Prier à l’église · dans le cœur du Père, au désert, à l’église, à la maison, et enfin...

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La Farlède, 10 novembre 2005 « Il était un jour quelque part en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. » » (Luc, chapitre 11) « Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi ; mais il fallait bien s'égayer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et qu'il est revenu à la vie, parce qu'il était perdu et qu'il est retrouvé. » (Luc 15, 31-32) Prier à l’église avec Iéshoua Dialogue judéo-chrétien et prière chrétienne.

Transcript of Prier à l’église · dans le cœur du Père, au désert, à l’église, à la maison, et enfin...

La Farlède, 10 novembre 2005

« Il était un jour quelque part en prière.

Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit :

« Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. » »

(Luc, chapitre 11)

« Mon enfant, lui dit le père,

tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi ;

mais il fallait bien s'égayer et se réjouir,

parce que ton frère que voici était mort

et qu'il est revenu à la vie,

parce qu'il était perdu et qu'il est retrouvé. »

(Luc 15, 31-32)

Prier à l’église avec Iéshoua

Dialogue judéo-chrétien et prière chrétienne.

2

Sommaire

Préface

Introduction

1) Iéshoua sur la croix et dans Son cœur,

avec Marie-Madeleine et Jean. 6

A) La prière de Marie de Magdala

B) La prière de Jean

C) Le peuple juif

2) Iéshoua au désert,

avec Jean-Baptiste. 22

A) La prière de Jean-Baptiste

B) La vie de prière

3) Iéshoua à l’église,

avec Pierre. 35

A) Le judaïsme éclairant le christianisme

B) La prière à l’église

C) Eucharistie et prière

4) Iéshoua à la maison,

avec Joseph et Miryam. 43

A) La prière de Joseph

B) La prière de Miryam

5) Iéshoua au mont des Oliviers et sur le rivage,

avec nous. 53

A) Sur le Christ resplendit le visage paternel de Dieu

B) Iéshoua

C) La prière avec Iéshoua

Conclusion

72

Annexes

75

3

Introduction

« Pierre et Jean montaient au Temple pour la prière de l’après-midi. »

(Actes 3,1)

Ce texte provient d'une observation simple. Les musulmans prient cinq fois par jour,

les juifs trois fois, les bouddhistes plusieurs heures… et les chrétiens ? Pourquoi les chrétiens,

et plus précisément les catholiques, ne se retrouveraient-ils pas au moins une fois par jour à

l’église pour prier ensemble ?

Evidemment, s'il s'agit d'un chapelet bâclé ou d'une prière lue mécaniquement sans

attention, on peut se demander s’il s'agit bien de prière. Prier est un travail, et un travail

appliqué. La prière est le travail de l’amour : c’est aussi un moment agréable de repos, de

communion avec Celui qu'on prie, avec nos compagnons de prière, et avec ceux pour qui on

prie. Il y a beaucoup de façons de prier ; cependant la plupart du temps nous ne prions pas,

nous simulons la prière. Le problème de notre éducation chrétienne est que nous n'apprenons

pas à prier. Le Christ nous demande de prier, l'Eglise nous demande de prier, mais nous

n'approfondissons pas cette question : comment prier ?

L'un des apôtres demandait clairement à Jésus : "Apprends-nous à prier". Il a alors

offert le « Notre Père ». Il nous conseille aussi de prier seul dans notre chambre, comme lui

priait seul, souvent la nuit dans les déserts. Et il affirme qu'il est au milieu de nous quand nous

sommes réunis en son nom. Cela signifie qu'il est bon de prier seul et qu'il est bon de prier à

plusieurs. Mais ces passages des Evangiles ne nous expliquent pas en détail comment prier.

Pourquoi Jésus n’a-t-il pas plus expliqué comment il priait ? Il l’a sans doute fait, mais cela

était trop difficile à transmettre par écrit.

Prier serait donc un héritage transmis oralement ou par imitation, par la pratique. On

peut aussi supposer que Jésus et ses amis priaient comme ils l’avaient appris à la synagogue et

par leur éducation juive. Il n’était donc pas nécessaire de redire ce que tous savaient déjà.

Etre chrétien, n'est-ce pas tout d'abord être en relation avec le Seigneur par la prière ?

Non seulement il faut prier mais il faut bien prier : avec le coeur. Parce qu’on peut prier sans

le cœur, ce qui revient à ne pas prier. Si on ne prie pas, on est croyant à la façon d'un

agnostique qui n'est pas contre l'idée d'un créateur très loin ou absent, ou comme un athée qui

admet l’existence d’une énergie spirituelle… Quand on ne prie pas, est-il possible de rester

solidement croyant ? Croire sans prier, ou sans jamais prier ensemble, est-ce vraiment croire ?

Si les plus grandes religions de la terre ont toutes pour fondement la prière quotidienne

dans un lieu précis et ensemble, pourquoi les chrétiens ne se réunissent-ils qu'une seule fois

par semaine à la messe du dimanche pour assister passivement à une célébration où ils

regardent des acteurs jouer un spectacle auquel ils ne participent pas ? Comment faire pour

que la messe soit réellement une prière ? Pourquoi ne pas se réunir toute la matinée du

dimanche ? Pour étudier, échanger, prier avant et après la messe. Pourquoi ne pas se réunir au

moins une fois par jour le matin ou le soir pour prier ensemble à l'église ? Mais comment

trouver le goût et l'habitude de prier ainsi ? Comment prier à l’église, en paroisse ? Cet écrit

tente de répondre à ces interrogations.

4

* * *

« L’Église reconnaît dans les autres religions la recherche, " encore dans les ombres

et sous des images ", du Dieu inconnu mais proche puisque c’est Lui qui donne à tous vie,

souffle et toutes choses et puisqu’il veut que tous les hommes soient sauvés. Ainsi, l’Église

considère tout ce qui peut se trouver de bon et de vrai dans les religions " comme une

préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que,

finalement, il ait la vie " » 1

Les chrétiens qui apprécient d’autres religions ou spiritualités prennent des risques. Ce

sont des risques qui méritent d’être pris car une fleur enfermée manque d’oxygène et finit par

se flétrir. Cependant, trop d’empressement risquerait d’avoir la même conséquence que le

« protectionnisme ». Le christianisme, c’est tout le contraire de la peur des autres, mais c’est

avoir aussi en même temps de la prudence. Etre chrétien c’est aimer comme le Christ, avec

folie et sagesse.

Un risque majeur est de confondre religion et politique. Ce n’est pas parce qu’on

s’intéresse au judaïsme, au bouddhisme, ou à l’islam que l’on doit être pro- ou anti- Israël,

Tibet, Cachemire ou Palestine. D'autres pièges sont de croire qu’apprécier implique imiter, ou

adhérer à tout. Un croyant intelligent est ouvert à toute bonne influence, mais reconnaître

qu’il y a du vrai et du bon dans une autre religion n’implique pas copier, ce qui reviendrait à

singer et à se tromper d’identité. Par exemple, ce n’est pas parce qu’on constate que le

bouddhisme nous aide à prier que l’on croit à la réincarnation. Une influence constructive ne

trouble pas notre identité spirituelle, elle agit sur nous paisiblement, de l’intérieur. Le

christianisme est fortifié par l’amitié interreligieuse.

Nous avons avec le judaïsme un lien particulier car c’est le judaïsme qui a donné

naissance au christianisme. Autrement dit le judaïsme est notre « religion-mère », notre

religion maternelle2. Aussi, il n’est pas exact de l’inclure dans le domaine interreligieux (ce

n’est pas une autre religion) ou œcuménique (le but n’est pas l’unité des deux religions). Le

judaïsme est comme à l’intérieur de notre religion expliquait Jean Paul II lors de sa visite à la

synagogue de Rome le 13 avril 1986 :

« La religion juive ne nous est pas « extrinsèque » mais, d’une certaine manière, elle

est « intrinsèque » à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous

n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière,

on pourrait dire nos frères aînés. »

* * *

Le mot « Dieu » est si utilisé (comme le mot amour par exemple) qu’il a un sens

vague, flou, ambigu, qui dépend de chacun et de chaque contexte. Dieu peut signifier « l’après

mort », l’inconnu, l’infini, l’éternel… que ce soit le néant, quelque chose ou Quelqu’un. En

1 Catéchisme de l’Eglise catholique, édition 2004, PREMIERE PARTIE LA PROFESSION DE LA FOI,

DEUXIÈME SECTION LA PROFESSION DE LA FOI CHRETIENNE, CHAPITRE TROISIEME JE CROIS EN

L’ESPRIT SAINT, Article 9 " JE CROIS A LA SAINTE ÉGLISE CATHOLIQUE ", Paragraphe 3. L’ÉGLISE EST

UNE, SAINTE, CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE, article n° 843

2 « Née du judaïsme, l’Eglise a vécu pendant des décennies à l’intérieur du judaïsme, même si ce fut en situation

dialectique et parfois conflictuelle. » (La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante)

5

réalité on ne connaît pas le Nom de Dieu. Les croyants –juifs, chrétiens et musulmans-

pensent qu’Il a un Nom secret et lui donnent des noms qui expriment en général ses qualités.

Par exemple « le Miséricordieux », « le Vivant » ou « le Créateur » sont parmi les 99 noms de

Dieu selon les musulmans3. Cependant, chacun sait –ou ne doit pas oublier- qu’aucun des

noms qu’on lui donne n’est Son Nom.

Le Dieu chrétien a de multiples noms qui nous viennent du judaïsme, par exemple

« l’Eternel », ou « Notre Père »… Dans cet écrit, nous avons choisi « Seigneur »4, la

traduction française d’« Adonaï », qui est le nom par lequel Jésus nommait Dieu dans ses

prières et aussi le nom par lequel ses disciples l’appelaient. Et pour Jésus, nous préférons dire

son nom dans sa langue5 : Iéshoua.

* * *

Dans cet écrit nous avons voulu prier avec Iéshoua en différents lieux : sur la croix et

dans le cœur du Père, au désert, à l’église, à la maison, et enfin au mont des Oliviers et sur le

rivage du lac de Tibériade.

3 Muhammad Iqbâl Siddîqî, Les Noms divins selon le Coran et la Tradition. 4 « Par respect pour sa sainteté, le peuple d’Israël ne prononce pas le nom de Dieu. Dans la lecture de

l’Écriture Sainte le nom révélé est remplacé par le titre divin " Seigneur " (Le Seigneur, en grec Kyrios). C’est

sous ce titre que sera acclamée la Divinité de Jésus : " Jésus est Seigneur ". »

(Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n°209) 5 « L’hébreu est une langue à flexion interne. Le fond du langage est composé par des racines verbales dont la

conjugaison permet d’évoquer le sujet, l’objet, l’idée, l’émotion ou le sentiment à exprimer. Chaque racine

contient l’idée maîtresse que l’on retrouvera dans le discours sous toutes ses nuances, toutes ses formes. Le rôle

des voyelles, tantôt longues, tantôt brèves, est justement de donner au mot le sens voulu. L’hébreu, a-t-on dit, est

une langue aristocratique : elle ne livre son secret qu’à ceux qui la connaissent bien. De fait son squelette

consonantique ne s’anime et ne livre son sens qu’au regard de l’initié.

L’hébreu est ainsi la langue du rythme et du nombre. Des particules invariables articulent le discours ; la

syntaxe rudimentaire se fonde sur la coordination davantage que sur la subordination des idées. Elle est ainsi la

langue de la vision, faite pour évoquer l’image, le mouvement, l’expression concrète du geste – davantage que

pour l’analyse subtile des idées. Langue d’un savoir global, d’une révélation concrète - davantage que d’une

réflexion abstraite – dont le génie arrache la pensée à l’abstraction pour la livrer à l’impératif de l’acte. »

André Chouraqui, La vie quotidienne des hébreux au temps de la Bible.

6

1) Iéshoua sur la croix et dans Son cœur,

avec Marie-Madeleine et Jean.

« J’ai soif »

Jean 19,28

« Mon âme a soif de Toi »

(Psaume 62)

« La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre.

Dieu a soif que nous ayons soif de Lui. »

(Catéchisme de l’Eglise Catholique, édition 2004, Quatrième partie : La prière chrétienne,

article n°2560)

« Ne l’oublions jamais, le simple désir de Dieu est déjà le commencement de la foi. »

(Frère Roger de Taizé)

Aimer, c'est se laisser brûler par la soif d'Amour, c'est accepter cette soif, aimer cette

brûlure, la cultiver. Vivre, c’est avoir le cœur en feu, le cœur assoiffé. Vivre avec un cœur

éteint ce n’est pas vivre. Comment vivre avec un cœur non seulement paisible mais aussi

brûlant ?

Avant tout il y a la soif. Et jusqu’au bout de la vie reste la soif. La soif, c’est le désir

de vivre du nouveau-né, de la graine, de la fleur. La soif du cœur, c’est une sorte de

saignement, une souffrance de manque d’amour. Et plus on aime, plus on manque d’amour.

La soif du cœur c’est désirer toucher la source de l’Amour.

Celui qui est mort sur une croix par compassion, par amour pour nous, criait « J’ai

soif ». Dans ce cri, il a tout dit. Nous ne sommes que soif de vie, de bonheur, d’amour. Mais

si amour signifie amour de soi seul, c’est un amour qui ne réjouit pas. Aimer comme Iéshoua

c’est aimer le bonheur des autres autant que le sien. Aimer comme lui c’est aimer toute la vie,

la fête et le travail, la terre et la Ciel, le Seigneur et sa création, ses enfants.

Le problème de notre cœur, c’est qu’il est fragile. Comme un petit feu, il s’éteint

facilement si on ne l’entretient pas, si on ne l’alimente pas, si on ne le protège pas. Comme

une plante, un arbre, un cactus, une fleur, notre cœur a besoin d’entretien, de jardinage.

Délicatesse, patience, persévérance, enthousiasme, sont quelques-unes des qualités que doit

avoir un jardinier. Je suis le jardinier de mon coeur ; je suis aussi la fleur et le jardin. Celui qui

nous a créé et qui nous attend est « le grand jardinier ». Et Il est aussi l’eau.

« C’est comme une graine… »

(Marc 4,31)

A) La prière de Marie de Magdala

« Ils ont enlevé Mon Seigneur et je ne sais pas où ils l’ont mis »6

Marie de Magdala (Marie Madeleine) est la femme de feu. Elle aime. Elle aime la vie.

D’abord sans bonheur, sans Iéshoua. Elle mange la vie sans faire de distinction entre ce qui

6 Jean 20,13

7

est bon à manger et ce qui fait vomir ensuite. Peu importe : « les regrets viendront ensuite »

(Goethe). Sans paix, l’amour est passion. La passion est « tenace comme l’enfer » peut-on lire

dans le Cantique des cantiques (8,6). Peu importe ! Le présent seul existe. Demain et hier

n’existent pas. La vie de Marie de Magdala avant sa rencontre avec le Prince de la Paix est

sans prière.

Marie de Magdala est sincère dans sa passion. Son cœur ne ment pas. Mais son amour

est trouble, jamais paisible, jamais comblé. Elle aime sans limite et elle est assoiffée d’amour.

Elle vit l’enfer noir de l’amour sans paix, l’enfer de la passion douloureuse. Mais au moins

elle vit, elle ne se laisse pas mourir d’ennui. Elle vit de tout son être, avec son instinct, son

corps, ses sentiments, son intelligence, sa sensibilité. Cependant son âme étouffée crie au

dedans d’elle vers l’Amour paisible. Elle ne sait pas ce qui lui manque mais elle sait qu’il lui

manque quelque chose. Ce n’est pas l’amour des hommes ou d’un homme. Elle ne croit plus

en l’amour.

Quand elle croise le regard de Iéshoua, ce n’est pas l’amour qu’elle voit, c’est l’amitié.

Il la regarde avec amitié. Il regarde son cœur, son âme assoiffée au delà de ses yeux. Il la

regarde en frère et aussi en père. Elle devient sa sœur et sa fille. Elle se sent pour la première

fois aimée. Elle revit. Elle naît du regard de Iéshoua. Les yeux de Iéshoua font naître en elle

une prière nouvelle, une prière pure, une prière vierge. Le regard de Iéshoua sur elle fait surgir

dans son cœur une source d’Amour. L’amitié de Iéshoua est Amour avec une majuscule.

C’est un amour pur, une amitié infinie, un feu puissant, limpide, liquide, doux, paisible. La

Paix de Iéshoua la transforme en prière vivante. Son cœur prie Iéshoua de l’emmener au pays

de l’amitié, au pays de son Amour qu’elle vient de découvrir. Elle devient prière, contact

direct de cœur à cœur avec Iéshoua, par le regard, puis par les mots. Elle aime Iéshoua. Ce

n’est pas un amour humain. Elle s’attache à Iéshoua non pas comme à un amant mais comme

à un grand frère, à un père. Elle voit la beauté du cœur de Iéshoua et s’attache à ce cœur

sublime. Marie de Magdala aime sans réfléchir. Depuis qu’elle a rencontré Iéshoua elle

devient fidèle à l’Amour, fidèle à la beauté du cœur de Iéshoua son ami, son frère, son Père.

Elle L’aime plus que sa vie. Elle devient son esclave d’Amour. Elle accompagne

Iéshoua au pied de la croix au risque d’être elle aussi crucifiée. Et elle continue de rechercher

son cœur même après sa mort. Elle sait que son cœur est immortel. Et elle veut quand même

revoir encore le corps de Celui qui lui a donné la Vie. Elle va au tombeau de Iéshoua ; la

pierre est roulée, le tombeau est vide. Elle est tellement paniquée de ne pas trouver son

Seigneur qu’elle confie son désespoir au premier passant qu’elle rencontre: « Ils ont enlevé

Mon Seigneur אדני et je ne sais pas où ils L’ont mis »

Au delà de Dieu il y a l’Amour. Dans Iéshoua il y a l’Amour infini, c’est-à-dire Dieu.

Marie de Magdala voit directement Dieu dans Iéshoua. Elle voit avec Son cœur. Elle voit

parce que son cœur est rempli de désir d’Amour, de l’amour pur, de l’amitié fraternelle. Marie

de Magdala est soif, comme Iéshoua au moment de mourir qui crie « J’ai soif » et qu’on

pourrait traduire par « Je suis Soif ». Il n’est plus que soif d’Amour. Il n’a plus rien à donner.

Marie de Magdala, à sa façon est aussi soif vivante, pur désir de l’Éternel. Son âme cherche le

Père de l’Amour, l’origine, la source.

Dans Iéshoua elle voit l’Infini. Sa soif est la prière la plus pure qu’on puisse offrir au

Père éternel. La soif est la prière originelle, fondamentale. Sans soif il n’y a pas de prière mais

seulement -peut-être- une activité de l’esprit. Sans le cœur, il n’y a pas de vraie prière. Marie

de Magdala est un modèle de prière du cœur, de prière folle, sans raison, sans mesure. Elle

n’aime pas Dieu, elle aime l’Amour. Elle aime Dieu qui est Amour.

« Au soir de votre vie, vous serez jugés sur l’amour. »

(Jean de la Croix)

8

Aimer avec le cœur

La paix intérieure est à la fois la condition préalable à la prière et aussi le fruit de la

prière.

« La paix du cœur est une poutre maîtresse de la vie intérieure, elle soutient une

montée vers la joie. »7

Comment trouver le début de cette paix intérieure ? D’abord en la cherchant dans

notre vie. Se réconcilier, apaiser…

Il n’est bien sûr pas nécessaire d’être croyant (de « se croire croyant »…) pour aimer

et il n’est pas non plus nécessaire d’être croyant pour prier. Prier signifie être croyant alors

que se dire croyant ne signifie rien. C’est plutôt à force de prier et d’aimer qu’on devient

croyant. On n’est pas croyant du jour au lendemain. On peut être croyant et puis ne plus l’être.

Il n’y a pas de limite claire et solide entre non croyant et croyant. En revanche, il y a une

différence nette entre priant et non priant, entre faire des actes d’Amour et ne pas en faire.

Croire, c’est intellectuel, cérébral, volatile. Avoir confiance, c’est plus complet parce que cela

inclut l’Amour, cela implique l’expérience d’une relation, cela veut dire prier, vivre de la

prière et de l’Amour. Confiance est un mot beaucoup plus fort et beau que les mots foi ou

croyance. Même Satan, l’ennemi de Dieu croit que Dieu existe, il a la foi… Mais il n’a pas

confiance.

La foi n’est pas un effort mental pour connaître un être qui nous est supérieur. La foi

(émouna en hébreu) vient du mot confiance (émoune). Confiance implique sentiment et

connaissance par le cœur. Sans le cœur, la foi n’est qu’un vague instrument humain, une

technique spirituelle de connaissance.

Dans notre monde si divisé nous sommes divisés au dedans de nous. Notre concept,

idée ou image intérieure de Dieu est divisé. Même Dieu a besoin d’être unifié en nous. Dieu

est Esprit Saint, Iéshoua, Père, trois en Un. Le mot Esprit Saint, même s’il est constitué du

mot Esprit, n’est pas essentiellement relié à notre esprit. En hébreu, Esprit Saint se traduit par

Rouar (vent) רוח Hakodech (saint). רוח (Rouar) signifie à la fois « vent » et « esprit ».

L’Esprit Saint est inexprimable en mot, on ne peut utiliser que des images, comme on utilise

le symbole du cœur pour parler de l’organe de l’amour, de la compassion et de l’amitié.

Dieu est Un. Au delà de toute différence de conception de Dieu, ce qui est primordial

c’est notre relation avec Lui et les autres. Ce qui prime sur les divisons c’est le dialogue et la

communication qui est l’expression de l’amour. La Trinité, la divinité de Iéshoua, son identité

juive, son lien avec la terre, l’importance qu’il donne dans son message au cœur et non à

l’intelligence qui est secondaire pour établir une relation avec Dieu et les autres, tout cela

représente le christianisme dans ce qu’il a de plus essentiel. « L’amour véhicule la

connaissance », non l’inverse.

L’ « organe spirituel » n’est pas l’esprit –malgré la racine du mot- c’est le cœur. Notre

âme est dans notre esprit, dans notre corps, et surtout dans notre cœur. Notre relation avec

Dieu passe par notre cœur. Le cœur c’est l’émotion, le sentiment, l’intuition, la capacité

d’enfance. On n’a pas encore trouvé d’autre mot pour dire « organe d’amour ». Cet « organe

spirituel » est aussi notre organe de relation avec les autres, avec nos amis, notre famille, notre

vie.

« Je prends plaisir à la bonté et non au sacrifice,

Je préfère la connaissance de יהוה aux holocaustes »

(Osée 6,6)

« Plus de savoir, plus de douleur »

7 Frère Roger de Taizé, Amour de tout amour.

9

(Ecclésiaste 1,18)

B) La prière de Jean

Jean est l’enfant fidèle, celui qui court au tombeau vers le Ressuscité. Il est celui qui

reste au pied de la croix jusqu’au bout, celui qui garde Miryam jusqu’au bout, celui qui dans

sa vieillesse conclut les Évangiles. Il est aussi le premier, l’un des disciples de Jean-Baptiste

envoyés à Jésus. Il est précoce et il dure. Il a le cœur pur et l’intelligence vive. Il écoute

beaucoup et parle peu. Il connaît par le cœur. Sa prière est complète, avec le cœur,

l’intelligence et le corps. Il marche avec Iéshoua, il est présent jusqu’à sa mort. Il prie avec

ses actes. Ses mots sont superflus. Il aime avec tout son être.

Il a appris à prier avec ses parents et sa communauté. Il est juif, croyant, religieux,

mais il sent qu’il lui manque quelque chose : la religion ne suffit pas. Alors il part au désert, il

suit Jean-Baptiste et il apprend à prier avec lui. C’est une autre manière de prier, en lien avec

la nature et souvent seul. Dans l’immensité du désert, dans le vide, il découvre une Présence,

une certitude, une réalité. La création a un Créateur. Ce Créateur est proche. Il vient, Il est là,

au dedans de nous si nous sommes attentifs.

Jean nous enseigne à prier comme Iéshoua et Miryam le lui ont enseigné. Il est poète,

artiste, délicat et curieux. Sa curiosité vient de son cœur. Il a comme une intelligence du cœur.

Il nous dit que son Maître est Amour. Son message est simple. La richesse et la complexité de

sa prière proviennent de la simplicité de son cœur.

Dieu

Dieu qui vient du latin « deus », est un mot d’origine grecque : « Zeus ». Zeus est le

plus grand des dieux grecs, comme Jupiter est le plus grand des dieux romains. Ce dieu très

humain est bien éloigné du dieu dont notre âme a soif. Le dieu des traditions grecque et latine

est le dieu architecte de l’univers, l’Être Suprême. Mais dans ce cas, s’il est seulement cela, il

n’est pas Amour. Si Dieu est seulement le Grand Architecte du monde, rien ne sert de le prier,

il n’a aucune influence dans nos vies. C’est un « dieu-statue », un dieu lointain, externe à

notre vie, un dieu mort.

Zeus, le plus grand des dieux grecs, le roi des dieux n’est pas l’objet de notre plus

profond désir. Notre âme ne désire pas un dieu mythique qui nous donne une explication à

l’origine de l’univers. Notre âme ne désire pas non plus un surhomme, un dieu créé par les

humains. Notre âme désire le Dieu connu et inconnu révélé au peuple hébreu puis à

l’humanité par Iéshoua. Notre âme a soif du Dieu-Amour, Créateur et Présence intime au-

dedans de notre être. Il est Le Dieu invisible, Esprit, Bon, Beau, Tout-puissant, l’Éternel,

l’Infini, le Père de l’Amour, Source de Vie. Il n’a pas de nom, il est Le Nom.

Où est-il ?

Il est à la fois en nous, comme une graine, à découvrir, immanent, et aussi en dehors

de nous, séparé, invisible jusqu’à notre mort, transcendant.

« S’il est vrai que Dieu est dans le monde et qu’il a une certaine immanence, il est

avant tout vrai qu’il est transcendant, « au dessus » du monde, et qu’il n’est donc pas

possible de l’identifier au monde. On ne peut le chercher dans le monde comme s’il était

seulement le mystère le plus profond de toutes les choses visibles. Au contraire, il faut

d’abord le chercher « en haut » : il est le Seigneur du ciel et de la terre. »8

8 Jean Paul II, au 31e Congrès Universitaire International, 7 avril 1998.

10

Son Nom

Le Nom de Dieu est écrit ainsi en hébreu : י ה ו ה

Les catholiques disent Yahvé et les Protestants disent Jéhovah ou Iéovah. Ces

traductions du tétragramme יהוה sont aussi éloignées les unes que les autres du mot יהוה.

L’hébreu se lit de droite à gauche et les voyelles ne s’écrivent pas. י Yud, ה Hé, ו Vav, ה Hé,

neir eifingis en alec siaM .cte ,HWHY uo HVHY ,HVHI ,EVEI ,AVAI erircé’s tiarruop הוהי

non plus. Le mot יהוה est imprononçable, ne peut pas et ne doit pas être prononcé. En hébreu

ces quatre lettres sont considérées comme quatre consonnes où manquent les voyelles qui

permettraient de le prononcer. Ces voyelles absentes représentent le mystère inaccessible de

sulp el tiordne’l A .fiuj elpmeT el snad evuorter es ruetaérC ud erètsym ud tcepser eC .הוהי

sacré du Temple il n’y a rien, si bien que certains conquérants du peuple hébreu les ont

soupçonnés d’être athées.

Dans la langue hébraïque, on ne peut pas écrire “Être”. L’Éternel étant tout ce qui est,

étant comme Il le dit dans la Bible “Je suis”, on ne peut pas utiliser ce verbe dans la langue

sacrée du peuple juif. Alors on ne dit pas et on n’écrit pas le verbe être au présent. Pour dire

“je suis ici, elle est jolie, nous sommes européens”, on dit “je ici, elle jolie, nous européens”.

Dans une synagogue, comme dans les temples protestants, comme dans les mosquées

musulmanes, il est interdit de représenter Dieu en image ou en statue. Il est Esprit, il ne peut

pas être représenté, il n’est pas accessible à l’imagination humaine. (“Mes pensées sont au-

dessus de vos pensées”). On dit que ”l’homme ne doit pas se contenter d’un Dieu qu’il pense,

car lorsque la pensée s’évanouit, Dieu s’évanouit aussi”. Dieu échappe à nos regards, on ne

peut pas Le voir. Il échappe à notre intelligence, on ne peut pas Le comprendre. Il échappe à

nos pensées, on ne peut pas Le penser ou L’imaginer. Nous ne pouvons pas Le posséder, ni

avec notre corps, ni avec notre cerveau.

Les juifs, respectueux du mystère divin n’essaient pas de traduire le Nom sacré.9 Pour

écrire « le Nom » dans la Torah et les livres de prière, ils écrivent יי ou יהוה (les quatre lettres

signifiant Dieu en hébreu) et ils lisent « Adonaï ». D’autres fois ils disent « Notre Père » אבינו

(Abinou).

« Panhim » (visage en hébreu) est un des mots qui n’existent qu’au pluriel (“him” en

hébreu est la marque du pluriel masculin). Je n’ai pas un visage, j’ai des visages.

« Rahim » (vie) est aussi un mot toujours pluriel. Ma vie est multiple. Je ne peux pas dire

« ma vie » en hébreu mais « mes vies ». Dieu aussi est pluriel : Élohim, El étant le singulier

d’Élohim. Ces deux noms sont très utilisés par les juifs pour parler du Créateur. Dieu est donc

à la fois El et Élohim, singulier et pluriel.

Hors des moments de prière, ils disent « Lui » » uo ,(LE) לא Le Nom » (Ha Chem), ou

Le Vivant חי (Raï), l’Éternel, le Très-Haut ou d’autres noms qui approchent de l’Inaccessible.

9 “Les Juifs ont l’habitude de rendre le mot “Dieu” par “HA CHEM”, mot hébreu qui signifie le NOM car il y a

interdiction de prononcer le Nom de Dieu. Si l’on veut désigner l’essence de Celui qui est Dieu, dans sa divinité

même, on emploie le mot ELOHIM. Mais le Nom qui fut révélé aux prophètes d’Israël, le Nom personnel, est

formé de quatre lettres: IHVH, (Ioud, Hé, Vav, Hé), le Tétragramme. Chaque fois que l’on rencontre ce Nom

dans la prière liturgique on dit Adonaï, une invocation qui signifie Mon Seigneur. En dehors de la liturgie, si

l’on rencontre ces quatre lettres dans la Torah, dans la Bible, on dit HA CHEM (Le Nom).

Or, lorsqu’on a commencé à imprimer des Bibles on a mis les voyelles du mot Le Seigneur sous les

quatre lettres du Tétragramme et les traducteurs, qui n’avaient pas une connaissance suffisante des lettres

hébraïques, ont lu JEHOVAH. C’est un faux nom. Pour nous Juifs ce nom est blasphématoire ; il ressemble trop

au nom de Jovis= Jupiter. Même erreur pour YAHVEH. Il y a dix noms de Dieu dans la Bible. Le Tétragramme

est celui où Il se dévoile comme une Volonté et non comme l’un ou l’autre de ses attributs. Pour le mot “Dieu”

en français, il sert aussi à désigner les faux dieux. Il est de Juifs pieux qui écrivent D. majuscule suivi d’un point

: “D.” C’est aussi une erreur car ils semblent reconnaître que ce nom est sacré alors qu’il n’est qu’un doublet

du mot Zeus... Pour toutes ces raisons il vaut mieux employer le mot Hachem (Le Nom), indicible,

imprononçable... et pas Yahveh.” (Rabin Léon Ashkibboutzénazi)

11

Quand Miryam la mère de Iéshoua, prie, comme les juifs de tous les temps elle dit : Adonaï,

.Mon Seigneur (ou Le Seigneur, ou Seigneur, selon les traductions) : ינדא

« Parmi toutes les paroles de la Révélation il en est une, singulière, qui est la

révélation de son Nom. Dieu confie son nom à ceux qui croient en Lui ; Il se révèle à eux dans

son mystère personnel. Le don du Nom appartient à l’ordre de la confidence et de l’intimité.

" Le nom du Seigneur est saint ". C’est pourquoi l’homme ne peut en abuser. Il doit le garder

en mémoire dans un silence d’adoration aimante (cf. Za 2, 17). Il ne le fera intervenir dans

ses propres paroles que pour le bénir, le louer et le glorifier (cf. Psaumes 29, 2 ; 96, 2 ; 113,

1-2). »10

Iéshoua ישוע crie sur la croix « Mon Dieu » אלי (Eli) et, quand il prie il dit « Papa »

» uo ,erèP nos releppa ruop (abA) אבא Notre Père » אבינו (Abinou) quand il prie avec ses

disciples.

A nous de choisir le nom que l’on préfère pour exprimer en mot Le Nom.

Unité et Trinité

Le divin est à la fois triple et Un. Nous aussi nous sommes triple et un : corps,

intelligence et cœur (notre âme est dans les trois et elle est plus particulièrement liée au cœur,

comme le sang). Dieu est plusieurs. Dans la Genèse, le Créateur dit : « Faisons l’homme à

notre image »11

et Iéshoua parle aussi au pluriel : le Père et moi, nous désirons entrer, nous

installer, demeurer dans ton cœur.12

Il est Esprit, Miséricorde, Compassion, Amour. Pour nous chrétiens, comme pour les

juifs et les musulmans, Il est le Père, le Créateur, le Vivant… Et comme pour les juifs nous

avons notre Messie. Mais la différence pour nous est qu'il a un nom : Iéshoua. Il est déjà venu

et il est toujours avec nous. Une autre différence par rapport aux juifs est que nous croyons

que le Messie est né de Dieu le Père et donc qu'il n'est pas un homme ordinaire.

Le Dieu unique et Trinité, l’Éternel s’est révélé au peuple hébreu par Abraham il y a

4000 ans, puis Il s’est révélé au reste de l’humanité par Jésus Iéshoua.

Iéshoua est venu révéler au peuple juif et à l'humanité le visage de l’Éternel, son

visage d’Amour. Les juifs en majorité n’ont pas accepté le message du Messie Iéshoua.

L’apôtre Pierre pensait que pour bien comprendre Iéshoua il fallait être juif de religion ou se

convertir au judaïsme. Grâce à l’insistance de Paul, Pierre s’est laissé convaincre et le

christianisme est devenu peu à peu -malheureusement- indépendant du judaïsme.

Pour ceux qui croient que Iéshoua est Dieu יהוה, Il est à la fois unique et Trinité, un et

trois.

Il est Le Dieu Unique et Il est trois :

Il est Père, Av אב

Il est Fils, Ben בן

Il est Saint Esprit, Rouar רוח Hakodech.

« vent » et « esprit ר eifingis uerbéh ne (rauoR) «חו

On peut L’appeler de trois façons différentes :

Adonaï ,אבא abA ינדא

Adonaï ,עושי auohséI ינדא

Adonaï .הבהא avahA חור rauoR ינדא

» eifingis uerbéh ne (avahA) הבהא amour »

10 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n°2143 11 Genèse 1,26 12 Jean 14, 23

12

Mais c’est toujours le même Seigneur אדני, l’Éternel יהוה.

Dire Iéshoua c’est dire Jésus dans sa langue, c’est donc plus juste que la traduction.

Mais quand on dit Iéshoua, on peut facilement oublier qu’Il est Le Nom, qu’Il est l’Éternel et

pas seulement son Fils venu sur terre il y a deux mille ans.

Dire Seigneur Iéshoua c’est affirmer que Iéshoua est l’Éternel, le Dieu du premier et

du second Testament, de toute la Bible, de tous les temps, de tout l’univers. Parfois on a envie

de préciser Seigneur Iéshoua Père ou Seigneur Iéshoua Amour. Dieu a beaucoup de visages.

Selon la prière, comme un fiancé appelle sa fiancée de différents noms selon le moment, on

peut L’appeler de différentes façons, sachant que ce ne sera jamais Le Nom parfait, ce ne sera

jamais Son Nom.

« Adonaï » ou « Seigneur » est un nom de Dieu qui met en valeur son unité. On peut

dire à Iéshoua, comme Thomas après la résurrection, "Mon Seigneur", qui est l'exacte

traduction d'Adonaï. On peut dire Seigneur en pensant comme les juifs au Père. Et on peut

dire Seigneur en pensant à son Esprit d'Amour. Ce qui est important, plus que le nom, c'est ce

qu'il veut dire pour nous. Ce qui est important c'est de n'oublier aucune des trois personnes

divines. Si on ne prend que l'aspect de Dieu qui nous convient on perd l'équilibre et on

travaille contre Lui. On devient par exemple exclusivement attaché à Jésus comme à une idole

humaine. Ou bien on ne voit que le visage d'un père dur, irascible, sans pitié, guerrier… Ou

bien on préfère l'imprécision d'un esprit d'amour, déguisement d'une émotion collective ou

d’un délire religieux solitaire…

Le chrétien peut dire les prières juives comme Iéshoua le faisait. La prière juive est

compatible avec la prière chrétienne puisque pour le chrétien, l’Éternel יהוה est Iéshoua ישוע.

Pour le juif, les prières chrétiennes ne sont pas compatibles avec les prières juives puisque

pour les juifs Iéshoua n’est pas l’Éternel.

Au-delà des différences apparentes entre judaïsme et christianisme, on peut percevoir

dans les deux religions des coïncidences souvent implicites, notamment concernant la Trinité.

Ainsi, dans de nombreux endroits de l’Ancien Testament et dans la liturgie juive, on peut

deviner le Dieu unique en trois personnes. La Trinité est présente dans le judaïsme de façon

allusive ou cachée13

. Par exemple, dans la Genèse, Dieu est aussi « Esprit qui plane au dessus

des eaux » et « souffle » de vie qu’il donne à l’homme (Esprit Saint). Il est aussi Parole

créatrice (le Verbe, Fils de Dieu). Dans les psaumes, comme dans la plupart des prières juives,

on s’adresse à Dieu de trois façons différentes : à Lui (le Père), à Toi (le Dieu personnel, le

Fils), et à mon âme (l’Esprit qui crie, prie au-dedans de nous).

« Pourquoi te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi ?

Espère en Dieu, de nouveau je rendrai grâce :

Il est mon sauveur et mon Dieu.

Si mon âme se désole, je me souviens de toi… »14

« Paul compare la génération des premiers chrétiens à la génération d’Israël dans le

désert : il dit que « tous ont mangé la même nourriture spirituelle et tous on bu le même

breuvage spirituel » qui était déversé « par un rocher spirituel qui les accompagnait ». Et,

conclut saint Paul, « ce rocher, c’était le Christ » (Corinthiens 10,4-5) (…) Paul parle de la

présence universelle du Christ : celui-ci a également accompagné Israël dans le désert et,

13 Voir : « Quand les abîmes n’étaient pas, j’ai été enfantée… » (Proverbes, 8,22-31)

« Par sa parole, le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée par le souffle de sa bouche. » (Psaume 41) 14 Psaume 42

13

d’une manière mystérieuse, il l’a nourri et abreuvé de l’Esprit Saint, il s’est donné à eux

d’une manière sacramentelle –c’est-à-dire cachée- sous la forme extérieure d’aliment et de

boisson. »15

Pourquoi prier ?

On prie pour beaucoup de raisons : d’abord pour aimer. Pour trouver la paix intérieure,

la lumière et la force pour aimer. Prier est donc un travail de jardinage de notre arbre de

l’Amour. Et prier en même temps qu’un effort est un repos et un bonheur, un plaisir.

Nous sommes des touristes spirituels si nous ne prenons pas le temps de prier

ensemble régulièrement. Etre chrétien, c’est être attaché à Iéshoua, être relié à lui. Comment

ressentir ce qu’il désire sans prier ? Il faut dire quand même que dans la tradition chrétienne,

on n’apprend pas à prier. On se retrouve le dimanche à la messe, c’est tout. On est chrétien

une heure par semaine. Et encore… puisque la plupart du temps on est à la messe en

spectateur passif, sans prier. Bref, on ne sait pas du tout ce que signifie être en relation avec le

Seigneur. On suit vaguement une morale, que l’on pourrait aussi bien suivre sans se dire

chrétien. Etre chrétien, c’est avant tout prier. Comment prendre goût et habitude à la prière ?

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta

force. Ces devoirs que je t’impose aujourd’hui seront gravés dans ton cœur. »16

La relation avec le Seigneur demande l'utilisation de toutes nos forces, de toute notre

intelligence, de tout notre cœur. L'Amour est sentiment et parfois absence de sentiment, sèche

volonté. L'Amour est parfois absence d'Amour mais toujours désir d'Amour, soif. Et cette soif

est Amour. Par conséquent il est possible de ne jamais être séparé de Lui, même quand il ne

nous reste que la douleur de son absence.

C'est pour cette raison qu'il faut nous habituer à prier chaque jour, pour que notre

prière devienne tellement habituelle qu'elle finisse par nous imprégner tout entier, comme

l'eau imprègne la terre. Cette imprégnation est le travail de toute notre vie. Ainsi le jour de

notre mort, même si nous perdons notre esprit (notre lucidité, notre mémoire, notre

intelligence…) notre cœur dans notre corps aura le réflexe de se tourner vers Celui qui est la

Vie.

L’Alliance de Iéshoua

Prier dans l’esprit de Iéshoua c’est suivre Iéshoua. Le suivre c’est Le connaître. Le

connaître c’est L’aimer. Et pour L’aimer j’ai besoin de Le connaître. Avec connaître et aimer

il y a aussi la volonté. Aimer c’est vouloir aimer. Aimer ce n’est pas seulement laisser monter

au dedans de moi le désir. C’est aussi aller chercher le désir, l’entretenir. C’est partir et

marcher, oser aller et rester fidèle.

Prier dans l’esprit de Iéshoua c’est obéir à son Esprit, c’est obéir à l’Amour. « Non pas

ce que je veux, mais ce que Tu veux »17

dit Iéshoua à son Cœur –à son Père- le jeudi soir au

jardin des Oliviers. Faire Sa volonté, c’est demeurer dans Son amour.18

Tout est au service de l’Amour, comme la prière est au service de l’Amour et la

religion au service de la prière. Et Dieu est au service de l’Amour. Dieu obéit à l’Amour.

15 Cardinal Josef Ratzinger, Liturgie et Mission, Eucharistie et Mission, II : La théologie eucharistique dans la

première Epître aux Corinthiens, Conférence du 28/9/1997 16 Deutéronome, chapitre 6 17 Marc 14,36 18 Jean 15,9

14

C) Le peuple juif

Le peuple de Iéshoua, c’est Israël. Ce mot a dans ce texte bien sûr le sens de peuple

juif ou peuple hébreu (devenu peuple juif –du Royaume de Juda- après la disparition du

Royaume d’Israël en 721 avant Jésus-Christ). Le terme Israël n’a donc pas ici la sens restreint

et particulier d’Etat d’Israël. Israël en tant que peuple élu a un sens sacré alors que l’Etat

d’Israël est un Etat comme tous les Etats.

Pour les chrétiens, la Bible est constituée de deux parties :

- la première partie raconte l’histoire du peuple hébreu (puis juif), ce qu’ont dit les

prophètes (ou ce qu’a dit Dieu par la voix des prophètes) et les livres poétiques (les psaumes,

le Cantique des cantiques...)

- la deuxième partie commence avec les livres qui racontent la vie de Iéshoua (les

Evangiles) et continue avec ce qu’ont fait et dit ses disciples (les Actes des apôtres, les lettres

de Paul...) pour terminer par le livre de l’Apocalypse.

Pour les juifs, la deuxième partie n’est pas la Bible mais un ajout de la part des

chrétiens. La Torah (aussi synonyme de Loi) est constituée des cinq premiers livres de la

Bible : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome (traductions chrétiennes) que les

chrétiens nomment « le Pentateuque ».

Qui est le premier juif (ou hébreu) dans la Bible ? Pour répondre à cette question il

faut en poser une autre : comment a commencé l’Alliance entre Dieu et les juifs ? Ou :

comment est né le peuple juif ? Ou : comment Dieu a décidé de se former un peuple à qui Il se

révèlerait ?

Il y a eu Adam, puis Noé qui après le déluge a vu un arc-en-ciel. Et Dieu lui dit que

c’est un symbole de son alliance, mais il ne parle pas encore de peuple, et encore moins de

peuple hébreu. C’est avec Abraham que commence vraiment le lien entre Dieu et les hommes,

ou entre Dieu et les hébreux. Avant Abraham c’était plus distant, Dieu ne parlait pas de

« son » peuple. A Abraham, Il dit clairement : « tu seras le père d’une multitudes de

nations. Je ferai avec ta descendance une alliance pour toujours» (livre de la Genèse).

Comme signe de ce nouveau lien entre Dieu et son peuple naissant, Abraham change de nom

(il laisse son ancien nom « Abram »). Et le signe visible de cette alliance est la circoncision de

tous les hommes de la famille d’Abraham.

Bien sûr, le mot juif n’apparaît pas encore, et encore moins le mot Israël, mais un autre

élément de l’identité juive apparaît : l’idée de terre promise. Dieu promet à Abraham une terre

où il pourra s’installer. Il lui demande de quitter sa terre natale (aux environ de l’actuel Irak)

pour aller s’installer dans la pays de Canaan, l’actuel région de la Palestine et d’Israël. Voilà

le troisième élément (après la race et la religion) de la définition du juif : son lien avec la terre

promise par Dieu à Abraham.

Pour définir un peu mieux l’origine du peuple juif, on ne peut pas s’arrêter à Abraham

et à sa femme Sarah, la mère du peuple juif. Il est nécessaire de citer Isaac, le fils unique

d’Abraham qui passe sa vie sur la terre de Canaan, et son petit fils Jacob, qui termine sa vie en

Egypte. Jacob change de nom après une nuit de lutte avec un personnage mystérieux qui était

peut-être un ange ou Dieu lui-même. Il est alors nommé par l’ange, Israël, qui signifie selon

différentes traductions:

- « fort devant Dieu » (« El » signifiant Dieu),

- ou « droit devant Dieu »,

- ou « celui qui lutte avec Dieu ».

15

Jacob a douze fils (les pères des douze tribus qui constituent le peuple hébreu).

On pourrait arrêter ici l’histoire très résumée de l’identité juive, mais ce serait oublier

le personnage représentatif du peuple juif et le moment où les hébreux sont vraiment devenus

un peuple uni. L’identité juive est apparue –ou confirmée- avec Moïse alors que le peuple

hébreu passait quarante ans dans le désert du Sinaï, fuyant l’esclavage en Egypte et à la

recherche de la terre promise « où coule le lait et le miel ». Un événement essentiel pour

l’histoire du peuple hébreu a eu lieu dans le désert : sur le Mont Sinaï, Dieu donne à Moïse, le

chef du peuple, les tables de la Loi. Le peuple reçoit ce qui deviendra son point de repère

existentiel, la Torah, la Loi. Ces dix commandements, ensuite détaillés en de multiples règles

et préceptes permettront aux juifs de préserver leur identité (religieuse) malgré leurs exils et

leurs dispersions.

L’identité juive est donc constituée de trois éléments qui se superposent ou restent

séparés :

- la race (être de mère juive)

- la religion

- l’attachement à la terre promise

L’identité juive

Pourquoi, selon beaucoup de juifs, l’assimilation est comme un crime contre la race

juive de la part de juifs ? Pour les juifs religieux, Israël (peuple) a une mission devant les

Nations. Le peuple juif a été formé par Dieu pour remplir une mission mystérieuse que les

juifs eux-mêmes ne savent pas vraiment définir mais à laquelle ils croient si fort que cette

conviction oriente toute leur vie.

Les juifs disent de leur Messie attendu -comme les chrétiens disent à propos de

Iéshoua- qu’il est « Lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël son peuple »19

. C’est

un peu le mystère d’Israël (du peuple juif) qui est contenu dans cette phrase.

Un juif qui se marie avec une non juive ou une juive qui se marie avec un non juif

participe à la destruction de l’identité juive en diminuant les membres du peuple. Un juif qui

se convertit à une autre religion commet la même faute contre « ses frères » déjà peu

nombreux. Un juif qui n’enseigne pas à ses enfants l’histoire et les coutumes de son peuple

participe aussi à ce processus d’assimilation qui fragilise Israël.

On peut constater deux attitudes (principales) différentes par rapport à la religion

juive. Dans les autres religions on peut retrouver le même phénomène. Religion nationaliste

(intégrisme) et religion sociale (vague identité) sont les deux pôles qui attirent les uns ou les

autres. 20

L’attitude nationaliste intégriste débouche parfois sur le fanatisme et tout ce que cela

engendre. Et la religion comme vague identité engendre tout simplement la perte d’identité,

souvent pour retrouver une autre identité : idéologie politique, superstition religieuse,

nationalisme athée, etc.

Comme chaque religion, le judaïsme a son courant orthodoxe (conservateur), c’est-à-

dire celui qui garde la tradition et essaie de ne pas se laisser influencer par les tendances

temporaires. Il existe aussi les juifs ultra-orthodoxes, plus stricts dans leur interprétation de la

Loi. Et il y a aussi des orthodoxes fanatiques : complètement hermétiques au monde extérieur.

Le judaïsme orthodoxe représente pratiquement la moitié des juifs religieux, l’autre moitié

étant constituée de courants « modérés » : conservative, massorti, réformé, libéral…

Pour la diaspora -la totalité des juifs dispersés dans le monde- on pourrait donner ces

chiffres (approximativement) :

- 40% assimilés, c'est à dire juifs non religieux,

19 Luc 2,32 20 « Les deux ennemis : l’acculturation d’un côté et le sectarisme de l’autre. »

16

- 20% réformés (libéraux),

- 15% conservative (massortis),

- 25% orthodoxes (dont ultra-orthodoxes).

Moins la pratique religieuse est élevée, plus les mariages mixtes sont importants. Par

conséquent la part des juifs orthodoxes, proportionnellement aux autres courants, est amenée

à augmenter significativement.

Jérusalem

Pourquoi les juifs sont-ils si attachés à Jérusalem ? C’est à cet endroit que le roi David

a établi la capitale d’Israël. Et c’est dans cette ville que son fils Salomon a fait construire le

Temple dont il ne reste aujourd’hui plus que des ruines, le Mur des Lamentations. Ce Temple,

principal centre religieux du peuple hébreu, était construit sur le rocher où Dieu avait

demandé à Abraham de sacrifier son fils Isaac (sur le Mont Moriah).

Puisque cet écrit se veut simple et s’adresse aussi à ceux qui connaissent peu la Bible,

il n’est sans doute pas inutile de résumer rapidement l’histoire du sacrifice d’Abraham, la

fondation de Jérusalem et la construction du Temple. Bien sûr cela n’empêche pas, bien au

contraire, de lire la Bible et d’approfondir ces passages si essentiels pour comprendre un peu

mieux non seulement le christianisme mais aussi la culture occidentale, notre monde, et le

conflit israélo-palestinien en particulier.

Vers 1800 avant J.C., Abraham, parti de Mésopotamie (actuellement l’Irak), arrive sur

la terre promise ou terre de Canaan (actuellement la Palestine et Israël) ; il s’y installe et croit

à ce que Dieu lui a dit : « tu seras le père d’une multitude... ». N’ayant eu que deux enfants

dans sa vieillesse, Isaac et Ismaël, Abraham a du mal à croire ce qu’il entend quand Dieu lui

demande de lui sacrifier son fils héritier Isaac.

Ismaël étant le fils de sa servante Agar, c’est sur Isaac (fils de Sarah son épouse)

seulement que reposait tout l’espoir d’Abraham d’avoir une descendance nombreuse. Sarah

étant âgée ne pouvait plus avoir d’enfant. Mais Abraham obéit sans comprendre à l’ordre

terrible de Dieu qui lui demande de commettre un crime sur son propre fils !

Il y a quatre mille ans, Dieu n’était pas encore le Dieu du Sinaï, le Dieu des dix

commandements dont le sixième dit « tu ne tueras pas ». A l’époque d’Abraham, Dieu

demande de tuer. Tuer et commettre un crime, c’est notre interprétation chrétienne

d’aujourd’hui. Mais si on demandait par exemple aux Aztèques du Mexique ce qu’ils en

pensent, ou à d’autres peuples d’Afrique ou d’Asie, ils interpréteraient certainement la

demande de Dieu non pas comme une incitation au crime mais comme une nécessité de

sacrifice de la part des créatures envers leur Créateur à qui appartient tout ce qui vit. Les

Aztèques sacrifiaient pour que le soleil continue de vivre. Ils lui donnaient à boire leur plus

précieux liquide, leur sang. On peut voir aussi chez les Mayas des coutumes semblables. Le

roi qui était aussi prêtre et guerrier s’ouvrait périodiquement les veines pour son peuple et

pour le(s) dieu(x).

Aussi, Abraham obéissant à Dieu monte sur la montagne prévue pour le sacrifice, le

Mont Moriah. Au moment de plonger son couteau dans le corps de son fils, Abraham est

arrêté par un ange qui lui propose de tuer un bélier dont les cornes sont prisonnières d’un

buisson. Dieu a eu la preuve d’amour et d’obéissance d’Abraham, cela Lui suffit. On pourrait

dire que le sacrifice du coeur ou l’intention de sacrifice a valu pour sacrifice. Abraham étant

aujourd’hui vénéré comme le père des croyants monothéistes, des juifs par Isaac (et des

chrétiens), et des Musulmans par Ismaël, le Mont Moriah est un lieu sacré pour le judaïsme

comme pour l’islam.

17

Vers 1000 avant J.C., quand le roi David (après l’arrivée des hébreux en terre promise,

après la traversée du désert du Sinaï avec Moïse) eut pris réellement le pouvoir à la place du

roi Saül, il choisit une capitale pour son peuple enfin réuni dans un même royaume. C’est

Jérusalem qui est choisie comme capitale pour le peuple hébreu. Salomon, fils héritier de

David y construit le Temple, principal centre religieux du peuple. Ce temple sera détruit deux

fois : par les Babyloniens, puis par les Romains, en 70 après J.C. On parle donc aujourd’hui

de la construction envisagée du Troisième Temple...

Les juifs priaient et prient toujours aujourd’hui tournés vers l’emplacement du Temple

existant ou détruit. Actuellement il ne reste plus qu’un mur, le Mur des Lamentations, comme

ultime vestige du Temple. Le problème est que sur l’emplacement du Temple juif se trouve

maintenant le troisième lieu saint de l’islam, après La Mecque et Médine : la mosquée El

Aqusa (ou Aqsa), avec le dôme du Rocher sous lequel se trouve le rocher sur lequel Abraham

a failli sacrifier son fils.

Jérusalem est donc une capitale à la fois politique et religieuse pour les juifs, un lieu

(ville et emplacement du Mont Moriah) sacré pour les musulmans. C’est la capitale politique

choisie à la fois par le peuple palestinien et par le peuple juif. Et c’est aussi la capitale

spirituelle des chrétiens ; c’est à Jérusalem que Iéshoua a été crucifié et est ressuscité (même

si on ne peut pas situer la résurrection en un lieu précis).

La terre d’Israël et de Palestine est, selon la Bible, sacrée. Qu’est-ce que cela veut

dire ? Il n’est pas ici question d’être croyant ou non. Peu importe : cette terre a quelque chose

de différent des autres lieux du globe. Une personne un peu sensible peut y ressentir une

espèce d’intensité, une sensation ou des sensations originales.

Dans le désert du Néguev par exemple, on ressent la beauté pure et la grandeur infinie,

l’œuvre du Créateur, ou le Créateur Lui-même. Il y a une sorte de Présence, Quelqu’un,

quelque part, tout près. Et autour du lac de Nazareth (ou Tibériade, ou Tvéria), dans le vent, il

y a des souvenirs, il y a le monde entier et toute son histoire qui sont au bord de ce lac. Au-

dessus de Jérusalem, sur le Mont Scopus, on peut voir d’un côté la ville sainte, et de l’autre le

désert, la Mer Morte (ou Mer Salée) et la Jordanie. On peut sentir la ville, la montagne, la

mer, le désert dans un seul endroit. La ville de Jérusalem est particulièrement habitée par Sa

Présence. Comment expliquer cette sensation de paix dans une ville au milieu d’un pays en

guerre, comme dans l’oeil du cyclone ?

La terre sainte est sainte, cela n’est pas seulement écrit, c’est réel, c’est sensible,

visible, vrai. Et quand on est né sur cette terre, comment peut-on imaginer de vivre heureux

ailleurs ? Juif, palestinien ou autre... quiconque a vécu sur cette terre y reste attaché au point

de transmettre ce lien à ses enfants. L’attachement à cette terre est comme un amour, un

sentiment si fort qu’il est physique.

Et de cet amour naît la guerre... Tous veulent la même terre, comme une femme

désirée par plusieurs hommes. Mais elle n’appartient à personne, elle est sacrée. Elle est à

tous et à personne, elle est à elle-même et à son Créateur. Tous ceux qui veulent l’enfermer

dans des limites, des frontières, des Etats, ne pourront jamais la posséder. C’est une terre qui

appartient au Seigneur, le dieu des juifs, le dieu de l’humanité.

L’âme juive

La Shoah et la souffrance des juifs persécutés tout au long de l’histoire font partie des

mystères de ce peuple différent des autres (et donc gênant). La douleur fait partie de l’âme

juive. Et son contraire aussi, la joie, et l’amour de la vie.

Les juifs sont forts parce qu’ils se savent aimés de Dieu. Cette confiance en Dieu est

confiance dans la vie, confiance en soi. C’est un point commun, un lien immortel entre tous

les juifs (croyants ou pas). Ce lien indestructible des juifs avec le Créateur en fait un peuple

18

uni au delà de sa diversité et de ses divisions. La solidarité entre juifs est plus forte que chez

n’importe quel autre peuple. C’est un lien de famille. Ce qui caractérise les juifs -et plus

particulièrement les Israéliens- c’est la fraternité.

L’âme juive est bien au delà d’une religion juive ou d’une nationalité israélienne, c’est

une relation particulière avec le Créateur invisible révélé au peuple juif. L’âme juive est l’âme

de l’humanité, la présence divine parmi nous.

Être juif ce n’est pas être de religion juive, ce n’est pas non plus être Israélien. Être juif

c’est faire partie du peuple qui a traversé le désert du Sinaï. Être juif c’est être aimé de Dieu

d’une façon particulière. Faire partie du peuple élu est une « croix » disent certains juifs, et

pour d’autres juifs un motif d’orgueil et de mépris envers les goyim. Etre préféré de Dieu est à

la fois un privilège et une responsabilité. Et pour les non juifs, ce peut être une cause de

racisme (jalousie, haine) ou d’admiration aveugle. Il est difficile de trouver le juste milieu, le

juste sentiment. Mais c’est une réalité, le peuple juif a une place à part parmi les nations.

« notre religion une force motrice de l'humanité (...) une religion à la fois universelle

et particulariste permettant à un peuple choisi pour cela, d'accomplir une mission auprès de

tous les êtres humains »21

Etre juif c’est faire partie du peuple qui a traversé le désert du Sinaï guidé par le

Créateur Lui-Même. C’est être chéri de Dieu d’une façon particulière. Qui sommes-nous pour

nous permettre de reprocher à Dieu d’avoir un peuple favori ? Le peuple privilégié, favorisé,

préféré du Père est celui de Iéshoua.

Vers 1250 avant J.C., sur le Mont Sinaï, Dieu donne à Moïse, le chef du peuple, les

tables de la Loi. C’est ce que dit la Bible. Mais en réalité, dans le désert du Sinaï, il s’est passé

« quelque chose » entre Dieu et ce peuple. Au désert, la relation entre Dieu et son peuple

préféré a été si intense que tous ses descendants en portent encore la trace, non pas dans leur

sang, non pas dans leur culture ou leur religion, mais plus profondément dans leur âme. Dieu

au désert a aimé sa fiancée, son épouse Israël : « Je t’ai connu(e) au désert » (Osée). Il s’est

choisi un peuple, Il a connu ce peuple quand il se trouvait à l’écart des autres peuples. Il l’a

mis à l’épreuve, Il l’a poussé à bout. Il l’a aimé. Il l’a connu. Il est à Lui pour toujours.

Dans chaque âme juive il y a un souvenir de cet événement. Il a gravé Son image dans

leur âme, d’une façon indélébile. Chaque juif porte en lui cette blessure d’amour, infligée par

le Seigneur Lui-même. De la traversée du désert du Sinaï, il reste une soif de Dieu indélébile,

inassouvie, dans l’âme de chaque juif. Chaque juif est habité par un germe d’infini, un désir

d’absolu, un reflet du Créateur.

21

« Guidé par la Parole de Dieu, traduit en des lois morales et spirituelles fondamentales, le judaïsme libéral

accepte les Mitsvot (Les Commandements) qui permettent d'atteindre cet idéal. Le judaïsme libéral considère les

pratiques rituelles comme des moyens et non une fin en soi. De ce fait, il met l'accent sur tout ce qui, dans notre

tradition, fait de notre religion une force motrice de l'humanité, notamment sur l'esprit et le message des

Prophètes d'Israël, ainsi que celui des Psaumes, de l'Ecclésiaste ou de Job, sur l'extraordinaire capacité

d'adaptation que représentent les discussions talmudiques. La force de la pensée de ces rabbins telle qu'elle

apparaît dans le Midrash, la réflexion des Juifs du Moyen Age qui ont contribué à l'essor de la philosophie

mondiale, et l'importance de la pensée juive moderne projettent sur le monde un éclat allant dans le sens de la

prophétie d'Isaïe : " Je t'ai placé comme une lumière pour les nations ".

Pour atteindre ce but qui, de prime abord, n'est pas très différent de celui du judaïsme dit orthodoxe, le judaïsme

libéral propose une approche, des méthodes, des moyens originaux dans l'esprit de la tradition telle

qu'enseignée par les prophètes et par les maîtres du Talmud, du Midrash et par de grands décisionnaires et

penseurs des époques ultérieures. Le judaïsme libéral estime que le judaïsme est le produit des générations

successives qui, à partir d'une Révélation initiale, ont forgé par leur quête intellectuelle et spirituelle une

religion à la fois universelle et particulariste permettant à un peuple choisi pour cela, d'accomplir une mission

auprès de tous les êtres humains. »

(Mouvement juif Libéral de France, page Internet : http://www.mjlf.col.fr)

19

Amitié judéo-chrétienne

Comme entre deux frères ou entre conjoints divorcés, entre chrétiens et juifs, dans ce

type de dialogue il y a inévitablement conflit. Quand le conflit n’est plus comme entre

divorcés mais comme à l’intérieur d’un couple ou entre frères, cette discussion qui semble

agressive est en réalité pleine d’amour.

Le juif et le chrétien se sont blessés mutuellement au cours de l’histoire. L’un et

l’autre sont différents et s’aiment au plus profond d’eux car ils sont fils du même Dieu. Des

interrogations sur l’autre, c’est le début d’une curiosité, d’un dialogue certainement dur mais

toujours profitable s’il est orienté vers la recherche sincère de la vérité avec du respect et un

but commun de mieux connaître notre Dieu d’Amour.

Lancer des interrogations c’est mettre en évidence des liens et aussi des blessures,

mais surtout des attaches profondes. L’avenir des juifs et des chrétiens, c’est une amitié

fraternelle dans la maison de Notre Père. Si nous refusons cette réconciliation vitale, cette

convergence22

naturelle, nous nous éloignons de la vérité du Christ. Ce chemin vers la même

maison n’est pas sans douleur mais il nous apporte, au-delà de l’épreuve, une joie immense23

.

Prier sans se soucier des religions et de leur conflits et liens, c’est réduire Dieu à un

Créateur anonyme. Évidemment on ne peut pas tous devenir des spécialistes des relations

entre les religions. Mais le minimum c’est de chercher à aller un peu plus loin que les idées

reçues, les stéréotypes. Si on ne fait pas cette démarche, d’autres le feront à notre place et

nous imposeront aisément leur vision.

Ce n’est pas facile de définir ce qui est vraiment indispensable à savoir pour prier et ce

qui est superflu.

Croire que Iéshoua est le fils de l’Eternel יהוה c’est croire au Dieu unique révélé au

peuple hébreu.

Croire en Iéshoua ce n’est pas être de religion juive parce que c’est croire que l’Eternel

e iuq ec ,sna 0002 a y li eniamuh emrof enu sirp a הוהיst inacceptable et impossible pour les

juifs religieux.

Croire en Iéshoua ce n’est pas être juif de race, sauf si on est de mère juive. Croire en

Iéshoua ce n’est pas être Israélien, sauf si on est de nationalité israélienne.

Croire en Iéshoua ce n’est pas être pro-israélien, ou « davidiste » plus que chrétien,

voire anti-arabe... Il y a un danger permanent dans les relations entre juifs et chrétiens : y

mêler la politique. Israël est le peuple de l’Alliance, un peuple spirituel, avec une mystérieuse

mission spirituelle. On ne peut pas réduire le peuple juif à Israël en tant que Nation ordinaire.

Aimer Iéshoua, c’est aimer Israël, le peuple juif élu, le peuple spirituel. Aimer Iéshoua c’est

aimer l’âme juive. Chercher à connaître le mystère de Iéshoua, c’est essayer d’approfondir le

mystère du peuple juif, sans tomber dans le piège de la prise de position politique.

Jésus juif va au delà de sa race et nous demande de considérer le cœur des hommes

avant leur race et leur nationalité.

Croire en Iéshoua c’est L’aimer et vouloir Le connaître. Iéshoua étant juif de race et de

religion, Le connaître c’est désirer connaître son peuple et sa religion pour mieux L’aimer.

L’Alliance du Sinaï

22 Dans le passé, judaïsme et christianisme on vécu une divergence ; maintenant nous vivons une convergence,

non pas vers une unité religieuse mais vers une union spirituelle. 23 Luc 15,32

20

« Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de

tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force. »24

(Deutéronome 6,4)

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

(Lévitique 19,18)

« « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta

pensée. » C’est là le grand, le premier commandement. Un second est aussi important : « Tu

aimeras ton prochain comme toi-même. » De ces deux commandements dépendent toute la

Loi et les Prophètes. »

(Mathieu 22,37)

Aime le Seigneur ton Dieu et aime les humains. Aime-toi toi-même, aime ta famille,

aime tes amis, aime tes voisins, aime ton village, aime ton pays, aime l’humanité, aime le

Créateur de tout ce qui existe. Aime la terre. Aime le Seigneur dans tout ce qu’Il a créé, aime-

Le dans toi-même et dans tout ce qui est Amour.

Ce qui est Amour c’est ce qui est pureté, paix, bonté, beauté, ce qui comble mon désir

d’infini, ce qui nourrit mon âme. La Loi donnée au peuple de Dieu se résume en un verbe à

l’impératif : aime !

Cependant, comme le peuple hébreu, comme un enfant, j’ai besoin d’un père et d’une

mère pour aimer. Je donne l’amour que j’ai reçu. L’amour comme l’eau vient d’une source,

vient de la pluie, vient de la mer. Mes parents, mes amis me donnent et je donne. L’amour est

vivant, liquide, solide, gazeux, mouvement, feu. Le Seigneur est à l’origine de tout amour. Il

est l’Amour. Quand son Amour entre en contact avec mes imperfections il devient amour

avec une minuscule : amour impur, amitié, passion… Le Seigneur du Ciel me demande de

toujours rechercher la source de l’Amour, l’origine de La Loi, La Loi à l’état pur. Le Seigneur

est Lui-même La Loi, Le modèle, Celui qui aime sans loi, sans limite, sans fin.

Comme un enfant, comme le peuple hébreu, notre cerveau, notre curiosité, notre

intelligence demandent plus de précisions. Nous voulons comprendre l’Amour. Nous

demandons des règles, des ordres, des limites. Alors le Seigneur nous donne des lois qui

proviennent de La Loi. Il nous dit de ne pas tuer, de ne pas mentir, de ne pas voler… Il nous

demande de L’aimer parce que sans Lui tout amour s’éloigne de l’Amour. Il nous le dit et

nous ne sommes pas satisfaits. Alors nous écrivons des lois qui expliquent La Loi, la rendent

moins pure et plus complexe. Nous étudions les lois en croyant ainsi obéir à La Loi. Plus nous

étudions le Seigneur, moins nous Le comprenons. Nous perdons le goût de la prière. Nous

remplissons notre désert intérieur de bruits. Nous créons des divisions dans les lois, dans les

cœurs, dans l’humanité.

Alors Iéshoua vient. Il nous explique de nouveau La Loi qu’il avait déjà donné à son

peuple pour l’humanité par Moïse sur le mont Sinaï dans le désert. Iéshoua parle. Il parle plus

par sa vie que par ses mots. Son corps et son cœur nous montrent Qui est le Seigneur. Il vient

nous libérer des lois pour graver dans notre âme sa Loi d’Amour.

De nouveau nous refusons d’écouter Dieu qui est venu par Iéshoua nous expliquer

l’Amour. Nous préférons inventer des religions, étudier et enseigner nos interprétations de La

Loi plutôt que de l’appliquer.

Notre Père nous regarde avec compassion.

24 « ces paroles sont, de façon absolue, estimées les plus importantes du judaïsme. » « Ce shema (écoute en

hébreu) fut la nourriture de Jésus, jour après jour matin et soir ; celle de la Vierge Marie, des Apôtres et des

premières communautés chrétiennes. » (La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante)

21

Et nous, nous préférons nos raisonnements, nos divisions, nos petits pouvoirs

éphémères, nos bruits, nos villes. Nous préférons nos amours mortels à l’Amour éternel. Nous

préférons même Dieu à l’Amour : comme si Dieu pouvait être Dieu sans l’Amour !

Au-dedans de nous nous pensons : "Ta Loi nous fatigue, ta Loi nous demande de nous

oublier nous-même, de partir au désert à ta rencontre. C’est trop loin, c’est trop difficile.

Viens toi-même dans notre sommeil et nos rêves. Nous préférons Te rêver plutôt que Te

connaître. Te connaître c’est aimer ta Loi. Alors non… C’est trop de travail. Nous préférons

dire que nous te cherchons, mais pas ta Loi, pas ton Amour."

Notre Père nous regarde avec Amour.

Il nous demande de partir au désert, de marcher, de L’appeler, de L’attendre, de nous

laisser aimer, de prier. Prier au moins le matin et le soir. Participer à l’accouchement du

Royaume de l’Amour. Participer à la libération de la terre. Participer à la construction de la

Maison de l’Amour sur la terre comme au Ciel.

L’Alliance du cœur

La diversité tolérante vaut mieux que la vérité unique dictatrice. La compassion ou

Amour est la valeur commune à toutes les religions. L’Alliance commune des trois relions

monothéistes sont les dix Paroles25

données au Sinaï :

« La reconnaissance judéo-chrétienne clairement exprimée par Jean Paul II, est

exemplaire pour engager les nations arabes et la nation juive à se reconnaître aussi pour

frères unis dans l’amour d’un même Père. (…) Unis au même Dieu, nous devrions parler le

même langage : celui de l’amour réciproque dans l’Alliance. Dans cette humilité,

reconsidérons les griefs que nous avons les uns contre les autres, pour mieux nous en

débarrasser une fois pour toutes. Seul compte notre âtre commun : le feu de l ‘Alliance. »26

« Dieu est relation » disait Marthe Robin27

. Il n’y a pas de connaissance de Dieu

solitaire et égocentrique. Dieu est dans les autres, dans notre relation avec les autres. Si on ne

privilégie pas un ton de respect dans l’expression d’une pensée, on peut risquer de nuire à la

possibilité d’entente, de communication et donc d’amour. Plus important que ce qu’on dit est

la façon de le dire. Plus important que de trouver la vérité est d’aimer la chercher ; plus

important que de parvenir au bout du chemin pour rencontrer Dieu est la façon de cheminer.

Plus important que d’avoir raison dans un dialogue, c’est le dialogue lui-même, c’est-à-dire la

relation d’amitié, qui est visée.

Un enfant qui n’a pas encore la capacité de parler peut avoir dans le regard un reflet du

Père, un reflet du cœur de ceux qui l’entourent d’affection. La religion du cœur est

transmissible par une caresse, un regard, le ton de la voix, la simple présence. Quand un

agonisant n’a plus la force de parler, de bouger, s’il a cette religion du cœur, ce lien pur avec

le Père, il peut prier avec son être –avec ce qu’il est-, avec le simple désir de son coeur. Si la

« religion déguisement » est la seule pour lui, il ne lui reste plus rien au moment de la mort.

25 « J’utilise le terme « parole » et non « commandement » car l’hébreu, en disant « Asseret Hadibrot », rapport

des paroles, non des commandement d’un dieu courroucé et impératif. Dieu d’amour, Il nous montre la voie afin

de nous diriger dans Sa lumière bien plus que de nous asséner un ordre. »

André Chouraqui, Mon testament, le feu de l’Alliance 26 André Chouraqui, Mon testament, le feu de l’Alliance 27« Marthe Robin est née le 13 mars 1902, à Châteauneuf-de-Galaure (Drôme) France. Peu à peu elle comprend

qu'elle est appelée en tant que laïque à vivre l'offrande de toute sa vie, en union avec Jésus crucifié pour l'Eglise

et le monde. Le 10 février 1936, Marthe rencontre l'abbé Finet qui avec elle se met au service du Seigneur dans

"la grande Oeuvre de son Amour" les Foyers de Lumière, de Charité et d'Amour. Jusqu'à sa mort, le 6

février1981, Marthe vivra dans la petite chambre de la ferme, à Châteauneuf-de-Galaure. » (http://www.foyer-

chateauneuf.com/)

22

A l’heure de notre mort, il ne nous reste plus que notre âme nue. Si elle est habituée au

« culte du cœur », le fait de voir diminuer le corps, la mémoire, la raison, le fait de voir

s’éteindre la vie ne fait que mettre en valeur sa beauté. L’âme habituée à la religion du cœur,

au moment de la mort devient notre seul trésor puisque toutes nos autres « possessions » ont

disparu.

23

2) Iéshoua au désert,

avec Jean-Baptiste.

“Je l’emmènerai au désert et je parlerai à son cœur”

(Osée 2,16)

A) La prière de Jean-Baptiste

« Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l’a appris à ses disciples. »

(Luc, chapitre 11)

La voie rapide

Jean-Baptiste, comme Iéshoua, était en quelque sorte un "SDF28

volontaire". Les

franciscains, sous l'impulsion de François d'Assise, ont eu la même idée ; ils étaient au début

de véritables moines mendiants. En Inde, le moine mendiant est intégré au paysage, c'est

naturel de faire l'expérience de "la route" pour celui qui veut progresser d'une façon radicale

sur le chemin du dénuement matériel en vue de la mise en valeur du spirituel. Il est vrai qu'au

contact de la nature, grâce aux sensations physiques de froid et de faim, on se rapproche

presque naturellement de notre Créateur. C'est une sorte de voie rapide spirituelle qui pourrait

revenir à la mode en Occident. Ce n'est pas un chemin de tristesse mais un choix de liberté.

Ce n'est pas forcément définitif (voir la définition du nazir hébreu dans le Livres de Nombres,

chapitre 6). Ce pourrait être une période de vie errante provisoire. Ce pourrait être aussi une

période de vie tout près de la nature. Cela se fait plus fréquemment en Russie (surtout au XIX

siècle) : une vie d'ermite nous rapproche de la terre et donc du Ciel.

Les ermites sédentaires ou nomades ont bien compris ces diverses méthodes pour

épurer notre âme de tout ce qui l'encombre. A chacun de trouver la méthode qui lui convient.

Attention cependant au piège du "spectaculaire" ! Il ne s'agit pas de performance physique ou

spirituelle ; il s'agit seulement de faire, comme Iéshoua le faisait souvent, l'expérience du

désert. Les chrétiens ont beaucoup à apprendre des religieux orientaux, notamment en ce qui

concerne l'ascèse, la proximité avec la nature et l'expérience de la dépendance de la générosité

des autres. Les musulmans ont le ramadan, les juifs le jour du Yom Kippour et les chrétiens le

jeûne de Carême. Pour les chrétiens, ce jeûne est assez libre ; ce pourrait être l'occasion

d'expérimenter diverses façons de se mettre à l'écart, de "s'éloigner au désert".

Ecoute !

Jean-Baptiste prie au désert. Avant que Iéshoua naisse, il L’aime. Il L’aime sans Le

connaître. Il Le suit. Et, pour Le trouver, il va dans le désert. Il vit dans le désert. C’est là que

l’Éternel demeure. Il emmène des amis, notamment André et Jean qui plus tard suivront

Iéshoua. Il cherche la vérité dans le désert. Sa prière dans le désert est essentiellement écoute.

« Chéma Israël, Adonaï est un »29

, écoute (entends) Israël, Adonaï est Un. Écoute le Seigneur,

Israël. Écoute le désert, Israël. N’écoute pas trop les mots, écoute plutôt le silence. Écoute le

silence du désert. Le Seigneur parle dans le silence du désert.

Jean-Baptiste a probablement enseigné à Iéshoua comment prier au désert. Le désert

est la maison de Jean-Baptiste. Il y a vécu presque toute sa vie. Jean-Baptiste nous enseigne à

écouter le désert. Avec Miryam, il nous apprend à écouter le silence.

28 Sans Domicile Fixe 29 Deutéronome 6,4

24

« Il est difficile de prier si nous ne savons pas comment faire. Mais le fait que ce soit

difficile ne nous dispense pas de nous efforcer à prier. Le premier moyen que nous devons

utiliser, c’est le silence. Les âmes de prière sont toujours des âmes de profond silence. Nous

ne pouvons pas nous mettre en présence de Dieu, sans auparavant garder silence intérieur et

extérieur. Ainsi, dans notre prière, il est indispensable d’observer un silence des pensées, des

yeux et de la langue. » (Mère Teresa)

Prière répétitive

La prière répétitive, c’est le corps qui prie, le corps qui devient, qui est « Temple de

l’Esprit Saint אהבה ». Pour cela il existe le chapelet, le rosaire (trois chapelets). Ou bien, ce

que les chrétiens orthodoxes de l’Est utilisent beaucoup (probablement influencés par

l’Orient) : les prières jaculatoires. C’est une courte phrase, une invocation que l’on répète

souvent. Les moines chrétiens orthodoxes aiment répéter « Jésus, Fils du Dieu Vivant, prends

pitié de moi pêcheur ».

Quand les Dominicains ont inventé le chapelet, la répétition des « Notre Père… », « Je

vous salue Marie… » et « Gloire au Père… » n’avait pas de limite. Plus tard le chapelet a été

fixé à cinq dizaines et le rosaire à quinze, pour rappeler les mystères joyeux, douloureux et

glorieux de la vie de Iéshoua (et Jean Paul II a ajouté les mystères lumineux). On peut donc

imaginer les moines disant leur chapelet durant un temps indéfini ou jusqu’à une limite

arbitraire signalée par un son de cloche par exemple. Ils devaient réciter lentement le chapelet

sans la pensée de terminer cette prière puisque c’était une prière sans fin. Le chapelet ne

devrait donc jamais être récité avec l’idée de terminer la prière mais plutôt de la même façon

qu’il était dit au début de son utilisation. C’est un peu comme une digestion, une répétition

interminable qui peut finir par devenir inconsciente, comme physique. On peut comparer cette

forme de prière à la respiration.

Chacun peut inventer sa propre prière à répéter continuellement ou de temps en temps.

Pour que la prière soit plus facile et agréable à réciter on peut lui donner un rythme, une jolie

mélodie. Les moines chrétiens de l’Occident le font avec les psaumes chantés sur un ton

mélodieux régulier. Les juifs aussi aiment prier en psalmodiant de façon mélodieuse leurs

prières (dont les psaumes).

J’invente une prière courte, ou je m’inspire d’un texte que je connais. Je peux changer

de refrain selon le moment de la journée. C’est mon inconscient, mon besoin de chanter qui

prie le Seigneur sans vraiment y penser. Je peux penser, dire ou chanter une phrase plus ou

moins courte comme par exemple :

« Je T’aime Seigneur Iéshoua, viens aimer en moi. »

« Je T’aime, Seigneur ma force » (Psaume 18)

« Notre Père, notre Roi, Tu es Notre Père ;

Notre Père, notre Roi, nous n’avons que Toi ;

Notre Père, notre Roi, aie compassion de nous » (prière juive)

« Jésus le Christ, lumière intérieure, ne laisse pas les ténèbres me parler ;

Jésus le Christ, lumière intérieure, donne-moi d’accueillir ton Amour » (chant de Taizé)

« Viens Esprit de Sainteté, viens Esprit de lumière, viens Esprit de feu, viens nous

embraser. »

Et infiniment d’autres prières courtes sont possibles.

25

Ainsi la prière n’est pas limitée à un moment, elle devient latente, plus ou moins

inconsciemment continuelle. Elle devient un rythme intérieur naturel. C’est mon cœur qui

veille pendant que je dors : « Je dors mais mon cœur veille »30

Diversité

Le sommet de la prière continuelle, c’est plus que la paix intérieure : c’est la doumia

tse ednom el siaM .evissap erèirp al ,erèirp al snad soper el tse’C .rueirétni ecnelis el ,הייםוד

en guerre, le silence intérieur n’est pas facile à prolonger. J’ai besoin de toujours lutter pour

retrouver le silence du cœur, de prier aussi activement.

Prier continuellement ce n’est pas seulement répéter continuellement des prières, ce

n’est ni être continuellement actif (chapelet...), ni être continuellement passif (contemplation,

silence intérieur…). C’est un peu des deux, un mélange harmonieux des deux (travail /repos,

masculin /féminin).

Attention ! Notre prière peut parfois devenir une action de l’esprit (du cerveau) et non

du cœur. On peut devenir, si l’on n’y prend pas garde, des « machines à prier » qui oublient

Qui elles prient et pour quoi elles prient. Le chrétien sait Qui il prie : même si je ne connaîtrai

évidement jamais bien Iéshoua, je prie en Iéshoua mon Père du Ciel. Et puis, j’oublie

facilement que le but de la prière est l’Amour. Je me perds ou je m’isole dans des prières qui

sont en réalité seulement des activités de l’esprit sans lien direct avec l’Amour et la vie. La

prière m’ouvre sur les autres et sur la vie. Si elle m’enferme dans moi-même, dans un silence

intérieur synonyme de néant ou un rythme intérieur machinal, ce n’est plus prier, c’est

méditer sur rien, pour rien.

Prier comme vivre c’est faire différentes choses. Dans ma journée, de même que j’ai

des activités différentes, il est bon que j’aie des prières différentes. Répétitive, silence

intérieur, prière spontanée, lecture spirituelle, seul, à deux, etc.

De toutes les formes de prière, celle qui compte le plus c’est celle qui vient du plus

profond de mon cœur. Cette prière peut être sans parole, sans pensée exprimée en phrases. Ou

elle peut être expression spontanée de pensée, comme un dialogue avec mon Père. Cette

forme de prière est la plus simple, elle est à l’origine de toute forme prière. Et quand je ne

saurai plus prier -parce qu’on ne sait jamais prier- il me restera la prière spontanée : dire au

Seigneur ce qui vient naturellement de mon cœur.

C’est le désert, c’est-à-dire la pratique régulière et solitaire, qui m’enseigne à prier en

priant, plus que des maîtres, des livres ou une accumulation de techniques de méditation qui

m’éloignent de l’essentiel.

Désert et rencontre

« C’est moi qui ai veillé sur toi dans le désert, sur une terre de soif »

« Je t’ai connu au désert »

(Osée 13,5) (différentes traductions)

Iéshoua, comme Jean-Baptiste, prie beaucoup. Il prie avec ses amis, ses disciples, et il

semble qu’il prie surtout seul, souvent la nuit dans des lieux isolés, dans le désert. Le désert

est le lieu de la rencontre. Le Seigneur אדני habite dans le désert. Prier, c’est aller au désert.

Dans la prière dans le désert je suis au rendez-vous. C’est là qu’Il vient. Je suis seul, pauvre,

dépouillé, nu, vide. Il vient me remplir. Il vient dans mon silence, dans ma nuit, toujours par

surprise. Le désert c’est la chambre nuptiale. Le Seigneur vient y aimer son peuple, sa

créature. Il vient dans le désert s’unir à notre âme.

30 Cantique des Cantiques 5,2

26

Alors je ressuscite, je nais, je vis. J’ai affronté le désert. Je suis parti en aventurier, en

pionnier dans une zone inconnue de mon être. J’ai vaincu ma peur, mon impatience et mon

désespoir. Il me donne Lui-même. Il m’aime. Je L’ai vu, je L’ai touché, Il m’a parlé, Il m’a

caressé au sommet du Sinaï. Au cœur du désert, au sommet de ma soif, Il m’a connu, je L’ai

connu.

Je descends alors de la montagne, je cherche la sortie du désert. Je suis fortifié, plein

de joie. Et, comme en entrant au désert, je suis entouré de dangers. Dans la montagne de Dieu

je marchais, je montais, j’étais ivre et serein. Mais dans le désert, autour de la montagne

sacrée de la rencontre, c’est le brouillard, je suis faible, vulnérable, ma force est illusoire.

Désert, orgueil et aridité

Le danger principal du désert c’est l’orgueil. Je me crois le meilleur. Évidemment

puisque je suis seul ! Je me prends pour un dieu. Il a été tellement proche de moi, au dedans

de moi, pour moi, que je me prends pour Lui. Je tombe dans le piège de l’orgueil, de la

sensation de puissance lumineuse, de l’impression de supériorité. Le chemin vers le Sinaï et le

chemin qui vient du Sinaï, c’est un chemin dans le désert : on ne connaît jamais ce chemin

parce que le vent du désert efface les traces. Si je crois connaître le Seigneur parce que je L’ai

rencontré dans la montagne du désert, je me trompe. On ne Le connaît jamais. Il est

insaisissable, imprenable, sauvage.

Le désert humilie. Si je ne me laisse pas appauvrir par le désert, le Seigneur ne peut

pas me remplir de sa richesse d’Amour. Si je n’ai pas soif Il ne peut pas me donner à boire.

L’orgueil est un « coupe-soif », une boisson illusoire qui masque ma petitesse. Ma soif est

mon trésor. Mon humilité, ma pauvreté, la conscience de ma faiblesse, cela est ma sécurité. Je

veux veiller à entretenir ma soif d’Amour. Comme je n’oublie jamais de respirer, je n’oublie

jamais ma nudité, mon froid, ma nuit.

« Une autre difficulté, spécialement pour ceux qui veulent sincèrement prier, est la

sécheresse. Elle fait partie de l’oraison où le cœur est sevré, sans goût pour les pensées,

souvenirs et sentiments, même spirituels. C’est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement

avec Jésus dans l’agonie et au tombeau. " Le grain de blé, s’il meurt, porte beaucoup de

fruit " (Jean 12, 24). Si la sécheresse est due au manque de racine, parce que la Parole est

tombée sur du roc, le combat relève de la conversion (cf. Luc 8, 6. 13). »31

C’est le vrai désert, le néant, l’inutilité, l’absurdité, l’ennui, l’aridité. Le désert est

absence, vide, mort, soif ou absence de soif. Désir ou absence de désir. C’est maintenant,

quand ma présence est pauvre, humble et souffrante que mon âme se fortifie. Quand le désert

de ma prière est riche de visions, de sensations, de joie sans épreuve, cela signifie que je ne

suis pas encore dans le désert.

Le désert de la prière est joie, allégresse, plaisir, mais pas n’importe quel bonheur.

Dans le bonheur du désert il y a aussi la douleur et l’aridité. L’allégresse est en harmonie avec

la souffrance. Je ne vois pas l’horizon, je ne sais pas où est le Jourdain. Je me demande même

parfois s’il existe un Jourdain. La joie dans la sécheresse est solide. Celui qui trouve Dieu

dans le silence du désert est riche. On ne peut rien lui prendre. Il a Tout avec rien. Que peut

prendre la mort au silencieux ? Si je trouve le Seigneur dans le désert, la mort est vaincue

parce que j’ai trouvé dans la mort la Vie.

« Je ne savais pas, mais j’étais avec Toi »

(Psaume 73)

Désert et combat

31 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n° 2731

27

Pire que de manquer d’amitié ou de ne pas se sentir aimé, c’est l’incapacité d’aimer.

Sa cause est probablement un manque d’amour et d’amitié mais ce qui est angoissant c’est

quand on ne parvient même plus à répondre à l’amour par de l’amour. On sent notre cœur

froid, comme mort, on est incapable de ressentir une émotion, de la joie ou de la compassion.

On regarde quelqu’un souffrir et on se sent indifférent. On n’est touché par aucune douleur et

donc par aucune joie.

La vie du cœur est feu. La paix du cœur ne suffit pas, le cœur a besoin aussi de

chaleur. Un cœur vivant ne peut être que chaleureux, chaud, brûlant. Une plante vivante ne

peut que grandir. Une fleur ne peut que fleurir. Elle ne peut pas s’arrêter. Et notre cœur ne

peut pas ne pas aimer. S’il n’aime plus, il souffre de soif d’amour. S’il ne souffre plus de soif

d’amour, il est mort.

Comment ressusciter notre cœur ? Ou comment le faire naître ? Comment en prendre

soin ? Comment entretenir son feu ? Comment saigner ? Comment laisser couler la

compassion et l’amour de notre cœur ?

Le cœur épanoui est un cœur qui saigne et qui déborde de joie. Sans la joie que donne

la vie amoureuse, la fleur est comme flétrie, elle regarde vers le bas. Quand nous regardons

vers le bas, quand nous perdons la sensibilité aux joies et aux souffrances des autres, nous

sommes en danger. Alors Il nous dit : « Relève ton visage, regarde vers le haut, sois fort et

droit, fais attention aux mauvaises pensées qui te pénètrent, prends garde à ton mauvais

penchant qui t’attire » Il nous prévient et nous encourage : « Attention au Mal qui est derrière

ta porte, sois plus fort que lui : domine-le » Il nous demande d’écraser le mauvais en nous

parce qu’Il ne peut pas le faire à notre place. Nous sommes libres d’aimer ou de haïr, de

tomber ou de nous relever.

« si tu agis bien tu relèveras ton visage, et si tu agis mal, le péché se couche à ta

porte, et ses désirs se portent vers toi : mais toi domine-le »32

« Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit »

ou « Qu’il me soit fait selon ta parole »

ou « Oui »33

« Que ta volonté se réalise »34

Ce qui donne une joie solide et vraie c’est la lutte : c’est le travail qui permet

d’apprécier la fête. On oublie souvent dans notre vie de relation avec le Seigneur que la

qualité principale, indispensable pour aimer, c’est la volonté. La volonté est justement une

absence d’amour, une soif d’amour qui nous conduit à l’amour. Aimer c’est vouloir. L’amour

est volonté tandis que la passion c’est se laisser emporter passivement. L’amour est parfois

passivité et souvent activité de la volonté.35

« Je t’aime » c’est donc « je marche vers toi ».

Aimer c’est aussi se battre, l’Amour est un art martial.

La relation d’amour avec le Seigneur peut ressembler parfois à une lutte. Le mot Israël

contient cette idée d’amour et de dialogue franc. Aimer Dieu c’est lutter avec Lui et

l’interroger : « Pourquoi ? » (« Lama » en hébreu), « Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

(Psaume 21 et Matthieu 27,46) Jacob change de nom après une nuit de lutte avec un

personnage mystérieux qui était peut-être un ange ou Dieu lui-même.36

Il est alors nommé par

l’ange, Israël, qui signifie selon différentes traductions:

« fort devant Dieu » (« el » signifiant Dieu),

32 Genèse 4,7 33 Luc 1,38 34 Matthieu 26, 42 35 Aimer et vouloir sont si liés qu’en espagnol c’est le même verbe. « Je t’aime » se dit « Te quiero » : « je te

veux ». 36 Genèse, chapitre 32

28

ou « celui qui lutte avec Dieu »,

ou « droit devant Dieu ».

« La force de Dieu est douce et efficace »37

La prière est un travail, un sacrifice de louange. La prière est un effort quotidien, un

combat38

, une guerre permanente. Dans l’Amour, il s’agit d’une lutte, apparemment nue et

solitaire. Il est là, mais on ne Le voit pas, on ne Le sent pas. La force que Dieu nous demande

d’avoir n’est pas la force de l’orgueil, ce n’est pas une force violente, c’est une force humble

et douce. Il nous demande parfois de ne rien faire, de tenir, de ne pas tomber, en attendant

qu’Il arrive. Mais parfois c’est long. Non seulement on ne peut pas vaincre notre ennemi,

l’adversité, on ne peut pas passer l’obstacle, mais en plus, on ne voit plus ni l’obstacle, ni la

terre promise. Parfois on ne sait plus ce qu’on cherche et c’est le désert du néant. Il n’y a plus

de souffrance, plus de désir, plus d’amis, plus d’ennemis. Rien. Alors Il nous demande d’être

honnête, de lui dire : « je suis là », « je ne sais pas », « je n’ai rien », « je suis pauvre ».

B) La vie de prière

Je veux que ma prière soit belle. Je veux que l’endroit où je prie soit beau. Je veux

passer un bon moment. C’est un moment intime comme entre deux amoureux, à l’écart du

monde, hors du temps.

Ma prière n’est pas enfermée dans un moment limité, elle se prolonge par une attitude

de prière toute la journée. Je suis attentif à Celui qui veut nous habiter non seulement durant

le moment précis de ma prière, mais tout au long du jour et même de la nuit. Il habite mon

cœur, mon esprit et mon corps ; Il est mon âme.

Différents moments de la prière :

La prière du soir regarde du haut de la montagne le chemin parcouru aujourd’hui, le

monde, la vie demain.

Pardon

Je demande pardon à mes amis avant ou pendant la prière pour tous mes manques de

paix et d’Amour. Je Te demande pardon mon Père pour les mauvais gestes, les mauvaises

paroles, les mauvaises pensées que j’ai eus aujourd’hui. Je veux participer à la venue de ton

Règne, je veux participer à la construction de ton Royaume mais parfois je fais un travail de

destruction ou je ralentis la construction.

Merci

Je remercie mes amis et Toi mon Créateur pour tout ce que j’ai reçu de bon

aujourd’hui et aussi pour les moments durs qui m’aident à grandir, à avancer sur le chemin de

la Sagesse. Je Te remercie pour la santé, pour la nourriture du jour. Je Te remercie pour la

maison, pour l’amitié, pour Ta présence discrète au long de ma journée.

Demande

Je Te demande Seigneur pour moi-même et pour mes amis de garder nos âmes dans ta

Paix. Je Te demande de prendre soin de nos cœurs, de nous garder unis et de faire grandir en

nous ton Règne d’Amour. J’élargis ma prière au-delà de ma famille et de mes amis proches et

37 Père Thomas Philippe, Fidélité au Saint Esprit. 38 Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edition 2004, Quatrième partie : la prière chrétienne, Chapitre troisième,

article 2 : Le combat de la prière)

29

lointains. Je Te demande Seigneur de venir sur la terre pour que ton Amour règne dans les

cœurs. Je Te demande d’être proche des enfants qui souffrent à cause des adultes. Prends soin

de ceux qui sont proches de la mort. Accueille avec tendresse ceux qui viennent de naître.

J’évite de demander à Dieu des choses futiles ou égoïstes. Il sait ce qui est bon pour

moi. Et cependant Il aime que je Lui exprime ce qu’Il sait. Alors je Lui dis ce qui vient de

mon cœur, ce qui sort de mon âme. Si cela vient de ma réflexion trouble, de mon intelligence

calculatrice, j’évite de laisser sortir ces paroles qui ne viennent pas du fond du cœur. Ma

prière pure ne vient pas de moi, elle vient de l’Amour Lui-même.

La prière du soir, plus que celle du matin, laisse la place à la spontanéité, à

l’expression libre. La prière du soir est chant, mouvement, joie transmise, fête.

La prière du matin est calme. La lutte du jour n’a pas commencé. Les guerriers du

Seigneur se concentrent pour le combat invisible de la Vie contre la mort. La prière du soir est

victoire avant le repos de la nuit. La prière du matin est silence et paroles paisibles. La prière

du soir comme celle du matin commence et finit par un silence. Le silence après la prière du

soir est sans limite. Le silence avant la prière du matin n’a pas de commencement.

Louange

Alléluia הלליה louez-Le (Ya יה est un des Noms de l’Éternel)

Alléluia, c’est la prière principale. Louer le Seigneur, c’est prier, c’est aimer. La prière

continuelle est louange. Louer le Seigneur c’est Lui dire que je L’aime, le répéter sans fin.

Louer Dieu c’est exprimer ma joie d’être son enfant. Je suis dans ses bras, je ne crains rien, je

n’ai peur de rien. Je vis et je meurs dans ses bras, contre Lui. Dans la vie et la mort, je peux

Le louer. J’aime la vie et la mort. Il n’y a plus de frontière entre les deux. La mort n’existe

plus si je l’aime. Si j’aime la mort, elle devient vie. Et ma vie devient Vie éternelle.

La prière de louange est une sanctification du Nom. Je rends saint ton Nom. Ton Nom

me sanctifie et tue en moi la mort. Tu es Le Vivant. Je Te chante, je Te glorifie, je Te célèbre,

je Te magnifie, je Te bénis. Les Psaumes, le chapelet, l’inspiration du moment, mon sourire,

ma façon de travailler, tout mon être en permanence peut Te louer. Je T’embellis parce que

ton image dans nos cœurs a été salie. Je cherche ta beauté dans le désert de mon âme. Je

cherche la beauté de ta voix dans le silence de mon cœur. Je veux transmettre, refléter, offrir

ton regard, ton sourire, tes gestes et tes pensées dans moi. Je veux que Tu sois moi.

Enflamme-moi de Toi.

Conseils pour prier :

Le lieu

« Quand tu veux prier, entre dans ta chambre la plus retirée, verrouille ta porte et prie

ton Père qui est là dans le secret. »39

Je cherche un endroit tranquille : ma chambre, dans la nature, dans une église ... Si

c’est possible je garde toujours le même endroit pour prier. Dans un coin de ma maison par

exemple, je place une bougie, une Bible, une croix. Je peux arranger cet endroit à mon goût,

le décorer. Mais le plus sobre est souvent le plus favorable à la paix intérieure. Je me fabrique

mon temple personnel qui me ressemble. C’est mon lieu de rendez-vous avec l’Éternel. C’est

là qu’Il m’attend pour me prendre dans ses bras, pour me chuchoter tout bas qu’Il m’aime.

Le moment

39 Mathieu 6,6

30

« Au réveil je me rassasierai de ton visage »

(Psaume 17)

« Je Te cherche dès l’aube »

(Psaume 63)

« Le matin ma prière est déjà devant Toi »

« Dès le matin ma prière va au devant de Toi »

« Dès le matin ma prière Te cherche »

(Psaume 88) (différentes traductions)

« Au matin je me présente à Toi et je suis dans l’attente »

« Le matin je me prépare pour Toi et je suis en éveil »

« Le matin Tu entends ma voix ; je prépare tout pour Toi et j’attends »

(Psaume 5) (différentes traductions)

Tôt le matin mon âme est plus réceptive à la présence du Créateur que le reste de la

journée quand le monde est plus agité. L’aube est propice au calme intérieur. L’Esprit Saint,

l’Amour est « rosée du matin ». C’est le matin que je suis le plus sensible à la voix de

l’Éternel. La prière du réveil oriente ma journée.

Au réveil je tourne mon regard vers le Très-Haut, je Le remercie de m’avoir gardé en

vie pendant la nuit et je Lui confie ma journée. Je Lui demande de venir m’habiter, de chasser

de mon esprit les cauchemars et les mauvaises pensées. Je Lui demande de m’accompagner

tout le jour.

La prière du soir ou du coucher ferme ma journée. Je regarde en arrière de quelle façon

l’Invisible a été présent, si j’ai été attentif ou pas à ses appels, à ses signes discrets.

Dans la journée, j’essaie de trouver un moment de tranquillité pour me réfugier dans

mon cœur, là où habite Celui qui m’aime. Je prends un moment pour Lui parler, pour faire

silence et mieux L’écouter. Et puis, chaque fois qu’Il m’appelle, même si ce n’est pas

programmé, j’accepte son invitation à entrer dans sa demeure invisible. Je regarde par la

fenêtre et je lève les yeux vers le ciel. Je sors un moment et je marche. Je rentre dans une

église. Je m’arrête de travailler et je me souviens de Lui. Chaque fois qu’Il m’invite, je rentre

dans son cœur, dans sa maison, dans sa Paix si précieuse.

L’Ami

« La nuit je me souviens de Toi et je reste des heures à te parler »40

« Par sa Parole, Dieu parle à l’homme. C’est par des paroles, mentales ou vocales,

que notre prière prend corps. Mais le plus important est la présence du cœur à Celui à qui

nous parlons dans la prière. " Que notre prière soit entendue dépend, non de la quantité des

paroles, mais de la ferveur de nos âmes " »41

Prier, c’est communiquer avec mon Ami invisible. Tu me parles dans le silence, Tu

me parles par mes propres mots, par mes pensées, par ma bouche. Tu m’inspires Toi-même

ma prière. Je suis avec Toi n’importe quand, n’importe où. Je rentre en moi-même et je suis

avec Toi. Je t’appelle Jésus, Iéshoua, Seigneur ou Notre Père. Je t’appelle Mon Dieu parce

que Tu es à moi comme à nous et à tous ceux que Tu aimes et qui T’aiment.

40 Psaume 63 41 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n° 2700

31

La position

« Confiant dans ta miséricorde Adonaï,

j’entre dans ta maison et je me prosterne devant le sanctuaire de ta Gloire.

J’aime ta demeure Ô Éternel, le lieu où trône ta majesté.

Incliné, agenouillé et prosterné devant l’Éternel mon Créateur,

je prie.

Puisse ma prière Ô mon Dieu, arriver devant Toi dans un moment favorable,

et puissé-je être exaucé par l’intervention puissante de ta Grâce. »

(Prière juive en entrant au Temple)

Je cherche une belle position pour que mon corps soit à l’aise. Je prends une position

respectueuse parce qu’au moment où je prie, je m’adresse au Créateur de l’Univers, au Dieu

Tout-Puissant. Ma position peut varier si je reste longtemps. Je trouve donc la position la plus

confortable et la plus respectueuse. Je cherche une position favorable à la concentration,

détendue mais pas trop, pour que je ne m’endorme pas. Je peux me mettre à genoux, assis sur

le sol ou sur une chaise, en tailleur...

Pour commencer et terminer chaque prière les chrétiens font le signe de la croix. Si

c’est une prière dans le métro ou un endroit public, je peux faire un petit signe de croix sur

mon cœur ou sur mon front. Chacun trouve le petit rituel qui lui convient pour marquer une

entrée et une sortie du moment de prière. Je m’installe (par exemple en enlevant mes

chaussures) pour un moment de recueillement, j’allume une bougie... C’est comme un rituel

qui me fait entrer dans un moment sacré. Ce petit geste délimite le moment de la prière. Je

rentre chez un Ami, je me mets à l’aise.

La prière est une maison dans le temps. Je m’y réfugie comme dans un endroit secret

et paisible, mais invisible, hors de l’espace. Une fois à l’aise, bien installé, je cherche la paix,

le silence. Je fais pénétrer cette paix au dedans de moi. Pour m’aider à rentrer dans cette

ambiance tranquille, je respire doucement. Les Orientaux, notamment les bouddhistes,

travaillent beaucoup sur la respiration pour se concentrer et méditer. Mais ce n’est pas

nécessaire d’étudier des techniques compliquées pour trouver le calme.

« L’Éternel modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses

narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. »

Lutte et repos

« La difficulté habituelle de notre prière est la distraction. Elle peut porter sur les

mots et leur sens, dans la prière vocale ; elle peut porter, plus profondément, sur Celui que

nous prions, dans la prière vocale (liturgique ou personnelle), dans la méditation et dans

l’oraison. Partir à la chasse des distractions serait tomber dans leurs pièges, alors qu’il suffit

de revenir à notre cœur : une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette

prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour

lui, en lui offrant résolument notre cœur pour qu’il le purifie. Là se situe le combat, le choix

du Maître à servir (cf. Mt 6, 21. 24). »42

L’une des méthodes simples pour chasser le trouble c’est de penser que chaque

expiration expulse mes pensées négatives tandis que chaque inspiration m’apporte de belles

pensées. Chacun a sa propre méthode pour entrer dans la paix, pour apaiser ses pensées. La

prière est respiration.43

Pendant ma prière je ne me laisse pas emporter par un rythme

machinal rapide, je respire entre chaque phrase que je dis ou que je pense. Une belle prière,

42 Catéchisme de l'Église Catholique, article n° 2729 43 Genèse 2,7

32

comme un geste de tendresse, est lente. La prière est un moment agréable, un bon moment

avec mon Ami, mon Époux invisible, l’Amant de mon âme. Comme je désire aimer je désire

prier.

J’ai choisi un endroit et un moment paisibles. Mes mains peuvent être posées sur mes

genoux, à plat contre ma poitrine, levées, jointes devant moi. Je peux changer de position

quand je me fatigue.

Devant moi il y a l’horizon, la mer. Il y a un beau paysage, le soleil qui se lève ou se

couche, la lune, les nuages ou les étoiles de la nuit. Si je suis dans ma chambre, je mets devant

moi une bougie et je peux regarder la flamme pour me concentrer sur ce que je fais. L’eau qui

coule et la flamme sont deux éléments naturels qui apaisent. L’eau a un son : la pluie, une

cascade, une fontaine, les vagues. Le son de l’eau donne un rythme à ma prière. Le feu aussi a

un son agréable. La nature nous invite à prier.

J’ai la tête un peu inclinée ou droite. Si je m’endors je relève la tête, si je suis agité je

la baisse un peu. Ma bouche peut être légèrement ouverte pour mieux laisser passer l’air, pour

mieux goûter l’air. Je suis présent avec mon corps. Je regarde, j’écoute, je sens avec mon

corps, je sens avec mon odorat, je sens avec ma bouche aussi. Je sens à l’intérieur de mon

corps la vie, mon cœur, mes poumons qui bougent, le sang qui coule dans mes veines. Je

ferme les yeux pour mieux trouver le calme intérieur. Je les ouvre si mon imagination ou mes

rêves m’emportent. Je regarde un détail devant moi, la flamme, une image, une croix. Mais je

ne fais pas d’effort pour fixer. Je peux aussi laisser aller mon regard globalement devant moi

sans rien fixer de particulier.

Je cherche l’équilibre, l’harmonie, le bien être, le repos, mais pas le sommeil. Si je ne

trouve pas la paix, le calme et le repos, je n’insiste pas. Je recommencerai plus tard. Si je

m’endors, je n’insiste pas, je vais me coucher. Je raccourcis ma prière et je prierai mieux plus

tard ou demain. Je suis souple. Si quelqu’un interrompt ma prière, je suis disponible. Ma

prière devient invisible, imperceptible, elle continue dans la discussion avec la personne qui

est venue me voir. Ma prière, bien qu’elle soit un moment défini, n’est pas coupée de la vie.

La prière continuelle

Ma vraie prière, ma prière naturelle et réelle, commence quand je termine ma prière.

On prie pour aimer. En priant on essaie d’être présent à la vie. Et cette présence nous permet

d’aimer pendant la prière et hors de moments de prière si bien que notre prière n’est plus

limitée à des moments ; notre vie, peu à peu devient prière.

A la fin de mon temps de prière je reviens progressivement à mes activités. Je laisse

l’atmosphère de la prière se propager dans ma vie. L’effet de la prière est fragile. Je le

protège, je garde mon calme le plus longtemps possible après ma prière. Après avoir été

attentif au silence où parle Mon Dieu, je suis attentif à Sa Présence dans ma vie, dans les

gestes et paroles des autres, partout. Il est là en permanence mais on ne Le voit pas parce que

notre âme n’est pas assez sensible et pas assez attentive.

Je ne prie pas seulement au moment précis de ma prière. La prière idéale est

continuelle, ininterrompue. Elle dure même pendant que je dors, elle se poursuit dans mon

inconscient. C’est un doux désir en harmonie avec ma volonté. Ma position durant ma prière

devient une attitude constante. L’effort et le désir dans ma prière se transforment en effort et

désir tout au long de ma journée. C’est comme une prière devenue automatique qui ne fait

presque plus appel à ma volonté : j’ai trouvé le goût de la prière. Ma prière déborde mon

moment de prière. Je prie pour aimer. J’aime prier.

« Je demeure dans son amour. »

(Jean 15,10)

Etre présent à Sa Présence

33

« J’ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison du Seigneur »

« Plutôt rester au seuil de la maison du Seigneur »44

Je suis ici et maintenant pour essayer de prier. Je vais rester quelques minutes ou une

heure sans bouger, en essayant de ne pas trop me laisser distraire par mes voisins, par les

bruits ou par mes pensées brouillées. J’essaie d’être immobile jusqu’à souffrir d’être là. Ma

prière est pauvre, sans lecture, sans belles paroles que je pourrais me réciter, sans rien. Je suis

simplement simple. Je suis là devant Lui, tout petit, effacé, disponible. J’écoute sa voix dans

le silence. Je n’entends rien, je ne vois rien, je ne sens rien. J’ai confiance. Je suis

silencieusement docile.

Je t‘offre ma soif, c’est tout ce que j’ai, tout ce que je suis.

La contemplation est muette. Elle consiste à réaliser la présence de Dieu au fond de

tout être et de toute chose : animaux, plantes, beaux paysages… La prière est dialogue avec

l’Ami. Elle apporte le réconfort et oriente vers l’Amour. Elle est, accessoirement, demande

d’intercession. La méditation est plutôt un exercice de préparation à la prière. Elle reste sur le

plan intellectuel. Elle conduit au silence intérieur préparatoire.

L’effort d’apaisement des pensées est plus méditation que prière, plus effort personnel

qu’appel au Créateur. Mais la prière n’est pas non plus une attente inactive et passive de Dieu.

Dans la prière je vais vers Lui, à sa rencontre. Entre méditation et prière, la frontière n’est pas

toujours nette. La méditation peut être sans prière et la prière peut être sans méditation.

Cependant une vraie prière est à la fois active et passive. Il n’y a pas de vraie confiance sans

preuve de confiance. Je vais à sa rencontre dans le désert, je ne sais pas s’Il sera au rendez-

vous mais j’y vais.

Ma prière enrichit et fortifie ma vie ; et ma vie enrichit et fortifie ma prière. La prière,

comme la vie est lutte contre l’attraction de la mort. La prière est un art martial intérieur.

L’une des différences entre la vision bouddhiste et chrétienne de la vie spirituelle, c’est que

pour le bouddhiste le but est le nirvana, la paix parfaite, l’élévation maximum de l’âme pour

se libérer du samsara (« enfer ») des réincarnations successives. Pour celui qui suit Iéshoua, le

but dans cette vie sur terre n’est pas le nirvana, la paix parfaite (sorte de néant). La vie en

Iéshoua va vers l’Amour, non pas vers une solitude paisible mais vers les autres en manque

d’Amour.

« Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour de

nous, à des conceptions erronées de la prière. Certains y voient une simple opération

psychologique, d’autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la

codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. »45

Le but premier de la prière n’est pas l’élévation de l’âme, c’est le réchauffement et le

rayonnement du cœur. Je ne cherche pas à réaliser des « performances spirituelles », à monter

à un niveau supérieur de conscience, à devenir un être surhumain. Je ne cherche que l’Amour.

Le cœur ne fait pas de compétition, ne m’élève pas au dessus du reste de l’humanité. Si je

perds de vue ma petitesse je suis perdu. Si mon orgueil accompagne mes progrès spirituels, il

les annule ; mes progrès spirituels deviennent stériles et illusoires. L’ “organe spirituel” n’est

pas l’esprit mais le cœur.

La solitude paisible dans le désert est pour Iéshoua un moyen, pas un but. Il prie même

la nuit dans le désert, et le matin Il va vers ses amis. L’Amour est vie, communication. Le

désert de la méditation et de la prière est une mort volontaire de nos désirs pour les purifier,

pour que notre Amour soit paisible et bon. Je ne prie pas pour prier, je prie pour aimer.

Purifier mes pensées demande aussi l’aide du Seigneur. Je médite et je prie en même

temps, continuellement. Je rejette les pensées qui me troublent, m’éloignent de la paix

44 Psaume 84 (différentes traductions) 45 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n°2726

34

intérieure. J’accepte les belles pensées. Si les pensées qui me troublent sont des pensées de

haine, je les confie au Seigneur qui est l’Amour pour qu’Il m’aide à transformer ma haine en

indifférence, en paix, puis en pensées de compréhension et finalement d’Amour. Cet Amour

étant illogique, au delà de mon humanité, j’ai besoin du Père de l’Amour pour passer de la

paix humaine à l’Amour divin.

Prier c’est se tourner vers le Créateur, c’est prier Quelqu’un.

Méditer c’est rentrer en soi-même en priant ou sans prier.

Contempler c’est apprécier l’œuvre du Créateur, aimer passivement.

Adorer c’est contempler le Créateur, dans une hostie, le Saint Sacrement.

Adorer, c’est prier. Contempler aussi c’est prier si on voit dans ses œuvres, dans la

nature ou les humains, le Créateur. Peu importe ces étiquettes, ces noms que l’on donne à ces

différentes façons de rechercher la paix et l’Amour.

Entre méditation, contemplation et adoration, la limite n’est pas toujours bien définie.

Alors on peut donner un nom commun à ces formes d’« actions spirituelles » : la présence à

Sa Présence.

Lui être présent en Le bénissant en tout

« (…) nous avons tendance à mettre la vie spirituelle du côté de l’intériorité. Certes, il

ne s’agit pas de nier la nécessité d’une vie intérieure, du recueillement et de la prière, mais y

réduire la vie spirituelle c’est la mutiler gravement jusqu’à la tuer. Le recueillement et la

prière sont un tremplin pour nous faire sortir à la recherche de Dieu en toutes choses. »46

« Chaque fois que nous allons boire un verre d’eau, nous rappelons le mystère éternel

de la création, en disant : « Tu es béni, Seigneur… qui par Ta Parole as conduit toutes choses

jusqu’à l’être »… Lorsque nous désirons manger du pain ou un fruit, lorsque nous prenons

plaisir à un parfum agréable ou à une coupe de vin, lorsque nous goûtons des fruits pour la

première fois dans la saison, lorsque nous contemplons l’arc-en-ciel ou la mer, ou bien les

arbres qui bourgeonnent, lorsque nous rencontrons un sage selon la Loi ou selon les sciences

du siècle, lorsque nous écoutons de bonnes ou de mauvaises nouvelles- on nous demande

d’invoquer Son Nom et de prendre conscience de Lui. Même en accomplissant nos fonctions

physiologiques nous disons : « Tu es béni Seigneur, qui guéris toute chair, et qui accomplis

des merveilles ». C’est l’un des objectifs de la conception juive de la vie, que de ressentir les

actes les plus communs comme des aventures spirituelles, et de saisir en toute choses l’amour

de la sagesse. »47

« Berakah –dont la traductions normale est « bénédiction », voire

admiration/louange/action de grâce- est un des termes en lesquels se condensent la richesse

et l’originalité de la pensée juive. Peut-être est-ce le maître mot en qui se résume

l’anthropologie juive : sa façon de situer l’homme en face de Dieu et en face du monde. La

berakah, en effet, définit un triple rapport : avec Dieu, avec le monde et avec ses propres

semblables. Mais, plus que d’un triple rapport, il s’agit en réalité d’un unique rapport, que

l’on pourrait définir triangulaire. (…) Par la prière de bénédiction, l’israélite reconnaît ces

trois pôles et la qualité de leurs relations. En prononçant la formule : « Béni sois-tu,

Seigneur, pour les fruits de la terre… », il reconnaît Dieu comme origine et « propriétaire »

des choses ; le monde, comme don, à accueillir et à partager ensemble ; les hommes, comme

frères, avec lesquels participer à l’unique banquet de la vie. Ainsi la berakah saisit-elle la

46 Jean-Claude Dhôtel, s.j. Voir tout en Dieu, chercher Dieu en tout 47 A.J. Heschel, Dieu en quête de l’homme

35

véritable intentionnalité du monde : elle se situe comme condition de réalisation du Royaume.

Sans elle, le monde reste triste et opaque, fermé en lui-même et voué au mal (…). Grâce à

elle, le monde récupère sa splendeur originelle : il dévoile en toute chose le demeure du Sens,

à savoir le Sacré. »48

« Bénir signifie révéler l’ultime identité des choses, la profondeur de leur intériorité :

celle d’être en relation avec le Créateur, signes tangibles de son attention et de sa sollicitude.

Cette perception des choses opérée par la berakah – et qui consiste à les relier à

l’intentionnalité divine- porte un nom dans la Bible : la crainte. A.J. Hesachel la décrit ainsi :

« La crainte est l’intuition de la dignité de toutes choses en tant que créatures, une intuition

du fait qu’elles sont forcément précieuses à Dieu. Craindre, c’est apercevoir que les choses

ne sont pas seulement ce qu’elles sont, mais signifient en quelque manière quelque chose

d’absolu. La crainte est une conscience de la transcendance, et de la nécessaire référence en

toutes circonstances, à Celui qui est au-delà de tout. C’est une intuition que les attitudes

expriment mieux que les mots. » »49

48 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante 49 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante

36

3) Iéshoua à l’église,

avec Pierre.

« Le Seigneur sera avec toi »

(1 Samuel 17, 37)

« Le Seigneur est avec toi »

(Luc 1,28)

Pierre est l’homme de cœur. Il n’est pas le plus intelligent des apôtres et pourtant c’est

lui que Iéshoua choisit pour Le représenter. Ce n’est pas un hasard. Pierre est celui qui

questionne, qui demande. Il se trompe parfois, il ne pose pas toujours les bonnes questions, il

est impulsif. Mais son cœur est toujours attaché à celui de son Maître. Il parle avec son cœur.

Son bon cœur ne fait aucun doute. Pierre est faible au moment difficile mais jamais mauvais.

Il a beaucoup à nous enseigner sur le pardon à soi-même. Avec Pierre je peux apprendre à ne

jamais me décourager, à pardonner et à me pardonner à moi-même soixante-dix-sept fois sept

fois. Il m’apprend à me relever.

Pierre prie comme les juifs et avec le peuple juif, même après le départ de Iéshoua50

. Il

prie avec les autres. Il aime l’unité. Il préfèrerait que les nouveaux chrétiens soient d’abord

juifs mais, pour l’unité, il accepte de changer d’avis. Il écrit peu, pas autant que Paul et Jean.

Il prie avec force. Il expulse les mauvais esprits au nom de Iéshoua. Il donne, il marche, il

avance. Il se bat pour Celui qu’il a choisi de suivre. Il va jusqu’au bout. Il nous demande

d’écouter dans notre cœur, celui de Iéshoua.

A) Le judaïsme éclairant le christianisme

La prière à la synagogue

« A la différence du Temple, défini par le lieu et par le caractère sacré, la synagogue

est caractérisée par la communauté : celle-ci lui donne sens et substance. Partout où un

groupe de personnes se réunissent avec l’intention de prier et d’écouter ou d’étudier la

Torah, il y a « synagogue », quels qu’en soient le lieu et les dimensions. (…) Toute personne,

indépendamment de sa fonction et de sa classe sociale, a le droit d’animer la prière,

d’entonner un chant, de lire la Torah ou de prendre la parole, à condition d’avoir un

minimum d’âge (12/13 ans) et la capacité de la faire. »51

La synagogue est un lieu de prière et de vie parce qu'on y passe beaucoup de temps à

prier et à étudier. Le Shabat commence par la prière du vendredi à la tombée de la nuit. Le

samedi, les prières durent toute la matinée et reprennent dans l'après-midi jusqu'à la tombée

de la nuit et même souvent plus tard. La prière est un vrai travail qui demande du rythme et

des forces. Aussi, quand un non-juif (un goy) participe aux prières juives, il lui semble que

tout est désordonné et bruyant. C'est parce qu'il y a divers moments très différents : des

moments de prière collective à voix haute, des moments de prière individuelle à voix basse,

des moments de lecture, des moments guidés par le rabbin, d'autres guidés par un homme de

la communauté (à partir de treize ans). Et, comme c'est long, il faut se reposer. La prière peut

donc être interrompue par un repas pris ensemble avant de retourner prier.

50Actes 3,1 51

La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante

37

Théologie juive et théologie chrétienne

« Nostra Aetate52

oblige à penser de nouveau toute la théologie. Penser de nouveau

toute la théologie ne peut signifier qu’une chose : redécouvrir les catégories juives ; ces

catégories à l’intérieur desquelles l’expérience chrétienne est née, et au moyen desquelles elle

a formulé ses thèmes et s’est transmise. Jésus, comme l’a écrit L. Swidler, « fut un rabbi et

non un père, un maître et non un révérend ; il fut un juif et non un chrétien ; il fréquenta la

synagogue et non une église ; il célébra le shabbat et non le dimanche ; il pria en araméen et

non en grec ou en latin ; il lut l’Ancien Testament et non le Nouveau ; il récita les psaumes et

non le rosaire ; il célébra Pesah (la Pâque juive), Shavuot (la Pentecôte juive), et Sukkot (les

Tentes) et nonla Noël ou le carême… » (…) Réaffirmer l’importance des origines ne signifie

point renier le présent en devenant des nostalgiques (…) En réalité l’amour des origines est

amour du présent : pour un présent rempli de qualité et de sens. »53

« Le langage religieux du judaïsme ne naît pas de l’instance de la raison spéculative,

mais de la passion et de la pression d’une expérience de vie, marquée par la présence et la

parole de Dieu. Voilà pourquoi le judaïsme est dépourvu, à proprement parler, d’une

théologie –c’est-à-dire d’une réflexion systématique et articulée sur Dieu (…) De là découle

l’importance première et fondatrice du moment liturgique, entendu comme le lieu symbolique

et immédiat de la rencontre avec Dieu. Le lieu où l’on ne parle pas de Dieu, mais où l’on

parle à Dieu ; dans lequel on ne pense pas à Dieu, mais où l’on pense en face de Dieu ; dans

lequel Dieu n’est pas objet de réflexion, mais sujet qui interpelle. »54

La Pentecôte

« La Pentecôte est par excellence la fête des prémices, alors que la fête des azymes –à

Pâque- n’en n’est guère que la préparation : en réalité ces deux fêtes encadrent la période

des moissons. Le lien entre Pâque et Pentecôte se rencontre dans l’étymologie même de cette

dernière fête : Pentecôte signifie, en effet, cinquantième (jour sous-entendu), à compter de

Pâque, prise comme premier jour. La remarque est valable aussi pour le nom hébreu

shavouot, qui veut dire « semaines » : soit la fête qui se célèbre sept semaines après le jour de

pesah (Pâque). (…)

Fête des prémices et de la Torah, la Pentecôte est encore connue sous le nom de

aseret, à savoir « clôture », suivant la teneur du mot hébreu. Pourquoi ce nom ? Il y a deux

raison : 1. au niveau agricole, la fête de shavouot conclut le cycle de l’offrande et des

prémices, qui a commencé avec la moisson de l’orge et la fête des massot ; 2. au niveau

historique surtout, elle conclut le sens de la Pâque, dont l’accomplissement se réalise par le

don de la Torah. (…)

Le don de la Torah n’est pas, en réalité, un moment postérieur à la libération

d’Egypte, comme si Dieu d’abord faisait sortir Israël, et ensuite lui offrait la Torah. Pas du

tout ! Ce don est la raison profonde qui L’a poussé à agir : Dieu fait sortir Israël de l’Egypte

pour lui faire don de la Torah ! L’Exode d’Egypte n’est pas une fin en soi : il est tout orienté

vers le Sinaï. Là, Israël passe de la dépendance sous Pharaon à l’obéissance en présence de

Dieu ; du vivre pour soi, qui est esclavage, au vivre selon Dieu, qui est liberté ; bref, de la

servitude au service.

52 Nostra Aetate, Déclaration du Concile Vatican II (1962-65) dont le paragraphe 4 concerne les relations avec le

judaïsme. 53 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante 54 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante

38

Fête des prémices et de la Torah, la Pentecôte célèbre par conséquent un événement

double : celui de la fécondité de la terre et de l’obéissance de l’homme. Il le célèbre comme

deux événements, non pas séparés, mais bien en corrélation d’interdépendance : la terre est

féconde à condition que l’homme y vive et œuvre avec elle selon la justice, c’est-à-dire selon

l’Alliance. Cœur juste et fruits abondants : ce sont là les deux pôles nécessaires et

irremplaçables ! De leur rencontre seule fleurit la joie de la fête ; de leur mariage naît le

chant de l’Eden ! »55

"La lecture des Actes des Apôtres raconte comment, le jour de la Pentecôte, l'Esprit

Saint, sous les signes d'un vent puissant et du feu, fait irruption dans la communauté des

disciples de Jésus, en prière, et donne ainsi origine à l'Eglise. Pour Israël, la Pentecôte, de

fête des moissons, était devenue la fête qui faisait mémoire de l'établissement de l'alliance au

Sinaï. Dieu avait montré sa présence au peuple à travers le vent et le feu et il lui avait ensuite

fait don de sa loi, des dix Commandements. Ce n'est qu'ainsi que l'œuvre de libération,

commencée avec l'Exode de l'Egypte, s'était pleinement accomplie : la liberté humaine est

toujours une liberté partagée, un ensemble de libertés.

Une liberté commune ne peut régner que dans une harmonie ordonnée des libertés,

qui ouvre à chacun son propre domaine. C'est pourquoi le don de la loi sur le Sinaï ne fut pas

une restriction ou une abolition de la liberté, mais le fondement de la véritable liberté. Et,

étant donné qu'une juste organisation humaine ne peut exister que si elle provient de Dieu et

si elle unit les hommes dans la perspective de Dieu, les commandements que Dieu lui-même

donne ne peuvent manquer à une organisation ordonnée des libertés humaines. Ainsi, Israël

est pleinement devenu un peuple précisément à travers l'alliance avec Dieu au Sinaï. La

rencontre avec Dieu au Sinaï pourrait être considérée comme le fondement et la garantie de

son existence comme peuple. Le vent et le feu, qui frappèrent la communauté des disciples du

Christ rassemblés au Cénacle, constituèrent un développement supplémentaire de l'événement

du Sinaï et lui donnèrent une nouvelle envergure."56

« Le commandement d’aimer comme Jésus ne se substitue pas aux commandements.

Cela n’aurait aucun sens. Il n’y a qu’une seule Loi sainte. La Loi, c’est la révélation des

commandements de Dieu. La nouveauté est dans l’acte de Dieu qui envoie à Israël son fils

obéissant. Lorsqu’à la Pentecôte l’Esprit sera répandu sur ceux qui deviennent les frères et

les sœurs du Christ, alors s’accomplit ce que les prophètes ont promis. Ainsi, Dieu crée un

peuple dont le cœur est né de l’Esprit et qui, dans l’Esprit, accomplira parfaitement les

commandements de sainteté. »57

B) La prière à l’église

« La prière est la foi en acte. Et ce n’est que dans l’expérience de la vie avec Dieu

qu’apparaît aussi l’évidence de son existence. C’est pour cette raison que sont si importantes

les écoles de prière, les communautés de prière. Il y a complémentarité entre la prière

personnelle (« dans sa propre chambre », seul devant les yeux de Dieu), la prière commune

« para-litugique » (« religiosité populaire ») et la prière liturgique. Oui, la liturgie est avant

tout prière (…) »58

55 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante 56 Extrait de l'homélie prononcée par le pape lors de la messe de la Pentecôte. ROME, Lundi 16 mai 2005 57 Jean-Marie Lustiger, La promesse, 1. Jésus et la Loi, Le plus grand commandement. 58 Josef Ratzinger, Liturgie et mission, La nouvelle Evangélisation, conférence à Rome du 10 décembre 2000

39

La paroisse est une communauté de prière, une famille ouverte et solidaire : quand on

parle de pauvreté, on devrait inclure la pauvreté affective, autrement dit le manque de liens

amicaux. La paroisse devrait non seulement être un lieu de ressourcement spirituel mais aussi

un lieu d'amitié. Et, malgré son identité chrétienne, la paroisse ne devrait pas être réservée aux

chrétiens, sauf bien sûr le moment et le lieu destinés à la prière.

L’église est une maison de prière

Un lieu ouvert.

Un lieu pour prier ensemble chaque jour.

Un lieu pour apprendre à prier et pour étudier ensemble.

Un lieu pour se rencontrer.

Un lieu pour une communauté familiale spirituelle unie : la paroisse.

“Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis”59

Les églises sont des espaces souvent inutilisés alors qu'elles pourraient être des lieux

de chaleur spirituelle et humaine. L’église est un lieu pour la prière quotidienne, pour la

rencontre avec le Seigneur et ceux qui Le cherchent. L’église pourrait être une maison de

prière toujours ouverte avec deux parties, une silencieuse ou réservée à la prière, et une

réservée à l’étude et aux rencontres.

L’église, pour nous chrétiens, est théoriquement un lieu de rencontre ; mais nous ne

fréquentons pas beaucoup nos églises. Et à l’église, soit on s’ignore comme on s’ignore dans

une salle de cinéma, soit on échange de la même façon qu’en faisant ses courses ou dans un

café : on parle « de la pluie et du beau temps » sans tenir compte du fait qu’on se trouve dans

un lieu de prière.

« Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la

fraction du pain et aux prières. (…) Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et

mettaient tout en commun. (...) Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du

peuple tout entier. »60

Prier chaque jour

La communauté chrétienne de Taizé a compris que la prière est un rythme quotidien

pour tous. Un chrétien qui se dit chrétien prie au moins une fois par jour. C'est le minimum

vital. On devrait prier trois fois par jour selon l'appétit de chacun.

Taizé est un bon modèle. La première prière est celle du soir, c'est le début de la

journée du chrétien, comme du juif61

. C'est l'occasion de regarder en arrière, ce qui s'est passé

durant le jour, de remercier et de demander pardon avant de commencer la nuit.

Horaire des prières quotidiennes à Taizé :

En semaine :

8.30 Prière du matin

12.20 Prière de midi

20.30 Prière du soir

Vendredi soir :

20.30 Prière du soir suivie de la prière autour de la croix

Samedi soir :

20.30 Prière du soir suivie de la liturgie de la lumière pascale

Dimanche :

59 Psaume 133 60 Actes 2,42-47 61 Lire l'explication du Frère Roger sur la Liturgie de Taizé, écrite en 1971.

40

10.00 Eucharistie

20.30 Prière du soir

Groupes de prière

Un groupe de prière ne peut pas se faire seul. Il faut que plusieurs paroissiens en aient

le désir et que le curé de la paroisse, même s’il n’y participe pas à chaque fois, soit le soutien

et l’autorité de ce groupe.

Le rythme des rencontres peut être hebdomadaire, par exemple chaque jeudi soir de

20h à 21h. Il ne s’agit pas de faire long mais d’être fidèle à cette réunion autour du Christ et

avec Lui. Le lieu peut être le presbytère ou l’église.

Il est bon que deux ou trois personnes prennent la responsabilité de guider à tour de

rôle la prière, de donner le rythme. Au début il n’est pas nécessaire d’être nombreux et il ne

faut pas faire d’autre publicité que le bouche à oreille, le temps que le noyau du groupe se

consolide.

La prière du jeudi soir, en souvenir de la prière de Jésus le soir du Jeudi Saint, devrait

être recueillie, calme. On peut avoir des moments distincts à l’intérieur de cette petite heure :

- Au début, une dizaine de chapelet pour entrer dans le calme (au lieu de réciter tous

ensemble rapidement et bruyamment le chapelet, on peut chacun à son tour dire à haute voix

un « Je vous salue Marie ») ;

- puis, un moment de prière spontanée pour remercier Dieu pour notre journée et lui

demander pardon, pour nous-même ou pour le mal que nous voyons dans le monde ;

- puis, une lecture : soit la Parole du jour, soit un passage choisi dans la Bible ;

- un moment de silence, d’adoration ;

- puis, un deuxième moment de prière spontanée pour exprimer nos demandes à Dieu

et aussi notre louange ;

- pour terminer, soit la lecture d’un psaume soit, comme au début, une partie du

chapelet avec un « Je vous salue Marie » récité par chacun.

C) Eucharistie et prière

« Moi et le Père, nous sommes un. »62

Eucharistie

La « Tente de la rencontre » abrite la présence réelle du Seigneur.

(Exode 33,7)

Le judaïsme permet au christianisme d’entrer plus profondément dans le mystère de

l’Eucharistie en lui donnant plus de précisions sur son contexte, sur la manière dont Iéshoua

l’a vécue.

« Le seder de Pâque. Il s’agit du plus suggestif, du plus joyeux et du plus inoubliable

de tous les rites familiaux du judaïsme. On y célèbre l’événement fondamental de l’histoire et

de la spiritualité juives, la fin de l’esclavage et le commencement de la liberté. Il consiste

dans la participation à un repas symbolique (avant le repas proprement dit), dont chaque

élément rappelle un aspect de la nuit où Dieu, « d’une main forte » et « d’un bras puissant »,

fit sortir son peuple de l’Egypte et l’introduisit dans la terre promise. Les herbes amères

rappellent les souffrances des anciens pères sous la domination de leurs maîtres égyptiens ;

la portion d’agneau rôti, le sacrifice de l’agneau pascal, qui contraignit l’ange de la mort,

62 Jean 10,50

41

devant la porte des juifs, à « passer outre » ; le harosset, compote de pommes et de noix, la

joie et la douceur de la liberté ; etc. (…)

La célébration de cette liberté advient à travers le langage symbolique de la fête du

printemps, relue et interprétée à la lumière de l’histoire, et complétée par des éléments

nouveaux. Les peuples anciens célébraient en cette fête le retour de la vie à la riche beauté

des formes et des couleurs, après le froid silence de l’hiver. Un tel passage, perçu et vécu

comme passage de la mort à la vie, s’exprimait par une variété de symboles, notamment les

azymes et l’agneau. Le pain azyme, pain sans levain, traduit métaphoriquement ce que le

printemps réalise naturellement : la fin de l’ancien, porteur de mort, et le commencement du

nouveau, porteur de vie. Il faut dire la même chose du petit agneau le premier-né du

troupeau, dont la naissance constituait la réapparition de la vie, un triomphe sur la mort.»63

« C’est Moi le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir d’Egypte, de la maison de

servitude. »64

« Chaque individu doit se considérer lui-même comme s’il était sorti d’Egypte. »65

Iéshoua, le soir du Jeudi Saint, comme tous les juifs, célébrait le repas du « Seder

pascal » pendant la semaine de Pâque. Comme tous les juifs aujourd’hui encore, il se

souvenait de la libération d’Egypte. Avec ses amis, et peut-être aussi sa mère, il se

remémorait, cette nuit où les hébreux, préparant leur départ au désert avaient mangé le pain

non levé (azyme) et sacrifié l’agneau. Ils avaient mis du sang sur le devant de leur maison

pour que l’ange de la mort ne tue pas leurs premiers nés. La même nuit, guidés par Moïse, le

peuple hébreu était parti dans le désert, vers la terre promise.66

C’est au cours de ce repas de Pâque (« Pessar » en hébreu67

) que Iéshoua a ajouté (ou

changé) des mots au rituel traditionnel. Il a dit en parlant du pain et du vin : « c’est mon corps

et mon sang ». Il a donc modifié (complété) le sens de la pâque juive en disant « Le Seigneur

notre libérateur, c’est Moi ».68

Il a révélé son visage. Et, comme le Seigneur deux mille ans

auparavant, il a demandé à ses amis (son peuple) de ne jamais oublier qu’il les a libérés :

« faites cela en mémoire de moi ».

Chaque fois que l’on célèbre l’Eucharistie, le prêtre rend Iéshoua présent dans du pain

et du vin en rappelant qu’Il est Celui qui nous sauve. Par Son sacrifice Il nous délivre du mal

et de la mort ; Il nous ressuscite et nous emmène dans la Vie ; nous attendons aujourd’hui Sa

venue, la venue de Celui qui est Le Vivant חי (Raï).

Messe et prière

Le déroulement de la messe (la liturgie) permet (ou devrait permettre) à la fois de Le

rencontrer et de se rencontrer. Par la messe, nous participons à la fois à la souffrance et à la

joie de Iéshoua.

« Dans son Epître aux Philippiens, Paul, alors en prison dans l’attente de son procès,

évoque l’éventualité de son martyre et il emploie ici, curieusement un langage liturgique :

« Si mon sang même doit se répandre en libation sur la sacrifice et l’oblation de votre foi,

j’en suis heureux… ». La mort martyriale de l’apôtre a un caractère liturgique : c’est une

63

La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante 64 Deutéronome, 6,6 65 Recommandations liées au repas du Seder pascal 66 Exode, chapitre 13 67 Pessah : Fête de la Pâque juive ; le sens littéral, « action de passer » 68 « le Christ est l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous – la concrétisation du « Je suis », la réponse au déisme. (Josef

Ratzinger, Liturgie et mission, La nouvelle Evangélisation, conférence à Rome le 10 décembre 2000)

42

libation de la vie, une offrande sacrificielle ; c’est accepter que sa vie soit déversée pour les

autres. En cela s’accomplit une union avec le don de Soi que fit Jésus, avec Son grand acte

d’amour qui, en tant que tel, est la véritable adoration de Dieu. Le martyre de l’Apôtre est la

participation au mystère de la Croix du Christ et à sa dignité théologique ; il devient une

liturgie vécue, qui est reconnue comme telle dans la foi et est elle-même ministère de la foi.

Dans la mesure où il s’agit d’une véritable liturgie, elle agit aussi ce vers quoi tend toute

théologie : la joie, cette joie qui ne peut naître que du contact entre l’homme et Dieu, du

dépassement de l’existence terrestre. »69

Comment faire pour que la messe soit vraiment un moment de prière ?

Il faut que le dimanche soit « le jour du Seigneur » ou au moins que toute la matinée

lui soit consacrée, avec la messe au centre. L’idéal serait de commencer le samedi soir pour

terminer le dimanche après-midi.

« Le jour de repos est consacré à la joie en Dieu, à l’offrande de sacrifices, à

l’éducation du peuple, à la prédication des docteurs. Il est obligatoirement chômé (…) »70

Des idées pour que la messe soit prière :

Pour être plus proche de la réalité de la Cène, on devrait prendre du pain azyme (au

lieu d’hosties) même si cela fait des miettes, et du vin rouge (au lieu du vin blanc) même si

cela tâche.

Et puis, il serait bon, au moment de la consécration et pendant toute la prière

eucharistique, de se mettre autour de l’autel aux côtés du prêtre.

Pour mieux adorer Celui qui vient parmi nous se faire pain et vin, on pourrait, juste

après la consécration, rester un moment en silence.

- différent moments, différent mouvements :

1. Au début de la messe on reste comme d’habitude face au célébrant jusqu’à la fin de

l’écoute des lectures.

2. Puis, au moment du commentaire des lectures du jour, on se rapproche du prêtre

pour mieux l’entendre et surtout pour échanger. C’est un moment de partage où le prêtre

dirige la réflexion en se laissant interrompre sauf si la question fait perdre le fil du sujet. On

peut donc, si l’on n’est pas trop nombreux, se mettre en cercle autour du prêtre ou s’asseoir

près de lui qui se place au milieu de l’église, parmi les gens.

3. Après, au moment de l’Eucharistie, tous ceux qui le peuvent, en commençant par les

plus jeunes, pourraient se placer tout près du prêtre autour de l’autel. La prière eucharistique

pourrait de temps en temps être exprimée en langue courante pour que chacun y soit attentif.

Et, au moment des expressions d’intentions, chacun pourrait effectivement s’exprimer, confier

ses –des- intentions à Dieu et à l’Eglise : à l’église (à la paroisse).

4. Enfin, à la fin de la messe, il n’y a pas une fin bruyante où l’on perd le bénéfice de

la paix intérieure en retournant brutalement à nos conversations quotidiennes. Chacun est

encouragé à rester dans l’église une demi heure de plus (c’est une sorte de « digestion ») avec

des chants mélodieux et paisibles, puis en silence.

69 Cardinal Josef Ratzinger, Liturgie et Mission,Eucharistie et Mission, III : L’Eucharistie réalisée : martyre,

vie chrétienne et ministère apostolique, Conférence du 28/9/1997 70 André Chouraqui, La vie quotidienne des hébreux au temps de la Bible.

43

Et après on se retrouve tous à l’écart de l’église (pour qu’elle reste réservée à la prière

calme) pour manger ensemble ou prendre l’apéritif avant de retourner chacun chez soi.

- L’organisation matérielle de l’église devrait favoriser une ambiance de prière :

Pour les enfants et les jeunes, le devant ou le centre leur est réservé, avec un grand

tapis pour s’asseoir ou se mettre à genoux sur le sol et éventuellement des petits tabourets. Les

jeunes sont autour de l’autel et le plus près possible du prêtre (avec lui). Les bancs sont

destinés uniquement aux personnes âgées. Une atmosphère chaleureuse et conviviale nous

rapproche les uns des autres et donc du Seigneur.

La prière implique une attitude, une participation du corps. Le lieu importe beaucoup.

Si les décorations sont trop chargées ou désordonnées, il est plus difficile de se concentrer.

Les bougies aident à trouver le calme et la paix, mieux que les lumières des néons. Le bruit

des pas sur un tapis est plus discret que des talons sur le carrelage. Dans la prière, on devrait

être installés d’une façon à la fois respectueuse et confortable, mais pas trop confortable pour

ne pas s’assoupir. Et dans une longue prière il y a différentes phases, plus ou moins sacrées.

On change donc de position, d’attitude en fonction du moment de la prière. A la messe, il

devrait y avoir une ambiance de prière. La messe est une vraie prière.

- Avant la messe du dimanche, étudier, échanger, prier ensemble. Et, pourquoi ne pas inviter

d’autres chrétiens non catholiques…

- Après la messe, se rencontrer, ouvrir l'église à ceux qui ne sont pas allés à la messe :

chrétiens non catholiques, croyants d'autres religions et non croyants.

- Pendant la messe, participer :

Lorsqu'il y a des enfants ou des jeunes à la messe, celle-ci devrait s’adresser en priorité

à eux. La messe n’est pas un spectacle attractif auquel on assiste, c’est une prière à laquelle on

participe. Le prêtre coordonne, préside, mais n’est pas le seul acteur. Le langage et le rythme

devraient donc être ceux d’une prière. Soit on écoute quelque chose qu’on comprend, soit, si

on ne comprend pas, on écoute la mélodie des paroles (chantées).

« « L’art de célébrer, c’est en réalité savoir prier. L’art de célébrer, donc, privilégie

le silence, la contemplation, le sens de la stupeur devant le mystère que nous célébrons »

(cardinal Francis Arinze)

A l’invitation de Jean-Paul II de favoriser chez les chrétiens « l’art de la prière », le

cardinal répond : « Oui, parce que la prière personnelle est alimentée par la prière

eucharistique, et ainsi de la prière de la communauté. Alors, nous devons être tous attentifs

aux moments de silence durant les célébrations, spécialement durent la Sainte Messe. Dans ce

sens, la méditation avant la messe, après la communion, et après la messe est très

importante».71

71 CITE DU VATICAN, Mardi 8 mars 2005, www.zenit.org

44

4) Iéshoua à la maison,

avec Joseph et Miryam.

« Le premier lieu de la Liturgie juive, c’est la maison : elle a valeur de « sanctuaire ».

(…) Dans le « sanctuaire de la famille se déroulent trois célébrations principales : la

première, quotidienne, est liée au repas ; la deuxième, hebdomadaire, est liée au shabbat ; la

troisième, annuelle, est liée à la fête de pesah. »72

A) La prière de Joseph

« En cette fin de siècle où notre civilisation occidentale vit une crise de paternité qui

ébranle jusqu'aux fondements mêmes de notre société, au moment où les psychologues,

sociologues,… cherchent de nouveaux modèles du père, peut-être ferions nous bien de

tourner nos regards et nos cœurs vers celui qui incarna, au cœur du monde, cette paternité

divine "de qui toute paternité tient son nom au ciel et sur la terre" (Ephésiens 3,15)." » 73

Joseph (ou Iosef en hébreu) prie en silence, seul quand il croit devenir fou : la fille

avec qui il va se marier est enceinte. Un ange vient de lui dire en rêve que l’enfant conçu au

dedans de sa fiancée vient de l’Éternel. Joseph est un homme concret, un charpentier qui a le

bon goût d’avoir choisi Miryam comme fiancée. Cet ange qui lui dit de ne pas s’inquiéter le

prend pour un idiot ou Joseph va la devenir… Est-il sans intelligence, naïf ? Mais il croit ce

qu’il entend dans son rêve. Il prie. Il aime depuis toujours son Père le Seigneur. Cependant, se

marier avec une femme enceinte de Dieu, c’est original !

Joseph accepte. Il garde pour lui son secret. Miryam n’a pas besoin de lui expliquer. Il

croit. Il prie avec elle, et tous les deux se font confiance. Ils font confiance à la folie de Dieu.

Le Seigneur vient naître dans une femme, la femme de Joseph. Iéshoua vient s’installer dans

la vie du paisible Joseph.

Joseph dit d’accord à tout. L’Amour est folie parfois. Et même souvent. Si l’Amour

n’est pas fou, ce n’est pas vraiment de l’Amour. Joseph part dans le projet de Dieu. Il marche

dans l’histoire. Il prie avec Miryam, puis plus tard avec Iéshoua aussi. Il comprend vite, sans

chercher à tout comprendre. Il comprend en faisant.

Joseph était le père de la Sainte famille et avait la responsabilité de protéger Miryam et

Iéshoua. C’est lui qui dirigeait la prière familiale. Pour les juifs, les pères de famille sont

comme des rabbins de famille, ils ont une charge sacrée, par exemple pour la célébration du

repas du Sahbbat. D’ailleurs pour les juifs tous les hommes sont prêtres autant que le rabbin

qui est le pasteur d’une communauté.

Joseph aime en vivant, sa vie est prière. Il prie dans (par) l’action, dans le mouvement,

dans ses mains qui travaillent la terre, le fer et le bois. Ce qu’il fait lui explique. Ce qu’il fait

prie. Joseph a une façon particulière de prier. Il prie sans arrêter ses activités.

Bien sûr il sait aussi s’arrêter, jouer avec son enfant et prendre son épouse dans ses

bras. Il sait ranger ses outils le vendredi après-midi avant le début du Shabat. Il sait prendre le

temps de manger, apprécier ce que Miryam lui a préparé et parfois faire à manger avec elle.

Tout ce qu’il fait est harmonie. Tous ses gestes sont précis, délicats et pleins d’Amour. Il est

physiquement prière. Son corps est « Temple du Seigneur »74

. Sa respiration, son regard et sa

72 La prière juive. Aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine di Sante 73 Père Joseph-Marie Verlinde, Que savons-nous de saint Joseph, http://www.fsjinfo.com/stjoseph 74 Corinthiens 3,16

45

façon d’écouter les gens qui passent à la maison, tout chez Joseph reflète la beauté du

Seigneur.

Temps

Joseph ne court pas et ne dort pas, il marche. Il a trouvé sur la terre le repos éternel

dans un rythme mélodieux, harmonieux. Sa musique intérieure provient du Seigneur et

s’exprime dans tous les détails sa vie. Tout ce que Joseph fait est prière, expression du

Seigneur, Amour, compassion et délicatesse.

Je ne peux pas aimer rapidement. Sinon j’aime globalement sans aimer les détails, les

petites choses, les petits enfants. Je ne peux pas parler avec un ami et écouter sa peine si je

suis pressé. On ne peut pas s’aimer dans la vitesse. L’Amour est lenteur, l’Amour comme la

prière est mouvement immobile, une immobilité en mouvement75

. Je suis passif, attentif,

constant, accueillant pour l’Amour qui est actif, vie. L’Amour est mon invité imprévu, comme

le vent, l’Amour vient et s’en va. Je ne sais pas où il va, je ne sais pas d’où il vient. Comme

un chasseur immobile toute la nuit dans un arbre surveille le passage du gibier, ainsi je prie.

Ma prière, c’est l’eau de ma plante sacrée, c’est la vie de mon âme. Mon âme est

directement reliée à mon cœur, à mon esprit et à mon corps. Et par mon corps, mon âme est

reliée à la terre, au rythme de la terre. Comme une plante, Iéshoua pousse dans la terre de mon

cœur, lentement. Comme un fleur quand elle sort de terre, Dieu en moi est d’abord très

fragile, puis se fortifie en grandissant. Mais le Seigneur dans mon cœur n’est jamais qu’une

fleur fragile. Mon âme est délicate, elle pousse doucement, elle a besoin d’attention, d’eau et

de temps.

Joseph aime et prie avec ses mains qui travaillent le bois, avec son regard et son

écoute. Joseph prie continuellement, tranquillement, avec tout son corps, tout son être. Il aime

le Seigneur de toute son âme, de tout son cœur, de tout son esprit et de toute sa force.

Joseph vit, aime et prie au rythme de la terre.

On ne peut pas aimer vite. On ne peut pas écouter un ami en pensant à notre prochain

rendez-vous. Dans beaucoup de pays et cultures, la fête d’un mariage dure une semaine.

Donner une pièce à un clochard sans prendre le temps de le regarder, ce n’est pas faire un

geste d’amour ; c’est faire un geste de charité dans le mauvais sens du terme : se débarrasser

de notre mauvaise conscience et donner ce dont on n’a pas besoin. Vitesse et amour sont

incompatibles. Pourquoi regarder sa montre en priant ? Chez les chrétiens orthodoxes, comme

chez les juifs, on chante le dimanche ou le samedi matin longtemps, chacun pour soi d’abord,

puis de plus en plus en harmonie. Il y a un moment central où tout le monde doit être

synchronisé mais avant et après ce moment plus important, il n’y a pas vraiment de début et

pas vraiment de fin. La prière n’est pas limitée dans le temps. Nous sommes victimes de nos

technologies et de notre modernité matérielle, nous sommes devenus prisonniers du temps et

l’Amour n’a pas de place pour respirer, grandir et nous rendre heureux. C’est pour cela que

nous devons, pour aimer, nous libérer peu à peu de tout ce qui empêche l’Amour de

s’exprimer. Nous devons chercher ce qui nous prend (vole) trop de temps et l’éliminer.

Terre

Joseph aime le Seigneur en aimant la terre, la réalité simple de la vie, du travail, de

l’amour, de l’amitié, de la famille, de l’art, de la beauté, de la nourriture. Joseph aime la terre,

la tradition, les anciens et les enfants. Joseph s’enivre d’air, d’eau, de bois, de plantes, de

fruits, d’étoiles et de soleil. Il n’aime pas tellement le monde que s’inventent les hommes. Il

75 « demeurez dans mon amour » (Jean 15, 9)

46

préfère ce qui dure, ce qui a toujours été et sera toujours, dans son pays et partout ailleurs. Il

aime toucher la terre, la sentir, la connaître.

La terre est la Terre Mère, la Création de Dieu. Elle est sacrée, nous sommes faits

d’elle. C’est Elle qui nous apporte le bonheur solide de marcher au soleil, de nous baigner

dans la mer et de nous coucher sur le sable. La Terre nous offre le bonheur authentique, le

bonheur pur. Joseph a un lien, un contact, une relation avec le Seigneur אדני par Sa terre.

La terre est bonne. La nature est vivante. La terre, la nature, l’origine de la vie sont

harmonie. Les humains troublent cette harmonie. La terre est vivante, elle est invisible

harmonie même si on la pollue, même si on est injuste et violent avec elle. Elle est naturelle,

logique, elle se venge. Ou plutôt elle cherche à rétablir l’équilibre. L’eau que nous buvons est

polluée, les animaux que nous mangeons nous apportent des maladies, les terres que nous ne

cultivons pas deviennent des déserts, l’air que nous respirons en ville nous fait pleurer, les

enfants qui ne connaissent pas leur terre deviennent tristes. Nous nous suicidons lentement en

maltraitant notre terre. Nous avons tellement besoin d’elle, elle est notre vie et même plus :

notre vie intérieure dépend de notre relation avec la terre. Sans lien avec la terre notre vie

spirituelle devient superficielle, sans cœur, fade. Sans contact avec la terre, notre âme

s’épuise, agonise, meurt.

Aimer le Seigneur ce n’est pas seulement lever les yeux au ciel. En regardant

seulement vers le haut j’oublie de regarder les fourmis sous mes pieds, les petites fleurs que

j’écrase et les yeux du mendiant. En gardant les yeux dans mes livre, mon nez ne sent plus

l’odeur du printemps, mes joues ne sentent plus le vent du matin, mes oreilles n’entendent

plus les oiseaux dans les arbres devant ma fenêtre. Quand je m’éloigne de la terre je deviens

insensible au ciel, au Ciel du Seigneur. Si je n’utilise pas mes mains pour planter des clous et

laver ma maison, je ne peux pas comprendre Iéshoua. Si je n’écoute pas l’enfant qui me sort

de ma lecture, je ne peux pas entendre le Seigneur. Si je passe des heures à prier et que je ne

communique pas avec mes amis et ma famille, je n’aime pas ce que le Seigneur m’a donné, je

n’aime pas le Seigneur. Si je ne cherche pas du bonheur dans mon présent ordinaire je ne

peux pas embrasser Dieu.

Joseph m’aide à trouver Dieu par mon cœur dans l’amour de la terre et à ne pas tomber

dans le ciel vide de mon esprit superficiel.

Une vie spirituelle qui n’est que spirituelle (dans le sens restreint du terme), c’est-à-

dire qui n’est que cérébrale, intellectuelle, théorique, égocentrique (donc égoïste) est éteinte.

Une vie de relation avec Dieu qui n’est pas amour de la vie, mais seulement fuite de la vie,

n’est pas une vraie relation avec Lui car Il est la Vie : pas seulement la vie éternelle, la vie

mortelle, mais terrestre aussi. Il est Vie, donc faire, et pas seulement penser et dire. Faire c’est

être. Faire ce qui est Amour ce n’est pas faire des choses extraordinaires, c’est écouter l’autre,

prendre le temps de faire son travail, s’appliquer à bien effectuer chaque petite activité du

quotidien. La vérité est simple : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole

de Dieu et qui la mettent en pratique. »76

Modèle et guide

Joseph est notre meilleur guide spirituel, notre modèle de vie de prière. Il a été le père

spirituel de Iéshoua ישוע et l’homme juste. Miryam est parfaite, mais c’est différent parce

qu’elle est née pure. Iéshoua ישוע est Le Parfait mais c’est différent parce qu’il est Dieu יהוה

naeJ .וניבא-Baptiste est aussi un homme très proche du Seigneur. Mais, comme Iéshoua, il est

difficile à imiter. Il est célibataire, il habite dans le désert comme un ermite isolé avec ses

compagnons. Joseph est donc notre guide le plus accessible et apparemment le plus simple

76 Luc 8,21

47

pour nous conduire avec Miryam jusqu’au Seigneur. Il est le père adoptif de Iéshoua. Il n’est

pas le Père ! Il est notre père adoptif qui nous dévoile le visage du Père.

Joseph, comme tu l’as été pour Iéshoua, sois notre père spirituel.

Pauvreté

« Jésus a dit au début de sa vie publique : Je suis venu pour évangéliser les pauvres

(Luc 4,18) ; ce qui signifie : J’ai la réponse à votre question fondamentale ; je vous montre le

chemin de la vie, le chemin du bonheur –mieux : je suis ce chemin. La pauvreté la plus

profonde est l’incapacité d’éprouver la joie, le dégoût de la vie, considérée comme absurde et

contradictoire. Cette pauvreté est aujourd’hui très répandue, sous diverses formes, tant dans

les sociétés matériellement riches que dans les pays pauvres. L’incapacité de joie suppose et

produit l’incapacité d’aimer, elle produit l’envie, l’avarice –tous les vices qui dévastent la vie

des individus et du monde. »77

Comment apprendre à prier auprès de Joseph, lui qui dans les Évangiles ne dit pas un

mot ? On sait si peu de lui. Il a été tellement discret et effacé qu’on a oublié son rôle essentiel

dans la vie de Iéshoua. La discrétion et l’humilité sont deux qualités premières chez Joseph

pour nous guider sur le chemin de la prière. L’humilité ou pauvreté ou petitesse est une

condition essentielle pour pouvoir prier le Créateur. Il est grand, et nous les créatures, sommes

petits. Si je ne suis pas petit, pauvre et humble devant le Seigneur, je ne peux pas Le prier.

Il y a des choses qu'on apprend en lisant, d'autres qu'on apprend en priant, d'autres

qu'on apprend par expérience de vie, par le travail, la souffrance, la joie…. Il y a beaucoup de

choses qu'on ne peut apprendre qu'en vivant en relation les uns avec les autres, non pas de

cerveaux à cerveaux mais de cœurs à cœurs. Il y a beaucoup de choses qu'on apprend par

l'émotion, les sentiments, par le cœur et non par l'intelligence. Et il y a des choses qu'on ne

peut apprendre qu'en priant ensemble. Il y a aussi des choses qu'on ne peut apprendre qu'au

contact de la terre. C'est pour cela que ceux qui vivent sans confort savent des choses que

nous qui avons de l'eau chaude, du gaz et de l'électricité, nous ne pouvons pas savoir

(percevoir ou voir). Il y a ce qu'on apprend avec la tête, ce qu'on apprend par l'âme, ce qu'on

apprend avec le cœur : on dit que l'amour véhicule la connaissance.

« Les pauvres ont une conscience du cœur plus éveillée que les riches. »

(Fidélité au Saint-Esprit, Père Thomas Philippe)

« Je suis pauvre », ça ne veut pas dire « je n’ai pas d’argent ». Ça veut dire « je n’ai

que moi, je ne suis que moi-même ». Rien ne m’appartient, ni mes possessions matérielles, ni

mes amitiés, ni mon corps, même pas ma mémoire, même pas ma connaissance et mon

intelligence. Tout cela est volatile, je le laisserai au moment de ma mort et aujourd’hui je me

sens comme au moment de ma mort : nu comme une graine. C’est cela être pauvre. Etre

pauvre c’est manquer d’Amour. C’est être assoiffé d’Amour. On en revient toujours à la

même chose : la soif. Si on se sent comblé, suffisant, riche, on n’a plus besoin d’aimer et

d’être aimé, on ne souffre plus mais c’est pire : on n’aime donc plus. Aimer c’est avoir mal,

saigner d’un manque d’amour. Alors si on est pauvre et heureux de ressentir une soif

d’Amour, cela signifie qu’on a l’Amour au-dedans de soi : qu’on est paradoxalement riche

d’Amour.

« Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux »78

77 Cardinal Josef Ratzinger, Liturgie et mission, La nouvelle Evangélisation, Conférence du 10 décembre 2000,

à Rome 78 Matthieu 5,3

48

Il ne faudrait pas comprendre la pauvreté voulue par Iéshoua comme une recherche de

l’angoisse de la précarité, un bonheur de la paresse ou le plaisir de vivre en parasite. La

pauvreté est simplement un détachement des choses matérielles uniquement dans le but d’être

plus proches du coeur de Iéshoua et des cœurs de ceux qui nous entourent. On peut être

matériellement riche tout en étant détaché. On peut être dans la misère matérielle et très

égoïste, matérialiste, attaché à notre rien. L’apparence est souvent trompeuse. La pauvreté

chrétienne, c’est le bonheur de vivre dans la simplicité, sans manquer de rien et sans rien de

superflu.

Ces observations nous amènent à considérer les conséquences du christianisme sur

notre manière de gérer notre argent. Par exemple, nous ne devrions pas capitaliser inutilement

Nous devrions avoir aussi une manière chrétienne de travailler, d'accepter la précarité qui est

la manière de vivre de la plupart des habitants de la planète. Cette précarité peut être

compensée par la solidarité, comme avant l'existence de la sécurité sociale…

Simplicité et paternité

La solidité de Joseph vient essentiellement de son humilité, c’est-à-dire de la

conscience de sa fragilité. Il est celui qui nous empêche de délirer, de croire qu’aimer Iéshoua

c’est s’envoler, se détacher de la réalité, comme un artiste qui se perd dans son art et ne

parvient plus à communiquer (ou ne veut plus).

Joseph nous préserve des excès de Jean-Baptiste, de Pierre, de Jean, de Marie de

Magdala et même de Iéshoua. La folie de Iéshoua est très sage, elle vient de sa Sagesse

infinie. Jean-Baptiste ne part pas au désert pour fuir les difficultés du monde. Pierre

n’abandonne pas sa femme et son enfant comme un irresponsable. Jean ne suit pas Jean-

Baptiste et Iéshoua à la légère. Marie de Magdala ne tombe pas amoureuse d’un gourou. Je

peux facilement dériver en voulant suivre Iéshoua et ses amis. En suivant Joseph, on est

prudent. La folie de Joseph est pourtant totale, mais c’est une folie subtile. Il est le père

adoptif de Dieu ! Ce n’est pas une petite folie ! (et cette folie peut être aussi la nôtre : nous

Dieu veut habiter notre vie, grandir chez nous)

Joseph s’occupe de sa famille. Rien d’autre apparemment. Il fait marcher sa petite

entreprise, enseigne à son fils le métier. Il est paradoxalement rayonnant et à l’ombre. Comme

Miryam. Ensemble ils ont appris à parler à Iéshoua la langue de leur pays, l’araméen. Et ils

ont enseigné à Iéshoua la langue sacrée, la langue religieuse de leur peuple, l’hébreu. Plus

tard, Iéshoua a appris le grec, la langue de communication de la région. Pour les Juifs, peuple

souvent nomade, le meilleur maître d’école est le père de famille.

Iéshoua lui ressemble. Iéshoua imite les gestes de Joseph. Iéshoua est comme Joseph,

« doux et humble de cœur »79

. On peut imaginer que le visage de Iéshoua ressemble à celui de

Joseph. Joseph est pour Iéshoua enfant le seul père, son vrai père. C’est un peu avant sa Bar-

Mitzva, vers douze ans que Iéshoua dit à Joseph, « j’ai un autre Père qui est mon vrai père ».

C’est douloureux pour Joseph d’élever un enfant qui n’est pas le sien. C’est un peu comme

nous qui faisons grandir Iéshoua au dedans de nous-même, mais Il n’est pas notre propriété, Il

ne vient pas de nous.

Joseph est dans la famille le père, l’image du Père de Iéshoua. Miryam est la mère, la

fécondité, la chaleur féminine et maternelle. Elle est tellement remplie d’Amour que l’on peut

dire qu’elle est physiquement l’Amour. Et Iéshoua est le Fils de l’Amour. Comme Joseph, je

peux adopter Iéshoua. Je peux comme Miryam donner naissance à Iéshoua dans mon cœur.

J’ai beaucoup à apprendre en observant la famille de Iéshoua.

79 Mathieu 11,29

49

B) La prière de Miryam

« Mon âme exalte le Seigneur,

exulte mon esprit en Dieu mon sauveur »80

Marie -ou Miryam מרים en hébreu- prie avec enthousiasme. Elle est amoureuse du

Seigneur. Elle aime tellement prier qu’on pourrait croire qu’elle prie depuis sa naissance ou

même avant. Elle prie comme elle respire. Sa prière est musique de l’âme, mélodie intérieure,

respiration du Seigneur. Elle ne prie donc jamais vraiment : tout ce qu’elle pense, dit et fait est

prière. Elle est prière vivante, reflet du Seigneur. Son cœur est à la fois glacé, insensible à tout

ce qui n’est pas de Lui, et son cœur est incandescent, brûlant du Seigneur, rayonnant,

lumineux de sa beauté.

Les hommes juifs prient trois fois par jour et les femmes deux. Selon la pensée juive,

la femme étant naturellement sensible à Dieu, elle n’a pas besoin de prier autant que l’homme.

Quand son mari prie, il prie pour elle. Miryam est la femme qui n’a pas besoin de prier parce

qu’elle est prière vivante.

Miryam est la fille bien-aimée du Père disait le pape Jean Paul II (l’élue, la choisie, la

préférée, la comblée de Grâce). Elle est la mère de Iéshoua, l’épouse de l’Amour. Elle est

créature centrale en Dieu. Sans elle, Iéshoua ne serait pas homme. Elle est entre nous et Lui

comme une intermédiaire. Elle prie avec nous. Elle peut nous guider dans notre prière comme

elle a guidé Iéshoua dans ses prières d’enfant.

Elle a appris à prier avec ses parents, Joachim et Anna, et dans la communauté de

Nazareth. Elle prie avec les disciples de Iéshoua quand Il est parti. Elle ne commande pas.

Elle est la parfaite maîtresse de prière parce qu’elle sait me faire découvrir les questions et les

réponses que je porte en moi. Elle provoque en mon cœur le surgissement, le jaillissement, la

naissance de la prière. Elle m’enseigne la prière féminine et elle me montre le visage féminin

de Dieu. La prière féminine est pudique, avec peu de mots, mais aucun mot léger, superflu ou

vide. La prière féminine est pure intuition. Le visage féminin de Dieu se dévoile en

fréquentant Miryam. Dans les prières juives, quand on s’adresse à l’Éternel יהוה, on Lui parle

au masculin ou au féminin. Dieu est à la fois masculin et féminin bien qu’on L’invoque le

plus souvent au masculin. Dans la Bible, l’Éternel prend son peuple sur ses genoux et lui parle

avec tendresse, comme une mère est douce avec son enfant.

Miryam est femme ; elle n’est pas faible, fade ou froide. Elle est, forte, belle et pleine

de soleil comme les femmes de son pays. Elle est douce et maternelle, capable aussi de colère.

Elle a les yeux et les cheveux noirs, comme les Méditerranéennes. Elle a du charme, elle plaît.

Un homme est amoureux d’elle et la désire comme épouse. Il l’aime et, comme elle, est aussi

amoureux du Seigneur, le Dieu de leurs pères, de leurs ancêtres. A deux, Joseph et Miryam

prient. Et en priant tout s’éclaircit et devient limpide. Le chemin incroyablement fou qu’ils

parcourent ensemble est paisible dans leur âme malgré les obstacles. Tous les murs tombent

grâce à leur prière de couple, puis de parents.

Ils vont de Nazareth à Bethlehem alors qu’elle va bientôt accoucher. Ils s’enfuient

dans le désert d’Égypte et y restent pendant la petite enfance de Iéshoua. Ils prient en voyage,

vagabonds et fugitifs. Ils prient en famille. Miryam prie avec Iéshoua qui agonise sur la croix.

Elle prie avec Jean quelque part autour de la mer Méditerranée. Elle prie avec nous

aujourd’hui dans n’importe quelle situation. Elle est notre compagne de prière.

80 Luc 1.46

50

« Je te salue, comblée de grâce »

« Réjouis-toi Miryam, fille de l’Amour »

« Sois joyeuse, toi qui a la faveur de Dieu »

« Paix à toi Miryam pleine de grâce »

« Paix à toi fille de la Compassion »

« Je te salue Miryam, fille comblée d’Amour, fille débordante d’Amour »

(Luc 1,28) (différentes traductions de la salutation de l’ange à Marie)

Anna et Joachim ont nommé « Miryam » leur enfant en souvenir de la prophétesse

Miryam, la sœur de Moïse et de Aaron. Miryam était aussi responsable de la musique et de la

danse pour le peuple hébreu dans le désert du Sinaï. Miryam était la chef d’orchestre,

l’organisatrice de la fête. C’est elle qui fait chanter et danser le peuple hébreu après le passage

de la Mer Rouge, comme le roi David (« David dansait de toutes ses forces devant le

Seigneur »81

).

Pureté et docilité

« Pour pouvoir aimer il faut avoir le cœur propre.

Et pour avoir le cœur propre, il faut prier. »

(Mère Térésa)

La pureté est peut-être la qualité principale de Miryam. Quand on dit “pur” on pense

que c’est le contraire d’ “impur”, comme si pur était synonyme de propre. On pense que pur

c’est « sans tache », comme propre est sans saleté. Cependant, la pureté ce n’est pas

seulement l’absence de quelque chose, un point zéro. Une fois lavé, le vêtement serait propre.

Ainsi serait Miryam, pur et propre. La pureté c’est plus que cela. Je n’ai jamais fini d’être pur.

Je peux toujours aller plus loin dans la pureté. Ce n’est pas être plus propre ou être moins sale,

c’est vraiment aller plus loin sur un mystérieux chemin. Rechercher la pureté, c’est comme

voir toujours plus net et plus loin, c’est connaître plus et mieux l’Amour, l’amitié pure.

Rechercher la pureté c’est rechercher l’unité intérieure, la réconciliation avec soi-

même. En recherchant la pureté je suis attentif à mes paroles, à mes gestes et à mes pensées.

Et puis je laisse s’exprimer naturellement mes pensées, mes gestes et mes paroles. Je fais un

travail permanent de lavage (triage) de tout ce qui me pénètre, de tout ce que je vois et

entends. Aussi j’essaie de ne pas me salir en m’exprimant de manière impure. Je cherche à

ressembler à mon Père, le Seigneur.

Mon cœur est mon moteur d’amour. Je le protège, je fais attention à ce qui en sort et à

ce qui y rentre. Je cherche à aimer directement le cœur des autres, au delà du corps et de

l’esprit. Je me laisse regarder par le Seigneur. Son regard me transperce et me lave. Son

regard me purifie et m’emmène dans son Royaume invisible. Miryam nous regarde de la

même façon que Iéshoua. Se voir sous son regard et sous le regard de Iéshoua, c’est suffisant

pour avancer plus loin dans la pureté.

« Je ne suis que prière. »82

Miryam est docile à l’Amour. L’obéissance à אדני Ahava (l’Esprit Saint), pour elle est

simple : c’est obéir à son cœur. Elle se laisse guider par son cœur où demeure le Seigneur אדני

Ahava. Miryam est le chef d’œuvre du Créateur qui laisse voir en transparence l’Auteur.

Seigneur, je suis une page blanche. Peins-moi ! Je suis un morceau de bois, veux-Tu

me sculpter ? Je T’offre mon vide, mon rien, ma terre cultivable, mon cœur assoiffé. C’est

tout ce que j’ai, et c’est beaucoup. J’ai beaucoup à Te donner : j’ai toute ma disponibilité à Te

81 II Samuel 2,14 82 Psaume 109

51

proposer. Je ne sais pas être docile, je cherche la pureté. Je voudrais me laisser faire, Te

laisser me faire, comme Tu as fait Miryam.

Doumia et Présence

« la voix du silence »

(I Rois 19,12)

Doumia דוםייה : le silence de l’eau calme d’un lac, c’est la définition du mot.

« Faisant silence, nous mettons notre espoir en Dieu. Un psaume suggère que le

silence est même une forme de louange. Nous lisons habituellement le premier vers du

Psaume 65 : « La louange te convient, ô Dieu ». Cette traduction suit la version grecque,

mais l’hébreu lit dans la plupart des Bibles : « Le silence est louange pour toi, ô Dieu. »

Quand cessent les paroles et les pensées, Dieu est loué dans l’étonnement silencieux et

l’admiration. » (La valeur du silence. Taizé)

La prière vient du silence et mène au silence. Il est bon de commencer la prière par le

silence et de la terminer aussi par le silence. Et puis au cours de la prière il est bon de laisser

des espaces, des moments de silence. Il vaut mieux prier peu et lentement que beaucoup et

rapidement.

Miryam est celle qui ne dit rien ou presque rien. Elle dit oui à la venue de Iéshoua en

elle. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole »83

. Elle reprend le

Cantique de son ancêtre Anna, la mère du prophète Samuel (I Samuel 2,1) quand elle rend

visite à sa cousine Élisabeth. C’est à peu près tout ce qu’on entend d’elle dans les Évangiles.

Quand l’ange lui demande si elle veut bien être la mère du sauveur d’Israël, elle accepte. Elle

n’est pas inconsciente, elle sait que cet enfant lui apportera autant de souffrance que de

bonheur. Un mot : oui. C’est le mot qui résume toute prière. Il n’y a pas d’autre prière.

D’accord ! Je veux bien ce que Tu veux. J’aime ce que Tu aimes. Je désire ce que Tu désires.

Repos

« Je vous donnerai le repos »84

Dans le Psaume 95, le Seigneur parle de son peuple dans le désert. Le peuple hébreu

l’a déçu. Ils n’ont pas suivi ses Lois. Alors le Seigneur dans sa colère jure : « Jamais ils

n’entreront dans mon repos » 85

. Si le peuple hébreu avait écouté la voix du Seigneur, si

j’écoute sa voix dans le désert, alors le Seigneur dans le Psaume pourra dire :

« Quarante ans cette génération m’a plu, et je dis : peuple au cœur droit. Ils ont connu

mes chemins. Alors je dis dans ma joie : entrez dans mon repos. ». Ou : « Tu m’as plu au

désert, tu es devenu droit. Tu as connu mes chemins alors je dis dans ma joie : entre dans mon

repos. ».

Je veux plaire à mon Père, je veux avoir un cœur droit, je veux suivre ses chemins

parce que je veux entrer dans son repos. Le repos éternel est le bonheur le plus grand sur la

terre. Ce n’est pas être arrivé et dormir. C’est trouver un rythme pour mon âme, une mélodie

d’Amour constante qui me permette d’habiter dans sa maison tous les jours de ma vie :

demeurer dans son amour86

.

Je pars au désert. Je marche. Je L’appelle. Je L’attends dans le silence de mon cœur. Je

Le rencontre dans la confiance. Ma confiance en son Amour est mon repos, mon union avec

Lui déjà sur la terre.

83 Luc 1,38 84 Mathieu 11,28 85 Voir Hébreux, chapitre 3 86 Jean 15, 9

52

Iéshoua avait cette confiance, cette paix du cœur, même sur la croix, même crucifié.

« Aba, dans tes mains je remets mon esprit »

« en ta main je confie mon esprit »

« dans ta main je remets mon souffle »

(Luc 23,46 et Psaume 31) (différentes traductions)

On dit qu’il demeurait, même à ce moment de douleurs indicibles, dans le sein (dans le

cœur) du Père. Nous aussi nous voulons vivre dans cette paix.

Seigneur, nous désirons ton repos ! Joseph et Miryam, emportez-nous toujours plus

loin dans le silence du cœur de Iéshoua.

“Dans le désert, Iéshoua vécut seul : avec lui je vous amène à la solitude intérieure,

en vous détachant de vous-mêmes, des créatures, du monde dans lequel vous vivez, de vos

occupations, afin que vous puissiez écouter la voix du grand silence.

C’est seulement dans le berceau de ce grand silence que votre coeur peut se former au pur et

parfait amour de Dieu et du prochain.

Dans le désert, Iéshoua priait le Père sans interruption. De même, avec Iéshoua, je vous

conduis à la prière, qui doit devenir incessante, continuelle.

Prier toujours : par votre vie, votre coeur, votre travail, votre peine, votre lassitude, vos

blessures.

C’est seulement dans le désert que votre Maman du Ciel peut vous former au goût de la

prière, afin que vous puissiez ainsi sentir toujours auprès de vous le Père qui vous aime, vous

conduit et vous protège.”87

Prier avec Miryam et Iéshoua ישוע

« C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre et comme je voudrais qu’il soit

allumé »88

C’est certainement avec sa mère, Miryam qu’Il a dû prier pour la première fois. Et en

famille, sous la direction de Joseph, ils priaient quotidiennement ensemble.

Chaque vendredi soir, comme dans toutes les familles juives, la mère a le premier rôle

durant la cérémonie d’entrée dans le Shabat. Elle allume les bougies et, pendant vingt-quatre

heures, s’il y a quelque chose à faire dans la maison, c’est aux autres membres de la famille

de le faire. C’est le début du repos hebdomadaire, d’abord pour elle, reine de la maison, mais

aussi pour toute la famille et tous les juifs pratiquants. La famille accueille avec allégresse le

Shabat et chante : “Viens mon bien-aimé au devant de ta fiancée, le Shabat paraît, allons le

recevoir”. Le Shabat est comme la raison de vivre du peuple élu. Le Shabat est le repos du

Seigneur, le temps du travail de l’Amour.

La religion de Iéshoua, la spiritualité de son enfance et de sa jeunesse est pleine de

sentiments, de sensations. C’est une relation de tendresse et d’amour entre un peuple et “son”

Dieu. La venue du Shabat est comme la venue du Seigneur Lui-même. Dans la prière

orientale le corps est pris en compte, il a des liens avec l’âme. Dans la prière juive, le corps

est inclus, la collectivité, la communion avec les autres en même temps qu’avec Dieu. C’est

une satisfaction totale de l’être comblé d’Amour. Il n’y a plus d’effort mais seulement le désir

agréable. Ce n’est pas toujours le cas, ce n’est pas programmable, mais chez les juifs, le

vendredi soir est tellement attendu qu’il est chaque fois un moment d’intense bonheur, c’est

l’entrée dans le Repos, dans le Shabat. La fiancée attendue arrive. Au cours de la prière, après

le coucher du soleil le vendredi soir, les juifs se tournent vers la porte pour la regarder entrer.

87 La Vierge à ses fils de prédilection, les prêtres. 88 Luc 12,49

53

« Elle » vient. Elle c’est Lui, c’est Dieu. C’est l’objet de notre désir, du désir de tout notre

être.

Pendant le repas du vendredi soir, le père préside la cérémonie de bénédiction du vin

et du pain. C’est le moment de questions et réponses entre parents et enfants, à propos de la

Bible, de la Loi, de l’histoire du peuple du Seigneur. Iéshoua apprend, comme tous les enfants

juifs, à prier et à connaître son peuple, chaque Shabat un peu mieux, un peu plus.

Dès que Iéshoua a treize ans, Il est considéré comme adulte et peut présider la

cérémonie du Shabat quand Joseph est absent. Quand Joseph meurt, c’est Iéshoua qui devient

l’autorité de la maison. Il dirige alors les prières.

Quarante jours au désert, quand Il a environ trente ans, Iéshoua prie. Il jeûne. Il souffre

dans une mort volontaire, une mort intérieure pour trouver la Vie, la victoire sur soi-même,

sur Lui-même, Lui qui est homme et Dieu, petite créature affaiblie et Créateur de l’Univers. Il

est tout, tout ce qui existe est Lui. Il a vaincu à l’intérieur de Lui-même ce qui est mortel.

Iéshoua retourne ensuite souvent au désert. Il prie aussi en mer, en montagne, au mont

des Oliviers. Il aime prier la nuit. Peut-être même des nuits entières. On aimerait bien savoir

comment Il prie la nuit. Le secret reste secret mais ce qui est sûr c’est qu’Il a un immense

désir de prier. Il aime prier. Il aime son Père, Le Père, notre Père.

Quand je prie le Seigneur Aba, le Seigneur Ahava (l’Esprit Saint) prie au dedans de

moi. Quand je Te prie, Tu pries au dedans de moi. Tu Te pries en moi ! Pourquoi pas ? Le

Seigneur est tout, Le Tout. L’Amour est en tout. Iéshoua prie Aba par Ahava. Le Fils prie le

Père par le Saint-Esprit. Pourquoi pas ? Je ne comprends pas, je ne sais pas. Peu importe,

j’aime. Et en aimant je comprends mieux. « L’Amour véhicule la connaissance »89

mais la

connaissance ne véhicule pas l’Amour. La connaissance obtenue par l’Amour est

difficilement transmissible. L’Amour ne se laisse pas enfermer dans nos pauvres mots, dans

notre petit cerveau. Aimer prier est essentiel. Comprendre tout sur la prière et Celui que je

prie est secondaire.

89 1 Jean 4,7

54

5) Iéshoua au mont des Oliviers et sur le rivage90

,

avec nous.

« Veillez avec moi »

(Matthieu 26,38)

« C’est le Seigneur ! »

(Jean 21,7)

« Venez déjeuner »

(Jean 21,12)

A) Sur le Christ resplendit le visage paternel de Dieu

« Sur ton serviteur, que s’illumine ta face »

(Psaume 31,17)

Iéshoua est notre frère : on peut dire qu’il est fraternel car il a pris notre condition

humaine et, en lui Fils de Dieu, nous sommes nous aussi enfants du Père. Nous pouvons aussi

dire que Iéshoua, même s’il n’est pas Le Père, a le caractère d’un père. Iéshoua est paternel.

Autrement dit, la paternité de Dieu se manifeste en son Fils : le Fils ressemble à son Père qui

est Dieu.

Que signifie être paternel ?

Qualités d’un père :

- être père c’est avoir un (des) enfant(s)

Biologiques, ou par l’éducation (enfants adoptifs) ou enfants spirituels.

- être paternel c’est avoir un comportement de père avec ses enfants ou ceux

qui sont comme ses enfants

- être paternel c’est être un bon père

Un mauvais père n’est pas paternel. Etre paternel est une qualité ou plutôt un ensemble

de qualités.

- être paternel c’est être…

- émerveillé par ses enfants comme les enfants peuvent être émerveillés

(admiratifs, fiers) devant leurs parents

- responsable

Education, subsistance, protection… être un modèle.

- être paternel c’est protéger ses enfants, voire donner sa vie pour eux

- un bon père est soumis à Dieu, au Père

Un père qui ne craint pas Dieu (ou au moins d’une façon implicite) ne peut pas être

paternel, c’est un dictateur, un tyran orgueilleux… Etre paternel, c’est être humble et pauvre :

un père ne peut pas imposer ce qu’il veut à ses enfants (sauf quand ils sont petits).

Exemples de personnes paternelles :

- Adam, père de l’humanité

- Noé, second père de l’humanité

- Abraham et les patriarches

90

Jean 21,4

55

Abraham est le père des croyants.

- David est paternel, même avec son fils qui veut le tuer

- Joseph est paternel

Joseph est juste est bon. On l’appelle même Le juste et le passage du psaume

s’applique parfaitement à lui qui a été le père de Iéshoua sur la terre : « Sur ton serviteur, que

s’illumine ta face » (Psaume 31,17)

- « la promesse faite à nos pères… »

Les juifs appellent « notre père » chacun des trois patriarches : Abraham, Isaac et

Jacob.

- Paul est paternel :

1 Corinthiens 4, 14 : « mes enfants bien aimés ».

1 Corinthiens 4, 15 : « C’est moi qui, par l’Evangile, vous ai engendrés en Iéshoua Christ. »

1 Corinthiens 4, 16 : « soyez mes imitateurs »

- Le Pape est paternel (les évêques et les prêtres aussi)

« Recevez le salut paternel et affectueux du Vicaire du Christ (…) » saluait Jean Paul II91

- Dieu-Père et l’Esprit Saint sont paternels.

On appelle l’Esprit Saint « Le Père des pauvres ».

Si deux personnes de la Trinité sont paternelles, pourquoi les trois n’auraient-elles pas

la même qualité ?

Comment Iéshoua est-il paternel ?

Sur Iéshoua resplendit le visage paternel de Dieu92

:

« Rechercher le visage de Dieu est un chemin nécessaire, qui doit être parcouru avec

un cœur sincère et un engagement constant. Seul le cœur du juste peut se réjouir en

recherchant la face du Seigneur (cf. Ps 105, 3sq.) et le visage paternel de Dieu peut donc

resplendir sur lui (cf. Ps 119, 135; cf. également 31, 17; 67, 2; 80, 4.8.20). (…)

Iéshoua se présente surtout de façon absolument unique par rapport à la paternité

divine, se manifestant comme «fils» et s'offrant comme l'unique voie pour parvenir au Père. A

Philippe, qui lui demande: «Montre-nous le Père et cela nous suffit» (Jean 14, 8), il répond

que le connaître, lui, signifie connaître le Père, car le Père, agit à travers lui (cf. Jean 14, 8-

11).(…)

Dans la Bible, la perception de Dieu comme Père est liée à son intervention salvifique

dans l'histoire, par laquelle il établit avec Israël une relation particulière d'alliance. Seul le

juste peut se réjouir de la recherche du visage du Seigneur, car sur lui resplendit le visage

paternel de Dieu.

De manière tout à fait unique, Iéshoua se présente comme «le fils» qui révèle le Père

en plénitude, et il s'offre aux hommes comme le seul chemin pour l'atteindre. Celui qui veut

rencontrer le Père doit donc croire au Fils. Par lui, Dieu nous communique sa propre vie et

fait de nous des «fils dans le Fils».93

- Comme un père, Iéshoua nous engendre (ou nous a engendrés) :

Nous sommes la descendance d’Adam par le corps, d’Abraham par la foi. Peut-on dire

que nous sommes la descendance de Iéshoua ? Ne nous a-t-il pas engendrés sur la croix ? Le

psaume qu’il récite en commençant par « Eli, Eli, pourquoi m’as-tu abandonné » se termine

joyeusement par « Et moi je vis pour lui : ma descendance le servira (…) On proclamera sa

91 Discours de Jean Paul II dans la cathédrale de Brazzaville (Congo), 5 mai 1980 92 cf. Nombres 6,24 et Psaumes 119, 135; cf. également 31, 17; 67, 2; 80, 4.8.20 93 Jean Paul II Audience générale, Le visage de Dieu le Père, aspiration de l'homme, 13 Janvier 1999

56

justice au peuple qui va naître »94

Iéshoua qui engendre à la croix un peuple nouveau est à ce

moment là à la fois plus Fils que jamais, et plus paternel que jamais. Il reposait à ce moment-

là « dans le sein » du Père et remet entre ses mains son esprit. Iéshoua par sa mort –son

baptême- donne vie –naissance- à un peuple renouvelé (nouveau). Il connaît sur la croix les

douleurs de l’enfantement que l’on peut comparer à celles d’une mère aussi.95

Iéshoua, avec un ton paternel, sur la croix remet sa mère à Jean. Il s’adresse à Jean

comme un père en lui disant « Voici ta mère ». Il parle à Jean comme à un fils. Et en effet, par

Jean, Marie est notre mère, la mère de l’Eglise née au pied de la croix.

Iéshoua est le nouvel Adam, « figure de celui qui devait venir »96

. « si par la faute

d’un seul, la mort a régné, à plus forte raison, par le seul Iéshoua Christ, règneront-ils dans

la vie ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice. »97

- Iéshoua maître (guide) a des disciples, comme un père a des enfants :

« Les enfants (…) » (Jean 21,5)

Il est comme un père, chef de famille : avec ses disciples, avec nous chrétiens, avec

l’Eglise. Après la mort de Joseph il est devenu le chef de famille, celui qui préside le Shabbat

à la maison.

- Comme un père Iéshoua est bon, bienveillant :

- Comme un père Iéshoua est Messie, prêtre, prophète, roi

- Comme un père Iéshoua pardonne :

Il accueille les pécheurs (Marie de Magdala par exemple), comme le père dans la

Parabole de l’enfant prodigue

- Iéshoua est le bon berger, comme un père

Il nous protège, nous sauve, non pas en tant que Père Tout-puissant mais en tant que

faible père humain. Il nous montre simplement le chemin de la croix. C’est par là que nous

pouvons le suivre et ainsi connaître son Père qui est notre Père.

- Comme un père Iéshoua est pauvre

Etre paternel, c’est être pauvre : un père ne peut pas imposer ce qu’il veut à ses

enfants. Iéshoua montre le chemin, il est « doux et humble de cœur », il prie pour ses enfants,

les disciples… Il propose une direction et se propose en modèle mais, comme le père dans la

parabole de l’enfant prodigue, ne peut que laisser ses enfants partir loin de lui ou s’endurcir -

devenir orgueilleux- près de lui. Judas est celui qui part loin de lui, la mère de Jacques et Jean,

orgueilleuse, demande pour ses fils une place privilégiée auprès de lui98

. Iéshoua est bon avec

ceux qui ne le suivent pas, comme par exemple les pharisiens qu’il aime malgré tout d’une

manière paternelle, compatissante, bienveillante, miséricordieuse.

- Comme un père Iéshoua est…

- rassurant :

Jean se trouve tout contre lui, comme un enfant. (Jean 13,23)

- exigeant

- ferme

- fort car doux et humble

94 Psaume 22, 31-32 95 Mais c’est plutôt Marie qui recueille en Jean le peuple chrétien qui vient de naître. Marie souffrant avec

Iéshoua les douleurs de l’enfantement du peuple nouveau participe avec Iéshoua à « l’accouchement » du peuple

chrétien. 96 Romains 5,14 97 Romains 5,17 98 Matthieu 20,21

57

- Comme un père Iéshoua a de l’autorité99

:

Nous fuyons l’amour paternel de Iéshoua qui est justice et force, nous avons peur de

notre Père, peur comme des enfants ont peur de se faire gronder. Nous n'aimons pas voir non

plus que Iéshoua est paternel avec ses amis. Parfois il les reprenait comme un père corrige ses

enfants : « Ensuite il se manifesta aux onze, alors qu’ils étaient à table, et il leur reprocha

leur incrédulité et la dureté de leur cœur parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu

ressuscité. »100

- Après la résurrection, Iéshoua est transformé :

Même ses proches ne le reconnaissent pas : Marie de Magdala, les disciples

d’Emmaüs… A Marie de Magdala, pourquoi lui demande-t- il de ne pas le toucher ? Est-il

devenu « plus » avec –dans- le Père ?

- Comme un père Iéshoua est humble et obéissant au Père

Comme un bon père, il prie le Père et est soumis à sa volonté d’amour.

Importance du visage paternel de Iéshoua :

Pourquoi est-il bon de contempler le visage paternel du Christ ?

La paternité est à la source de la fraternité. Comment mieux exprimer l’importance

essentielle du visage paternel de Dieu révélé par le Christ ? En d’autres termes, comment

pourrions-nous nous aimer les uns les autres sans aimer Notre Père ? Et comment connaître le

visage paternel de Dieu sans voir en Iéshoua ce visage ? Si Iéshoua n’était pas paternel,

comment pourrions nous dire que Dieu est Père ?

La paternité pourrait se résumer en deux qualités complémentaires : autorité et

tendresse (force et douceur). En France101

on a tendance à considérer le père (ou le Père)

uniquement comme une lointaine autorité juridique, un juge ou un législateur... Nous donnons

à la mère (ou Marie ou au « petit Jésus) le rôle de l’affection, de la tendresse et de la

miséricorde. Nous oublions que ce sont aussi les qualités d’un père. Dieu est le Dieu de

miséricorde (de l’hébreu « rahamim » qui veut dire « entrailles » ou « utérus »). Dieu a donc

des qualités maternelles. Autrement dit un père peut avoir des qualités maternelles. Iéshoua a

aussi ces qualités.

C’est à cause de la déformation du visage paternel de Dieu que nous sommes tentés

de faire de Iéshoua un simple intermédiaire entre Dieu et nous au lieu de considérer qu’il est

vraiment une personne divine. Nous préférons le considérer comme un homme expérimenté

en spiritualité, un modèle inaccessible, un héros, un surhomme, une sorte d’Apollon, une star

moderne, un homme divinisé. Nous préférons faire un dieu à notre image ; autrement dit, nous

fabriquons un dieu, une image, plutôt que de nous mettre à son écoute. Nous préférons, en

fait, un christ ni homme ni dieu. Ainsi nous évitons de percevoir son visage paternel qui n'est

pas seulement miséricorde mais aussi exigence. Nous nous construisons donc un dieu

déséquilibré, un "bon petit Jésus tout doux et gentil qui pardonne tout " ou bien nous parlons

seulement d’un crucifié mort pour nous qui ne peut rien faire d'autre que de souffrir comme

99 Matthieu 7,29 100 Marc 16,14 101 En France, selon l’Insee, 2 millions d’enfants vivent avec un seul parent, dont 85% avec la mère. 42% voient

leur père moins d’une fois par mois ou pas du tout.

58

nous. On oublie que Iéshoua est aussi le Dieu de la joie et de la force de Vie. Il est ressuscité

et pas seulement assis à côté du Père mais surtout en Lui.

On pourrait qualifier cette déviance implicite –et inconsciente- de « déisme chrétien » :

la première personne de la Trinité est facultative car elle n’a qu’un rôle de création initiale et

ensuite n’est qu’une figure passive de Dieu. Le Père devenue une option est évoqué

occasionnellement en tant que Père anonyme réduit à la fonction de géniteur. Nous serions

donc les enfants d’un inconnu irresponsable qui nous aurait abandonnés sur la terre comme il

a abandonné son fils... Comment aimer un tel père ? Non, Dieu n’a pas abandonné son Fils, il

est venu en (dans) son Fils : « je suis dans le Père et le Père est en moi »102

. La paternité du

visage de Iéshoua peut nous permettre de retrouver le cœur de Dieu Notre Père.

Les conséquences de la défiguration du visage du Christ sont nombreuses. On peut

penser par exemple au « Jésus-amant » qui permet ainsi de l’imaginer avoir une relation

particulière avec Marie de Magdala. En contemplant le visage paternel de Iéshoua, on ne peut

pas tomber dans ce genre de blasphème. Un autre exemple de défiguration du Christ est de le

considérer comme un révolutionnaire mort en héros103

. Nous pouvons encore citer la

défiguration de Iéshoua en gourou et nous pourrions en citer bien d’autres plus perverses,

mais ce n’est pas l’objet de ce texte. Ce que nous voulons seulement mettre en lumière ici,

c’est que le visage paternel de Iéshoua, même s’il ne peut empêcher ces déviances, peut nous

aider à les limiter.

Iéshoua a le visage du Père, il ressemble à son Père, il a son caractère, il est paternel

comme son Père.104

Nous pouvons dire que l’on contemple la paternité de Dieu dans les trois personnes

divines. L'Esprit est aussi dans les trois : on dit l'Esprit du Père, l'Esprit de Iéshoua ou l'Esprit

Saint et c'est toujours le même.

« Les chrétiens sont baptisés " au nom " du Père et du Fils et du Saint-Esprit et non

pas " aux noms " de ceux-ci car il n’y a qu’un seul Dieu, le Père tout puissant et son Fils

unique et l’Esprit Saint : la Très Sainte Trinité. »105

Ce qui est important, plus que le nom, c'est ce qu'il signifie pour nous, ce que nous

exprimons en prononçant les mots Seigneur, Dieu, Notre Père, Iéshoua, ou Saint Esprit. Ce

qui est important c'est de n'oublier aucune des trois personnes divines. Si on ne prend que

l'aspect de Dieu qui nous convient on perd l'équilibre et on travaille contre Lui.

Le visage paternel de Dieu que nous contemplons en Iéshoua se reflète sur nos

visages. En aimant Iéshoua nous voulons lui ressembler dans sa fraternité et sa paternité :

nous désirons être entre nous fraternels, paternels, et aussi maternels.

Que sur notre visage, comme sur celui du Christ, resplendisse le visage paternel de

Dieu106

.

B) Iéshoua

« La joie de notre cœur vient de lui »107

102 Jean, 8,11 103 Voir Cardinal Ratzinger, La nouvelle Evangélisation, II, 3, Conférence pour le jubilée des catéchistes à

Rome, le 10/12/2000 104 voir Hébreux 1, 1-3 105 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article 233 106 Nombres 6,25 : « Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son regard… » 107 Psaume 33

59

Iéshoua ישוע est le nom du Messie, du Fils de Dieu, du Fils du Père. On donne à son

nom comme signification « sauveur » et comme synonyme « Emmanuel » ou « Imenouel »

Dieu avec nous (« imenou » signifie « avec nous »). Et dans le nom de Iéshoua on peut

entendre « ech » אש qui signifie « feu ». Iéshoua est l’homme au cœur de feu. Il brûle,

enflamme, incendie.

Il est « doux et humble de cœur », il est l’Amour incarné. Il est le crucifié. Il est le petit

enfant Jésus. Il est le Bon Pasteur, le Père qui pardonne. Iéshoua est chrétien et juif (et ni l’un

ni l’autre). Il n’est pas seulement le Dieu doux qui pardonne, il est aussi l’Éternel Dieu Tout-

puissant, le Sauveur, le Dieu qui a vaincu la mort par son Amour. Il n’est pas seulement le

petit nourrisson dans la crèche de Noël, Il est le Roi de l’univers. Il n’est pas seulement « le

Bon Dieu », Il est le Juge divin qui voit notre cœur. Jean de la Croix dit : « Au soir de votre

vie vous serez jugez sur l’Amour ». C’est Lui, Iéshoua l’Amour qui nous juge sur l’Amour.

S’il est si puissant et bon, pourquoi sa création n’est-elle pas à son image ? : harmonie,

beauté, bonté. Si Iéshoua est Dieu Tout-puissant, pourquoi les humains sont mauvais et s’Il

est Dieu, pourquoi Il ne fait rien pour ses enfants?

La réponse logique est : si Dieu existe Il est faible. Et si Dieu est Iéshoua alors c’est

compréhensible. Iéshoua ne se défend pas, il se laisse crucifier et son Père laisse son fils

mourir crucifié comme Il laisse ses enfants souffrir, crucifiés par ses autres enfants qui font

souffrir et tuent.

Dieu est Amour ; l’Amour est faiblesse ; Dieu est faible. Iéshoua étant Dieu Amour et

faiblesse, comment sa mort dans la souffrance humiliante peut elle être une victoire glorieuse?

L’Éternel n’est pas pressé. Il laisse ses enfants se battre, se faire mal et souffrir jusqu’à ce

qu’un jour ils crient vers Lui. « D’un cœur brisé, broyé, Tu n’as pas de mépris » dit le

Psaume (51).

Le Père Tout-puissant se cache dans Iéshoua faible agneau sacrifié. Dieu ne veut pas

utiliser sa puissance pour convaincre les humains de L’aimer. Si le Seigneur montre sa

puissance Il va contre notre liberté de croire et d’aimer, il va contre Lui-même. L’Amour est

plus fort que Dieu. Dans l’Amour il y a la liberté. Dieu ne peut pas forcer notre liberté sinon il

se contredirait. Il va jusqu’au bout de notre liberté, jusqu’à la mort de Iéshoua pour tuer la

mort par Amour.

Dieu n’est pas Tout-puissant parce qu’Il est Amour en Iéshoua. Et Dieu est Tout-

puissant parce qu’Il est l’Éternel Créateur de Tout. Il est Amour et Unité. Division, haine,

intelligence, puissance ne peuvent rien contre Celui qui est Amour, à l’origine de tout ce qui

existe. Sans Amour, toute puissance est provisoire, éphémère, illusoire.

Iéshoua est l’Amour vainqueur, Dieu. Il n’est pas seulement petit enfant et humble

crucifié. Il est homme, viril, guerrier. Il a gagné une guerre invisible. Son corps a perdu mais

son âme a gagné. Il est pour nous « Le chemin », la Porte.

Feu et Compassion

« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand Il nous parlait en

chemin, quand Il nous expliquait les Écritures ? »108

« Compassion ne signifie pas pitié ou apitoiement, mais grâce que Dieu donne de

prendre part à la Passion de son Fils, en acceptant dans la foi que Dieu, selon sa volonté,

donne la forme de la Passion à notre vie, même si celle-ci se déroule dans le cadre d’une vie

paisible. »109

108 Luc 24,32 109 Jean-Marie Lustiger, La Promesse, 5. La Passion du Christ à travers l’Histoire, Le point de vue du Christ, la

passion du disciple.

60

La prière, comme l’amour, est feu, joie et souffrance. La prière est un travail

laborieux, quotidien, parfois pesant, lourd, aride. Certains jours la prière est facile, pur

bonheur, repos de mon âme comblée. Et pourtant, que la prière soit douce ou amère, je prie, je

garde toujours le goût de la prière. Mon cœur veille de lui-même ou c’est moi qui veille sur

lui pour qu’il ne s’endorme pas dans la mort. Le feu brûle ou il faut que je l’alimente. Parfois

il faut que je le tempère, que je le calme pour que mon feu de joie ne soit pas feu d’artifice

éphémère.

Quand la prière ressemble à un calvaire, je pense à Iéshoua qui portait sa croix.

J’accepte la mienne et je me réjouis d’être avec Lui dans sa souffrance. Dans la souffrance

accueillie avec simplicité, je sens battre le cœur du Seigneur. Dans l’euphorie je peux

facilement tomber dans l’illusion de la lumière éblouissante ou de la puissance enivrante.

Dans la douleur de la croix je suis tranquille, mon âme repose en Dieu. La croix est le

symbole de mon alliance avec Lui cra’l emmoc ,ércas elobmys nu tse’C .עושי auohséI ינדא-en-

ciel de Noé, comme la circoncision d’Abraham, comme la Torah de Moïse. Iéshoua ne peut

pas s’unir plus à nous que dans la souffrance par Amour.

Attention, la Croix de Iéshoua n’est pas à rechercher pour s’en vanter. La souffrance

est un mystère intime à vivre dans le silence du cœur de Iéshoua. La souffrance n’est pas le

signe de la présence de Dieu en nous. Iéshoua est Compassion vivante et Amour de la Vie.

Aimer c’est aimer la vie. Aimer la vie c’est aimer la fête, l’amitié et la terre. Iéshoua qui est

l’Harmonie nous a montré qu’Il aime la vie. Le feu de Iéshoua vient de son amour de la vie.

Plus je L’aime, plus j’aime la vie. Et ma vie devient Vie.

Ahava אהבה

Les chrétiens utilisent le mot charité pour traduire ce qui est le plus intime de Dieu,

l’Amour. “Charité” étant trop proche de “pitié”, ce n’est pas le meilleur mot pour approcher

du mot indéfinissable, indicible, inaccessible. Les bouddhistes utilisent le mot “compassion”

mais il manque la moitié de la réalité : l’Amour ce n’est pas seulement ressentir de la douleur

avec l’autre, c’est aussi ressentir de la joie quand l’autre est heureux. Amour est un mot qui a

été sali parce que trop utilisé mais on n’a pas encore trouvé de meilleur mot qui exprime ce

qui est notre raison de vivre. Pour le distinguer de l’amour ordinaire, on peut lui mettre une

majuscule. Très proche de cet Amour, il y a aussi l’amitié pure qui est différente de l’amitié

ordinaire, souvent intéressée.

Dans la langue de Iéshoua Amour se dit Ahava אהבה. Ahava c’est Dieu Lui-Même,

l’Esprit Saint, L’Esprit de Iéshoua, L’Esprit du Père, l’utérus de Dieu, la chaleur du Seigneur,

la Source au delà de l’au-delà.

C’est toujours le même Seigneur אדני, l’Éternel יהוה sous différentes formes, avec des

visages différents. En L’appelant Seigneur je peux inclure ainsi la Trinité dans un seul Nom

au lieu de séparer Dieu en trois comme s’il s’agissait de trois personnes séparables. En priant

l’une des trois personnes de la Trinité je ne devrais jamais oublier que je prie les trois

personnes à la fois : Aba Iéshoua Ahava.

Le mot compassion (ou miséricorde) en hébreu a une construction intéressante: il est

formé du mot “utérus” ; et le mot utérus est formé de l’adjectif “chaud”.

Raramim, compassion : םימחר

Rerem, utérus : מחר

Ram, chaud ; rom, chaleur : מח

Mère Teresa de Calcutta définit la compassion en citant Iéshoua: “Aimez-vous les uns

les autres comme je vous ai aimés” D’où vient la compassion? Comment est-ce possible de

61

ressentir de la douleur avec quelqu’un qui ressent de la douleur? Ce n’est pas logique, ce n’est

pas humain. Ce qui est humain et logique c’est l’égoïsme, non?

Aimer, c’est éprouver de la compassion quand l’autre a mal. Et dans un sens plus large

(empathie) c’est aussi éprouver de la joie quand l’autre est heureux. Ce sentiment de

compassion ou d’amour est un bonheur. C’est donc simplement une forme épurée d’égoïsme,

un égoïsme ou amour de soi positif. Si je n’aime pas aimer, je mens, je n’aime pas. Aimer,

c’est aimer aimer.

La charité par pitié est à l’opposé de l’amour puisque c’est du mépris, de l’égoïsme

négatif parce que j’ai du dégoût envers l’autre et j’essaie de soulager ma conscience en faisant

un geste de don (condescendance).

Mais alors, comment éprouver avec franchise de l’Amour pour mon proche, pour ceux

qui m’entourent et pour l’humanité si pauvre d’Amour?

Je peux trouver comme moyen la bonne volonté : en faisant un geste d’Amour même

sans pensée d’Amour, c’est mon premier pas vers l’Amour. “Paix aux hommes de bonne

volonté”110

Mais je ne suis pas encore vraiment dans l’Amour.

Je peux aussi regarder la femme et son enfant, c’est le plus fort exemple d’amour et de

compassion. Au dedans de la femme, il y a l’utérus (רחמ, Rerem), la chaleur (חמ, Rom), la

source d’amour et de compassion (רחמים, Raramim). Aimer, c’est aimer comme une mère

aime son bébé.

Et je peux aussi demander, crier, prier Celui qui est le Père de l’Amour :

“ Seigneur, Toi qui es source d’Amour,

viens aimer en moi, par moi.”

Force joyeuse de la confiance

La joie c’est une disponibilité au moment présent, un émerveillement, une soif de vie,

une sensibilité d’enfant, un jaillissement d’amour, un élan vers les autres, une attraction pour

leurs coeurs. La soif d’Amour est un saignement du cœur à la fois douloureux et agréable

parce qu’il est expression de vie. La compassion est une joie douloureuse, une douleur

joyeuse. Le pire est de ne rien ressentir, de ne pas être sensible à la souffrance, de souffrir du

néant de l’insensibilité. L’absence de souffrance (de sensibilité, de capacité de souffrir) est

plus douloureuse que la souffrance. La confiance est une sorte d’imprégnation progressive et

lente.

Seigneur, libère mon coeur !

Seigneur, viens imprégner mon coeur de ta présence !

Seigneur, déborde mon coeur !

B) Le peuple chrétien

« Il est dommage que le mot « chrétien » soit devenu, dans la langue courante,

antagoniste exclusif du mot « juif », ce qui est assez singulier. Ces deux mots n’ont pas la

même valeur. « Chrétien », c’est disciple du Christ ; disons disciple de Jésus (ce qui laisse

entier le problème d’Israël est des païens). »111

Iéshoua résume en lui la religion juive. Il a révélé au judaïsme son essence. Il n’a pas

voulu créer une nouvelle religion mais plutôt élargir la sienne, la confirmer, l’amener (la

110 Luc 2,14 111 Jean-Marie Lustiger, La promesse, 6. En lui toutes les promesses de Dieu, En Galilée.

62

mener) à la perfection. Il n’apporte rien de nouveau au judaïsme, il le ramène à l’essentiel.112

« si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël » dit

Jean-Baptiste à propos du Messie (Christ) Iéshoua113

.

Iéshoua est à la fois « juif orthodoxe » (il faisait partie de la branche des pharisiens,

terme auquel on a -ou il a- donné un sens péjoratif) et « juif libéral ». Il veut faire connaître la

Torah, remplir avec son peuple une mission devant les nations. Et, comme les juifs libéraux, il

est ouvert à la conversion des non juifs et donne plus d’importance à l’esprit qu’à la stricte

pratique des préceptes religieux. Iéshoua n’a jamais contredit le judaïsme, il est bien sûr

toujours resté de religion juive.

Iéshoua, désire que le peuple juif dépasse les commandements donnés à Moïse, c’est-

à-dire qu’il fasse passer l’Amour avant tout, et non seulement l’amour envers ses frères de

race, mais aussi envers les non juifs. Iéshoua désire que l’Esprit de son Père règne sur les juifs

afin de régner sur l’humanité. Il désire que son peuple soit « lumière pour éclairer les

nations » et porte-parole de son message, message reçu du Seigneur, Dieu d’Israël et de

l’humanité.

La notion de pardon pour les juifs et pour les chrétiens, comme celle d’amour n’est pas

exactement la même. Il est trop simpliste de dire que pour les juifs c’est « œil pour œil dent

pour dent » (ou justice égale vengeance). Et il est aussi faux de dire que pour les chrétiens il

faut pardonner « soixante-dix fois sept fois » (oublier n’importe quel crime). Pour les juifs

pardon implique réparation, c’est cela qu’il faut comprendre. Et pour les chrétiens pardonner

ne devrait pas signifier effacer n’importe quel acte. Il y a des actions impardonnables : celui

qui fait mal à un enfant dit Iéshoua devrait être « jeté à la mer avec des poids attachés aux

pieds ». Parfois, pardonner c’est être lâche, faible et complice, refuser la justice. Et parfois

faire justice c’est oublier que chacun est imparfait et qu’une fois le pardon donné il est

nécessaire d’aimer.

Iéshoua n’annule pas l’importance de la justice et de la mémoire, ce que les chrétiens

font souvent, mais il donne au mot pardon un sens d’amour fraternel que le pardon juif ne

donne pas.

Iéshoua explique aux juifs leur religion. Il leur en révèle l’esprit, la source. Il est plus

juif que les juifs, il est Le Juif, le seul vrai juif.

Les chrétiens peuvent –et devraient- étudier (avec les juifs) le judaïsme sans restriction

mais avec une lumière en plus : le Messie pour nous s'appelle Iéshoua. Il nous révèle le visage

du Père qui pardonne, et sa vie (les Evangiles) éclaire nos vies.

Un des problèmes que nous avons, nous chrétiens, c’est que nous connaissons trop peu

le Père, Celui que priait Iéshoua. Nous croyons que Iéshoua a tout dit (en fait il a tout résumé)

et que la lecture de l’"Ancien Testament" (ou plutôt du "Premier Testament") suffit pour

connaître le Père. Nous oublions que Iéshoua s’adressait à des juifs et qu’il n’avait pas besoin

de parler de ce que Dieu avait révélé à son peuple. Nous oublions aussi que le Premier

Testament est avant tout une Tradition orale, donc vivante et transmise de génération en

génération par le peuple juif et malheureusement gardée exclusivement par le peuple juif.

En fréquentant la synagogue, en participant aux prières juives et en écoutant les

enseignements de rabbins, les chrétiens ne vont pas devenir juifs. Les chrétiens vont ainsi

(re)devenir chrétiens.

L’arbre est replanté dans sa terre.

112

Voir le livre de Eric Edelmann, Jésus parlait araméen. 113 Jean, chapitre 1

63

Les branches recommencent à fleurir.

Enfin le fils retourne chez son père, auprès de son frère aîné.

Le père invite le grand frère à se réjouir avec son petit frère.

« Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi ; mais il

fallait bien s'égayer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et qu'il est revenu à

la vie, parce qu'il était perdu et qu'il est retrouvé. »

(Luc 15.31-32)

Judéo-christianisme et pagano-christianisme

Le judéo-christianisme est le vrai christianisme : le christianisme ignorant, rejetant ou

niant le judaïsme, est vide de sens. Le christianisme qui n’est pas judéo-christianisme adore

Jésus-idole, substitut d’Apollon, de Zeus ou de Jupiter. Le christianisme coupé de sa racine

juive est une forme hellénisée du judaïsme. Le judaïsme pourrait se passer du christianisme et

garderait son sens tandis que le christianisme sans relation avec le judaïsme est païen. En

simplifiant on pourrait dire que le judaïsme est la religion du Père tandis que le christianisme

est la religion du Fils.

« Le cardinal Lustiger nomme «pagano-chrétiens» ces chrétiens sans mémoire, tentés

de chercher seulement dans Jésus le portrait-robot de l'homme idéal, « une figure mythique

ou purement païenne de la divinité à laquelle la raison occidentale impose son triomphe »»114

Le christianisme (re)prend de la vigueur en retrouvant son lien avec la religion de

Iéshoua. C’est comme refaire un puzzle, replanter l’arbre déraciné, le christianisme planté

dans sa terre d’origine se retrouve lui-même. Le christianisme indifférent au judaïsme est

froid, creux, absurde. Et le christianisme qui rejette les juifs se rejette lui-même et choisit la

mort, l’inverse de Dieu, l’exact opposé de Iéshoua. Le christianisme anti-juif est

complètement romain, dans le sens de « romains crucifiant le roi des juifs ». « Les pagano-

chrétiens ont tué les juifs sous le prétexte que ceux-ci ont tué le Christ ; ce qui est blasphème

manifeste, révélation claire que c’est l’esprit du monde et non pas l’esprit du Christ qui les

animait. »115

Jésus est Dieu mais Dieu n’est pas Jésus. Iéshoua est Dieu mais Dieu n’est pas

Iéshoua. Si Dieu n’est qu’un homme mort et ressuscité, il n’existe pas. Dans cette hypothèse,

Jésus ne serait qu’un homme divinisé, une idole. Pour éviter de tomber dans cette déviance

dangereuse, il est vraiment important de mieux connaître nos racines juives qui nous

apportent la sève nécessaire à notre épanouissement chrétien. Il ne faudrait cependant pas

tomber dans une autre déviance en considérant le peuple juif élu, choisi et saint comme une

idole. Ce n’est pas parce que le peuple juif est saint que tous les juifs sont des saints. De

même, ce n’est pas parce que l’Eglise est sainte que tous ceux qui lui appartiennent sont des

saints.

« (…) nous voyons bien que sous couvert de fidélité à l’Alliance, la figure du Christ a

souvent servi de prétexte à l’oubli du Père. L’un des drames de la civilisation chrétienne est

qu’elle devient une civilisation athée tout en prétendant rester chrétienne, c'est-à-dire qu’elle

fait du Christ une figure idolâtrique, un fils sans père –et donc sans Esprit-, où le seul esprit

est finalement celui de l’homme.

114 Israël expliqué aux moniales, article de Daniel Rondeau, J.-P. Couderc / L'Express 115 Jean-Marie Lustiger, La Promesse, 5. La Passion du Christ à travers l’Histoire.

64

Du coup, la figure du Christ devient un absolu culturel. Un messianisme perverti et

blasphématoire y trouve place. Nous ne devons pas nous réjouir de la mode de Jésus, parce

qu’il n’y a pas pire idole que celle qui singe le vrai Dieu. »116

Amertume

On peut par exemple trouver dans « La lettre aux Hébreux » l’expression « ancienne

alliance » qui sous-entend qu’elle est périmée. Et on peut aussi comprendre bonne nouvelle

(expression chrétienne qui signifie « message de Jésus » ou « Evangile ») comme seule

nouvelle et par conséquent, substitution à la vieille nouvelle (qui est, pour certains chrétiens,

le message donné au peuple juif). Dans les Evangiles on peut facilement tordre le mot « juif »

et lui donner un sens péjoratif, allant jusqu’à faire dire aux Evangiles que les juifs sont les

meurtriers du Christ et que tout ce qui peut leur arriver comme souffrance n’est que la

conséquence de leur non reconnaissance de Jésus-Christ117

.

Il est vraiment facile de se laisser aller à la tentation de dire que les juifs devraient se

convertir au christianisme parce que leur religion est périmée depuis que Iéshoua est venu.

Les musulmans reprenant cette idée pourront dire de même que le judaïsme et le christianisme

sont périmés depuis la venue du prophète Mohamed. Ces raisonnements simplistes sont

terriblement dangereux quand ils débouchent sur des paroles, puis sur des actes ou des

complicités de discrimination raciale envers les non chrétiens, qu’ils soient musulmans, juifs,

ou autres.

Pourquoi des gens si intelligents, si chrétiens (en apparence), tombent dans le piège du

racisme ? Ou plutôt de la haine, tout simplement. Les juifs sont la plupart du temps la cible de

cette haine de la part de ceux qui se disent chrétiens (sans compter les autres). Comment est-il

possible qu’un chrétien ait de la haine envers quelqu’un qu’il ne connaît pas, envers un

groupe de personnes qui ont une identité particulière ? Et pourquoi ?

Des chrétiens diront : « Moi je suis en faveur des faibles. Puisque les juifs écrasent les

palestiniens, je suis en faveur des palestiniens et donc contre les juifs. » D’autres diront : « les

juifs sont riches, Jésus était contre les riches, je suis donc, comme Jésus, anti-juif ». Ou bien,

autre raisonnement simpliste : « les juifs sont racistes118

donc il est normal que je sois raciste

envers eux. » Il y en a beaucoup d’autres...

Le plus triste est de voir que l’enseignement de Iéshoua, qui n’est qu’amour, peut être

détourné en prétexte de haine. On peut haïr au nom de Jésus, tuer au nom de Jésus, faire des

guerres au nom de Jésus. Et on peut aussi bien sûr faire de même au nom du Dieu d’Israël, au

nom d’Allah ou de n’importe quel autre dieu. Cela s’appelle religion nationaliste (intégrisme,

fanatisme, fondamentalisme, totalitarisme…), c’est-à-dire l’utilisation de la religion au

service des instincts humains les plus bestiaux (non pas animaux parce que les animaux ne

sont pas capables d’autant de haine que les humains). Et, à l’opposé des religions fanatiques

se trouve la religion sociale (vague identité), comme dans le christianisme : une sorte

d’identité chrétienne sans pratique religieuse ou spirituelle, voire sans connaissance

religieuse.

Mais au fond : pourquoi ? Pourquoi cette haine ? Ces petits arguments n’expliquent

pas cette haine irrationnelle. La haine provient de l’ignorance, c’est une explication. Et puis,

116 Jean-Marie Lustiger, La Promesse, 9. Jésus crucifié, Messie d’Israël : Salut pour tous. 117 Luc 19,44 118 « Ce que tu interprètes comme du racisme n’était pas du racisme, mais un enfermement sur soi pour

préserver ses racines. La condition sine qua non de la survie d’Israël. (…) La langue et la culture de la Bible ont

été sauvées par ce que tu appelles du racisme. »

André Chouraqui, Elie Chouraqui, Le Sage et l’Artiste.

65

si on observe les animaux, on peut dire qu’ils deviennent méchants quand ils ont peur.

Pourquoi tellement des gens, et en particuliers de « chrétiens » (ou pseudo chrétiens) ont peur

des juifs ? Pourquoi des humains veulent en crucifier d’autres ? Pourquoi des humains ont en

crucifié un qui se disait « fils de Dieu » ? S’il était fou il fallait peut-être l’enfermer, mais

pourquoi l’avoir tué ? Pourquoi l’avoir tué s’il n’était qu’un fou ? Quel est le lien entre le

crucifié Iéshoua et son peuple, le peuple juif ? Les deux, le roi et son peuple, ont en commun

d’attirer la haine. La haine, comme l’amour, n’a pas d’explication rationnelle. Les deux sont

des mystères.

« Même pour Israël, sa propre souffrance est une énigme. Le chrétien ne peut pas la

lui expliquer ; il ne peut que faire comme le Christ qui entre dans le silence de sa Passion. Le

Christ n’explique pas sa Passion ; il l’annonce et y entre en se taisant. »119

Réconciliation judéo-chrétienne sans fusion : agrégation

« « Vous n’étiez pas du peuple ; maintenant vous en êtes, vous êtes le peuple que Dieu

s’est acquis. » (Voir Isaïe 54,1-3 ; 55,5) Il n’y a là aucune substitution, mais une agrégation

au peuple (…). » 120

La Bonne Nouvelle de l’Evangile annoncée par Iéshoua est que l’Alliance ancienne est

ouverte à tous et rénovée, renouvelée, neuve : éternelle. La nouvelle évangélisation, pour être

authentique, commence par une nouvelle agrégation. Il ne s’agit donc bien sûr ni de

substitution ni d’incorporation121

. Les chrétiens, en s’agrégeant de nouveau au peuple juif

retrouvent leur racine ; la branche est (re)greffée sur l’arbre. Grâce à leur sève juive, les

chrétiens retrouvent leur vigueur. Le désir d’évangéliser provient du feu de notre source. La

nouvelle évangélisation provient d’un retour enthousiaste à la source du Sinaï, dans la maison

du Père.122

« Iéshoua (ישוע) Notzeri Melère a Yehudim » (en hébreu) était inscrit au dessus de la

tête de Jésus sur la croix, ainsi qu’en grec et en latin (« Iesum Nazareum Rex Iudaeorum » :

Jésus Nazaréen roi des Juifs).

La traduction de l’inscription hébraïque est intéressante. L’Éternel étant tout ce qui est,

étant, comme Il le dit dans la Bible, “Je suis”, on ne peut pas utiliser ce verbe au présent dans

la langue sacrée du peuple juif. Le verbe être ne se conjugue pas au présent en hébreu parce

qu’il « signifie » Dieu יהוה.

L’adjectif « nazaréen » (ou traduit « de Nazareth ») est un mot qui en hébreu est

synonyme de « chrétien ». Chrétien se dit « notzeri », comme si tous les Nazaréens étaient

chrétiens ! Et comme si tous les chrétiens étaient de Nazareth ! Etre chrétien c’est être comme

Iéshoua : de Nazareth. Autrement dit c’est connaître Nazareth, ses environs, les gens qui y

vivent (et qui y vivaient), la terre de Iéshoua. Peut-on prétendre être chrétien sans désirer

119 Jean-Marie Lustiger, La Promesse, 5. La Passion du Christ à travers l’Histoire, Les enfants de Bethléem :

souffrance d’Israël. 120 Jean-Marie Lustiger, La Promesse, 9. Jésus crucifié, Messie d’Israël : Salut pour tous (page 132). 121 Le baptême juif, aujourd’hui comme au temps de Jean-Baptiste est un rite d’incorporation (intégration) au

peuple ; il nécessite la circoncision. Le baptême de juifs par Jean-Baptiste signifiait donc un renouvellement de

l’Alliance du Sinaï (comme s’ils devaient à nouveau être incorporés à leur peuple). Le baptême chrétien nous fait

aussi entrer dans l’Alliance du Sinaï (dans l’Esprit de la Loi) mais, n’étant pas lié à la circoncision (le poids de la

Loi et de toutes les obligations juives), le baptême chrétien ne nous incorpore pas au peuple juif. Cependant, le

baptême chrétien nous lie, nous agrège, nous unit au peuple de Dieu (élargi grâce au baptême chrétien). 122 « Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à toi ; mais il fallait bien s'égayer

et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et qu'il est revenu à la vie, parce qu'il était perdu et qu'il est

retrouvé. » (Luc 15.31-32)

66

connaître la terre, le peuple, la culture et l’éducation de celui qui s’est dit et est Fils de Dieu ?

Iéshoua n’est pas seulement « du Ciel », il est aussi de la terre, d’une terre bien particulière. Il

est important de savoir comment vivait Iéshoua, sa famille et son peuple car si Jésus n’était de

nulle part sur la terre, cela signifierait qu’il n’est jamais né. Pourquoi est-il né à cet endroit, à

ce moment précis, dans ce peuple précis ?

Etre chrétien c’est s’intéresser à l’identité juive du Christ, chercher quels sont les

différences et les ressemblances entre le judaïsme et le christianisme, et découvrir le besoin

d’amitié entre ces deux religions, ces deux cultures, ces deux peuples qui ont le même Père, le

père de Iéshoua.

Chrétiens, nous sommes enfants de parents divorcés. Notre mère, c'est l'Eglise

catholique et notre père le judaïsme. Nous avons préféré vivre avec notre mère. C’est naturel,

mais nous ne devons pas oublier notre père, même si lui nous a oubliés. Il est difficile

aujourd'hui de réconcilier nos parents, surtout à cause de leurs divergences juridiques,

administratives et politiques. Cependant nous pouvons essayer de les réunir en nous-même,

pour trouver notre équilibre spirituel.

C) La prière avec Iéshoua

La prière étant un travail a un rythme. Et la prière est aussi un repos, un moment de

tendresse, de confidence avec Quelqu'un. Pour le chrétien, prier c'est se sentir auprès du

Seigneur, le Dieu de Iéshoua et Iéshoua lui-même : c’est se réfugier dans ses bras. Au début Il

paraît lointain et il peut arriver parfois qu'Il soit éblouissant de proximité. Avec le temps, avec

un rythme de prière régulier, son visage ou ses visages nous deviennent plus familiers. Nous

avons confiance, nous nous habituons à être présent à sa Présence. Plus on Le connaît, moins

on est capable de Le définir, moins on a besoin de L’expliquer. Il s'appelle l'Amour. Il est

Père. Il a le visage de Iéshoua.

Imprégnation

Vivre avec Lui c’est croire et c’est faire : c’est être. C’est Lui qui croit en nous et qui

nous fait : Il nous habite si nous l’accueillons et si nous le gardons. Vivre avec Lui c’est

irriguer notre vie par la prière ; la prière devient naturelle, elle fait partie de nos actes, de notre

être. Vivre avec Lui c’est s’imprégner chaque jour et à chaque instant de son Amour, sa

présence vécue.

Que signifie se laisser imprégner de Sa Présence ?

Selon le dictionnaire :

Imprégner : (du bas latin impregnare, féconder) : faire pénétrer un liquide, une odeur

dans un corps. Exemples : Imprégner une étoffe d’un liquide. L’odeur du tabac imprègne ses

vêtements.

Imprégnation : 1) action d’imprégner, fait d’être imprégné. Exemple : l’imprégnation

des bois, d’un tissu. 2) Sens figuré : pénétration lente. Exemple : l’imprégnation des esprits

par la propagande.

Absorber : laisser pénétrer une substance dans un corps par imprégnation et le

retenir.

« L'imprégnation est un type de traitement agissant par pénétration d'un produit dans

le bois. Suivant le procédé de mise en œuvre, la nature du bois et la formule du produit,

67

l'imprégnation peut être profonde, ou n'intéresser que la périphérie des pièces traitées. On

parle alors d'imprégnation superficielle. »123

Comment prier ?

La prière n’est pas une activité humaine récente. On peut prier de façon spontanée,

mais c’est oublier qu’existe une tradition plus que millénaire qui peut nous aider à mieux

prier. Se passer de tout ce trésor, c’est dommage. Cependant il ne faut pas non plus

s’embourber dans une recherche intellectuelle qui nous ferait perdre de vue l’essentiel.

L’organe de la prière n’est pas le cerveau mais le cœur d’où s’exprime et perçoit l’âme. La

prière est relation et travail quotidien, voire même continuel. C’est un art, et comme tout art

cela demande persévérance et créativité.

Cinq façons de prier :

1/ Prière spontanée

La prière, c’est une envie de toucher Celui qui est le Seigneur. C’est un désir

d’Amour, une soif qui s’exprime de multiples façons : en silence, en cri, en pensées, en

gestes… Prier, c’est oser se croire écouté. Avant de chercher à savoir comment d’autres

prient, il faut d’abord chercher soi-même ses propres mots de tendresse. Chacun a ses mots

pour exprimer ce que veut dire son cœur.

Le soir est propice à cette forme de prière spontanée qu’on peut peu à peu organiser

par exemple en plusieurs moments :

- Merci Seigneur pour aujourd’hui…

- Pardon Seigneur parce qu’aujourd’hui…

- S’il te plaît Seigneur…Pas seulement pour moi mais aussi pour…

- Que veux-tu de moi ? Que me demande-tu ? Qu’attends-tu de moi ?

- Tu es merveilleux Seigneur parce que…

- Prends soin de mon cœur, protège-nous cette nuit, je m’endors dans tes bras.

2/ Prière récitée

Le matin il est plus facile de dire (ou penser) une prière que l’on a déjà apprise, ce qui

n’empêche pas bien sûr d’improviser. On peut aussi inventer des prières qu’on apprend

ensuite. Prier est un travail d’artiste. Cela demande donc à la fois de la créativité et de la

discipline. Il vaut mieux prier un peu chaque matin que beaucoup de temps en temps. Si on ne

parvient pas à prier plus d’une fois par jour, il vaut mieux ne pas éliminer la prière du matin

car elle oriente toute notre journée. Le minimum « vital », c’est quand même deux fois par

jour : au lever et au coucher.

Iéshoua devait connaître beaucoup de prières par cœur. Il connaissait certainement

quelques psaumes (tous peut-être). Sur la croix, au plus fort de la souffrance et près de la

mort, il s’est souvenu d’un psaume qui commence par « Eli (mon Dieu), Eli, pourquoi tu m’as

abandonné… »124

La principale prière récitée des chrétiens est le Notre Père :

Notre Père, qui es aux Cieux,

Que ton Nom soit sanctifié,

Que ton règne vienne,

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel,

123 http://www.bois.com/choix-produits-materiaux/lexique-bois 124 Psaume 22

68

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés,

Garde-nous de la tentation,

Délivre-nous du Mal.

Amen

3/ Prière lue

Lire des prières c’est déjà prier. Evidemment une lecture priée est différente d’une

autre lecture, non seulement par le sujet mais surtout par la manière de lire. On peut lire par

exemple des Psaumes ou d’autres passages de la Bible en essayant de penser à chaque mot. Il

est bon de faire ce genre de lecture le matin, comme ça on peut penser à ce qu’on a lu durant

la journée. On cherche en lisant à s’imprégner de lumière. On insiste par exemple sur une

phrase qu’on essaie de mémoriser. Il ne faut donc pas que cette prière lue soit trop longue,

pour bien l’assimiler, la « digérer »

L’étude, c’est différent. C’est chercher plus de lumière par la lecture ou en écoutant

quelqu’un ou en dialoguant. Mais parfois l’étude peut avoir le ton d’une prière. La frontière

entre étude et prière lue n’est pas toujours nette. Ce qui caractérise la lecture normale par

rapport à la lecture priée, c’est entre autres choses l’intention, ce que la juifs appellent la

cavana :

« il faut prier avec intention (cavana):

Il faut prier avec "intention". Celui qui prie avec intention. Cela veut dire

- se placer en pensée face à la présence de D.

- retirer de sa pensée toute autre préoccupation ou pensée,

- être présent aux mots que l'on dit et à leur sens qui n'est pas seulement intellectuel

mais va jusqu'à l'intériorité de ce qui est dit,

- être présent aux sentiments portés par les mots,

- être présent avec tout son être, non seulement la tête mais aussi le corps,

- connaître les intentions que nos Sages ont reçues ou placées dans le texte, de façon

globale pour un certain texte et de façon précise concernant les différents mots, et les Sages

ont écrit des commentaires de la prière qui les transmettent,

- concevoir la prière comme une action qui réalise,

- concevoir la prière comme une action qui améliore un état du monde en permettant à

la bénédiction de mieux y circuler ; cette amélioration se produit non seulement en

améliorant celui qui prie mais aussi en améliorant le lien du monde visible avec le monde

invisible.

Il est interdit de prier sans cavana. Il vaut mieux prier un peu avec cavana que

beaucoup sans cavana, mais ce principe ne peut pas être utilisé pour réduire le temps que l'on

doit accorder à la prière et le juif a trois prières obligatoires par jour qui comprennent toutes

une séquence précise. Le fait de prier est déjà en soi une intention. De nombreux textes

discutent de la question de savoir s'il faut ou non reprendre une prière, une bénédiction ou

une mitsva qui n'aurait pas été réalisée avec une véritable intention.

Techniquement cela exige

- de consacrer un moment avant de commencer la prière pour rejoindre

intérieurement ces états

- de dire avant la prière le petit texte traditionnel de préparation intérieure, dénommé

lé chém yi'houd,

- de maintenir cette conscience pendant la prière.

- de s'y entraîner en ayant constamment la représentation intérieure de la présence de

D. devant soi pendant la journée.

69

Ces principes qui viennent d'être exposés sur la cavana se trouvent dans Isaïe 29, 13 »125

(voir en annexe : « Expliquez-moi la prière juive »)

4/ Prière répétitive

Le chapelet est la prière chrétienne (catholique) répétitive la plus connue. Il devrait

être dit une fois par jour. On peut le dire à haute voix ou en pensée, en marchant ou assis, dans

une église, chez soi, dans la nature ou dans la rue... On peut le dire attentivement ou avec une

concentration moindre. On peut le dire en quinze minutes ou en une heure. C’était dit-on la

prière préférée de Jean Paul II. Il recommande de dire lentement chaque mot et de s’arrêter

pour respirer au milieu de chaque « Je vous salue Marie » ou après le nom de Jésus pour bien

penser à Lui. Dans d’autres langues, comme par exemple en espagnol, anglais ou hébreu, il

est plus simple de suivre le conseil du Pape car le nom de Iéshoua est juste à la fin de la

première partie.

« Je vous salue Marie » :

Réjouis-toi Miryam,

Comblée de grâce,

Le Seigneur est avec toi,

Tu es bénie entre toutes les femmes,

Et Iéshoua ton enfant est béni,

Sainte Miryam, mère de Dieu,

Prie pour nous pauvres pécheurs,

Maintenant et à l’heure de notre mort.

Amen.

Gloire au Père, Aba,

Gloire au Fils, Iéshoua,

Gloire au Saint Esprit, Rouar Ahava126

,

Comme Il était au commencement, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles.

Amen.

Une autre forme de prière répétitive est la mélodie chantée à voix haute ou basse ou en

pensée. Elle n’a pas de limite. Elle commence et finit quand on le désire. La communauté de

Taizé, par ses chants, encourage ce genre de prière :

« Les chants de Taizé permettent la participation d’une foule renouvelée chaque

semaine et sans langue commune. A travers la beauté des chants, la prière commune transmet

une joie de Dieu sur la terre des humains.

Ces chants soutiennent aussi la prière personnelle. Pour de nombreux chrétiens au

long des siècles, quelques mots repris et encore repris, comme à l’infini, ont été un chemin de

contemplation. Ils construisent peu à peu une unité de la personne en Dieu. Quand ces mots

sont chantés, peut-être pénètrent-ils davantage jusqu’aux profondeurs de l’être humain.

Ce chant qui ne finit pas devient sous-jacent au travail, aux conversations, au repos,

reliant prière et vie quotidienne. Et l’appel de toute une foule se continue de jour et de nuit,

même à notre insu, dans le silence du cœur : « Viens Esprit Saint. » »127

125 « Expliquez-moi la prière juive », Commentaires et traductions par le Rav Yehoshua Ra'hamim Dufour basés

sur les livres de nos Sages Site Modia : http//:www.modia.org 126 Rouar חור Ahava הבהא.

(Rouar signifie vent, souffle, esprit חור Ahava en hébreu signifie « amour » etהבהא )127 Veni Sancte Spiritus, Chants de Taizé

70

5/ Prière silencieuse

« le bruissement d’un souffle ténu »

« un doux et subtil murmure »

« une brise légère »

« la voix du silence »

« voix silencieuse »128

On ne recherche pas le silence intérieur seulement pour trouver la paix, la force ou la

lumière. On recherche le silence intérieur pour trouver l’Amour. Si on cherche la tranquillité

égoïste, la puissance ou la connaissance magiques, on n’a rien compris à la prière silencieuse.

La prière est orientée vers l’Amour, le silence est au service de l’Amour. Tout le reste est

secondaire. La force est au service de l’intelligence (et de la connaissance), et les deux sont au

service de l’Amour.

On cherche la paix intérieure en ayant une vie paisible, une vie conforme à la volonté

de l’Amour. En suivant le Seigneur, en faisant ce qu’il aime on trouve la paix dans sa vie et

on peut trouver la paix et le silence intérieurs.

On trouve le silence intérieur en cherchant à être attentif à la vie, c’est la

contemplation naturelle. On trouve le silence intérieur devant Iéshoua présent dans

l’Eucharistie. On trouve le silence intérieur en ressentant la soif de Son cœur dans le cœur des

autres et dans notre cœur.

Le silence intérieur permet de mieux prier ; il est prière. Et la prière permet de mieux

aimer. Quand aimer signifie être avec Celui qui est l’Amour, alors la vie est prière.

Contemplation

Avec le Père, comme Joseph.

« Marche en ma présence et sois parfait »129

La contemplation, c'est un enfant qui joue, c'est un paysage qu'on regarde, c'est la mer

qu'on écoute, c'est Joseph qui fabrique des meubles. Joseph en tant que travailleur manuel a

une activité propice à la contemplation. La contemplation est très liée au corps. C'est un

silence qui s'impose à nous naturellement, simplement parce qu'on est complètement absorbé

par ce qu'on fait, voit, entend, sent, ressent… La contemplation est un bonheur spontané qui

arrive lors d'une situation favorable au silence intérieur. Ce n'est pas notre intelligence qui

contemple, c'est notre cœur qui voit, notre corps qui perçoit, à la fois en dehors et au-dedans

de nous. La contemplation peut nous prendre par surprise ou on peut rechercher cet état de

prière silencieuse contemplative. Pour cela il y a beaucoup de chemins, beaucoup de façon de

chercher le bien-être profond. On peut marcher dans la nature, s'appliquer à bien faire la

vaisselle, à bien manger ou à bien respirer. La contemplation, c’est sortir de l'angoisse du

temps qui nous empêche d'apprécier le présent.

Mais pour le croyant, chrétien ou juif, la contemplation c'est aussi voir le Créateur

dans sa création. C'est par conséquent vivre en sa Présence, penser qu'Il nous voit, qu'Il nous

aime. C'est comme Abraham, marcher en sa présence et donc chercher à lui plaire, rechercher

la conformité à sa volonté, c'est-à-dire rechercher l'harmonie et la perfection. La

contemplation n'est donc pas seulement un état de bien-être, mais aussi une responsabilité

active. C'est tout le contraire de se cacher comme Adam et Eve se cachaient et fuyaient du

regard du Créateur. Contempler, c'est Le contempler en tout.

Le problème de l'étude, du travail intellectuel, c'est qu'il nous éloigne ou -presque-

nous empêche d'être dans un état de contemplation. C'est pour cela que ceux qui ont une vie

128 Différentes traductions de 1 Rois 19,12 129 Genèse 17,1

71

plus proche de la nature ou plus proche des sensations physiques du toucher, du froid, de la

douleur peuvent plus facilement ressentir la présence de Notre Père du Ciel dans sa création.

Et ceux qui n'ont pas une vie prisonnière du temps artificiel (plan de carrière, métro,

rendement, etc.) peuvent plus facilement penser au regard du Seigneur sur leurs vies.

Ce regard, et la conscience (confiance) de ce regard, change notre attitude, nous

apporte un silence intérieur fécond. Son écoute et Son regard nous "parlent", nous indiquent

ce qu'il faut faire. Nous sentons au-dessus de nous la présence du Père qui nous aime et nous

cherchons simplement à lui plaire, à lui faire plaisir. Comme des enfants, nous voulons que le

Seigneur se réjouisse de nous. Et nous sentons qu'il est triste quand nous sommes tristes, qu'il

a mal quand nous avons mal. Il est comme un père et comme une mère qui sont attentifs à

leurs enfants.

Adoration

Avec Iéshoua Eucharistie, comme Miryam.

« Il comprend tous les langages humains. Te tenir en silence près de lui, c’est déjà

prier : tes lèvres restent fermées, mais ton cœur lui parle. »130

Pour les chrétiens (plus particulièrement pour les chrétiens catholiques), Iéshoua est

physiquement présent dans le pain et le vin consacrés. On peut donc se mettre à genoux

devant un morceau de pain exposé qui s'appelle le Saint Sacrement. Ce qui est très important

pour que l'adoration soit prière, c'est que notre attitude soit simple : il ne s'agit pas de croire

ou ne pas croire que le Créateur de l'univers puisse être du pain, il s'agit de l'adorer sans le

voir, sans le connaître, sans le nommer. Il est invisible, inconnu ; on ne connaît même pas son

Nom. Et pourtant, toute notre vie dépend de Lui, est orientée vers Lui. Comme ce pain

exposé, Dieu est un mystère : inaccessible à la raison.

Un adulte veut comprendre, un enfant adore. L'enfant se prosterne devant le pain et il

nous montre qui Il est. Il est (dans) ce pain. Il est dans le Ciel. Et Il est dans l'Amour, dans

notre cœur. Adorer Iéshoua dans l’Eucharistie, c'est venir dans un lieu fait pour lui. On se met

à genoux ou assis ou debout, et on se tait. On regarde le Saint Sacrement. On pense que

Iéshoua est ressuscité, qu'un vendredi il est mort crucifié et que la veille il a dit en parlant du

pain et du vin qu'il partageait avec ses amis : "c'est mon corps qui sera (demain) donné pour

vous"…

On est en silence près de lui comme si on était avec sa mère au pied de la croix. Elle

ne disait rien, elle était seulement présente, debout en silence. Et nous aussi devant le Saint

Sacrement on est en silence. On ne prie pas avec la bouche, on n'essaie même pas de prier

avec la pensée. On essaie de repousser les pensées qui nous éloignent de lui. On essaie de ne

penser qu'à lui, à l'Amour, à tout ce qui a un lien avec l'Amour. On essaie de trouver la paix

intérieure. On essaie de comprendre ce qui nous empêche ou nous gêne pour trouver le silence

intérieur.

On peut se poser des questions silencieuses : "Qu'est ce qui dans ma vie est un

obstacle à l'Amour ?" On peut demander à Celui qui est l'Amour : "Qu'est-ce qui dans ma vie

te déplaît ? ", "Qu'attends-tu de moi ?", "Qu'est-ce qui te plaît ?", "Qu'est-ce que tu aimes ?"

On peut aussi penser à ceux qui nous aiment, et à ceux qu’on aime. On les confie par Iéshoua

à Notre Père. On lui confie tout notre cœur. On écoute. On n’entend rien. Notre cœur entend.

C'est cela adorer. C'est simple.

Cœur à cœur (oraison et acte de présence131

)

130 Frère Roger de Taizé, Amour de tout amour.

72

Avec l’Esprit d’Amour, comme Iéshoua.

« Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »132

« Je garde le Seigneur devant moi sans relâche »133

La prière silencieuse constante, c'est un sentiment d'Amour, la sensation ou la certitude

d'une Présence, la certitude qu'Il est là, avec nous, toujours.134

Je ne le vois pas, c'est inutile :

"Heureux ceux qui croient sans avoir vu"135

. Non seulement je sais qu'il m'accompagne mais

en plus je le sens. La confiance (foi) est renforcée par une douleur du cœur, un manque

d'Amour, une soif d'aimer. La douleur de Son absence est présente (présence). Cette soif est la

même que celle de Iéshoua. Il s'agit donc, non pas d'un tête-à-tête mais bien d'un cœur à cœur

avec Lui. Cette brûlure, on ne peut pas vraiment l'appeler douleur parce que quand on

l'accepte, quand on l'aime, elle n'est plus douloureuse. Au contraire elle est joie d'être en

relation avec tous ceux qui ont la même soif d'Amour. Cette soif solitaire nous sort de la

solitude et nous emmène dans la Communion : avec Iéshoua et tous ceux qui ressentent un

peu de ce que ressent son cœur.

« L’oraison est une communion d’amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la

mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. »136

Cette brûlure impose le silence. Elle ne peut pas s'exprimer en mots, en prière pensée,

dite ou chantée. Quand la douleur et la joie sont intenses, profondes et mélangées, les mots

sont superflus. On ressent alors un silence intérieur qui est paisible et comme le trésor

inestimable de sentir qu'Il habite en nous. C'est une sensation qu'on peut ressentir faiblement

ou fortement, dans l'immobilité ou l'activité, dans la solitude ou avec les autres. C'est une

sensation qui peut avoir plusieurs formes, se situer dans le cœur, dans le corps, dans la pensée,

ou partout à la fois. Si cette brûlure de la soif provoque en nous la naissance d'une prière

exprimée, c'est une prière qui jaillit en quelque sorte malgré nous ou plutôt par nous. Il vit en

nous. L'Esprit d'Amour aime en nous.

Attention, tout cela n'a rien d'extraordinaire ! Ce n'est pas une chose réservée aux

"mystiques" ou le résultat d'une vie d'ascèse… C'est un cœur à cœur accessible à tous,

maintenant et en permanence. Il suffit de le vouloir, de croire en l'Amour du Père qui a le

visage de Iéshoua. On peut ressentir ce cœur à cœur dès qu'on s'ouvre à la sensibilité, à la

douleur de la terre, de l'humanité et donc du cœur de Celui qui l'a créée. Le plus difficile n'est

pas de ressentir le cœur de l'Amour, le plus difficile est de consolider, d'approfondir et de

laisser grandir (d’augmenter) cette sensation pour qu'elle prenne tout notre être et toute notre

vie. Cette sensation, c'est Lui-même qui prend place en nous, qui prend notre cœur. Notre

travail consiste à lui faire de la place, à le laisser entrer et s'installer, à l'inviter à prendre toute

la place. Paradoxalement notre travail consiste à Le laisser nous travailler : à nous laisser

faire. C'est une passivité active : l'Amour est repos et travail, joie et douleur, volonté et

abandon.

Laisse toi faire !

131 L’oraison, c’est un acte de présence dans un lieu et un moment définis (en ayant une position immobile, de

préférence les yeux fermés). L’acte de présence, c’est une oraison pendant nos activités. Les deux sont un effort

intérieur silencieux d’attention à Sa Présence. 132 Matthieu 28,20 133 Psaume 16,8 134« L’oraison est silence, ce " symbole du monde qui vient " (S. Isaac de Ninive, tract. myst. 66) ou " silencieux

amour " (S. Jean de la Croix). Les paroles dans l’oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui

alimentent le feu de l’amour. C’est dans ce silence, insupportable à l’homme " extérieur ", que le Père nous dit

son Verbe incarné, souffrant, mort et ressuscité, et que l’Esprit filial nous fait participer à la prière de Jésus. »

(Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n° 2717) 135 Jean 20,29 136 Catéchisme de l’Eglise Catholique, article n° 2719

73

Conclusion

« Notre cœur n’était-il pas tout brûlant… » 137

« Je suis venu apporter un feu sur la terre… »138

Comment vivre avec un cœur non seulement paisible mais aussi brûlant ?

Une vie spirituelle est complète si elle est joyeuse, combative et disciplinée. On peut –

et il faut- commencer par le résultat, la joie. Cependant, si on veut qu’elle soit encore plus

belle, et même seulement si on veut qu’elle continue à être belle, on se rend compte que notre

plante, notre fleur, notre âme, a besoin d’entretien. Elle a besoin de lutter et d’être irriguée

constamment par la prière et la présence du Seigneur. Notre âme a aussi besoin de relations

avec les autres et avec la terre : elle a besoin d’amis et nous entraîne vers tous ; elle a besoin

d’activité harmonieuse de tout notre être, de travail manuel, de bien-être physique. Notre âme

n’est pas indépendante de notre corps, de notre entourage, de la terre. Notre âme se nourrit de

Ciel et de Terre. L’attention à notre âme ressemble à l’attention que doivent avoir des parents

pour leur enfant, ou à l’attention que doit avoir un jardinier pour ses plantes.

Le résultat, ce n’est pas une paix ennuyeuse, c’est une Paix d’Amour, une paix qui

vient de Lui : « C’est ma paix que je vous donne ».

« La paix de ton cœur rend la vie belle à ceux qui t’entourent. »139

Prier ensemble

Prier ensemble deux fois par jour serait le remède à tellement de déficiences et la

source de tellement de bonheur pour les chrétiens de chaque paroisse.

Le matin et le soir (et dans journée un chapelet, éventuellement ensemble), quand

sonne l’angélus140

, ou bien au moment des laudes et des vêpres (ou des complies)141

.

Chaque jour deux fois une demie heure avec, par exemple, le déroulement suivant :

- En introduction : une dizaine de chapelet pour entrer dans le calme ;

- puis : un petit moment de prière spontanée : louange ;

- puis : une lecture : soit la Parole du jour, soit un passage choisi dans la Bible ;

Pour un temps ensemble plus long, on peut échanger (discuter) sur le passage.

- au milieu : un moment de silence, d’adoration ;

- puis : un deuxième moment de prière spontanée

- le matin : demandes

- le soir : merci et pardon, pour nous-même ou pour le mal que nous voyons dans le

monde ;

- Pour conclure :

- lecture ou chant d’un psaume,

137 Luc 24,32 138 Luc 12,49 139 Frère Roger de Taizé, Amour de tout amour. 140 En général à 8 heure, à midi et à 18h. 141 Matines, Laudes, Nones, Sexte, Vêpres, Complies, Vigiles sont les sept prières quotidiennes des

communautés monastiques.

74

- ou, comme au début, une partie du chapelet avec un « Je vous salue Marie » récité

par chacun

- ou prière récitée ou chantée (de préférence calme, mélodie simple et répétitive)

§§§

Quand je ne sens plus ta présence,

quand je perds confiance,

il me reste le désir de Toi.

Ce désir est la présence de ton Amour en moi,

ta prière en moi.

1/ Soif

C’est le point de départ de la prière : « Donne-moi à boire. » (Jean 4,7).

Si mon cœur désire cela signifie que mon cœur connaît en secret ce qu’il désire. On ne

peut pas désirer ce qui n’existe pas. Le nouveau-né désire le lait de sa mère sans avoir jamais

connu ce goût, et pourtant il crie, il demande à boire et à manger. Je crie, je demande à mon

Père invisible à boire et à manger pour mon âme. Si j’ai soif, c’est qu’il y a de l’eau quelque

part. Sinon je n’aurais pas soif.

2/ Confiance

J’ai confiance. Je désire Te voir et je me souviens de Toi. Tu me laisses seul mais je ne

m’inquiète pas. J’ai confiance en Toi. Ma confiance est plus forte que tout, plus forte que

toute explication, plus forte que l’absence. Ma confiance n’est pas une vague croyance. J’ai

confiance avec mon cœur, pas avec mon raisonnement. J’ai confiance, non pas en un Dieu

vague et lointain mais en Dieu vivant, Amour présent.

3/ Présence

Un jour je bois. Je ne peux pas expliquer ce que mon âme a bu, c’est indicible. Ce que

je sais c’est que c’était bon parce qu’elle a encore plus soif. Il lui a donné à boire, Il l’a

nourrie. Notre Créateur m’aime et je le sens. Mon cœur Le sent. Mon âme L’aime. C’est

inexplicable. Je L’ai rencontré au désert, dans le silence de mon cœur. Comment ça s’est

passé ? J’ai prié. J’ai essayé de prier. Je n’ai pas compris tout de suite. J’ai compris après. Et

maintenant je ne comprends plus vraiment. J’ai prié longtemps, plusieurs fois, chaque jour, et

je sais, je sens, je crois qu’il y a Quelqu’un qui nous écoute : mon Père, notre Père.

4/ Confiance

Je suis seul, comme au moment de ma naissance, comme au moment de ma mort sans

doute. Je suis dans le désert. Il est parti, Il s’absente. Il n’est pas là mais Il est là, présent dans

ma confiance.

5/ Soif

Je perds confiance. Il ne vient pas. Je ne sais plus si j’ai rêvé, si j’ai cru, si j’ai vu ou

cru voir. Je ne sais pas. Ce que je sais c’est qu’il me manque Quelqu’un. Il me manque. Mon

désir est plus fort que son absence, plus fort que mon désespoir. Le désir d’Amour est Amour.

L’Amour est plus fort que le désert, que le vide et la mort. L’Amour est aussi fort que la Vie.

75

« Je suis comme l’eau qui se répand »

(Psaume 22,15)

« Le dernier jour, le grand jour de la fête (de Soukot142

), Iéshoua, debout, se mit à

proclamer :

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive.

Celui qui croit en moi, comme dit l’Ecriture,

« de son sein ruisselleront des fleuves d’eau vive » ». »

(Jean 7,37)

« Tu seras comme un jardin saturé,

comme une source dont les eaux ne tarissent pas. »

(Esaïe 58,11)

§ § §

142 Soukot (ou Sukkot) est avec Pesah (Pâque) et Shavouot (Pentecôte) l’une des trois grandes fêtes juives

annuelles. Ce sont les trois fêtes de pèlerinage qui actualisent par leur célébration le plus grand événement

salvifique d’Israël : l’Exode (Pesah), l’Alliance (Shavouot) et l’entrée dans la terre promise (Sukkot).

(La prière d’Israël aux sources de la liturgie chrétienne. Carmine Di Sante, Desclée Bellarmin, chapitre : La

célébration des fêtes)

76

Annexes

Annexe 1:

Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne (24 mai 2001)

(Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican 2001)

Extrait : C. Conclusion

64. Les lecteurs chrétiens sont convaincus que leur herméneutique de l'Ancien Testament, fort différente,

assurément, de celle du judaïsme, correspond cependant à une potentialité de sens effectivement présente dans

les textes. A la manière d'un « révélateur » au cours du développement d'une pellicule photographique, la

personne de Jésus et les événements qui la concernent ont fait apparaître dans les Écritures une plénitude de sens

qui, auparavant, ne pouvait pas être perçue. Cette plénitude de sens établit, entre le Nouveau Testament et

l'Ancien, un triple rapport: de continuité, de discontinuité et de progression.

1. Continuité

Outre qu'il reconnaît l'autorité des Écritures juives et cherche constamment à démontrer que les événements «

nouveaux » sont conformes à ce qui était annoncé (voir ch. I), le Nouveau Testament assume pleinement tous les

grands thèmes de la théologie d'Israël, dans leur triple référence au présent, au passé et au futur.

Apparaît d'abord une perspective universelle et toujours présente: Dieu est un; c'est lui qui, par sa parole et son

souffle, a créé et soutient tout l'univers, y compris l'être humain, grand, noble, en dépit de ses misères.

Les autres thèmes se sont développés au sein d'une histoire particulière: Dieu a parlé, il s'est choisi un peuple, l'a

maintes fois libéré et sauvé, s'est mis en relation d'alliance avec lui, en s'offrant lui-même (grâce) et en lui offrant

un chemin de fidélité (Loi). La personne et l'œuvre du Christ ainsi que l'existence de l'Église se situent dans le

prolongement de cette histoire.

Celle-ci ouvre au peuple élu des horizons d'avenir merveilleux: une postérité (promesse à Abraham), un habitat

(une terre), la pérennité par-delà les crises et les épreuves (grâce à la fidélité de Dieu), l'avènement d'un ordre

politique idéal (le Règne de Dieu, le messianisme). Dès le début, un rayonnement universel est prévu pour la

bénédiction d'Abraham. Le salut donné par Dieu doit atteindre les extrémités de la terre. Effectivement, le Christ

Jésus offre le salut au monde entier.

2. Discontinuité

On ne saurait nier, cependant, que le passage de l'un à l'autre Testament entraîne des ruptures. Celles-ci ne

suppriment pas la continuité. Elles la présupposent sur ce qui est essentiel. Elles atteignent cependant des pans

entiers de la Loi: des institutions, comme le sacerdoce lévitique et le Temple de Jérusalem; des formes du culte,

comme les immolations d'animaux; des pratiques religieuses et rituelles, comme la circoncision, les règles sur le

pur et l'impur, les prescriptions alimentaires; des lois imparfaites, comme celle sur le divorce; des interprétations

légales restrictives, concernant le sabbat, par exemple. Il est manifeste que, d'un certain point de vue — celui du

judaïsme — ce sont des éléments de grande importance qui s'en vont. Mais il est tout aussi évident que le

déplacement radical d'accents réalisé dans le Nouveau Testament était amorcé déjà dans l'Ancien Testament et

en constitue ainsi une lecture potentielle légitime.

3. Progression

65. La discontinuité sur quelques points n'est que la face négative d'une réalité dont la face positive s'appelle

progression. Le Nouveau Testament atteste que Jésus, bien loin de s'opposer aux Écritures israélites, de leur

mettre un terme et de les révoquer, les porte à leur achèvement, dans sa personne, dans sa mission, et tout

particulièrement dans son mystère pascal. A vrai dire, aucun des grands thèmes de la théologie de l'Ancien

Testament n'échappe au rayonnement nouveau de la lumière christologique.

a) Dieu. Le Nouveau Testament maintient fermement la foi monothéiste d'Israël: Dieu reste l'unique; 297

toutefois, le Fils participe de ce mystère, qu'on n'arrive plus désormais à exprimer que dans un symbolisme

ternaire, déjà préparé, mais de loin, dans l'Ancien Testament. 298 Dieu crée par sa parole, certes (Gn 1); mais

cette Parole préexiste « auprès de Dieu » et « est Dieu » (Jn 1,1-5); après s'être exprimée, au cours de l'histoire, à

travers toute la série des porte-parole authentiques (Moïse et les prophètes), elle finit par s'incarner en Jésus de

Nazareth. 299 Dieu crée en même temps « par le souffle de sa bouche » (Ps 33,6). Ce souffle est « l'Esprit Saint

», envoyé d'auprès du Père par Jésus ressuscité (Ac 2,33).

b) L'homme. L'être humain est créé grand, « à l'image de Dieu » (Gn 1,26). Mais la plus parfaite « icône du Dieu

invisible », c'est le Christ (Col 1,15). Et nous sommes appelés nous-mêmes à devenir images du Christ, 300 c'est-

à-dire « création nouvelle ». 301 De nos pauvretés et de nos misères, Dieu nous sauve et nous libère, oui, mais

par la médiation unique de Jésus Christ, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre vie. 302

77

c) Le peuple. Le Nouveau Testament assume comme une réalité irrévocable l'élection d'Israël, peuple de

l'alliance: celui-ci conserve intactes ses prérogatives (Rm 9,4) et son statut prioritaire, dans l'histoire, par rapport

à l'offre du salut (Ac 13,23) et de la Parole de Dieu (13,46). Mais à Israël Dieu a offert une « alliance nouvelle »

(Jr 31,31); celle-ci a été fondée dans le sang de Jésus. 303 L'Église se compose des Israélites qui ont accepté

cette nouvelle alliance et d'autres croyants qui se sont joints à eux. Peuple de la nouvelle alliance, l'Église a

conscience de n'exister que grâce à son adhésion au Christ Jésus, messie d'Israël, et grâce à ses liens avec les

apôtres, tous Israélites. Loin donc de se substituer à Israël, 304 elle reste solidaire avec lui. Aux chrétiens venus

des nations, l'apôtre Paul déclare qu'ils ont été greffés sur le bon olivier qu'est Israël (Rm 11,16.17). Cela dit,

l'Église a conscience que le Christ lui donne une ouverture universelle, conformément à la vocation d'Abraham,

dont la descendance s'élargit désormais à la faveur d'une filiation fondée sur la foi au Christ (Rm 4,11-12). Le

Règne de Dieu n'est plus lié au seul Israël mais ouvert à tous, y compris les païens, avec une place spéciale pour

les pauvres et les proscrits. 305 L'espérance liée à la maison royale de David, pourtant déchue depuis six siècles,

redevient une clé de lecture essentielle de l'histoire: elle se concentre désormais en Jésus Christ, un descendant

humble et lointain. Enfin, pour ce qui a trait à la terre d'Israël (y compris son Temple et sa Ville sainte), le

Nouveau Testament pousse beaucoup plus loin un processus de symbolisation déjà amorcé dans l'Ancien

Testament et le judaïsme intertestamentaire.

Ainsi donc, pour les chrétiens, avec l'avènement du Christ et de l'Église, le Dieu de la révélation prononce son

dernier mot. « Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les

prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils » (He 1,1-2).

Annexe 2 : Expliquez-moi la prière juive

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Celui qui connaît peu le Judaïsme citerait au moins le Chema Israël, dirait que le Juif prie trois fois par

jour et qu'il y a des synagogues comme lieux de prières où les Juifs se réunissent le shabat et à certaines fêtes. Et

les Juifs se tournent vers Jérusalem pour prier et ils demandent la reconstruction du Temple depuis sa

destruction, en particulier au "Mur," (le Kotel). C'est la base. Effectivement la prière juive est collective.

Nomination de la prière juive

La prière juive se nomme globalement téfila (Isaïe 1.15), qui veut dire s'évaluer, se juger. Cela nous

indique que la prière est autant pour l'homme que pour D.ieu.

Cinq psaumes sont nommés explicitement "prière", téfila (psaumes 17, 86, 90, 102, 142). Les autres

formes de nomination des psaumes (chant, poème…) est une question différente.

Ces mouvements intérieurs divers dans la prière nous indiquent que la prière est un art, dont on a à

apprendre les nuances. Comment ?

- par l'étude des textes qui en parlent (les psaumes), et par la connaissance de l'hébreu qui permet de saisir ces

nuances,

- par la pratique des trois prières quotidiennes où ces mots sont placés, et dont on pourra alors suivre les

mouvements intérieurs comme on lirait une partition de musique.

Nature de la prière juive

1. La prière est basée sur le fait :

qu'il y a une communication entre D. et nous (contrairement aux idoles diverses, Psaume 115, 3-7) car nous

sommes faits à l'image de D. et à sa ressemblance (Béréchite 1.26) ; (Béréchite = Livre de la Genèse)

qu'Il est la base de notre existence et de notre soutien dans la vie elle-même et Il répond à nos besoins, Il est

notre lumière, force, salut (voir les psaumes 27 et 62).

2. Salomon dit (I Rois 8.28) : Tu accueilleras la prière (téfila) et les supplications (té'hina)... tu écoutera

sa rina et sa téfila". Il y a donc deux composantes :

l'orientation vers D. que l'on nomme rina (adoration, crainte, révérence, amour, joie),

et la demande pour les besoins personnels (téfila).

3. D'une part, la prière est une présence continuelle à D. ; d'autre part il y a des moments forts de prière

chaque jour, à l'instar de Daniel (Daniel 6.11) : le matin à l'aube, l'après-midi, le soir.

4. La prière est un face à face réciproque comme il est dit

de la part de D. : (Isaïe 49.16) tes murailles, Jérusalem, sont constamment devant mes yeux),

de la part de l'homme : je me représente Ha chem constamment devant moi.

78

dans un mélange de ces deux aspirations :"en ton nom mon cœur dit : recherchez ma face" (Psaume 27, 8).

Pratique

Elle est considérée comme un "travail" (âvoda) laborieux et sérieux dont le lieu est le cœur (âvoda ché ba lév).

L'exemple donné est celui d'une femme, 'Hanna (I Samuel 1.13) : 'Hanna parlait en son cœur. Ce texte est lu en

préparation chaque matin par les séfarades.

Cette activité intérieure non statique mais mue volontairement, est la condition de la valeur de la prière et de son

écoute par D. (Psaume 10.17). La halakha, règles de conduite prescrites, appelle cela "intention" (cavana), et dit

que la cavana est obligatoire pour prier.

En priant, il faut veiller à :

• utiliser les prières rédigées qui sont sûres dans le respect, dans l'usage des noms de D., dans la hiérarchie des

besoins et demandes, car seul les Sages qui connaissent peuvent le faire sans se tromper (Bérakhote 33 b) ; il est

dit : "comment se fait-il qu'Israël prie et n'est pas exaucé, c'est parce qu'il ne sait pas comment demander".

• en conséquence, d'abord, apprendre la liste des bénédictions de remerciement pour l'usage de tout bien, car

celui qui jouit des biens de la création sans remercier préalablement est considéré comme un voleur ; et un voleur

n'a guère de chance d'être exaucé par celui à qui il a porté préjudice.

• avoir une confiance absolue (Bérakhote 10 a : même si l'épée est sur ta gorge pour te tuer, demande encore

avec confiance !).

• se souvenir que lorsque toutes les portes sont fermées, les larmes ouvrent et devancent toutes les autres prières

(I Zohar 132b et II 12b et II 165a-b).

• ne pas faire de demandes vaines (michna Bérakhote 9:3) ou déraisonnables (début du Traité Taânite).

• ne pas faire de demandes qui ne respectent pas la hiérarchie des valeurs (la prière est un jugement personnel, un

discernement), car il est des hommes qui aiment leur argent plus que leur vie, que leur corps et que leur âme

(Bérakhote 61 b).

• demander d'abord pour ses proches (Baba Qama 93 a), et pour la collectivité, ce dont on a besoin soi-même

(Bérakibboutzhote 29 b-30 a), condition pour que cela soit accordé.

• demander à D. directement et non à des intermédiaires (Bérakhote de Jérusalem 9, 1).

• demander pour ceux qui sont dans le besoin, car celui qui ne le fait pas alors qu'il connaît les besoins d'autrui

est un pécheur (Bérakhote 12 b).

• examiner ses fautes, les regretter, et être décidé à modifier le comportement, avant même de présenter sa

requête (…)

Le minyane

Ce mot, signifiant "nombre" ou "quorum", est une assemblée de dix Juifs qui sont « bar-mitsva », c’est-à-dire qui

ont dépassé l’âge de treize ans qui est l’âge à partir duquel on doit accomplir les mitsvotes prescrites dans la

Torah.

Ce nombre est cité dans la prière d'Avraham pour sauver Sodome

(Béréchite 18.32).

Il est préférable de faire la prière dans un minyane car la chékhina (présence divine) y réside davantage que dans

la prière individuelle ou dans la prière à deux ou à trois (voit Bérakhote 6a). De même lisez le psaume 82.1 :

Psaume d'Assaf. D. se tient dans l'assemblée divine, « au sein des juges Il juge ».

L'exemple du minyane vient du groupe des dix chefs de tribus qui furent envoyés par Moché (Moïse) pour aller

prendre connaissance de la terre et bien en témoigner (lire Bémidbar 14.27 (Bémidbar = Livre des Nombres) et

son commentaire dans Bérakhote 21b et dans Méguila 23b) ; ce groupe fut d'abord nommé édâ comme dans le

psaume ci-dessus.

On parle de minyane comme d'un quota de 10 quand il est atteint. Tout Juif a valeur pour rendre complet et plein

le minyane, quel que soit son degré de science ou de sainteté. Et 9 grands Sages, instruits, saints, considérés et

riches, etc. ne sont rien sans ce dixième, fut-il le plus simple. Cela doit nous inspirer un immense respect pour

tous et avec égalité.

S'il y a un minyane, ces prières peuvent se faire, quel que soit l'endroit ou le type de bâtiment, sans synagogue,

sur un lieu de travail, dans une maison familiale, en avion, etc.

L'importance du minyane et du 10e incitent les Juifs

- à sentir le devoir de se rendre à la synagogue pour aider la communauté à pouvoir prier.

- à s'y rendre dès le début de la prière.

79

- à habiter près d'une synagogue, lieu d'étude et de prière, pour qu'il soit possible de s'y rendre avec facilité.

Il va de soi qu'il ne s'agit pas seulement d'une présence physique et, donc, tout membre d'un minyane doit veiller

à ne pas perturber la prière des autres par la parole sur des sujets divers.

Le traité Bérakhote 26 b dit que les prières se réfèrent à deux sens principaux qui se conjuguent :

- la prière des patriarches,

- les sacrifices qui se déroulaient au Temple.

De ce lien aux patriarches qui sont typés, vient également la règle de conduite qui consiste à prier toujours au

même endroit, non seulement parce que cela facilite la concentration, mais aussi parce que nous voyons dans la

vie des patriarches que le lieu et le temps ont une sanctification spéciale (étudier ici Bérakhote 6 b). Il va de soi

que si quelqu'un d'autre se met à notre place, c'est une incohérence que de ne pas être serviable et de se mettre en

colère !

(Commentaires et traductions par Yehoshua Ra'hamim Dufour basés sur les livres de nos Sages)

Annexe 3 : Neve Shalom/Wahat as-Salam

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« Neve Shalom/Wahat as-Salam est un village coopératif de Juifs et d’Arabes palestiniens (musulmans et

chrétiens), tous citoyens d’Israël. Son nom vient du livre d’Isaïe (32, 18): “mon peuple habitera une Oasis de

Paix” (Nevé Shalom en hébreu, Wahat as Salam en arabe). Il a été “rêvé” puis fondé par le frère dominicain

Bruno Hussar, juif d’origine, citoyen d’Israël en 1966.

Un rôle essentiel dans le travail éducatif de NSH/WAS appartient à l’École pour la Paix. Celle-ci organise des

programmes variés de rencontres entre Juifs et Palestiniens visant à promouvoir la connaissance, la

compréhension et le dialogue entre les deux peuples.

Depuis ses débuts en 1979, plus de 25 000 jeunes ont pris part à ses rencontres, ainsi que plus de 3 000 adultes

dont un bon nombre engagés depuis lors dans d’autres organisations oeuvrant pour la paix.

L’équipe de direction comprend un nombre égal de “modérateurs” permanents Juifs et Palestiniens et fait appel à

de nombreux intervenants indépendants. Tous ont une formation universitaire en sciences sociales et humaines et

une formation spéciale dans la conduite des groupes en conflit; la plupart des permanents sont membres de

NSH/WAS et s’appuient sur cette expérience dans leur travail. Toute rencontre est menée par deux modérateurs,

l’un Juif, l’autre Palestinien.

Au long des années, d’activité et, simultanément, de recherche intensive, l’École pour la Paix a mis au point ses

méthodes propres, qui mettent l’accent sur la complexité des racines du conflit et apprennent à chacun à

discerner son rôle dans celui-ci (relations de pouvoir, stéréotypes, malentendus). Elle est notoirement reconnue

maintenant, en Israël et au-delà, pour son sérieux et sa qualification, et souvent sollicitée par des organismes

concernés par le problème des relations entre Juifs et Palestiniens.

Ses programmes de base sont les suivants:

Rencontres et ateliers pour jeunes Juifs et Palestiniens en Israël;

Groupes de rencontres, formations continues et séminaires pour groupes d'adultes comprenant des enseignants,

journalistes, juristes, travailleurs sociaux et étudiants en université;

Groupes de rencontres entre citoyens d'Israël et de Palestine ensemble avec des ONG Palestiniennes.

Cours de formation de modérateurs;

Cours annuel dans quatre universités (section Psychologie et Sciences Sociales) sur les groupes en conflit.

Cours d'assertion pour femmes arabes et juives.

Séminaires (concernant ses méthodes de travail) pour personnes venant de l'étranger.

Rencontres pour faire prendre conscience des conflits intergroupes dans la société arabe et juive.

Doumia/Sakina

Dans un endroit très beau et calme de la colline, existe une Maison du Silence où ceux qui le désirent peuvent

s’arrêter dans la réflexion, la méditation ou la prière. “Pour Toi, le Silence (Doumia) et louange…” (Psaume

65,2) – silence qui unit au-delà des séparations idéologiques ou religieuses.

Dans l’esprit de Doumia sont organisées depuis huit ans des rencontres de réflexion et de recherche sur le rôle

des valeurs spirituelles et éthiques dans l’éducation et l’avancement de la paix; avec, le plus souvent, une

référence aux Écritures des trois religions monothéistes.

Au sein de NSH/WAS, une équipe s’est formée dans le but de promouvoir un “Centre Spirituel Pluraliste” dédié

à la mémoire de Bruno Hussar, qui poursuive et approfondisse cette recherche en l’ouvrant à toute expression

spirituelle, qu’elle soit philosophique, religieuse ou artistique.

Un bâtiment sera construit pour lui offrir un cadre, avec salles de travail ou de célébration d’un culte,

bibliothèque pour adultes et pour enfants. »

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