Le péril américain. Le capital américain à l'étranger

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CHRISTIAN GOUX Christian Goux est né en 1929 à

Aix-en-Provence. Agrégé des Sciences économiques, il est ingénieur des Ponts et Chaussées, professeur à l'Université de Paris l et à l'École nationale des Ponts et Chaussées. Il est également conseil- les scientifique de la SEMA.

Collaborateur du Figaro, du Monde, d'Entreprise, d'Opinion et Expansion, il a publié notamment l'Horizon prévisionnel.

PERSPECTIVES DE L'ÉCONOMIQUE ÉCONOMIE CONTEMPORAINE

Déjà parus MILTON FRIEDMAN

Inflation et systèmes monétaires SYLVAIN WICKHAM

L'espace industriel européen PIERRE DAUMARD

Le prix de l'enseignement en France Préface d'Edgar Faure HUBERT BROCHIER

Le miracle économique japonais JEAN PARENT

Le modèle suédois CELSO FURTADO

Les États-Unis et le sous-dévelop- pement de l'Amérique latine

Ch. P. KINDLEBERGER Les investissements des Etats-Unis dans le monde

JACQUES JUNG L'aménagement de l'espace rural

Une illusion économique M. FRIEDMAN - Ch. P. KINDLEBERGER E. M. BERNSTEIN - A. K. SWOBODA

et autres L'Eurodollar

A paraître FRANÇOIS DAVID

Les exportations françaises

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Le péril américain

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PERSPECTIVES DE L'ÉCONOMIQU.E dirigée par CHRISTIAN SCHMIDT

ÉCONOMIE CONTEMPORAINE

CHRISTIAN GOUX JEAN-FRANÇOIS LANDE AU

Le capital américain à l'étranger

CALMANN-LÉVY

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© CALMANN-LÉVY, 1971. Imprimé en France.

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Introduction

UN EXERCICE D'ÉCONOMIE-FICTION

1999 : le best-seller économique de l'année s'inti- tule la Prise du pouvoir économique par les

Etats-Unis. Ce livre, qui se présente, comme presque tous les livres de cette époque, sous forme d'enquêtes faites entièrement de coupures de presse, comprend trois dossiers clé.

Le premier raconte la sortie, le 12 octobre 1967, d'un livre qui allait faire beaucoup de bruit à l'époque : le Défi américain. « Où en est l'industrie européenne ? Où en est la culture européenne ? Si l'on n'y prend pas garde, elles n'existeront bientôt plus !» Tel est le cri d'alarme qu'inspire à son auteur, qui aime à se faire appeler J.J. S.S., le tableau de la situation qui montre l'augmentation incessante de l'emprise amé- ricaine sur l'Europe. Dans cette main mise étrangère croissante, il voit une invasion qui, pour être pacifique, n'en est pas moins dangereuse — le choix des airs appartient à celui qui paie les violons, enseigne le dicton — et « abdiquer notre compétitivité dans le domaine industriel nous condamnerait au sous-déve- loppement et à une mort culturelle ».

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L'auteur propose alors une contre-offensive, fondée notamment sur l'éducation permanente, la maîtrise de l'informatique, la justice sociale et les richesses latentes de l'Europe. « A nous de choisir, conclut-il, entre le rôle de la grenouille envieuse du bœuf et vouée à l'éclatement ou celui du taureau de combat qui relève le « défi américain ».

Mais il faut croire que le taureau de combat est impuissant car les intéressés, incapables d'une action politique commune, ont choisi... de ne pas choisir. Alors que la réponse logique au « défi » est le « pari », les Européens font une crise de dépit. Les hommes d'affaires américains, qui ont des intérêts en Europe, auront eu en définitive plus de peur que de mal. Réalistes, ils mettront à profit ce répit. Tandis que l'Europe se réfugie dans la politique de l'autruche timorée, l'Amérique se comporte aussi comme l'au- truche, celle qui avale tout ce qu'elle trouve sur son passage.

Deuxième dossier : 1980. Le capital américain direc- tement investi à l'étranger dépasse 200 milliards de dollars. Les Européens se rendent compte que leur continent est en train de devenir une filiale — au propre comme au figuré — des Etats-Unis. Devant l'émoi de l'opinion, une conférence européenne est convoquée d'urgence à Paris. Le ministre français de l'Economie et des Finances déclare que « la puissance américaine constitue un grand défi à l'Europe ». En conséquence, il demande que les investissements amé- ricains respectent un « code de bonne conduite » qui protège les intérêts des Européens.

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Mais ceux-ci s'aperçoivent très vite que « nationaliser des murs d'usine » ne constitue pas un enrichissement pour la Nation. Le « code de bonne conduite » restera donc lettre morte : une fois de plus la montagne aura accouché d'une souris.

Cela ne plaît pas à tout le monde. Le Daily Worker, communiste, prend à partie le très honorable Georges Smith, ministre britannique de l'Economie, l'accusant de « forfaiture ». Celui-ci se croit obligé de mettre les points sur les i avec une vulgarité brutale. On se montre choqué. « Good old Georges... Tout de même il exagère... » Mais au fond, personne n'en veut vrai- ment à ce « bon vieux Georges » d'avoir dit tout haut ce que les milieux d'affaires, et a fortiori les gouvernements, pensent tout bas.

Et le vieux continent se remet à vivre, locataire et employé des Etats-Unis. Les Européens l'ont même — en un sens — échappé belle. Dans un article de la revue Fortune, on peut lire cette sentence : « L'Europe est un gros marché, qui est lui-même simplement un des nombreux marchés régionaux dans le monde ».

Troisième dossier : En 1990, la presse chinoise se déchaîne. « Les années 90 verront la tempête révolu- tionnaire s'élever encore plus vigoureusement dans l'ensemble du monde », déclare l'éditorial du Nouvel an publié simultanément par le Quotidien du Peuple et par le Drapeau Rouge. Alors que les précédents messages du 1 janvier étaient consacrés essentielle- aux questions idéologiques et aux questions d'ordre intérieur, ce dernier texte met l'accent sur les pro- blèmes internationaux.

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L'éditorial de 15 000 mots intitulé « Allons au-devant des grandes années 90 » commence par faire le bilan de la décennie, et affirme : « Au cours de ces dix dernières années, les dollars impérialistes, puants, se sont répandus dans le monde entier comme une gan- grène. On ne trouve plus sur la terre une seule « oasis possible ».

Mais le déclin du capitalisme est inéluctable, pour- suit le document. « Les crises financières et monétaires qui secouent l'Occident, les crises économiques chaque jour plus graves et plus profondes ont rendu l'éco- nomie capitaliste encore plus incurablement malade. Le vieux monde chancelle sous la tempête, les volcans sont en irruption l'un après l'autre, et des couronnes sont tombées une à une. »

L'éditorial conclut en déclarant : « La révolution se développe, le peuple progresse. Un nouveau monde sans impérialisme, sans capitalisme et sans système d'exploitation, apparaîtra sous peu à l'horizon... Le socialisme marche inéluctablement vers la prospérité ; tel un géant, la grande Chine socialiste se dresse à l'Orient. »

La Maison-Blanche ne fait aucun commentaire offi- ciel. Mais le Columnist du New York Times se fait l'écho officieux de la pensée du Président en écrivant dans un éditorial intitulé 4 milliards d'Américains : « Sur les 6 milliards de population que compte la Terre en 1989, les Américains sont maintenant 4 et les Chi- nois ne sont que 1,5. Dans ces conditions, si « péril » il y a, il n'est plus « jaune », mais... « américain » !...

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LA TROISIÈME FORCE

Après cet exercice d'école, l'on constate que nous ne sommes pas en présence d'un phénomène purement européen, comme on pourrait en avoir l'impression à l'heure actuelle. La troisième puissance industrielle mondiale après les Etats-Unis et l'U.R.S.S. pourrait bien être dans quinze ans, non pas l'Europe et le Japon mais l'entreprise américaine hors de ses frontières.

Il s'agit en effet d'un phénomène mondial : 70 % du capital américain à l'étranger se trouve hors d'Eu- rope. Plus frappant encore, le fait qu'il s'agit d'un phénomène à croissance exponentielle, c'est-à-dire de plus en plus rapide et, par conséquent, de plus en plus préoccupant — et pourquoi pas, angoissant — pour les « non-Américains », montre que l'accent ne peut être mis uniquement sur les problèmes européens. C'est ce que montre clairement le graphique de la page suivante qui insiste sur l'aspect « croissance expo- nentielle ». L'évolution des courbes parle d'elle-même.

Si l'investissement américain, sa force, son accé- lération, son caractère inéluctable nous « interpellent » maintenant, c'est qu'il est entré dans sa phase specta- culaire. Comme le montre le graphique, jusque durant les années 50, la courbe des investissements américains en Europe a évolué presque parallèlement à l'horizon- tale. Les années 60 marquent un tournant décisif ; c'est la phase du « décollage », celle de la prise de

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Croissance du capital américain à l'étranger de 1914 à 1969

Capital américain à l'étranger

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conscience par l'opinion publique des pays « investis ». Les années 70 inaugurent la phase de croissance expo- nentielle, où la courbe d'évolution va devenir de plus en plus parallèle à la verticale, phase où les problèmes de cohabitation vont se poser avec plus d'acuité.

CAPITAL AMERICAIN A L'ETRANGER (en million de dollars)

Fin de période Monde Europe continentale

1955 19 395 3 602 1956 22 505 3 561 1957 25 394 4 151 1958 27 409 4 576 1959 29 827 5 324 1960 32 778 6 681 1961 34 687 7 742 1962 37 226 8 930 1963 40 686 10 340 1964 44 386 12 109 1965 49 328 13 985 1966 54 711 16 208 1967 59 486 17 926 1968 64 983 19 497 1969 70 763 21 554

Source : Department of Commerce « Survey of Current Business ».

On remarque également que l' « exponentielle mon- diale » est plus rapide que la seule « exponentielle européenne ». Aussi, dans la mesure où il faut s'atten- dre à des réactions de la part des pays « investis »

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d'ici la fin du siècle, cette première indication montre déjà que les réactions d'américanophobie risque plutôt de venir des non-Européens que des Européens.

Dans ces conditions, s'en tenir aux seuls investisse- ments américains en Europe, serait considérer l'arbre en oubliant la forêt. Mais pour être non Américains, nous n'en sommes pas moins Européens et cela non plus ne devra pas être oublié au moment de conclure.

Quels pays sont « investis », et dans quelle mesure ? Qu'est-ce qui pousse l'entrepreneur américain à inves- tir à l'étranger ? Quel rôle joue le gouvernement des Etats-Unis dans cette expansion ? De quelles ressources disposent les investisseurs ? Comment la balance amé- ricaine des paiements en est-elle affectée ? De quelle façon les pays investis réagissent-ils ? De quoi demain sera-t-il fait ?

Telles sont les principales questions auxquelles nous allons nous efforcer de répondre successivement.

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CHAPITRE PREMIER

Le monde sous la dépendance

A 1 janvier 1970, les avoirs des Etats-Unis à l'étran- ger atteignaient 157 836 millions de dollars. Sur

ce total, les avoirs privés à long terme représentaient 96 029 millions (soit 61 %) et les investissements directs des entreprises américaines 70 763 millions (45 %).

En 1969, la valeur des investissements directs amé- ricains à l'étranger s'est accrue de 5,8 milliards de dollars (+ 8,9 %), ce qui constitue un record, puisque la moyenne des accroissements des quatre années pré- cédentes (1965 à 1968) s'établit à 5,1 milliards de dol- lars. Ces 5,8 milliards de dollars appellent les com- mentaires suivants :

— Ils ont été financés à concurrence de 53 % par des sorties de fonds des Etats-Unis (pour le détail, voir tableau 2), et pour le reste (2,5 milliards de dol- lars) par des bénéfices réinvestis sur place.

— Ils se sont répartis à raison des trois quarts dans les pays industrialisés (Canada, Europe occidentale, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Japon)

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TABLEAU I.1 AVOIRS AMÉRICAINS A L'ÉTRANGER

(en millions de dollars)

Source : Survey Current Business, octobre 1970.

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et d'un quart dans les pays en voie de développement. Notons que les filiales canadiennes d'entreprises amé- ricaines ont reçu 1,5 milliard de dollars en 1969 contre 1,2 milliard pour celles implantées dans la Commu- nauté économique européenne (voir tableau 3).

— Enfin, ils se sont dirigés principalement vers les industries de transformation (plus de la moitié des nouveaux investissements) au détriment du pétrole et des autres secteurs (extraction, transport, commerce, etc.).

Au-delà de ces fluctuations annuelles, il faut consi- dérer l'évolution de la structure des investissements directs américains depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Pour cela, nous avons choisi un certain nombre de points de repère : 1950, 1955, 1960, 1965, 1970 (1 janvier). Les observations statistiques, que suscitent le rapprochement de ces dates, peuvent être regroupées sous trois principaux ordres d'idées :

— le premier touche à la redistribution géogra- phique du capital américain à l'étranger,

— le second concerne l'origine géographique de ce qu'il faut bien appeler le rackett américain,

— le troisième rapproche la répartition géographi- que du capital investi et des profits rapatriés afin de dégager un taux de rapatriement ou taux de rackett.

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TABLEAU I.2

MOUVEMENTS DE FONDS DE CERTAINES ENTREPRISES AMÉRICAINES

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TABLEAU I.3 LE CAPITAL AMÉRICAIN A L'ÉTRANGER

AU 1 JANVIER 1970 (millions de dollars)

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GRAPHIQUE 1

Variations annuelles du capital américain à l'étranger par l'industrie et par grandes zones économiques

Source : Survey of Current Business - Octobre 1970

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LE RACKETT

1. — RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU CAPITAL AMÉRICAIN A L'ÉTRANGER

Les tableaux (4 et 5) témoignent des profondes modifications intervenues dans la distribution du capi- tal américain.

TABLEAU I.4

LE CAPITAL AMÉRICAIN A L'ÉTRANGER (millions de dollars)

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TABLEAU I. 5

LE CAPITAL AMÉRICAIN A L'ÉTRANGER Répartition géographique en pourcentage

— Jusqu'en 1968, le Canada a occupé la première place pour l'ensemble des investissements américains. En vingt ans, le capital américain au Canada est passé de 3,6 milliards de dollars à 21,1 (facteur multipli- catif : X 5,9), mais si sa part dans le total est montée de 30,4 % en 1950 à un maximum de 34,2 en 1960, au 1 janvier 1970, le Canada a crevé en baisse le plancher des 30 %, semble-t-il, de façon irréversible.

— La diminution relative du Canada s'explique par

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l'augmentation relative de l'Europe occidentale, prin- cipalement au cours des années soixante. Ainsi le capital américain en Europe, qui atteignait modeste- ment 1,7 milliard de dollars en 1950, a, pour la première fois en 1961 dépassé le total des investisse- ments directs au Canada, avec 21,6 milliards de dollars (1950-1969 : × 12,5). La part de l'Europe, stagnante dans les années cinquante (14,7 % en 1950 et 15,6 en 1955) a fait un bond ininterrompu depuis, à 20,4 % en 1960, 28,3 % en 1965 et 30,5 % au 1 janvier 1970.

— A l'intérieur de l'Europe, il est nécessaire de faire une nette distinction entre la zone du Marché commun, qui a commencé à attirer les investisseurs américains à partir de 1960 seulement, et le reste de l'Europe, dont le Royaume-Uni, qui est depuis long- temps une colonie américaine. En 1950, le capital américain investi dans la future C.E.E. atteignait 637 millions de dollars (5,4 % des investissements directs américains dans le monde) contre 847 millions de dollars (7,2 %) dans le Royaume-Uni. En 1960, ces chiffres étaient respectivement de 2,6 et 3,2 mil- liards de dollars (8,1 et 9,9 %). Mais en 1963, le capital américain dans la C.E.E. dépassait celui investi en Grande-Bretagne : 4 490 millions de dollars contre 4 172. Ce renversement de tendance est particulière- ment net au 1 janvier 1970 puisque les seuls inves- tissements directs dans la C.E.E. ont presque rattrapé ceux réalisés dans le reste de l'Europe (Grande-Bre- tagne comprise) : 10,2 contre 11,4 milliards de dollars.

— Le capital américain en Amérique latine, qui représentait 38,2 % du total en 1950, ne compte plus

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que pour 19,5 % : soit une diminution de moitié en part relative. Il n'en demeure pas moins que l'aug- mentation en valeur absolue se poursuit, même si c'est plus lentement que dans des zones plus développées, ce qui place l'Amérique latine en troisième position, derrière l'Europe et le Canada, pour le volume d'inves- tissements directs réalisés : 13,8 millions de dollars au 1 janvier 1970.

— En quatrième position, on trouve l'Asie. La part relative a diminué de 8,5 % en 1950 à 7 % en 1960, pour remonter ensuite à 7,4 % actuellement, mais cette stabilité relative masque une importante crois- sance en valeur absolue : de 2 à 5,2 milliards de dollars entre 1950 et 1969 (× 5,3). Le phénomène est surtout frappant pour l'Extrême-Orient (qui comprend le Japon et les Philippines). Alors qu'en 1950, sur 100 dol- lars investis en Asie, 69 l'étaient au Moyen-Orient, vingt ans plus tard la situation est inversée : 35 dollars sur 100 au Moyen-Orient et 65 en Extrême-Orient.

— Pendant les années cinquante, les investissements directs américains en Afrique sont restés pratique- ment inexistants : 283 millions de dollars en 1950 (2,4 % du total), 572 millions (3,0 %)en 1955,925 mil- lions (2,8 %) en 1960. A partir de cette date, les choses s'accélèrent sensiblement : 1,9 milliard de dol- lars en 1965 (3,9 %), 3,0 en 1970 (4,2 %). Il est signi- ficatif de noter que l'Afrique du Sud, qui est la pre- mière économie du continent africain, ne reçoit plus actuellement que 25 dollars sur 100 investis en Afrique contre 45 il y a vingt ans. On assiste donc à une diver- sification des implantations américaines en Afrique au

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A en juger d'après la controverse, souvent passionnée, qui oppose spécialistes ou profanes depuis quelques années les investissements directs des États-Unis à l'étranger seraient à la fois la meilleure et la pire des choses, suivant la parole d'Esope. Faut-il parler d'impérialisme? Les Américains s'en défendent. S'il est vrai que l'origine de la domi- nation politico-économique des États-Unis doit être recherchée du côté du Pentagone, du Congrès et de l'opinion publique plutôt que dans les cercles dirigeants des milieux d'affaires, il est également évi- dent que ce sont les entrepreneurs américains qui investissent à l'étranger et non la population, et qu'ils ne le font qu'à la condition d'être soutenus - financièrement, diplomatiquement et éventuellement militairement - par le gouvernement des États-Unis.

Au regard de l'analyse économique traditionnelle, l'investissement direct américain fait d'ailleurs figure d'hybride, à la fois stock et flux, tour à tour interprété comme une réincarnation du bien et du mal. Pour les États-Unis, le bien, c'est le stock de capital détenu par des Amé- ricains à l'étranger, gage désormais dépassé de la convertibilité inter- nationale du dollar et moyen de domination économique et politique sur le monde non-communiste; c'est aussi le flux croissant des profits rapatriés engendrés par ce stock de capital. Le mal, c'est le flux incoer- cible de sorties de capitaux à long terme des États-Unis vers l'étranger destiné à financer les investissements nouveaux, qui grève la balance des paiements américains. Mais pour le reste du monde, le bien est ce qui est mauvais pour les États-Unis et le mal ce qui est bon pour les États-Unis.

Que faire ? L'ambition des auteurs de ce livre, Christian Goux et Jean-François Landeau, tous deux universitaires et praticiens de l'économie, est de démontrer que la seule alternative réaliste en matière d'accueil des investissements directs américains réside en un «dirigisme tempéré». Un sursaut nationaliste, en effet, ne parviendrait qu'à « nationaliser des murs». A l'opposé, en rester au « laisser-faire » équi- vaut à se mettre - insensiblement mais inéluctablement - sous la dépendance économique, politique et culturelle des États-Unis : il faut que chacun sache que c'est en cela précisément que réside le Péril américain.

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