec une amélioration des pratiques environnementales, les services rendus sur le territoire peuvent être formalisés et communiqués, en vue de rechercher des rémunérations complémentaires. Une première étape peut consister à défendre une comptabilité en triple capitaux (financier, naturel et social), pour rendre visible la réelle valeur d’une exploitation ou d’une coopérative agricole.

Levier prioritaire.

Communication / sensibilisation

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Délégation interministérielle à l’ESS

Levier associé

Utiliser la finance participative pour renforcer l’acceptation et la viabilité économique des projets. Les collectivités peuvent également recourir à la finance participative depuis décembre 2015.

Les plateformes de financement existent déjà mais manquent de visibilité. Elles peuvent être présentées largement sur les territoires, auprès des collectivités et des porteurs de projets, comme un moyen de compléter un financement traditionnel et renforcer le modèle économique. Elles invitent également les habitants à s’impliquer dans des projets de territoire porteurs de sens, plutôt que de consacrer leur épargne à des projets lointains et inconnus.

Levier secondaire.

Financement /

Communication

Collectivités territoriales

Levier Inciter au regroupement des exploitations v ia des Foncier / Communes et EPCI

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associé « zones agricoles aménagées » sur les territoires, permettant l’installation de différents acteurs en synergie sur la chaîne de valeur, avec option d’achat.

Il s’agit de créer des espaces-tests pour des porteurs de projets agricoles, ou projet de transformation, qui bénéficieraient d’un écosystème favorable, fonctionnant comme un incubateur ou pépinière d’entreprises. À l’issue de la phase d’installation, les porteurs de projets pourraient acquérir le foncier, ou rester en location.

Levier secondaire.

Financement / Gouvernance

Orientation stratégique

Agir sur la formation, les compétences et la communication

Levier associé

Faire évoluer les programmes de formation des acteurs clés (agriculteurs et métiers de bouche) afin de développer la production et les approvisionnements en circuits courts.

Les nouveaux modes de commercialisation requièrent des compétences nouvelles (valorisation des produits, communication, capacité à défendre un projet auprès d’une collectivité, gestion de plusieurs sources de revenus) qui peuvent être développées dans les lycées agricoles.

Pour les métiers de bouche, la formation peut être renforcée sur les spécificités des approvisionnements durables : comment trouver ses fournisseurs, quels outils numériques peuvent aider, comment mettre en évidence la qualité gustative, gérer la saisonnalité et adapter les menus en fonction des arrivages, comment valoriser financièrement des produits plus qualitatifs vis-à-vis des clients.

Levier prioritaire.

Compétences et conduite du changement

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour les programmes agricoles

OPCA

Organismes de formation privés

Éducation nationale

Levier associé

Former et accompagner, en particulier les acteurs de terrain dans la restauration collective.

Les cuisiniers sont confrontés aux mêmes difficultés qu’un restaurateur (trouver des fournisseurs, connaître et utiliser les outils numériques permettant des groupements d’achats, gérer la saisonnalité, adapter les menus en fonction des arrivages). Ils subissent une contrainte de prix qui peut être traitée par différents moyens (exemple : lutte contre le gaspillage, usage des protéines végétales, adaptation des quantités). L’implication des gestionnaires est également nécessaire dans les dispositifs d’accompagnement.

Les formations et accompagnement peuvent intégrer des partages de bonnes pratiques avec des collectivités qui ont su lever les freins.

Levier prioritaire.

Compétences et conduite du changement

Collectivités locales

Acteurs de l’ESS positionnés sur l’accompagnement en restauration collective

Levier associé

Agir sur l’éducation au goût/aux modes de production et leurs impacts/au coût global des produits auprès des consommateurs.

La sensibilité croissante des consommateurs peut être stimulée davantage par des actions de sensibilisation dans les écoles, par des visites pédagogiques dans les fermes. Il s’agit de

Pédagogie et communication

Acteurs de l’ESS

Éducation nationale

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recréer le lien entre villes et campagnes, et du lien entre les producteurs et les consommateurs par des rencontres physiques, voire des contributions actives des consommateurs (c’est le cas dans le fonctionnement des Amap où les bénéficiaires sont invités régulièrement à participer à des cueillettes). L’usage du numérique peut également compléter ce lien humain en rendant accessible la vie de la ferme par le biais d’applications mobiles. Investir du champ du numérique est accessible à des acteurs de l’ESS.

Levier secondaire.

Levier associé

Rendre visible la valeur sociale de l’ESS (pédagogie auprès des consommateurs et des entreprises).

Il s’agit d’une action de plaidoyer de l’ESS, ciblée sur les acteurs de l’amont jusqu’à l’aval, permettant de valoriser les externalités positives de ces acteurs, et de créer un vrai différentiel concurrentiel. Il permettrait de démonter la solidité des modèles économiques et leur pertinence sur le développement durable des territoires (création de valeur économique et intensité en main-d’œuvre directs et indirects, capacité d’insertion et d’innovation).

Levier secondaire.

Pédagogie et communication

Acteurs de l’ESS

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SIGLES

AMAP Association pour le maintien d'une agriculture paysanne

ANIA Association nationale des industries alimentaires

CA Chiffre d’affaires

CAGR Compound annuel growth rate – Taux de croissance annuel moyen

EARL Exploitation agricole à responsabilité limitée

EBE Excédent brut d’exploitation

ESS Économie sociale et solidaire

ESUS Entreprise solidaire d’utilité sociale

ETP Équivalent temps plein

FNCIVAM Fédération nationale de centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural

GAEC Groupement agricole d'exploitation en commun

GMS Grandes et moyennes surfaces

GSA Grande surface alimentaire

INRA Institut national de la recherche agronomique

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

MAA Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

MIRAMAP Mouvement interrégional des AMAP

NAF Nomenclature d'activités françaises

PAT Projet alimentaire territorial

PBS Production brute standard

PME Petites et moyennes entreprises

RMT Réseau mixte technologique

SCIC Société coopérative d’intérêt collectif

SCOP Société coopérative et participative/Société coopérative de production

TPE Très petite entreprise

UTA Unité de travail annuelle

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INDEX DES ILLUSTRATIONS Index des graphiques

Graphique 1 – Part des exploitations commercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts, par type de produit

Graphique 2 – Répartition des parts de marché en 2011 et 2015 sur les produits alimentaires hors tabac

Index des figures

Figure 1 – Déroulé de l’étude

Figure 2 – Méthodologie d’analyse quantitative de la dynamique de l’ESS dans les quatre secteurs considérés

Figure 3 – Modes de commercialisation en circuits courts

Figure 4 – Chaîne de valeur des circuits courts alimentaires

Figure 5 – Part des exploitations commercialisant tout ou partie de leur production en circuits courts, par localisation géographique

Figure 6 – Segmentation de la valeur ajoutée du secteur et évolution de la rentabilité dans chaque maillon sur la période 2011-2014, hors transformation, pour les circuits courts

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PERSONNALITÉS CONSULTÉES DANS LE

CADRE DE L’ÉTUDE

Evelyne BANQUY Responsable du Développement durable, groupement Les Mousquetaires

Blaise BERGER Animateur RMT Alimentation locale, FRCIVAM Bretagne

Yuna CHIFFOLEAU Chargée de recherche en sociologie, département Sciences pour l'action et le développement, INRA

Jean-Marie CLEMENT Directeur, La Table de Cana Gennevilliers

Marc-David CHOKROUN Fondateur, La Ruche Qui Dit Oui

France DE SAMBUCY Directrice Achats France, Sodexo

Alexis DEGOUY Directeur du pôle Affaires publiques, ANIA

Jimmy DEVEMY Cofondateur, Le Court Circuit

Stéphane DROUET Directeur général, Les Poireaux de Marguerite

Julia GASSIE Chargée de mission Veille et Alimentation, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

Claude GRUFFAT Président, Biocoop

Thierry HANON Administrateur, Val Bio Centre

Joël MOULIN Président, GESRA (Groupe des épiceries sociales et solidaires en Rhône-Alpes)

Dominique OLIVIER Président, Fermes de Figeac

Sabine PEPIN Responsable des opérations commerciales et logistiques, Inter Bio Normandie Services

Thomas POCHER Directeur, Leclerc Wattrelos

Olivier TOUZE Directeur du Développement durable, groupement Les Mousquetaires

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BIBLIOGRAPHIE

Un producteur sur cinq vend en circuit court, par l’Agreste, Primeur, n°275, janvier 2012.

État des lieux des produits de proximité dans la restauration scolaire des écoles primaires, par l’Agreste Alsace, Analyses et résultats, n°31, décembre 2015.

Démarches de qualité/diversification et emploi, par l’Agreste, Les dossiers, n°34, juillet 2016.

La pratique de l’agriculture biologique créatrice d’emploi ? – Une évaluation de l’impact du bio sur la quantité de travail agricole, par l’Agreste, Les dossiers, n°35, juillet 2016.

Rapport des comptes du Commerce, par l’Insee.

Cinquante ans de consommation alimentaire : une croissance modérée, mais de profonds changements, par Insee Première, n°1568, octobre 2015.

L’économie sociale, des principes communs et beaucoup de diversité : 10 % de l’emploi salarié et 5 % de la valeur ajoutée, par Insee Première, n°1522, novembre 2014.

Rapport d’information déposé par la Commission des affaires économiques sur les circuits courts et la relocation des filières agricoles et alimentaires, présenté par Brigitte Allain à l’Assemblée nationale le 7 juillet 2015.

Emploi et compétences des circuits courts, par l’AREFA Languedoc-Roussillon, 2009.

Les défis de l’agriculture numérique et de l’alimentation connectée, par Drive-fermier.fr

Les Français et le consommer local, sondage par IPSOS, février 2014.

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Crédits photographiques Couverture (horizontalement de gauche à droite) : © GettyImages.

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La notion de circuits courts alimentaires retenue dans cette étude désigne un mode de commercialisation qui revêt une double caractéristique : l’existence de plus d’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur final d’une part, une proximité géographique entre ces deux entités, d’autre part. Les acteurs de l’Économie sociale et solidaire (ESS) sont présents sur tous les maillons de la chaîne de valeur. Ils pèsent, en chiffre d’affaires ou équivalent, 23 % du maillon « production », 6 % du maillon « distribution » et 4 % du maillon « restauration collective/traiteurs » en 2014.Avec un chiffre d’affaires avoisinant les 8 milliards d’euros en valeur en 2015, les circuits courts représentent de multiples enjeux pour les acteurs de l’ESS : valorisation du lien social, transparence, équité dans les échanges, coopération des acteurs, maintien et création d’emploi ou encore préservation de l’environnement. L’étude présente un panorama des évolutions récentes du secteur des circuits courts alimentaires en matière d’offre, de demande et d’emploi et met en exergue les atouts et les faiblesses des acteurs de l’ESS : producteurs, distributeurs et transformateurs. Sur cette base, elle dresse les perspectives d’évolution du secteur en matière d’opportunités et de menaces et propose un ensemble de recommandations.