PRISME - Etudes économiques du Crédit Agricole · l’étiquetage obligatoire de l’origine du...

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AQUACULTURE P. 11 DÉVELOPPEMENT ET AVENIR DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE Tandis que les captures annuelles de la pêche sont restées stables au niveau mondial, autour des 91 millions de tonnes, au cours de la dernière décennie, la production aquacole, ou production halieutique, affiche, elle, une croissance quasi linéaire de 5,9 % par an au cours des 16 dernières années, et atteint 81,4 millions de tonnes en 2016, selon les premières estimations de la FAO. Cette hausse concerne pratiquement tous les pays du monde, aussi bien les productions traditionnelles que de nouvelles espèces, dont on maîtrise désormais l’élevage. PRISME FÉVRIER 2017 16 Agriculture et Agroalimentaire, une affaire d’experts L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire DISTRIBUTION : Les sacs jetables sont désormais interdits en France dans les rayons alimentaires. SANTÉ ANIMALE : La FDA restreint la distribution des antibiotiques à destination des animaux de production aux États-Unis. IRRIGATION : L’irrigation devient nécessaire dans de nombreuses parties du monde. VIANDE : Tyson Foods prend pied au capital de Beyond Meat, spécialiste de la « viande végétale ». PRODUCTIONS ANIMALES : La mention de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait et de la viande devient obligatoire. SUCRE : Tereos renforce sa présence au Brésil en devenant l’unique actionnaire de Guarani. FILIÈRE PORC : Herta a signé deux nouveaux contrats swap avec des groupements de producteurs porcins. BEURRE : Pénurie de beurre et prix qui flambent : pourquoi et jusqu’à quand ? DÉCRYPTAGE : les faits marquants de l’actualité commentés par nos experts P. 2 MARCHÉS P. 6 LES MARCHÉS MONDIAUX EN 2016 & PERSPECTIVES 2017 En 2016, les prix moyens des principales matières premières échangées dans le monde et faisant l’objet de cotations de référence ont diminué de 10 % en dollars courants . Si l’on exclut le pétrole et les métaux précieux, ce recul n’est plus que de 4 %. Le mouvement de baisse globale marquant une rupture forte avec les années du haut du cycle (2006/2014) s’est donc poursuivi, mais le profil de l’année a été surprenant à bien des égards. Après avoir touché un point bas en début d’année, la plupart des marchés - à l’exception notable des céréales - ont fortement rebondi au deuxième semestre de manière quelque peu inattendue. Ce rebond doit toutefois être relativisé : fin 2016, les indicateurs CyclOpe se trouvaient à peu près à la moitié de la valeur qui était encore la leur vers 2011 - 2013. De ce point de vue, il est clair que le choc que les marchés ont connu de 2006 à 2014 est bien terminé. Les marchés de matières premières se trouvent dans une nouvelle partie de leur cycle traditionnel : une longue période de prix plutôt déprimés , mais dont le quotidien est émaillé de surprises et de rebondissements à l’image en 2016 d’abord du sucre, puis du charbon, du beurre ou du zinc. Ils sont aussi beaucoup plus sensibles à des paramètres extérieurs comme le change, le comportement des investisseurs et bien sûr la géopolitique et le climat. http://etudes-economiques.credit-agricole.com Rubrique Secteur Agriculture et Agroalimentaire ABONNEZ-VOUS GRATUITEMENT

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AQUACULTURE P. 11

DÉVELOPPEMENT ET AVENIR DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE ❙ Tandis que les captures annuelles de la pêche sont restées stables au niveau mondial, autour des 91 millions de tonnes, au cours de la dernière décennie, la production aquacole, ou production halieutique, affiche, elle, une croissance quasi linéaire de 5,9 % par an au cours des 16 dernières années, et atteint 81,4 millions de tonnes en 2016, selon les premières estimations de la FAO. Cette hausse concerne pratiquement tous les pays du monde, aussi bien les productions traditionnelles que de nouvelles espèces, dont on maîtrise désormais l’élevage.

P R I S M EFÉVRIER 201716Agriculture et Agroalimentaire, une affaire d’experts

L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire

DISTRIBUTION : Les sacs jetables sont désormais interdits en France dans les rayons alimentaires.

SANTÉ ANIMALE : La FDA restreint la distribution des antibiotiques à destination des animaux de production aux États-Unis.

IRRIGATION : L’irrigation devient nécessaire dans de nombreuses parties du monde.

VIANDE : Tyson Foods prend pied au capital de Beyond Meat, spécialiste de la « viande végétale ».

PRODUCTIONS ANIMALES : La mention de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait et de la viande devient obligatoire.

SUCRE : Tereos renforce sa présence au Brésil en devenant l’unique actionnaire de Guarani.

FILIÈRE PORC : Herta a signé deux nouveaux contrats swap avec des groupements de producteurs porcins.

BEURRE : Pénurie de beurre et prix qui flambent : pourquoi et jusqu’à quand ?

DÉCRYPTAGE : les faits marquants de l’actualité commentés par nos experts P. 2

MARCHÉS P. 6

LES MARCHÉS MONDIAUX EN 2016 & PERSPECTIVES 2017 ❙ En 2016, les prix moyens des principales matières premières échangées dans le monde et faisant l’objet de cotations de référence ont diminué de 10 % en dollars courants. Si l’on exclut le pétrole et les métaux précieux, ce recul n’est plus que de 4 %. Le mouvement de baisse globale marquant une rupture forte avec les années du haut du cycle (2006/2014) s’est donc poursuivi, mais le profil de l’année a été surprenant à bien des égards. Après avoir touché un point bas en début d’année, la plupart des marchés - à l’exception notable des céréales - ont fortement rebondi au deuxième semestre de manière quelque peu inattendue. Ce rebond doit toutefois être relativisé : fin 2016, les indicateurs CyclOpe se trouvaient à peu près à la moitié de la valeur qui était encore la leur vers 2011 - 2013. De ce point de vue, il est clair que le choc que les marchés ont connu de 2006 à 2014 est bien terminé. Les marchés de matières premières se trouvent dans une nouvelle partie de leur cycle traditionnel : une longue période de prix plutôt déprimés, mais dont le quotidien est émaillé de surprises et de rebondissements à l’image en 2016 d’abord du sucre, puis du charbon, du beurre ou du zinc. Ils sont aussi beaucoup plus sensibles à des paramètres extérieurs comme le change, le comportement des investisseurs et bien sûr la géopolitique et le climat.

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PRISME - 16DÉCRYPTAGE

Décryptage

COMMENTAIRE

COMMENTAIRE

La FDA(1) restreint la distribution des antibiotiques à destination des animaux de production aux États-Unis

Les sacs jetables sont désormais interdits en France dans les rayons alimentaires

Santé animale

Distribution

À l’heure où s’intensifie la lutte contre les antibiorésistances à l’échelle mondiale, la prescription d’antibiotiques aux animaux d’élevage devient plus difficile aux États-Unis : depuis le 1er janvier 2017, les éleveurs doivent obligatoirement faire appel à un vétérinaire pour obtenir certains antibiotiques considérés comme « médicalement importants » pour l’exercice de la médecine humaine.

(1) Food & Drug Administration.

Les sacs « à usage unique » et les sacs « fins » sont totalement proscrits depuis le 1er janvier 2017 (juillet 2016 pour les sacs de caisse) dans la plupart des commerces : GSA, marchés de plein-air ou commerçants traditionnels, pharmacies, stations-services... À moins qu’ils ne soient fabriqués en matières à la fois « biosourcées » et « compostables à domicile ». Pour les commerces, le surcoût annuel serait de l’ordre de 160 millions d’euros, davantage en cas de retour massif au sac papier (plébiscité par le bio, notamment), sans tenir compte des « blisters » (emballages produits directement manipulables), soumis aux mêmes contraintes de fabrication.

❙ Les problèmes liés aux antibiorésistances sont mondiaux et tendent à s’amplifier. Au plan mondial, ce sont 700 000 personnes qui décèdent chaque année en raison d’une infection causée par une bactérie antibiorésistante. Les coûts en termes de soins et de pertes de productivité se chiffrent quant à eux en dizaines de milliards d’euros pour les systèmes de santé publique.

❙ Aux États-Unis, il est communément admis que 70 % de la totalité des antibiotiques consommés sur le territoire le sont par les animaux de production, très souvent en tant que facteur de croissance ou dans un but préventif plutôt que curatif. Les molécules utilisées étant sensiblement les mêmes pour les animaux et les humains, la bonne gestion de l’efficacité des antibiotiques « médicalement importants » en médecine humaine est aussi de la responsabilité de la filière élevage. Or un rapport alarmant émis par la FDA en décembre 2016 montre que 62 % des antibiotiques donnés aux animaux sont aussi des antibiotiques « médicalement importants » pour la médecine humaine et que leurs ventes ont augmenté de 26 % entre 2009 et 2015.

❙ Avec cette mesure, l’agence gouvernementale devrait donner un sérieux coup d’arrêt à leur utilisation comme facteur de croissance

en interdisant leur vente libre et en rendant obligatoire l’intervention d’un vétérinaire. Quoi qu’il en soit, les États-Unis accusent un retard dans ce domaine par rapport à l’Union Européenne, où l’utilisation d’antibiotiques dans le but d’accélérer la croissance d’animaux a été interdite depuis 2006.

❙ Économiquement, ce recours aux matières biosourcées (ou au papier, tissu...) pourrait relancer l’industrie des sachets dans l’Hexagone. Les quelques 12 milliards de sacs consommés annuellement - en provenance d’Asie en quasi-totalité jusqu’à présent - voient en effet

leur prix moyen quadrupler (à 2 centimes d’euros pièce). En cause, les bioplastiques à base d’amidon, amont d’origine agricole à valeur ajoutée. L’assainissement des sols et des eaux est à ce prix.

❙ Ce mouvement illustre une politique gagnant-gagnant à la fois pour l’écologie et l’économie. Les pays émergents ne sont pas en reste, le Maroc par exemple a adopté une législation similaire en juillet 2016. Plusieurs industriels se positionnent sur ce marché au développement international : Novamont, Sphere (Alfapac), Carbiolice (Carbios, Limagrain), BASF... En pratique, le taux de matière biosourcées dans les emballages qui n’est en fait que de 30 % actuellement doit s’élever graduellement (objectif 60 % en 2025 en France). « Bio matière » signifiant « biomasse », les implications agricoles ne seront pas neutres.

❙ Aujourd’hui cependant, matière biosourcée n’équivaut pas encore à matière biodégradable. La mise au point des nécessaires filières de recyclage des bioplastiques reste encore à créer.

❙ En 2020, ce sera au tour de la vaisselle jetable d’être interdite, à défaut d’une conversion aux matières biosourcées.

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PRISME - 16

COMMENTAIRE

COMMENTAIRE

L’irrigation devient nécessaire dans de nombreuses parties du monde car l’agriculture représente 70 % des consommations d’eau de la planète

Le géant américain des viandes Tyson Foods prend pied au capital de Beyond Meat, spécialiste de la « viande végétale »

Irrigation

Viande

Pour faire face à l’augmentation des températures tout en trouvant des moyens de nourrir la planète, de nombreux gouvernements ont engagé des plans d’investissements, souvent à partir d’émissions de green bonds. L’irrigation est aussi vecteur d’innovation et de croissance pour les fabricants et attire de nombreux investisseurs et négociants céréaliers comme Cargill par exemple.

La prise de participation du leader nord-américain des produits carnés - 41 Milliards US$ de chiffre d’affaires, 73 sites industriels dont 54 dédiés à la volaille, premier exportateur de viande bovine dans le monde - chez Beyond Meat n’est que de 5 %. Mais elle symbolise ce que Monica Mc Gurk, en charge des projets innovants chez Tyson Foods, qualifie d’investissement de rupture ; décryptage d’une initiative qui bouscule les codes de l’offre du secteur.

❙ Le changement climatique : c'est réel, c'est tout de suite et c'est effrayant. Les épisodes de sécheresse qui affectent actuellement la Somalie et l’ensemble des pays de la Corne de l’Afrique montrent bien que le manque d’eau fait partie des risques climatiques majeurs de notre planète. En outre l’agriculture représente près de 70 % des consommations en eau de notre planète. L'irrigation permet de cultiver environ 40 % des surfaces agricoles dans le monde, et est essentielle à l’activité horticole qui représente près de 20 % des terres agricoles (Source : FAO). L’agriculture représente 70 % de la consommation d’eau de la planète et les zones agricoles en stress hydriques sont devenues majoritaires en blé, maïs ou soja à l’échelle de la planète.

❙ L'eau est l'une des ressources naturelles les plus rares au monde, mais certains pays sont plus exposés que d'autres : la Californie aux États-Unis, Israël, la Chine, le Brésil et l'Inde qui utilisent par unité 2 à 4 fois plus d'eau pour produire que la plupart des régions. La plupart du temps lorsque l'eau est déployée par irrigation classique, elle est inefficace. Une voie prometteuse, car elle permet une meilleure productivité tout en conservant l'eau, est la micro-irrigation. C’est cette solution qui est préconisée par la plupart des gouvernements qui aident leurs agriculteurs à s’équiper. Le taux de pénétration de la micro-irrigation est élevé en Israël (90 %), aux États-Unis (55 %), mais reste encore faible eu égard aux besoins en Chine (10 %), et en Inde (5,5 %). Le marché augmentera d'au moins 15 % par an à moyen et long terme.

Des applications à base de Big data et de réseaux connectés, solutions dites « smart irrigation », sont de nature à permettre d’économiser 10 à 15 % de la ressource en eau, tout en augmentant la production végétale et animale, l’autosuffisance alimentaire de certains pays et les bénéfices des agriculteurs.

❙ Enfin l’essor des « green bonds » qui devient désormais le noyau des plans de lutte contre le changement climatique, sert aussi la thématique de l’irrigation qui fait partie de ces sujets que les gouvernements peuvent financer à l'échelle mondiale, dans le cadre de plans nationaux (Tunisie, Chine, Kenya, Nigeria, Bangladesh…).

❙ Créée en 2009, Beyond Meat peut encore être qualifiée de start-up : son projet est de retrouver les caractéristiques de la viande sans viande, en substituant à ses composants naturels - protéines, lipides, oligo-éléments - les plus proches issus du monde végétal, et surtout au

plus près des sensations que procure la viande cuite, grillée, et même saignante, au consommateur. Beyond Meat a mis sept ans à mettre au point un steak végétarien saignant (au jus de betterave) réellement capable, aux dires de ceux qui l’ont testé, de tromper les sens du gourmet, loin de « galettes » à base de haricots. Mais dès 2012, Beyond Meat a mis au point une recette de lamelles à base végétale (pois, soja et carotte) imitant des morceaux de poulets, y compris à la cuisson.

❙ Paradoxalement, les dirigeants de Tyson Foods estiment que ces produits s’adressent aussi bien à ceux qui ne renoncent pas à la viande qu’aux vrais végétariens : ils analysent le fait que les consommateurs veulent se nourrir plus sainement en alternant vrai et « simili » viandes, mais n’entendent renoncer ni à l’apparence, ni au goût, ni à la texture auxquels ils sont habitués.

❙ Il faut d’ailleurs souligner que si les fondateurs de Beyond Meat annoncent vouloir participer à la réduction des inconvénients de l’élevage intensif, ils ne militent pas pour autant pour la fin de la viande. Leur « accueil » de Tyson Foods répond à un souci commun, celui de répondre aux choix de leurs clients, celui-ci évoluant en phase avec les choix sociétaux de demain.

DÉCRYPTAGE

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PRISME - 16DÉCRYPTAGE

À compter du 1er janvier 2017, au-delà d’une certaine proportion, il devient obligatoire de mentionner, sur les produits laitiers et leurs dérivés, ainsi que pour les plats préparés, l’origine géographique du lait et de la viande. Il s’agit d’une mesure expérimentale sur deux ans (jusqu’à la fin de 2018) et propre à la législation française. Les seuils appliqués sont respectivement de 50 % pour le lait et de 8 % pour la viande.

COMMENTAIRE

❙ Le scandale des lasagnes à la viande de cheval, en 2013, avait frappé les esprits et dès cette époque, le gouvernement avait lancé le projet d’un étiquetage obligatoire mentionnant l’origine de la viande : une initiative fortement appuyée par les syndicats d’éleveurs car elle permettait de réhabiliter la qualité des produits nationaux. Mais les autorités européennes se montrèrent réticentes, sans doute par crainte que le commerce intracommunautaire n’en souffre, d’autant qu’à cette époque, l’Irlande, grand exportateur de lait et de viande bovine, présidait l’Union.

❙ Trois ans après, la France a obtenu de Bruxelles le droit d’expérimenter sur son territoire l’étiquetage obligatoire, pour une durée de deux ans. Cette mesure concernera la plupart des produits laitiers (laits, crèmes, beurres, fromages… mais en revanche ni les laits infantiles, ni les glaces) et les viandes. Après concertation des représentants des filières, les pouvoirs publics ont décidé, par arrêté d’application du décret élaboré en août 2016 qu’en ce qui concerne les produits laitiers, c’est le seuil de 50 % qui sera appliqué. Mais lorsqu’il s’agit de viande entrant dans un plat préparé, cette mention devient obligatoire à partir de 8 % du poids des composants. Pour le lait seront faits mentions des pays où il a été collecté, conditionné ou transformé ; pour la viande, des pays où l’animal est né, où il a été élevé et où il a été abattu.

❙ Dans l’ensemble, les industriels adhèrent à une mesure jugée très utile par l’opinion. L’ADEPALE qui regroupe les fabricants de produits alimentaires élaborés estime à plusieurs millions d’euros le surcoût entraîné par cette mention supplémentaire à faire figurer sur les emballages. La FNIL, fédération des industries laitières, craint pour sa part que cela accélère la réduction de l’excédent commercial des produits laitiers français : en effet, s’agissant d’un décret national, il « contraint » les transformateurs français, mais ne s’applique pas aux produits importés…

Sucre

Une nouvelle obligation pour les industriels : la mention de l’étiquetage obligatoire de l’origine du lait et de la viande

Productions animales renforce sa présence au Brésil en devenant l’unique actionnaire de GuaraniLe sucrier français a signé un accord avec Petrobras, au terme duquel il rachète ses 45,97 % détenus dans Guarani, pour un montant de 202 millions de dollars. Sous réserve d’accord des autorités anti-trust, Tereos détiendrait alors l’intégralité du capital de sa filiale brésilienne. Avec 19,6 Mt de canne à sucre transformées, Guarani constitue le 3e acteur brésilien, produisant 1,44 Mt de sucre et 678 Ml d’éthanol.

COMMENTAIRE

❙ Profitant du recentrage de Petrobras sur son cœur de métier d’exploration et de production de pétrole et de gaz, Tereos dénoue le lien capitalistique d’un partenariat stratégique initié en 2010, qui comprenait aussi un contrat de fourniture de 2,2 millions de m3 d’éthanol sur 4 ans et le développement de la production d’électricité. Sur les bases de l’accord initial, Petrobras aura investi près de 1,6 milliard de reals dans Guarani soit près de 510 M$ en 5 ans.

❙ Au cours de ces années, l’industrie sucrière brésilienne a souffert de l’accroissement des stocks mondiaux du sucre jusqu’en 2015 déprimant le prix du sucre et leurs cours de bourse concomitamment, ainsi que de la réduction du taux d’incorporation de l’éthanol au Brésil. La cotation de Tereos Internacional avait baissé de plus de 90 % entre son prix d’introduction et l’offre publique de retrait de Tereos visant sa filiale cotée, au deuxième trimestre 2016.

❙ Ce rachat s’inscrit donc dans la poursuite de la simplification juridique du groupe coopératif, en disposant désormais de la pleine propriété de ses actifs stratégiques brésiliens, autorisant de nouvelles initiatives.

❙ Aujourd’hui, la rentabilité des sucriers se redresse à la faveur d’une conjoncture sucrière qui s’améliore, profitant de la forte remontée des cours mondiaux du sucre depuis août 2015, suite à la confirmation d’une deuxième année de déficit de production pour la campagne 2017/18, favorisant la baisse des stocks. Celle-ci incite les producteurs à maximiser la production de sucre aux dépens de l’éthanol, quand bien même le prix de l’éthanol hydraté a progressé de 36 % au Brésil entre mai et la fin d’année 2016. Au niveau du change, le real brésilien tend à s’apprécier vis-à-vis du dollar américain, après sa très forte correction qui n’a pas été sans conséquences sur les bilans des investisseurs.

❙ Dans cet environnement, ces deux opérations financières interviennent opportunément, et permettront au groupe coopératif Tereos de bénéficier de la pleine contribution des cash-flows du pôle sucrier brésilien, alors que la production sucrière européenne entrera en 2017 dans une période plus incertaine marquée par l’extinction des quotas.

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PRISME - 16DÉCRYPTAGE

COMMENTAIRE

COMMENTAIRE

Le charcutier Herta a signé deux nouveaux contrats swap avec deux nouveaux groupements de producteurs porcins, Cirhyo et Porc Armor

Pénurie de beurre et prix qui flambent : pourquoi et jusqu’à quand ?

Filière porc

Beurre

Après une première expérience réussie avec le groupement breton Syproporcs en 2015 et 2016, Herta, spécialiste de la saucisse « knack » et filiale de Nestlé, contractualise avec deux autres groupements, Cirhyo dans l’Allier et Porc Armor (Côtes d’Armor) avec un « swap » de prix, qui permet de substituer, pendant 12 mois (contre 6 mois dans les premiers accords), entre les contractants un prix fixé contractuellement au prix variable du marché.

Le cours mondial du beurre industriel s’est accru de près de 80 % en huit mois : l’offre est de moins en moins à la hauteur de la demande, en France et dans beaucoup d’autres pays. Cette conjoncture commence à avoir un impact significatif sur les coûts de revient dans certains métiers, notamment la pâtisserie industrielle. Analyse d’une crise pourtant en partie prévisible.

❙ Avec un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros, Herta est un acteur majeur de la charcuterie en France, avec comme produit-phare la « knacki » inspirée de la saucisse de Strasbourg. L’expérience conduite avec Syproporcs les deux années passées a permis une innovation majeure en matière de contractualisation, en assurant à chacune des parties une sécurité essentielle : sécurité d’approvisionnement pour le charcutier, sécurité de prix pour le groupement et ses éleveurs. Les partenaires ont fixé le prix convenu à 1,33 €/kg.

❙ Le contrat swap (« échange » en anglais) consiste à échanger un cours variable (celui du porc charcutier sur le marché de Plérin) contre un prix fixe convenu à l’avance, pour une durée et un volume convenus eux aussi à l’avance. Si le prix de marché devient inférieur au prix contractuel, l’industriel compense la différence ; à l’inverse, si le prix de marché passe au-dessus du prix convenu, c’est celui-ci qui sera effectivement payé aux éleveurs adhérents, ce qui revient pour eux à reverser à Herta la différence avec le prix de marché. Il faut souligner que même si Herta n’est en définitive pas l’acheteur de la viande du groupement, le swap fonctionne dans la limite du volume convenu.

❙ Ce système a été construit avec l’aide de Jean Cordier, enseignant à Agrocampus Ouest et spécialiste des marchés. Il vise clairement à

neutraliser les variations de cours dictées par l’équilibre offre-demande en les lissant. La connaissance du prix de vente facilite l’action du groupement auprès des éleveurs en lui permettant de modéliser la marge espérée et les conditions techniques pour en bénéficier. Une telle initiative, qui affermit la relation contractuelle entre les parties a été saluée tant par les pouvoirs publics que par la profession.

❙ Le beurre est trop cher. C’est le constat de ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les pâtissiers industriels puisque leurs produits contiennent en moyenne 25 % de beurre. Or, la France est structurellement déficitaire en beurre, et c’est même le seul produit issu du lait où elle doit importer nettement plus qu’elle n’exporte : bon an mal an elle en achète entre 150 000 et 200 000 tonnes, pour une consommation domestique annuelle de l’ordre de 450 000 tonnes.

❙ Aujourd’hui en effet, le beurre est une denrée très demandée mais cela n’a pas toujours été le cas : voici dix ans, ses vertus avaient pâli face aux matières grasses végétales jugées meilleures sur le plan diététique. Mais depuis les choses changent : la montée en puissance de l’huile de palme, son principal relais dans les préparations des IAA, entraînerait une accélération de la déforestation par intensification des plantations de palmiers. Et l’huile de palme présente une teneur en acides gras saturés à peine inférieure. Inversement on rappelle que le beurre contient des nutriments précieux : vitamine A, principalement, et vitamine D.

❙ La sélection génétique de ces dernières années s’était focalisée sur une réduction de la matière grasse dans le lait. Il en a résulté une baisse de la production de matières grasses laitières, au premier rang desquelles le beurre. Mais surtout, en 2016, la demande mondiale en beurre s’est fortement accrue : + 11 % en un an, avec en particulier des importations en forte croissance en Chine (+ 21 % sur 11 mois), aux USA (+ 23 % sur 11 mois), au Mexique (+ 42 % sur 9 mois).

❙ Il est à craindre que cette situation ne perdure, ou plutôt ne se résorbe que sous l’effet du renchérissement du prix du beurre, qui entraînera un rééquilibrage de la demande. Mais si d’ici quelques mois les équilibres se rétablissent, ce sera sans doute au détriment des prix des produits industriels, avec une incidence sur le prix payé aux producteurs de lait, y compris en France.

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PRISME - 16

DES MARCHÉS AU PLUS BAS DÉBUT 2016 ET PUIS UN REBOND

Les prix des matières premières en 2016 (variation moyenne 2016 sur moyenne 2015)

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C’est début février que les marchés mondiaux ont atteint leurs points les plus bas, à peu près identiques à ce qu’ils avaient touché au plus bas de la « crise de 2008 » en janvier 2009. Le pétrole, tant pour le Brent que pour le WTI passa quelques jours au-dessous des 30 $ le baril alors qu’aucune

perspective d’accord ne marquait les réunions de l’OPEP. L’or se rapprochait dangereusement des 1 000 $ l’once. À moins de 4 500 $ la tonne, le cuivre avait perdu plus de la moitié de sa valeur depuis 2011 et la situation n’était pas bien meilleure pour les autres métaux non-ferreux ni pour le minerai de fer.

LES MARCHÉS MONDIAUX EN 2016& PERSPECTIVES 2017

En 2016, les prix moyens des principales matières premières échangées dans le monde et faisant l’objet de cotations de référence ont diminué de 10 % en dollars courants. Si l’on exclut le pétrole et les métaux précieux, ce recul n’est plus que de 4 %. Le mouvement de baisse globale marquant une rupture forte avec les années du haut du cycle (2006/2014) s’est donc poursuivi, mais le profil de l’année a été surprenant à bien des égards. Après avoir touché un point bas en début d’année, la plupart des marchés - à l’exception notable des céréales - ont fortement rebondi au deuxième semestre de manière quelque peu inattendue. Ce rebond doit toutefois être relativisé : fin 2016, les indicateurs CyclOpe(1) se trouvaient à peu près à la moitié de la valeur qui était encore la leur vers 2011 - 2013. De ce point de vue, il est clair que le choc que les marchés ont connu de 2006 à 2014 est bien terminé. Les marchés de matières premières se trouvent dans une nouvelle partie de leur cycle traditionnel : une longue période de prix plutôt déprimés, mais dont le quotidien est émaillé de surprises et de rebondissements à l’image en 2016 d’abord du sucre, puis du charbon, du beurre ou du zinc. Ils sont aussi beaucoup plus sensibles à des paramètres extérieurs comme le change, le comportement des investisseurs et bien sûr la géopolitique et le climat.

MARCHÉS

(1) Indicateur calculé sur un panel de matières premières représentatives du commerce international.

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PRISME - 16MARCHÉS

La plupart des produits agricoles étaient en chute sous l’impact d’excellentes récoltes à quelques exceptions comme le sucre et le cacao, dans une moindre mesure le coton et le café. La chute la plus spectaculaire était celle du fret maritime : en février, l’indice du fret « sec », celui des minerais et des grains se trouvait en dessous de 300, un niveau inférieur de 97 % aux records enregistrés en mai 2008 et moins de la moitié des taux déjà très bas de la fin 2008 ou du début de 2015. À ces prix-là, aucun navire ne pouvait espérer quelque rentabilité que ce soit.

Les raisons de ce marasme étaient multiples : d’excellentes récoltes avons-nous dit et pratiquement aucun impact d’El Niño ni de la Niña qui devait lui succéder sauf en ce qui concerne l’huile de palme en Asie du Sud Est ; des producteurs bien souvent dans des situations délicates et contraints de produire « à tout prix ». Du côté de la demande, un ralentissement manifeste de la Chine, au moins pour les grandes productions industrielles, le gouvernement mettant de plus en plus en avant la protection de l’environnement. Enfin, un dollar fort alors que, malgré la campagne électorale qui battait son plein aux États-Unis, on attendait - déjà - une hausse des taux américains. Dans ces conditions, les volumes investis dans les fonds de commodités s’affichaient en chute libre. Certains prévisionnistes en rajoutaient d’ailleurs dans le pessimisme : Goldman Sachs parlait de 20 $ le baril de WTI, de moins de 4 000 $ la tonne pour le cuivre. Les perspectives d’investissement étaient partout révisées à la baisse et les grands groupes miniers envisageaient de se séparer de leurs activités les moins rentables dans le charbon, le fer ou les métaux de base.

La croissance mondiale en 2017 : prévisions de CyclOpe

Pays avancés

États-Unis 2,5

Eurolande 1,7

Allemagne 1,5

France 1,1

Italie 0,8

Espagne 2,6

Royaume-Uni 1

Japon 1

Pays émergents

Chine 6,5

Inde 7,4

Brésil 1

Russie 1

Monde

Monde 3,2

Taux de change

Taux de change effectif du dollar + 5

Dollar contre euro 1.02

À partir du début du printemps, on enregistra un léger rebond sur des marchés affectés peu à peu par des baisses de production (pétrole de schiste aux États-Unis) ou des fermetures de capacité (certains métaux non-ferreux comme le zinc). La plus forte hausse fut alors celle du sucre profitant d’un déficit massif de la production mondiale.

La situation changea de manière assez radicale à l’automne. Il y eut d’abord la crise charbonnière, pour le charbon à coke à partir de juillet, pour le charbon vapeur en septembre. Celle-ci fut provoquée par la baisse de la production chinoise alors même que les besoins ne diminuaient pas. Rapidement, la spéculation affola les marchés dérivés chinois entraînant le fer et l’acier. En septembre, ce furent les premières rumeurs d’un accord de l’OPEP (concrétisé à la fin novembre) qui permit au baril de Brent de revenir au-dessus de 50 $ le baril. Pour les métaux non-ferreux, outre la résilience de la demande chinoise, d’autres événements ont joué comme pour le nickel la décision du nouveau président philippin de fermer des mines, exportatrices de minerai vers la Chine, pour des raisons environnementales ; pour l’étain ce fut le probable épuisement à court terme des mines du Myanmar qui approvisionnent la Chine ; pour le zinc, c’est la stratégie mise en place par le premier producteur mondial, Glencore, de geler des capacités… Le cuivre offre par contre le cas original d’une forte hausse sans véritable causalité fondamentale : durant la semaine des élections américaines, le prix du cuivre s’est apprécié de plus de 1 000 $ la tonne. Ce « Trump rally » qui ne doit rien au président élu illustre surtout la nervosité des marchés ainsi que l’émergence des marchés chinois dont les cotations en yuans deviennent de plus en plus directives. En fin d’année, on enregistrait un léger repli alors que se dégonflaient certaines bulles.

Remarquons cependant que le rebond de l’automne 2016 n’a pas été général. Il a, avant tout, affecté les marchés pour lesquels il y a eu des réductions de production annoncées ou réalisées : pétrole, charbon (en Chine), nickel, produits laitiers… Plus largement, il a affecté les marchés liés à la production industrielle dans une perspective de relance annoncée tant par Xi Jin Ping que par Donald Trump. C’est particulièrement le cas pour l’industrie automobile et donc pour des produits allant du fer au caoutchouc.

La Chine n’est de toute manière jamais bien loin. Si sa politique charbonnière a été déterminante, il en a été tout autant de ses politiques agricoles qui ont pesé en négatif sur les marchés céréaliers, mais de manière positive sur le soja bien sûr, mais aussi pour les produits animaux : ainsi la décapitalisation du cheptel porcin chinois a provoqué un doublement des importations qui a profité au marché européen du porc jusque-là fort déprimé.

Mais de manière générale, la conjoncture agricole a eu en 2016 sa propre histoire marquée par des récoltes abondantes et une chute générale des prix céréaliers, par le grand retour des politiques agricoles de l’Europe à la Chine, des États-Unis à l’Argentine.

Enfin, il y a eu en cette année 2016 maintes exceptions aux tendances générales décrites ci-dessus : effondrement des prix du gaz naturel liquéfié en Asie, des taux de fret pour les conteneurs, flambée par contre du jus d’orange à la suite d’une sécheresse au Brésil et d’une maladie en Floride. Une année à bien des égards passionnante !

La plus forte hausse fut alors

celle du sucre profitant d’un

déficit massif de la production

mondiale

La décapitalisation

du cheptel porcin chinois a provoqué un

doublement des importations qui a profité

au marché européen

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PRISME - 16MARCHÉS

PERSPECTIVES 2017

Notre scénario macro-économique pour 2017 ne brille pas par son originalité, mais dépend quand même de deux « jokers » dont l’un au moins est imprévisible : Donald Trump et Xi Jin Ping. Donald Trump a été élu sur un « programme » de relance de l’économie par de grands travaux d’infrastructure : en situation de plein emploi, alors que les salaires augmentent et que les barrières à l’immigration risquent d’augmenter, que le déficit budgétaire dépasse les 5 %, il n’est pas certain que ce soit là de première nécessité pour les États-Unis. Mais ce sont là des promesses - toute comme en matière fiscale - que Donald Trump est capable de tenir envers et contre tout alors que se multiplieront les conflits commerciaux en particulier avec la Chine (acier, aluminium, agriculture). Quoiqu’il soit difficile de mesurer cet « effet Trump », une croissance américaine de l’ordre de 2,5 % paraît tout à fait plausible.

Paradoxalement, la stratégie de Xi Jin Ping est beaucoup plus prévisible en 2017. À l’automne se tiendra le Congrès du PCC qui lui donnera un deuxième et théoriquement dernier mandat

de cinq ans à la tête de la Chine. Si cela est acquis, ce qui ne l’est pas c’est la composition du Bureau du Comité central, les « sept » sages qui gouvernent la Chine, qui fait toujours l’objet de subtils équilibres entre tendances et factions. Il est essentiel pour Xi Jin Ping, malgré sa popularité et le culte de la personnalité qui commence à l’entourer, d’aborder ce moment avec une économie chinoise tournant à plein. Les objectifs de croissance (6,7 % pour 2016-2017) seront donc satisfaits à la décimale près quitte à fermer les yeux sur les créances douteuses de l’appareil bancaire et à limiter les fermetures de capacités industrielles excédentaires et polluantes. Concrètement, cela veut dire (comme l’ont d’ailleurs montré les chiffres de décembre 2016) que la Chine continuera à voir ses importations progresser qu’il s’agisse de pétrole ou de soja, de poudre de lait ou de minerais de fer ou de nickel, que les problématiques chinoises de politiques énergétiques, environnementales et agricoles seront déterminantes pour l’évolution des marchés, sans même parler de l’influence des marchés dérivés chinois.

Les prévisions de CyclOpe pour 2017 : prix des matières premières

25201510

5

3035

-10-15-20-25

-50

55504540

6065

Charb

on à

coke

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Dans le reste du monde, la seule interrogation est l’Inde et l’impact du programme de démonétisation lancé par le président Modi, moins d’ailleurs en termes de croissance que pour les marchés des métaux précieux.

Au total, la croissance économique mondiale devrait facilement dépasser les 3 % avec bien sûr nombre de risques géopolitiques de l’Asie Centrale à l’Afrique.

Du côté de l’offre, l’une des inconnues majeures concerne le pétrole : tous confondus, membres de l’OPEP et NOPEP

se sont engagés à couper 1,8 million de barils/jour pour certains (l’OPEP) dès les 1er janvier, pour les autres dans le courant du premier semestre. Ces engagements seront-ils respectés et à quel niveau ? Que va-t-il se passer en Libye, au Nigeria, au Kurdistan irakien et même en Iran ? Il paraît clair que le marché au-dessus de 55 $ le baril a déjà largement « payé » ces coupures qui ne font après tout que revenir aux productions du début de 2016. Pour le reste des marchés de l’énergie, les excédents continuent à peser sur le marché du GNL et l’augmentation de la production chinoise de charbon devrait se faire sentir à partir du printemps 2017.

La croissance économique

mondiale devrait facilement dépasser

les 3 %

Les problématiques

chinoises de politiques

énergétiques, environne-

mentales et agricoles seront

déterminantes pour l’évolution

des marchés

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PRISME - 16MARCHÉS

Car la conséquence paradoxale du rebond de l’automne 2016 est qu’il a contribué à raffermir les projets de nombre de producteurs qu’il s’agisse des mineurs de fer australiens des producteurs d’aluminium chinois ou même des producteurs laitiers néozélandais ! Alors que le mouvement haussier s’essoufflait déjà début 2017, la plupart des marchés offrent des perspectives encore excédentaires voire à l’équilibre.

En raisonnant à conditions climatiques et géopolitiques neutres (ce qui est bien sûr un peu théorique), les prix mondiaux devraient rester peu soutenus en 2017, probablement inférieurs aux sommets atteints par certains à l’automne 2016. Les fortes hausses mises en évidence par nos prévisions correspondent en fait à des corrections par rapport à des situations anormalement déprimées que connurent le charbon à coke, le fret sec ou le gaz naturel aux États-Unis. L’indicateur CyclOpe n’évoluerait en fait que grâce au pétrole dont le prix moyen en 2017 serait 54 $ le baril. Pour le reste, ce serait la stabilité confortée par le renforcement anticipé du dollar.

Stabilité, ce mot est bien sûr à utiliser avec précaution. Car les marchés seront tout sauf stables ! 2016 a été marquée par l’émergence de marchés dérivés chinois, peu et mal régulés, dont l’influence n’a cessé de croître. Les prix des matières premières et des commodités resteront marqués au coin d’une volatilité quotidienne au sein de laquelle il faudra faire la part

des fondamentaux et de l’écume spéculative. L’observateur pourra en tou cas surveiller quelques points déterminants : ❙ le pétrole bien sûr et plus précisément la production américaine de pétrole de schiste. Peut-elle encore augmenter à plus de 50 $ le baril.

❙ l’acier en Chine : sa production et ses exportations et leurs conséquences tant sur les relations commerciales internationales que sur l’approvisionnement chinois en fer et charbon à coke.

❙ les politiques agricoles en Chine, mais aussi aux États-Unis avec un nouveau Farm Bill, un thème sur lequel Donald Trump s’est assez peu exprimé.

❙ le développement de nouvelles technologies comme celles des batteries électriques et leurs conséquences pour des produits comme le lithium ou certaines terres rares.

❙ en dehors des pays « classiques » au Moyen-Orient et en Afrique, des pays comme les Philippines et l’Indonésie dont le comportement s’est révélé erratique ces derniers mois.

❙ les stratégies des pétroliers et des mineurs, mais aussi de plus en plus des grands traders dont l’entregent n’a jamais été aussi grand.

❙ le dollar bien sûr et puis le real brésilien, le dollar australien, la naira nigeriane et quelques autres…

Voilà un joli programme pour une année plancher !

Grains :Des récoltes exceptionnelles, des prix logiquement en baisse à l’exception notable du soja. Pour la première fois, le monde a produit plus de trois milliards de tonnes de grains (céréales et oléagineux).

Céréales

Nom du produit Variation moyenne 2016/2015 Commentaires Tendance 2017 Commentaires

BLÉ :Chicago - 14

Des récoltes records en Russie, en Ukraine, aux États-Unis, en Australie et en Argentine et donc un marché excédentaire depuis maintenant trois ans. Les prix n’ont cessé de diminuer tout au long de l’année, les incertitudes égyptiennes ajoutant aux doutes des marchés.

- 8

Sauf aléa climatique majeur, le marché restera excédentaire et les prix pourraient encore baisser. Toutefois, les emblavements américains sont au plus bas depuis plus d’un siècle en ce qui concerne les blés d’hiver.

BLÉ :Paris (€) - 12

Les prix en Europe se sont maintenus en euros et ont même rebondi sur la nouvelle campagne grâce à la hausse du dollar. Mais ceci ne peut masquer le désastre de la production française au plus bas depuis trente ans.

La baisse de la production européenne et la hausse du dollar devraient permettre de maintenir les prix à leurs niveaux de la fin 2016.

MAÏS :ChicagoParis (€)

- 6- 1

Baisse des prix à la suite de récoltes records notamment aux États-Unis et en Amérique du Sud. L’incertitude a aussi pesé sur la politique chinoise de gestion des stocks publics.

- 2

Le marché devrait rester bien approvisionné et il ne faut pas espérer d’exportation vers la Chine. Seule « bonne » nouvelle : l’augmentation du mandat d’incorporation d’éthanol dans l’essence aux États-Unis.

RIZ :Thaïlande 0

Une année beaucoup plus décevante que prévu avec le déstockage massif du « vieux » riz thaïlandais, de bonnes récoltes en Inde et aux États-Unis et une guerre des prix en fin d’année entre les exportateurs asiatiques.

+ 2

La demande mondiale ne devrait pas augmenter et avec une production en légère progression et des stocks abondants, les prix ne devraient subir que des variations saisonnières avec une baisse en fin d’année au moment de l’arrivée des récoltes asiatiques.

Oléagineux

SOJA (Chicago) :GraineHuileTourteau

+ 3+ 5- 4

Ce fut une curieuse année durant laquelle, malgré des fondamentaux défavorables, le soja s’est maintenu au-dessus de 10 $ le boisseau, en partie grâce au maintien des exportations américaines vers la Chine. La hausse des prix des huiles a été un facteur déterminant.

- 12- 5

- 14

Le marché va devoir digérer deux récoltes exceptionnelles aux États-Unis (120 millions de tonnes) et au Brésil (peut-être 100). Tout dépendra de l’appétit chinois d’autant plus que les emblavements américains vont encore augmenter.

HUILE DE PALME :Malaisie + 13

L’un des seuls produits qui ait vraiment souffert d’El Niño. Mais l’huile de palme s’oriente de plus en plus vers un marché dual sous la pression des grands consommateurs occidentaux.

- 7

Sauf aléa climatique, l’ensemble du complexe des huiles devrait s’orienter à la baisse, l’huile de palme étant par ailleurs touchée par la mauvaise publicité la concernant.

COLZA :Paris (€) + 1

Le marché européen a profité du rebond du pétrole et de la hausse du dollar et termine l’année au-delà de € 400 la tonne.

À moyen terme, l’inquiétude majeure en Europe réside dans la proposition de Bruxelles de limiter les biocarburants de première génération.

À signaler : la forte hausse de l’huile de coprah (+34 %) liée à une climatologie défavorable aux Philippines.

Les prix des matières

premières et des commodités

resteront marqués au coin d’une

volatilité quotidienne

Les prix mondiaux

devraient rester peu soutenus

en 2017

10

PRISME - 16

Produits animaux :Une année marquée par les très forts rebonds des prix des produits laitiers et du porc. Mais il n’est pas sûr que cela soit durable.

Nom du produit Variation moyenne 2016/2015 Commentaires Tendance 2017 Commentaires

PORC :Europe prix moyen $États-Unis JowaBrésil Rio Grande do sul Parana

+ 5

- 8

- 10 - 3

Le marché européen a été sauvé par les achats chinois qui ont aspiré les excédents à partir du printemps. Sur les neuf premiers mois de l’année, les importations chinoises ont augmenté de 126 %, soit 1,2 million de tonnes de plus. Les États-Unis et le Brésil ont beaucoup moins profité de la manne chinoise.

On doit s’attendre à un reflux des achats chinois alors que la production européenne continue à progresser notamment en Espagne.

VIANDE BOVINE :États-UnisArgentine exportEurope (€)

- 16+ 2- 3

Le marché européen a été affecté par la décapitalisation laitière et les cours se sont globalement repliés.

PRODUITS LAITIERS :Beurre NZBeurre EuropePoudre NZPoudre Europe

+ 2+ 8- 8- 3

La remontée des prix a été spectaculaire à partir du printemps notamment pour le beurre en Europe. Ceci est dû à la baisse de la production dans les principales régions (Océanie, Europe) à la suite d’une année 2015 catastrophique en termes de prix.

Des prix élevés devraient se maintenir jusqu’au début de l’été. Ensuite, il faut espérer un peu de demande chinoise, car la production devrait à nouveau croître en Europe et en Océanie.

Produits tropicaux :Le cacao qui avait échappé au contrechoc de 2015 s’est fortement replié alors que 2016 aura été sans conteste l’année du sucre.

Nom du produit Variation moyenne 2016/2015 Commentaires Tendance 2017 Commentaires

SUCRE + 34 Un des produits phares de l’année avec d’importants déficits mondiaux en 2015/2016 et 2016/2017. Mais en fin d’année le marché a manifestement touché un plafond.

- 1

La plupart des experts anticipent un déficit moindre que prévu en 2016/2017 et un marché qui serait à l’équilibre en 2017/2018. Mais, la production brésilienne pourrait être inférieure aux attentes. Par contre, l’Europe, sans quotas, augmentera sa production.

CAFÉ + 2 L’année a été marquée par une forte appréciation des prix due à deux années de déficit mondial. Le retournement n’en a été que plus marqué en novembre avec l’amélioration de la météo au Brésil et au Vietnam et la dépréciation du real.

+ 6

La marche devrait être à peu près à l’équilibre en 2016/2017 avec toutefois des difficultés de production pour le Robusta.

CACAO - 8 Le marché s’est retourné brutalement à partir de la mi-août lorsqu’ont commencé à être publiées des estimations d’excédent mondial sur 2016/2017.

- 25

La chute des prix pourrait s’accentuer avec des perspectives d’excellentes récoltes en Côte d’Ivoire. Ceci pourrait mettre à l’épreuve l’organisation du marché du premier producteur mondial.

MARCHÉS

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PRISME - 16AQUACULTURE

La Chine est de très loin le premier producteur aquacole mondial

DÉVELOPPEMENT ET AVENIR DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE

Tandis que les captures annuelles de la pêche sont restées stables au niveau mondial, autour des 91 millions de tonnes, au cours de la dernière décennie, la production aquacole, ou production halieutique, affiche, elle, une croissance quasi linéaire de 5,9 % par an au cours des 16 dernières années, et atteint 81,4 millions de tonnes en 2016, selon les premières estimations de la FAO. Cette hausse concerne pratiquement tous les pays du monde, aussi bien les productions traditionnelles que de nouvelles espèces, dont on maîtrise désormais l’élevage.

(1) Poissons alternant des cycles de vie en eau douce et en mer.

Production aquacole mondiale

2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

2014

2001

2003

2005

2007

2009

2011

2013

2015

2016

0

10

20

30

40

50

90

60

70

80 Mt �

Source : Statistiques (2000-2014) et estimations (2015-2016) de la FAO - GLOBEFISH.

Cette hausse concerne pratiquement tous les pays du monde, aussi bien les productions traditionnelles que de nouvelles espèces, dont on maîtrise désormais l’élevage. Depuis trente ans, cette croissance a d’abord été celle des espèces d’eau douce : carpes, tilapias et plus récemment pangas. Auparavant, les productions de poissons d’eau douce étaient, en volume, équivalentes à celles des mollusques (huîtres, moules, coquilles Saint-Jacques...). Puis, ce sont les productions aquacoles de crustacés (en particulier les crevettes P. vannamei et P. monodon) qui se sont développées, ainsi que les élevages de poissons diadromes(1) (saumons, surtout). Désormais, c’est l’aquaculture des poissons de mer qui rencontre une forte expansion.

La Chine est de très loin le premier producteur aquacole mondial (61,6 % de la production mondiale) suivie de 4 autres pays asiatiques. Ces 5 principaux pays producteurs sont responsables de 80 % de la production aquacole mondiale. Mais beaucoup d’autres pays déploient aussi un fort dynamisme dans ce domaine et pourraient figurer dans la liste des grands producteurs des prochaines années.

Production aquacole par continent en 2014

Asie Afrique OcéanieAmériques Europe

0 %

89 %

4 %2 %

5 %

12

PRISME - 16AQUACULTURE

Il ne s’agit que de continuer la croissance actuelle à un

taux moyen de 2,8 % par an

❙ La croissance de l’aquaculture mondiale : jusqu’où ?Lorsqu’on observe la croissance continue de l’aquaculture, année après année, la question qui se pose naturellement est « jusqu’où cela ira-t-il ? Sommes-nous proches d’un maximum de production durable ou y a-t-il encore un vaste espace à investir ? Que pouvons-nous attendre des prochaines années ? ».

La production de poissons, de mollusques et de crustacés (sans parler de la production d’algues et d’autres plantes aquatiques) suit la demande du marché mondial, fortement dépendante de la démographie. Le XXe siècle a été le siècle de l’explosion démographique. Le XXIe siècle devrait être celui d’un rééquilibrage quantitatif et d’un vieillissement démographique mondial avec 7,3 milliards d’habitants (âge moyen de 29,6 ans) en 2015, et une prévision des Nations Unies de 9,5 milliards d’habitants en 2050 (âge moyen de 36,1 ans) et de 10,9 milliards d’habitants en 2100 (âge moyen de 41,2 ans).

Diverses instances internationales, médicales et de nutrition, recommandent une consommation (disponibilité en équivalent poids-vif) de produits halieutiques de quelques 30 kg par habitant et par an, soit 50 % de plus que l’actuelle moyenne de consommation par habitant. Pouvoir offrir cet approvisionnement en produits halieutiques en 2050 signifie pouvoir produire 285 millions de tonnes par an, soit près de 120 millions de tonnes de plus qu’actuellement.

Comme on ne peut pas s’attendre à une augmentation des captures d’espèces sauvages, ces 120 millions de tonnes supplémentaires devront venir entièrement de l’accroissement de la production aquacole. Finalement, il ne s’agit que de continuer la croissance actuelle à un taux moyen de 2,8 % par an pendant les 35 prochaines années. Les réserves d’eau douce sont encore largement inexploitées pour l’aquaculture, les eaux littorales également et les eaux océaniques encore plus. Des dizaines d’instituts de recherche dans le monde entier travaillent actuellement à la domestication de nouvelles espèces, à leur développement génétique, à la prophylaxie des élevages ainsi qu’au développement de nouvelles sources d’aliments pour les espèces aquacoles, des dérivés de soja aux produits à base d’algues, en passant par des insectes. L’aquaculture est un secteur de production alimentaire particulièrement prometteur et en plein développement.

Produire, transformer et vendre 120 millions de tonnes supplémentaires de poissons, de crustacés et de mollusques signifie une création de richesse de quelques 600 milliards de US$ par an (sur une base de prix moyen au consommateur de 5,00 $/kg), et l’ensemble du secteur halieutique (captures et élevages) devrait générer une valeur totale de 1 425 milliards de US$ par an (à prix d’aujourd’hui) en 2050. De quoi attirer un grand nombre d’investisseurs.

Production aquacole des 20 principaux pays producteurs en tonnes (2014)

Pays Production 2005 Production 2014 Variation 2005-2014

Chine 28 120 690 45 468 960 + 61,7 %

Inde 2 967 378 4 881 019 + 64,5 %

Indonésie 1 197 109 4 253 896 + 255,3 %

Vietnam 1 437 300 3 397 064 + 136,4 %

Bangladesh 882 091 1 956 925 + 121,9 %

Norvège 661 877 1 332 497 + 101,3 %

Chili 723 875 1 214 523 + 67,8 %

Égypte 539 748 1 137 091 + 110,7 %

Myanmar 485 220 962 156 + 98,3 %

Thaïlande 1,304 232 934 758 - 28,3 %

Philippines 557 251 788 029 + 41,4 %

Japon 746 372 657 000 - 12,0 %

Brésil 257 784 561 803 + 117,9 %

Corée du Sud 436 571 480 394 + 10,0 %

États-Unis 513 920 425 870 + 17,1 %

Équateur 138 562 368 207 + 165,7 %

Taiwan 304 756 339 609 + 11,4 %

Iran 111 761 320 174 + 186,5 %

Nigéria 56 355 313 231 + 455,8 %

Espagne 219 335 282 238 + 28,7 %

Total des 20 pays 40 359 259 67 305 503 + 66,8 %

Tous les autres pays 3 938 453 6 478 222 + 64,5 %

Total mondial 44 297 712 73 783 725 + 66,6 %

Source : FAO Production mondiale de l’aquaculture.

13

PRISME - 16AQUACULTURE

DES TECHNOLOGIES INNOVANTESLe développement de l’aquaculture au niveau mondial s’explique d’abord par une forte extension des espaces aquatiques dédiés, tant sur terre qu’en milieu marin, mais tout autant par la mise en œuvre de technologies innovantes : techniques de construction des étangs, des bassins et des cages flottantes, contrôle de la qualité des eaux et des prédateurs, maîtrise de l’élevage d’un nombre sans cesse élargi d’espèces ayant une bonne acceptabilité commerciale.Soulignons que l’aquaculture de haute mer, en cages flottantes ou même sous-marine, a profité de la technologie déployée par l’ingénierie navale dans la construction de plateformes de forage pétrolier en mer.La domestication des espèces conduit à sélectionner les reproducteurs, les lignées, en procédant à des croisements, y compris par hybridation, en vue d’une amélioration des taux de croissance, de rendement au filetage(2) et de résistance aux maladies. Des essais d’amélioration des performances par transgenèse sont étudiés depuis plusieurs décennies, et en novembre 2015, pour la première fois, la Food & Drug Administration américaine a autorisé à la consommation un saumon atlantique auquel ont été rajoutés des gènes de

saumon chinook et d’anguille, et qui présente un taux de croissance double de celui du saumon atlantique normal. Le Canada a également autorisé la consommation de ce saumon transgénique en mai 2016, le premier « AGM » (animal génétiquement modifié) destiné à la consommation... Mais il s’agit là sans doute d’une technique qui n’est pas prête de franchir l’Atlantique car elle se confronterait chez nous à des positions anti OGM virulentes.

Les progrès techniques incluent également la variété et la qualité des aliments destinés aux espèces élevées, sachant que chaque espèce a des besoins différents et que, pour la même espèce, des besoins différents existent également selon le degré de développement, du stade larvaire à l’ultime phase de grossissement. L’alimentation constitue le principal coût de production et chaque avancée dans ce domaine conforte la viabilité économique des fermes aquacoles. Le choix des ingrédients est donc crucial, y compris dans la substitution de la farine et de l’huile de poisson dont les sources sont limitées et qui sont chaque fois plus chères, par d’autres sources de protéines et d’acides gras polyinsaturés en particulier l’oméga 3.

Production des principales espèces en tonnes (2014)

Espèce Production 2006 Production 2014 Variation 2006-2014

Carpes 16 130 451 24 113 227 49,5 %

Autres espèces 13 728 874 23 032 280 67,8 %

Palourde japonaise 2 807 042 4 010 703 42,9 %

Tilapia du Nil 1 673 791 3 670 260 119,3 %

Crevette pattes blanches 2 161 008 3 668 682 69,8 %

Saumon atlantique 1 318 720 2 326 288 76,4 %

Poisson-lait 585 384 1 039 184 77,5 %

Truite arc-en-ciel 609 672 812 940 33,3 %

Crabe chinois 439 615 796 622 81,2 %

Clams 610 601 786 828 28,9 %

Écrevisse de Louisiane 153 377 723 288 371,6 %

Crevette géante tigrée 642 149 634 522 - 1,2 %

Huître creuse du Pacifique 697 155 625 925 - 10,2 %

Poisson tête de serpent 248 664 510 630 105,3 %

Arche granuleuse 394 171 461 446 17,1 %

Silure 264 339 455 791 72,4 %

Barbue d’Amérique 410 496 390 020 - 5,0 %

Pangasius (panga) 23 310 385 737 1 554,8 %

Total des 30 espèces les plus produites 29 859 325 47 145 507 57,9 %

Toutes les autres espèces 17 396 944 26 638 220 53,1 %

Total mondial 47 256 269 73 783 727 56,1 %

Source : FAO Production mondiale de l’aquaculture.

À hauteur d’un peu moins d’un tiers de la production aquacole mondiale totale en 2014 (un peu plus d’un tiers en 2005), les carpes constituent de loin les principales espèces cultivées, surtout en Chine où elles sont largement

consommées. En effet, le commerce international des carpes est assez restreint et leur consommation se fait presque entièrement dans les pays producteurs.

(2) Le filetage consiste à prélever les filets - en général ce qui est consommable - sur le poisson. Le rendement au filetage mesure donc la proportion de chair prélevée par rapport au poisson entier.

Les progrès techniques

incluent également la variété

et la qualité des aliments

destinés aux espèces

élevées

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PRISME - 16AQUACULTURE

L’AQUACULTURE MARINE EN PLEIN ESSORIl faut le rappeler, l’aquaculture est pratiquée depuis plusieurs millénaires, qu’il s’agisse de la carpe en Chine, du tilapia en Égypte ou des parcs à huîtres de la Rome antique. Mais le développement rapide et récent de la production aquacole trouve son origine à la fois dans les progrès technologiques vus précédemment et dans l’urgence de trouver une alternative à la capture intensive d’espèces sauvages et ses conséquences sur la raréfaction des espèces pêchées face à une demande toujours croissante.

En principe, la marge de progression est satisfaisante sur une planète couverte d’eau sur les trois quarts de sa surface. Encore faut-il que cette production soit du goût des consommateurs, dans un cadre de développement durable.

L’aquaculture marine, surtout en haute mer, demande de lourds investissements : il est donc logique que les prix à la consommation des espèces nouvellement « cultivées » jouent un rôle dans ces choix d’investissement : à titre d’exemple, la maîtrise de l’engraissement de thon rouge est très prometteuse, compte tenu des prix élevés de cette espèce sur les différents marchés mondiaux, en particulier au Japon. A contrario, le développement des élevages contribue à la diminution des coûts de production par économie d’échelle. C’est déjà clairement le cas du saumon, du bar ou du cobia,

un nouvel arrivé chez les poissonniers, qui offre l’avantage d’une croissance rapide sans manipulation artificielle.

Un nombre croissant de pays voit se développer des fermes de soles, dorades, turbots ou ombrines. Au Mexique, c’est l’élevage de pieuvres qui se développe. Et bien entendu, partout les coquillages : huîtres, moules, coquilles Saint-Jacques et autres mollusques représentent aujourd’hui plus de 15 millions de tonnes par an.

Les aires propices et disponibles pour l’aquaculture marine sont encore très vastes sur toutes les mers du monde. Échappant par construction à tout risque de déficit en eau, l’aquaculture marine n’est pas à l’abri de maladies virales que l’on essaie de plus en plus de combattre par la vaccination plutôt que les antibiotiques.

La diversification de la ressource biologique marine, à desti-nation principalement alimentaire conduira donc demain à tester l’élevage d’un nombre croissant d’espèces de poissons, de crustacés, de mollusques voire de mammifères marins, mais aussi à la culture d’un nombre croissant d’espèces de végétaux aquatiques. Déjà, la culture de diverses espèces d’algues dépasse 25 millions de tonnes par an, avec une croissance moyenne annuelle de 7,7 % depuis dix ans. Comme pour l’élevage piscicole, avec 92 % du volume, l’Asie est le lieu privilégié de cette production végétale marine.

L’aquaculture marine, surtout en haute mer,

demande de lourds

investissements

En marge de l’aquaculture, le marché de l‘aquariophilie se développe rapidement. Le commerce international des poissons d‘aquarium est estimé par la FAO à 3 milliards de US$ par an, à prix de détail.

Ce sont quelques 4 000 espèces de poissons d‘eau douce et 1 400 espèces de poissons marins qui sont ainsi commercialisées, la grande majorité provenant d’élevages aquacoles.

LE CHALLENGE RÉUSSI DE L’AQUACULTURE : + 65 % DE CONSOMMATION PAR HABITANT EN 31 ANS

Avec une croissance moyenne de 7,6 % par an, en passant de 8,5 millions de tonnes en 1985 à 81,4 millions de tonnes attendues en 2016, la production aquacole a permis à la consommation halieutique mondiale moyenne par habitant de passer de 12,5 kg à 20,6 kg par an, un vrai tour de force.

Ce résultat est aussi le fruit d’une variété sans cesse croissante de l’offre des produits de la mer et de l’eau douce. En théorie, il est désormais possible de manger des produits halieutiques tous les jours pendant un an sans jamais répéter les plats. Encore, sommes-nous sans doute loin de tout connaître. Qui, voici trente ans, connaissait le tilapia ou le panga ? D’autres espèces

originaires du bassin amazonien comme l’arapaïma ou le surubim, ou encore en pisciculture marine, le cobia, déjà cité, commencent à enrichir l’ordinaire d’un nombre croissant de consommateurs. « Manger du poisson » est une expression très vague mais qui sous-entend assurément une variété de produits bien plus vaste que son équivalent terrestre, « manger du mammifère »…

Rien d’étonnant donc à ce que la consommation des produits de la mer se développe partout dans le monde grâce à la variété de l’offre, d’autant que les nutritionnistes s’accordent pour recommander cette consommation comme étant particu lièrement saine sur le plan diététique.

❙ L’aquaculture marine progresse partout, sauf en Europe !Il peut paraître surprenant que l’aquaculture, en particulier marine, ne progresse guère, voire régresse en Europe. C’est pourtant le cas puisqu’après un pic en 2000 à 1,395 millions de tonnes, la production de l’aquaculture (marine et d’eau douce) n’y est plus que de 1,261 millions de tonnes dix ans après, l’Europe important d’ailleurs 70 % de sa consommation de produits de la mer. En France, le nombre d’entreprises d’aquaculture marine a même diminué pour se stabiliser autour d’une quarantaine.

À cela deux raisons : d’une part le manque de compétitivité des produits européens face à la concurrence internationale, en particulier

asiatique ; d’autre part, sur l’espace littoral, la forte compétition entre les différentes activités qui s’y déploient : tourisme balnéaire, trafic maritime, navigation de plaisance, et plus récemment le développement des éoliennes en mer. La réglementation européenne, très rigoureuse quant à la protection de l’environnement du littoral, entrave le développement de tout nouveau projet. Ce contexte pousse les investisseurs européens à s’intéresser au moins autant, si ce n’est plus, aux potentiels de régions lointaines offrant plus de disponibilités et moins de contraintes réglementaires.

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PRISME - 16

L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire - Février 2017PRISME - 16

Directeur de la publication : Laurent BENNETRédacteur en chef : Isabelle JOB-BAZILLERédacteurs : Matthieu AVIGNON, Benoît BOUSQUET, Philippe CHALMIN (CyclOpe), Noël ISORNI, Frédéric TESSIER, Véronique VIGNER, Roland WIEFELS (CyclOpe).

Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A., à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification, Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse régionale, ne sauraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication. Réalisation : Art6 - Photos : 123rf.

Au cours des prochaines décennies, le développement de l’aquaculture se fera en cohérence, en compétition ou en complémentarité avec, également, les autres usages des eaux continentales et marines, partagées entre un nombre croissant d’utilisateurs, des barrages hydroélectriques à l’irrigation agricole en passant par les utilisations urbaines pour l’eau

douce et des lignes de navigation aux plates-formes pétrolières en mer, en passant par l’exploitation minière des fonds sous-marins. Le développement de l’aquaculture dans le monde reflète ainsi la rapide évolution des rapports de l’humanité avec le milieu aquatique de notre planète.

D’une manière générale, la

consommation chinoise

de produits halieutiques

est déjà, et de loin, la plus

importante au monde

❙ Connaissez-vous le concombre de mer ?L’holothurie : voici un produit de l’aquaculture, encore peu connu en Occident, mais dont le commerce international - un demi-milliard de dollars en 2013, + 8 % en un an - se développe très rapidement. Voici des siècles que les commerçants chinois achètent des holothuries sur les marchés asiatiques et d’Océanie. Vendus salés-séchés, pour leur préservation, ces échinodermes (de la même famille que les oursins et les étoiles de mer) étaient désignés par les explorateurs portugais sous le nom de « bicho do mar » (punaise de mer), repris par les Français comme « bêche de mer » sous sa forme séchée, tandis que l’appellation anglo-saxonne, inspirée de la forme de l’animal, « sea cucumber », a pris le dessus, y compris en France, pour le produit frais.

Les vertus alimentaires des holothuries, similaires au ginseng selon la gastronomie chinoise, sont également reconnues par des laboratoires pharmaceutiques occidentaux qui en extraient déjà plusieurs éléments.

Le marché des holothuries ressemble beaucoup au marché des champignons : des dizaines d’espèces différentes, certaines étant vénéneuses et même mortelles, alors que d’autres ont des vertus médicinales. Comme pour les champignons, les prix de la bêche de mer varient également beaucoup selon la variété, de 64 US$ à près de 3 000 US$/kg sur le marché au détail de Hong Kong.

Le marché chinois est en pleine expansion et change rapidement. Ainsi, les holothuries salées séchées ont moins la cote que les produits frais, préparés selon de nouvelles recettes, souvent cantonaises. Le très rapide développement urbain chinois, allié à l’expansion des revenus d’une classe moyenne croissante, entraîne un dynamisme et une rapide évolution des habitudes

alimentaires. Le concombre de mer vient relayer la consommation des ailerons de requins, en forte baisse sous la pression des mouvements environnementaux, de même que la consommation d’ormeaux.

D’une manière générale, la consommation chinoise de produits halieutiques, avec plus de 30 kg par habitant et par an, est déjà, et de loin, la plus importante au monde. Et une diaspora de 40 millions de personnes sur tous les continents (dont quelques 650 000 en France) contribue à populariser une gastronomie raffinée partout dans le monde, de la même façon que les restaurants japonais ont popularisé les sashimis et les sushis.

Alors que 41 540 tonnes d’holothuries sauvages ont été prélevées en 2011, dont 60 % dans l’Océan Pacifique au large de la Chine, de la Corée et du Japon, ce sont plus de 138 000 tonnes qui ont été récoltées dans des fermes d’holothuries la même année, dont 99,6 % en Chine. La quasi-totalité de cette production aquacole appartient à l’espèce Stichopus japonicus. Dix ans auparavant, l’aquaculture des holothuries n’existait pratiquement pas dans le monde… Nous seront-ils familiers dans dix ans ?

AQUACULTURE

L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire - Février 2017PRISME - 16

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