Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets · 06/07/2017 · I Désignation du...
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Désignation du programme :Programme Chaînes d’approvisionnement et standards durables
Auteurs :Friedel Hütz-Adams (responsable), Antje Schneeweiß (Südwind e.V. – Institut für Ökonomie und Ökumene)Soutien : Sven Bergau
Rédaction et mise en page :MediaCompany – Agentur für Kommunikation GmbH
Crédits photos :Cultivatrice de cacao pendant la récolte au Cameroun, Afrique de l’Ouest© GIZ (Klaus Wohlmann) Cabosse avec chair et fèves de cacao dissoutes © Forum Nachhaltiger Kakao e.V. (Gaël Gelle)
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Sur mandat duMinistère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ)Unité 121 – Agriculture, innovation et recherche agronomiqueDr. Olaf Deutschbein, Dr. Karen Tscherning
La GIZ est responsable du contenu de cette publication.
Bonn, Janvier 2018
LISTE DES ABRÉVIATIONS
APE Accord de Partenariat Economique
BMZ Ministère Fédéral de la Coopération Economique et du Développement
BDSI Fédération allemande de l’industrie de la confiserie
FOB Free on Board
CCC Conseil du Café-Cacao, Côte d’Ivoire
CAF Coût, Assurance, Fret
CMC Cocoa Marketing Company, Ghana
CNUCED Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
COCOBOD Ghana Cocoa Board (Conseil ghanéen du Cacao)
CRIG Cocoa Research Institute of Ghana (Institut de Recherche du Ghana)
FBS Farmer Business School (Ecole d’Agronomie et de Commerce)
GIZ Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
ICCO Organisation Internationale du Cacao
LBC Licensed Buying Company (Société d’achat autorisée), Ghana
PPPP Plateforme de Partenariat Public-Privé
QCD Quality Control Division (Division de Contrôle Qualité), Ghana
SAN Réseau d’Agriculture durable
UE Union Européenne
Monnaies
EUR Euro
GBP Livre Sterling
GHS Cedi Ghanéen
NGN Naira Nigérian
USD Dollar des Ètas-Unis
XOF CFA Franc Ouest-Africain
3
SYNTHÈSE 4
1. INTRODUCTION 5
1.1 Pourquoi cette étude ? 5
2. CHAÎNE DE VALEUR DU CACAO CONVENTIONNELLE ET CERTIFIÉE DURABLE 5
2.1 Où le cacao est-il produit et consommé ? 5
2.2 Structure du marché 6
2.3 Ventes en Allemagne : concentration et offres spéciales 8
2.4 Systèmes standards et cacao produit durablement 9
3. COMMENT LE PRIX DU CACAO EST–IL DETERMINE ET QU’EST-CE QUI LE DEFINIT ? 10
3.1 Mécanismes de fixation des prix tout le long de la chaîne de valeur 11
3.2 Détermination des prix pour le cacao certifié 14
3.3 Droits de douane, accords commerciaux et taxes 15
3.4 Volatilité des prix et spéculations 16
4. DES PRIX, DES REVENUS ET DES SALAIRES ÉQUITABLES 24
4.1 Que peuvent faire les organismes de normalisation ? 25
4.2 Avancement du calcul des revenus de subsistance 25
5. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS D’ACTION 26
6. BIBLIOGRAPHIE 29
TABLE DES MATIÈRES
4
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
SYNTHÈSE
Les efforts de durabilité dans le secteur du cacao sont actuelle-ment confrontés à des défis majeurs. Depuis septembre 2016, le prix du cacao a chuté massivement, passant d’un peu moins de 3.000 USD à environ 1.900 USD la tonne fin juin 2017, avec un impact direct sur les revenus des agriculteurs.
La présente étude met en évidence l’existence du processus de concentration sur le marché du cacao parmi les négociants et les transformateurs de cacao ainsi que dans le commerce de détail des denrées alimentaires. Les trois plus grandes en-treprises, Barry Callebaut, Cargill et Olam International, ont à elles seules la capacité de traiter les deux tiers de la récolte mondiale. Il n’existe pas de contrepoids adéquat du côté de l’offre de cacao. Selon les estimations, la majorité des cinq millions d’agriculteurs dans le monde n’est pas organisée, ce qui affaiblit considérablement leur situation dans la chaîne de valeur. En Afrique de l’Ouest, d’où proviennent environ 70 pour cent de la récolte mondiale de cacao, on estime que seulement 30 pour cent des agriculteurs sont organisés. On y observe également un manque d’associations nationales et internationales.
En outre, certains indices donnent à penser que des inves-tisseurs purement spéculatifs influencent le cours du cacao en Bourse.
Sur ces deux aspects, au-delà des points soulignés dans la présente étude, des recherches plus détaillées sont néces-saires pour étudier les tendances identifiées de manière plus approfondie.
Les agriculteurs n’ont aucune influence sur les prix du marché mondial. La question de savoir si les agriculteurs disposent un revenu vital ne joue pas un rôle dans la détermi-nation de ces prix. Le Baromètre du cacao 2015 est basé sur un revenu du cacao de 0,50 USD par habitant et par jour en Côte d’Ivoire et de 0,84 USD au Ghana – bien en deçà du seuil de pauvreté que la Banque mondiale définit à 1,90 USD par habitant et par jour.
Les approches des organismes de normalisation ont peu de chance de changer cela. Les primes versées sont trop faibles pour avoir une influence significative sur les revenus des agri-culteurs. Seul Fairtrade fixe un prix minimum de 2.000 USD la tonne. Toutes les normes prévoient des primes. Celles-ci varient d’environ 100 USD la tonne (89 EUR) (UTZ) à 200 USD la tonne (179 EUR) (Fairtrade). Toutefois, seul un
certain pourcentage de cet argent est versé directement aux agriculteurs.
Toutefois, l’effet des organismes de normalisation ne doit pas être considéré comme limité aux primes et – dans le cas du Fairtrade – au prix minimum. Fairtrade et UTZ conservent respectivement 73 pour cent et 57 pour cent des primes au niveau des coopératives cacaoyères, qu’elles inves-tissent dans la formation agricole, le conseil aux agriculteurs et le développement organisationnel.
Dans le même temps, il convient toutefois de noter que la diffusion généralisée du cacao certifié sur le marché allemand n’a qu’un impact limité sur les conditions de vie des agricul-teurs et les conséquences environnementales de la culture du cacao.
Les marges bénéficiaires des acteurs du secteur du cacao et du chocolat ne fournissent aucune information permet-tant d’évaluer si le niveau des prix actuel des produits finis donne la possibilité d’améliorer les revenus des agriculteurs du secteur ou s’il est nécessaire d’augmenter les prix des produits finis.
Pour faire avancer le débat sur la garantie de revenus qui assureront des moyens d’existence, il convient de recueillir beaucoup plus de données sur les revenus des agriculteurs, leur degré de diversification et leur structure de coûts.
Ceci pourrait servir de base pour inclure les aspects relatifs aux droits de l’homme dans la tarification, facilitant ainsi la contribution du secteur à la mise en œuvre des Principes d’économie et des droits de l’homme des Nations Unies. Cette analyse donne également des indications sur l’orien-tation de la coopération au développement. Les mesures proposées incluent d’appuyer des enquêtes pour étudier les effets des processus de concentration sur la concurrence dans le secteur et les impacts de la spéculation sur l’évolution des prix. En outre, il est nécessaire de collecter des données sur les effets des nouvelles méthodes culturales et de la diversification sur les revenus des agriculteurs, ainsi que sur le soutien à des méthodes de culture durables comme les systèmes agrofores-tiers. Une autre recommandation concerne le fait de soutenir les agriculteurs à former des organisations pour leur permettre d’influencer les prix.
5
1 INTRODUCTION
Figure 1 Production de cacao en milliers de tonnes
2010/11 11/12 12/13 13/14 14/15 15/16 (estimé) 16/17 (anticipé)
Source : ICCO 2012, 2013, 2015, 2017, tableau 2
Côte d’Ivoire
Ghana
Cameroun
Nigeria
Indonésie
Équateur
Brésil
Pérou
1000500 1500 20000
1 INTRODUCTION
1.1 Pourquoi cette étude ?
Quels mécanismes déterminent les prix du marché du cacao ? Comment ceux-ci affectent-ils la situation des cacaoculteurs ? Et quels sont les enjeux pour la durabilité dans le secteur du cacao, en particulier depuis la chute des prix du cacao en septembre 2016 ?
La présente étude, commanditée par le Ministère Fédéral Allemand de la Coopération économique et du Dévelop-pement (BMZ), traite de ces questions. L’objectif de cette étude était d’analyser le niveau des connaissances concernant l’évolution des prix du cacao et le fonctionnement de la détermination des prix tout le long de la chaîne de valeur du cacao. Il s’agissait notamment de déterminer quels facteurs sur le marché international du cacao ont une influence négative ou positive sur les prix à la production. En outre, il convient d’examiner quelle part du prix de détail est perçue par les agri-culteurs. Sur cette base, l’objectif était de mettre en évidence des instruments et des approches d’ajustement le long de la chaîne de valeur ajoutée qui permettraient des prix équi-tables et un revenu toujours plus élevé pour les producteurs. L’analyse de la situation des pays en croissance se concentre sur les trois principaux pays d’origine du cacao transformé en Allemagne : la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigéria.
2 CHAÎNE DE VALEUR DU CACAO CONVENTIONNELLE ET CERTIFIÉE DURABLE
2.1 Où le cacao est-il produit et consommé ?
La culture du cacao à forte intensité de main-d’œuvre est concentrée dans les pays situés le long de l’équateur ayant des conditions climatiques favorables à la culture de cette plante et une main-d’œuvre bon marché. Malgré tous les problèmes liés à la culture, le cacao est depuis longtemps une source de revenus relativement lucrative, en particulier pour les agri-culteurs d’Afrique de l’Ouest.
Les pays producteurs les plus importants sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, l’Indonésie, l’Équateur, le Cameroun, le Nigéria, le Brésil et le Pérou. Ces dernières années, environ 70 pour cent de la récolte mondiale provenait d’Afrique de l’Ouest. Selon les calculs préliminaires, ce chiffre passera à 75 pour cent en 2016/17, grâce à des récoltes record en Côte d’Ivoire et au Ghana1 (figure 1).
1 ICCO 2017 : vii
6
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Figure 2 Consommation du cacao pour 2015/16 en milliers de tonnes
Source : ICCO 2017 : tableau 37
Autres pays1.795
États-Unis 731
Italie 105
Japon 174
Russie 184
Brésil 189
Grande-Bretagne 219
France 225
Allemagne 350
Figure 3 Broyage du cacao 2016/17 en milliers de tonnes (anticipé)
Source : ICCO 2017 : tableau 3
Autres pays1.304
Côte d‘Ivoire 540
Pays-Bas 545
Allemagne 415
Malaisie 220
Ghana 220
Brésil 228
États-Unis 390
Indonésie 420
Figure 4 Capacité de broyage des entreprises dans l’année 2015 en milliers de tonnes
Source : Hawkins/Chen 2016 : 9 ; ICCO 2017 : tableau 5
Barry Callebaut 1.200
Cargill 800
Olam Inter- national 730
Écart par rapport à la
récolte globale 500
Ecom Agroindustrial
Corp. 110
BT Cocoa 120
JB Foods 150
Guan Chong 200
Blommer Chocolate Company 290
Afrique de l’Ouest : Comment la contrebande fausse les statistiques
La différence des prix du cacao et la fluctuation des taux de change entre les pays d’Afrique de l’Ouest font que la contrebande de cacao est particulièrement florissante entre la Côte d’Ivoire et le Ghana – parfois dans un sens, parfois dans l’autre, selon les endroits où il est possible d’éco-nomiser davantage.2 En raison de la hausse actuelle du prix minimum au Ghana par rapport à la Côte d’Ivoire, une importante contrebande est pratiquée en direction du Ghana depuis avril 2017. La contrebande fausse les statistiques et rend difficile la stabilisation des prix.
2 2017 : vii
Dans les données publiées par l’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) sur l’utilisation du cacao, il convient de faire la distinction entre les informations sur le broyage du cacao brut et la consommation réelle dans un pays. Le pays consommateur le plus important est les États-Unis, suivis par l’Allemagne, où environ 9 pourcent du cacao produit dans le monde est consommé (figure 2).
En outre, l’Allemagne importe des fèves de cacao afin de les transformer pour l’exportation et importe des produits intermédiaires et du chocolat. Selon les estimations prélimi-naires, un total d’environ dix pour cent de la récolte mondiale de cacao brut a été broyé en Allemagne au cours de la saison de récolte 2016/17.3
Certains pays producteurs ont renforcé leur capacité à broyer le cacao. La Côte d’Ivoire est actuellement le deuxième plus grand pays broyeur de cacao en pâte de cacao après les Pays-Bas, suivie de près par l’Allemagne et l’Indonésie (figure 3).
2.2 Structure du marché
Le cacao est principalement cultivé par environ 5,5 millions de petits exploitants. Seule une minorité d’entre eux est organisée ou formée en coopératives. En Afrique de l’Ouest, cette proportion est probablement de moins de 30 pour cent. On observe un manque d’associations nationales et internationales efficaces.
Concentration chez les grandes entreprises
Le grand nombre d’agriculteurs non organisés contraste avec une diminution du nombre d’entreprises achetant et broyant du cacao (figure 4). Les trois plus grandes entreprises peuvent à elles seules traiter les deux tiers de la récolte mondiale.
3 Selon les informations préliminaires de l‘ICCO 2017
7
2 CHAÎNE DE VALEUR DU CACAO CONVENTIONNELLE ET CERTIFIÉE DURABLE
CULTURE ET PREMIÈRE TRANSFORMATION
DU CACAO
NIVEAU DU COMMERCE
TRANSFORMATION DES FÈVES
PRODUCTION DU CHOCOLAT
VENTE EN DÉTAIL
Production d’engrais, pesticides, matériel
végétal, etc.conseil, certification
Financement par les banques et
les investisseurs
Production de lait, sucre, noisettes, etc.
Production de matériaux d’emballage
• Plantation et entretien des cacaoyers
• Récolte
• Ouverture des fruits
• Fermentation et séchage
• Emballage en sacs et stockage
• Les agriculteurs vendent aux petits commerçants, aux organisations d’achat ou aux exportateurs
• Transport vers les ports
• Exportation ou transformation dans le pays de culture
• Stockage
• Nettoyage et rôtissage
• Concassage
• Broyage en masse de cacao
• Transformation de la pâte de cacao
- Production de chocolat (lait, sucre, noisettes, nougat, beurre de cacao, etc.)
• Précédemment : Pressage de la pâte de cacao en beurre de cacao et poudre de cacao
- Beurre de cacao pour chocolat, cosmétiques et produits pharmaceutiques
- Poudre de cacao pour la transformation en produits de cacao
• Emballage
• Transport aux magasins
• Vente
• Consommation
• Traitement des ordures
Figure 5 Chaîne de valeur : des fèves de cacao au chocolat
Le cacao est principalement transformé en produits de chocolat. Sa chaîne de valeur ajoutée – c’est-à-dire la chaîne de production de la culture à la transformation, au commerce, au consommateur final et à l’élimination – inclut également des acteurs indirects tels que les fabricants d’engrais, les entreprises de transport et d’emballage ainsi que les prestataires de services financiers.
8
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Figure 6 Part de marché de la production de chocolat en millions de dollars US en 2015
Source : ICCO 2016 a (entreprises individuelles) et industrie des bonbons (marché global) * Contient la production de produits autres que les sucreries.
Autre entreprises (estimé)24.000
Mars Inc. (États-Unis) 18.400
Mondelez International (États-Unis) 16.691
Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG
(Suisse) 4.171
Hershey Co (États-Unis)
7.422
Meiji Co Ltd (Japon)*
8.461
Groupe Ferrero (Luxembourg /
Italie) 9.757
Nestlé SA (Suisse) 11.041
De telles concentrations s’observent également dans la pro-duction de chocolat (figure 6).
Statistiquement, il peut être démontré que la part du prix du cacao dans le prix de vente des produits fabriqués à partir de ce cacao a diminué régulièrement au cours des dernières décennies.4 Sur le marché français, par exemple, le cacao re-présentait encore 23 pour cent du prix d’une tablette de cho-colat entre 1960 et 1970. Entre 2000 et 2011, il n’était plus que de 10 pour cent. La baisse la plus forte a été enregistrée dans les années 1980. En conséquence, la proportion des paie-ments versés aux agriculteurs – mesurée sur la base du prix du chocolat – est passée de 12 pour cent par tablette à 5,6 pour cent.5 Une tendance similaire a été observée sur le marché du chocolat aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.6
Dans une étude préparée pour la CNUCED, les auteurs mettent en garde contre les déséquilibres de pouvoir dans la chaîne de valeur et suggèrent que les marchés régionaux, nationaux et internationaux soient étroitement surveillés pour garantir la concurrence et le respect des législations antitrust.7
En particulier, le processus de concentration induit par les rachats et les faillites, ainsi que la réduction du nombre d’entreprises de négoce de cacao, de moulins à cacao et de fabricants de chocolat industriel – ces trois étapes étant souvent entre les mains d’une seule et même entreprise – sont considérés comme discutables. Le nombre toujours plus res-treint d’acteurs du marché risque d’exacerber les déséquilibres de pouvoir existants.
Les analyses de l’ICCO indiquent que les barrières à l’entrée dans le secteur de la transformation du cacao sont désormais élevées. En raison des économies d’échelle considé-rables, qui favorisent les grandes installations concentrant les processus de broyage, de production du chocolat industriel et
4 Barrientos 2016 : 2175 Bonjean / Brun 2016 : 3566 Nardella 2015 : 14, 18, 227 Gayi / Tsowou 2015 : viii
de transformation ultérieure en produits finis, il est très diffi-cile pour les nouveaux venus de s’implanter sur le marché.8
Le facteur décisif pour renforcer ou affaiblir la position concurrentielle des entreprises dans le secteur de la transfor - mation du cacao n’est donc pas tant le prix du cacao ou des produits transformés que la question du coût des proces-sus de travail.9
Manque d’organisation des petits agriculteurs
Cette concentration du marché affaiblit-elle la situation des agriculteurs et affecte-t-elle les prix ? Les experts voient un grand danger dans le fait que les petits agriculteurs non organisés ne soient pas en mesure d’affirmer leurs intérêts dans la chaîne de valeur ajoutée et que les déséquilibres de pouvoir soient même exacerbés par les processus de concentration.10 D’autres études concluent que rien ne prouve qu’une concen-tration accrue augmente la pression exercée sur les agricul-teurs. Toutefois, certaines de ces études utilisent des modèles d’analyse normalisés pour diverses industries.11 On peut se demander si une telle analyse rend justice au secteur du cacao avec son énorme disparité de pouvoir tout au long de la chaîne de valeur.
Gouvernements faibles
Enfin, les gouvernements, qui sont des acteurs clés dans les principaux pays en croissance que sont la Côte d’Ivoire et le Ghana en particulier, n’ont jusqu’ à présent pas été en mesure de contrebalancer la concentration du marché. Cependant, cela pourrait changer. Selon la presse, les gouvernements ivoirien et ghanéen se sont mis d’accord sur une coopération plus étroite dans le secteur du cacao dans le courant de l’année 2017, avec notamment des accords sur des mesures de lutte contre la chute du prix du cacao.12
2.3 Ventes en Allemagne : Concentration et offres spéciales
En Allemagne, la plus grande partie du chocolat est vendue sur les étals de magasins de vente au détail. À ce niveau aussi, on observe des phénomènes de concentration : quatre grands groupes (Rewe Group, Edeka Group, Schwarz Group, Aldi Group) contrôlent environ 67 pour cent du commerce ali-mentaire allemand.13
Le chocolat comme leurre
Le chocolat est considéré comme un « produit phare » sur le marché de détail allemand très concurrentiel. En tant qu’offre
8 Nardella 20159 Gilbert 2009 : 30110 Barrientos 2016 : 220 ; Gayi / Tsowou 2015 : 17-18 ; Fold / Neilson 2016 : 20111 Voir en particulier Gilbert 2009 : 301 ; SEO 201712 http://www.ghanaweb.com/GhanaHomePage/business/Ghana-Cote-d-Ivoire-
sign-cocoa-deal-545130 ; http://www.graphic.com.gh/news/general-news/ ghana-cote-d-ivoire-collaborate-to-control-prices-of-cocoa.html
13 https://de.statista.com/statistik/daten/studie/4916/umfrage/marktanteile- der-5-groessten-lebensmitteleinzelhaendler/
9
2 CHAÎNE DE VALEUR DU CACAO CONVENTIONNELLE ET CERTIFIÉE DURABLE
Figure 7 Proportion de cacao certifié dans les produits finis contenant du cacao vendus en Allemagne
Source : BDSI
20142013 2015 201620122011
7 %
18 %
27 %
39 %45 %
3 %
spéciale, elle attire les clients dans les magasins, où ils achètent d’autres produits. Selon les estimations, un tiers du chocolat a été vendu en 2015 par le biais d’offres spéciales14, avec une tendance à la hausse. Le commerce de détail tient donc à offrir du chocolat à un prix inférieur à celui de la concurrence.
L’offre spéciale à prix stable
Entre 1950 et 2002, le prix de l’offre spéciale pour une barre de 100 grammes de chocolat au lait entier est resté rela-tivement constant au prix d’une D-Mark, alors que les prix généraux en Allemagne ont augmenté de 322 pour cent selon l’Office fédéral de la statistique. En suivant cette tendance, le prix d’une barre aurait dû dépasser quatre D-Mark15. Ce n’est qu’avec l’euro que les prix ont augmenté.
En 2015, on estime qu’environ 60 pour cent du chocolat en Allemagne a été vendu dans les magasins discount et qu’un tiers de la quantité totale vendue l’a été par le biais d’offres spéciales.16 Les marques des distributeurs ont vu leur part de marché augmenter à environ 30 pour cent ces dernières années. La baisse des prix réels a été rendue possible grâce à la baisse significative des coûts des matières premières et de pro-duction. De plus, les chaînes de magasins de détail se privent souvent de marges plus élevées lorsqu’elles veulent attirer des clients avec des offres spéciales.
14 Kleemans 201515 Freiberger 201016 Kleemans 2015
Dans le même temps, les ventes de produits chocolatiers de haute qualité, y compris les chocolats d’origine, ont consi-dérablement augmenté ces dernières années. Néanmoins, il ne s’agit que d’un segment de marché très restreint.
2.4 Systèmes de standards et cacao produit durablement
En Allemagne, de plus en plus de cacao issu d’une production durable est vendu. Selon l’Association fédérale de la confiserie allemande (BDSI), la part du cacao durable dans les produits de confiserie vendus en Allemagne en 2016 était de 45 pour cent (figure 7).
Ce cacao est certifié par Fairtrade, UTZ ou Rainforest Alliance / SAN ou provient d’un projet avec des exigences et des contrôles comparables.17 GEPA est également présent sur le marché avec du cacao certifié équitable et biologique.
Les parts de marché exactes des organisations en Alle-magne ne sont pas connues. Toutefois, la plus grande partie devrait provenir d’UTZ. Selon Fairtrade, environ 30.000 tonnes de cacao Fairtrade ont été vendues en Allemagne en 2016, soit environ 8,6 pour cent de la consommation de cacao en Allemagne.18 GEPA, qui travaille avec son propre standard et dont le cacao est également largement certifié
17 La définition est basée sur la définition de durabilité du l’Initiative Allemande pour le Cacao Durable. Actuellement, il est prévu que les tonnages capturés seront entièrement ou au moins presque entièrement cultivés et certifiés selon les normes Fairtrade, UTZ et Rainforest Alliance / SAN.
18 https://www.fairtrade-deutschland.de/produkte-de/kakao/hintergrund- fairtrade-kakao.html
10
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Tableau 2 Évolution de la certification du cacao (indiquée en tonnes)
Côte d’Ivoire Ghana Nigeria Équateur
Production totale (2015/16) 1.580.000 778.000 200.000 232.000
Dont certifié
UTZ (2016) 661.876 181.365 72.955 59.626
Rainforest Alliance (2016) 300.480 86.266 non indiqué 24.911
Fairtrade (2015) 111.300 79.700 non indiqué 3.606
Biologique (2015) 50 3.300 100 2.550
Tableau 1 Cacao certifié en tonnes
OrganisationCertifié
2009Certifié
2013Certifié
2014
Certifié et vendu 2014
Certifié 2015
Certifié et vendu 2015
Certifié 2016
UTZ 5.396 691.490 879.771 390.416 918.000 582.00 1.188.166
RFA / SAN 13.300 571.695 575.000 238.000 491.622 223.102 465.728
Fairtrade 106.000 176.400 218.000 70.600 252.000 93.000 non indiqué
Biologique 101.000 109.000 114.000 117.000 156.000 non indiqué non indiqué
Total 225.696 1.548.585 1.786.771 816.016 1.817.622 898.102 1.653.894
Source : Fountain/Hütz-Adams 2015 : 19 ; Fairtrade 2017 ; UTZ 2017 : 12 ; Rainforest Alliance 2017 et 2017a ; SSI 2016 : 75
biologique, ne vend qu’un peu moins de 1.000 tonnes, princi-palement en Allemagne.19
En 2015, environ 22 pour cent du cacao commercialisé sur le marché mondial était certifié par l’une des principales organisations de normalisation (tableau 1). Cela ne comprend pas la petite partie de la récolte mondiale (principalement en Amérique centrale et latine), qui est certifiée selon différentes normes biologiques et pour laquelle aucune donnée n’est disponible sur les quantités effectivement vendues. Encore plus de cacao a été certifié par le producteur. Toutefois, il n’est pas possible d’établir clairement le pourcentage de la récolte mondiale qui a effectivement été cultivé selon l’une des normes avec les données actuelles. La raison en est la double et triple certification de nombreuses organisations paysannes. Par exemple, quand des organisations ont fait l’expérience que, bien qu’étant certifiés Fairtrade, elles n’ont pas pu vendre une grande partie de leur cacao autrement que sur le marché conventionnel, elles ont dans certains cas cherché à se faire certifier selon une autre norme.
Même si l’on tient compte des certifications multiples, la proportion de cacao certifié produit en Côte d’Ivoire devrait avoisiner les 50 pour cent ; au Ghana, au Nigéria et en Équa-teur, cette proportion est nettement inférieure (tableau 2).
19 Source : Discussion avec les responsables de la GEPA le 28.06.2017.
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
Dans un marché structuré de manière optimale, le prix du cacao serait déterminé par le volume de la production et la demande des récoltes.
La quantité récoltée dépend, entre autres, du climat, mais aussi de la propagation des maladies, de l’utilisation et du coût des terres, des pesticides, des engrais et du transport.
Le prix du marché mondial est déterminé quotidienne-ment et publié par ICCO. Le 29 juin 2017, il était de 1.920 USD la tonne (1.718 EUR20).21
Quel est la part du prix perçue par le producteur ?
La part du cacao dans le prix de vente final du chocolat a diminué22 au cours des dernières décennies et n’en représente
20 Taux de change : le site Internet suivant a été utilisé pour la conversion : http://ec.europa.eu/budget/contracts_grants/info_contracts/inforeuro/ index_de.cfm
21 ICCO calcule le prix moyen sur une base journalière, en tenant compte des cotations boursières pour les trois prochaines dates de livraison sur les bourses de Londres et de New York. Les cotations de Londres sont converties en dollars US. Un prix est également calculé en livres sterling, comme le commerce à Londres est effectué en livres sterling.
22 Barrientos 2016 : 217
Source : ICCO 2017 ; SSI 2016 : 124 ; UTZ 2017 ; Fairtrade 2017 ; Rainforest Alliance 2017a : 10
11
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
Tableau 3 Part du cacao brut dans une tablette de chocolat au lait, teneur en cacao 30 % (moyenne, juin 2017)
Tablette de chocolat 100 g, Prix 0,89 EUR
Coûts par kilogramme de cacao brut (FOB) 1,75 EUR
Masse de cacao par kilogramme de cacao brut 800 g
Part de la masse de cacao dans le chocolat au lait 30 %
Nombre de tablettes de chocolat de 800 g de pâte de cacao 26,7 tablettes
Coût du cacao brut par tablette 6,6 Centimes
Part du prix de la tablette de chocolat 7,4 %
Part des coûts après variation des prix du cacao en Côte d’Ivoire
Ancien prix bord champ: 1,78 EUR/kg (10/2016 – 3/2017)
6,7 Centimes / 7,5 %
Nouveau prix bord champ: 1,07 EUR /kg (de 4/2017)
4 Centimes / 4,5 %
Tableau 4 Répartition des ventes dans la chaîne de valeur mondiale 2015
Quote-part du prix de vente
Revenu brut des agriculteurs 6,60 %
Transport domestique 0,50 %
Autorité fiscale et de commercialisation 4,20 %
Transport international 0,30 %
Frais au port d’arrivée 1,10 %
Marchands internationaux 0,20 %
Processeurs et broyeurs 7,60 %
Producteurs 35,20 %
Détaillants et taxes 44,20 %
Source : Fountain/Hütz-Adams 2015 : 39
aujourd’hui plus qu’une faible proportion (tableau 3). La part du prix de vente des produits chocolatiers perçue par les agriculteurs est par conséquent faible.
Néanmoins, les entreprises peuvent aussi facilement produire des marques de chocolat bon marché avec du cacao certifié. Les frais supplémentaires pour le chocolat certifié ne sont que d’environ 1 centime par barre.23
Quelles sont les ventes le long de la chaîne de valeur du cacao ?
La fluctuation des prix des matières premières, la modernisa-tion des techniques de production et l’évolution des relations de pouvoir due aux fusions des acteurs du marché influencent les ventes et les parts de profit des parties impliquées dans la chaîne de valeur. Les marges bénéficiaires de la plupart des entreprises ne sont pas transparentes, de sorte qu’elles ne peuvent pas être ventilées tout au long de la chaîne de valeur.
En revanche, la répartition des ventes des produits choco-latiers peut être calculée : sur le marché mondial, les fabricants et les détaillants perçoivent la plus grande part du chiffre d’affaires (tableau 4). Cependant, ils ne génèrent pas auto-matiquement des profits élevés. Parce que la guerre massive des prix du chocolat comprime les marges de nombreuses entreprises.
Une simple redistribution des bénéfices au sein de la chaîne ne suffirait pas à améliorer durablement la situation des agriculteurs.24
23 Estimation de l‘auteur pour le chocolat au lait, teneur en cacao 30 pour cent.24 Fountain/Hütz-Adams 2015 : 41-43
3.1 Mécanismes de fixation des prix tout au long de la chaîne de valeur
La concentration du pouvoir dans la chaîne de valeur obser-vée dans le commerce du cacao, le broyage, la production de chocolat et la vente au détail crée une forte pression sur les prix dans la chaîne. Pour déterminer le prix du marché, les coûts assumés par les agriculteurs et la sécurisation de revenus garantissant à ceux-ci des moyens de subsistance ne jouent aucun rôle.
En raison d’un manque de pouvoir de négociation, les petits agriculteurs doivent accepter le prix qui leur est annoncé – qu’ils puissent ou non assurer une gestion du-rable de leur exploitation et assurer leur subsistance. Sans une organisation plus forte des agriculteurs en réseau aux niveaux national et international, cela ne changera guère.
Même des pays producteurs importants comme la Côte d’Ivoire et le Ghana n’ont jamais pu influencer les prix du marché mondial malgré leur part de marché élevée.
La plupart des sociétés d’achat de cacao ne sont pas dis-posées à payer plus que le niveau des prix du marché mondial ou les prix minimaux nationaux fixés au Ghana et en Côte d’Ivoire en période de bas prix du cacao. Seules quelques entreprises (par exemple Taza Chocolate, Ingemann, Tony’s Chocolonely) sont prêtes à payer des prix supérieurs au niveau des prix du marché mondial dans les phases de bas prix en établissant des relations de marketing direct, répondant ainsi aux besoins fondamentaux des agriculteurs. Ces entreprises essaient actuellement de calculer le coût de la cacaoculture, afin de s’en servir comme référence pour determiner
12
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
le prix qui permettra aux producteurs de cacao d´ obtenir un revenu vital.
Côte d’Ivoire : Vaine tentative de stabiliser les prix
Entre juillet 1987 et octobre 1989, le gouvernement ivoirien a tenté de stabiliser les prix en imposant une interdiction d’exportation. Cependant, les clients recherchaient des four-nisseurs alternatifs et utilisaient leurs stocks. L’expérience a entraîné en Côte d’Ivoire des coûts élevés et des pertes de recettes d’exportation et de taxes. En fin de compte, cela a contribué à l’effondrement du contrôle de l’État sur le marché ivoirien du cacao.25
Les différentes structures et stratégies des pays producteurs
En réponse à la fluctuation des prix, les pays producteurs d’Afrique de l’Ouest ont modifié à plusieurs reprises leur stra-tégie de commercialisation au cours des dernières décennies.• Après environ 20 ans, la Côte d’Ivoire a partiellement mis
fin depuis 2012 à la libéralisation complète de son marché du cacao. Depuis, le Conseil du Café-Cacao (CCC) régle-mente le marché, mais n’intervient pas directement.
• D’autre part, le Ghana a réformé à plusieurs reprises sa réglementation du marché au cours des dernières décennies, sans abolir la forte influence des autorités étatiques sur le commerce national du cacao. Les exportations sont gérées par le Cocoa Marketing Company (CMC), une filiale de l’organisme étatique COCOBOD.
• Au Nigéria, l’Etat n’a plus d’influence directe sur le commerce du cacao depuis la libéralisation à la fin des années 1980.
Côte d’Ivoire
Depuis 2012, le Conseil du Café-Cacao (CCC) est chargé de la gestion du secteur cacaoyer, y compris de la stabilisation des prix.
Déjà pendant les mois de janvier à juin, et donc bien avant le début d’une saison de récolte, environ 80 pour cent du volume de récolte attendu est vendu aux enchères de manière quotidienne sous la supervision du CCC. Au début de la saison cacaoyère, le CCC fixe un prix de vente moyen (référence) basé sur les ventes déjà réalisées, sur la base duquel le prix fixe bord champ du cacao sera fixé pour la nouvelle saison. Le prix du cacao pour les producteurs devrait être au moins égal à 60 pour cent du prix de référence. En 2012, la CCC a mis sur pied un fonds de compensation pour com-penser les différences entre le prix intérieur stable et le prix fluctuant du marché mondial pour les volumes non vendus à l’avance. Ce fonds de compensation est financé par la diffé-rence entre le prix de référence et le prix du cacao obtenu.
Les exportateurs peuvent ainsi déterminer eux-mêmes dans une certaine mesure les coûts et les marges. Les produc-teurs, les coopératives et les intermédiaires doivent accepter ce que la CCC leur annonce.26
25 Bonjean/Brun 2016 : 342 ; Vellema et al. 2016 : 23226 Details voir Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 2016 : 23-25
Estimation : Ce système protège les agriculteurs contre les fluctuations de prix pendant la campagne principale de récolte. Un autre prix sera fixé pour la basse saison à la fin du mois de mars. Cependant, ces dernières années, ce prix a souvent été le même qu’en haute saison. Cependant, il n’y a aucune protection au-delà de la saison en cours.
Beaucoup d’agriculteurs travaillent à haut risque, car les investissements dans la cacaoculture ne sont rentabilisés qu’après plusieurs années. La courte période de certitude sur les prix n’est pas suffisante pour couvrir de tels investisse-ments. En outre, les agriculteurs exigent une part plus élevée des prix du marché mondial. Les coopératives et les exporta-teurs critiquent également le fait que leurs marges ne couvrent pas les coûts.
Les prix sous pression : exemple de la Côte d’Ivoire
Grâce à la hausse des prix du marché mondial, les prix mi-nimums pour les agriculteurs ivoiriens ont augmenté régu-lièrement entre 2012 et 2016. Cependant, au début de l’année 2017, une récolte record a fait baisser le prix du marché en deçà du prix à l’exportation prévu pour la saison de récolte 2016 / 2017.
Cela a exercé une pression sur les exportateurs locaux qui avaient acheté du cacao lors des ventes aux enchères des mois précédents, mais n’avaient pas signé de contrats pour la revente du cacao aux anciens prix ou ne s’étaient pas as-surés sur les marchés boursiers. En conséquence, ces expor-tateurs n’auraient pu revendre le cacao qu’avec une perte. En dépit des accords contractuels, ceux-ci n’ont pas acheté une grande quantité de cacao pour laquelle ils s’étaient engagés et le cacao a dû être revendu par le CCC à un prix inférieur. Il s’agissait sans doute de plusieurs centaines de milliers de tonnes au total. Même les quelque 20 pour cent de la récolte que la CCC n’avait pas vendue auparavant aux enchères n’ont généré que de faibles revenus. En outre, plusieurs 100.000 tonnes supplémentaires ont été mises sur le marché, la récolte ayant été bien meilleure que prévu.
De nombreux négociants en cacao ont continué d’attendre la baisse des prix et ont freiné leurs achats. Parallèlement, les spéculateurs ont vendu leurs options d’achat en bourse. Les deux ont encore déprimé les prix.
Une partie considérable de la récolte a donné un rendement nettement inférieur à celui des ventes aux enchères sur la base desquelles le prix minimal a été calculé. En mars 2017, la CCC a dû abaisser le prix minimum payé aux agriculteurs de 1.100 FCFA / kg à 700 FCFA/kg (1.067 EUR).
Ghana
Au Ghana, l’ensemble du secteur cacaoyer est réglementé par la Commission nationale de commercialisation du cacao (COCOBOD). Il tente d’amortir les fluctuations des prix du marché mondial. A cette fin, une subdivision, la Cocoa
13
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
Marketing Company (CMC), vend environ 70 pour cent de la récolte directement aux entreprises ou par l’intermédiaire des bourses avant le début de la récolte. Cela fournit une es-timation approximative du montant remboursé pour le cacao échangé. L’étape suivante consiste à déterminer quelle part de ce prix sera remise aux agriculteurs. Ce prix bord champ27 est fixé par un comité composé d’agriculteurs, du Ministère des Finances et de la COCOBOD. Le comité tient compte non seulement des quantités de récolte attendues et du prix obtenu sur les ventes à l’avance, mais aussi de la part du chiffre d’af-faires que doivent réaliser les intermédiaires, les entreprises de transport, les contrôles de qualité et les dépenses internes des organisations COCOBOD pour couvrir les coûts.28
En 2016, le COCOBOD prévoyait de payer 72 pour cent de ce prix aux agriculteurs, mais les années précédentes, il était nettement inférieur. Cependant, le COCOBOD ne prend pas le prix du marché mondial comme base pour calculer ces 72 pour cent, mais déduit les coûts encourus à l’avance pour financer les mesures de soutien aux agriculteurs. Il s’agit no-tamment des contrôles de qualité, du transport, du stockage, de la recherche, de la consultation, des subventions aux plants, des engrais, des pesticides, etc. ainsi que des dépôts dans un fonds de stabilisation pour se prémunir contre la chute des prix du marché mondial.
Les entreprises qui achètent du cacao aux producteurs ghanéens sont contrôlées par la COCOBOD, doivent livrer le cacao à une autre subdivision, la Cocoa Marketing Company (CMC), et reçoivent une part fixe du prix (dernière fois envi-ron huit pour cent29).
Cependant, le COCOBOD fournit des informations non transparentes sur l’allocation des fonds. Les auteurs d’une étude inédite de la Banque mondiale soupçonnent que les parts du budget de l’État sont plus élevées que les impôts connus.30 Ils critiquent également la mauvaise gestion, la corruption au sein du COCOBOD et les structures de tarifi-cation opaques. Au milieu de l’année 2017, on estime que le COCOBOD est endetté à hauteur d’environ 2,3 milliards de dollars US.
Estimation : Le système de tarification au Ghana com-porte des risques. Une partie du volume non vendu à l’avance est encore soumise aux fluctuations de prix sur le marché mondial. Le prix fixe garanti continue également de dépendre du prix du marché mondial – et n’est valable que pour une saison de récolte à la fois. Un autre problème est la forte vola-tilité de la monnaie locale du GHS par rapport au dollars US. Il est vrai que le COCOBOD a jusqu’ à présent réussi à main-tenir le prix minimum dans le GHS stable malgré la chute des prix du cacao en dollars US. Toutefois, elle doit accepter des pertes de prix réelles.
Étant donné l’endettement du COCOBOD et le risque que des centaines de milliers de tonnes de cacao soient intro-duites clandestinement dans le pays alors que le prix mini-mum au Ghana est significativement plus élevé qu’en Côte d’Ivoire, le prix bord champ pourrait également subir une pression considérable au Ghana.
27 Afari-Sefa et al. 2010 : 28 Détails voir Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 2016 : 26-2929 Quartey 201330 Kpodo 2017
L’augmentation des récoltes et les conséquences pour l’homme et l’environnement
L’inconvénient de la récolte croissante de cacao dans le monde entier est la consommation de terres et la déforesta-tion. La hausse des prix du cacao incite à créer de nouvelles plantations. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter les sur-faces cultivées : si le sol est épuisé, les surfaces cultivées seront déplacées. Les forêts de Côte d’Ivoire sont passées de 16 millions d’hectares (environ 50 pour cent du pays) à moins de deux millions d’hectares entre 1960 et 2010.31 Ce sont souvent des personnes déplacées d’autres parties du pays ou des migrants de pays voisins qui établissent des plantations dans des zones protégées.32 Le Ghana a égale-ment perdu environ deux pour cent de sa superficie fores-tière chaque année au cours des dernières décennies, l’ex-pansion de la culture du cacao étant un facteur important.33
Augmentation de la productivité – la solution ?
Afin de protéger les forêts et d’améliorer les revenus des familles, de nombreuses entreprises s’appuient sur des pro-jets pour accroître leur productivité. Cependant, cela peut conduire à des excédents d’offre et donc à une baisse des prix : au début de 2017, par exemple, les prix ont chuté de plus de 30 pour cent en raison d’une augmentation du volume mondial de la récolte d’un peu moins de dix pour cent. Ce dilemme ne peut être résolu qu’en réduisant les superficies cultivées.
Il reste à voir qui absorbera la charge de travail plus lourde de l’augmentation de la productivité – mot-clé : travail des enfants – et si les recettes couvriront les coûts de produc-tion plus élevés.
Nigeria
Le Nigeria était beaucoup plus important pour le marché mondial du cacao qu’il ne l’est aujourd’hui. En 1962, il a fourni environ 20 pour cent de la récolte mondiale. En raison des impôts élevés, du manque de soutien aux agriculteurs et des réglementations non transparentes du marché, la pro-duction a chuté. Après les premières réformes du marché, le marché a été complètement libéralisé en 1986, en partie sous la pression des pays donateurs. En conséquence, les systèmes de soutien aux agriculteurs se sont presque complètement effondrés ; la qualité des fèves de cacao nigérianes a considéra-blement diminué en raison d’un manque de contrôles.34
Grâce à la libéralisation du marché, le nombre de conces-sionnaires a considérablement augmenté. En 2011, 123 entreprises exportatrices ont été enregistrées auprès du Nigeria Export Promotion Council, mais trois d’entre elles détiennent
31 Ministère des Eaux et Forêts 2015 ; EUREDD o. J. 32 Bitty et al. 2015 : 99-10233 Camargo/Nhantumbo 2016 : 37-3834 Détails voir Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 2016 : 32-35
14
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
déjà une part de marché d’environ 60 pour cent.35 La part que les agriculteurs reçoivent des prix du marché mondial a éga-lement augmenté de manière significative. Cependant, cette information n’est pas fiable parce qu’elle est fondée sur des taux de change officiels qui ont été manipulés par le gouver-nement pendant longtemps. Selon le taux de change officiel, le prix bord champ aurait été jusqu’ à 220 pour cent du prix du marché mondial. En supposant que le prix de la Naira sur le marché noir par rapport au dollars US, il n’était que de 85 pour cent.36
Il semble que le commerce du cacao soit utilisé pour le blanchiment d’argent. Cela pourrait expliquer pourquoi cer-tains traders offrent des prix relativement élevés.37
Estimation : Bien qu’une part relativement élevée du prix du marché mondial aille aux agriculteurs, de nombreux ac-teurs locaux considèrent que les prix payés sont trop bas pour que le cacao redevienne une activité lucrative.
En outre, les agriculteurs ne reçoivent pratiquement aucun soutien des structures étatiques et les commerçants souffrent d’une législation fiscale chaotique dans les différents États du Nigeria.
3.2 Tarification pour le cacao certifié
Le prix du cacao est déterminé par le marché mondial. Outre le rapport entre l’offre et la demande, les spéculateurs (voir ci-dessous) et les relations de pouvoir déjà décrites dans la chaîne de valeur jouent un rôle dans la détermination du prix bord champ, tandis que les réglementations du marché de la Côte d’Ivoire et du Ghana n’influencent que au prix bord champ. Ceci s’applique à la fois au cacao conventionnel et au cacao certifié durablement. La seule exception : le cacao certifié Fairtrade.
Le cas spécial de Fairtrade
Fairtrade garantit actuellement un prix minimum de 2.000 USD par tonne. Cependant, cela n’est généralement pas suffisant pour garantir que les ménages producteurs de cacao puissent en tirer un revenu décent. Pour cette raison, Fairtrade analyse actuellement la production et le coût de la vie, les re-venus, etc. des agriculteurs afin de calculer un prix minimum qui assurera leurs moyens d’existence.
Si le prix à l’exportation tombe en dessous de la barre des 2.000 USD, Fairtrade paie la différence sous forme de prime aux organisations paysannes. Les organisations décident elles-mêmes de la manière dont elles utilisent les fonds et décident de les reverser en totalité ou en partie aux agriculteurs. La référence au prix à l’exportation soulève un autre problème : selon les pays, les prix que les cultivateurs perçoivent pour leur cacao peuvent être très inférieurs au prix à l’exportation sans en tenir compte, ce qui pourrait être évité par une orientation vers le prix bord champ.38
35 Cadoni 2013 : 13-1436 Gilbert 2009 : 30537 Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 201638 Fairtrade 2017
Prime pour le cacao certifié – mais pas toujours
En outre, des normes différentes versent des primes aux organisations paysannes lorsqu’elles trouvent des acheteurs pour du cacao certifié. Les primes sont destinées à couvrir les surcoûts supportés par les producteurs du fait de l’application de la norme et de la certification correspondantes. En outre, elles devraient permettre d’investir dans le développement, d’augmenter les revenus des familles d’agriculteurs et d’em-ployer des travailleurs adultes au lieu de leurs propres enfants. En l’absence de données, on ne sait pas encore si les primes couvrent uniquement les coûts supplémentaires de la certifi- cation ou si elles conduisent à des revenus plus élevés.
La prime pour Fairtrade est actuellement fixée à 179 EUR (200 USD) par tonne. Chez UTZ et SAN / Rainforest Alliance les coopératives négocient la surtaxe elles-mêmes avec les clients. Chez UTZ, le supplément de prime moyen des dernières années a diminué régulièrement, passant de 122 (2013) à 89 (2016) EUR par tonne au cours des dernières années.39 SAN / Rainforest Alliance ne publie pas de chiffres, mais les primes devraient être à un niveau similaire à UTZ.
Toutefois, la vente de cacao certifié n’est pas assurée. Comme l’offre de cacao certifié dépasse la demande, seule une partie du cacao certifié est commercialisée avec prime. Le reste ne peut être vendu que sur le marché conventionnel sans prime. Certaines entreprises paient des primes supplémen-taires pour une meilleure qualité.
Conventionnel ou certifié – qui gagne plus ?
Pour les transformateurs et les détaillants de cacao, les marges bénéficiaires (pas la marge bénéficiaire en pour cent) sont gé-néralement plus élevées pour les produits certifiés que pour les produits conventionnels. En revanche, la certification modifie relativement peu le revenu des familles de petits exploitants agricoles et des travailleurs de leurs plantations.40 Les primes sont très faibles. De plus, ils ne sont payés que pour les quan-tités qui peuvent être vendues comme étant certifiées.
Cependant, ce résultat n’indique qu’une quantité limitée de renseignements sur l’effet réel des certifications. Compte tenu de la structure des petits exploitants du secteur cacaoyer, l’introduction de normes peut avoir des effets non monétaires importants. Il s’agit notamment des actions de formation agricole liées à la certification, du conseil aux organisations paysannes, du renforcement de ces organisations par le paiement de primes et d’une plus grande transparence dans la chaîne de valeur.
Il n’est actuellement pas possible d’obtenir des informa-tions précises sur l’impact de la certification sur le revenu net réel des familles de petits exploitants agricoles. A cette fin, il convient d’abord de préciser si la certification a entraîné une augmentation des coûts de production (tableaux 5a et 5b).
39 UTZ 2017 : 1040 Les transformateurs et les détaillants ajoutent habituellement une marge
bénéficiaire en pourcentage à leurs ventes. Si vous achetez du cacao plus cher, la somme absolue des bénéfices augmentera (et si vous achetez du cacao en Allemagne aussi le montant des recettes fiscales)
15
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
Tableau 5a Augmentation directe du revenu des agriculteurs en euros par le biais de la certification en 2017
Prime/tPrimes quantités restant chez
les coopératives /t
Prime paiement aux agri-culteurs /t¹ avec 100 % de
ventes certifiéPrime paiements aux agricul-teurs /t avec vente moyenne
UTZ 89 EUR 57 % = 51 EUR 43 % = 38 EUR 21 EUR (vente 54 %)
Fairtrade 179 EUR 73 % = 131 EUR 27 % = 48 EUR 16 EUR (vente 33 %)
RFA non indiqué non indiqué non indiqué
Bio 269 EUR non indiqué non indiqué
FT plus BIO 448 EUR non indiqué non indiqué
Hypothèses : Il n’est pas tenu compte des effets indirects résultant du paiement de primes aux coopératives et du renforcement des coopératives qui y est associé / Prix du marché mondial 2.000 EUR / Prix bord champ basés sur les prix minimaux en Côte d’Ivoire et au Ghana ainsi que sur la part moyenne du prix du marché mondial au Nigeria / Prime par tonne indiquée par les organismes normatifs /
Tableau 5b Recettes par tonne en euros pour le cacao certifié et non certifié en 2017 en moyenne des ventes
Côte d'Ivoire Ghana Nigeria
Prix bord champ (EUR) en 2017 1.067² 1.580² 1.600
UTZ 1.088 1.601 1.621
Fairtrade 1.083 1.596 1.616
²prix bord champ
vendue41 et seulement a33% de la quantité certifiée Fairtrade est vendue.42 43
3.3 Droits de douane, accords commerciaux et taxes
Accès à l’UE
Grâce aux accords commerciaux APE (Accords de partena-riat économique), la Côte d’Ivoire et le Ghana ont un accès en franchise de droits au marché européen pour le cacao brut mais aussi pour les produits de cacao transformés dans le pays. Le Nigéria n’a pas d’APE avec l’UE. L’UE perçoit actuellement jusqu’ à 6,1 pour cent de droits de douane sur les produits transformés à base de cacao en provenance du Nigéria. Il s’agit là d’un obstacle majeur à l’accès des produc-teurs nigérians au marché européen et cela pourrait être l’une des raisons de la sous-utilisation des usines de transformation du Nigéria.44
41 UTZ 201742 Fairtrade 201743 https://utz.org/de/better-business-hub/nachhaltiger-einkauf/cocoa-
program-performs-strongly/ 44 Droits de douane : http://madb.europa.eu/madb/euTariffs.htm; Exploitation :
Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 2016 : 38
Taxes dans le pays de culture
Les exportations de cacao sont taxées différemment selon les pays. Des pays comme le Pérou, le Brésil, l’Équateur et le Cameroun, où le cacao n’a que très peu d’importance pour l’économie, imposent peu ou pas de taxes sur les exportations de cacao. Le Ghana et la Côte d’Ivoire, par contre, ont besoin des taxes à l’exportation comme source de revenus, car elles sont extrêmement importantes pour couvrir le budget de l’Etat.
Au Nigéria, la fiscalité est chaotique et opaque. Le gou-vernement central prélève très peu d’impôts, mais s’y ajoutent des impôts supplémentaires et des contributions à payer aux états fédéraux. Les commerçants peuvent donc craindre de payer plusieurs impôts. Pour contourner cela, le cacao sort clandestinement du pays. Le gouvernement veut rendre le marché plus transparent en mettant en place une nouvelle organisation cacaoyère.45
45 Hütz-Adams/Huber/Knoke/Morazán/Mürlebach 2016
¹ s’applique si le cacao est également vendu comme 100 % certifié. Mais ce n’est pas le cas. En moyenne, seulement 54 % de la quantité certifiée UTZ avec prime est vendue 41 et seulement 33 % de la quantité certifiée Fairtrade est vendue.42 43
16
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Source : ICCO 2016 ; 2017 : tableau 1 pour 2015/16/17
15.000
12.000
9.000
6.000
3.000
0
Nominale en dollars US corrigé de l’inflation en dollars US
1960
/61
1962
/63
1964
/65
1966
/67
1968
/69
1970
/71
1972
/73
1974
/75
1976
/77
1979
/80
1981
/82
1982
/83
1984
/85
1986
/87
1988
/89
1990
/91
1992
/93
1994
/95
1996
/97
1997
/98
1998
/99
2000
/01
2002
/03
2004
/05
2006
/07
2008
/09
2010
/11
2012
/13
2014
/15
2016
/17
Figure 8 Évolution historique des prix nominaux et des prix du cacao corrigés de l’inflation en USD / t
3.4 Volatilité des prix et spéculations
Depuis des décennies, il existe une forte corrélation entre le niveau des stocks et les prix du cacao : quand les stocks aug-mentaient de 1 pour cent, les prix chutaient de 3 pour cent.46 Mais cette relation semble changer : après que l’ICCO eut prédit une augmentation de 5 pour cent des stocks47, les prix du marché mondial ont chuté d’environ 30 pour cent entre octobre 2016 et février 2017.
Les analyses de l’évolution future du marché du cacao varient considérablement. La demande augmente de manière relativement régulière depuis de nombreuses années. Depuis 2012, elle stagne à environ 4,2 millions de tonnes, également sous l’effet des crises économiques dans les pays émergents, dont la consommation de cacao avait jusqu’alors fait grimper la demande.48
Volatilité des prix : tendance à la baisse
Les prix du cacao peuvent fluctuer fortement à court terme. En 2016, par exemple, le prix le plus bas était de 2.167 USD la tonne et le plus élevé de 3.348 USD.49 De 2012 à 2015, on pouvait observer un écart de jusqu’à 800 USD entre le prix journalier le plus élevé et le plus bas d’une année.
Outre ces fluctuations à court terme, il existe une tendance claire à long terme : les prix réels du cacao sont en baisse sensible. Les chiffres de l’ICCO pour la période 1960 / 61 (avec une forte augmentation au milieu des années 1970) le confirment. Le cabinet de conseil LMC a calculé une baisse des prix corrigée de l’inflation, qui est passée de 4.000 USD en 1950 à environ la moitié en 2015.50
Il est à noter que les ventes sur le marché du chocolat ont augmenté ces dernières années. Estimées à 83,2 milliards de
46 ul Haque 2004 : 547 ICCO 2017b : Table 2 48 ICCO 201749 ICCO 2017 : Table 950 LMC 2016
dollars US en 2010, les ventes ont atteint 98,3 milliards de dollars US en 201651, bien que la quantité de cacao moulu n’ait pas beaucoup augmenté au cours de cette période et soit restée pratiquement constante entre 2012 et 2016.52
Raisons de la volatilité des prix
Souvent, les événements mondiaux ont provoqué l’effondre-ment de la demande et donc des prix du cacao. Cela a été le cas par exemple à la suite des guerres dans la principale région consommatrice d’Europe après 1860 ou pendant la Première Guerre mondiale. Dans ce dernier cas, cependant, les prix ont commencé à baisser avant même le début de la guerre, initialement en raison d’une augmentation drastique de la production, et ont continué à chuter pendant la Grande Dé-pression et la Seconde Guerre mondiale53. Les sécheresses et les incendies de forêt en Afrique de l’Ouest ont entraîné une flambée des prix au milieu des années 70. Dans les années 90, l’augmentation des volumes de récolte, les fusions et l’amélioration des infrastructures de transport ont fait baisser les prix. En outre, des transactions boursières plus efficaces ont rendu le problème du stockage moins importante. La réduction des volumes de stockage et l’augmentation de cacao sur le marché ont entraîné une baisse des prix.54
La production et la consommation ont augmenté massi-vement au cours de toutes les fluctuations à court terme qui se sont produites pendant les décennies précédentes. Dans le même temps, les prix du cacao ont chuté après ajustement pour tenir compte de l’inflation. Cela pourrait être une indi-cation du déséquilibre du marché entre les agriculteurs en tant qu’acteurs impuissants au début de la chaîne de valeur ajoutée et des concentrations toujours plus importantes dans la chaîne de valeur ajoutée au sens large.
51 http://www.candyindustry.com/articles/83849-global-chocolate-market- worth-98-3-billion-by-2016
52 ICCO 201753 Gilbert 2016 : 311 ; Figure 54 ICCO 2008a : 5–7
17
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
Figure 9 Évolution des prix du cacao corrigée de l’inflation depuis 1850
12.500
10.000
7.500
5.000
2.500
0
Source : Gilbert 2016 : 311
1850
1860
1870
1880
1890
1900
1910
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
USD par tonne (valeur 2013)
Risques et conséquences de la volatilité des prix
La forte volatilité des prix du cacao entraîne des risques majeurs pour tous les acteurs de la chaîne de valeur. En outre, l’incertitude croissante concernant les prévisions s’est mani-festée par une chute drastique des prix au début de l’année 2017, que pratiquement aucun des acteurs du marché n’avait anticipé.
De la part du producteur Les agriculteurs supportent le plus grand risque. Ils n’ont pas d’influence sur les fluctuations des prix du marché mondial, mais ont besoin de sécurité d’investissement à long terme. Le coût de la mise en place d’une cacaoculture est si élevé (à près de 5.000 EUR par hectare)55 que, compte tenu des prix ac-tuels du cacao, un revenu net ne peut être atteint qu’après six ans. Après 25 ans, au prix actuel du cacao, le bénéfice s’élève à seulement 782 EUR par hectare.56
A bas prix, les agriculteurs auront deux alternatives à court terme :a) Ils ne récoltent qu’une partie des fruits. La quantité de
cacao sur le marché diminue, les prix augmentent.b) Ils récoltent autant de fèves de cacao que possible afin de
compenser au moins en partie la chute des prix par une plus grande quantité vendue. Cependant, la croissance de l’offre fait encore baisser les prix.
Si les familles d’agriculteurs ont investi dans le rajeunissement ou le réinvestissement des plantations, elles sont dépendantes des revenus et ne peuvent plus adapter leur offre aux fluctua-tions de prix à court terme.
55 Environ 4.840 EUR/ha coûts salariaux inclus s ; source : Matthess 201756 Avec une récolte annuelle de 1.200 kilogrammes de cacao par hectare ;
rendement sur 25 ans additionné (valeur actuelle cumulative nette) ; source : Matthess 2017
De la part du client Les clients du cacao peuvent réduire la teneur en cacao de leurs produits et ainsi réduire la demande de cacao. A cette fin, ils peuvent modifier les recettes ou augmenter la part de marché des produits à faible teneur en cacao par le biais de campagnes publicitaires.
Bourses à terme et spéculations dans le secteur du cacao
Fonctions des bourses de contrats à terme sur marchandises Les marchés à terme de matières premières telles que le charbon, les minerais et les produits agricoles existent depuis la fin du XIXe siècle. Ils apportent divers avantages aux producteurs et aux détaillants.57
• Tarification et couverture des risques Les marchés à terme de matières premières servent de médiateurs entre vendeurs et acheteurs. Idéalement, cela signifie que les prix reflètent bien l’offre et la demande. De plus, la Bourse protège les deux parties contre la faillite de l’autre partie en garantissant l’exécution du contrat.
• Certification de la qualité Les marchandises échangées sur les marchés boursiers sont soumises à des règles strictes de qualité. La confiance associée dans les biens facilite la détermination des prix et les échanges commerciaux.
• Couverture des prix d’approvisionnement et d’achat : La fonction la plus discutée des marchés à terme de matières premières est probablement la couverture des prix à l’avenir. Les bourses à terme de matières premières permettent aux producteurs et aux transformateurs de
57 Shahidur, 2015 : 1
18
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
matières premières de couvrir leurs futurs prix de vente ou d’achat et de planifier ainsi de manière fiable pour les mois à venir.
Les instruments de couverture des prixEn principe, les prix des matières premières peuvent être couverts par deux instruments financiers : les contrats à terme et les options.• Les contrats à terme sont des contrats fermes.• Les options laissent la possibilité (option) ouverte d’ache-
ter ou de vendre un actif, ou de ne pas le faire.Une option est plus souple en termes de temps qu’un contrat à terme car elle n’est pas liée aux cinq dates de règlement annuelles du futur système commercial du cacao.
Contrats à terme
Les contrats à terme standardisés peuvent être des contrats d’achat ou de vente. Un contrat d’achat vous oblige à acheter une quantité fixe d’une matière première à un certain prix à un moment donné (langage boursier : long). Un contrat de vente vous oblige à vendre une certaine quantité à un moment donné à un certain prix (langage boursier : court, short en anglais).
La Bourse émet un contrat de vente correspondant pour chaque contrat d’achat. Vers la fin de la période d’échéance, les deux sont généralement clôturés, c’est-à-dire que la livrai-son physique n’a pas lieu, mais que seul l’écart de prix entre les contrats est compensé.
Comment fonctionne le trading à terme ?
Le fonctionnement des contrats à terme peut être illustré à l’aide de deux exemples.
Un joueur qui veut vendre du cacao physique veut sécuri-ser son futur prix de vente. A cette fin, il acquiert des contrats de vente pour la prochaine échéance sur les marchés à terme de matières premières de New York (ICE) ou de Londres (NYSE-LIFFE).
A l’échéance du contrat, les biens matériels du vendeur changent de mains au prix courant du marché mondial. Si le prix augmente, le vendeur reçoit plus pour ses marchandises que prévu initialement. Dans le même temps, il perd toutefois de l’argent à la clôture de son contrat de vente, qui a entre-temps perdu de la valeur.
Toutefois, si le prix du cacao a baissé à la date d’échéance du contrat, le vendeur doit vendre ses marchandises moins chères que prévu. En retour, il peut tirer un profit de ses contrats de vente, car il peut les clôturer à moindre coût.
Si un spéculateur avait acheté les mêmes contrats que le commerçant, mais sans posséder les biens matériels, il aurait subi une perte dans le premier cas et un profit dans le second.
Il existe de nombreuses façons pour les traders et les spéculateurs d’avoir des évaluations de marché contradictoires pour les mêmes dates d’échéance et de prendre des positions opposées. Les deux options décrites ci-dessus sont expliquées ci-dessous (figure 10).
Options
Il existe également deux options, les options d’achat et de vente. Elles fonctionnent comme une assurance pour le propriétaire.• Une option d’achat assure l’acheteur contre la hausse des
prix.• Une option de vente assure le vendeur contre la chute des
prix.Ainsi, un négociant qui souhaite acheter une certaine quantité de cacao achète une option d’achat sur un certain prix futur à un jour donné. De cette façon, il acquiert le droit de ne pas avoir à payer plus que le montant fixé pour le cacao. Si le prix des contrats à terme dépasse cette limite, le détenteur de l’op-tion de vente doit intervenir et payer au détenteur de l’option d’achat la différence entre le prix réel et le prix couvert. Tou-tefois, si le prix demeure égal ou inférieur au niveau couvert, l’option d’achat expire et son détenteur ne doit verser qu’une commission à l’autre partie.
Les acheteurs peuvent utiliser une option pour se protéger contre la hausse des prix. Les producteurs peuvent se couvrir contre les fluctuations de prix à la baisse. A cette fin, ils ac-quièrent des options de vente avec lesquelles ils peuvent exiger une compensation financière de leurs contreparties si le prix du cacao sur le marché futur tombe en dessous d’une certaine limite à un moment donné.
Instruments de couverture des prix pour les petits exploitants ?
Un meilleur accès à de tels instruments de couverture pour les petits agriculteurs ou les coopératives peut-il contribuer à la lutte contre la pauvreté ? En principe, ce type de cou-verture ne protège pas contre les fluctuations de prix en soi, mais facilite théoriquement la gestion des fluctuations de prix grâce à un niveau de prix couvert. Les autorités nationales du cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana utilisent déjà ces instruments pour garantir les prix dans l’intérêt de leurs agriculteurs. Au Ghana, la stabilité des prix est garantie depuis de nombreuses décennies et elle l’est en Côte d’Ivoire depuis 2012, dans chaque cas pour la récolte principale.
Certes, il existe des approches visant à rendre la couver-ture de prix aussi utilisable pour les acteurs du marché beaucoup plus petits : par exemple, avec des instruments de couverture gratuits grâce auxquels l’agriculteur ne re-noncerait à ses bénéfices que si le prix dépasse un certain niveau. Les contrats conclus avec des clients importants peuvent également comporter des couvertures de prix. Tou-tefois, ces approches exigent un savoir-faire considérable, du temps et une grande souplesse financière de la part des petits producteurs.58
58 IISD 2008 : 23
19
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
NÉGOCIANT
NÉGOCIANT
BOURSE
BOURSE
NÉGOCIANT
NÉGOCIANT
SPÉCULATEUR
SPÉCULATEUR
BOURSE
BOURSE
SPÉCULATEUR
SPÉCULATEUR
• Souhaite sécuriser le prix de 10 tonnes de cacao pour mars 2018
• Conclut un engagement de vente (court) pour 2.000 USD la tonne avec une date d’échéance de mars 2018
• Veut sécuriser le prix de 10 tonnes de cacao pour mars 2018
• Achète des contrats de vente (court) pour 2.500 USD la tonne due en 2018
• Mars 2018 : Le prix du cacao est passé à 2.500 USD la tonne
• Le prix du cacao chute à 2.000 USD la tonne
• Vend des biens physiques pour 2.500 USD la tonne
• Réalise un bénéfice de 500 USD la tonne• Lisse les contrats de vente, ce qui entraîne une perte de 500 USD la tonne
• Vend 10 tonnes de cacao• Perd 500 USD la tonne lisse lors de la vente du cacao physique
• Lisse ses contrats de vente dans l’acquisi-tion des contrats d’achat pour 2.000 USD la tonne
• Réalise un bénéfice de 500 USD la tonne ainsi
• Présume la hausse de prix de cacao• Entre en obligation d’achat (longue durée) pour 2.000 USD la tonne à partir de mars 2018 et prend ainsi la contre position du concessionnaire
• Repose sur la hausse des prix• Achète des contrats d’acquisition (long) pour 2.500 USD la tonne
• Mars 2018 : dLe prix monte à 2.500 USD la tonne
• Le prix du cacao chute à 2.000 USD la tonne
• Lisse son engagement d’achat, qui est basé sur l’achat de 2.000 USD la tonne et atteint un bénéfice de 500 USD la tonne
• Vend des contrats d’achat pour 2.000 USD la tonne, au négociant ci-dessus par exemple
• Perd 500 USD la tonne
Cas no. 1 : Profit sur le marché au comptant compensé par une perte sur le marché à terme des matières premières
Cas no. 2 : Perte sur le marché au comptant compensée par le bénéfice sur les contrats à terme de marchandises
Le négociant de cacao
Le négociant de cacao
Le spéculateur
Le spéculateur
Figure 10 Scénarios pour les opérations de couverture
Source : propre composition
Note : Le cacao est négocié en bourse en dix étapes. Les prix dans le graphique se rapportent à une tonne chacun.
20
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Comment les marchés à terme influencent le prix du cacao
Quelle est l’influence des prix à terme sur le prix des matières premières physiquement négociées ? Théoriquement, le prix à terme devrait suivre le prix physique, car les prix à terme devraient être fondés sur une hypothèse du prix physique futur et les deux devraient converger à mesure que la date d’exécution approche.
Cependant, c’est le prix à terme qui semble plutôt avoir une influence majeure sur le prix physique des marchandises négociées sur les marchés à terme. La principale raison en est le manque de transparence du prix physique : il n’il n’y a pas un seul prix du cacao59, mais de nombreux contrats d’achat à conditions très opaques entre producteurs, transformateurs et négociants. D’autre part, les prix futurs sont publiés quoti-diennement sur les marchés à terme des matières premières à New York et Londres. Ils servent de guide à tous les partici-pants au marché, y compris pour les transactions physiques.
Pourquoi est-ce particulièrement vrai pour le prix du cacao ? En Côte d’Ivoire et au Ghana, le prix physique du cacao pour les cacaoculteurs est garanti par l’Etat. Les deux pays fondent leurs calculs sur le prix des marchés à terme. Étant donné que les deux pays fournissent ensemble environ 60 pour cent de la récolte de cacao, les prix formés sur les futurs marchés ont une influence significative sur les prix à la production.
Ce prix est le point de départ pour calculer le prix payé aux cacaoculteurs pour les biens physiques, c’est-à-dire le prix au comptant du cacao dans ces pays. Étant donné que ces deux pays représentent ensemble environ 60 pour cent de la récolte mondiale de cacao, on peut supposer que les prix du marché mondial formés sur les futurs marchés auront une in-fluence significative sur le prix à la production. Cependant, il faut attendre un certain temps avant qu’une hausse du prix du cacao sur les marchés futurs ne se traduise par une hausse du prix bord champ pour les cacaoculteurs. Les auteurs de l’étude SEO concluent que, selon le pays d’origine, il peut s’écouler entre 35 et 73 jours avant qu’une hausse du prix à terme des agriculteurs ne devienne perceptible sous la forme d’une hausse du prix bord champ. Si l’Etat contrôle le commerce du cacao comme il l’a fait en Côte d’Ivoire, la période est encore plus longue, ce qui signifie aussi que les agriculteurs y sont protégés plus longtemps d’une éventuelle chute des prix.60
Dans cette étude, nous supposons donc que le prix déter-miné sur les futurs marchés a une influence significative sur le prix du cacao. Dans quelle mesure ces marchés peuvent-ils être affectés par des perturbations ?
1) Manipulation par thésaurisationOn dénombre de nombreux exemples de manipulation des prix dans l’histoire des Bourses de contrats à terme sur marchandises. De telles manipulations étaient principalement causées par la thésaurisation des biens, combinée à l’achat de contrats d’achat dont l’évolution des prix est connue du manipulateur par le biais de sa thésaurisation secrète. Cet abus peut être contré en limitant les positions (quantités négociées)
59 SEO 2017 : 3160 SEO 2017 : 33
et en augmentant la transparence des positions des groupes de participants à la Bourse. En 2010, de telles couvertures faisaient défaut à la Bourse de Londres. Un négociateur indi-viduel avait été en mesure d’influencer le prix du marché dans le cadre d’un régime boursier opaque qui n’avait ni obligation de divulgation ni limite de position.
Ces deux aspects ont fait l’objet d’une modification par les directives européennes MIFID II pour les marchés financiers, qui entreront en vigueur en janvier 2018.
Comment la bourse de Londres a été manipulée en 2010
Dans le contexte d’une pénurie de cacao certifié dans les entrepôts de la Bourse de Londres, une maison de négoce61 a acheté de grandes quantités de contrats à terme, obli-geant la contrepartie à vendre du cacao en juillet 2010. La bourse n’a pas remarqué que l’acquisition massive de contrats d’achats avaient permis à la maison de commerce de dominer pratiquement le marché. Lorsque les contrats sont arrivés à échéance, les propriétaires des contrats de vente ont vendu de grandes quantités de cacao certifié stocké à la société de négoce qui avait les contrats d’achat correspondants. Toutefois, le niveau serré des stocks sur les marchés boursiers n’a pas été suffisant. Certains proprié-taires de contrats de vente ont donc été contraints de ré-gler leurs positions de vente par le biais de compensations financières avec les contrats d’achat. Toutefois, comme ces contrats d’achat étaient principalement regroupés sous un même toit, leurs propriétaires ont pu faire grimper le prix de l’indemnisation. En juillet, cette société de négoce pos-sédait désormais une grande quantité de cacao dans les entrepôts, qui devait être vendue dans un avenir proche. Le prix du cacao risquait donc de s’effondrer. Afin d’éviter cela, la société de négoce a vendu un grand nombre de contrats de vente pour septembre 2010 et a donc fixé le prix à un niveau relativement élevé pour elle-même.62
2) Influence potentielle des investisseurs de la finance Depuis la déréglementation qui a commencé peu après le passage au nouveau millénaire, les investisseurs institutionnels (fonds de couverture, fonds de pension et fonds de matières premières) ont également pu participer aux marchés à terme de matières premières. Certains experts supposent que cet afflux massif de capitaux (spéculatifs) peut perturber la formation des prix sur les Bourses de matières premières. Ce phénomène a été étudié dans de nombreuses études sur les denrées alimentaires faisant l’objet d’échanges commerciaux, mais sans résultats clairs à ce jour. Par exemple, deux études ont examiné si la hausse rapide et brutale des prix du blé et du maïs entre 2004 et 2008 était due à l’augmentation de la spéculation sur les marchés. L’une des deux enquêtes n’a
61 Selon des articles de journaux, il s‘agissait de la maison de commerce Amajaro d‘Anthony Ward, voir p. ex.. http://www.tagesanzeiger.ch/wirtschaft/unternehmen-und-konjunktur/Die-unheimliche-Macht-von-Choc-Finger-/story/14256830
62 ICCO 2010 : 1-2
21
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
140.000.000
120.000.000
100.000.000
80.000.000
60.000.000
40.000.000
20.000.000
0
Tonnes X fois récolte mondiale
40
35
30
25
20
15
10
5
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Source : Dand 2014 : 3
Figure 11 Récoltes mondiales de cacao par rapport aux contrats à court terme et aux options
Montant total des contrats à terme et options (en tonnes) Options (en tonnes) récolte mondiale du cacao (en tonnes) Rapport des contrats à terme et des options sur la récolte mondiale (en x fois la récolte mondiale)
révélé aucun lien63 ; tandis que l’autre a conclu que les prix avaient augmenté temporairement en raison d’une spéculation croissante.64
Pourquoi les bourses de contrats à terme ont-elles été ou-vertes aux investisseurs financiers ?
Pourquoi les marchés à terme de matières premières ont-ils été ouverts aux capitaux spéculatifs des investisseurs financiers ? Cette déréglementation s’explique par une étude selon laquelle les prix des matières premières sont contra-cycliques par rapport aux actions et aux titres à revenu fixe. Par conséquent, les placements dans les produits de base sur les marchés à terme de marchandises pourraient compenser les pertes sur les actions et les obligations.65
Compte tenu de l’augmentation du capital spéculatif, les experts soulignent que le prix du cacao est particulièrement affecté par la spéculation, car il n’est échangé physiquement que dans une mesure limitée par rapport à d’autres den-rées alimentaires.66 Cependant, une étude scientifique sur l’influence des investisseurs financiers sur le prix du cacao fait toujours défaut.
63 Irving/Sanders 2010 : 1364 Robles/Torero/von Braun 2009 : 665 Gorton/Rowenhorst 2005 : 20ff66 Götte 2009 : 16
Spéculations avec les algorithmes informatiques ?
A la mi-juin 2017, les prix du cacao et des autres matières premières ont chuté en même temps que les prix du pétrole. Il est possible que ce parallélisme dans l’évolution des prix soit dû au fait que les deux produits de base sont in-clus dans les indices des matières premières. De nombreux investisseurs institutionnels investissent dans ces indices. S’il y a des mouvements d’achat ou de vente importants, ceux-ci peuvent avoir un effet similaire sur toutes les ma-tières premières comprises dans l’indice sous forme de prix à la baisse ou à la hausse, indépendamment de la situation de l’offre et de la demande sur les marchés physiques.67
3) La spéculation et le marché physique du cacaoL’association d’entreprises actives dans le commerce du cacao brut, une association d’entreprises allemandes actives sur le marché du cacao, connaît depuis plusieurs années une augmentation des fluctuations de prix et est responsable de la croissance des échanges commerciaux motivés par la spécula-tion. Selon les estimations de l’association, en 2001,12 fois la récolte annuelle actuelle de cacao était échangée en bourse. En 2013 et 2014, cette proportion était passée respectivement à 25 et 30 fois. En même temps, la quantité de cacao disponible pour le négoce en bourse a diminué de moitié.68
67 Terazono 201768 Verein der am Rohkakaohandel beteiligten Firmen e.V. 2015 : 49
22
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
4.000
3.500
3.000
2.500
2.000
1.500
1.000
500
0
USD par tonne USD par tonne
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
Figure 12 Courbes des prix du cacao, du blé et du maïs, 1992 – 2017
Composition basée sur les donnes : http://www.indexmundi.com/
Mai
92
Mar
93
Jan
94
Nov
94
Sep
95
Juil
96
Mai
97
Mar
98
Jan
99
Nov
99
Sep
00
Juil
01
Mai
02
Mar
03
Jan
04
Nov
04
Sep
05
Juil
06
Mai
07
Mar
08
Jan
09
Nov
09
Sep
10
Juil
11
Mai
12
Mar
13
Jan
14
Nov
14
Sep
15
Juil
16
Cacao à gauche Blé d’hiver à droite Maïs à droite
D’autres analystes arrivent à des conclusions similaires.69 Il est remarquable que la récolte physique du cacao ne repré-sente plus aujourd’hui que 3 pour cent environ des quantités échangées en Bourse (voir figure 11).
Immédiatement après le début de la récolte annuelle 2016 / 17, il y a eu une baisse des prix, dont l’intensité a surpris de nombreux participants au marché. Selon les bonnes prévisions de récolte, ils s’attendaient seulement à ce que les prix ne tombent entre 2.600 et 2.700 USD, mais pas en des-sous de 2.000 USD. Certains participants au marché estiment également que les hausses de prix suivantes ont pu être cau - sées par l’activité des investisseurs, étant donné que le marché physique n’aurait pas justifié de tels mouvements de prix.70
Les analyses sont différentes. Certains considèrent qu’un montant de capital plus élevé est positif, car une plus grande liquidité sur le marché incite à fixer des prix plus adéquats.71
D’autres craignent que le prix ne soit remplacé par la spé-culation de la production cacaoyère, avec pour conséquence des distorsions de prix.72
Ainsi, les hausses de prix peuvent-elles être attribuées à la spéculation ? et peut-on tirer des conclusions sur l’ampleur
69 Discussions entre Friedel Hütz Adams et les acteurs du marché en janvier, mars et juin 2017.
70 Discussions entre Friedel Hütz Adams et les acteurs du marché en janvier, mars et juin 2017.
71 SEO 201772 Verein der am Rohkakaohandel beteiligten Firmen e.V. 2015 und 2016
de la spéculation en se basant sur la relation entre les prix à la consommation et les prix des quantités récoltées en termes réels et négociées en bourse ? Pour répondre à ces questions, nous comparons l’évolution à long terme des prix du cacao et d’autres matières premières.
Tout d’abord, nous comparons le prix du cacao à celui du blé et du maïs, qui ont été affectés par la flambée des prix en 2008, souvent attribuée à l’afflux de capitaux financiers sur les marchés. Deuxièmement, nous analysons le prix du thé et des bananes, qui ne sont pas échangés sur les Bourses. Le capital spéculatif n’n’a donc guère d’importance pour leur tarification.
La figure 12 montre que les trois matières premières négo-ciées en Bourse depuis 2002 (début de l’afflux d’investisseurs financiers sur les marchés des matières premières) affichent des fluctuations de prix nettement plus élevées qu’auparavant. Le prix du cacao a également suivi la hausse (éventuellement causée en partie par les investisseurs financiers) du prix du maïs et du blé en 2008, mais à une date ultérieure et dans une moindre mesure.73
73 Robles, Torero, von Braun (2009) : 5f
23
3 COMMENT LE PRIX DU CACAO EST-IL CRÉÉ ET COMMENT SE COMPOSE-T-IL ?
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
4.500
4.000
3.500
3.000
2.500
2.000
1.500
1.000
500
0
USD par tonne USD par tonne
1.400
1.200
1.000
800
600
400
200
0
Figure 13 Courbes des prix du cacao, des bananes et du thé 1992 – 2017
Composition à base de données http://www.indexmundi.com/
Mai
199
2
Mai
199
3
Mai
199
4
Mai
199
5
Mai
199
6
Mai
199
7
Mai
199
8
Mai
199
9
Mai
200
0
Mai
200
1
Mai
200
2
Mai
200
3
Mai
200
4
Mai
200
5
Mai
200
6
Mai
200
7
Mai
200
8
Mai
200
9
Mai
201
0
Mai
201
1
Mai
201
2
Mai
201
3
Mai
201
4
Mai
201
5
Mai
201
6
prix cacao à gauche prix bananes à droite prix thé à gauche
En revanche, une comparaison avec les prix des bananes et du thé non formés en Bourse (figure 13) montre que leur évolution est sensiblement différente de celle des matières premières échangées comme le cacao, le blé et le maïs.
Le thé est moins volatile de 2003 à 2008, mais il le sera dans les années suivantes. Les bananes, par contre, sont extrêmement volatiles jusqu’en 2010, après quoi la courbe s’aplatit. Les raisons de cela sont liées à la situation spécifique du marché de ces matières premières. En 2008, le thé et les bananes ont également enregistré de fortes hausses de prix en ligne avec les matières premières cotées.
Cette volatilité différente des prix du cacao, du blé et du maïs d’une part, des bananes et du thé d’autre part, pourrait indiquer que l’afflux de capitaux a entraîné des fluctuations plus fortes des prix sur les marchés à terme des matières premières.
Toutefois, l’hypothèse selon laquelle les fluctuations de prix du cacao pourraient être plus importantes en raison de son faible volume physique de transactions n’est pas confir-mée ici. Les fluctuations des prix du cacao au cours de cette période ne sont pas significativement plus élevées que celles
du maïs et du blé. Toutefois, cela pourrait simplement être dû au fait que les fonds de matières premières, qui sont utilisés de préférence par les investisseurs financiers, ne contiennent pas ou peu de contrats à terme sur le cacao.
Effets sur les producteurs
L’augmentation de la volatilité est source d’incertitude pour les agriculteurs quant à l’évolution des prix, est synonyme de coûts plus élevés pour sécuriser leurs prix et a un impact immense sur leurs revenus.
Afin d’établir des prévisions plus fiables à ce sujet, il serait nécessaire de corréler l’évolution des prix avec les volumes de récolte et la demande, en tenant compte de facteurs politiques tels que l’évolution dans les principales zones de culture. En plus des calculs de modèles mathématiques (voir l’étude SEO), il convient d’étudier empiriquement ces connexions. Les acteurs du marché devraient être interrogés à ce sujet. Il faut également garder à l’esprit que la cacaoculture immobilise le capital des agriculteurs à long terme.
24
Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
Réglementation des opérations à terme par MIFID II
L’Union européenne a réagi aux accusations de perturbation des prix sur les marchés à terme de matières premières européens et a mis en place de nouvelles règles pour les marchés à terme de matières premières dans le cadre du règlement MIFID II. Celles-ci ont trait, d’une part, à la transparence de ce qui se passe sur les marchés boursiers et, d’autre part, au niveau de la position qu’un participant individuel à une bourse et une maison de commerce indivi-duelle peuvent détenir agrégée.
A l’avenir, les bourses européennes devront publier des rap-ports hebdomadaires agrégés avec les positions ouvertes, c’est-à-dire toutes les futures positions et options qui ne sont pas neutralisées par des opérations de compensation. Cela se fait en fonction des groupes de participants à la Bourse, c’est-à-dire ceux qui négocient physiquement des matières premières (couvertures), ceux qui spéculent sur les matières premières en dehors des marchés boursiers et qui veulent couvrir ces positions (courtiers en swaps) et les investisseurs institutionnels (monnaie gérée). Ils indiquent également la part en pourcentage de chacun de ces groupes dans le nombre total des positions ouvertes et le nombre de courtiers dans chaque groupe, ainsi que les positions des plus grands courtiers.
En outre, la Commission européenne a introduit des limites de position. Les traders ne sont autorisés à acheter des contrats à terme sur matières premières que dans la limite d’un certain montant. Cette limite supérieure s’applique non seulement aux contrats conclus en bourse, mais aussi à ceux conclus entre acteurs du marché financier en dehors de la Bourse. Cette limite peut être ajustée dans une cer-taine mesure par les autorités nationales de surveillance. La valeur de base est d’environ 25 pour cent de la quantité livrable et des postes de contrat non soldés. En ce qui concerne les denrées alimentaires, les autorités compé-tentes peuvent fixer des limites beaucoup plus basses. Ces limites s’appliquent à partir du début de l’année 2018, sauf pour les entités non financières. Ils peuvent demander que les opérations de couverture soient exemptées de la comp-tabilité de couverture lorsqu’ils démontrent qu’ils couvrent leurs activités physiques.74
74 Barth 2015 : 34-36
4 DES PRIX, DES REVENUS ET DES SALAIRES ÉQUITABLES
Qu’est-ce qui correspondrait à un niveau des prix équitables du cacao et à des revenus équitables des cacaoculteurs ? Pour répondre à cette question, des données sur la situation réelle des familles travaillant dans la cacaoculture seraient néces-saires. Toutefois, ces données sont rarement accessibles au pu-blic, rarement comparables en raison des différentes périodes de collecte et des différents groupes cibles, et ne prennent souvent pas en compte n s des facteurs importants.
Pour le calcul d’un prix équitable, cependant, on peut utiliser les résultats de la discussion sur le salaire vital. Ceci prend notamment en compte les coûts de la nourriture, de l’eau potable, du logement, du financement de l’éducation, des services de santé, des transports, des vêtements et d’autres nécessités, ainsi que de la possibilité d’épargner pour des dépenses imprévues.
Cependant, la situation est plus complexe pour le revenus que pour les salaires. En effet, les revenus des agriculteurs indépendants doivent non seulement couvrir leurs moyens d’existence, mais aussi les coûts des intrants (engrais, se-mences, etc.), les investissements dans la plantation et les salaires vitaux de leurs employés. Les coûts peuvent varier en fonction de l’utilisation de la main-d’œuvre, des engrais, des pesticides, etc. Il faut également garder à l’esprit que les agriculteurs indépendants tirent généralement des revenus supplémentaires – par exemple de la vente de denrées alimen-taires ou du travail salarié – et qu’ils cultivent souvent leur propre nourriture.
Dans le Baromètre du cacao 2015, on a tenté de calculer la somme moyenne disponible par habitant pour les familles de cacaoculteurs sur la base des données disponibles. Ce calcul a pris en compte la part des autres sources de revenus et les coûts liée à l’exploitation du cacao. L’étude est arrivée à la conclusion que les producteurs de cacao en Côte d’Ivoire disposent en moyenne de 0,50 USD par habitant et par jour, contre 0,84 USD par habitant au Ghana, selon les calculs.
L’étude commanditée par Barry Callebaut a donné des résultats similaires. Avant l’effondrement des prix du cacao, les familles travaillant dans la cacaoculture disposaient en moyenne de 568 CFA (0,86 euro) par habitant. Le seuil de pauvreté défini par le gouvernement étant de 737 CFA (1,12 euros), ce prix se situe donc encore bien en dessous du seuil de pauvreté de la Banque Mondiale.75
Les enquêtes réalisées auprès des agriculteurs ivoiriens participant au projet PRO-PLANTEURS de l’Initiative Al-lemande pour le Cacao Durable en Côte d’Ivoire ont permis de conclure que les agriculteurs reçoivent en moyenne 2.349 euros du commerce du cacao, soit 6,50 euros par famille et par jour pour une moyenne de 10 personnes par famille. En outre, les familles de cette région ont gagné en moyenne 3.098 euros supplémentaires grâce à d’autres activités.76
75 Balineau/Bernath/Pahuatini 2017 : 18-2176 Como Consult 2016 : 9-11
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4 DES PRIX, DES REVENUS ET DES SALAIRES ÉQUITABLES
Cependant, il reste à déterminer l’étendue des coûts des agri-culteurs. En outre, il convient de noter que ce calcul est basé sur un prix de 1.000 CFA par kilogramme de cacao (saison de récolte 2015 /16), qui est maintenant tombé à 700 CFA.
Certaines petites entreprises essaient déjà de mettre un revenu vital dans le secteur du cacao. Cela n’a pas encore trouvé de résonance sur le marché de masse, exception faite de Tony’s Chocolonely, qui est désormais la deuxième plus grande marque de chocolat aux Pays-Bas en termes de ventes.
4.1 Que peuvent faire les organismes de normalisation ?
En plus de s’efforcer d’améliorer la situation des agriculteurs, les systèmes délivrant des standards constituent un moyen important de rendre la chaîne de valeur du cacao plus transpa-rente. Des organismes de normalisation tels que Fairtrade, UTZ, Rainforest Alliance / SAN et plusieurs normes biolo-giques garantissent la traçabilité d’au moins une partie du cacao commercialisé sur le marché mondial. Cela crée un lien beaucoup plus étroit entre les membres de la chaîne de valeur.
Les trois systèmes délivrant des standards dans le secteur du cacao font partie de la Coalition mondiale des salaires décents et se concentrent sur les salaires et les revenus comme objectifs dans leurs normes. Cependant, il y a des périodes transitoires et la promesse ne peut être mise en œuvre que si le revenu qui assure déjà les moyens de subsistance est calculé. Ce n’est pas le cas du cacao.
4.2 Avancement du calcul des revenus de subsistance
De 2013 à la mi-2016, le prix du cacao était généralement d’environ 3.000 USD la tonne. Malgré ce prix, qui est nettement supérieur au niveau actuel d’environ 2.000 USD, un grand nombre d’études documentent la pauvreté des agriculteurs.
Par exemple, l’étude commanditée par Barry Callebaut et citée plus haut, conclut que le revenu de 0,86 euro par membre du ménage au moment de l’étude doit être plus que doublé pour atteindre le seuil de pauvreté de la Banque mondiale.77 Depuis ce calcul, le prix du cacao sur le marché mondial a sensiblement baissé.
A l’heure actuelle, il n’est pas certain qu’il suffise d’at-teindre le seuil de pauvreté pour générer des revenus qui assureront des moyens d’existence. Jusqu’ à présent, il n’existe pas de calcul communément admis du niveau des revenus des agriculteurs pour assurer l’existence de leurs familles. Afin de définir un référentiel commun pour un large éventail de ma-
77 Balineau/Bernath/Pahuatini 2017 : 18-21
tières premières et de domaines de production, des organisa-tions de normalisation ont formé la Coalition mondiale pour les salaires décents78, qui travaille à son tour avec des organi-sations de coopération au développement, des institutions de recherche, des agences gouvernementales et des entreprises.
Un projet de recherche est actuellement en cours pour calculer les revenus vitaux de la cacaoculture des ménages en Côte d’Ivoire et au Ghana, qui seront utilisés pour assurer leur subsistance jusqu’en septembre 2018.
Sans anticiper ces calculs, on peut conclure d’un grand nombre d’études que les revenus de la cacaoculture et les revenus des ménages devraient augmenter de manière signifi-cative pour pouvoir obtenir des revenus vitaux. Barry Parkin, Responsable Global Procurement chez Mars et Président de la World Cocoa Foundation, a admis dans une interview qu’il y a un énorme écart entre les revenus de subsistance des cacao-culteurs et leurs revenus réels. Au printemps 2016, c’est-à-dire avant la chute des prix du cacao à partir de septembre 2016, il a estimé que les revenus des agriculteurs devraient être triplés, voire quadruplés pour permettre une culture durable du cacao.79
Il est vrai que les revenus des ménages producteurs de cacao pourraient également être augmentés en augmentant la productivité, en améliorant la qualité et en se diversifiant dans d’autres produits. Mais pour toutes ces mesures, cependant, les agriculteurs ont besoin de fonds d’investissement ; et une augmentation de la productivité, menacerait de faire augmen-ter l’offre excédentaire tout en faisant baisser les prix du cacao.
La grande pauvreté des agriculteurs suggère qu’un niveau de prix qui leur assurerait leurs moyens d’existence devrait être bien supérieur à 3.000 USD par tonne dans la situation actuelle de production, car ce prix n’a pas été suffisant ces dernières années pour permettre aux familles de sortir de la pauvreté.
Plusieurs sociétés actives sur le marché ont estimé que non seulement le prix à l’exportation, mais également le prix bord champ du cacao devrait évoluer vers 3.000 USD par tonne afin de permettre un secteur cacaoyer durable.80
78 Voir https://www.isealalliance.org/get-involved/our-work/global-living- wage-coalition
79 Cité dans : Nieburg 201680 Discussions entre Friedel Hütz-Adams et les acteurs du marché.
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Prix dans la chaîne de valeur du cacao – causes et effets
5 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS D’ACTION
Cette étude montre que sur le marché du cacao, les agricul-teurs n’ont aucune influence sur les prix du cacao et donc sur une part considérable de leurs revenus.
Dans les principaux pays producteurs du Ghana et de la Côte d’Ivoire, il existe des mécanismes étatiques de stabilisa-tion des prix du cacao pour la saison en cours ou du moins une partie substantielle de la saison en cours, bien que ceux-ci soient soumis à des pressions en cas de chute brutale des prix. Au Nigéria, où le marché du cacao est libre, les acteurs estiment que le prix du cacao est trop bas.
Sur les marchés mondiaux et allemands, il existe une forte concentration de distributeurs, de broyeurs, de fabri-cants de chocolat et de détaillants. Les conséquences de cette concentration croissante sont sujettes à controverse. Toute-fois, il est clair que les agriculteurs ne peuvent exercer aucun contrepoids.
En 2015, le cacao durable (certifié selon Rainforest Al-liance, UTZ, Fairtrade ou une norme biologique) représentait environ 22 pour cent du cacao commercialisé dans le monde. En Allemagne, ce chiffre est actuellement de 45 pour cent. Toutefois, la certification à elle seule ne peut pas garantir aux agriculteurs un revenu garantissant leur subsistance. Le cacao certifié est également soumis à des mécanismes de marché et l’effet du prix du marché mondial est actuellement supérieur à l’effet des primes de durabilité obtenues par le biais de la certification. Leur influence directe sur les revenus des agricul-teurs est actuellement relativement faible.
La volatilité à court terme du prix mondial du cacao est particulièrement problématique pour les agriculteurs, qui doivent faire des investissements à long terme avec les cacaoyers.
L’influence de la spéculation n’a pas encore été clarifiée de manière concluante. Les analyses économiques et les obser-vations des acteurs du marché aboutissent à des appréciations très différentes.
Il existe des données sur les revenus réels et les revenus garantissant les moyens d’existence, mais elles ont été collec-tées de manière non systématique, ne sont pas comparables et, dans certains cas, ne sont pas ouvertement accessibles. Cela changera dans un avenir proche, car, selon les enquêtes de la Coalition mondiale sur les salaires décents, des données concrètes devraient être disponibles d’ici la fin de 2018, du moins pour la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Les résultats de l’étude indiquent donc les besoins d’action suivants :
• Ancrer l’approche des droits de l’homme comme fon-dement.
Les Principes des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme appellent les entrepreneurs à respecter les droits de l’homme, à ne pas tirer profit des manquements du gouvernement à faire respecter ces droits.
Le gouvernement allemand devrait donc aider les entre-prises à prévenir les violations des droits de l’homme dans la chaîne de valeur du cacao et du chocolat, y compris les formes abusives de travail des enfants, la malnutrition, le paiement de salaires qui ne garantissent pas l’existence et la génération de revenus qui ne garantissent pas l’existence.
Pour ce faire, les questions relatives aux droits de l’homme devraient être ancrées dans l’Initiative Allemande pour le Cacao Durable, mais aussi au niveau européen et interna-tional, en tant que base de l’activité entrepreneuriale. Des dispositions législatives sur des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme sont actuellement à l’examen ou en cours de mise en œuvre dans d’autres pays, dont les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni.
En outre, les exigences en matière de droits de l’homme devraient également s’appliquer aux marchés à terme de ma-tières premières et aux investisseurs financiers afin d’accroître la pression en faveur d’une plus grande durabilité dans la chaîne d’approvisionnement du cacao.
• Définir des prix et des revenus vitaux
Les gouvernements des pays producteurs et les entreprises devraient identifier le revenu moyen actuel des ménages producteurs de cacao, déterminer les salaires et les revenus vitaux et publier ces données pour une plus grande transpa-rence pour les producteurs et les consommateurs de cacao.
• Améliorer la transparence des prix
Les gouvernements des pays consommateurs et des pays producteurs pourraient travailler ensemble pour développer un système d’information sur les prix qui permettrait aux organisations d’agriculteurs d’avoir un accès aux prix actuels du cacao. Ils pourraient également soutenir la recherche sur l’évolution des prix du cacao afin d’assurer une plus grande transparence dans l’ensemble du secteur cacaoyer.
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5 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS D’ACTION
• Renforcer les organisations de producteurs
Les agriculteurs et leurs organisations n’ont actuellement pas de voix dans les négociations sur le prix du cacao.
Pour changer cela, il faudrait qu’ils forment des orga-nisations fortes ; les organisations existantes devraient être renforcées.
Les gouvernements des pays producteurs devraient soute-nir la mise en place d’organisations de producteurs efficaces et transparentes en fournissant des exigences juridiques, une formation et des incitations financières. Cela inclut la bonne gestion des organisations, la connaissance de l’entreprise, mais aussi le développement des capacités de stockage propres afin de pouvoir réagir aux fluctuations de prix. En outre, les organisations de producteurs ont besoin d’un meilleur accès au crédit pour obtenir des fonds de roulement. Si le pouvoir de marché des agriculteurs est considérablement renforcé dans la chaîne de valeur ajoutée, ceux-ci peuvent établir des relations d’approvisionnement à long terme et garantir des revenus vitaux.
• Avancer les systèmes de certification
Les organisations de normalisation doivent continuer à déve-lopper leurs normes et rendre obligatoires les revenus vitaux des agriculteurs comme condition préalable à la certification. Afin d’éviter que le cacao ne soit mis sur le marché à partir de zones protégées ou de plantations aux conditions de travail inhumaines, il convient d’accroître la transparence quant à l’origine du cacao.
• Arrêter la déforestation
De nombreux agriculteurs ne voient actuellement aucune alternative à la culture du cacao. Une fois les sols épuisés, les zones de culture seront délocalisées car la reconversion vers une production durable ne promet pas d’augmentation compensatoire des revenus à court terme. Ces délocalisations ont souvent entraîné la destruction de forêts pluviales intactes, telles que les zones protégées en Côte d’Ivoire.
Les gouvernements des pays producteurs devraient réformer les droits fonciers des cacaoculteurs et, avec les en-treprises, créer des incitations à la production durable sur les terres agricoles existantes et reconnues. Les projets phares qui empêchent l’achat de cacao des zones protégées et promeuvent des systèmes durables d’agroforesterie cacaoyère pourraient être pilotés et intégrés dans les politiques nationales.
• Renforcer la filière agricole dans les pays producteurs
Le gouvernement allemand devrait aider les gouvernements des pays producteurs à fournir l’infrastructure nécessaire aux agriculteurs pour mettre en œuvre des méthodes de culture durables.
En outre, un échange d’expériences entre l’Allemagne et l’UE avec des éléments de contrôle du marché pour le secteur agricole pourrait avoir lieu afin de stabiliser les prix du cacao et de renforcer une politique agricole axée sur des approches de diversification. Compte tenu des graves problèmes causés par l’évolution des prix du marché mondial, tant pour les revenus des agriculteurs que pour les recettes publiques, il convient de se concentrer davantage sur une politique agri-cole globale des pays producteurs plutôt que de se concentrer exclusivement sur le cacao.
• Observer la concentration du marché
En raison de la forte concentration du commerce du cacao et de la poursuite de la transformation du cacao, les autorités de l’entente devraient surveiller étroitement le marché afin de pouvoir intervenir en cas d’abus de pouvoir. Dans les pays en développement, les autorités antitrust sont générale-ment faibles et peu à même de détecter les abus de pouvoir des négociants en cacao. Ces autorités devraient donc être renforcées dans les pays cultivateurs.
• Enquêter sur le rôle de la spéculation
L’influence de la spéculation devrait être étudiée empirique-ment à travers l’interrogation des acteurs du marché, afin de renforcer les analyses basées sur les modèles économiques ap-pliqués jusqu’à présent. Une étude distincte devrait examiner les principales contradictions entre les résultats des études et les analyses des acteurs du marché. Il convient également d’examiner si les limites des positions commerciales dans le secteur du cacao sont suffisantes. En outre, il convient de préciser si une taxe sur le chiffre d’affaires en Bourse pourrait réduire la volatilité du chiffre d’affaires.
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