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1 Programme de recherche « L’abolition du paiement des services de santé en Afrique de l’ouest » La mise en œuvre de la politique de gratuité de la césarienne Etude comparative dans 3 sites d’enquête Laurence Toure En collaboration avec, comme assistants de recherche, Sidiki Fofana Souleymane Koné, Youssouf T Sanogo octobre 2012

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Programme de recherche

« L’abolition du paiement des services de santé en Afrique de l’ouest »

La mise en œuvre de la politique de gratuité de la césarienne Etude comparative dans 3 sites d’enquête

Laurence Toure En collaboration avec, comme assistants de recherche,

Sidiki Fofana Souleymane Koné,

Youssouf T Sanogo

octobre 2012

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Remerciements Nous tenons à remercier très sincèrement

- pour leur patience et les contributions essentielles, le personnel des formations sanitaires dans lesquelles nous avons travaillé

- pour leur disponibilité et soutien, les agents de la DRS et de la DNS

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Acronymes ASACO : Association de santé communautaire CSCOM : Centre de santé communautaire CSRéf : Centre de santé de référence DAF : Direction Administrative et Financière DNS : Direction Nationale de la Santé DSR : division santé de la reproduction DNSI : Direction Nationale de la statistique et de l’information DPM : Direction de la Pharmacie et du Médicament DRS : Direction Régionale de la Santé EDS : Enquête Démographique et la Santé EPH : Etablissement Public Hospitalier MS/SG : Ministère de la Santé /Secrétariat Général OMS : Organisation Mondiale de la Santé PPM : Pharmacie Populaire du Mali SOU : Soins Obstétricaux d’Urgence SONU : Soins Obstétricaux et néonataux d’Urgence

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Sommaire Introduction 5 I Méthodologie 7 II Présentation de la politique 8 2.1 Le dispositif institutionnel 8 2.2 Le dispositif organisationnel et financier 8 2.3 Le système de référence évacuation 9 2.4 Les activités de suivi évaluation 9 2.5 Les contours de la gratuité 10

III Le démarrage de la gratuité de la césarienne : une précipitation et une impréparation nationales compensées par le niveau local 11 3.1 La prise en charge des césariennes avant la gratuité : quelques éléments d’appréciation du contexte dans lequel cette politique prend place 11 3.2 Une diffusion prématurée de cette décision 13 3.3 Un démarrage précipité et improvisé 14 3.4 Des contours imprécis 14 3.5 Des kits généreux et une standardisation problématique des pratiques 16 3.6 Un premier bilan et des aménagements envisagés 17 IV L’application actuelle de cette politique 18 4.1 Une augmentation indéniable du nombre de césariennes, qui donne lieu à diverses interprétations 18 4.2 Quelques études de cas à titre d’illustration 21 4.3 Un niveau d’information insuffisant des soignants et des usagers 26 4.4 Un dispositif de référence évacuation peu fonctionnel 26 4.5 Les conditions de prise en charge médicale des césariennes dans un

contexte de gratuité 30 4.5.1 La question problématique des ressources humaines 30 4.5.2 Les conditions matérielles médiocres : un problème de gestion et

d’entretien des ressources matérielles 38 4.5.3 La disponibilité des intrants gratuits : une situation paradoxale 41 4.6 Une restriction progressive du périmètre de la gratuité 46 4.7 Le dispositif de suivi évaluation de cette politique 49 4.7.1 Un dispositif lourd et parallèle au SIS 49 4.7.2 Un travail de suivi organisé autour de la mise en cohérence des informations nécessaires au remboursement des actes 49 4.7.3 Un volet supervision presque inexistant 51 V Conclusions 53 5.1 Une obligation de résultats qui n’est pas remise en cause 53 5.2 Une gratuité révélatrice des dysfonctionnements du système de santé 53 5.3 Le bilan, 6 ans après le démarrage, laisse planer un doute sur la pérennité de cette mesure 54

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Introduction Dans les années 1980, la quasi totalité des pays africains a instauré le paiement direct des soins comme la modalité de financement principale du système de santé, suivant ainsi les recommandations énoncées par les organisations internationales (politiques d’ajustement structurel en faveur d’une réduction des dépenses publiques). En Afrique de l’Ouest, cela a notamment donné lieu à la formulation de la politique de l’Initiative de Bamako (IB) instaurant le recouvrement des coûts, en même temps qu’une gestion communautaire et la délivrance de médicaments génériques. Cette politique prévoyait des mécanismes de régulation des inégalités dans l’accès aux soins, mécanismes qui n’ont pas été mis en œuvre ou se sont révélés inopérants. Aujourd’hui, l’état des connaissances montre l’impact négatif du paiement direct des soins sur l’utilisation des services de santé alors que le contexte général de pauvreté et la volonté d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2015, font de l’accès des populations au système de santé une priorité. Face à ce constat, certains pays et leurs partenaires ont proposé la suppression (ou la subvention) du paiement direct des soins dans des secteurs déterminés (pour certaines pathologies comme le VIH-SIDA, ou pour certaines catégories de la population, comme les femmes enceintes ou les enfants de moins de 5 ans). Par ailleurs, la mortalité maternelle a été reconnue dans le monde comme étant un problème de santé prioritaire. L’objectif n°5 des OMD était de réduire de 75% le taux de mortalité maternelle d’ici 2015. Le Mali fait partie des pays qui ont les ratios de mortalité maternelle les plus élevés du monde, ce qui l’a conduit, au cours de ces 15 dernières années à développer différentes stratégies pour la réduction de la mortalité maternelle et néonatale :

La mise en place d’un programme national de périnatalité en 1994 en partenariat avec l’UNICEF

L’organisation du système de référence/évacuation pour permettre la prise en charge des urgences obstétricales

L’approche des besoins obstétricaux non couverts

Le programme de soins obstétricaux d’urgence Ces programmes ont montré leurs limites et difficultés, notamment leur capacité à accélérer l’accès des parturientes aux structures de soins. En 2005, le taux de césarienne restait très bas : 0,8% au niveau des structures de soins obstétricaux d’urgence pour des normes retenues de 5 à 15% comme indicateurs des Nations Unies. C’est ce qui explique l’institution, la même année, de la prise en charge gratuite de la césarienne, avec pour objectif de rendre cet acte accessible à toutes les femmes enceintes pour lesquelles cette indication est posée. Il existait déjà des « poches sectorielles de gratuité », au sein même du système de recouvrement des coûts mis en place à la suite de l’Initiative de Bamako : tuberculose, lèpre, campagnes de vaccination infantile (JNV), et, plus récemment, HIVVIH-SIDA1. Mais ces différentes politiques d’exemption de paiement sectorielles sont ciblées, soit sur des pathologies pour des raisons de santé publique, soit mixte, sur des pathologies et pour les catégories de personnes qui y sont particulièrement sensibles. Avec la gratuité de la

1 Nous emploierons dans ce document l’expression de « gratuité » pour ce qui est plus rigoureusement appelé

par les techniciens de santé publique une « exemption de paiement par les usagers », avec intervention d’un tiers payant (l’Etat). De même, le « recouvrement des coûts » n’est jamais que partiel, l’Etat prenant en charge une partie des coûts de la santé (en particulier les salaires des agents).

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césarienne, c’est une plus grande partie de la population qui est concernée autour d’un objectif de santé publique important, celui de faire baisser de façon significative la mortalité maternelle. Nous avons choisi d’étudier la mise en œuvre de cette politique, dans le cadre d’un programme de recherche plus vaste, mené dans trois pays et piloté par l’université de Montréal et le Lasdel au Niger. L’étude que nous présentons ici se donne pour objectifs de :

- Retracer l’historique d’arrivée de cette politique dans les sites - Evaluer comment cette politique est mise en œuvre, cinq ans plus tard - Mettre en évidence les stratégies d’adaptation du personnel de santé et des patients

aux mesures de gratuité Après avoir présenté la méthodologie retenue pour cette recherche, nous présenterons successivement le contenu même de cette politique de gratuité, le démarrage de sa mise en œuvre et les conditions actuelles de son application dans les trois sites d’enquête que nous avons retenus.

I Méthodologie L’étude s’est déroulée dans les trois sites d’enquête suivants :

- Le CSREF de la commune 1 du district de Bamako, - L’hôpital régional de Sikasso. A Sikasso, le CSREF n’a pas de plateau technique pour

des interventions chirurgicales, si ce n’est très récemment, suite au déménagement de l’hôpital dans des bâtiments neuf. Nous avons donc retenu l’hôpital de Sikasso, qui présente par ailleurs la particularité d’être le plus performant en termes de nombre d’actes et de fréquentation, après l’hôpital Gabriel Touré à Bamako. L’hôpital bénéficie par ailleurs de l’intervention de la coopération chinoise.

- Le CSREF du cercle de Kita, cercle très vaste qui bénéficie, comme l’ensemble de la région de Kayes, de l’appui d’une coopération internationale autour de la santé maternelle.

Nous avons pu ainsi apprécier la mise en œuvre de cette politique dans des formations sanitaires de statut différent, public pour les CSREF, EPH (établissement public hospitalier) pour l’hôpital, statut qui lui confère une plus grande autonomie. Dans chaque formation sanitaire, l’enquête a été menée par un assistant de recherche, présent pendant 2 à 3 mois dans les différents services concernés par la gratuité de la césarienne (maternité, gynécologie, chirurgie, pharmacie, laboratoire et administration). Malgré toutes nos précautions, le simple fait de nous intéresser aux politiques de gratuité a conduit le personnel à nous situer d’emblée dans le camp des « pro gratuité » et à faire preuve d’une certaine méfiance, voire d’un réel agacement au fil des semaines. Nous avons également observé, et ceci explique sans doute les réserves préalablement mentionnées, que notre présence modifiait quelque peu les comportements et pratiques informelles des agents de santé. Finalement, la gratuité de la césarienne s’est avérée être un sujet particulièrement délicat et nous n’avons pu obtenir que très peu de chiffres, preuves peut-être trop tangibles de certains dysfonctionnements.

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Les données recueillies dans une perspective qualitative résultent d’une observation longue in situ, d’entretiens formels ou informels auprès des différentes catégories d’acteurs et d’une analyse de la documentation disponible. Au total, une soixantaine d’entretiens formels ou informels ont été réalisées. Nous avons pu suivre 58 études de cas de césariennes, dont 38 concernant des citadines.

Nb études de cas de césariennes

Site d’enquête Origine rurale Origine urbaine Total

Sikasso 8 4 12

Bamako 0 15 15

Kita 12 19 31

Total 20 38 58

La plupart de ces 58 études de cas ont été directement observées, et des entretiens systématiquement réalisées, soit directement avec la femme césarisée, soit avec ses accompagnants, généralement le lendemain ou sur lendemain de l’acte chirurgical. Nous avons noté une certaine réticence des personnes à évoquer avec nous, pourtant en aparté, les conditions de référence et de prise en charge de la césarienne, et notamment les sommes payées depuis le départ du domicile. Certains témoignages portent néanmoins sur des cas plus anciens, pendant les mois précédents la période d’enquête et ont été recueillis à domicile. Il était en particulier intéressant de discuter avec des femmes ayant vécu plusieurs césariennes, avant et après la gratuité pour discuter avec elles des différences de prise en charge.

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II Présentation de la politique de gratuité de la césarienne 2 Au Mali, la gratuité est conçue comme une exemption subventionnée par l’Etat, au sein d’un système de recouvrement. Nous en rappelons ici les principaux éléments, développés dans l’étude sur l’émergence et la formulation des politiques d’exemption de paiement réalisée par ailleurs.3 2.1 Le dispositif institutionnel

- La décision prise par le Conseil des Ministres du mercredi 23 juin 2005 pour assurer l’accès des femmes enceintes aux soins obstétricaux qui sauvent la vie, a donné lieu à la Lettre circulaire 003/MS/SG du 27 juin 2005 portant sur l’organisation provisoire de la prise en charge de la gratuité de la césarienne

- Le décret N05-350/P-RM du 04 août 2005 relatif à la prise en charge gratuite de la césarienne, deux mois après la décision, stipule « qu’aucune demande de paiement ne peut être exigée de la femme dont l’état nécessite la pratique d’une césarienne ».

- Un guide pour la mise en œuvre de la gratuité de la césarienne est élaboré en août 2005, pour préciser les contours et conditions d’application de cette politique

- Un arrêté Interministériel 09 0754 du 3 avril 2009 fixant les modalités de remboursement des coûts liés à la prise CGC, précise finalement certains aspects restés flous.

2.2 Le dispositif organisationnel et financier

Pour la césarienne, le dispositif retenu pour l’application de la gratuité est le suivant :

- Chaque structure pratiquant la césarienne doit rendre une équipe de prise en charge de la césarienne fonctionnelle 24h/24h au sein de la structure et rendre disponible de façon permanente les réactifs pour le groupage/RH, le BW, l’hépatite B et le VIH, et des poches vides de sang.

- Le ministère de la Santé assure la disponibilité des médicaments, consommables et réactifs à travers ses structures techniques et administratives. Le SDAME constitue le dispositif mis en place pour assurer la disponibilité permanente en médicaments réactifs et consommables médicaux. Le renouvellement des kits se fait une fois par semestre. Un pré positionnement des kits de césarienne doit être organisé dans tous les hôpitaux publics et CSREF.

- Outre la fourniture des kits, simples ou compliqués, l’Etat assure le remboursement forfaitaire d’une somme de 30 000 FCFA pour une césarienne simple et de 42 000 FCFA pour une césarienne compliquée. Le remboursement des frais des actes

2 Guide pour la mise en œuvre de la gratuite de la césarienne, DNS, août 2005

3 Émergence, formulation et mise en œuvre des politiques d’exemption de paiement des soins de santé au

Mali : synthèse du volet institutionnel, Yaouaga Félix KONE - Amélie PREVALET – El hadji M’BAYE, Stéphanie TCHIOMBIANO, Miseli, juin 2012

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chirurgicaux, des examens préparatoires et de l’hospitalisation est de la responsabilité des directions régionales du budget. Ces remboursements se font trimestriellement, sur la base du nombre de césariennes pratiquées, attesté par les pièces justificatives et annexées à un état de renouvellement des kits pour la DAF du MS et un état de paiement des actes pour les directions régionales du budget.

Il est à noter que le financement de cette initiative est mené sur fonds propres de l’Etat malien.

2.3 Le système de référence évacuation

Le dispositif de référence évacuation était en place avant la décision de la gratuité et prévoyait initialement une contribution des usagers et du CSREF. Suite à l’introduction de cette politique, il a fait l’objet de modification et ces contributions ont été annulées et redistribuées sur les autres acteurs. Depuis la gratuité, le transport est assuré par le ménage de la parturiente) du village au CSCOM, puis par l’ASACO et les collectivités territoriales du CSCOM au CSREF. Les réparations courantes de l’ambulance sont assurées par le conseil de gestion du CSREF mais les grosses réparations par l’État. 2.4 Les activités de suivi et d’évaluation

Un comité de pilotage a été créé août 2005, avec des échéances trimestrielles de rencontre. Chargé de donner les orientations nécessaires à la bonne marche de la gratuité de la césarienne :

- Il centralise et diffuse les résultats des recherches opérationnelles concernant la gratuité de la césarienne

- Il valide les rapports / bilans de suivi de la gratuité de la césarienne Un point focal césarienne a été créé, au niveau de la DSR (Division Santé de la reproduction de la DNS), des directions régionales de la santé, des hôpitaux et des CSREF pour la collecte mensuelle des données et la compilation régionale puis nationale.

Le remboursement des frais des actes chirurgicaux, des examens préparatoires et de l’hospitalisation est de la responsabilité des directions régionales du budget. Les remboursements des frais des actes chirurgicaux, des examens préparatoires et de l’hospitalisation se font trimestriellement, sur la base du nombre de césariennes pratiquées, attesté par les pièces justificatives suivantes :

Un extrait du registre opératoire

Un extrait du registre d’hospitalisation

Les fiches d’évacuation ou d’autoréférence

Les fiches d’admission

Les fiches de sortie

La facture établie par la pharmacie de la structure Ces pièces seront annexées à :

Un état de renouvellement des kits pour la DAF du ministère de la santé

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Un état de paiement des actes pour les directions régionales du budget.

2.5 Les contours de la gratuité La prise en charge thérapeutique gratuite porte sur :

- l’acte chirurgical et les examens préparatoires - le kit pour l’intervention chirurgicale et le traitement postopératoire - l’hospitalisation.

Aucune demande de payement ne peut être exigée de la patiente dont l’état nécessite la pratique d’une césarienne pour les actes ci-dessus.

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III Le démarrage de la politique de gratuité de la césarienne : une précipitation et une impréparation nationale compensées par le niveau local 3.1 La prise en charge des césariennes avant la gratuité : quelques éléments d’appréciation du contexte dans lequel cette politique se met en place Cette politique de gratuité de la césarienne s’inscrit dans la continuité des réformes précédentes qui visaient une amélioration sensible du plateau technique et des ressources humaines concernant la santé maternelle et plus particulièrement la prise en charge des grossesses dystociques. Les ressources humaines et matérielles permettent ainsi d’assurer la prise en charge des parturientes dans les différents CSREF et hôpitaux du pays. En revanche, le coût des césariennes reste très élevé pour les usagers. Une analyse comparée des coûts de la césarienne (Coulibaly, 2005) fait ressortir le coût variable de la césarienne selon les structures sanitaires et l’année :

- 22 838 FCFA à l’hôpital du point G en 1996, - 37 280 FCFA à l’hôpital Gabriel Touré en 1999, - 64 860FCFA et 76 000 FCFA au centre de santé de référence de la commune V

respectivement en 2001 et 2005, - 56 220FCFA au centre de santé de référence de Koulikoro en 2005

Le même constat est posé (Keita, 2006) au centre de santé de référence de la commune IV du district de Bamako au cours de l’année 2006. Les usagers y dépensaient entre 51 000 FCFA et 121 080 FCFA pour leur prise en charge dans le cadre d’une césarienne avant la gratuité. Ces constats sont confirmés par les prestataires de soins que nous avons interrogés sur les conditions de prise en charge des césariennes avant la gratuité. « Ca fait longtemps que je suis dans la boite, j’ai rencontré pas mal de cas. Auparavant, on pouvait donner l’ordonnance aux accompagnateurs, ils pouvaient faire une journée ou bien la moitié de la journée sans avoir un sou pour pouvoir faire l’intervention. Et l’ordonnance d’une césarienne pouvait aller entre 60 et 70 000 FCFA. Ça dépendait aussi s’il y avait des complications, ça variait selon ça. Mais approximativement 60 000 FCFA. Pas mal de gens avaient des difficultés, la plupart en fait, surtout les gens qui venaient de la brousse. » Personnel « Avant, le coût de la césarienne variait parce qu’il y a des césariennes simples et des césariennes compliquées. Et le coût variait d’un centre à un autre, vu les bilans cliniques qu’on demandait en fonction de l’étendue du plateau technique du centre. Mais dans les centres spécialisés où l’étendue du plateau technique est un peu large, il y avait des examens complémentaires plus poussés donc le coût aussi était plus élevé. Ça variait entre 50 000F et 300 000F. » Personnel « De façon standard, dans notre analyse de la situation qui a précédé l’élaboration du cadre conceptuel de la référence évacuation au dernier trimestre de 2002, nous avons estimé à environ 103 000F CFA tous frais confondu, c'est-à-dire transport, prise en charge et frais indirects, le coût supportée par le patient pour une césarienne. » Personnel

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Les conséquences de cette situation sur la santé des femmes sont évidentes. La prise en charge des femmes, souvent trop tardive, est catastrophique et les décès maternels nombreux. Les adjectifs utilisés par le personnel de santé pour qualifier la prise en charge des césariennes sont éloquents : méthodes kamikaze, crimes… « La période payante de la césarienne, c’était la méthode kamikaze, la catastrophe à l’époque, je te dis. Mais il fallait le faire à tout risque parce que les parents ne pouvaient pour la plupart pas payer tous les produits. Donc les conditions du bloc étaient vraiment catastrophiques. Souvent même les parents veulent nous battre parce que la plupart des maris ne sont pas d’accord pourquoi leur femme ont été césarisées ou sont incapables de payer tous les frais car je te dis, tout était payant : des analyses au bloc et à l’hospitalisation, et cela en dehors des ordonnances. Dans tout cela, le malade ou le mari pouvait payer jusqu’à 60.000F à 80.000F. En cas de complication, là il faut compter environ 200.000F car tous les produits changent et des fois il faut reprendre l’acte. Nous avons cotisé ici pour des cas pour sauver des femmes et leurs enfants. Et je te dis il y a des femmes, par manque de moyens, les parents ou le mari refusent la césarienne et souvent l’enfant vient mort né, d’autres femmes même fuient et reviennent toutes fatiguées et en général l’enfant est mort et souvent nous pouvons perdre la vie de la femme. » Personnel, Kita Même à l’hôpital de Sikasso, où la coopération chinoise intervient directement depuis longtemps, financièrement et médicalement, la gratuité de la césarienne représente un atout. Même si l’acte était déjà gratuit, les médicaments pouvaient coûter 80 000 FCFA, sauf pour les indigents qui bénéficiaient de médicaments mis à leur disposition gratuitement par les chinois. Malgré cela, la décision de référer une femme nécessitait la réunion du conseil de famille, ce qui faisait perdre beaucoup de temps. « J’ai travaillé ici avant la césarienne, la femme perdait son sang, elle marchait à quatre pattes en suppliant de lui donner les médicaments, que son mari va payer après. Les femmes souffraient énormément avant la gratuité. Beaucoup de femmes sont mortes dans les structures sanitaires ici à Sikasso faute de moyens. Beaucoup de gens ont fui en laissant leur carte d’identité ici comme garantie de remboursement. Donc auparavant c’était vraiment pénible, c’était un crime, je te jure. Il fallait 300 000 FCFA pour amener une femme à Bamako et à Sikasso, tu ne payais pas moins de 80 000 FCFA.» Personnel, Sikasso « Je te dis qu’à l’époque ce n’était pas facile. Pour un acte, il fallait payer une somme de trente à quarante mille francs. Et pour quelqu’un qui arrive avec sa femme et qui n’a rien pour faire face à la césarienne, c’est une pitoyable situation. C’est le service social qui s’en charge mais pour réunir les papiers c’est lent et la prise en charge n’est pas rapide. Pour des cas pareils, Dieu seul sait si la femme ou l’enfant vont vivre. Avant, on ne faisait pas plus de 25 à 30 césariennes par trimestre alors que maintenant nous en avons plus de 60 par mois… » Personnel, Sikasso « Avant ! C’était terrible. Il y avait assez de pertes de mamans et d’enfants. Il y avait le manque de moyens financiers de la population, mais je reconnais aussi la carence du personnel quelque part. Les sages-femmes, les matrones, les accoucheuses traditionnelles, par souci du gain, trainaient avec les femmes. Soit vous avez une complication ou même la mort. » Personnel, Bamako

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«Avant la gratuité de la césarienne, c’était grave. Les parents disaient « faîtes la accoucher même si l’enfant meurt. Il y avait le manque de moyens financiers pour faire face à l’acte. » Personnel C’est donc dans ce contexte, où le coût d’une césarienne varie d’un centre à l’autre, en fonction du plateau technique ou des appuis de coopération dont bénéficie telle ou telle formation sanitaire, un contexte également où la prise en charge des femmes est tardive et souvent très délicate, que se met en place la politique de gratuité de la césarienne. On peut alors en attendre une certaine harmonisation des pratiques et une amélioration sensible des conditions de prise en charge. « Aujourd’hui, quelles que soient les difficultés de la gratuité, il n’y a plus que très peu de morts d’enfant ou de femmes en couche, la prise en charge est rapide donc cela crée moins de complications » Personnel 3.2 Une diffusion prématurée de cette décision La décision de la gratuité de la césarienne est prise par le Conseil des Ministres du mercredi 23 juin 2005 et concerne dès le départ tout le territoire national. Elle bénéficie d’une conjonction de facteurs internationaux (pressions des organisations internationales en faveur de la gratuité et de l’amélioration de la santé maternelle) et nationaux (campagne présidentielle en vue du renouvellement de mandat du président de la République). Le communiqué du Conseil des Ministres est lu à la radio et à la télévision le jour même et les familles réclament dès lors l’application de cette mesure « Le président de la République a fait une mauvaise politique en informant directement sur les antennes de la télé la population sur cette gratuité sans expliquer concrètement les contours de cette gratuité. Disons qu’ils ont mis l’attelage avant les chevaux. Quand tu informes quelqu’un de son droit, il faut bien l’informer également de son devoir. L’administration crée le problème et ne cherche plus une solution pour le résoudre et c’est cela le problème de la mauvaise information de la césarienne. Depuis cette information de gratuité, la population ne veut rien comprendre : il n’y a rien de plus difficile que faire entendre raison à celui qui ne veut rien comprendre. » Collectivité décentralisée « L’information est trop politisée. On fait des publicités mais c’est un peu différent de la réalité. Mais si l’Etat n’a pas les moyens de sa politique, quand on fait trop de publicité jusqu’à un certain niveau, ça met directement le niveau opérationnel sur la paille parce que les gens vont se dire toujours que le personnel a la tête dure. Ceux qui font les publicités vont très loin sans qu’il y ait de concordance avec ceux qui sont au niveau opérationnel ». Personnel La lettre circulaire de juin 2005 demande alors aux formations sanitaires concernées d’appliquer la gratuité en préfinançant les différents actes et en pré positionnant les intrants à partir de leur pharmacie, avant même que le contenu du kit soit défini par le niveau national.

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3.3 Un démarrage précipité et improvisé Dans nos trois sites d’enquête, le dispositif opérationnel (moyens humains et matériels) est en place. Les formations sanitaires mettent en oeuvre cette gratuité dès l’annonce, en juin 2005. « Le président de la République le 22 juin 2005 a rendu gratuite la césarienne et nous avons commencé cette gratuité dès le lendemain c'est-à-dire le 23 juin.» Personnel « Notre médecin-chef a pris les devants et a appliqué la politique avant même qu’on ait des médicaments, comme s’il avait une vision politique. » Personnel « On a commencé à prendre les produits dans notre pharmacie parce que c’est politique. On a dit sur les antennes comme quoi la césarienne est gratuite. Tu sais, nous sommes dans un pays où les gens deviennent de plus en plus exigeants. Quelle est la femme qui va venir payer, alors que ça a été dit à la radio que c’est gratuit ? » Personnel « Chaque centre a fait des efforts et des gymnastiques pour rendre gratuite cette césarienne. » Personnel Pour un démarrage, l’approvisionnement en kit se fait selon la prévalence donc sur une base populationnelle. Rien n’est prévu pour le financement du transport des intrants gratuits, que la PPM refuse de prendre en charge. Les DRS doivent par conséquent assurer ce coût et louer des camions, ce qui aggrave les retards d’approvisionnement. De fait, les premiers kits gratuits n’arrivent dans les centres qu’entre fin octobre 2005 et mi février 2006 ce qui oblige les centres à fonctionner sur leur dépôt pharmaceutique pendant plusieurs mois et sans consigne très claire sur le contenu des kits. Autre conséquence, le délai de péremption des produits mis à disposition est réduit et souvent trop court d’autant que les intrants sont au départ distribués en grand nombre, notamment à Bamako. Enfin des problèmes de stockage sont signalés, et à Bamako par exemple, ils étaient encore d’actualité en 2010. « Il faut ajouter que la région n’a pas assez de moyen logistique pour envoyer les intrants à temps. Ce qui fait que les intrants vont dormir un peu au niveau de la direction. Donc au moment où ça arrive à notre niveau, ça se trouve que la marge pour la péremption est restreinte. » Personnel, Kita 3.4 Des contours imprécis

Comme nous l’avions souligné lors de l’étude préparatoire organisée par notre équipe en 2009, les contours de cette politique sont difficiles à cerner, y compris par le personnel. « Pour une référence-évacuation venant d’un CSCOM, l’ambulance est parfois gratuite (si celle du CSREF est disponible, ce qui n’est pas toujours le cas), parfois payante (ambulances de certains CSCOM). La femme évacuée est examinée à son arrivée au CSREF par des sages-femmes, qui, souvent persuadées que les sages-femmes du CSCOM sont moins compétentes qu’elles-mêmes, vont tenter un accouchement par voie basse : il faut alors payer le kit « accouchement ». Si la parturiente doit malgré tout être césarisée, ce kit ne lui sera pas

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remboursé : elle aura donc payé un accouchement normal qui n’aura pas marché, en surplus de sa césarienne gratuite. Les analyses d’urgence (groupage sanguin) sont gratuites. Mais si la césarienne est programmée, les analyses du bilan pré-opératoire sont payantes, alors que la consultation avec l’anesthésiste est gratuite. Un seul produit anesthésiant (anesthésie totale) est disponible dans le kit opératoire gratuit (kétamine) : pour des cas où un autre produit est nécessaire (hypertension), ou si la patiente souhaite une anesthésie loco-régionale, il faudra payer. Après l’opération, le kit post-opératoire est gratuit mais les produits antalgiques (Novalgin), de même que la bi-antibiothérapie ou tri-antibiothérapie fréquemment nécessaires, ne figurent pas dans le kit post-opératoire gratuit, et donnent lieu à ordonnance payante. Les complications post-opératoires immédiatement après la césarienne sont prise en charge gratuitement (sauf les médicaments faisant défaut dans le kit complication), mais pas celles qui surviennent après le retour de la parturiente chez elle. Enfin, les autres complications liées à l’accouchement ou à la prise en charge des grossesses extra-utérines sont payantes. »4 L’emboitement du recouvrement et de l’exemption de paiement pour la césarienne dans le secteur public au Mali

Légende : Formes noires : actes payants ; formes blanches : actes gratuits Les textes présentent certaines lacunes et prêtent à confusion :

- La liste des analyses et des examens gratuits n’a pas été officiellement établie. - Il n’a pas été mentionné quand s’arrêtent « les complications immédiates » ni que

seules les complications immédiates sont prises en charge par la gratuité Dans son article 3, le décret d’août 2005 stipule que « la prise en charge thérapeutique gratuite porte sur l’acte chirurgical, et les examens préparatoires, le kit pour l’intervention

4 Jean pierre Olivier de Sardan, Synthèse générale de l’enquête collective ECRIS sur la gratuité des soins au

Mali, Novembre 2008), p 5

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chirurgicale et le traitement post-opératoire, et l’hospitalisation ». Ainsi, comme le souligne cet auteur 5, « le décret fait seulement allusion aux examens préparatoires alors qu’en cas de complications après l’intervention chirurgicale, la femme pourrait avoir besoin d’autres investigations biologiques. Qu’entendons-nous donc par examens préparatoires ? Dans le même article, le décret parle de traitement post-opératoire sans expliciter le cas des complications post-opératoires. » Un guide est élaboré pour une distribution large dans les centres de santé, y compris les CSCOM et auprès des élus, des associations. Dans les faits, très peu de gens en ont pris connaissance, même parmi le personnel. Dans notre enquête sur l’opinion6, seulement 8% du personnel déclare l’avoir eu à disposition. 3. Des kits généreux et une standardisation problématique des pratiques La gratuité de la césarienne repose sur un système de kit, destiné sans doute à rationaliser les dépenses et à standardiser les procédures. Ce kit est composé selon des standards hospitaliers bamakois. Le kit césarienne est jugé dès le départ très riche, voire trop. « Les kits sont assez fournis et l’on ne peut utiliser tous ces produits pour une seule césarienne. Tu sais, ce sont des professeurs qui ont pensé le kit, donc il y a tous les produits là-dedans. » DRS, Sikasso « Le contenu des kits est suffisant pour une prise en charge efficace des césarisées, c’est même trop. Il y a trop de produits pour un kit par césarienne. Nous disons aux centres d’utiliser le reste de ces produits à leur guise. Mais avec cela, si jamais un seul sparadrap manque dans un kit, ils en font un problème » DRS, Bamako On reproche néanmoins une prise en charge insuffisante de la douleur et de l’infection. Par ailleurs, la standardisation pose problème.

- Elle complique la prise en charge de cas particuliers (femmes présentant des contre-indications)

- Elle ne prend pas en compte des pratiques spécifiques, telles que l’anesthésie locale, pratiquée dans certains sites (à Sikasso, du fait de la coopération chinoise)

- Enfin, rien n’est prévu pour la prise en charge des césariennes compliquées pour lesquelles la gratuité doit être également appliquée. Les centres adoptent alors différentes stratégies pour faire face à cette situation : échange de produits avec la pharmacie, utilisation de plusieurs kits par femme césarisée, constitution d’un « hors kit » généreux, délivré gratuitement aux patients et dont on demande le remboursement à l’Etat (Sikasso). Un CSREF préfère demander une contribution aux patients, jusqu’à ce qu’il soit rappelé à l’ordre lors des premières supervisions.

5 Cissé, 2007

6 Les politiques de gratuité dans leur contexte. La perception des acteurs maliens, Laurence Touré, septembre

2010

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3.6 Un premier bilan et des aménagements envisagés Un an après le démarrage de la politique, un premier bilan est établi7. Il fait ressortir : - L’augmentation sensible du nombre de césariennes - La disponibilité des kits sur l’ensemble du territoire. - La nécessité de prévoir un kit césarienne compliquée (pour un tiers des césariennes) Une révision de la composition des kits en 2007 aboutit à l’élaboration assez consensuelle d’un kit césarienne compliquée qui, selon les estimations, doit concerner un cas de césarienne sur dix. Des rencontres sont organisées par la DNS en impliquant le personnel des régions, anesthésistes, gynécologues pour discuter et finalement fixer son contenu.

7 Etat de la mise en œuvre de la stratégie de césarienne gratuite (SCG) au Mali, DNS avec l’appui technique

de USAID/ATN, avril 2007

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IV L’application actuelle de cette politique Six ans après le début de cette politique, il est possible de se faire une bonne idée des conditions de son application et de ses conséquences. 4.1 Une augmentation indéniable du nombre de césariennes, qui donne lieu à diverses interprétations Le premier constat qui s’impose et au regard duquel on doit apprécier les autres conclusions, est une augmentation continue du nombre de césarienne, partout et de manière significative. Ainsi, un rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de la césarienne portant sur la période de 2005 à 20088 conclut par :

- Une augmentation du nombre d’accouchements assistés au Mali - Une augmentation sensible du nombre de césariennes. Le taux de césarienne sur

l’ensemble du pays est passé de 0,94% en 2005 à 2,17% en 2008 ; avec cependant des disparités régionales importantes :

o Région de Kayes : 0,45 à 1,47 o Région de Sikasso : 0,54 à 1,75 o Bamako : 2,72 à 7,11

Les données que nous avons recueillies dans les trois sites d’enquête indiquent également une progression sensible : Site de Bamako, CSREF commune 1

Nombre de césariennes

Dont nb urgences Nombre mensuel moyen

2005

2006

2007 636 53

2008 682 56,8

2009 774 645 64,5

2010 777 642 64,8

2011 850* 593* 77,3

*En rouge (chiffre sur 10 mois)

Site de Kita ; CSREF

Nombre de césariennes Nombre mensuel moyen

2004 56 4,7

2005 130 10,8

2006 175 14,6

2007 185 15,4

2008 281 23,4

2009 387 32,3

8 Rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de la césarienne de 2005 à 2008, août 2009, ministère de la

Santé

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Site de Sikasso, Hôpital

Nombre de césariennes Nombre mensuel moyen

2005

2006

2007 584 48,7

2008 579 48,3

2009 745 62,1

2010 766 63,8

2011 826 68,8

L’argument technique selon lequel une augmentation du nombre de césariennes signifie une meilleure prise en charge de la santé maternelle et des vies sauvées est bien présent mais il ne fait pas l’unanimité au sein du personnel de santé. Et les usagers y semblent peu sensibles, sans doute par manque d’information mais surtout du fait de la méfiance qui imprègne les relations entre usagers et personnel de santé. « Le nombre de césarienne progresse et je pense que c’est une bonne chose parce que selon l’OMS, il y a dans la population de femmes en âge de procréer, 5% de ces femmes qui doivent obligatoirement subir une complication de l’accouchement. Actuellement nous sommes à un peu plus de 2% pour l’ensemble de la population du Mali, c’est très faible. C’est pour dire que jusqu’à présent nous n’avons pas notre rythme optimal. Mais si on demande à la population, elle dit que maintenant, dès que tu pars à l’hôpital c’est fini, on va t’opérer. Je crois que ça aussi n’a pas été suffisamment expliqué aux populations pour leur faire comprendre que la césarienne, c’est pour éviter que la femme et l’enfant meurent. » Personnel « Il y a des gens qui ne veulent rien comprendre. Certains se demandent pourquoi on césarise. J’ai le cas d’une femme qui a eu une difficulté d’accouchement. On lui a fait des manœuvres extractives notamment la ventouse mais cela n’a pas marché et l’enfant souffrait. Donc on a informé l’accompagnante et on a fait la césarienne pour sauver la femme et l’enfant. Quand le mari est venu, il nous a reproché d’avoir opérer sa femme sans l’aviser. Il a fait beaucoup de bruit et il a même amené un huissier de justice avec lui. Après le monsieur a été écrire dans le journal « les échos » comme quoi, nous sommes pris de fièvre de césarienne, que toutes les femmes qui viennent on les opère tout de suite. Donc ces trucs, ce n’est pas facile à gérer. » Responsable sanitaire De fait, l’augmentation du nombre de césariennes donne lieu à diverses spéculations. Plusieurs explications sont avancées :

- Le fer donné aux femmes enceintes « Il y a quelques années de cela dans mon quartier, on a constaté que toutes les femmes qui ont bénéficié des médicaments rouges gratuits (fer) ont eu des césariennes. Les femmes qui ont reçu ces médicaments et ayant refusé de le consommer totalement ou pas du tout ont accouché par voie basse. Mais toutes celles qui ont pris comme les agents leur avaient prescrit ont eu de gros enfants et ne sont parvenus à les mettre au monde que par césarienne. Selon moi, la césarienne en grande quantité est un problème qui est dû aux médicaments rouges gratuits (fer). Depuis lors quand je vois une femme enceinte en train de

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consommer ces mêmes médicaments rouges (fer), je lui dis de ne prendre qu’une partie et de jeter le reste. » Usager

- Les matrones ou sages-femme ne se fatiguent plus pour faire accoucher les femmes par voie basse et les réfèrent très vite.

« La hausse des césariennes est due au manque d’application des sages-femmes et des médecins. Il y a des femmes césarisées qui avec un suivi sérieux peuvent accoucher par voie basse. » Personnel

- Le personnel n’hésite pas à «déchirer le ventre des femmes » par appât du gain (ristournes perçues par césarienne)

« Avant, on aménageait les femmes, on employait des techniques pour que la femme accouche sans être césarisée. Il n’y a pas d’indemnités dans ces techniques, alors qu’il y a des indemnités dans la césarienne. Donc toute femme qui vient, il faut déchirer son ventre. Ainsi on aura beaucoup de femmes césarisées. Quand la femme arrive, on ne cherche pas de midi à 14 H. Si c’est une proche, on peut chercher des moyens pour qu’elle accouche, mais si ce n’est pas une proche, quand elle arrive on l’amène au bloc directement, on te déchire le ventre et on te donne ton enfant. » Personnel « Avant on se disait que si on sauve la maman, elle pourra faire d’autres enfants. Il n’y a plus ça maintenant. Si l’enfant ne trouve pas le passage dans le cas du bassin rétréci, on opère la maman. Et ils font tellement de commentaires techniques, alors qu’au fond ce n’est pas ça. Ils défendent tout simplement les indemnités qu’ils gagnent. C’est pour cela qu’ils opèrent toutes les femmes. » Personnel « Avant, Il y avait des femmes qui font une 1ere césarienne, mais les autres enfants, elle les accouche normalement. Mais maintenant, si l’on sait que la femme a fait une 1ere césarienne, c’est fini, à chaque fois qu’elle est en travail, on ne cherche plus à comprendre, on l’opère. Dans ces conditions, la femme est obligée de limiter la naissance. Après trois opérations, sans l’aide du bon Dieu, la femme ne peut plus faire d’enfant. Est-ce que dans ce cas, on n’assistera pas à la réduction du nombre de la population ? Si on lutte contre la mortalité des enfants avec les vaccins et que l’autre coté on œuvre pour empêcher les mamans de produire, de procréer, ça aussi c’est un problème. » Personnel Cela reste des spéculations. Mais au Sénégal, où la gratuité a également entraîné une augmentation très sensible du nombre de césariennes (dépassement des prévisions de 124% et jusqu’à 50% des accouchements dans certains hôpitaux !), l’auteur9 montre que cette augmentation varie selon les formations sanitaires, en fonction des modalités de mise en œuvre de la césarienne qui a été retenu (subvention totale, subvention partielle, système de paiements directs), ce qui tend à prouver que le bénéfice retiré par le prestataire ou par la formation sanitaire influe sur le nombre de césariennes réalisées, au-delà des discours normatifs des soignants.

9 Mbaye E., 2011

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4.2 Quelques études de cas à titre d’illustration Nous n’avons pas cherché à faire une analyse statistique des 48 études de cas, faute de corpus insuffisant et homogène. Nous pouvons néanmoins affirmer qu’elles montrent à l’évidence une amélioration sensible des conditions de prise en charge de la césarienne depuis l’instauration de la gratuité. Nous avons pu apprécier, et les familles également, la rapidité de prise en charge lors de l’arrivée de la parturiente. Concernant le coût supporté par les familles, ces cas illustrent également une réelle réduction des dépenses même si, à l’évidence, certaines d’entre elles ne devraient pas être à la charge des patients. Au-delà de ce constat, les situations sont assez contrastées et certains problèmes ou dysfonctionnements demeurent ou limitent la portée de cette gratuité. Nous avons choisi d’illustrer cette diversité par huit témoignages, pris dans les différents sites. Les deux premiers cas concernent des césariennes programmées. Le premier concerne une femme qui a bénéficié d’un suivi particulier et des services du chirurgien gynécologue en personne pour son intervention, moyennant finances. Nous avons pu joindre cette femme par l’intermédiaire de son mari, voisin et ami de grin de l’assistant de recherche. Témoignage 1 : « J’en suis à ma 4ème césarienne. J’ai fais les deux premières à Gabriel Touré et à ce moment là, la gratuité n’existait pas. Mon mari a tout payé, les analyses, les produits, les frais de bloc, l’hospitalisation. Il a même tellement payé qu’il était devenu comme un fou. Rien que la chambre était payée à 2.500 FCFA par nuit et pour la 2ème césarienne, j’ai fais neuf jours à l’hôpital. Pour mes grossesses, je suis suivie par le gynécologue du CSREF. Pour cette dernière grossesse, mon mari a tout payé. Je sais depuis le départ que c’est une autre césarienne et toutes les analyses prescrites par le gynécologue pendant la grossesse se sont faites dans une clinique privée. J’en ai fait une à plus de 25 000 FCFA, une autre à 30 000 que mon mari a pu négocier ailleurs à 10 000 FCFA, une échographie à 7 000 FCFA, tout cela en dehors des ordonnances. Les produits que le docteur nous donne (fer) sont différents des autres et plus efficaces. Les fers n’ont pas la même couleur que les autres fers. Au terme de ma grossesse, j’ai été programmée pour le bloc et c’est le gynécologue lui-même qui m’a opérée. J’ai eu si peur cette fois-ci que j’ai eu l’impression que ma chair va se détacher de mes os. Ce n’était pas ma première césarienne pourtant, mais je n’avais pas pris le fer normalement, peut-être par négligence. Mon mari a payé le docteur pour cet acte, mais passons sur ce sujet, il travaille bien. Sinon, nous avons bénéficié gratuitement des produits et de l’hospitalisation et payé seulement 2 à 3 sérums et quelques produits. Je suis restée trois jours hospitalisée et à ma sortie, j’ai payé tous les produits du pansement et c’est un jeune interne qui vient me faire le pansement chaque 3 jours. Je lui donne 1 000F pour son carburant. C’est le gynécologue qui m’a fait cette faveur. Je ne suis pas obligée de me rendre au CSREF pour le pansement. Je vois donc une grande différence entre avant et aujourd’hui, une différence financière très importante. Franchement je trouve que c’est bien pour nous les femmes et pour nos maris qui payent. » Témoignage 2 : Cette femme est originaire d’un village du cercle de Sikasso distant d’une trentaine de kilomètres. Elle a 30 ans et c’est sa deuxième grossesse et deuxième césarienne. L’entretien s’est déroulé à la sortie de l’hôpital « C’est la 2e fois que ma femme se fait césariser, la 1ere fois parce que l’enfant était trop gros, cette fois-ci parce que d’après la matrone, l’enfant se présentait mal. pour cette

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grossesse, j’ai toujours obligé Madame à suivre de façon régulière les CPN. La matrone nous a demandé de venir à Sikasso. Ma femme est venue en ambulance et je l’ai suivie en moto. Nous n’avons rien payé pour le transport. Une fois à la maternité, en salle d’accouchement, la sage-femme m’a informé qu’elle devait être césarisée pour le bien de ma femme comme de l’enfant. J’ai accepté tout de suite et ma femme a été admise au bloc opératoire. Quand ma femme est partie au bloc, j’ai payé une ordonnance de 13 500 FCFA. Pendant ses trois jours d’hospitalisation, je n’ai payé que des petites ordonnances de 500 F au plus. La première nuit, je n’étais pas tranquille et je n’ai pas dormi. Je ne faisais que des va-et-vient entre l’emplacement des accompagnants, juste derrière et la salle d’hospitalisation à la maternité. Imagine, une femme qui vient d’être césarisée, hospitalisée, sans accompagnant à coté d’elle, seule avec les infirmières qui peuvent dormir, personne pour donner l’alerte si le sérum finit ou pire si la femme tombe de son lit… mais tout s’est bien passé, vraiment. » Les quatre témoignages suivants concernant tous des césariennes réalisées dans l’urgence, pour des femmes originaires de villages relativement éloignés de l’hôpital ou du CSREF. Ils montrent que le coût de la prise en charge d’une césarienne est variable selon les patientes, et ils illustrent particulièrement le dysfonctionnement du système de référence évacuation. Témoignage 3 : Il concerne une femme originaire d’un village situé à environ 50 km du CSREF de Kita. L’entretien a été réalisé dans la cour du CSREF avec la belle-mère de la femme césarisée. « Ma belle-fille suivait les CPN au CSCOM de leur village et elle en est à sa première maternité. Lorsque nous sommes arrivées au CSCOM, nous avons payé 2 500 FCFA pour l’accouchement. Vers 20h le soir, comme ma belle-fille n’arrivait pas à accoucher, la matrone et le chef de poste ont décidé de prévenir le CSREF. Notre CSCOM dispose d’une ambulance et c’est ce que nous avons pris pour rejoindre le CSREF, après avoir payé 20 000 FCFA de carburant. A notre arrivée au CSREF vers 23h, nous avons été accueillis par un infirmier de garde. La parturiente a été amenée à la maternité, et c’est le médecin du CSREF qui était de garde qui a posé le diagnostic de césarienne. Nous n’avons rien payé si ce n’est un flacon de mercurochrome pour les pansements. » Témoignage 4 : Cette femme de 35 ans, originaire d’un village distant d’une soixantaine de kilomètres de Sikasso, en est à sa huitième grossesse pour 5 enfants vivants, dont celui né par césarienne. Cette étude de cas est relatée par le mari. « Ma femme a commencé le travail mais elle n’a pas pu accoucher. Je l’ai donc amenée ici. Nous sommes aujourd’hui samedi et notre premier tour au CSCOM date du mardi. On a passé la journée là-bas, elle avait mal au ventre et nous on croyait que c’était le début du travail. On a dépensé 5 070 FCFA ce jour là et nous sommes rentrés chez nous pour revenir le jeudi. Le travail a commencé jeudi dans l’après midi vers 18 heures. Nous étions au hameau et j’ai quitté là bas avec elle en moto vers 2h du matin. Arrivé au CSCOM, je suis allé réveiller la matrone. Après la consultation, elle m’a dit que ma femme est en travail mais que le moment d’accoucher n’est pas arrivé. Elle lui a fait une injection et j’ai payé 3 000 FCFA. On nous a libérés à 10 heures, en disant qu’à ce stade du travail, le mieux c’est d’amener la femme à Sikasso. Nous avons dépensé là plus de 20 000 FCFA, sans compter les petites dépenses. Nous avons été transportés à Sikasso par ambulance et nous avons payé 22 400 FCFA pour le déplacement. Quand on est arrivé, ils ont commencé leurs travaux. Ils sont venus nous dire

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qu’ils pensaient qu’elle allait pouvoir accoucher normalement et nous ont fait payer une ordonnance de 2 550 FCFA, puis une autre de 7 550 FCFA, juste avant de l’emmener en salle d’opération. Elle a finalement été opérée et en réalité, les agents de santé ont fait de leur mieux dans la prise en charge, c’est moi-même qui avais perdu l’espoir. A n’importe quelle heure, on va les voir et on les trouve disponibles. Quand la femme sentait des douleurs, je partais les appeler et ils venaient la voir. J’avais 15.000 FCFA avec moi. Je travaille dans le champ de quelqu’un qui me paie et c’est mon employeur qui a avancé les frais. Je viens de recevoir une deuxième ordonnance et je ne sais pas combien je vais devoir payer au total. Ils ont parlé de 15 000 FCFA pour l’opération avant de l’emmener. Mais, maintenant la femme va bien, à part les douleurs, et l’enfant aussi ». Témoignage 5 : Cette femme est venue d’un village assez éloigné de Sikasso. Son mari témoigne : « Quand ma femme a senti des douleurs d’accouchement au village, je l’ai amené au centre de santé et une heure durant, ils ont gardés ma femme en observation. Ils m’ont fait payer 3 000 FCFA. Après, ils nous ont donné un papier en disant que ma femme ne peut pas accoucher ici et qu’il faut partir à l’hôpital. De là-bas, j’ai donc loué un véhicule à 15 000 FCFA. Quand nous sommes arrivés à l’hôpital, deux infirmières sont venues accompagner ma femme dans la salle d’accouchement. L’une d’elles est ressortie pour me demander de payer 15 000 FCFA d’ordonnance. La même infirmière est revenue 10 mn après pour me dire qu’il faut opérer ma femme. Après l’intervention, on m’a remis un carton contenant des produits, en me disant que c’est une aide de l’Etat malien pour les césarisées. Ça m’a soulagé beaucoup. L’enfant est un peu fatigué, et j’ai payé pour lui 10 000FCFA d’ordonnance. Depuis le CSCOM, je savais que l’acte de césarienne est gratuit et cela s’est vérifié. » Les trois témoignages suivants montrent que la qualité des soins reste aléatoire et que la gratuité a accentué certains dysfonctionnements du système, que ce soit la faible implication du personnel qualifié ou la mauvaise gestion du matériel. Témoignage 6 : Cette femme est originaire de la ville de Kita. Rencontrée à domicile, elle relate les deux accouchements qu’elle a vécus, le premier par césarienne en 2006 donc après le démarrage de la politique de gratuité de la césarienne, le second il y a deux ans par voie basse, dans les deux cas au CSREF. « J’ai été césarisée en 2006. Lorsque le travail a commencé, j’ai averti l’infirmière qui me suivait pour les CPN. Celle-ci m’a conseillé de partir au CSREF. Mon mari a alors cherché un véhicule particulier pour m’amener là bas. Au CSREF, ils m’ont amenée à la maternité où mon mari a du payer 20 000F pour des analyses. On lui a dit que la position de l’enfant ne permettait pas l’accouchement par voie basse. C’est ainsi que les agents de santé ont décidé de me faire subir une césarienne qui a été pratiquée par le major de la chirurgie. Je suis restée une semaine au CSREF et je ne connais pas précisément ce que mon mari a payé mais je sais que cela vaut environ 25 000 FCFA en ordonnances. Et certains médicaments m’ont même été volés par les stagiaires pendant l’hospitalisation. Mon deuxième accouchement, il y a deux ans de cela, s’est fait par voie basse. Après l’accouchement, le médecin a conseillé aux stagiaires de me masser pour faire sortir le sang qui se trouvait encore dans le ventre. Je leur ai bien dit de faire doucement car j’avais subi une césarienne quelques années auparavant, mais ils m’ont malmenée jusqu’à ce que la cicatrice s’ouvre. Les stagiaires ont eu peur et ont fait appel au médecin. Celui-ci a présenté ses excuses à mon mari et proposé de camoufler cette affaire en faisant comme si je venais de subir une césarienne. Ils ont donc

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fait sortir un kit et monté un dossier dans ce sens. Pas mal de gens nous ont conseillé de porter plainte, mais nous avons jugé, mon mari et moi, que cela ne valait pas la peine. » Témoignage 7 : La personne qui relate cette histoire a été rencontrée par l’intermédiaire de connaissances. Nous n’avons pas eu d’information sur la femme césarisée, juste une description de son parcours pour bénéficier enfin d’une prise en charge et cela dans un contexte bamakois. « Je cherchais une occasion pour pouvoir raconter ce que j’ai vécu avec ma copine le 21 novembre 2010 pour son accouchement. J’avais même pensé approcher une radio FM ou un journal pour dénoncer le caractère inhumain des agents de santé mais mon mari s’y est opposé. Dieu merci aujourd’hui je peux te raconter cette histoire, toi qui enquêtes sur la question. C’est l’histoire de ma copine que j’ai accompagnée pour son accouchement. Elle a fait toutes ses consultations prénatales dans un CSCOM de la commune et moi-même j’ai remarqué que son carnet était très mal rempli. J’ai fais des grossesses et je sais comment doit se faire le remplissage du carnet. Le jour où les contractions ont commencé, nous sommes parties ensemble au CSCOM où la sage-femme nous a retenues toute la journée jusqu’à minuit, Elle a simplement fait une injection et dit à mon amie de marcher de temps en temps. Finalement, elle nous a dit de retourner à la maison et de revenir le lendemain matin à 8 heures. Le lendemain, à 10h il n’y avait rien de nouveau et elle est incapable de nous donner une explication, même pas la position de l’enfant. Je lui ai demandé si elle ne peut pas nous référer au CSREF et c’est ainsi qu’elle a appelé l’ambulance qui nous transportée au CSREF et pour laquelle nous avons payé 1 000FCFA. Au CSREF, nous sommes tombées sur une sage-femme qui est une tante à moi. Elle nous a accueillies et après avoir examiné ma copine, elle a dit que l’enfant est dans une position normale. Nous avons été retenues six heures là-bas et finalement la sage-femme a conclu par la nécessité d’effectuer une césarienne. Le comble dans tout ça, c’est que le CSREF nous a dit qu’il ne pouvait pas faire cette césarienne, non que le cas dépasse leur compétence mais parce que le bloc venait d’être utilisé et qu’il n’était pas possible d’avoir du matériel stérilisé disponible pour une nouvelle intervention. Ils nous ont simplement envoyé au CSREF de Missira. Pour partir là-bas avec l’ambulance, j’ai dû m’accrocher aux habits du chauffeur qui disait avoir un problème urgent à régler en ville pour avoir son prix de condiment. A Missira, ils ont refusé de nous prendre sous prétexte qu’un CSREF ne peut pas référer à un autre CSREF. Ils se sont plaints de l’autre CSREF en disant qu’il leur envoie toujours des cas fatigués, épuisés et nous ont renvoyées sur l’hôpital Gabriel Touré. Mon amie était en pleurs, fatiguée. Nous commencions à penser qu’elle va mourir. Arrivées à l’hôpital GT, le service gynécologie s’est plaint aussi de notre CSREF de départ en disant qu’ils ne prennent plus de gens envoyés par ce CSREF car ils ne sont pas sérieux. Et ils nous ont renvoyé sur l’hôpital du Point G, malgré toutes nos supplications car nous avions peur de mon amie ne tienne pas plus longtemps. Il a fallu qu’un interne sorte du bloc et reconnaisse ma copine en disant « c’est la sœur de mon meilleur ami, elle va rester nous allons nous en occuper », pour qu’elle soit finalement admise dans leur service. C’est la seule raison qui a fait que nous sommes restées à Gabriel Touré. Le chauffeur de l’ambulance a réclamé de nouveau 1 000FCFA en menaçant de repartir avec le dossier médical de la malade. J’étais fatiguée et j’ai refusé de donner cet argent. Le chauffeur est finalement reparti avec le dossier ce qui nous a posé pas mal de problèmes ensuite. Les agents de Gabriel Touré disaient que sans dossier donc sans avis sur ses antécédents médicaux, ils ne peuvent pas faire la césarienne. J’ai tout expliqué en vain. Nous avons payé encore des injections. La femme souffrait beaucoup et il a fallu que l’équipe de garde arrive

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pour qu’on accepte de la prendre en césarienne à 19h. Elle est sortie du bloc à 20h sans problème avec son enfant. C’était un véritable soulagement. Et à part les analyses que nous avons payées, les produits au bloc et en hospitalisation nous ont été donnés gratuitement. Elle est restée 3 jours à l’hôpital. Moi je pense que c’est la gratuité de la césarienne qui nous a fait trainer aussi longtemps. Nul doute que si l’argent devait être payé directement, ils allaient trouver une solution pour la faire au premier CSREF. Vraiment le gratuit, ce n’est pas bien. » Accompagnante césarienne, novembre 2011 Témoignage 8 : Cas nous a été rapporté par un membre du personnel de l’un de nos sites d’enquête et parent de la personne césarisée « Il s’agit d’une belle sœur à moi et cela s’est passé début décembre le 7 décembre. Ma femme avait passé une première nuit au CSCOM avec la malade et c’est même moi qui ai demandé de l’amener ici. Mais pour la césarienne, qui a eu lieu à 4H du matin, je n’étais pas présent. Quand la femme a quitté le bloc, elle est allée à la maternité. Les accompagnants n’ont pas le droit de rentrer et ma femme a quitté l’hôpital à 2H du matin pour rentrer à la maison parce que les enfants l’attendent. On l’a mise dans son lit d’hospitalisation, sans suivi ni accompagnement et elle s’est vidée de tout son sang. C’est une primipare âgée et sa première fille vient même de terminer avec l’université. C’est elle qui a téléphoné à sa maman pour prendre de ses nouvelles et qui est venue la voir. L’infirmière ne voulait même pas qu’elle rentre. Elle a insisté. Et quand elle est rentrée, la malade lui a dit : « je vais mourir, tout mon sang a coulé, tout mon pagne est mouillé, va vite appeler les médecins sinon je vais mourir. Personne ne répond à mes appels. ». Sa fille a alerté tout le monde et on a tenté de lui faire une transfusion mais c’était trop tard. Quand la fille est venue me dire qu’il y avait un problème et que sa mère avait besoin de sang, je suis allé rapidement à l’hôpital et c’est là qu’on m’a dit que la femme était décédée. On m’a demandé qui était cette femme pour moi et on m’a dit que cela n’avait pas marché avec elle. J’ai demandé des explications car je savais que qu’elle n’avait aucun problème de santé particulier. La sage-femme m’a dit que la femme s’est vidée de son sang et qu’elle a fait arrêt cardiaque. Je leur ai répondu que si elle n’avait pas fait d’arrêt cardiaque au bloc, ce n’est pas dans sa chambre qu’elle allait en faire un et qu’il fallait qu’ils me disent quelque chose que je peux comprendre. Ça a chauffé. Je leur ai dit que ma belle mère est anesthésiste et que si jamais elle se rend compte que la femme n’est pas décédée au bloc, elle va leur rendre la vie difficile. On s’est réuni et je suis allé chercher l’enfant. La belle mère est venue et elle a demandé de situer les causes. Je lui ai dit d’arrêter ça, que c’est un manque de suivi. Je lui ai dit qu’elle même a travaillé ici, de deux que je suis aussi agent de santé ici, et enfin que ma femme, donc sa fille, est aussi agent de santé ici. Que si on tire trop sur cette affaire, le jour où l’un de ses enfants aura un problème, qu’est ce qu’on fera…Elle s’est mise à pleurer et elle m’a dit qu’elle a compris. On est allé enterrer la femme. A l’audit, ils ont dit que sans moi, ils allaient avoir des problèmes. J’ai su que c’était le chef du service qui était de garde mais il avait laissé les internes faire l’opération sans suivi. Et la sage-femme de garde a juste donné des injections à faire à la malade, sans se déplacer, bien qu’on soit allé la réveiller deux fois. S’il y avait eu un suivi, on serait vite allé chercher du sang et l’anesthésiste. »

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4.3 Un niveau d’information insuffisant des soignants et des usagers Il est très rare de voir quelqu’un arriver pour une césarienne sans être informé au préalable de la gratuité de la césarienne, que ce soit par la radio, ou par le personnel du CSCOM qui a organisé la référence. En général cependant, les accompagnants s’attendent toujours à payer quelque chose et viennent systématiquement avec de l’argent. L’étude que nous avons menée sur l’opinion et le niveau d’information de quatre catégories d’acteurs sur les politiques de gratuité montre que la gratuité de la césarienne est un fait connu mais que les contours du paquet de gratuité sont moins bien maîtrisés : seulement 15% des usagers savent que les complications de la prise en charge des césariennes sont traitées gratuitement et 23% que les examens/analyses complémentaires sont gratuits. Enfin, la gratuité de l’hospitalisation en cas de césarienne est connue des professionnels de santé et des élus mais très peu des usagers. « Si tu veux rendre quelque chose gratuit, tu prends tous les volets en compte ou bien tu en délimites le contenu. La gratuité de la césarienne, ça commence à ça jusque là. Or il y a plein de cadres dans cette boite, qui opèrent nuit et jour et qui ne connaissent même pas la composition réelle du kit césarienne, qui ne savent même pas si la gratuité de la césarienne concerne les examens de labo, les complications etc. On ne sait pas. Les gens sont en train de nager là-dedans. » Personnel stagiaire Cette situation laisse une grande marge d’interprétation et de manœuvre au personnel, souvent au détriment des usagers. « Malheureusement, les agents de santé au Mali sont plus dangereux que les épidémies parce qu’ils font tout pour que ça se bloque, pour que l’information soit bloquée. Certains utilisent d’ailleurs ça comme des trucs mercantilistes. » Personnel stagiaire, Bamako 4.4 Un dispositif de référence évacuation peu fonctionnel On note sans surprise que la décision d’évacuation sur un centre de santé de référence échappe encore aux femmes directement concernées et que les familles restent réticentes vis-à-vis de la césarienne. Nous avons pu constater la crainte terrible que la césarienne suscite : les femmes et leurs accompagnants sont tous visiblement très éprouvés par cette perspective, même dans un contexte de gratuité. De ce fait, l’idée selon laquelle les femmes n’hésiteraient plus à demander des césariennes de confort nous parait assez improbable. Tout nous ramène plutôt aux conclusions d’une étude réalisée sur cette question au Bénin10: les césariennes effraient et une pression est exercée sur les femmes pour éviter une médicalisation de l’accouchement. Les conséquences d’une césarienne peuvent être fâcheuses : divorce, le mari invoquant son incapacité financière à faire face aux maternités d’une telle femme ; limitation du nombre de naissances ; limitation de la capacité de travail d’une femme césarisée, etc.

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Olivier de Sardan et Bako Arifari, 2011

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Ainsi, pendant notre période d’observation, nous avons assisté au cas d’une femme référée en l’absence de son mari dont la césarienne a été différée car ce dernier, joint par téléphone, refusait que sa femme soit césarisée. Les membres de la famille présents n’osaient prendre le risque de contrer cette décision alors même que la césarienne était gratuite. La politique de gratuité peut bien sûr jouer en faveur d’une prise de décision plus rapide de la famille pour l’évacuation d’une parturiente, surtout si le système de référence évacuation est fonctionnel. De fait, au Mali, la mise en œuvre de ce dispositif a précédé la décision de gratuité de la césarienne. Des fonds importants ont été mobilisés pour faire aboutir une démarche participative et décentralisée, cercle par cercle, afin de définir le mode de répartition des coûts du transport entre acteurs (usagers, associations de santé communautaires, collectivités commune et cercle et le centre de santé de référence) et d’alimenter ainsi une caisse de solidarité. En revanche, les modalités de gestion de la caisse de solidarité n’ont pas été arrêtées avec précision et font encore l’objet de nombreuses contestations (gestion non transparente, accaparement des fonds par le CSREF). Très vite, la faible implication des acteurs communautaires et élus a été dénoncée, avec un fonctionnement de plus en plus aléatoire du dispositif. Suite à la déclaration de la gratuité de la césarienne, l’Etat a demandé une révision des textes afin d’exempter de contribution, d’une part les usagers, d’autre part le CSREF, chargé uniquement d’assurer l’entretien de l’ambulance. Leurs cotisations ont alors été réparties entre les instances communautaires et les collectivités territoriales. Le niveau national reconnait que le système de référence évacuation pose sérieusement problème et qu’il a été très affecté par la gratuité, les collectivités ayant compris que l’évacuation était maintenant prise en charge par l’Etat comme la césarienne. Ainsi, et selon la DNS, le taux de recouvrement des fonds des caisses de solidarité, tous acteurs confondus, était de seulement 21% en 2009 avec néanmoins de fortes disparités régionales. Le taux de recouvrement des Asaco s’élevait à 30% et celui des mairies à 8%. De fait, la fonctionnalité du système de référence évacuation varie dans nos trois sites d’enquête :

- Sikasso est un cercle très vaste dans lequel le dispositif de référence évacuation a longtemps bénéficié de l’appui de la coopération suisse. Aujourd’hui, le système est peu fonctionnel : 30% seulement des Asaco et 10% des mairies cotisent. On constate d’ailleurs qu’un grand nombre de femmes arrivent à l’hôpital à leurs frais et souvent en moto. Cette situation est attribuée à deux situations conflictuelles qui perdurent entre certains acteurs et entraînent une démobilisation des cotisants à la caisse de solidarité : Le CSREF et le Conseil de cercle sont en conflit ouvert depuis plusieurs années,

l’ancien médecin-chef refusant d’entendre parler de toute implication des collectivités, et particulièrement du Conseil de cercle dans la santé. La situation s’améliore progressivement depuis l’arrivée de son successeur mais le Conseil de cercle manifeste son mécontentement d’avoir été tenu à l’écart, en refusant de contribuer.

« Ce système est mal organisé, les cotisations ne tombent pas. Je suis le gros payeur, mais je n’ai jamais payé (conseil de cercle). Il faut le dire, le cadre de dialogue entre le conseil et le CSREF n’existait pas, le précédent médecin-chef avait coupé le pont. Ce n’est qu’avec le

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nouveau médecin-chef que nous essayons de reconstruire les choses. » Elu, collectivité décentralisée

Le CSREF n’est doté que très récemment d’un bloc opératoire (suite au déménagement de l’hôpital dans de nouveaux locaux en 2011) et il n’assurait jusque là aucune césarienne. En revanche, il contribue de manière essentielle au système de référence évacuation et assure notamment l’entretien et la mobilisation des ambulances. Concrètement, les évacuations coûtent de l’argent au CSREF alors que les césariennes bénéficient à l’hôpital, qui refuse de participer à la caisse de solidarité.

« Notre rapport avec l’hôpital c’est un peu comme celui de deux paysans, le premier qui joue un grand rôle sème, entretient le champ, et l’autre qui vient récolter une fois que le champ est arrivé à terme. Nous ne gagnons presque rien des ristournes de la césarienne. Chaque année, une somme d’environ 50.000.000 FCFA est reversée à l’hôpital de Sikasso pour la césarienne. Mais pour atteindre un tel résultat, il y a bien nous derrière. J’ai souvent demandé à ce qu’une partie des ristournes de l’hôpital soit reversé au CSREF puisque nous avons un grand rôle à jouer et vu le non financement de la référence évacuation. Dans le cadre de la gratuité de la césarienne, les textes prévoient que la réparation des ambulances et les petites pannes sont à la charge du CSREF. Ce que les textes ne disent pas, c’est que si vous amenez une ambulance dans un certain état à la réparation au compte de l’Etat, vous risquez de la perdre définitivement. Ils risquent de mettre ce véhicule à la réforme. Il vaut donc vaut mieux se débrouiller soi-même pour réparer l’ambulance, ce qui coûte de l’argent. » Responsable sanitaire

- A Kita, cercle également très vaste, les mairies cotisent à hauteur de 13%, le Conseil de cercle n’a pas cotisé, les Asaco sont entre 70 et 80% de cotisation et le CSREF à 100% (situation 2009, données CSREF). Le dispositif a été révisé en 2006, après la gratuité, avec l’appui de la coopération canadienne, en prévoyant même un élargissement de la référence évacuation gratuite aux grossesses extra utérines et aux détresses néonatales.

On constate que le système de référence évacuation est fonctionnel pour les aires de santé à jour de leur cotisation. Le CSREF s’est lourdement endetté en préfinançant la caisse de solidarité et ne peut plus assurer toutes les demandes. Le médecin-chef envisage maintenant de commencer « à penser comme un gestionnaire et non comme un médecin, le gestionnaire ne se souciant pas de ce que va devenir une femme en travail s’il refuse d’envoyer une ambulance la chercher. Tout ce qui intéresse le gestionnaire, c’est de rentabiliser les biens (automobile)». Les études de cas montrent que la logique gestionnaire est déjà à l’œuvre et que les cas d’évacuation des villages les plus lointains, sont souvent les moins bien pris en charge. « La plus grande difficulté pour nous est la distance de plus de 100 km entre notre CSCOM et le CSREF. L’ambulance peut faire 6 heures aller retour à cause de l’état de la route. Pendant mes deux ans comme chef de poste médical de ce CSCOM, l’Asaco et la mairie ne se sont pas acquittées de leur quote-part. A cause de cela, ce sont les parents qui prenaient en charge les frais de déplacement de l’ambulance, à hauteur de 37.000F. L’ambulance n’est jamais venue

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sans que les accompagnateurs ne s’engagent à payer les frais de carburant.» chef de poste CSCOM éloigné

- A Bamako, et plus précisément dans la commune 1, le système de référence évacuation marche très bien depuis sa reprise en main par un nouveau conseil de gestion. Les distances sont réduites, les moyens de transport nombreux ce qui n’empêche pas que le système soit opérationnel et mobilisé. La caisse de solidarité reçoit même plus qu’elle ne dépense (situation de 2010 qui annonce plus de 1 300 000 FCFA de reliquat en fin d’année). C’est donc dans cette commune de Bamako que le système marche le mieux et qu’il est bien organisé, avec une très forte implication des Asaco et de la fédération locale des associations de santé communautaire. Le système repose sur deux ambulances et trois chauffeurs qui touchent 1 000 FCFA par évacuation. En 2010, la caisse a pris en charge 714 sorties pour une dépense moyenne légèrement inférieure à 5 000 FCFA par sortie.

Dans les sites que nous avons retenus, les dysfonctionnements du système de référence évacuation semblent bien antérieurs au démarrage de la gratuité, et leurs causes sont plutôt à rechercher dans les difficultés ou même le refus de collaboration entre techniciens et politiques, entre différents niveaux de la pyramide sanitaire, autour de la gestion d’une fonds. Cette faible fonctionnalité du dispositif perturbe singulièrement l’efficacité de la politique de gratuité de la césarienne et en réduit la portée alors que l’Etat consent des sacrifices financiers importants pour rendre gratuite la césarienne. Il est donc surprenant que rien ne soit fait pour contraindre les acteurs au respect de leur engagement, si ce n’est la promulgation d’un arrêté ministériel N°9-0754 en avril 2009 concernant les caisses de solidarité visant à inciter les collectivités à s’acquitter de leur quote-part. « Il n’y a aucun suivi de l’Etat. L’Etat ne fait pas de suivi et les élus locaux eux-mêmes, ils ignorent le contenu du cadre conceptuel. Même s’ils le connaissent, les gens ne s’en préoccupent que quand tu vas mettre ton nez là-dedans. On te prend pour un ennemi. Donc tout le monde s’abstient un peu. Sinon moi, je ne peux pas comprendre qu’à partir du moment où il y a des références, on va dire qu’il y a des êtres que l’ambulance ne va pas chercher sous prétexte que leurs collectivités n’ont pas payé. » Personnel Sikasso 4.5 Les conditions de prise en charge médicale des césariennes dans un contexte de

gratuité Les usagers sont tous agréablement surpris des conditions dans lesquelles sont maintenant organisées les césariennes : une équipe est toujours sur place, prête à intervenir, et les kits sont disponibles. Au-delà de ce constat général, il est intéressant de voir plus précisément comment et par quoi est conditionnée l’application de cette politique, quelles en sont ses limites et ses conséquences. La prise en charge des césariennes, dans un contexte de gratuité, dépend, d’une part des moyens humains et matériels dont disposent les centres et de leur organisation interne, d’autre part de l’opérationnalité du dispositif de gratuité. Nous allons analyser chacun de ces éléments dans ce chapitre.

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4.5.1 La question problématique des ressources humaines Dans la plupart des présentations concernant la mise en œuvre de la politique de gratuité de la césarienne11, la grande disparité des besoins en ressources humaines selon les régions et le grand déficit en personnel qualifié dans les CSCOM sont posés avec, en recommandations, la nécessité de recruter du personnel qualifié et de renforcer la capacité du personnel par la formation continue. Les évaluateurs et les chercheurs relaient également les plaintes du personnel de santé concernant une augmentation forte de la charge de travail du fait de l’augmentation du nombre de césariennes sans recrutement de personnel supplémentaire, et l’absence de compensations financières, qui expliqueraient une démotivation croissante. Une étude réalisée au Burkina Faso (Sy, 2011) s’est donnée comme objectif d’analyser les effets d’une subvention de certains soins pour les enfants et les femmes enceintes sur la charge de travail des agents de santé, par la méthode WISN (indicateur de la charge de travail et du besoin en effectif). Elle donne les résultats suivants :

- Tous les agents de santé affirment que leur charge de travail a augmenté suite à la gratuité

- Aucun centre de santé ne montre une insuffisance en personnel - Il n’y a pas de pression effective de la charge de travail (WISN ratio >1).

Nous n’avons pu utiliser cet outil au Mali. Notre étude fait néanmoins ressortir des constats intéressants : outre le mécontentement unanime du personnel, elle montre de grandes disparités dans les conditions de travail et de rémunération en fonction de la catégorie et du statut du personnel des services concernées par la césarienne et surtout de profonds dysfonctionnements que la politique de gratuité ne fait qu’accentuer.

a) Des effectifs jugés suffisants mais mal répartis Dans nos trois sites d’enquête, les effectifs du personnel sont fluctuants en fonction des mutations et affectations mais globalement suffisants. Nous n’avons relevé aucune plainte concernant un manque de ressources humaines dans les structures de référence. Il faut préciser que les CSREF et les hôpitaux ont bénéficié d’un renforcement qualitatif et quantitatif de leurs ressources humaines dans le cadre de programmes précédents visant une amélioration de la prise en charge de la santé maternelle (programme SOU notamment), afin d’être en mesure d’accueillir tous les accouchements dystociques. Personnel qualifié services concernés par césarienne

CSREF Bamako (service gynéco ; hospitalisation,

maternité)

Hôpital Sikasso (service gynéco)

CSREF kita service maternité et chirurgie

Spécialistes (gynéco) 2 3 Fluctuant (0 à 1)

Médecins autres 4 6 5 dont 4 fonctionnaires

Anesthésiste 4 1 + 1 agent chinois 1

Sages-femmes 20 8 5

Infirmiers dont infirmiers obstétriciens

5 4 6 dont 3 infirmières obst.

Internes ou externes 15

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Présentation du programme césarienne par point focal césarienne de la DNS à la rencontre « communauté de pratiques » en février 2012 ; bilan 2005-2008

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Les données que nous avons pu recueillir sur le personnel des services clés dans les trois sites montrent également la disparité de ressources disponibles entre la capitale et les régions, notamment les sages-femmes et les anesthésistes. Le nombre très important de sages-femmes au CSREF de Bamako fait que l’organisation des gardes s’organise sur une base de 12h et non de 24h. De même, la disponibilité des anesthésistes en région pose problème car ils refusent d’être affectés en dehors de Bamako et des capitales régionales. « Les Chinois qui nous appuient doivent partir définitivement à Bamako pour le nouvel hôpital en construction. Sans eux, le nombre d’anesthésistes va considérablement diminuer. Or les anesthésistes ne veulent pas venir en région sous prétexte qu’on y gagne peu d’argent. » Personnel

b) La charge de travail est très inégalement répartie entre titulaires Le personnel mentionne unanimement une augmentation sensible de sa charge de travail depuis le démarrage de la gratuité. Dans les faits, la situation est assez contrastée. On constate : - Des profils sous représentés, et en faible effectif

Certaines catégories de personnel, telles que les anesthésistes, les comptables, les pharmaciens, sont peu nombreux et peuvent difficilement déléguer certaines tâches à des bénévoles ou assistants. Ils sont incontournables pour la prise en charge des césariennes et ont effectivement un emploi du temps très chargé. Dans certains sites, un seul anesthésiste doit assurer aussi bien les périodes de garde, pendant lesquelles il n’est plus possible de dormir, que les journées de travail.

« C’est simple à démontrer que la césarienne a augmenté le travail à faire pour nous anesthésistes. Par exemple, hier soir j’étais de garde, et nous avons commencé les césariennes à 21H et la dernière a eu lieu à 6H du matin. Nous avons maintenant 5 à 8 césariennes par nuit, alors qu’avant on pouvait faire souvent des gardes sans observer un seul cas. Souvent, nous sommes même obligés d’arrêter certaines interventions non urgentes pour prendre en charge les césariennes. » Anesthésiste « Il y a trop de choses à faire avec la césarienne. Au Mali on ne peut pas évoquer la possibilité de motivation des personnels pour la surcharge de travail. En évoquant cela, on te posera la question à savoir si tu ne perçois pas ton salaire. La gratuité de la césarienne a introduit dans tous les services une surcharge de travail, que ce soit au bloc opératoire, au secrétariat et ici, à la pharmacie. Ne me vois-tu pas tous les jours en train de tourner entre mon bureau et la pharmacie ? Je suis le dernier à quitter les lieux tous les jours. Puisqu’il n’y a pas d’argent là dedans, je ne peux pas mettre quelqu’un sur certaines tâches après l’heure normale de travail, cela n’est pas possible. Amener les gens à travailler en dehors des heures normales a des limites. Et si le travail n’est pas fait, j’en suis le premier responsable ici, d’où ma présence continue dans le service. » Personnel, pharmacie/laboratoire - Un glissement des tâches vers les catégories subalternes

De fait, le personnel qualifié est peu engagé dans les tâches médicales ou chirurgicales, au contact direct avec le patient.

« Nous, en tant que sages-femmes, nous jouons un grand rôle ici. Nous sommes 3 sages-femmes et il y a aussi 4 infirmières. Avec l’aide des internes, nous faisons chaque matin les

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traitements et les pansements des femmes. C'est-à-dire que quand une femme est césarisée, le premier pansement est fait par les internes et après la suite du pansement c’est nous et les infirmières. Les infirmières font les injections et les pansements sous notre supervision. Sans oublier ici que ce sont les infirmières qui s’occupent du nettoyage des lieux et des femmes et contrôlent les produits de leurs kits post opératoire » Personnel Plusieurs éléments contribuent à limiter l’implication du personnel cadre qualifié dans les services. L’excès de sollicitations de ce personnel pour des formations est un des éléments d’explication. « Je ne peux plus compter le nombre de jours d’absence au travail à cause des formations. Or les patients sont là, ils attendent avec leur maladie, leur douleur et cet absentéisme est aussi une perte pour une formation de rien du tout. Un gynécologue qui a un si long rang de patientes doit s’absenter deux à trois fois par mois en raison de formation. Et généralement dans ces formations, il n’y a rien de nouveau. Au lieu de faire déplacer les gens, il serait préférable de diffuser une note d’information pour la personne et c’est tout. » Personnel Autre élément d’explication, le personnel qualifié se considère plutôt comme « agent de conception » et limite au maximum le contact avec les malades. La plupart des tâches incombent alors au personnel infirmier, dont le nombre est souvent insuffisant, non pas parce que leur effectif dans l’absolu est faible mais parce qu’il assure largement le fonctionnement ordinaire du service et remplace notamment les sages-femmes, visiblement sans réel encadrement. « Aujourd’hui, certes nous manquons de personnel (agent) pour nos différents services, mais moi je pense que ce n’est pas forcément le nombre d’agents qui constitue le problème. Il faut situer la part de travail réel de chaque agent. Si nous prenons le service gynécologie obstétrique, il y a quatre médecins obstétriciens qui ne font que consulter et intervenir en cas de problème obstétrical, et huit sages-femmes qui, à tour de rôle font les CPN et les accouchements. Je pense que huit, c’est trop. Il y a trop d’agents de conceptions, médecins et sages-femmes alors qu’il y a peu d’infirmiers et stagiaires/ internes et que c’est d’eux dont on a besoin. Après les chirurgies ou les accouchements, ce sont les infirmières qui assurent les soins des malades, les surveillent et constituent un trait d’union entre les médecins/ sages-femmes et les patients et même les accompagnants. Elles gèrent tout cela. Il n’y a plus d’accompagnants alors les infirmières sont obligées de veiller sur les malades. Les sages-femmes sont là mais elles ne font rien. Je crois que les recrutements sont mal faits. Souvent le besoin n’est pas pris en compte dans les recrutements. Le personnel par service ne peut donner une bonne image de la réalité.» Personnel

c) L’omniprésence et l’implication fortes des stagiaires bénévoles L’augmentation du nombre de césariennes a entraîné effectivement une charge de travail supplémentaire, mais celle-ci repose finalement très peu sur les titulaires en poste. Les médecins, généralistes ou spécialistes, sont assistés par un grand nombre d’internes ou d’externes, des stagiaires bénévoles qui assurent les gardes et les remplacent le plus souvent dans la journée. Nous avons pu le constater au quotidien dans tous les sites, et plus encore à Bamako.

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« Tu sais au Mali on ne travaille pas. Parce que si honnêtement moi je dois être le chirurgien, je dois accomplir mes tâches de chirurgie. Normalement, pour chaque malade opéré, je dois être à côté ou bien je dois l’opérer. Mais si moi je suis employé quelque part et que je mets quelqu’un qui travaille à ma place alors que lui ne peut pas travailler comme moi ou n’a même pas eu la même formation ? Donc c’est un travail incomplet et tu ne peux pas avoir confiance, c’est très clair. Et c’est ainsi au Mali. Les gens ne travaillent pas, surtout dans le système de santé. » Personnel

« C’est difficile pour nous de te dire de façon exacte le nombre d’agents stagiaires ou bénévoles par service. Tu le sais bien au Mali, ce n’est pas facile, chacun à son niveau amène son stagiaire ou bénévole et même les recrutements sont faits dans un désordre total. » Personnel Lors d’un entretien avec un responsable de service, un interne est entré dans le bureau pour annoncer un cas de césarienne, ce à quoi le gynécologue a répondu : « Vas-y, mais cette fois-ci, je ne veux pas de perforations ». Non seulement les stagiaires assurent largement le fonctionnement du service mais ils gagnent très peu d’argent en compensation, des primes de gardes essentiellement, et souvent selon le bon vouloir des responsables de service. Cette situation les conduit généralement à chercher d’autres modes de rémunération : revente de médicaments gratuités, prestations payantes pour l’usager, etc. « A mon avis, pour que cette césarienne puisse avoir une continuité vraiment sûre, il y a un point essentiel, c’est la motivation des gens qui sont impliqués. Pratiquement dans tous les CSREF, la césarienne est effectuée par les bénévoles. Je ne sais pas pour les hôpitaux mais les CSREF c’est pratiquement les bénévoles qui le font et il n’y a pas de bonus liés à ça. C’est un 1er facteur pour décourager les gens. » Personnel bénévole «Les médecins bénévoles sont aujourd’hui mécontents des gynécologues. Depuis que le 2e gynécologue est venu, les quelques sous qu’on donne pour la césarienne sont entièrement bloqués par ce monsieur. Les bénévoles qui travaillent beaucoup n’ont rien. C’est la cause de leur mécontentement. » Personnel bénévole « Ce qui se passe dans ce pays, c’est que les gens sont soignés par les bénévoles gratuitement. A supposer que les bénévoles disent bon, nous arrêtons de travailler dans les centres, vous savez jusqu’où ça peut mener ? » Personnel bénévole « Je t’assure que c’est nous les bénévoles qui faisons tout le travail. Les sages-femmes ne font rien. A l’hospitalisation nous avons chacune une femme césarisée à suivre. Je peux dire qu’aujourd’hui nous sommes cinq. Nous plaçons les sérums, faisons les pansements, les injections et soutenons moralement ces femmes. Quand une plaie est compliquée pour nous, nous faisons appel à un interne et ensemble nous la traitons. On ne gagne rien du tout pour ça avec la nouvelle chef. Nous payons à manger, mon transport c’est mon père qui me le donne. Mais j’avoue que si tu fais bien les pansements, les patientes te donnent assez de cadeaux (pagne, parfum et même l’argent) lorsqu’elles sont guéries. Tout récemment j’ai fait les pansements d’une jeune fille de 16 ans et je pouvais mettre ma main dans la plaie. A sa

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guérison, elle m’a apporté trois bouteilles de parfum. C’était une patiente du docteur qui ne venait même pas la voir. Il me dit toujours « gère ». L’ancienne chef nous donnait un peu d’argent, des pagnes et surveillait le travail que nous faisions. Et il y avait un cahier (registre) dans lequel tous les soins et traitements étaient mentionnés au jour le jour, mais aujourd’hui rien de cela. Et c’est sont les internes qui font les gardes et s’occupent des femmes. » Personnel bénévole

d) Une aggravation de ces pratiques suite à la gratuité La tendance du personnel qualifié à se décharger de certaines tâches sur le personnel subalterne a été largement mise en évidence dans le fonctionnement des centres de santé (Jaffré, 2003). La gratuité semble avoir accentué cette tendance. « Franchement, la gratuité de la césarienne sauve, mais elle est entourée de problèmes. Plus de 65% des agents sont inefficaces dans leur travail, ce qui fait qu’il y a plus d’infections de femmes césarisées. Je me demande des fois si ces pauvres femmes reçoivent tous les produits destinés à leurs soins gratuits. Et en plus, ce que je constate, c’est que ce sont les jeunes stagiaires et internes qui font ces césariennes et souvent sans suivi. Je dirais qu’il y a un manque d’implication réelle des différentes unités concernées. Je me pose souvent la question : que font réellement les sages-femmes, les gynécologues dans ce processus d’ensemble, alors que tout le monde mange l’argent de cette césarienne. En somme, je dirais que la gratuité de la césarienne est bien mais qu’elle doit être recadrée. » Personnel, Sikasso Le personnel médical qualifié a maintenant peu à gagner sur chaque acte, et a tendance à se désengager, surtout s’il peut intervenir dans les cliniques privés : dans les différents centres ou nous avons travaillé, les chefs de services et les spécialistes sont très souvent remplacés par des stagiaires, internes ou externes, dans leurs consultations mais également dans les interventions chirurgicales. Par ailleurs, le personnel qualifié participe rarement aux gardes, même si officiellement il fait partie des équipes et bénéficie des primes. Nos observations le confirment sans aucune ambiguïté et les agents de santé bénévoles n’hésitent pas à s’en plaindre, d’autant que la charge de travail supplémentaire, du fait de l’augmentation du nombre de césariennes, repose sur eux. « La présence des stagiaires, ça aide tout le monde si c’est bien géré mais certains en ont fait une question d’argent et ils ne font rien dans le travail. Les gynécologues en général laissent la césarienne aux internes. Eux, leur travail, c’est de prendre les produits et de partir les vendre. C’est Dieu qui garde les femmes contre ce risque d’être dans les mains de bénévoles. On dit qu’on les associe, qu’ils sont capable de faire la césarienne etc. » Personnel, Bamako « Nous allons commencer à manger dans les suites de césariennes. Tu sais, la réalité est amère mais il faut la dire : ce sont les internes qui font la plupart des actes de césarienne sans la supervision du gynécologue qui se contente des consultations et de ses propres activités pour gagner plus d’argent. C’est quand le cas devient beaucoup plus compliqué que l’on fait appel au gynécologue. Ce qui explique que plusieurs femmes césarisées présentent des infections et autres problèmes internes post opératoires, des éventrations, etc. C’est du travail mal fait et il faut reprendre l’acte et cette fois-ci le malade paye du coup une somme de 100 000F. Alors à quoi sert la gratuité de la césarienne pour cette femme ? Je vous l’assure, ici seul l’anesthésiste n’est pas remplacé, sinon de l’acte aux pansements ce sont les

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internes qui s’occupent des femmes césarisées. Nous courrons tous derrière l’argent et la césarienne ne paye pas. Au Mali, personne ne fait consciemment son travail. Et j’en suis convaincu, dans quelques années la césarienne va poser plus de problèmes qu’elle n’en résout de nos jours. » Personnel, Bamako « Il faut faire un appel aux agents de santé d’être ponctuels, vigilants, surtout de penser que la santé n’a pas de prix. Ils sont assermentés, ils doivent vraiment doubler l’effort pour sauver la vie humaine. Il faut que les responsables de santé prennent leur responsabilité et veillent surtout sur les stagiaires qui sont nouvellement inscrits sinon recrutés parce que comme on le dit souvent « gon koro bè tigè woro cogo don » (le vieux singe sait comment décortiquer les arachides). Il ne faut pas que ceux qui sont beaucoup rodés dans la santé laissent directement la main aux jeunes étudiants ou médecins ; il faut qu’il y ait un suivi approfondi au niveau des centres de santé. » Elu des collectivités décentralisés, Kita

e) Des revendications unanimes

Les revendications du personnel portent sur l’absence de mesures d’accompagnement de cette politique de gratuité, pas tant le recrutement nécessaire de nouveaux éléments que l’absence de motivations financières pour ceux qui sont en poste. Nos observations et entretiens confirment que cette question constitue une préoccupation centrale du personnel, et notamment du personnel qualifié. Des directives ont été données par la Direction nationale de la santé. Les fonds remboursés par l’Etat aux centres de santé, en fonction du nombre de césariennes réalisées et justifiées, doivent être reversés dans la caisse des tarifications du centre. Si des primes au personnel sont consenties sur ces fonds, elles doivent concerner l’ensemble du personnel. Malgré des directives assez claires, la situation varie d’un centre de santé à l’autre dans nos trois sites d’enquête : - un des centres distribue une petite ristourne au personnel concerné par la césarienne

(Kita). « Ce sont les primes que le médecin-chef donne par trimestre. Il donne je crois par césarienne réalisée et remboursée, 4 000F au chirurgien, 3 000 FCFA à l’aide chirurgien je crois, 3 000 FCFA à l’anesthésiste et aux sages-femmes. C’est cumulé» Personnel - A Bamako, les fonds remboursés par l’Etat sont versés dans la caisse du CSREF. Une

prime annuelle modique est donnée à l’ensemble du personnel.

« Avec l’argent reversé par l’Etat pour les césariennes, d’abord nous payons nos factures impayées et les dépenses du fonctionnement du CERF. Le reste de l’argent est payé aux agents sous forme de ristourne. Le partage entre médecins spécialistes, infirmiers jusqu’aux manœuvres, se fait en fonction du statut de la personne. Nous ne donnons pas de bonus spécialement au bloc, aux chirurgiens aux gynécologues ni en hospitalisation pour césarienne.» Comptable « Ici, tout ce que la césarienne va générer rentre dans la caisse du CSREF et une somme est partagée entre tout le personnel du CSREF. Si par exemple la maternité fait 700 césariennes, j’en suis le premier responsable et je ne touche que 30 000 FCFA sur les 15 millions qui arrivent. Est ce que c’est motivant ça ? Tu appelles le laborantin et tu lui donne 22 500F par rapport à 15 millions. Je pense que c’est des calculs que les gens vont faire et à la longue les

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gens vont se révolter. Aujourd’hui on supporte, 2010 on supporte, 2011 on supporte mais 2012 on va péter les plombs. C’est dommage, mais je pense que ça va arriver.» Personnel - A Sikasso, le directeur ne redistribue rien au personnel mais a institué un système de

primes : primes de garde, de responsabilité, prime de ration alimentaire (cantine), dont tous bénéficient.

« Nous avons dit que l’hôpital est un tout. Chez nous, nous avons une cagnotte commune et tout le monde travaille pour cette cagnotte qu’on appelle le budget de prestation. Donc si le remboursement de la césarienne vient, ça rentre dans cette cagnotte ; et dans la cagnotte nous payons les primes de garde, et il y a aussi des primes de responsabilité. Nous avons institué aussi la prime de ration alimentaire parce qu’il y a beaucoup de bruit par rapport aux repas quand on est de garde. Donc tout le monde a été d’accord pour qu’on paye 2 500F à celui qui est de garde pour son alimentation. Donc ici, il y a une cantine, la personne va à la cantine et il s’alimente. Là c’est 2 500 FCFA par jour. Donc c’est de la motivation pour tout le monde. » Responsable sanitaire, Sikasso « Ici, nous sommes tous aigris. Nous savons qu’ailleurs des agents comme nous bénéficient des retombés de la césarienne. A Mopti les agents en bénéficient, mais ici il y a un manque de transparence dans la gestion des fonds liés à la césarienne. Jamais nous n’avons été informés de combien est tombé pour la césarienne et quand. Nous ne sommes au courant de rien dans cette gestion, et plus grave, il n’y a jamais d’impact sur nos ristournes alors que la direction nous dit qu’elle nous les ajoute. Tout se passe entre le Directeur, le comptable et le pharmacien. » Personnel Ainsi, quels que soient le site et la décision prise par le premier responsable, elle est jugée insatisfaisante et ne fait pas l’unanimité. Il est intéressant de constater que les services concernés par la césarienne ne veulent pas que les fonds soient répartis sur l’ensemble du personnel. Et les cadres des services, médecins spécialistes, sages-femmes, pourtant souvent peu impliqués dans les interventions, revendiquent une redistribution des remboursements dont ils seraient les premiers et quelquefois les seuls bénéficiaires. « Les primes sont distribuées à tout le monde ici et je trouve que cela est injuste. Ceux qui font le boulot, il faut les encourager, d’où la notion de rendement qui est différent. Mais qu’on travaille ou qu’on ne travaille pas qu’on fasse plus qu’on ne fasse moins, qu’on dorme la nuit ou qu’on ne dorme pas la nuit peu importe. Là ce n’est pas une bonne chose. Il faut donner la motivation aux gens qui le font. A ce niveau, il faut revoir les choses. » Personnel « Je vais te le dire, la gestion de la césarienne est floue, je suis allé à Bamako à la DNS demander sur la gestion des sous que l’Etat rembourse, hélas, rien de précis, la gestion de cet argent est au gré du directeur de chaque centre et rien ne l’oblige à donner particulièrement une part aux agents. Donc notre directeur bouffe tout. Ici, en gynécologie, nous avons décidé de ne plus nous humilier en réclament ces sous désormais. » Personnel « Ici au centre de santé, je sais qu’il y a un certain nombre de motivations pour tout le personnel par rapport à la césarienne, et pas le personnel de la maternité seulement. Et c’est là que moi-même je ne suis pas très, très d’accord. L’argent de la césarienne vient, donc elle

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n’est pas gratuite. Et cet argent, on le distribue comme ristourne à tout le personnel du CSREF. L’ophtalmo bénéficie de ça, les ORL bénéficient de ça. Et sur ça moi je ne suis pas d’accord parce que je me dis que la maternité, les acteurs de la césarienne doivent bénéficier de l’argent parce que nous on ne partage pas nos activités avec les autres. C’est des activités que nous menons, c’est des responsabilités. Nous répondons strictement de ces responsabilités. Si c’est bon, c’est à notre actif, si c’est mauvais c’est à notre défaveur. Je ne vois pas pourquoi quand il y a des retombés on partage avec les autres. » Personnel spécialiste « Je suis seul pour tout ce travail de suivi, sans encouragement. Et comme le disent les bambaras : « den kasi kun ye si de ye » (si tu vois que l’enfant pleure, c’est qu’il a besoin du sein.). Mais je ne peux revendiquer cette motivation parce que je suis contractuel à l’hôpital et ce statut me freine un peu. Ici à l’hôpital, il y a cette réalité entre les fonctionnaires de l’Etat et nous les contractuels : Ils nous traitent comme des bons à rien, alors que nous avons les mêmes compétences sinon même plus qu’eux. Et je ne suis même pas dans les conditions de travail, regarde toi-même, je n’ai même pas d’ordinateur portable qui me permettrait de travailler en famille pour les heures tardives. Et pour ma bonne gestion du magasin, je bénéficie de 10 000F d’encouragement et c’est tout. » Personnel Et concernant les non titulaires, rien n’est prévu comme avantage financier. « Nous quand même, on ne nous a pas donné de prime de la césarienne. Mais cette année, on a reçu une prime de 7 500F. On n’a pas précisé que c’était par rapport à la césarienne, ils ont juste dit que c’est une ristourne donnée pour encouragement. » Personnel bénévole, Le mécontentement est général :

- mécontentement du personnel vis-à-vis d’une direction qui refuse de redistribuer l’argent et qu’on soupçonne de se l’approprier,

- mécontentement du personnel par rapport aux faibles montants des primes, quand elles existent

- mécontentement des stagiaires qui font le travail et sont complètement oubliés ou peu gratifiés au moment de la distribution des primes.

Le mécontentement exprimé sur une augmentation de la charge de travail sans compensation financière cache en fait des revendications qui ne peuvent être exprimées car elles font référence à des dysfonctionnements qu’on ne peut révéler ouvertement :

- L’absentéisme de certaines catégories de personnel qualifié - L’exploitation d’un personnel bénévole, sous payé, alors qu’il assure le

fonctionnement de certains services, quelquefois pendant plusieurs années - La perte des gains informels qui permettaient auparavant d’augmenter sensiblement

les revenus de certaines catégories, notamment les cadres

« Avant la gratuité de la césarienne, c’est le gynécologue qui faisait son kit en ordonnance à sa guise et il gagnait sur les produits. Souvent le gynécologue a les produits avec lui alors il prend l’argent et utilise ses produits ; et cela en dehors de l’argent que nous gagnons avec les patients, comme le coût de l’acte. Cette gratuité est une perte pour les gynécologues, je ne te le cache pas. Même si nous prenons de l’argent des femmes, cela n’est pas comme avant la

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gratuits. Les produits sont donnés (kits) gratuitement même si en principe de reconstitution des kits permet de faire payer des produits aux accompagnants. » Personnel 4.5.2 Un problème de gestion et d’entretien des ressources matérielles Les conditions matérielles de prise en charge de la césarienne varient d’un centre à l’autre et sont paradoxalement plus mauvaises à Bamako que dans les autres sites. On observe néanmoins une transversalité des problèmes soulevés.

a) Les sources d’alimentation en eau et électricité défectueuses Dans les trois sites, il nous a été fait part de conditions d’éclairage insatisfaisantes pour réaliser des interventions :

- Lampes scialytiques en panne - Coupures d’électricité fréquentes, sans que le relai soit pris systématiquement par un

groupe électrogène, faute de carburant ou de mise en service ou d’entretien « Nous avons un groupe électrogène qui peut prendre tout le centre en charge. Mais il n’est pas utilisé tout simplement par crainte des dépenses de carburant pour le centre. Or, normalement, le bloc, la maternité et le laboratoire doivent automatiquement recevoir l’électricité du groupe électrogène car ce sont des services plus sensibles. » Personnel « Au centre de référence, les conditions ne sont pas au top pour faire une césarienne. Très souvent on a des problèmes des scialytiques et un manque de lumière. Bon avec la pression de nos chefs, on fait les interventions avec la lumière plafonnée. Si c’est la nuit, il y a lieu de référer parce que la lumière n’est pas suffisante. » Personnel bénévole « Ici, nous utilisons des torches pour travailler. Nous ne pouvons laisser les gens mourir. Nous faisons un système de débrouillardise pour tenir les actes chirurgicaux. » Personnel En conséquence, les interventions se font régulièrement à la lumière du jour ou à la torche ce qui oblige l’évacuation des patients la nuit, en cas de coupure, faute de luminosité suffisante. L’hôpital pourtant neuf de Sikasso n’échappe pas aux problèmes. Les problèmes d’éclairage se doublent d’une température excessivement élevée en période chaude, faute de climatisation dans les blocs opératoires. « Tu vois dans le bloc, il n’y a même pas d’eau en permanence. Le petit château de derrière ne fonctionne pas bien, donc nous avons un manque d’eau ici. En plus nos lampes scialytiques pour éclairer les tables de chirurgie sont pratiquement toutes grillées. Nous en réclamons mais rien. L’hôpital de Sikasso est bien rentable financièrement mais les agents ne sont jamais dans les conditions. » Personnel « On n’avait pas su cela en saison froide. C’est quand il a commencé à faire chaud qu’on l’a senti. Une fistule prend 4H. On a amené une boisson pour remonter les gens, on a apporté des serviettes. On prend une serviette pour essuyer la sueur de l’agent qui opère afin qu’elle ne tombe pas sur le malade qu’on opère car c’est une source d’infection. On a fait une semaine sans opération. C’était à cause de ça. Une semaine sans opération sauf les urgences.

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Nous avons exigé les clim. Ils en ont mis une. A la direction, ils ont mis tous les climatiseurs et les ventilos. C’est tout ça qui aggrave le problème. » Personnel L’alimentation en eau semble également problématique : des points d’eau sont défectueux et les coupures fréquentes, du fait d’arriérés de paiement. Cela compromet singulièrement le fonctionnement des services, notamment les conditions d’hygiène et de stérilisation du matériel et de nettoyage des champs. « Il n’y a pas de travail aujourd’hui. Tous nos robinets sont coupés, il n’y a pas d’eau pour laver le matériel et le bloc. En cas de césarienne, on évacue le cas. » Personnel, Bamako

b) Un équipement insuffisant On constate un manque d’équipement ou des appareils usagés, même dans un site comme l’hôpital de Sikasso qui vient d’aménager dans des locaux neufs. L’hôpital a réhabilité de vieux appareils et en a emporté de son ancien site, utilisé aujourd’hui par le CSREF, car l’argent prévu pour acheter du matériel neuf n’a jamais été versé. « Viens, je vais te montrer au bloc un exemple d’appareil que nous utilisons. L’appareil est attaché en trois parties par des fils de sérum. C’est un gros risque, c’est un appareil plus vieux que Mao Tse Tung car c’est les Chinois qui nous l’ont envoyé depuis on ne sait quand. C’est un appareil qui se bloque chaque fois. Nous avons des bâtiments neufs mais avec de vieux matériels. A l’ouverture de cet hôpital par le Président ATT, le directeur lui-même a repêché de vieux appareils laissés au magasin, les a fait nettoyer et les a fait placer au bloc. Or c’est des matériels que des Français nous ont envoyés de France il y a bien longtemps et qui ne fonctionnent même pas. Le Président ne sait pas que les appareils ne fonctionnent pas, c’est l’apparence, et quand ATT est parti, on les a jetés dehors. Comment voulez-vous que le pays se développe ? Nous utilisons les vieux matériels usés depuis l’ancien site avec leurs germes. Seul le service gynéco a reçu un appareil mais il n’est pas branché, donc il ne fonctionne pas. Ils ont construit un bloc sans toilettes, donc sans pouvoir se laver du sang. C’est n’importe quoi ce pays. Pire, pour stériliser les appareils, les blouses du bloc, les champs, bref l’ensemble du matériel chirurgical, l’ambulance est obligée de les transporter jusqu’à l’ancien site où se trouve le stérilisateur efficace. Par jour l’ambulance peut faire plus de deux fois cette course, reconnaissez avec moi que c’est un handicap pour le travail. « Personnel, Sikasso A Bamako, le CSREF a reçu depuis plus d’un an un appareil de stérilisation neuf qui n’est toujours pas installé. « C’est pour stériliser le matériel, le champ des blouses tout ce qui concerne le linge. On a reçu l’appareil mais c’est garé. On dit qu’il faut un million et quelques. Je pense qu’il y a un problème de fonds. Tout neuf il est garé là bas. Alors qu’il y a la nécessité chaque jour le même appareil travaille tous les jours, mais s’il y a un autre appareil ça peut avoir une longue durée. Mais tous les jours le même appareil, là ça ne va pas. » Personnel, Bamako Concernant le matériel courant (boîtes chirurgicales, champs opératoires, tabliers), le problème de renouvellement se pose mais les centres ont reçu une dotation en petit matériel au démarrage de la césarienne.

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« En 2005 quand la césarienne a commencé, et aussi en 2009, on a reçu une boite. En plus de ça, on a reçu 3 lampes chauffantes pour la réanimation des enfants. On a reçu des appareils d’anesthésie qui fonctionnent plus ou moins bien, deux appareils anesthésiques pour le bloc opératoire. On a reçu aussi du matériel par rapport à la mini banque de sang notamment les tables de prélèvement, le frigo pour conserver le sang, les matériels de prélèvement, on a reçu aussi des matériels par rapport aux soins obstétricaux. Ce n’est pas forcement lié à la césarienne mais en cas de difficulté d’accouchement, ça aide à accoucher la femme pour ne pas aller à la césarienne. Donc on a reçu ces matériels notamment les ventouses, les forceps. Les agents aussi ont reçu une formation. » Responsable sanitaire « Il faut le dire, on a le matériel pour la césarienne. A ce niveau il n’y a pas grand problème par rapport à l’équipement pour faire la césarienne. »Personnel A Bamako, il faut utiliser aujourd’hui les 4 boites de chirurgie incomplètes pour en composer une, ce qui ne permet pas de mener deux interventions ni parallèlement ni même successivement, le matériel devant être au préalable stérilisé. Le CSREF multiplie les références sur d’autres CSREF ou sur l’hôpital, faute de pouvoir les prendre en charge dans des conditions minimales, et avec des conséquences non négligeables sur les parturientes. « Samedi soir j’étais de garde. J’ai eu trois césariennes mais une seule a été faite ici. Les deux autres ont été transférées à Gabriel Touré parce qu’il n’y avait pas de champ au bloc pour opérer. » Sage-femme Qualitativement, les conditions ne sont donc pas réunies pour faire le travail dans de bonnes conditions et la gestion des hémorragies est particulièrement problématique. Dans tous les cas, les agents ont bien conscience de travailler « dans la débrouillardise ». « On ne peut pas travailler dans la débrouillardise, surtout quand on est à Bamako ici. En périphérie, là d’accord, on peut accepter. Mais à Bamako, opérer avec des boîtes comme ça, ce n’est pas digne d’un centre de santé. Humainement ce n’est pas comme ça. » Personnel, Bamako « On est en train de faire du gaffé, parce qu’on se débrouille avec nos matériels, ça c’est faire du gaffé. Ce n’est pas normal. Tu sais que cette boîte n’est pas adaptée à faire la césarienne. Le problème, c’est l’hémorragie surtout, si tu peux ouvrir et fermer sans pince, tu as beau être un chirurgien, tu ne peux pas gérer une hémorragie dans ces conditions. D’autant que la majorité des césariennes sont faites par des internes et des médecins stagiaires.» Personnel qualifié, Bamako

c) Une gestion peu rigoureuse du matériel Les causes de ce manque de matériel sont pourtant bien connues. Selon les premiers intéressés, les équipes de bloc, le personnel de soutien ou les responsables des formations sanitaires, l’Etat met du matériel à disposition mais :

- Ce matériel peut être obsolète et tarde à être renouvelé - Ce matériel n’est pas de grande qualité et se détériore d’autant plus vite que le

nombre de césariennes augmente et entraîne son usage fréquent

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« On constate aussi une déperdition du matériel, une détérioration ce qui provoque du coup des boîtes incomplètes. L’usure du matériel est rapide parce que la qualité n’y est pas. Le peu que nous avons est trop utilisé, toujours en stérilisation. » Personnel de bloc

- La gestion et l’entretien du matériel dans les formations sanitaires ne sont pas

satisfaisants : pertes, vols au profit de cliniques privées. A Bamako, la situation semble être paradoxalement plus critique qu’ailleurs.

« Les chirurgiens ont suffisamment de matériel pour faire les césariennes mais ils ne s’occupent pas bien de ces matériels. Les matériels sont volés par les agents pour leurs cliniques et même pire, après un acte chirurgical, le matériel est souvent jeté dans les linges et au lavage, ces matériels ne sont plus rendus. Une fois, les agents d’entretien ont ramassé tout un tas de pinces et bien d’autres outils de chirurgie, et les ont amenés au chef de personnel. Ce dernier ne les a jamais ramenés, tout simplement parce qu’il est en voie d’ouvrir sa clinique, ça lui fait un plus. En réalité ici, personne ne fait correctement son travail. » Responsable sanitaire « Les agents qui font les actes ne le font pas avec une grande attention. C’est simple, il est difficile de laver les champs sans retrouver un matériel dedans. Ce qui explique cela, c’est la gratuité de la césarienne. Avec le nombre de césariennes, les médecins bénévoles, les internes, tous font les césariennes. Ce n’est pas contrôlé, ce qui explique à mon avis la perte du matériel. » Personnel de nettoyage Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les recommandations des supervisions, qui font régulièrement ressortir le manque de matériel sans toutefois en préciser les causes, restent lettre morte. Ces abus sont connus, même s’ils ne sont pas sanctionnés et le matériel n’est simplement pas remplacé. « Quand une supervision va venir constater que les scialytiques qui fournissent la lumière pour la chirurgie ça ne va pas, que le matériel pour la boîte ce n’est pas trop au complet, qu’il n’y a pas de tablier…. Je me suis dis que tout ça c’est des choses avec la supervision, qui doivent avoir une solution. Bon ils viennent, on constate mais ça ne va pas, ils s’en vont et après c’est fini. » Personnel 4.5.3 La disponibilité des intrants gratuits : une situation paradoxale Deux phases sont à distinguer : - une première phase d’abondance et de gaspillage - Une seconde phase d’endettement et de restriction

a) Une première phase d’abondance et de gaspillage La composition des kits est faite sur la base du standard hospitalier bamakois (nombre important d’intrants, intrants coûteux), visiblement différent de celui des hôpitaux régionaux et des CSREF.

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« Nos kits sont bien garnis pour la prise en charge totale des césarisées, le contenu même est trop pour un seul kit, car c’est après consultation de plusieurs professeurs de Bamako que le contenu a été dressé. » Personnel Par ailleurs, il semble que l’approvisionnement en kit « césariennes compliquées » se soit fait sur des bases erronées. « Pour les kits compliqués, dans les prévisions, c’est une césarienne sur 10 qui est concernée. Normalement, ils devraient donner 30 kits mais eux ils en ont donné 300 kits. Vous voyez ce que ça fait ? C’est trop. » Personnel Données DPM 2009

Année 2005 2006 2007 2008 2009 Total

Kits simples 7 500 18 000 16 500 12 500 16 454 70 954

Kits compliquées 0 0 3 042 5 000 5 982 17 774

Par ailleurs, un problème récurrent de péremption de certains produits du kit est signalé depuis le démarrage de la politique : problème de planification des approvisionnements, retards dus aux difficultés de transport, négligence de la PPM ? Les responsabilités semblent difficiles à situer puisque le problème perdure. «Tu sais, c’est un phénomène compliqué à contrôler. Tu vois, s’il nous envoie plus de soixante cartons, on ne peut pas les ouvrir tous et vérifier. Or le plus souvent, à l’intérieur des cartons le début est bon mais le fond est périmé. Il y a toutes les stratégies pour nous avoir. » Personnel On observe ainsi un véritable « ballet » des produits périmés, personne ne voulant les gérer ou payer pour s’en débarrasser. « Normalement c’est la DPM qui détruit mais il y a une somme fixée qu’il faudra verser à la DPM pour la destruction des produits. Car pour la destruction il faut un véhicule (carburant), un chauffeur et un agent de la DPM pour être sûr que les produits sont brûlés. Maintenant nous détruisons nous-mêmes ces produits, un manœuvre accompagne le chauffeur dans le dépôt d’ordures et c’est comme ça. Là le coût est moins cher. Ce n’est pas normal que le CSREF détruise ces produits là mais au Mali, c’est normal. » Personnel « Les produits se périment avant leur utilisation parce que ce ne sont pas des produits dont la date de péremption est éloignée. J’avais voulu retourner ce produit à la P.P.M mais ils vont le vendre sans nous donner quelque chose. Alors je ne leur donne plus. J’ai pensé à la clinique Pasteur. S’ils peuvent en prendre, ça serait bien au lieu de les laisser périmer ici. Il y a trop de gaspillage autour de cette gratuité, il y a trop de produits que l’on n’utilise pas et qui se périment dans les magasins. Sans compter que les kits sont très garnis. » Pharmacien Enfin, en l’absence de contrôles rigoureux et de lieux de stockage appropriés, beaucoup de vols d’intrants gratuits sont signalés aux différents niveaux de la chaîne

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d’approvisionnement et dans les formations sanitaires, ce qui nécessite des mesures spécifiques permettant de mieux situer les responsabilités. « Tu sais, pour la gratuité du sida, les ARV ne peuvent être volés, en revanche tout ce qui concerne le gratuit du palu et de la césarienne, il y a beaucoup de vols.» Pharmacien, « Il y a souvent des mésententes entre les agents du bloc opératoire et ceux du labo et de la pharmacie. C’est pour cette raison que je suis obligé de venir au service même les week-end. Avant je faisais constituer les kits par certains de mes agents. Malheureusement il y avait toujours des suspicions entre eux et les agents du labo. Ceux qui constituaient les kits juraient le faire honnêtement. Ils juraient avoir mis la composition exacte du kit dans les cartons. Mais ceux du bloc signalaient souvent des manques de produits, kit incomplet souvent et alors ils se plaignaient de part et d’autre. Alors je me suis chargé de la constitution des kits de la césarienne. Je ne peux pas faire autrement puisque ce n’est pas facile de situer la responsabilité. » Pharmacien Dans les formations sanitaires, l’arrivée d’un kit plus fourni que celui habituellement utilisé aurait pu entraîner un changement de pratiques. Dans les faits, les pratiques ne sont pas modifiées et les formations sanitaires en région ou dans les districts utilisent plutôt un kit « allégé ». Ce qui permet une utilisation informelle et détournée de certains intrants. « Cette gratuité de la césarienne est désordonnée et sans normes. Par exemple, chaque centre forme en réalité le kit comme cela lui convient. Il y a un contenu standard constitué par des professeurs mais tu sais, la vérité est que si l’on envoie 100 Kits, le centre reconstitue 150 kits avec ces mêmes produits car certains sont en quantité. Et les 50 de plus arrangent les anesthésistes, le gynécologue et la pharmacie. Les professeurs qui ont réfléchi sur le contenu du kit, ont élargi la liste des produits pour ne prendre aucun risque dans la prise en charge. Or, pour la plupart des césariennes on n’a pas besoin de tous ces produits ce qui permet de faire le jeu. Sinon regarde, si tu soustrais les césariennes des actes chirurgicaux d’un gynécologue, il ne lui reste plus grand chose et tu sais que le salaire d’un fonctionnaire malien ne lui suffit pas, alors il faut vivre. » Personnel, Sikasso « Tu sais, j’ai la main dans la pâte, les gynécologues qui gèrent les kits utilisent ces produits pour leurs parents et dans leurs cliniques où eux-mêmes les vendent, ils s’enrichissent tous dans la gratuité. » Pharmacien En revanche, les formations sanitaires, qui se plaignent de l’arrivée de kits toujours incomplets, acceptent de pré positionner les intrants de leur dépôt pour éviter de faire supporter le coût de ces ruptures partielles aux usagers. « Le problème avec les kits, c’est qu’ils viennent toujours très tard. On était obligé chaque fois d’utiliser les produits de la pharmacie pour assurer la gratuité de la césarienne. C’est depuis 2009 qu’on peut dire que la situation est en train de se régulariser. Sinon 2007, 2008 même début 2009, nous avons eu énormément de difficultés, tout le temps on interpellait la Direction régionale, on interpellait la pharmacie populaire, même le département parce qu’il y avait des problèmes. » Responsable sanitaire

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La gestion des ruptures par pré positionnements des intrants des formations sanitaires semble avoir été efficace et leur disponibilité a été assurée dans les formations sanitaires que nous avons suivies. « Les agents ne sentent rien de cette difficulté d’approvisionnement parce que chaque fois qu’il y a rupture, le DRC prend le relai en octroyant des produits qu’il a en stock. » Personnel Ce dispositif laisse néanmoins une marge de manœuvre conséquente aux formations sanitaires. Toutes ne compensent pas les ruptures de la même manière. Et cela rend le suivi des intrants particulièrement complexe. « En matière de gratuité de la césarienne je vous le dis, sur toute l’étendue du territoire national, chaque service a ses réalités, chaque service a son petit fonctionnement et chaque service essaye d’appliquer la gratuité de la césarienne avec les moyens de bords. C’est une cuisine interne. On peut soit échanger les produits avec la pharmacie et c’est même prévu dans les textes. Il ne faut pas acheter, il ne faut pas vendre, mais on peut échanger. Donc c’est la pharmacienne qui nous épaule énormément dans ce cadre là. » Personnel Au final, le gaspillage est tel que, de l’avis général, il risque de compromettre rapidement la gratuité. « C’est vraiment beaucoup de produits. Et si ATT part, personne ne pourra continuer ça. C’est trop, c’est comme le Sénégal, où on avait commencé mais après on a délaissé. C’est trop de produits. On pourra continuer si on gère correctement mais ce n’est pas bien géré. » Personnel Un bilan a été établi concernant la période 2005-2008. Il ne fait pas état des pratiques locales mais adresse ses recommandations au niveau national :

o Rembourser les dettes de la PPM qui compromettent dangereusement la survie de la PPM et par conséquent la pérennité de la stratégie de la gratuité de la césarienne

o Multiplier les livraisons en faisant un rythme trimestriel o Utiliser les services de la PPM pour acheminer les kits jusqu’aux régions o Renforcer les moyens logistiques de la DPM.

b) Une deuxième phase d’endettement progressif et de restrictions En 2011, victime du succès de la politique (augmentation du nombre de césariennes) et du gaspillage d’intrants, le niveau national ne parvient plus à assurer un approvisionnement régulier ni un remboursement des sommes engagées par les formations sanitaires. Le kit « césarienne compliquée » n’est plus distribué. « Cela fait presqu’une année que nous n’avons pas reçu de kits compliqués. Ce kit n’existe plus. Tu sais, nous faisons la commande mais les produits ne viennent pas. Je ne sais pas trop pourquoi mais selon mes informations, la DRS est assez endettée pour ces produits. Franchement je pense que cette gratuité va s’arrêter. Les deux kits qui restent, le kit opératoire et le post opératoire sont de moins en moins riches, les kits ne sont plus au complet. Cela fait presqu’une année que cette situation dure. Pour te dire encore que le

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nombre de kits que la DRS nous envoie diminue aussi de plus en plus. De 300, 200, aujourd’hui nous sommes à une centaine. » Personnel « La dernière livraison n’était que 100 kits et là la PPM nous dit que c’est dans la dotation de 2012 qu’ils ont tiré les 100 kits. Je t’avoue que je ne comprends rien. » Personnel « L’Etat n’arrive plus à payer à la PPM les sommes qui garantissent un vrai approvisionnement. Or la PPM est une entreprise. C’est la catastrophe et c’est ce qui explique que nos besoins sont moins satisfaits. Le kit compliqué est de plus en plus rare. » DRS L’incapacité de l’Etat à assurer un approvisionnement suffisant et un remboursement des sommes dues aux centres entraîne rapidement un endettement des centres de santé. Des arriérés de remboursements sont partout signalés, qui rendent l’Etat moins légitime pour imposer localement sa politique. « Puisque les approvisionnements sont rares, les centres donnent ce qu’ils peuvent alors les gens payent en complément. Je te dis aujourd’hui, la région a environ 15 millions de dette rien que pour les intrants césarienne. » DRS « L’Etat n’arrive plus à fournir les centres en kits. Aujourd’hui c’est ce problème que nous vivons, les centres sont endettés car ils prélèvent dans leurs propres stocks et nous avons toutes les peines pour couvrir ces dettes. L’approvisionnement est toujours inférieur à ce que nous devons aux centres. » DRS « L’affaire de gratuité là, il va falloir trouver une solution pour l’arrêter, sinon le centre ira en faillite. Cette politique constitue une perte pour le capital du DRC. Les produits que le CSREF utilise sous forme de kit césarienne remboursable par le gouvernement ne sont pas remboursés à temps. Et souvent quand ces kits arrivent, ils sont en deçà du nombre de kits que le centre a préfinancés. Le délai de remboursement aujourd’hui fait que le dépôt répartitaire de cercle ne tourne pas économiquement. » Responsable sanitaire « En tant que comptable du CSREF, par rapport à la césarienne, nous n’avons pas eu l’argent de 2009, donc ne parlons même pas de 2010. L’Etat ne paye vraiment pas. » Personnel Bamako « Par exemple si on prend 2010, il n’y a aucune césarienne qui est remboursée. J’étais même en train de compter le nombre de césariennes. Regarde en janvier, on en a fait 71, février 63, mars 67, etc…Au mois d’octobre je pense que c’était 78 mais aucune n’a été remboursée jusqu’à ce jour. Donc ça joue sur les activités du centre. Parce qu’il y a des choses qu’on a urgemment besoin de faire. Bon, le fonctionnement même du service en dépend et nos fournisseurs en souffrent parce qu’ils nous fournissent en produits consommables, en papier, en réactifs de laboratoire. Bon, de temps à autre, on les paye mais vu le blocage, le retard dans le payement du coût de la césarienne, on s’endette auprès des fournisseurs et quand l’Etat rembourse, on parvient à les payer. Mais quand même ça crée des désagréments. Les fournisseurs sont gênés mais quand on pose notre problème, ils comprennent, ils essayent de nous aider aussi mais on sait qu’ils souffrent parce que eux aussi, ils ont besoin de l’argent pour fonctionner. » Responsable sanitaire

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« Nous sommes presqu’au début du dernier mois du premier trimestre 2011. Nous n’avons pas reçu le remboursement du 4e trimestre de 2010. Et en début 2010, c’est au 1er trimestre que nous reçu les 2 remboursements correspondants aux 3e et 4e trimestres 2009. Donc il toujours un grand retard dans les remboursements. Bon, ceux-ci posent problème. 1, sur le remboursement, il y a des actes de laboratoire sur lesquels nous achetons les réactifs. Et ces réactifs nous les préfinançons par rapport à la césarienne et nous attendons les remboursements qui ne viennent pas. Normalement l’année 2010 budgétairement est terminée. Nous avons utilisé les réactifs courant 2010 pour la césarienne et nous ne sommes pas remboursés. Donc nous sommes obligés de faire des acrobaties ailleurs pour payer les nécessaires par rapport à ces réactifs. Toujours dans le remboursement de la césarienne il y a les frais d’hospitalisation qui normalement doit revenir à la structure pour son fonctionnement. Il y a tout dans les 30 000 FCFA, les médicaments, l’hospitalisation, le laboratoire. L’Etat dit qu’il ne rembourse pas plus de 30 000 FCFA par césarienne. C’est un forfait, on est d’accord puisque c’est l’Etat. Mais il faut que ça vienne à temps. Si ça vient à temps, on peut souffler, mais si ça ne vient pas à temps. Vous voyez qu’on est fin 1er trimestre 2011 et on n’a pas encore le remboursement du 4e trimestre. Et le 3e trimestre, on l’a eu, il y a à peu près 3 semaines. » Responsable sanitaire « Avec les rapports techniques, la comptabilité, la DRS demande assez de justification pour les actes, tout cela c’est pour ne pas payer. Il y a des centres qui ont des actes depuis 2006 qui ne sont pas payés. L’Etat est un mauvais payeur. » DRS

Progressivement, les formations sanitaires demandent aux familles de payer des ordonnances pour compléter les intrants manquants.

« Tu vois sur cette fiche de stock en rouge, à la date du 21/ 10/ 11 il y a eu rupture et c’est le CSREF qui a assuré la continuité en donnant les kits en attendant que la DRS nous envoie les produits. Pour cela, le CSREF a donné 50 kits tu vois c’est bien écrit mais ce sont des kits diminués, le juste nécessaire. Par exemple si le kit fait quatre sérums, le CSREF te donne deux sérums. Mais ces kits diminués suffisent pour tenir une césarienne. L’Etat gaspille trop de produits. » Pharmacien, Bamako « Quand ce que nous recevons ne suffit pas, les accompagnants payent tout le reste. Je t’ai dit que cette gratuité va mal. On a aussi des ruptures de kits. C’est rare mais il y a deux mois je pense, nous avons connu une rupture de quelques jours. C’est la pharmacie qui nous donne les kits mais ce sont des kits pauvres maintenant. Il faut le dire, la pharmacie n’a pas tous ces produits. Pour cela les accompagnants partent les payer dans les officines privées. Là le coût à payer est plus élevé. Mais si la DRS est endettée à coup de milliards, le système tend vers un blocage. » Personnel

4.6 Une restriction progressive du périmètre de la gratuité Du fait de la gratuité, la capacité financière de la famille ne conditionne plus strictement l’accès aux soins pour une césarienne. Néanmoins, et depuis le démarrage, la gratuité n’est que partielle.

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Le dysfonctionnement du système de référence évacuation fait que le transport, souvent coûteux, reste à la charge de la famille. Le patient doit également payer les ordonnances avant que l’indication de la césarienne ne soit posée et les contours du paquet de gratuité sont complexes et peuvent être sujets à interprétation. « De l’admission de la femme à la maternité au bloc, à l’hospitalisation et à la sortie tout n’est pas gratuit, je m’explique : Quand nous recevons une femme, il faut d’abord que la décision de la césarienne soit prise avant de parler de la gratuité, puis en hospitalisation, si la femme développe une autre maladie il faut payer cette ordonnance, et à la sortie si la femme fait une infection il faut également payer. Les gens avaient du mal à accepter cela. » Personnel Par ailleurs, certains actes ne sont p as gratuits. Ainsi par exemple, dans les trois centres concernés par l’enquête, les poches de sang sont systématiquement payantes (banques de sang non fonctionnelles) de même que les analyses pendant les gardes, puisque ce service ne prévoit pas de permanence et que les structures privées n’appliquent pas la gratuité. « Le laboratoire qui ne fait pas de garde ce qui fait que nous ne pouvons faire des analyses élémentaires comme le groupage ou la goutte épaisse. Nous sommes obligés d’envoyer les bénéficiaires dans les cliniques privées pour les analyses et là ils payent. En plus, la mini banque de sang que nous avons fonctionne uniquement pendant les heures de service. Nous envoyons donc les accompagnants avec une note à la banque de sang en ville ce qui ne va pas sans problème. C’est un facteur qui ralentit la prise en charge. » Personnel Enfin, on observe depuis le démarrage une application variable de la gratuité, telle que le montrent les trois sites d’enquête. Certains ont opté pour une application zélée de la politique et ont même rendu gratuits des services qui ne l’étaient pas, jusqu’à ce qu’ils constatent que l’Etat ne les remboursait pas (le système de « hors kit » de Sikasso par exemple, avant que le Kit césarienne compliquée soit défini et envoyé dans les formations sanitaires). D’autres s’en tiennent au strict minimum. « Les trois gratuités (palu, césarienne et VIH) étaient exécutées à la suite de notes du ministère ou de la DNS. Cela a créé partout des disparités dans la prise en charge de la césarienne dans les différents centres au niveau national. A Koulikoro on pouvait faire payer les examens alors qu’à Sikasso, même les soins pour une césarienne étaient gratuits. C'est-à-dire que la bénéficiaire pouvait passer 2 mois ici à l’hôpital. Tant qu’elle n’était pas guérie et autorisée à rentrer, elle ne payait rien. Tout était à ce moment à la charge de l’hôpital. » Personnel Depuis 2011, on assiste partout à une application de plus en plus restrictive de cette gratuité, pour les raisons précédemment évoquées : diminution des approvisionnements, remboursements tardifs et disparition des kits compliqués mais également la frustration grandissante du personnel chargé des césariennes, qui semble prendre certaines libertés. « Déjà, le comportement des agents n’est pas facile mais quand ils ne voient rien tomber directement dans leur cagnotte, il n’y a pas assez de motivation. Et on dirait aussi que chaque chirurgien a maintenant son prix pour la césarienne parce qu’on paye maintenant

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pour l’intervention. Avant, c’était dans les 200 000F et quelques mais aujourd’hui c’est 30 000 ou bien 25 000F. On fixe un prix comme ça pour l’intervention. Pour les médicaments, on délivre une fois et en cas d’accident ou quand ça se perd, vous allez payer. Oui ça se passe comme ça réellement pour la gratuité. » Collectivité décentralisée On assiste ainsi aujourd’hui à un paiement presque systématique d’ordonnances pour chaque césarienne. Les explications invoquées par le personnel sont impossibles à vérifier. Les usagers en ont d’ailleurs bien conscience et ne s’insurgent pas lorsqu’on leur demande de payer des ordonnances. Dans les faits, et pendant les mois d’observation dans les formations sanitaires, nous n’avons constaté ni situation de conflit, ni revendications ouvertes. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela :

- Le personnel se réfugie généralement derrière l’Etat pur justifier tous les manquements, Etat qui ne parvient pas à tenir ses promesses et à mettre à disposition les médicaments gratuits. Cet argument est visiblement jugé plausible par les usagers qui, ne disposent d’ailleurs d’aucun moyen de vérification.

« Oui, aujourd’hui les accompagnants payent beaucoup de produits car les kits formés sont incomplets et les produits ne suffisent pas. Mais cela ne crée pas de tension. Tu sais, arrivés ici, les gens sont inquiets et quand tu leur expliques, ils comprennent. C’est simple, je leur dis « vous savez ce n’est pas l’hôpital, c’est le Mali qui commence bien les choses et après rien. Au début de cette gratuité, il y avait les produits, mais aujourd’hui il y a très peu de produits. Donc pour sauver ta femme ou ta fille, il faut payer les ordonnances pour compléter les produits ». Les gens comprennent sans problème. » Personnel

- Le périmètre de la gratuité est limité mais le principe demeure. De fait, les demandes

de participation financière restent malgré tout modérées et très largement inférieures à ce qui était exigé avant pour une même intervention.

« C’est une initiative salutaire parce que quand tu tiens compte des revenus de la population, massivement ce que les parents payent pour les césariennes maintenant, ça n’excède pas les 20 000 FCFA. Or avant c’était sans limite.» Personnel

- Il est en outre évident qu’une personne de statut social élevé, plus à l’aise pour revendiquer, aura droit à certains égards et sera moins financièrement sollicitée par le personnel que d’autres patients.

«Il faut sensibiliser les gens pour dire que la prise en charge que tu nécessites et le kit que l’Etat donne par rapport à ta pathologie, ça nécessite obligatoirement qu’on te prescrive une petite ordonnance afférant à ça. Moi j’ai été interpellé par un militaire pour dire que nous avons prescrit une ordonnance pendant que sa femme avait subi une césarienne. Il s’agissait pourtant d’une gastrite et il n’y a pas l’ulcère dans le kit de la césarienne. Il a dit qu’il n’était pas d’accord et on a payé de notre poche l’argent pour qu’il nous laisse en paix. » Personnel

- Enfin, les accompagnants sont tellement angoissés avant et pendant l’intervention

qu’ils ne pensent pas à revendiquer. Et ils sont tellement soulagés après qu’ils ne souhaitent pas faire d’histoires.

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Globalement, les usagers ressentent donc un profond soulagement même s’il nous parait difficile de parler de réelle gratuité de la césarienne. Par ailleurs, les charges financières qui pèsent encore sur l’usager et qu’il ne peut pas anticiper de manière claire, peuvent constituer un frein réel à une prise de décision rapide des familles, notamment celles originaires du milieu rural. 4.7 Le dispositif de suivi évaluation de cette politique 4.7.1 Un dispositif lourd et parallèle au SIS Un dispositif de suivi a été mis en place dans les mois qui ont suivi la décision de cette politique. Un responsable point focal a été effectivement désigné dans chaque formation sanitaire, dans chaque district sanitaire et au niveau régional pour fournir un rapport sur les informations non intégrées dans le SIS. Les supports de collecte actuelle du SIS ne prenant pas en compte l’ensemble des données nécessaires au suivi efficace de la gratuité, un système de monitoring parallèle a été élaboré et des supports de collecte spécifiques mis en place. La collecte et la transmission des données concernant la césarienne sont même mensuelles alors que celles-ci SIS sont trimestrielles. Aujourd’hui, beaucoup de données sont théoriquement disponibles : nombre de césariennes, taux de césariennes, proportion de décès, complications post opératoires, les indications …). Dans deux sites sur trois néanmoins, une perte de données informatiques d’un précédent responsable n’a pas permis dresser un bilan évolutif de la situation. Ce dispositif représente une charge de travail supplémentaire pour le personnel qui s’en plaint abondamment d’autant qu’il ne s’accompagne d’aucune compensation financière. « Je fais 5 copies de chaque dossier, trois copies plus l’original sont déposées à la DRS, par mes soins en moto et une copie reste ici à l’hôpital. Par mois, il peut y avoir 60 dossiers composés de toutes sortes de papiers alors imagine le travail, d’autant que je suis aussi magasinier et que je m’occupe de tout ce qui est consommables par les différents services. Je m’occupe des dossiers « césarienne » en dehors des heures de travail, à partir de 16H, et des fois je finis à 2H du matin. Ce sont des heures supplémentaires, qui ne sont pas payées puisque je ne reçois rien de l’argent de césarienne comme intéressement. Alors que quand l’argent de la césarienne arrive de Bamako, c’est encore moi le comptable qu’on envoie pour aller prendre l’argent, souvent 5 à 6 millions. Rien que pour la césarienne, je peux utiliser 20 rames papiers par trimestre, 2 flacons d’ancre, un tambour de photocopie, sans compter mes efforts physiques.» Personnel 4.7.2 Un travail de suivi organisé autour de la mise en cohérence des informations nécessaires au remboursement des actes Tout le personnel est conscient que l’application de la politique de la césarienne n’est pas négociable et qu’un principe de tolérance zéro s’applique à ceux qui s’insurgent. Le personnel sait également que plaintes et surtout mauvais résultats peuvent avoir des conséquences préjudiciables.

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« Si les kits sont en retard, on prend à la pharmacie. La pharmacie c’est pour qui ? C’est pour l’Etat. Les structures c’est pour qui ? C’est pour l’Etat. Pour une chose politique, quelle est la personne qui va se laisser prendre ? Tous les acteurs qui travaillent dans ces structures, nous avons été mis en garde. Le directeur nous a tous mis en garde. Il dit qu’il ne pardonnera pas à toute personne qui fautera. On sait que c’est une politique nationale, il faut la faire comme ils l’ont dit. Toute personne qui se fera prendre pour des bêtises, va rendre compte » pharmacie Dans l’étude menée à l’hôpital de Kayes12, l’auteur fait la même remarque : « La connotation politique donnée à la gratuité de la césarienne fait que toute personne impliquée directement dans sa gestion et plus particulièrement les agents de santé ont peur d’adopter des comportements néfastes. Selon un intervenant, personne ne veut être responsable de l’échec de cette initiative.»13 Le sentiment clair d’un risque encouru en cas d’échec de la politique n’empêche pas les arrangements locaux et détournements mais il se traduit en revanche,

- d’autre part de taire les problèmes qui se posent. Nous avons été confrontés à une véritable omerta concernant les données, visiblement par crainte de faire apparaitre publiquement les difficultés grandissantes que rencontre cette politique dans son application « Ici nous gérons des chiffres sensibles et nous ne pouvons les donner à quelqu’un sans une autorisation spéciale et écrite de la direction. Il faut que nous nous rassurions de l’utilisation de ces données. C’est comme ça que ça marche chez nous. » DRS « Maintenant j’exige une autorisation écrite du directeur de l’hôpital. Son autorisation verbale ne suffit pas. Vu tout ce qui se passe autour de la césarienne, on ne peut pas permettre à tout le monde de venir prendre les informations n’importe comment. » Responsable service, Sikasso « Moi-même j’ai peur de parler de la césarienne. Cela peut me coûter ma place, si jamais une de ces informations est donnée à un journal. Par rapport à la césarienne, les lieux sont minés, chacun a peur. Je vais juste t’indiquer le bureau du comptable et tu iras voir toi-même. Je ne peux pas t’introduire. » Point focal césarienne, DRS

- d’une part par le souci de produire des données cohérentes et montrant une

augmentation sensible du nombre de césariennes, Le suivi et la production de données sont indispensables pour obtenir le remboursement des actes par l’Etat. Les formations sanitaires sont donc soucieuses de la concordance des données entre les différents services.

« En fait, si ce n’est pas moi, l’argent de la césarienne ne pourrait pas être versé à l’hôpital. Tout ce qui est papier (dossiers) concernant la césarienne, c’est moi. Je suis l’évolution des dossiers avec la sage-femme maitresse, par mois et par trimestre c'est-à-dire que je vérifie le nombre de césariennes, le numéro de la césarienne, le nom et prénom de la césarisée, sa

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S. Cissé, 2011

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provenance, la demande, l’hospitalisation, la contre référence pour celles qui sont référées et le bulletin de sortie. Mais les sages-femmes ne sont souvent pas concentrées dans le travail et il y a beaucoup d’erreurs. Donc chaque mois le registre du bloc et de la maternité (différents papiers) je les contrôle et au besoin, j’apporte des corrections pour conformiser l’ensemble. » Personnel « Tu sais, gérer les produits de gratuité c’est dangereux. On te livre beaucoup de produits gratuits sans contrôle immédiat, mais si jamais tu t’en sers, avec les fiches de livraison de kits, facilement on peut te prendre. Le nombre de produits par kit est connu, le nombre de kits également, le stock global est aussi connu, alors il suffit de faire une soustraction du nombre de produits enlevé sur l’ensemble du stock total et ce qui reste est net. Il doit avoir une concordance de nombre de kits enlevé chez moi avec le nombre d’actes de césarienne. » Pharmacien « Avec les rapports techniques, la comptabilité, la DRS demande beaucoup de justifications pour les actes, tout cela c’est pour ne pas payer, je me rappelle il y a des centres qui ont des actes depuis 2006 qui ne sont pas payés. L’Etat est un mauvais payeur. » DRS

Il est intéressant de voir que la nécessité de rendre des comptes sur l’utilisation des kits et des actes pour être remboursés sur les actes et kits pré positionnés, oblige à une certaine rigueur de suivi et même à une concertation des acteurs.

« Il a été même installé au niveau de l’hôpital un comité qui s’appelle le comité de suivi de la gratuité de la césarienne au sein de l’hôpital de Sikasso pour suivre ces activités de mise en œuvre de cette politique de gratuité au sein de l’établissement. Donc à la fin de chaque trimestre ce comité se retrouve pour discuter les problèmes rencontrés dans la prise en charge des cas et essaye de procéder aux différentes corrections par rapport au cas prise en charge. Parce que la politique de remboursement prévoit que lorsque l’hôpital montre les dossiers donc ça doit être présenté au niveau budget ou trésor pour être remboursé. C’est pour cela qu’on parle de remboursement de la césarienne. » Personnel Le dispositif de suivi, tel que pensé et mis en œuvre, permet d’obtenir des données cohérentes malgré la diversité des situations et les arrangements opérés par chaque formation sanitaire pour pallier les déficiences de l’Etat. On constate néanmoins que rien n’est fait pour vérifier si les données produites correspondent à la réalité et dans quelles conditions la gratuité est appliquée. 4.7.3 Un volet supervision presque inexistant Le volet supervision de cette politique de gratuité, entièrement financé sur le budget de l’Etat, n’a pas été prévu. La supervision de ce programme est intégrée au dispositif habituel de supervisions, lui-même en panne faute de financements. Selon le rapport bilan 2005/2008, une seule supervision a été réalisée en 2006, une en 2007, et aucune en 2008, ce que confirme généralement nos interlocuteurs.

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« Nous ne recevons qu’une fois par an la supervision de Bamako et des fois même, pas de supervision. Nous-mêmes, nous devions faire des supervisions de façon locale mais nous n’arrivons pas à les faire faute d’argent. » DRS « Le niveau national descend au niveau régional par semestre. Et la supervision de ce 1er semestre n’a pas été faite pour le moment. Je pense qu’ils feront au minimum une supervision dans l’année, une supervision qu’on appelle supervision intégrée. » DRS « Jamais, il n’y a pas de supervision pour la césarienne, en tout cas pas à notre niveau. Personne ne suit cette césarienne ce qui, à mon avis, a pour conséquences de faire augmenter artificiellement le nombre de césariennes. » DRS « Jamais, moi quand même je n’ai jamais vu quelqu’un qui est venu pour dire : combien de kit vous avez reçu ? Ou combien de ceci ? non ». Personnel « Les supervisions sont rares et c’est la DRS qui vient souvent les faire. Nous avons reçu une supervision pour la dernière fois en 2010. Quand la supervision vient, elle contrôle si mes fiches de stock sont à jour, comment est fait le stockage des produits, et c’est tout. » Personnel « En tant que point focal, nous, nous faisons la supervision par rapport au SONU, mais je me rappelle que pour la césarienne, on l’a faite une seule fois. Il n’y a pas tellement de supervision par rapport à la césarienne. Bamako est venu une seule fois, en 2009. En 2010, il n’y a pas eu de supervision. » Personnel Ces supervisions sont donc rares, très standardisées et plutôt généralistes. L’important est de produire des chiffres. « C’est la Direction nationale de la santé qui fait la supervision. Ils sont là-bas dans la division Santé de la reproduction. Ils ont même un point focal avec plusieurs médecins qui s’occupent de la gratuité de la césarienne. Et tous les ans, ils font le point sur l’ensemble du territoire et on présente ça au ministre sous forme de conseil de cabinet élargi où on appelle tous les directeurs des hôpitaux, tous les directeurs régionaux pour faire le point de la gratuité de la césarienne. Même pour 2010, ça a été fait. » Responsable sanitaire Les conditions dans lesquelles sont faites les césariennes, ce qui est effectivement payé par les patients et le gaspillage des intrants gratuits, tout cela échappe complètement au niveau central. Difficile dans ces conditions de documenter de manière efficace l’impact de cette politique. « Il y a eu des supervisions mais l’avantage de la supervision c’est quoi ? De faire remonter les problèmes et d’attendre la solution. C’est ça l’avantage de la supervision. Mais pratiquement depuis qu’il y a eu supervision, et alors qu’on était en rupture de kit et toujours obligé de s’approvisionner au niveau du DRC ici, il n’y a eu aucun changement. » Personnel

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V Conclusions 5.1 Une obligation de résultats qui n’est pas remise en cause La gratuité de la césarienne, décision souveraine et voulue au plus haut niveau de l’Etat, est une mesure à assumer et à appliquer sans discussion. Depuis son démarrage, le sentiment d’une obligation de résultats est bien présent, à tous les niveaux du système de santé. Le niveau national met à disposition un kit généreux, puis à la demande des professionnels, un deuxième afin de faire face dans de meilleures conditions, à la prise en charge des césariennes compliquées. Le remboursement des actes se fait de manière régulière, même s’il accuse souvent quelque retard. Les réformes précédentes, axées sur l’équipement des formations sanitaires et sur la formation du personnel pour une meilleure gestion des urgences obstétricales, facilitent la mise en œuvre immédiate de la politique au niveau opérationnel. Le personnel des formations sanitaires, pourtant mal et tardivement informé de cette décision, compense l’impréparation de cette politique par un pré positionnement systématique des intrants disponibles dans les dépôts pharmaceutiques des formations sanitaires. La politique de gratuité est donc effectivement appliquée et cela se traduit par une augmentation très sensible du nombre de césariennes et une satisfaction des usagers, pour lesquels la césarienne était jusque là une épreuve non envisageable et souvent insurmontable. 5.2 Une gratuité révélatrice des dysfonctionnements du système de santé Le personnel, pourtant conscient des conditions difficiles, « kamikazes », de prise en charge des césariennes avant la gratuité, est plutôt défavorable à la politique de gratuité. Les multiples témoignages que nous avons recueillis pendant ce travail en attestent et viennent conforter les conclusions que nous avions obtenues dans l’étude sur les perceptions de cette politique. Quelques années après le démarrage de cette politique, le personnel local constate à la fois une augmentation de la charge de travail absolue, conséquemment à l’augmentation du nombre de césariennes réalisées, et une perte financière, que rien ou presque ne vient compenser puisque le montant remboursé par l’Etat n’est pas redistribué au personnel mais reversé dans les recettes générales des formations sanitaires et donne lieu au mieux à des primes annuelles jugées insignifiantes. Par ailleurs, le montant par acte remboursé par l’Etat (10 000 FCFA) est largement inférieur au gain que pouvait auparavant obtenir le chirurgien pour une césarienne. Les difficultés rencontrées par le niveau national (ruptures plus fréquentes, retards de remboursement plus conséquents) et l’absence de supervisions entretiennent le mécontentement. Elles montrent aussi que l’espoir d’obtenir des mesures d’accompagnement de cette politique (primes par exemple), a peu de chance d’aboutir puisque sources de dépenses supplémentaires pour l’Etat qui a déjà du mal à faire face aux charges financières de cette politique. En conséquence, le personnel adopte localement des stratégies de compensation, renoue avec certaines pratiques habituelles.

- Il utilise des « kits allégés », le reste des produits n’étant pas réintroduit dans le circuit de la gratuité ni donné aux patients qui ne sauraient d’ailleurs qu’en faire.

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- Il réintroduit progressivement des poches de paiements informels dans la gratuité et joue ainsi avec les contours complexes de cette politique et les ruptures, ce qui entraîne une réduction progressive du paquet de gratuité, même s’il n’a pas été possible d’évaluer avec précision ce que coûte aujourd’hui une césarienne aux usagers.

On assiste enfin à une mobilisation systématique et permanente des stagiaires bénévoles pour la réalisation des césariennes, pendant les périodes de garde comme aux heures de service. Les gynécologues ne sont appelés qu’en cas d’extrême gravité ou réalisent les césariennes programmées, après arrangement avec des patientes qu’ils suivent pendant leur grossesse. Il est à noter que les stagiaires ne bénéficient d’aucune indemnité conséquente. Ce manque d’engagement du personnel, titulaire et bénévole, n’est pas sans conséquence sur la qualité des prestations offertes et explique peut-être l’augmentation du nombre d’infections (de 15,5% à 17,3% selon une étude mise en œuvre 2005/2008) et des complications post opératoires (infections puerpérales et suppurations), en augmentation entre 2006 et 2008.

Enfin, cette gratuité est difficile à revendiquer par les usagers, de par ses contours complexes et les responsabilités diffuses des ruptures. 5.3 Le bilan, 6 ans plus tard, laisse planer un doute sur la pérennité de cette mesure L’Etat semble victime de son succès et de l’absence de supervision et contrôle de cette politique :

- L’augmentation du nombre de césariennes rend difficile un approvisionnement en intrants toujours plus lourd et coûteux.

- Le gaspillage est partout dénoncé : les kits conçus par des professeurs bamakois, jugés trop fournis, sont sous utilisés, et de nombreux produits sont trop rapidement périmés.

- Faute de financement, cette politique se caractérise par une absence presque totale de supervisions. Le suivi est orienté vers la production d’indicateurs et la cohérence des dossiers de remboursement. Il ne permet pas de rendre compte de la façon dont sont utilisés les kits, ni du gaspillage de leurs intrants. Cette situation autorise et même encourage les abus qui se généralisent.

Cela se traduit par des ruptures de plus en plus longues ou fréquentes, la disparition temporaire du kit césarienne compliquée et des retards de remboursement plus conséquents. Cette situation contribue à entretenir le scepticisme du personnel quant à la capacité de l’Etat à pérenniser une telle politique. La remise en cause de cette politique ne semble pourtant pas pensable. « Le Président qui va venir et qui va annuler la césarienne, ne fera pas plus d’un mandat et la population va se soulever, ça, ne t’en fais pas pour ça. Tu peux mentionner ça et le garder, un jour tu diras que ton cousin te l’avait dit. La personne qui dira que la gratuité de la césarienne, on ne peut pas prendre ça en charge, va voir. » Personnel De fait, dans le contexte de crises très graves que traverse le Mali en 2012, le ministère de la Santé est interpellé et doit venir bientôt répondre aux journalistes des manquements constatés, lors d’un débat télévisé.

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ANNEXES

Annexe 1

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Annexe 2 : La composition du kit : liste des médicaments et consommables (kit) pour une césarienne

DESIGNATION QUANTITE

Amoxicilline inj 1 g 06

*Séringue 10 cc 06

Compresse 40 x 40 NT S/10 04

*Ringer 02

Sérum salé 0,9ù fl/500 02

Kétamine inj/50 mg 02

Diazépan 10 mg 02

Ergométrine inj 02

Oxytocine inj 02

Sparadrap perforé 1 m 01

*Gants chirurgicaux n° 7,5/8 04

Vicryl serti 0 (Fil resorbable) 02

Vicryl serti 1 (Fil resorbable) 02

*Perfuseur 02

Lame de bistouri 23 ou 24 01

Fil à peau serti (Ethycrin n°2/0) 01

Polyvidone iodé solution 10 % fl 200 ml 01

Alcoool 90 ° fl 01

Atropine inj/1 mg 01

Sonde de foley femme 14 ou 16 01

Poche urinaire 01

*Catheter 18 G ou 20 G 02

Kit post opératoire

Amoxicilline 1nj 1 g 10

Séringue ou 10 cc 08

Sérum glucosé 5% fl/500 05

Sérum salé 0,9% fl/500 ml 05

*Paracétamol inj 03

Perfuseur 05

* Polyvidone iodé solution 10 % fl 200 ml 01

*Compresse 40 x 40 NT S/10 01

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