ESPAGNE

BASKET : PREPARATION PHYSIQUE

SPECIFIQUE DU JOUEUR D'APRES J. HERNANDEZ-MORENO

Pour situer cet article il est nécessaire de rappeler en préambule quelques constats. La pratique du basket à un haut niveau requiert un type d'effort spécifique dont l'identification passe par la connaissance d'un nombre important de paramètres. En conséquence, un programme de pré­paration physique parfaitement adapté et solidement argumenté s'impose dans l'entraînement des joueurs. Cette préparation physique occupe effec­tivement au sein de l'entraînement de l'élite, ainsi que d'ailleurs à tous les niveaux de pratique, une place de plus en plus grande ; son élaboration et sa conduite sont fréquemment confiées à des spécialistes. Jusqu'à présent la prépara­tion physique du joueur de basket s'est surtout inspirée de celle qui s'applique aux sports individuels : athlétisme, nata­tion, haltérophilie.

La recherche de l'auteur (*), conduite à partir de l'observation de la pratique en compétition propose de mettre en évi­dence les éléments justifiant la spécificité de cette préparation physique et favoriser ainsi, dans le but d'obtenir des résultats au meilleur niveau, la promotion d'un spectacle sportif de qualité.

(*) Cette étude a été réalisée par José Hernandez Moreno, professeur de bas­ket, ex-préparateur physique du Barce-lone-Cacaolat et présentée dans la Revue « Apunts », numéros 7 et 8, juin 1987.

LA RECHERCHE

Afin d'analyser le type d'effort sollicité par la pratique du basket, il a été réalisé une observation directe, sur le terrain, de toutes les rencontres de première division mascu­line qui ont eu lieu au cours de la saison 85/86 : soit au total vingt et un matches.

LA METHODOLOGIE

Trois procédés ont été retenus pour cette étude : l'enregistrement vidéo, l'observa­tion des matches à partir de grilles, l'assis­tance par ordinateur.

EPS № 211 MAI JUIN 1988 17 Revue EP.S n°211 Mai-Juin 1988 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

• Prises de vue vidéo Pour répondre aux objectifs de la recher­che il était indispensable de filmer la tota­lité du champ de jeu et, ceci pendant toute la durée de chacune des rencontres. Les conditions de tournage ainsi définies n'ont pu être réunies que sur trois terrains, ceux du F.C. Barcelone, de la Juventut de Bada-lona et du R.C.D. Espagnol (1). Seuls, ces trois lieux de rencontres ont permis, en effet, de fixer la caméra sur le côté du terrain parallèlement à la ligne centrale. Les données enregistrées à partir de ces prises de vue ont fourni trois types d'in­formation concernant : - les actions techniques (dribbles, passes et tirs) ; - les sauts (rebonds, et toutes actions im­pliquant la détente...) ; - les systèmes tactiques.

• Observation directe Elle avait pour objet de relever toutes les incidences d'ordre règlementaire qui se produisaient au cours des rencontres, comme les temps de repos et de participa­tion.

• Assistance par ordinateur Un programme original (2) avait été éla­boré pour que soient enregistrés : - les distances parcourues par les joueurs ; - le rythme avec lequel elles étaient effec­tuées.

L'ANALYSE DES DONNEES

Les moyens d'observation pré-cités ont débouché sur une véritable analyse, sus­ceptible de définir non seulement le type d'effort auquel le joueur était soumis mais également le rythme du jeu. Et, chacun des paramètres a engendré les résultats sui­vants.

ACTIONS TECHNIQUES

Seul l'examen des actions techniques les plus significatives a été réalisé à savoir : les dribbles, les passes et les tirs, en fonction du poste occupé sur le terrain. Les résultats obtenus (cf. tableau 1) démontrent mani­festement la haute spécialisation des joueurs de basket. Avec 88 % des dribbles et 41 % des passes, les arrières confirment leur rôle : organisation du jeu, contrôle du ballon, alors que seulement 9 % des tirs leur sont attribués ; les ailiers et les pivots se répartissent le reste du pourcentage avec une légère prédominance cependant des ailiers.

SYSTEMES TACTIQUES

L'évaluation des systèmes tactiques em­ployés a porté sur leur nombre et leur fréquence d'utilisation, tant en attaque qu'en défense (cf. tableau 2). En défense, on recourt préférentiellement à « l'indivi­duelle » et en attaque ce sont les systèmes : 1-2-2, 2-3 et 1-3-1 qui prédominent avec 72,97 %. Ces chiffres font apparaître : - l'existence d'une grande variété de systè­

mes tactiques dont quelques uns seulement sont employés ; ce sous-emploi est, sans doute, la conséquence d'une mécanisation excessive du jeu, liée à une trop grande influence de l'entraîneur ; - l'importance de la défense individuelle qui nécessite d'améliorer la condition phy­sique du joueur et tout particulièrement sa vitesse.

SAUTS

Les différents sauts (rebonds, smashes, interceptions...) réalisés par chaque joueur ont été comptabilisés en fonction de leur poste dans le jeu (cf. tableau l). La connaissance de ces données a une impor­tance capitale pour la conduite d'une pré­paration physique spécifique. On observe, en effet, une grande variation des chiffres selon les postes tenus par les joueurs : les pivots sautent deux fois plus que les arriè­res.

DISTANCES PARCOURUES ET RYTHME

L'analyse des distances parcourues et du rythme de celles-ci a été effectuée à partir de l'observation de six matches et soixante joueurs pour la saison 84/85 puis, de deux équipes et vingt joueurs en 85/86. Dans les deux cas, le programme d'ordinateur déjà cité a été utilisé et, le suivi des athlètes a été réalisé grâce à la collaboration d'un groupe d'élèves spécialistes basket de l'I.N.E.F. (3) Barcelone. L'ensemble des événements et résultats sont présentés dans les tableaux 3 et 4 : distances parcourues et différentes allures de course (3), pourcentages des distances et du temps en fonction des postes occupés et des différents rythmes (4).

Comme pour un grand nombre de sports, le paramètre déterminant ou pour le moins essentiel de l'effort exigé en basket, semble être la distance à parcourir cependant, peu d'études sur ce sujet ont été menées jus­que-là. C'est pourquoi la connaissance réelle des distances parcourues et du rythme de leur réalisation offre une source d'informations particulièrement intéres­sante pour l'élaboration d'un programme d'entraînement spécifique, même si ce fac­teur doit être conjugué avec les autres.

INCIDENCES REGLEMENTAIRES

L'incidence du règlement doit être néces­sairement prise en compte pour s'appro­cher de la réalité du jeu. Les différentes situations consécutives à une intervention rèière à connaître le type et le nombre d'événements qui se produisaient lors d'un match ainsi que le temps départi à chacun. Les premiers résultats ont permis de constater :

- une grande quantité de fautes personnel­les commises au cours d'un match : 42, soit le double du total des autres incidences ; - un faible pourcentage de violations : té­moignage, sans doute, de la haute techni­cité des joueurs ; - l'utilisation partielle des temps morts : 8 au total, 4 par équipe ; - de nombreux changements de joueurs ; ceci atteste que les équipes évoluent en général avec six ou sept joueurs. Les durées résultant de ces six incidences règlementaires ont permis de mesurer les temps réels de participation et de repos.

Tableau 1 : nombre d'actions techniques et de sauts

Tableau 2 : systèmes tactiques

Tableau 3 : distances parcourues et différents rythmes de course

18 Revue EP.S n°211 Mai-Juin 1988 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

ESPAGNE

Les temps de participation et de repos Grâce au suivi individuel (lorsqu'un joueur sortait du jeu, les actions de son rempla­çant lui étaient attribuées), toutes les ac­tions produites en cours de match ont été relevées. Toutefois, pour que ces temps puissent servir de référence précise, il convient au préalable de souligner les éléments suivants : • la durée totale d'un match : 2 périodes de 20 minutes avec 10 minutes de repos entre chaque ; • la moyenne des attaques et des retours en défense : 88,1 ce qui en considérant les deux équipes donne le double soit au total 176 attaques et 176 retours ; • la distribution des temps d'arrêts de jeu, en fonction des différentes actions qui les produisent ; celle-ci est décrite dans le ta­bleau 5, dans lequel figure au regard des durées, le nombre d'événements au cours d'un match ;

• la distribution des temps de participation et d'arrêt par intervalles de 20" (cf. tableau 6).

LES ENSEIGNEMENTS DE CETTE ETUDE

A la lumière des résultats de l'étude, il est possible de vérifier : - d'une part, que le basket espagnol mascu­lin se déroule actuellement à un rythme dont les temps de participation (86,9 % inférieurs à 1 minute) et d'arrêt de jeu (92,9 % inférieurs à 1 minute) sont très proches : 27"55 et 31"95 avec une diffé­rence de 4"58 seulement ;

- d'autre part, que le jeu se caractérise par un nombre important d'arrêts : 71, en grande partie dus aux fautes personnelles : 42. De ces constatations, on peut déduire que le rythme du jeu est lent mais qu'il pourrait être accru grâce à une meilleure prépara­tion physique et plus spécifique des joueurs et des arbitres. De plus, en transposant sur le terrain les données recueillies, à savoir : prédomi­nance de la défense individuelle, réalisa­tion des actions techniques et des sauts, déterminée par le poste du joueur - il est possible d'affirmer que le basket exige plus particulièrement des qualités de résistance, de vitesse-force et de coordination.

• La résistance est de type mixte : aérobie et anaérobie, avec une légère supériorité de l'aérobie. • La vitesse est essentielle au cours de la phase finale des actions techniques et à un degré moindre lors des déplacements, ce qui est peut-être dû à une préparation insuffisante des joueurs, ne permettant aux basketteurs de jouer à un rythme plus élevé.

• La force est sollicitée de manière inégale selon le poste occupé sur le terrain ; le pivot est celui qui en a le plus besoin du fait du nombre de sauts qu'il réalise et de la « lutte » sous le panier.

L'identification très précise de la nature, du volume des actions en jeu et de leur répartition dans le temps est une contribu­tion essentielle à la définition des objectifs et des moyens, nécessaires à la préparation physique spécifique des joueurs de basket.

PHOTOS : AGENCE S.A.M. TRADUCTION : J-P. C.

NOTES (1) F.C. Barcelone : Football Club Barcelone. Juventut de Badalona : Jeunesse de Badalona. R.C.D. Espa­gnol : Real Catholique Sportif Espagnol. (2) Programme informatique réalisé par le professeur Joan Riera : « L'analyse cinématique des déplacements en sports collectifs de balle ». (3) I.N.E.F. : Institut National d'Education Physique.

QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ASTRAND, P. (1973). Manuel de physiologie de l'exercice musculaire. Paris ; Ed. Masson et Cie. GROSGEORGE, B. (1980). Analyse du comportement tactique en basket-ball. KISTEMACHER, J. (1974). Préparation physique pour les sports d'équipe. Buenos-Aires : Ed. Stadium. MATVEYEV, L. (1977). Les processus de l'entraîne­ment sportif. Madrid : INEF. MOLLET, R. (1964). L'entraînement total. Madrid : comité olympique espagnol. MONDONI, M. La préparation physique athlètique du joueur de ballon. PIERON, M. Analyse de l'enseignement des activités physiques. Rome : "Société Stampe Sportive. PILA, A. (1976). Préparation physique, tomes 1, II, III. Madrid : Ed. Propria. Revues : Revue Pivot. Association francophone des entraîneurs de basket-ball. Revues basket-ball : Fédération Française de basket-ball.

Tableau 4 : pourcentages des distances parcourues et du temps en fonction des postes occupés et des différents rythmes.

Tableau 5 : Incidences réglementaires et distribution des temps d'arrêts de jeu.

On obtient ainsi une répartition des temps de participation et d'arrêt comme suit : - moyenne des temps de participation : 31,95 sec. - moyenne des temps d'arrêt : 27.55 sec.

Tableau 6 : distribution des temps de participation et d'arrêt

par intervalles de 20 secondes

EPS № 211 - MAI-JUIN 1988 19 Revue EP.S n°211 Mai-Juin 1988 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé