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HEC Montral
La fabrication du consentement dans l'usine
sociale: tude critique sur la prosumption
par
Justin Maalouf
Membres du comit
Yves-Marie Abraham, directeur, HEC Montal.
Richard Dry, HEC Montral.
Mehran Ebrahimi, ESG-UQAM.
Avril 2015
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Table des matires
1-Introduction 3
2-Revue de la littrature 6
Quest-ce que la prosumption? 7
Quelles sont les facteurs permettant d'expliquer l'essor rcent de la prosumption? 18
Comment les sciences managriales envisagent-elles la prosumption? 21
Avantages et inconvnients de la co-cration ? 31
Conclusion 37
3- Prsentation de la thorie autonomiste 43
Subsomption formelle, subsomption relle et biocapitalisme. 43
Inversion copernicienne et composition de classe. 47
Multitude 54
Travail immatriel 59
Immanence 65
Les communs 67
Social factory et free labour 70
La valeur 77
Le devenir rente du profit 94
L'entrepreneur politique 103
Biopolitique 108
Conclusion 112
4- Labour process theory et consentement 115
Conclusion 130
5-Mthodologie 133
6- Conclusion 145
Bibliographie 146
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1-Introduction Capitalist economic rationality has no room for authentically free time which neither produces nor consumes commercial wealth ....
Capital must not only find ways to absorb more and more goods and services through realisation but also somehow occupy the free
time that the new technologies release (Harvey, 2014: 277-278).
Une des particularits les plus distinctives du monde organisationnel contemporain est
l'importance prpondrante que prennent les activits de prosumption dans la cration de
valeur pour les entreprises. Le terme prosumption est un nologisme permettant de
dsigner les activits brisant la frontire entre la production et la consommation ainsi que
le travail et la vie personnelle et sociale, causant ainsi l'estompement des sparations
spatiales et temporelles typiques de la modernit (Rosa, 2010; Ritzer; 2014b). Mme si
ces activits de prosumption ne sont pas ncessairement un phnomne nouveau (comme
le dmontrent les exemples des stations-services libre-service et des "fast-foods"), et
seraient mme selon Ritzer1 (2014a) une constante travers l'histoire humaine, elles
prennent indubitablement une importance accrue dans l'conomie contemporaine. Pour
s'en convaincre, on na qu' se rfrer au fait qu'un nombre sans cesse croissant de
chercheurs et d'auteurs, provenant d'coles de pense disparates, soulignent que
l'identification et la cration de processus permettant la cration de valeur par les clients
est devenu un pr-requis essentiel pour la survie long terme de toute entreprise
(Arvidsson, 2006; Chesborough, 2006; Cova et Cova, 2012; Dujarier, 2008; Hardt et
Negri, 2009; Howe, 2009; Norman et Ramirez, 1993; Prahalad et Ramaswamy, 2004;
Ritzer et al., 2012; Sanders et Stappers, 2008; Tapscott et Williams, 2006; Terranova,
2004; Vargo et Lusch, 2004; von Hippel, 2005; Williams et Tapscott, 2006; Willmott,
2010; Zizek, 2009). Cette importance est devenue telle, que, selon Ritzer (2014b), nous
sommes maintenant dans une socit de prosumeurs ("prosumer society"), dans la mesure
o la prosumption occupe une place de plus en plus prominente autant conomiquement
que socialement et mme politiquement, puisque pour certains, elle est perue comme
une alternative politique en opposition au monde dultra-consommation dans lequel
baigne lindividu contemporain (Cova et al., 2013). Considrant que les tudes sur le
sujet dmontrent qu'entre 58 et 83 % de la population des pays les plus conomiquement
1 Cet auteur affirme mme que la distinction entre les rles de producteur et de consommateur typique de la modernit est en fait une aberration dans l'histoire humaine.
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avancs s'engagent rgulirement dans ce type d'activits (Arvidsson, 2008), il devient
trs difficile de contredire Ritzer sur ce point.
L'accroissement considrable, tant en nombre qu'en intensit, de ce type d'activit, a des
impacts considrables pour les entreprises contemporaines. L'amplification de ce
phnomne a d'ailleurs cr pour les entreprises, de toutes nouvelles faons de raliser
des profits. Prenons l'exemple de Facebook, qui en plus d'tre un phnomne culturel
d'une trs grande importance, est une entreprise extrmement rentable, dont le modle
d'affaires dpend intgralement de la prosumption. Pour l'anne 2014, son profit frle les
5 milliards de dollars amricains, ses revenus dpassent les 12 milliards de dollars
amricains et sa capitalisation boursire dpasse les 200 milliards de dollars amricains,
et ce, mme si elle a un nombre d'employs relativement faible (Fuchs, 2015). On peut
galement se rfrer l'exemple des marques (dont la capitalisation dpend, comme il
le sera dmontr, en grande partie de la prosumption), puisque l'importance de celles-ci
pour la cration de valeur est maintenant un fait bien tabli par la littrature. En effet, il
est gnralement considr que les marques sont la cause de plus d'un tiers de la valeur
retire par les actionnaires (Dugulean et Dugulean, 2014). Les marques sont d'ailleurs
devenues tellement rentables, que certaines des entreprises les plus profitables
mondialement n'effectuent pratiquement plus aucune activit de production proprement
parler, et se concentrent exclusivement sur le dveloppement de leurs marques
(Arvidsson, 2005; 2013). Toutefois, les impacts de la prosumption ne se limitent pas
qu'aux organisations, car celle-ci a galement des impacts importants au niveau socital.
Impacts qui sont trop souvent ngligs dans les sciences managriales
Le prsent texte est une proposition de thse portant sur l'tude approfondie de ce
phnomne, plus spcifiquement en ce qui concerne sa ralisation sur l'internet. Cette
tche nous semble tre d'une importance considrable, puisque comme Ritzer (2014a) le
souligne, malgr qu'il soit devenu indniable que le modle d'affaire d'une frange
importante du monde corporatif est dpendant de l'externalisation de certaines fonctions
organisationnelles vers les consommateurs, les sciences organisationnelles ainsi que la
sociologie semblent encore relativement peu avances quant la thorisation et
conceptualisation du phnomne. Le premier chapitre de cette proposition consistera en
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une revue de la littrature, autant sociologique que managriale, portant sur la
prosumption. Ce qui permettra de dfinir clairement le terme, ainsi que d'explorer les
problmatiques lui tant associes. Ce chapitre permettra galement d'aborder les thories
managriales portant sur ce sujet, ayant le plus d'influence. Nous conclurons ce chapitre
en faisant valoir la ncessit de complter les tudes existantes par une analyse no-
marxiste de la prosumption. Les deux chapitres subsquents permettront de prsenter les
deux thories no-marxistes qui serviront de cadre conceptuel ce travail, soit le
marxisme autonomiste et le "labour process theory" (LPT). Finalement, ce texte se
conclura par la prsentation de la mthodologie sur laquelle nous prendrons appui pour
tenter de rpondre la question de recherche que nous nous sommes donne.
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2-Revue de la littrature
Le prsent chapitre consistera en une revue de la littrature, principalement managriale
et sociologique, portant sur la prosumption. Cette revue de la littrature permettra de
donner une dfinition claire et prcise ce terme, d'aborder les diffrentes thories ayant
t proposes afin d'expliquer et de comprendre cette forme d'activit, ainsi que d'exposer
les principaux rsultats des recherches ayant t menes sur le sujet. La question nous
ayant guid au cours de cette revue de la littrature est la suivante: "En quoi consiste la
prosumption et quelles sont les diffrentes consquences autant conomiques, sociales
qu'organisationnelles qu'elle cre?". Avant d'effectuer cette prsentation, on se doit de
souligner qu'il n'existe pas de consensus au niveau smantique au sein de la littrature,
puisque cette forme d'activits a t nomme de multiples faons. Les plus connus tant:
auto-production (Dujarier, 2008), co-cration et co-production de valeur (Prahalad et
Ramaswamy, 2004), co-design (Sanders et Stappers, 2008), "user-led innovation" (von
Hippel, 2005), innovation ouverte (Chesborough, 2006), "crowdsourcing" (Howe, 2009),
prosumption (Toffler, 1980), consommateurs travaillants (Cova et White, 2009), labeur
gratuit (Terranova, 2004), "service dominant logic" (Vargo et Lusch, 2004) ou bien
"wikinomics" (Tapscott et Williams, 2006). Bien qu'en rgle gnrale ces diffrents
termes peuvent tre utiliss de manires indistinctes, considrant la dfinition
relativement vague qui leur est donne, il est important de noter qu'il existe tout de mme
un certain dbat au sein des sciences managriales quant la distinction entre ceux-ci.
Plus spcifiquement en ce qui a trait aux termes de co-cration et de co-production. En
effet, bien que certains auteurs rejettent toutes distinctions entre ces deux termes et ne se
contentent que de souligner qu'ils rfrent tous des situations dans lesquelles les
consommateurs collaborent avec les entreprises et/ou dautres consommateurs afin de
produire une quelconque valeur (Denegri-Knott et Zwick, 2012; Humphreys et Grayson,
2008; Payne et al. ,2008), plusieurs autres auteurs affirment que ces deux termes, bien
qu'ayant une liaison forte, ne dcrivent pas tout fait le mme phnomne (Ertimur et
Venkatesh, 2010; Grnroos, 2011; Marion, 2013; Vargo et Lusch, 2006b). Ces diffrents
auteurs ne s'entendent toutefois pas sur la dfinition prcise que prend chacun de ces
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termes. Obscurcissant davantage le portrait, Cova et al.. (2013) affirment qu'il faut
galement faire une distinction entre ces deux termes, et celui d'autoproduction, qui
consiste en des activits que le consommateur dveloppe, en relation plus ou moins
troite avec lentreprise, afin de satisfaire ses besoins ou ceux de ses proches, et non ceux
de lentreprise. La sociologie de la consommation de son ct tend faire peu de cas de
ce dbat smantique, et utilise majoritairement le terme prosumption, qui est un
nologisme mis de l'avant par Toffler (Ritzer, 2014a; 2014b) ou bien le terme d'auto-
production (Dujarier, 2008; 2014). Le prsent texte ne cherchera pas trancher cette
question, et utilisera indistinctement ces diffrents termes afin de dcrire les activits
estompant la distinction entre la production et la consommation. Le prsent chapitre se
composera de cinq sections. La premire consistera en une revue de la littrature,
principalement sociologique, rendant compte des diffrentes formes que peut prendre la
prosumption. Par la suite, la deuxime section fera un bref rcapitulatif des facteurs et
raisons qui ont t avancs afin d'expliquer le dveloppement fulgurant de ce phnomne
depuis la fin des annes 90. La section suivante permettra de prsenter les deux thories
de co-cration ayant le plus d'impact dans les sciences managriales, soit la "service
dominant logic" et l'innovation ouverte. La troisime section consistera en une revue de
la littrature, autant sociologique que managriale, concernant les avantages et les
inconvnients qu'apporteraient les activits de prosumption, ainsi que les motivations qui
pousseraient les individus se livrer volontairement ce type d'activit. Finalement, ce
chapitre se terminera avec un expos des raisons qui nous conduisent opter pour
l'utilisation de diffrentes thories d'allgeance marxiste afin de conceptualiser cette
forme de travail
Quest-ce que la prosumption?
Les formes que peut prendre la prosumption sont diverses et varies. Selon Dujarier
(2008; 2014), il est possible de regrouper ces diffrentes activits en trois catgories
distinctes, en se basant sur la division sociale du travail et la socialisation que la tche
implique, ainsi que sur le sens ("meaning") qu'a l'activit pour la personne l'effectuant.
Ces trois catgories sont: les cas o le consommateur produit lui-mme ce qu'il
consomme, les cas o le consommateur organise et contrle le processus de travail et les
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cas o le consommateur produit de l'information, du contenu culturel et/ou des
connaissances pour l'entreprise. Cette catgorisation est pratiquement la mme que celle
utilise par Koeber (2011), qui consiste sparer les activits de prosumption en celles
o le client agit comme un quasi-employ, celles o le client agit comme un quasi-
superviseur et celles o le client agit comme un quasi-marketeur, la diffrence majeure
que cette dernire catgorie ne comprend pas les activits d'innovations effectues par les
consommateurs, contrairement la catgorie correspondante dans la typologie de
Dujarier. Considrant l'importance norme de ces activits d'innovations par les clients
pour les entreprises, cette omission nous emmne prfrer la typologie de Dujarier.
Les cas o lindividu produit lui-mme ce qu'il consomme est la plus ancienne et la plus
commune forme de labeur gratuit. Par ce terme, on fait rfrence des tches ayant t
suffisamment taylorises et simplifies, et dont les protocoles dexcution sont adresss
des catgories de consommateur type identifies par les professionnels marketing,
rendant ainsi possible leurs ralisations par le consommateur (Dujarier 2008). Bien que
cette forme d'activit soit maintenant commune et considre comme tant ''normale'', du
Gay (2004) rappelle qu'il a fallu de nombreuses interventions s'talant sur plusieurs
annes, de la part des dtaillants, fabricants, marketeurs, publicistes et concepteurs
d'infrastructures commerciales avant que ces activits de libre service soient considres
sous une forme positive ou neutre de la part des consommateurs. Deux exemples
classiques de ce genre de labeur gratuit sont le clbre modle IKEA, qui ncessite
lassemblage par le client des meubles achets ainsi que les services de restauration
rapide, qui demandent aux consommateurs de remplir eux-mmes leurs verres et de
nettoyer les tables qu'ils utilisent. Un autre exemple largement relat par la littrature est
celui du jeu de guerre sur table Warhammer, dans lequel lautoproduction de son arme
par le consommateur est de mise, puisque celui-ci doit au minimum monter, et parfois
mme peindre toutes ses figurines avant de pouvoir jouer. (Carter et al., 2014; Cova et
Dalli 2009; Cova et al., 2013; Ezan et Cova, 2008). Toutefois, cette forme de travail
gratuit peut prendre des formes beaucoup plus abstraites, comme en font foi les exemples
des files dattente, qui externalisent vers les consommateurs le travail dimmobilisation
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du capital fixe2, permettant ainsi doptimiser son temps dutilisation (Dujarier 2008), ou
bien celui du simple fait de jouer certains jeux vidos, puisque cela demande de la part
du joueur une forme de co-cration de la trame narrative (Buchanan-Oliveret et Seo,
2012). Bien que cette forme de co-cration ne soit en aucun cas nouvelle, les nouvelles
technologies en accentuent la porte, puisquelles permettent de rendre un nombre sans
cesse croissant de tches ralisables sans la prsence d'un employ formel. Par exemple,
grce la prsence de bornes automatiques et de sites web interactifs, il est maintenant
possible pour les consommateurs de commander un billet de cinma sans jamais avoir
interagir avec un employ. Bien que pour certains, le retrait du prestataire sera clbr
dans la mesure o cela permet de conserver une forme danonymat et dviter des
interactions dcrites comme mcanises, d'autres le percevront comme une alination
sociale (du Gay, 2004; Dujarier, 2008). Cova et al. (2013) notent ce sujet que bien que
dans certains cas, ce type de prosumption peut mener une augmentation des contacts et
relations sociales entre les diffrents consommateurs, elle a gnralement pour effet de
renforcer lindividualisation des activits. Cette forme de labeur gratuit risque de croitre
encore plus au cours des prochaines annes, puisquavec lavnement des imprimantes
3D prix abordables, nombre de biens pourront tre produits directement chez les
consommateurs, en tlchargeant simplement le plan dexcution. Ce qui revient sous-
traiter le processus de production de biens matriels aux consommateurs mmes
(Tapscott et Williams, 2006).
Le deuxime type de travail gratuit consiste en lexternalisation auprs des
consommateurs des activits dorganisation, de formation et de contrle du travail.
Activits qui incombaient autrefois au management intermdiaire (Dujarier 2008). Cest
entre autres par la pratique du ''customer enpowerment'', la pratique du client roi, que
cette forme de co-production est concrtement ralise. En diffusant le message que le
client est au centre de lattention de lorganisation, celui-ci se montre souvent beaucoup
plus critique envers ce quil reoit, et nhsitera pas faire part de son mcontentement,
devenant ainsi une sorte de contremaitre pour les agents au contact. Les pratiques de
''customer empowerment'' ont donc pour effet de transformer les consommateurs en
2 Selon Dujarier (2008), il est appropri de parler de travail lorsque des consommateurs font la file afin de, par exemple, utiliser une borne automatique, puisque ce faisant, ils permettent de rduire le temps d'inactivit de cette borne.
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superviseurs, puisque leurs critiques, demandes et choix auront des effets disciplinaires
sur les employs (Gabriel, 2005). Un exemple classique de cette forme de supervision par
le client est la fiche d'valuation du service, qui peut tre remplie par les clients dans de
nombreux restaurants et htels (Koeber, 2011). Les files dattente, qui sont, comme nous
lavons vu prcdemment, une faon dexternaliser vers les consommateurs
limmobilisation du capital fixe et le temps dajustement de la rencontre entre l'entreprise
et les clients, sont galement une faon dexternaliser les activits dorganisation et de
contrle du travail. En effet, celles-ci crent un environnement dans lequel les
consommateurs sont conscients et proccups de limpact de leurs comportements (leurs
faons de travailler) sur les autres, ce qui les poussent exercer une pression les uns sur
les autres afin dtre le plus productif possible (Dujarier 2008). Par exemple, la plupart
des usagers dun guichet automatique se presseront effectuer leurs transactions
bancaires si la file dattente derrire eux atteint une certaine longueur. Ces files d'attente
ont galement un effet disciplinaire sur les employs, puisque comme Leidner le relate:
"At McDonalds, the presence of consumers on the scene was another major factor in
intensifying workers efforts. When long lines of people were waiting to be served, few
workers had to be told to work as swiftly as possible. The sea of expectant faces provided
a great deal of pressure to keep moving" (Leidner, 1993:78. Cit dans Koeber, 2011:
223).Cette forme de labeur gratuit consiste aussi dans l'auto-rsolution des situations
contradictoires. Cela veut dire que considrant que lautomatisation des prestations de
service entraine la suppression des employs en chair et en os, ce sera dornavant aux
consommateurs de trouver des solutions des situations dont la rsolution na pas t
programme ou lorsquun problme technique survient (Dujarier 2008). Finalement, le
consommateur prendra galement part dans lorganisation et le contrle du travail en
assumant un rle effectif de formation (Dujarier 2014). Prenons l'exemple de lutilisation
des bornes automatiques. L'utilisation de ces bornes ncessite certaines connaissances
techniques ainsi que lappropriation dun langage particulier. Plusieurs personnes seront
incapables de les utiliser lors de leurs premires tentatives et bien souvent se tourneront
vers les autres utilisateurs afin de savoir comment procder. Ce travail de formation du
client par le client est galement largement relat par la littrature scientifique pour le cas
du jeu de guerre sur table Warhammer, dont il a t fait mention prcdemment. En effet,
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la communaut de joueurs va tre souvent essentielle pour l'apprentissage des diffrentes
rgles, techniques de peinture et stratgies ncessaires afin de pouvoir y jouer (Cova et
Dalli 2009; Cova et al., 2013; Carter et al., 2014; Ezan et Cova, 2008). Fisher et Smith
(2011) soulignent que ce travail de formation du client par le client tend prendre de plus
en plus d'importance grce aux sites et forums de discussion en ligne, puisque les
utilisateurs de tel site rpondent activement et chaleureusement aux demandes
d'information et de formation de la part des autres utilisateurs.
Finalement, le dernier type de labeur gratuit fait rfrence aux situations dans lesquelles
le consommateur travaille volontairement fournir des informations, des connaissances
et/ou du contenu culturel une organisation, qui lui seront par la suite vendus
directement ou indirectement. Ce type de prosumption s'est tendu de faon exponentielle
avec lavnement du web 2.0, car cette technologie permet tous types d'utilisateurs
(mme ceux ayant peu de connaissances techniques) dentrer en interaction avec les
entreprises ainsi qu'avec les autres utilisateurs, crant ainsi des communauts ou publics
collaborant de faon horizontale (Bruns, 2014; Cot et Pybus, 2007; Ritzer et Jurgenson,
2010). L'ampleur qu'a pris ce phnomne est tel que Verdier et Colin (2002) affirment
que le modle classique de Coase, stipulant qu'une entreprise peut soit sous-traiter sur le
march ou embaucher et crer sa propre organisation, doit tre amend afin de tenir
compte de la possibilit qu'a l'entreprise de ni recruter ou sous-traiter, mais de dfinir une
stratgie adquate de captation de la force de travail de ses consommateurs. Il est trs
important de noter que cette forme de prosumption se diffrencie des deux autres formes
ayant t prsentes prcdemment, par le fait que cest la seule qui ait de vritables
implications thoriques, dans la mesure o c'est la seule forme de prosumption qui
permet de rellement combiner les rles de producteur et de consommateur, si l'on se
base sur la dfinition que Marx donne ces deux rles (Humphreys et Grayson, 2008).
En effet, selon ce dernier, ce qui permet de dpartager le rle du producteur du rle du
consommateur n'est pas la ralisation quelconque d'une tche pralable la
consommation, mais le fait ou non de crer de la valeur d'change, de crer une
marchandise qui permettra l'entreprise de rcolter un profit. Cela implique que la valeur
d'usage ayant t cre par l'activit doit avoir une valeur d'usage pour des personnes
autres que celles la ralisant, puisque Marx stipule clairement qu'afin de crer une valeur
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d'change, un acteur conomique doit non pas seulement crer une valeur d'usage pour
soi, mais bien une valeur d'usage pour les autres ("use value for others"). C'est
effectivement seulement grce ce processus qu'il y aura cration d'une marchandise, la
cration d'une marchandise tant une condition "sine qua non" la ralisation
d'une valeur d'change (Humphreys et Grayson, 2008). En se basant sur cette dfinition,
les deux premiers types de labeur gratuit ayant t identifis prcdemment n'ont donc
que peu d'implications thoriques, puisqu'ils ne permettent pas rellement de faire clater
la distinction entre consommateur et producteur. En effet, ces deux formes de
prosumption ne visent qu' dcrire des activits qui bien qu'emmenant les consommateurs
crer une forme de valeur d'usage pour eux-mmes, ne crent aucune valeur d'change
ni aucune marchandise (tout au plus, elles auront un impact indirect sur la valeur
d'change, par une diminution du temps de travail socialement ncessaire). En effet, si
l'on prend l'exemple typique de l'assemblage d'un meuble IKEA, bien que cette activit
permettra l'individu qui l'effectue de retirer une valeur d'usage, cette valeur d'usage sera
strictement personnelle et ne permettra pas la cration d'une valeur d'change ni d'une
marchandise. On peut galement affirmer, en se servant de la terminologie labore par
Marx, que les deux premiers types de labeur gratuit ayant t prsents ne sont pas
rellement du labeur, mais plutt du travail, alors que cette troisime forme de
prosumption correspond rellement du labeur. La distinction entre ces deux termes est
tablie dans une note de bas de page du Capital, dans laquelle Engels affirme que
comparativement l'allemand, l'anglais (mais galement le franais) possde l'avantage
de faire la sparation entre les activits tant communes toutes les socits et visant
produire de la valeur d'usage, soit le travail, et les activits uniques au systme capitaliste
qui, bien que crant une valeur d'usage, crent principalement de la valeur d'change, soit
le labeur (Fuchs, 2014a). Le type de prosumption qui sera maintenant dcrit permet de
rellement fusionner les rles de consommateur et de producteur, et correspond
rellement du labeur gratuit, puisqu'implique la fois la cration gratuite de valeur
d'usage et de valeur d'change de la part des consommateurs. En effet, comme il sera
dmontr, cette forme de prosumption, contrairement aux deux autres, permet
l'entreprise de crer une marchandise (ou d'augmenter les fonctionnalits d'une
marchandise existante), qui sera ensuite vendue la fois celui (ceux) excutant le
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travail permettant sa ralisation, ainsi qu' l'ensemble des clients de l'entreprise.
Considrant les importantes implications thoriques qu'il provoque, c'est sur ce dernier
type de labeur gratuit que le prsent travail se focalisera.
Ardvidsson et Sandvik (2007) identifient deux formes que peut prendre ce troisime type
de co-cration, quils dfinissent par les termes dinnovation et dactivation. L'innovation
survient lorsque les utilisateurs fournissent directement et gratuitement l'entreprise des
innovations, connaissances et/ou contenus. Par exemple, dans le secteur du jeu vido, des
groupes de joueurs contribuent activement au dveloppement technologique et narratif
des jeux. Cela peut se produire de nombreuses faons. La plus subtile et la plus courante
est la cration de groupes "bta", qui sont des groupes de joueurs non rmunrs servant
dcouvrir les bogues techniques dun jeu avant sa parution. Une pratique plus pousse
consiste crer des "mods", qui sont des extensions tlchargeables cres par un ou des
joueurs, qui altrent le code du programme afin de changer lapparence des personnages,
de crer de nouvelles missions, et parfois mme de crer un nouveau jeu entirement. Par
ces activits, les joueurs en viennent donc assumer le rle de designer, et donner une
valeur supplmentaire aux jeux que l'entreprise cre (Dyer-Witheford et De Peuter,
2009). Ce type de contenu peut avoir un impact norme sur le succs commercial et
critique d'un jeu vido, comme le dmontre l'exemple du jeu Half-Life dont la popularit
continuelle est en grande partie due aux extensions cres gratuitement par la
communaut de joueurs (Sokolova, 2012). Selon Banks (2009), l'industrie des jeux
vidos est devenue grandement dpendante de cette forme de co-cration, car de plus en
plus, les compagnies ne ralisent que l'engin technique du jeu, et laissent pratiquement
toutes les activits de crations de contenus et de trames narratives la communaut de
joueurs. Le produit qui est commercialis par les entreprises n'est donc plus un produit
fini, mais un artefact qui sera constamment modifi (Bruns, 2012). Toutefois, ce type de
stratgie comporte un risque certain, puisque dpend de la cration d'une communaut
comprenant une masse critique de joueurs, qui doit galement tre htrogne en termes
d'habilets et de connaissances (Bruns, 2014).
La deuxime forme que prend ce type de labeur gratuit est lactivation, ce qui consiste
utiliser lactivit des utilisateurs de manire plus subtile, non pas en cherchant capturer
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leurs esprits cratifs, mais en se servant de la masse mme de ceux-ci, qui devient une
ressource en soi. Ce processus est galement nomm production ambiante par Rey
(2011), qu'il dfinit comme tant une forme de production survenant par la simple
prsence d'un individu dans un environnement particulier. Lactivation est un facteur
primordial au succs des jeux vido en ligne, puisque ces jeux deviennent seulement
attractifs lorsqu'une certaine masse critique de joueurs est atteinte (Ardvidsson et
Sandvik, 2007). Cela emmne Dyer-Witheford et De Peuter (2009) stipuler que ces
jeux sont la co-cration de la communaut de joueurs et des dveloppeurs corporatifs,
bien que les premiers doivent bien souvent payer un frais mensuel afin de pouvoir y
jouer. Ce phnomne, par lequel les compagnies reoivent un prix premium de leurs
clients en dpit du fait que ce qui justifie ce prix premium provient de l'investissement
non rmunr en termes de temps, dhabilets et daffectivit de ces mmes clients, est
nomm exploitation double par plusieurs auteurs (Cova et Dalli, 2009;
Pongsakornrungsilp et Schroeder ,2011; Zwick et al., 2008). Cette exploitation est double
dans la mesure o la personne qui cre (en partie) la marchandise n'est pas rmunre, et
doit galement payer un prix premium afin de se procurer la marchandise qu'il a lui-
mme cre. Selon Goggins (2011), les joueurs de ce type de jeu se trouveraient donc
dans une situation comparable celle de lami de Tom Sawyer, qui se fait convaincre par
ce dernier de le payer afin dobtenir le "privilge" deffectuer un travail pour lequel celui-
ci a dj t rmunr. Wark et Degoutin (2013) en vont mme jusqu' affirmer que cela
consiste en une forme pervertie et dcadente de socit du spectacle, puisquil ne sagit
plus ici de consommer passivement des images, mais galement de les fabriquer et de
payer afin de pouvoir les visionner et les utiliser. Dailleurs, plusieurs actions en justice
ont t inities par des joueurs de ce type de jeux, en se basant sur largument quen
offrant bnvolement de lassistance aux nouveaux joueurs et en rpondant leurs
questions, ils effectuaient involontairement un travail temps plein non rmunr (Dyer-
Witheford et De Peuter, 2009). Les sites de rseaux sociaux tels Facebook, MySpace ou
Twitter sont galement dpendants de cette forme de labeur gratuit, et utilisent ces deux
mcanismes. En effet, ce sont les utilisateurs de ces sites qui fournissent la quasi-
intgralit du contenu de ces sites (innovation), tandis que la prsence d'une masse
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critique d'utilisateurs est ncessaire afin de rendre ces sites attractifs et de crer des
revenus publicitaires (activation) (Fuchs, 2015)3.
Cette forme de prosumption n'est pas seulement le propre des compagnies virtuelles
("dot-com company"). De nombreuses compagnies fabriquant des biens matriels s'en
servent galement afin d'innover et de crer des marchandises. Par exemple, depuis dj
quelques annes, LEGO encourage ses clients tlcharger le logiciel LEGOs Digital
Designer. Les consommateurs qui tlchargeront ce logiciel pourront crer des modles
de manires virtuels (Zwick et al., 2008). Par la suite, ces modles virtuels peuvent tre
soumis la compagnie, qui offre de les manufacturer sous une forme physique,
moyennant un certain cot. Ces modles virtuels sont galement partags dans l'ensemble
de la communaut LEGO, et les plus populaires d'entre eux sont mme formellement
appropris et commercialiss par LEGO. LEGO rcompensera le concepteur du modle
en question en lui reconnaissant la paternit du design, mais ne le rmunrera pas
financirement (Zwick et al., 2008). Nike fait galement grandement usage de cette
forme de prosumption, car le processus de design des souliers dpend maintenant en
grande partie des contributions soumises gratuitement en ligne par les consommateurs
(Fller et al., 2007).
La cration dune image de marque est galement un processus qui est grandement
dpendant de ce type de prosumption. Alors qu lorigine, la notion de marque servait
dindicateur de qualit standardis, son rle sest graduellement transform au cours des
dernires dcennies pour devenir principalement un moyen daugmenter la valeur
symbolique du produit. Valeur symbolique permettant la marque de se diffrencier de
ses concurrents et daccroitre son capital de marque ("brand equity") (Willmott, 2010).
Bien que l'entreprise ait un rle jouer dans ce processus, puisque cest souvent celle-ci
qui choisit consciemment dentreprendre des actions afin de crer une image de marque,
les consommateurs ne sont pas simplement des rcepteurs passifs du message tant
transmis par lentreprise, mais ont, au contraire, un rle actif jouer dans la ralisation ou
lchec de linitiative de lentreprise (Jeanes, 2013). En effet, la cration et
laccroissement de limage de la marque ne peuvent tre effectus simplement par les
3 La faon dont la valeur d'change est cre par ce processus sera tudi plus longuement lors de la section portant sur la valeur.
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efforts des employs formels de l'entreprise, puisquafin dobtenir du succs, le message
que la marque tente de transmettre se doit dtre peru comme tant authentique par les
consommateurs, et non pas simplement comme une activit cherchant strictement crer
une prime sur le prix (Jeanes, 2013). Le processus de cration dun capital de marque est
grandement dpendant de la capacit du consommateur reconnaitre la marque, et lui
attribuer une ou des qualits, puisque bien que lentreprise sefforce dencoder un
signifiant dans ses produits (par lentremise de la marque), ce sont les consommateurs qui
donnent une valeur ce signifiant (ou pas) selon le dcodage et la rception quils vont
en faire (Willmott, 2010). Dans certains cas extrme, la cration de ce capital marque se
fera pratiquement sans l'entreprise, voire en opposition de l'entreprise, puisque les
consommateurs donneront un sens la marque compltement diffrent de celui que celle-
ci tente officiellement de lui confrer (Maclaran et Brown, 2005). Brown et al. expliquent
que: ''Consumers [are] partners in the cocreation of brand essence and importers of
meaning from beyond the marketplace. Consumers draw holistically from their lived
experiences with products, history, mass media, and one another, as well as marketing
sources, for the meanings they ascribe to brands" (Brown et al., 2003: 30). La
montarisation de ce capital de marque est habituellement ralise par limposition dune
prime sur le prix, reprsentant la volont de payer plus cher un produit de cette marque
par rapport un produit similaire dune autre marque, faisant donc payer aux
consommateurs la fonctionnalit du produit quils ont eux-mmes cre (Ardvidsson,
2005). Ce qui correspond une forme d'exploitation double, puisque les consommateurs
ne sont pas rmunrs pour la marchandise qu'ils crent, et qu'ils doivent en plus payer un
prix premium afin de se la procurer. Ce type de prosumption serait dautant plus
important dans le cas des marques dites morales, cest--dire des marques qui ont, ou du
moins qui tentent davoir, un signifiant les liants certaines valeurs thiques et morales.
Ces marques drivent en effet une grande partie de leur lgitimit de certains acteurs
extrieurs aux limites formelles de lentreprise, tels les consommateurs et la communaut
de la marque (''brand community'') (Jeanes, 2013).
Les concepts d'innovation et d'activation sont encore une fois prsents en ce qui a trait
la co-cration da la valeur des marques. En effet, le capital de marque est en grande partie
dpendant du travail dune avant-garde de consommateurs qui donneront une essence
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("soul") la marque et lui permettra d'voluer (innovation), mais ncessite galement la
prsence d'un grand nombre de personnes plus passives qui reproduiront l'image de
marque et formeront la communaut de marque (Arvidsson, 2005; 2006). De plus, la
notion de marque regroupe une autre forme de labeur gratuit, que le philosophe franais
Jean-Paul Galibert nomme hypertravail, et qu'il dfinit comme tant le travail
d'imagination des consommateurs qui permettrait d'accorder un crdit particulier au nom,
d'une marchandise de mme qu'aux qualits imaginaires qui sont signifies par son
signifiant (Galibert, 2012a; 2012b). Ce travail de l'imagination peut parfois prendre une
telle ampleur que certains produits rsultent presque entirement du travail de
l'imagination des consommateurs, et ne contiennent pratiquement aucun temps de travail
ralis par des employs formels: type de produit que Galibert (2014) nomme des anti-
rels. Il va sans dire que de tels produits sont extrmement rentables pour les entreprises.
Ce constat est similaire celui que font Verdier et Colin (2012), quoique dans une
optique moins critique, lorsqu'ils affirment que les biens qui ont le plus de valeur pour les
consommateurs sont ceux qui arrivent sur le march inachevs, puisque cela permet
l'acheteur d'y inscrire sa sensibilit et sa singularit.
Les formes que peut prendre ce troisime type de labeur gratuit sont nombreuses, et le
prsent texte n'a pas la prtention de les numrer toutes de faon exhaustive. Notons
simplement que des auteurs ont affirms, entres autres, que des domaines aussi divers que
les missions de tl-ralits (Hearn, 2011), le journalisme (Pantti et Bakker, 2009) la
promotion de vedette pop (Yang, 2009), la traduction de jeux et de site internet (Fuchs,
2014a), le design de vtements et d'accessoires de mode (Hemp, 2006), la cration de
l'engouement autour d'une quipe sportive professionnelle (Pongsakornrungsilp et
Schroeder ,2011), les sites d'achats et de ventes en ligne tel EBay (Laughey, 2010;
Denegri-Knott et Zwick, 2012), le ''market-test'' de divers produits (Kohler et al., 2009),
l'algorithme derrire le moteur de recherche Google (Chia, 2012), les campagnes
publicitaires de type marketing vnementielles (Arvidsson, 2007) ainsi que la promotion
de srie tlvise (Barra, 2009), demandent tous un apport important de contenu de la
part des utilisateurs/consommateurs.
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Quelles sont les facteurs permettant d'expliquer l'essor rcent de la prosumption?
Comment peut-on expliquer le dveloppement fulgurant qu'a connu ce phnomne au
cours des dernires annes? Plusieurs facteurs ont t proposs afin d'expliquer si ce nest
l'apparition de ce phnomne, du moins sa propagation spectaculaire au cours des
dernires annes. Le facteur le plus dterminant est indubitablement le dveloppement
technologique ahurissant dans le secteur de l'informatique ayant eu lieu au cours de cette
priode. En effet, si le domaine de l'automobile avait connu une volution aussi
dramatique que celui des microprocesseurs au cours de la mme priode, une Rolls
Royce pourrait rouler jusqu un million de milles lheure, couterait vingt-cinq sous et
aurait une longueur dun millimtre (Bomsel, 2010). Cette volution technologique
permit de rduire considrablement les couts du capital fixe (principalement les
ordinateurs), rendant ainsi possibles la dcentralisation de la production et la division
temporelle et spatiale des tches de travail. Ce qui permit un accroissement considrable
des possibilits de communication bidirectionnelle la fois entre les organisations et les
consommateurs, et entre les consommateurs eux-mmes (Dyer-Whiteford, 1999: Fisher
et Smith, 2011). De plus, il faut galement considrer que ces dveloppements
technologiques se sont accompagns dun accroissement de la facilit d'usage des
diffrentes technologies, autant au niveau cognitif qu'ergonomique, rendant ainsi leurs
utilisations possibles par un nombre sans cesse croissant d'amateurs (Proux et al., 2011).
La technologie ne permet toutefois pas d'expliquer compltement le dveloppement du
phnomne. Considrant que la prosumption prend souvent la forme d'activit
ressemblant ce qui est traditionnellement considr comme tant du travail, le simple
fait de pouvoir effectuer la tche chez soi ne permet effectivement pas de comprendre
pourquoi certains l'effectuent volontairement et gratuitement. Pour ce faire, il faut
galement considrer les changements quant la nature perceptuelle et identitaire du
travail ayant eu lieu au cours des dernires dcennies (Berardi, 2009). En effet, la sphre
des dsirs, les champs de limagination et de laffectif qui au cours du capitalisme
industriel avaient t largement vacus de la sphre du travail, ont t rappropris par
celle-ci et sont mme devenus les facteurs de production prdominants dans le
capitalisme contemporain. Le travail a donc cess dtre peru de faon strictement
instrumentale (ce qui impliquait que l'on tentait de l'viter le plus possible), pour devenir
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une des composantes importantes, si ce nest essentiel, de lidentit et de la constitution
du soi. De par ce fait, pour nombre d'individus, le travail est devenu l'aspect par lequel ils
se personnalisent et se singularisent, ce qui est un contraste flagrant avec les proltaires
de l'poque industrielle, pour lesquels le travail tait une forme de mise mort temporaire
(Marazzi, 2008). Comme les tudes en sociologie du travail le dmontrent, ce constat se
rvle particulirement adapt aux travailleurs de la connaissance et permet d'expliquer
pourquoi de nombreuses personnes se livrent volontairement des activits ayant toutes
les apparences d'un travail durant leurs temps libres (Arvidsson, 2008; Michel, 2011).
Un autre facteur explicatif consiste la monte de ce qui a t nomm l'esthtisation de la
vie de tous les jours, c'est--dire l'importance accrue que prend l'aspect esthtique de
toutes choses dans le monde contemporain (Lipovetsky et Serroy, 2013). Comme le
soulignent Cova et Dalli: "the aestheticization of everyday life and, thus, the
aestheticization of consumption are possibly the strongest characteristics of post-modern
European societies [on peut galement appliquer ce constat toutes les socits
occidentales]. Post-modern individuals are on a never-ending identity quest; a quest to
define the meaning of their lives. Consumers go to markets to produce their identity
specifically their self-images" (Cova et Dalli, 2009: 316). L'importance de l'esthtisme
atteint un point tel que Lipovetsky et Serroy en viennent affirmer que nous sommes
dans un capitalisme artiste: "Lequel se caractrise par le poids grandissant des marchs
de la sensibilit et du design process, par un travail systmatique de stylisation des biens
et des lieux marchands, d'intgration gnralis de l'art, du look et de l'affect dans
l'univers consumriste" (Lipovetsky et Serroy, 2013: 12). L'aspect central qu'a pris
l'esthtisme aurait eu pour effet de dmocratiser l'ambition et le dsir de cration, de faire
en sorte que de plus en plus de personnes cherchent s'exprimer travers une activit
artistique, comme en fait foi le fait que la proportion de personnes se dfinissant par
l'pithte artiste a explose depuis les annes 70, ce qui se traduit quantitativement en une
augmentation de 400% (Arvidsson, 2008). Ces revendications artistiques seraient en
partie combles par la ralisation de certaines activits de prosumption (Arvidsson, 2008;
Lipovetsky et Serroy, 2013). De plus, il faut galement mentionner que la monte de
l'esthtisme a pour corollaire un mouvement valorisant l'authenticit. Dans la culture
mercantile ("commodity culture"), l'importance prise par la notion d'authenticit suite aux
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mouvements de contre-culture des annes 60 et 70 a eu pour effet d'amener les gens
s'impliquer dans la conception et la production des biens afin de les personnaliser,
permettant ainsi aux individus d'exprimer leurs choix et identit tout en saffranchissant
des normes de consommation de masse juges alinantes (Boltanski et Chiapello, 2011;
Brown et al., 2003; Cova, 2008; Prahalad et Ramaswamy, 2000). Verdier et Colin (2012)
soulignent ce sujet que l'engagement dans des activits de co-cration avec les
entreprises est en grande partie motiv par la volont de raliser quelque chose qui
permettra de prouver l'authenticit de la personne les ralisant.
Finalement, quatre autres tendances structurelles peuvent galement permettre de
comprendre le dveloppement de ce phnomne. Le premier est la financiarisation de
l'conomie ainsi que les rformes nolibrales ayant eu cours durant les dernires
dcennies, qui ont pouss les entreprises rechercher une mobilisation totale des
individus afin d'obtenir des rsultats financiers en concordance avec les demandes des
actionnaires (Lordon, 2010). Cette mobilisation totale va, entres autres, prendre la forme
de ce labeur gratuit, puisque celui-ci est une source norme de profit. Le deuxime
facteur structurel est le dveloppement intellectuel de la population, qui a permis une
gnralisation des habilets et capacits ncessaires la ralisation d'activits productives
et collaboratives. En effet, les dernires dcennies ont t marques, du moins dans les
pays occidentaux, par un accroissement important du niveau d'ducation gnrale
(Arvidsson, 2008; Moore et Taylor, 2009). Cette dmocratisation intellectuelle a fait en
sorte qu'un nombre sans cesse croissant de personnes sont en mesure de raliser des
tches dont, il y a peu de temps, la complexit rendait la ralisation possible que par une
lite intellectuelle et artistique (Arvidsson, 2013). Le troisime facteur structurel est la
tendance l'acclration de la socit contemporaine, qui fait en sorte que le fait de ne
pas avoir un moment soi, le fait d'tre continuellement en train d'effectuer des activits
productives, est connot de manire extrmement positive (Rosa, 2010). Cette tendance
l'acclration encouragerait le dveloppement du labeur gratuit, puisque pour plusieurs,
ces activits sont vues comme tant une faon de se valoriser par l'accomplissement de
tches productives. Finalement, il faut galement considrer que le dclin important du
secteur de la production, proprement parler, dans les conomies dveloppes, coupl
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la monte parallle du secteur des services, a grandement accentu l'importance ainsi que
le dveloppement des activits de prosumption (Ritzer et al., 2012).
Comment les sciences managriales envisagent-elles la prosumption?
L'tude des activits estompant les distinctions entre producteurs et consommateurs a t
entreprise par de nombreux auteurs au sein des sciences managriales. Cette tude s'est
grandement amplifie au cours des dernires annes, comme en fait foi le fait que le
nombre d'articles scientifiques publis sur le sujet a plus que sextupl depuis dix ans
(Galvagno et Dalli, 2014). Quoique cette catgorisation ne permet pas de rendre justice
l'ampleur de la littrature managriale portant sur le sujet, on peut identifier deux grandes
coles (Cova et al., 2013; Galvagno et Dalli 2014). La premire, qui est de loin la plus
populaire, tant la logique base sur les services (SDL) et l'autre tant la perspective de
l'innovation ouverte.
La ''service dominant logic''
La logique base sur les services ("service-dominant logic of marketing") est une thorie4
de marketing ayant t propose par Vargo et Lusch (2004), prnant que les entreprises
ne doivent pas simplement se concentrer sur les produits qu'elles offrent, mais doivent
plutt largir leurs perspectives et se considrer selon les services qu'elles peuvent offrir
aux consommateurs. Par cette thorie, Vargo et Lusch tentent de renverser l'ide (qu'ils
nomment "goods dominant logic" (GDL)) qui tiendrait depuis Smith dans les sciences
conomiques et managriales, consistant en la division entre activits productives et
improductives, relguant le marketing la deuxime catgorie (Vargo, 2011). Selon ces
auteurs, une telle logique ne tiendrait plus, puisque: "Increasingly, marketing has shifted
much of its dominant logic away from the exchange of tangible goods (manufactured
things) and toward the exchange of intangibles, specialized skills and knowledge, and
processes (doing things for and with), which we believe points marketing toward a more
comprehensive and inclusive dominant logic, one that integrates goods with services and
4 En fait, Vargo (2011) affirme que cela est une pr-thorie, mais des fins de simplification, nous utiliserons tout de mme le mot thorie pour dsigner cette pr-thorie.
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provides a richer foundation for the development of marketing thought and practice ......
Briefly, marketing has moved from a goods-dominant view, in which tangible output and
discrete transactions were central, to a service-dominant view, in which intangibility,
exchange processes, and relationships are central" (Vargo et Lusch, 2004: 1-2).
L'opposition entre ces deux logiques se comprend principalement par l'importance que
prennent les ressources ''operants'' et les ressources ''operands'' dans chacune de ces
logiques, qui sont des termes ayant t dfinis dans un livre prcdent de Lusch, labore
avec Constantin (1994). Les ressources ''operands'' sont dfinies comme des ressources
sur lesquelles une opration ou un acte est effectu afin de produire un effet, tandis que
les ressources ''operants'', sont des ressources qui sont utilises afin de raliser un acte ou
opration sur les ressources ''operands''. En des termes plus simples, les ressources
''operands'' sont sensiblement ce qui est associ au capital fixe (la terre et la machinerie),
tandis que les ressources ''operants'' correspondent aux connaissances, informations et
habilets. Le passage d'une logique base sur les biens une logique base sur les
services s'explique par la position hgmonique que prennent les ressources ''operants''
par rapport aux ressources ''operands'', dans les sciences organisationnelles (Vargo et
Lusch, 2008). Il est important de noter que dans cette thorie le terme service ne dsigne
pas simplement les activits relevant des industries de services proprement parler, mais
cherche plutt dfinir l'application de comptences spcialises (soit les connaissances
et les habilets) travers des actions, processus et des performances, ralises pour le
bnfice de l'entit en tant que telle ou d'une autre entit. (Vargo et Lusch, 2004).
D'ailleurs, dans le langage de la SDL, l'utilisation du terme "services" au pluriel permet
de dcrire les activits tant traditionnellement associes l'industrie des services, tandis
que le terme service au singulier, indique le processus de faire quelque chose pour et
surtout avec quelqu'un, qui est la notion centrale de cette thorie (Ezan et Cova, 2008).
Afin d'expliciter cette distinction, Vargo note que : ''This meaning of service (singular)
should not be confused with the more commonly used services (plural), which reflects
a particular type of (intangible) good (output), which is often used in service(s)
marketing and which Vargo and Lusch (2004b) have associated with G-D logic. Goods
(tangible products) have an important role in SD logic, but are seen as vehicles for
service provision, rather than primary to exchange and value creation'' (Vargo, 2009:
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374). Cette dfinition gnrale du terme service permet d'tendre l'utilisation de cette
thorie pratiquement la totalit des organisations et des activits organisationnelles,
mme celles qui n'impliquent que la cration de biens tangibles. Bien que les auteurs
reconnaissent que l'utilisation du terme service peut porter une certaine confusion
considrant le bagage smantique lui tant associ, ils considrent tout de mme que cela
reste le terme le plus adapt afin de dcrire l'utilisation d'une ressource ''operant'' (Vargo
et Lusch, 2006b).
Thoriquement, la SDL consiste en une liste de 10 principes fondamentaux.
Originalement, le premier fut dsign comme tant que l'application de comptences et
de connaissances spcialises constitue l'unit fondamentale de l'change. Ce principe
suppose donc que ce que les personnes et les entreprises s'changent rellement nest pas
des biens tangibles, mais des services. Par exemple, l'achat d'une auto ne doit pas tre vu
comme tant l'achat du bien automobile en tant que tel, mais plutt comme l'achat d'un
service de locomotion. Ce principe tire son origine des travaux de Frederic Bastiat, qui
aurait t le premier raliser que la loi conomique la plus importante est que les
services s'changent contre des services (Vargo et Lusch, 2004). Un tel constat implique
que les produits ne sont que des artefacts autour et partir desquelles les consommateurs
vivent des expriences (Prahalad et Ramaswamy 2000). Subsquemment, afin de mettre
davantage l'emphase sur le principe mme de service, ainsi que pour des fins de clart et
de simplification, Vargo et Lusch (2008) remplaceront, ce principe par la phrase: "le
service est la base fondamentale de l'change". Le deuxime principe fondamental est que
l'change indirect tend masquer le premier principe fondamental. Cet argument est
sensiblement le mme que celui fait par Marx, lorsqu'il voquait la notion de ftichisme
de la marchandise, qui consiste en l'affirmation que dans le systme capitaliste, l'change
de marchandise tend masquer les relations sociales sous-jacentes la cration de ces
marchandises, la diffrence que selon Vargo et Lusch, ce que l'change de marchandise
masque est que les services sont le fondement de l'change marchand. Une telle vision
des choses implique que les biens ainsi que l'argent ne sont qu'un mcanisme permettant
la distribution des services, ce qui correspond au troisime principe fondamental. En
effet, pour Vargo (2009), l'argent que paye le consommateur pour l'acquisition d'un
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service (qui prendra bien souvent la forme d'un bien) permettra l'entreprise d'acqurir
d'autres services auprs d'une tierce partie. Le quatrime et le cinquime principe
fondamentaux sont respectivement que les ressources ''operants'' sont la source de
l'avantage concurrentiel des entreprises, et qu'historiquement, toutes les conomies
taient des conomies de service. Ainsi, la SDL prtend tre valable pour tous les
systmes conomiques, et non pas seulement une thorie permettant l'tude et
l'explication de l'conomie de services contemporaine (Vargo et Lusch, 2008). Selon
Vargo et Lusch (2004), la seule diffrence qui existerait entre notre poque et celles qui
la prcdent, est que l'importance du service est devenue plus apparente.
Le sixime principe, est celui qui est le plus important dans le cadre de ce travail,
puisquil permet de catgoriser la SDL comme une thorie de la prosumption, et consiste
en l'affirmation que le consommateur est toujours un co-crateur de valeur. Vargo et
Lusch expliquent que: ''From a service-centered view of marketing with a heavy focus on
continuous processes, the consumer is always involved in the production of value. Even
with tangible goods, production does not end with the manufacturing process; production
is an intermediary process. As we have noted, goods are appliances that provide services
for and in conjunction with the consumer. However, for these services to be delivered, the
customer still must learn to use, maintain, repair, and adapt the appliance to his or her
unique needs, usage situation, and behaviors. In summary, in using a product, the
customer is continuing the marketing, consumption, and value-creation and delivery
processes ........the customer becomes primarily an operant resource (coproducer) rather
than an operand resource (target) and can be involved in the entire value and service
chain in acting on operand resources'' (Vargo et Lusch, 2004: 11). Comme cette citation
permet de le constater, ce principe implique que la SDL, au contraire de la GDL,
considre que tous les consommateurs sont des ressources ''oprants'', puisqu'ils agissent
sur les ressources ''operands'' de l'entreprise afin de crer de la valeur (Vargo et Lusch,
2006b). La valeur que permet cette co-cration serait d'autant plus grande que les
technologies modernes rendent possible la ralisation de plusieurs rles de la part des
clients, par exemple, ceux de payeur, fournisseur de comptence, contrleur de qualit
et/ou co-marketeur (Payne et al., 2008). En se basant sur ce principe, Vargo et Lusch
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affirment ensuite que puisque toute cration de valeur demande la participation des
consommateurs, les entreprises ne peuvent faire que des" propositions de valeur", et que
la ralisation de ces propositions ne se concrtise que grce la contribution des
consommateurs. C'est ce qui correspond au septime principe fondamental. Il est
important de prendre compte que bien que le terme valeur soit utilis continuellement et
frquemment par Vargo et Lusch (ainsi que les autres auteurs se rclamant de ce
mouvement thorique), ceux-ci n'en donnent en aucun cas une dfinition claire, et
laissent au lecteur le soin de dterminer quel type de valeur est cre par ce processus
ainsi que pour quel acteur cette valeur est cre (Saarijrvi et al. ,2013). Ce qui a donc
pour effet de crer un certain flou dans l'argumentaire de ces auteurs, diminuant
sensiblement la porte et l'application de leur thorie.
Le huitime principe fondamental stipule que la SDL est oriente vers les consommateurs
("customer oriented") et est relationnelle, c'est--dire que la ralisation de la valeur ne
peut se concrtiser que par l'interaction, soit directe ou indirecte (par l'entremise d'un
bien) entre les clients et l'entreprise (Vargo et Lusch, 2004). Ce principe permet de mettre
l'emphase sur l'aspect relationnel, plutt qu'unidirectionnel, du processus de cration de
valeur, et est en contradiction avec la science conomique classique qui considre la
valeur comme tant une proprit inhrente des biens, crs majoritairement, si ce n'est
uniquement, lors du processus de production. Au contraire d'une telle approche, la SDL
clame que le processus de cration de valeur est toujours collaboratif, relationnel,
idiosyncrasique, et ncessite un horizon temporel beaucoup plus long que la simple
production, puisqu la fois l'entreprise et les consommateurs doivent mobiliser et utiliser
des ressources ''operants'' pour mener le processus terme (Vargo, 2009). Bien que la
nature de la relation soit pratiquement unanimement considre comme tant positive par
la littrature managriale, Ertimur et Venkatesh (2010) affirment qu'il existe galement
une possibilit que l'un des acteurs fasse preuve d'opportunisme, c'est--dire, qu'il
s'engage dans des actes brisant les attentes mutuelles implicites entre l'entreprise et les
consommateurs. Ces actes d'opportunisme seraient d'autant plus frquents lorsqu'il existe
une asymtrie d'information entre les deux parties, des objectifs divergents, et/ou un
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dsaccord concernant ce en quoi consistent un comportement et un agissement
appropris.
Le neuvime principe a t rajout ultrieurement aux huit premiers (Vargo and Lusch,
2006a), et a t rvis quelques annes plus tard. Il consiste affirmer que tous les
acteurs conomiques et sociaux sont des intgrateurs de ressources, c'est--dire qu'ils
intgrent et transforment des comptences spcialises en des services complexes tant
demands par le march (Vargo et Lusch, 2008). Finalement, le dixime et dernier
principe a quant lui t mis de l'avant dans le mme article que la rvision du neuvime
principe, et plaide que la valeur est toujours uniquement et phnomnologiquement
dtermine par le bnficiaire du service. Ce principe a t labor par Vargo et Lusch
afin de mettre davantage l'emphase sur l'importance de la nature exprientielle de la
valeur, puisque celle-ci tait gnralement ignore par les auteurs se servant de leurs
thories. Ce principe est similaire avec ce que prne depuis plusieurs annes un autre
chercheur important de la co-cration, Prahalad, soit que: ''early experimenters are
moving away from the old industry model that sees value as created from goods and
services to a new model where value is created by experiences'' (Prahalad, 2004: 172).
Innovation ouverte
Bien que moins populaires que la SDL, les travaux se regroupant autour du principe
d'innovation ouverte, forment tout de mme un courant trs important en ce qui concerne
l'tude du phnomne de la prosumption dans les sciences managriales. Ce paradigme
sinscrit dans la perspective plus large de lconomie des connaissances stipulant que les
connaissances (termes incluant la fois le savoir et la crativit) sont le principal vecteur
de cration de valeur dans lconomie contemporaine. Ce qui implique que les
organisations doivent se transformer afin d'en faciliter la cration et lappropriation
(Chesbroug 2006). La thorie de l'innovation ouverte a t dveloppe par Chesbrough
(2003) en se basant sur l'observation des pratiques organisationnelles d'une srie
d'entreprises innovantes et performantes, tout particulirement en ce qui avait trait leurs
dviations par rapport aux pratiques traditionnelles en terme d'innovations.
Thoriquement, l'innovation ouverte tire ses prmisses des travaux de von Hippel (1976;
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1986) concernant l'importance de l'apport des utilisateurs dans le processus d'innovation
(West et al., 2014; Bogers et al., 2010). Il existe toutefois une divergence majeure entre
ces deux thories en ce qui a trait la question de l'appropriation ("protection") des
innovations. L'innovation ouverte prne une appropriation forte des innovations de la part
des entreprises (par le brevetage de toutes les innovations), tandis que von Hippel rejette
cette conclusion, puisqu'il clame qu'une telle limitation de la diffusion des innovations a
pour effet de rduire le processus mme d'innovation, et donc de rduire le bien-tre
socital. Selon West et Lakhani (2008), cette diffrence s'explique principalement par
l'unit d'analyse de chacune de ces thories: l'entreprise prive pour l'innovation ouverte,
l'individu et la socit pour von Hippel. La dfinition prcise que donnera Chesbrough au
concept d'innovation ouverte variera de nombreuses fois suite son introduction. La
dernire dfinition que nous avons t en mesure de recenser tant que: "open innovation
ought to be conceptualized as a distributed innovation process that involves purposively
managed knowledge flows across the organizational boundary. We also link this
definition to the main types of open innovation, namely Outside-In (inbound), Inside-Out
(outbound) and the combined Coupled type, as well as the associated mechanisms,
including pecuniary and non-pecuniary flows" (Chesbrough and Bogers, 2014: 3).
La meilleure faon de comprendre l'innovation ouverte est de l'opposer l'innovation
ferme qui consiste en un processus dinnovation intgr verticalement, se produisant
exclusivement lintrieur des frontires de lorganisation en grande majorit au sein
dun dpartement spcifique (Mokter, 2013). Selon Chesbrough (2006), bien que
linnovation ferme soit le modle dominant depuis de nombreuses dcennies, le cot
sans cesse croissant des activits de recherche et dveloppement, lobsolescence rapide
des innovations ainsi que la diffusion leve des connaissances dans la socit feraient en
sorte que ce modle nest plus adapt la nouvelle conomie. Au contraire de celui-ci, le
concept d'innovation ouverte fait rfrence au fait que l'innovation s'effectue de manire
ouverte et libre. Concrtement, cela signifie que les organisations se doivent de former
des liens avec des entits externes telles les universits, les autres organisations (autant
celles provenant du mme secteur activit, que celles y tant extrieure) et les clients, si
elles veulent demeurer comptitives (Inauen et Schenker-Wicki 2012). Plutt que
dutiliser uniquement ses connaissances internes, l'innovation ouverte prne donc que
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l'entreprise utilise galement les connaissances dveloppes par des personnes ou des
organisations se trouvant l'extrieur de son enceinte, ce qui implique qu'elles doivent se
"dverticaliser" et dvelopper des relations collaboratives plutt que concurrentielles
Linnovation ouverte se spare en deux types de processus, soit l'exploration
technologique et l'innovation technologique. Cette diffrence dcoule du fait que
l'innovation ouverte suppose la fois de laisser les connaissances internes aller vers
lextrieur et d'internaliser des connaissances provenant de lextrieur. Lexploitation
technologique fait rfrence la premire situation, et est elle-mme sparable en deux
pratiques distinctes (van de Vrande et al., 2009). La premire de ces pratiques n'a que trs
peu d'importance pour ce travail, et correspond la vente sous licence de certaines des
proprits intellectuelles de lorganisation des firmes ayant un modle daffaires
diffrent (ce qui fait en sorte quelles seront davantage capables de profiter de ces
proprits intellectuelles). La deuxime pratique, quant elle, consiste rendre publique
une partie des connaissances de lorganisation, en particulier celles qui ne sont pas une
forte source de diffrentiation, celles qui rapportent peu et celles dont le dvoilement
permet de crer de fortes externalits positives, crant ainsi une situation o des biens
publics sont financs par des fonds privs (von Hippel et von Krogh, 2006). Ce
dvoilement de connaissances va permettre d'ventuellement aider lorganisation
financirement en facilitant les diffrentes stratgies dexplorations technologiques,
puisque ce faisant, lorganisation augmente sa probabilit dintresser des contributeurs
potentiels et de recevoir des connaissances de ceux-ci (Inauen et Schenker-Wicki, 2012).
Un exemple concret de cette pratique serait que le dvoilement dune partie du code dun
logiciel permettra de recevoir des suggestions damliorations de la part des utilisateurs.
Au contraire des stratgies dexploitations, ayant une logique externalisante, les stratgies
dexploration ont une logique internalisante, c'est--dire qu'elles permettent l'acquisition
de nouvelles connaissances provenant d'acteurs externes l'organisation. Cela peut se
faire de quatre faons diffrentes (van de Vrande et al., 2009). Les trois premires ne
concernent que trs peu, voire aucunement, notre problmatique, et consistent
respectivement en la cration et maintien de connexions avec des entits externes tant
source de capital social (cration dun rseau), en lappropriation dinnovations ayant t
cres par dautres entreprises, mais ayant t abandonnes puisque ne convenant pas
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leurs modles daffaires, et finalement, en l'externalisation complte du dpartement de R
& D au sein d'une autre (ou d'autres) entreprise(s). La dernire pratique d'exploration est
celle qui nous intresse, car permet de ranger l'innovation ouverte dans la catgorie des
thories de la co-cration. Cette stratgie correspond une forme de mise au travail du
consommateur, dans la mesure o celui-ci cesse dtre vu comme une entit passive se
trouvant lextrmit finale de la chane de valeur (ce qui implique que les organisations
anticipent les dsirs et besoins des clients), mais bien comme un tre cratif et innovateur
qui doit participer activement au processus d'innovation et de dveloppement des
nouveaux produits. Thoriquement, la raison majeure expliquant la mise en place d'une
telle stratgie est que malgr lefficacit relative des tudes de march ralises par les
entreprises, un certain dcalage existe tout de mme entre ce que le produit fait, et ce que
le client dsire que le produit fasse, tant donn que la plupart des connaissances des
clients ce sujet sont tacites, et donc, de ce fait, trs difficilement explicitables
(Chesbrough, 2006). Bien que Nonaka (1994) ait prsent une thorie permettant de
faciliter le passage d'une connaissance tacite une connaissance explicite, linnovation
ouverte doit tre vue comme un pas de plus dans cette direction, puisquelle vise
lutilisation directe des connaissances tacites des acteurs externes lorganisation
(Chesbrough, 2006).
Les avantages de l'innovation ouverte par rapport l'innovation ferme seraient
multiples. Tout d'abord, linnovation ouverte permettrait dviter le gaspillage
dinnovations: les organisations trop focalises sur la recherche et dveloppement interne
tendent ne pas profiter d'un nombre important des innovations qu'elles dveloppent, car
nombre d'entre elles tombent lextrieur de leurs domaines d'activits ou ncessitent
dtre combines une innovation externe afin de dverrouiller leurs
potentiels(Chesbrough, 2007). De plus, en permettant la mobilisation des connaissances
d'une multitude d'acteurs externes l'organisation, l'innovation ouverte rduirait
drastiquement les cots de recherche et dveloppement des entreprises. Finalement,
lavantage de l'innovation ouverte face l'innovation ferme se rvlerait galement par
la propension qu'elle a crer des innovations de types radicales plutt qu'incrmentales,
ainsi qu'en une fidlisation accrue de la clientle (Inauen et Schenker-Wicki, 2012).
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Le passage de l'innovation ferme l'innovation ouverte demande aux entreprises de
relever de nombreux dfis managriaux en matire de structure organisationnelle,
puisquelles ne sont habituellement pas structures de manire collaborer avec un
nombre si important dacteurs (Elmquist et al., 2009). En effet, lorsquune entreprise
introduit de manire dlibre les principes de l'innovation ouverte, elle doit revoir la
fois son processus de dveloppement de produits, sa chane logistique, sa planification
stratgique et son systme de rcompense (Remon, 2010). Cela requiert une planification
et une gestion du changement importantes, puisque si les groupes formant lorganisation
nadhrent pas tous aux principes dinnovation ouverte, cela va constituer un frein
important linnovation. Lorganisation pouvant mme devenir moins innovante que
lorsquelle voluait sous une structure dinnovation ferme. Imbert et Chauvet (2013)
stipulent qu'il existe quatre processus managriaux critiques afin de maximiser les
chances de succs du principe d'innovation ouverte. Le premier de ces processus est la
socialisation organisationnelle. Par ce terme, les auteurs cherchent dsigner toute action
permettant aux diffrents acteurs d'approfondir leurs connaissances concernant leurs
partenaires, de dvelopper des interactions de qualits entre eux, ainsi que de se
familiariser et de dfinir clairement leurs rles respectifs. Le deuxime levier est la
gestion du processus dadaptation. L'adoption des principes d'innovation ouverte tant
source de perturbation pour les entreprises, celles-ci doivent implanter certaines pratiques
permettant de faciliter l'acceptation par les membres de l'organisation, des changements
qui rsultent du passage de l'innovation ferme vers l'innovation ouverte. Le troisime
levier est la gestion du processus de co-cration de connaissance proprement parler,
tandis que le dernier levier est la gestion du degr de libert. Ce dernier levier est d'une
importance fondamentale, puisque selon Imbert et Chauvet (2013: 179), le degr de
libert accord par l'entreprise aux clients permet: "dexercer une influence sur le
primtre des explorations de manire sassurer que le rsultat rponde ses attentes
sans pour autant verrouiller les dcouvertes et comptences dlivres par [les clients]"
(Imbert et Chauvet, 2013: 179).
De leur ct, Inauen et Schenker-Wicki (2012) indiquent que lune des tches
managriales les plus importantes effectuer afin de pouvoir profiter des bnfices de
linnovation ouverte consiste en la construction d'une image de marque forte, puisque
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laffinit la marque serait le facteur le plus important dans la dcision dun acteur
externe de co-innover. Finalement, Koehler et al. (2009) mentionnent qu'afin de pouvoir
bnficier du pouvoir cratif et innovateur des consommateurs, les entreprises doivent
fournir leurs clients des outils permettant la communication et l'exprimentation, sous
forme de plateformes informatiques conviviales et facilement accessibles. Ils notent
d'ailleurs que grce ces plateformes informatiques: "Companies can introduce lower-
fidelity virtual goods and services that would take years to develop and are costly to
produce in the real world, hand out copies to other users, analyze users reaction to the
prototype, and gain valuable insights for modifications of the virtual prototype. Thus, the
technology of virtual worlds offers inexpensive opportunities to experiment early in the
product development cycle" (Koehler et al., 2009: 403- 404).
Avantages et inconvnients de la co-cration ?
La littrature portant sur la prosumption s'est galement proccupe de la question des
avantages et des risques que reprsente l'expansion importante de ce type d'activit tant
au niveau socital, quorganisationnel et individuel. Il est intressant de constater qu'il
existe un clivage marqu dans ces analyses, en fonction de la discipline d'o elles
proviennent. En effet, la littrature managriale, sauf dans de rares exceptions, a une
vision tout fait positive du phnomne, et considre que celui-ci avantage toutes les
parties y prenant part (la prosumption permettrait la cration de relation gagnant-gagnant-
gagnant entre travailleurs, entreprises et consommateurs). La sociologie de la
consommation, de son ct, tend avoir une lecture beaucoup plus nuance, si ce n'est
critique, du phnomne (Dujarier, 2014).
Tout d'abord, en ce qui a trait aux avantages qu'en retirent les organisations, la littrature
managriale en a not plusieurs. Premirement, il est stipul que la co-cration permet de
diminuer les risques qu'encourent les entreprises au niveau du dveloppement de produits
et des innovations, puisque permet d'en faire assumer une partie aux consommateurs
(Prahalad et Powell, 2004). Cette diminution des risques survient, car la co-cration
permet de souligner et de mettre l'emphase sur le point de vue des consommateurs, ce qui
provoque un accroissement des capacits des entreprises identifier les besoins et
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demandes de ceux-ci (Vargo et Lusch, 2004). Effectivement, diverses recherches
empiriques ont prouvs que l'implication des consommateurs dans le processus
d'innovation permet de rduire normment le risque que ceux-ci rejettent le produit dont
accouchera ce processus (Koehler et al. ,2009; Mahr et al., 2014). Bogers et al. (2010)
affirment galement que les entreprises profitent de deux manires des innovations cres
par les consommateurs. La premire est par l'adaptation post-implmentation, ce qui
signifie que les consommateurs vont apporter des modifications un produit dj
disponible afin de le rendre plus apte rpondre leurs besoins. En rendant ses produits
modifiables facilement, lentreprise n'a donc pas dvelopper et produire un nouveau
produit pour le besoin spcifique de chacun de ses clients. La deuxime demande une
collaboration beaucoup plus intensive et extensive avec le client, et consiste se servir de
ceux-ci afin d'innover. Ce qui correspond ce que nous avons dcrit dans la section
portant sur l'innovation ouverte, avec tous les avantages y ayant t noncs. De plus,
l'engagement des consommateurs dans les processus d'innovations permettrait galement
de diminuer les ressources alloues par les entreprises afin de dcouvrir leurs besoins et
demandes (Koehler et al. ,2009). Ce qui se solde concrtement par une diminution des
cots de production. Finalement, Ezan et Cova, (2008) notent que les avantages tirs de
la prosumption pour les entreprises sont multiples: augmentation de la satisfaction,
accroissement de la fidlit des consommateurs, apport d'informations ainsi que
l'amplification du bouche--oreille, mais que celles-ci doivent tout de mme s'assurer de
bien grer les processus de prosumption, puisque les effets positifs de celle-ci peuvent
rapidement s'estomper, et mme devenir nfastes, si les consommateurs ont l'impression
que l'entreprise les utilise. Afin d'viter de perdre son personnel le plus impliqu et de
voir ses consommateurs les plus passionns se retourner contre elle, lentreprise doit,
selon Ezan et Cova, sengager dans les trois sphres de la reconnaissance identifies par
Honneth5 (2000): la sphre de la socialit primaire ( l'amour et l'affection), la sphre
publique (respect et galit) et la sphre du travail (estime et distinction individuelle par
la performance).
5Bien que le texte de ces deux auteurs ne se rfre pas directement Honneth, les rfrences dans lesquels ils puisent, dveloppent leurs cadres thoriques en se servant des textes de celui-ci.
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Bien que l'tude qui en est faite est beaucoup plus sommaire (ce qui va de soi,
considrant l'unit d'analyse respective de ces deux disciplines), la sociologie ne contredit
par la littrature managriale sur ce point. Par exemple, Ritzer (2014b) note, en se servant
d'un cadre d'analyse sociologique wbrien, que l'utilisation accrue des processus de
prosumption permettra aux entreprises d'obtenir une profitabilit jusqu'alors indite.
Profitabilit rendue possible principalement par la diminution du nombre d'employs
ainsi que la rationalisation accrue des procds de production. Mme constat de la part de
Ritzer et Jurgenson (2010), qui considrent galement que la prosumption est utile pour
les organisations, car permet de mobiliser une force de travail qui n'est aucunement
rmunre.
Selon Tapscott et Williams (2006), les entreprises qui seront le plus en mesure de retirer
les bnfices associs la co-cration sont celles qui appliquent les quatre principes
suivants: louverture et la transparence envers les personnes ne faisant pas officiellement
partie de lentreprise, la collaboration permettant la production non marchande et auto-
organise de faire irruption dans des secteurs autrefois domins par des firmes
commerciales, le partage de la proprit intellectuelle afin de construire un cosystme
dynamique, et finalement, le fait dagir globalement, c'est--dire de faire en sorte que
lentreprise nait pas de frontires, autant structurelle que gographique. L'importance
que prend la cration d'une atmosphre de confiance entre les clients et l'organisation (Ind
et Coates, 2013), ainsi que la qualit de l'infrastructure permettant l'interaction entre les
clients et l'organisation (Prahalad et Ramaswamy, 2004), ont galement t mentionnes
comme conditions importantes remplir par les organisations afin de bnficier des
avantages rendus possibles par la collaboration des consommateurs au processus de
cration de valeur. De leurs cts, Codello-Guijarro et al. (2013) assurent qu'afin de
retirer les avantages promis par la prosumption, les organisations doivent tout de mme
effectuer une certaine forme de contrle des comportements des clients. Par contrle des
comportements, ces auteurs dsignent: ''lensemble des dispositifs utiliss par
lorganisation pour sassurer que le comportement du client est conforme ce quelle
souhaite et quil ne dgrade pas la satisfaction du client, ni celle des autres
clients''(Codello-Guijarro et al., 2013: 102). Ces auteurs en viennent postuler qu'il
existe trois modes de contrle organisationnel du client dans les activits de
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coproduction. Le premier type de contrle est nomm le contrle organisationnel
centralis. Ce contrle va s'effectuer principalement en amont du processus, ce qui
permettra la slection de consommateurs s'alignant avec les exigences de l'entreprise,
ainsi que par la prsence de nombreux contrles cyberntiques, qui sont des types de
contrle se basant sur la comparaison entre le comportement rel et le comportement
dsir des consommateurs, ainsi que la mise en place de mesures permettant de supprimer
les carts existant entre les deux. Ce type de contrle serait adapt lorsque le niveau de
coproduction est somme toute faible, et se fait surtout en suivant des mesures
standardises. Le deuxime mode de contrle identifi par ces auteurs est nomm
contrle organisationnel dlgu au client. Dans ce mode de contrle, c'est le client lui-
mme qui devient le principal acteur de contrle, contrle qui se ralise concrtement par
une autoslection de la part des consommateurs par rapport un profil de client vis et
explicit par lorganisation. Finalement, le dernier type de contrle est nomm contrle
organisationnel dlgu aux autres clients, et est caractris par de nombreux mcanismes
d'valuation par les autres clients de ladhsion du client aux valeurs, missions et modle
de coproduction, ainsi que par l'importance que prend la rgulation des actions du client
par les autres clients. Cette forme de contrle par les autres clients ncessite la cration
dun sentiment dappartenance une communaut partageant des pratiques et des valeurs
communes clairement explicites, et serait adapte aux cas de coproduction forte dans
lesquels le degr de libert des consommateurs est important.
La littrature scientifique numre galement diffrents avantages que retireraient les
consommateurs participants aux processus de co-cration, avantages qui permettraient
d'expliquer les motivations menant cette participation. Dans la littrature managriale,
l'argument qui revient probablement le plus souvent est que les consommateurs retirent
un avantage rel de leurs participations aux processus de prosumption, dans la mesure o
ils peuvent influencer l'offre de produits, et donc obtenir des produits et services
rpondant de faon plus prcise leurs besoins individuels (Graf et Maas, 2008; Franke
et Shah, 2003; Galvagno et Dalli, 2014; Hertel et al., 2003; Ind et Coates , 2013; Lakhani
et al., 2002; Lakhani et von Hippel, 2003; von Hippel, 2005). D'autres auteurs utilisent
une logique utilitariste afin d'affirmer que les utilisateurs peuvent retirer un bnfice
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montaire de leurs activits de prosumption, dans la mesure o cela peut les mener
devenir des entrepreneurs (Shah et Tripsas, 2007) ou acqurir des habilets et une
rputation qui permettront l'obtention d'emplois bien rmunrs (Lakhani et von Hippel,
2003; Bogers et al., 2010). ce sujet, Koehler et al. (2009), prsentent l'exemple de
certains utilisateurs de la plateforme virtuelle Second Life qui ont t engags et
rmunrs par des compagnies de vtements afin de raliser matriellement les vtements
virtuels qu'ils avaient crs sur cette plateforme. L'aspect passionnel et ludique est
galement voqu. Plusieurs analystes affirment que la prosumption serait bnfique aux
consommateurs, car elle permet ceux-ci d'exprimer leur crativit et de raliser leurs
dsirs promthens de cration travers ce type d'action. Les consommateurs retireraient
donc un rel plaisir dans la ralisation de ce type d'activit. (Bonaccorsi et Rossi, 2003;
Fller et al., 2009; Hertel et al., 2003; Lipovetsky et Serroy, 2013; Prahalad et
Ramaswamy, 2004; Seraj, 2012). Un autre argument relat frquemment par la littrature
scientifique est que la co-cration permettrait l'"empowerment" des consommateurs,
dfini comme tant: "any means strengthening a persons perception self-determination]
and self-efficacy] and reducing conditions contributing to feelings of powerlessness.
While a sense of powerlessness leads to lack of responsibility and demotivation,
empowerment as raising peoples experience of self-determination and efficacy together
with the related enjoyment of a task determines initiation of an activity and increases
persistence of task performance" (Fller et al., 2009: 74-75). Ainsi, la co-cration
renforcerait la capacit d'une personne s'auto-dterminer et s'auto-renforcer, puisque
ces activits faciliteraient le dveloppement de certaines habilets dans un environnement
dans lequel les cots psychologiques de l'chec sont grandement rduits (Amichai-
Hamburger et al., 2008; Fller et al., 2009; Proux et al., 2011; Saarijrvi et al. ,2013). Cet
"empowerment" serait si puissant, que selon Campbell (2005) on assisterait l'mergence
de la figure du consommateur-artisan ("craft consummer"). Au contrai