Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

17
A. Rome Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs In: L'antiquité classique, Tome 2, fasc. 1, 1933. pp. 177-192. Citer ce document / Cite this document : Rome A. Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs. In: L'antiquité classique, Tome 2, fasc. 1, 1933. pp. 177- 192. doi : 10.3406/antiq.1933.2971 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antiq_0770-2817_1933_num_2_1_2971

description

Premiers essais de trigonométrie rectilignechez les Grecs.par A. Rome.Un passage de Théon d'Alexandrie.

Transcript of Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

Page 1: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

A. Rome

Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les GrecsIn: L'antiquité classique, Tome 2, fasc. 1, 1933. pp. 177-192.

Citer ce document / Cite this document :

Rome A. Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs. In: L'antiquité classique, Tome 2, fasc. 1, 1933. pp. 177-192.

doi : 10.3406/antiq.1933.2971

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antiq_0770-2817_1933_num_2_1_2971

Page 2: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

Premiers essais de trigonométrie rectiligne

chez les Grecs.

par A. Rome.

Un passage de Théon d'Alexandrie ('). Commentant le chapitre

x) Dans un cercle de centre O (fig. 1), considérons un angle au centre AOD. Du point A, abaissons une perpendiculaire sur le côté OD. On appelle sinus AOD le rapport de la droite AC au rayon OA. Si nous prenons OA = 1, ce

deviendra égal à la longueur de AC elle-même. Les tables de sinus sont une liste de toutes les valeurs que peut prendre la longueur AC dans un cercle de rayon 1.

Au point D, élevons une perpendiculaire DE sur le rayon OD, et prolongeons le rayon O A jusqu'en E. On appelle tangente AOD le rapport de la droite DE au rayon OD. De nouveau, en prenant OD = 1, ce rapport devient égal à la longueur de la droite DE elle-même. Les tables de tangentes sont une liste de toutes les valeurs que peut prendre DE dans un cer-

^' ' cle de rayon 1. Les anciens considéraient l'angle AOB et joignaient AB. On peut appeler

corde AOB le rapport de la droite AB au rayon OA. Si l 'on prend OA = 1, ce rapport devient égal à la longueur de la droite AB elle-même. Les tables de cordes (κανόνιον των εν κΰκλφ ευθειών) sont une liste de toutes les valeurs que peut prendre AB dans un cercle de rayon 1. Ces tables étant notées en fractions sexagésimales (système d Origine babylonienne, que nous avons encore dans notre notation des heures, minutes et secondes), le rayon 1 est représenté par 60 parties dont chacune vaut 60 minutes de 60 secondes et ainsi de suite. Ptolémée s'arrête aux secondes.

Tout cela posé, dans les notes qui suivent, nous analysons d'abord un texte de Théon d'Alexandrie où nous apprenons comment s'appelaient les deux plus anciens auteurs de tables de cordes dont on connaît l'existence. Notre édition de Théon en est précisément à ce point-là, et nous pouvons ainsi fournir de ce passage un texte établi sur d'excellents manuscrits.

A cette occasion, nous examinons les endroits de Héron d'Alexandrie qu'on 12

Page 3: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

178 A. ROME

10 du Ie' livre de Γ Almageste (8), Théon d'Alexandrie fait une à propos de laquelle les historiens ont entassé les remarques:

Δέδεικται μεν ουν και 'Ιππάρχω πραγματεία των εν κΰκλψ ευθειών Ιν ιβ βιβλίοις, έ'τι τε και Μενελάω εν ς. « Une étude sur les cordes a été faite par Hipparque également, en douze livres ; et aussi par Ménélas, en six ».

Il n'en dit pas davantage, et exprime ensuite son admiration pour Ptolémée et « la façon habile dont il a su tirer toute sa table des cordes, de quelques théorèmes faciles ». Puis il passe à

explications sur le calcul dans le système sexagésimal. Elles nous impatientent, parce qu'il parle pour des élèves auxquels il faudrait faire comprendre que dans un mètre il y a dix décimètres, mais que dans un mètre cube, il y a mille décimètres cubes. Et pendant tout ce temps-là, il oublie de nous parler d 'Hipparque et de Ménélas. Les œuvres auxquelles il fait allusion, nous ne les avons plus. C'est pour nous le supplice de Tantale.

Björnbo (*) classe en quatre catégories les travaux antiques se

a voulu — à tort — rapprocher de ce passage-ci, et nous montrons ce qu'ils contiennent d'intéressant: ils évoquent les premiers efforts vers le calcul des tables de cordes.

Et finalement nous reprenons des passages de Pappus déjà édités, contenant un essai malheureux de résolution de triangles plans, probablement par

l'astronome auquel on attribue la création de la trigonométrie. (*) Ptolemaei Opera quae exstant omnia. Vol. I. Syntaxis mathcmatica,

éd. J. L. Heiberg, Pars I. Leipzig, Teubner, 1898, p. 31, 16-19. (Nous citerons toujours 1 'Almageste d'après cette édition, et ici nous n'avons à parler que de la première partie).

Commentaire de Théon d'Alexandrie sur le premier livre de la composition mathématique de Ptolémée. Traduit pour la première fois du grec en français sur les mes. de la bibliothèque du roi par M. l 'abbé Halma. Tome I, Paris, 1821, p. 110.

Claudii Ptolemaei Magnae constructions id est perfectae coelestium mo- tuum pertractationis lib. xiij. Theonis Alexandrini in eosdem commentario- rum lib. xj. Basileae, 1538, p. 39 du commentaire.

Nous citons Théon d'après l'édition en préparation pour la collection Siudi e Testi. Les deux éditions anciennes se fondent sur deux manuscrits très voisins, Norimb. cent 5,8 app 2°; et Par. gr. 2398. Toutes deux ont la variante ή

comme aussi Vat. gr. 198, Marc. 310, Par. gr. 2396, Par. gr. 2390. La Huppression de l 'article est garantie par Med. 28, 18 qui doit être suivi tant que c'est possible. Notons aussi pour mémoire que Par. gr. 2390 et 2396

à lire εν έ'κτφ, au lieu de εν ς. (s) A. A. Björnbo, Studien über Menelaos' Sphäriic dans Abhandlungen zur

Geschichte der mathematischen Wissenschaften n° 14. Leipzig, 1902, p. 127.

Page 4: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTRIE GRECQUE. 170

rattachant à la trigonométrie: Ie Ceux qui ont trait à la plane et aux tables de cordes; 2* ceux qui traitent de la

sphérique; 3° les constructions de cadrans solaires; 4° le tracé des planisphères.

Les tables d'Hipparque et de Ménélas font donc partie de la première catégorie. Les ouvrages de ce genre nous paraissent plus élémentaires que les suivants. Et pourtant, comme l'a fait observer Björnbo, chronologiquement, ils leur sont postérieurs. Nous en fournirons plus loin un nouvel indice.

Le passage de Théon nous livre donc les noms des deux plus anciens auteurs de tables que l'on connaisse. Nous n'avons rien pour le moment à ajouter à ce que l'on sait sur celles de Ménélas. Nous nous bornerons à examiner quelques questions se rattachant aux tables d'Hipparque et au calcul des triangles plans chez le même auteur.

Les calculs de polygones chez Héron d'Alexandrie. En endroits des œuvres de Héron d'Alexandrie, et en dans le 1" livre des Metrica (*) (p. 46 à 66) se trouve une

(*) Heronis Alexandrini Opera quae supersunt omnia ed. Schmidt, Nix, Schöne, Heiberg. Leipzig, Teubner, 1899 à 1915, 5 vole.

Geométrica et Stereometrica se trouvent dans les vols 4 et 5, édités par Schmidt et Heiberg (Leipzig, 1912 et 1915). Les trois livres de Metrica forment la

partie du volume 3, édité par H. Schöne, Leipzig, 1903. On retrouve des formules de surface des polygones chez Diophanès (cfr.

Diophantis Alexandrini Opera omnia, ed. Tannery, Leipzig, Teubner, 1895, p. 18-27; et Mathematici graeci minores, éd. J. L. Heiberg dans Kgl. Danske Videnskabernes Selskab Hist, filol. Meddelelser 13 (1927), p. 25-72).

On peut dire en gros que Geométrica et Stereometrica sont des remaniements, devenus méconnaissables, de Metrica. Les formules de Diophanès ont leurs

dans Geométrica. Une analyse soigneuse de ces ouvrages, ainsi que d'autres attribués à Héron, ne nous a rien donné d'intéressant, qui ne se puisse déduire plus clairement de Metrica. Lorsqu'on n'avait pas ce. dernier ouvrage, on devait bien se contenter d 'utiliser les autres textes, plus ou moins authentiques, et Tannery l 'a fait fort habilement dans son mémoire sur l

des Grecs dans Héron d'Alexandrie (Mémoires de la Société des phys. et nat. de Bordeaux 4 (1882) p. 161 à 164 = Mémoires scientifiques,

publiés par Heiberg et Zeuthen t. I, Toulouse, Privat, 1912, n° 18 p. 189-225). Nous allons négliger ces sources secondaires, dont la mise en œuvre

inutilement notre rédaction; et dans la suite, nous ne parlerons que de Metrica.

Nous laissons de côté la question de la date de Héron. Il est certainement

Page 5: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

180 Λ· ROME

série de problèmes où l'on calcule la surface des polygones en fonction de leur côté. On les prend les uns après les autres

depuis le triangle jusqu'au dodécagone, et le procédé de calcul est toujours le même: Héron cherche d'abord (e) le rapport du côté à

c c2 l'apothème — ; il en déduit facilement . w „ ; or a X c est le double

{ d'un triangle qui vaut le — du polygone de n côtés; et le problème

est résolu. Le rapport — s'obtient de différentes façons:

Si le polygone peut se construire au moyen de la règle et du compas, — est fourni par des procédés de géométrie élémentaire

dont nous ne parlerons pas ici. Mais dans trois cas, le rapport — ne dépend pas d'une équation

du 2d degré: c'est lorsque le polygone à calculer est un heptagone, un ennéagone ou un hendécagone.

Pour l'heptagone, Héron évalue lui-même le rapport par un empirique: il pose en fait que l'apothème d'un hexagone est à

peu près égal au côté de l'heptagone inscrit dans le même cercle. Il a ainsi:

( ι n ) = 3: d'où -w =-¡r ; d'où il tire — — dont il a besoin. \ -ο- η / lío ai

Pour l 'ennéagone et l'hendécagone, il trouve le rapport -p- tout

calculé (*) dans un manuel spécial intitulé : περί των εν κΰκλφ

postérieur à Archimède (mort en 212 av. J.-C.) et antérieur à Pappus (320 après J.-C). On le traîne sans répit d'un bout à l'autre de ces cinq siècles. Depuis les travaux de Mme Hammer Jensen, on tend à le placer entre Ptolémée et Pappus. Mais l'argument principal de cette thèse, est que la dioptra de Héron est un appareil plus perfectionné que les instruments de Ptolémée, et par conséquent, qu'elle leur est postérieure. Cette façon de raisonner n'est pas concluante en soi, et elle l 'est d 'autant moins, ici, que Ptolémée semble être moins bon observateur qu 'Hipparque.

(*) Nous adoptons les notations suivantes: SM= surface du polygone de n côtés ; o« = côté du même polygone ; a n apothème ; R = rayon du cercle

; D = diamètre du cercle circonscrit. (·) Pour l 'ennéagone, cf r. Metrica, p. 58, 19-20 : δέδεικται δέ εν τοις περί

των εν κύκλφ ευθειών ότι ή ΖΕ της ΕΜ τρίτον μέρος εστίν εγγιστα. « Or il est démontré dans les livres sur les droites dans le cercle, que ZE est environ

Page 6: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIQONOMÉTRIE GRECQUE. 181

Et c'est ici que nous voulions en venir. L'éditeur des Metrica a cru pouvoir identifier ce titre avec celui

que nous avons rencontré dans Théon. En général, on a adopté son opinion (7) : citons par exemple Crfntor, dans la 3e édition des

Loria, Hoppe, et, avec plus de réserve, Heath. Il n'y a eu que deux voix discordantes.· Eneström, naturellement, et Tannery. Ce dernier faisait remarquer fort justement: pourquoi nommer Hip- parque et pas Ménélas, si l'on veut rattacher le renseignement de Héron à celui de Théon?

Nous irons plus loin : on veut tirer argument de la ressemblance entre les titres. Mais Théon cite-t-il un titre? Il dit seulement qu'Hip- parque et Ménélas ont fait chacun une étude sur les cordes. Vu

où il en parle, et la comparaison qu'il établit entre ces deux ouvrages et 1 'Almageste, nous pouvons penser que c'étaient deux traités de trigonométrie. C'est tout. De son côté, Héron nomme « les livres sur les cordes». Cela peut signifier deux choses: ou bien un ouvrage en plusieurs livres, ou bien plusieurs ouvrages difiié-

le tiers de EM ». Dans la notation que nous avons adoptée, ce passage se transcrirait: 09=0 D. En cet endroit, l'éditeur a noté: δέδεικται, seil, ab Hip- o parcho, cuius íerebantur περί της πραγματείας των εν κύκλψ ευθειών βιβλία ιβ teste Theone Comm. in Alm. I cap. 9 p. 110 Halma.

Pour l'hendécagone cfr. Metrica p. 62, 17-22: δεδεικται δε εν τοις περί των εν κύκλφ ευθειών, [δτι λόγος της ΖΞ προς ΖΗ ως εγγιστα ó τών κε προς ζ, ό δέ της ΞΗ προς HZ λόγος, δν κδ προς ζ. του άρα από ΖΗ προς τό ΖΗΞ τρίγωνον λόγος ó τών μ# προς πδ etc. « Or il est montré dans les livres sur les , . „ , ΖΞ 25 . HS îi J1V ZH2 49 . droites dans le cercle, ou? 7=77 = -=- environ; 7777— -=- : d'où „TTr_ = 57 etc. Zri / HZ / Ziiû o4

D 25 2rtu "U c*u 49 Dans la notation adoptée : — = ■=- ; = — ; d 'où — . rwTr„ = 777 etc. Cu 7 ' Cu ' tri ΖΗΞ 48

(T) M. Cantor, Vorlesungen über die Geschichte der Mathematik, B. I, 3" ed., Leipzig, Toubner, 1907, p. 364. — G. Loria, Le scienze esatte nell'antica

2' éd., Milan, Hoepli, 1914, p. 522. — G. Loria, Histoire des Sciences dans l'antiquité hellénique. Paris, Gauthier- Villars, 1929, p. 179. —

Hoppe, Mathematiic und Astronomie im klassischen Altertum, Heidelberg, Winter, 1911, p. 323. — T. L. Heath, A manual of greek mathematics, Oxford, Clarendon Press, 1931, p. 425 [Heron appeals to the Table of chords (presumably that of Hipp-irchus)]. — G\ Eneström, Compte rendu de la 3" ed. des Vorlesungen de Cante, dans Bibliotheca mathematica, 7 (1906), p. 404. — P. Tannery, Compte rendu de l'édition de Metrica dans Journal des Savants (1903), p. 147 et suiv. -J- 203 et suiv. = Mémoires scientifiques publiés par Heiberg et Zeuthen, tome 3, Toulouse, 1915, n° 76, p. 143.

Page 7: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

182 A. ROME

rents (") . Dans le second cas, Héron ne viserait aucun ouvrage en particulier. Dans le premier, qui paraît le plus vraisemblable, on peut croire que le titre de l'ouvrage consulté est bien περί των εν κΰκλφ ευθειών, car Héron (*) cite exactement ses auteurs. On voit qu'on ne peut rien tirer de cette ressemblance entre les titres.

à Hipparque du « livre des cordes » est une pure conjecture. Si l'on examine de tout près les passages de Héron, elle devient

improbable. Remarquons d'abord que ni dans ses calculs de polygones, ni du

reste en aucun endroit de ses œuvres connues, Héron ne fait de la trigonométrie. On a pu en douter tant que Metrica était inconnu. La question ne se pose plus depuis trente ans.

Mais sa source pouvait être un ouvrage de trigonométrie. On a peut-être raison de croire que c'était une table.

En ce oas, ce n'est pas une table des cordes: car ce que Héron lui emprunte, ce sont deux sinus et peut-être une tangente (l0) . Et alors,

(e) Héron cite (Metrica, p. 172, 11) le 2*" livre de la sphère et du cylindre par Archimède. Il sait donc qu'il est divisé en plusieurs livres. Or aux pp. 86, 22; 88, 26; 120, 28, il dit: εν τφ περί σφαίρας και κυλίνδρου. Cela nous pousserait à choisir la seconde interprétation de εν τοις . Mais ces trois exemples visent le premier livre de la sphère et du cylindre. Il faut peut-être comprendre : εν τφ α' περί etc. Et l'argument n'est pas décisif. Dans ces conditions, nous trouvons plus naturel que εν τοις περί των εν κύκλφ εύΦειών désigne un ouvrage en plusieurs livres. Mais on voit qu 'il η 'y a aucune certitude.

(·) Nous avons relevé dans Metrica 16 citations de titres bien connus par ailleurs. 13 d 'Archimède et 3 d'Apollonius de Perga. Aucun titre n'est

cité ; 3 sont abrégés. Pour Théon d 'Alexandrie, il est actuellement de faire ce relevé: le texte de l'édition de Bâle est trop incorrect,

l'édition parisienne ne comprend que deux livres et elle se fonde sur un auquel on ne peut pas se fier pour des recherches de ce genre.

C (10) En effet, t; est un sinus. Or dans le problème de l'hendécagone et dans

celui de l'ennéagone, Héron emprunte à sa source le rapport jy ; tandis que lorsqu'il calcule lui-môme la corde de l'heptagone, il la rapporte au rayon. Le

C rapport 5 est exactement la corde dont Ptolémée fait usage, et après lui tous les astronomes jusqu 'à al Battani.

Dans le cas de l'hendécagone (cfr. ci-dessus note 6) la ponctuation de Schöne tend à faire croire que ό δε της ΞΗ προς HZ λόγος dépend

ment de δέδεικται δτι. En ce cas, le rapport — qui est une tangente, se C serait également trouvé dans le « livre des cordes ». Mais alors, on attendrait

Page 8: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTHlE GRECQl'E. 183

il faut renverser complètement tout ce qu'on croit savoir de la grecque, et en outre expliquer, si l'on place Héron avant

Ptolémée, comment ce dernier a pu avoir l'idée de construire une table des cordes alors que le théorème de Ménélas, qui constitue à peu près toute sa science en la matière, le fait travailler constamment sur des rapports entre cordes de l'arc double, c'est-à-dire en réalité sur des rapports de sinus: pourquoi aurait-il abandonné les tables de sinus si elles existaient? Et si l'on veut mettre Héron entre

et Pappus, il faudrait expliquer comment Théon et Pappus ont laissé passer inaperçue cette simplification.

Si l'on ne peut pas admettre que Héron a utilisé une table de il faudra bien dire que le « livre des cordes » n'est pas une table

trigonométrique. Bien d 'autres arguments le prouvent : Ainsi, Héron cite exactement

ses auteurs. En particulier, lorsqu'il leur emprunte un rapport, il le reproduit tel qu'il l'a trouvé dans sa source, sans le renverser: on rencontre dans Metrica sept rapports empruntés à des textes qui existent encore. Ils sont reproduits tels qu'ils étaient dans l'ouvrage consulté par Héron, sauf une seule fois (Metrica 2, 18) ; et là nous

dans l'introduction, où il fait de la littérature et pas des Lorsqu'il reproduit un énoncé de théorème, il le fait

exactement quant au sens, mais il l'abrège: les longueurs d'Eu- clide et d'Archimède lui paraissent vieillies, sans doute: il ne lui arrive que deux fois de ne pas abréger un énoncé qu'il invoque.

Dans ces conditions, la façon dont il exprime la corde de l'ennéa- gone, ZE = -j EM, indique qu'il ne trouve pas cette donnée dans une table de cordes. Et l'on ne peut dire qu'ici, par exception, il a touché au texte de sa source, car ce qu'il lui fallait, c'était EM = 3 ZE. S'il n'avait pas copié sa source exactement, il aurait mis l'expression sous la forme dont il avait besoin. En outre, le premier rapport est cité sous la forme c = ~ô D; le second sous la forme D 25 - = -=-. Donc, si nous avions affaire à une table, son auteur η 'aurait C ι

dans la première partie : ότι ό μεν λόγος etc., ou bien ότι λόγος μεν etc. qui est plus conforme à la façon de parler de Héron. Nous ponctuerions donc plutôt: ... προς ζ. ό δε ... et la tangente ne viendrait pas du livre des cordes.

D'ailleurs il y a dans Archimède (mesure du cercle) des rapports qui, en fait, sont des sinus et des tangentes. Il y en a aussi chez Héron. Mais ces rapports y sont dépourvus de toute signification trigonométrique. Il faut admettre la même chose des sinus et des tangentes du livre des cordes.

Page 9: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

184 A. ROME

pas gardé le même antécédent d'un bout à l'autre. Une telle exposerait à tant d'erreurs les mathématiciens qui utiliseraient

l'ouvrage, qu'on n'imagine pas qu'on ait pu se donner la peine de calculer une table et omettre cette précaution élémentaire.

Donc le livre des cordes n'est pas une table; c'est une série de constituant un mémoire sur les polygones.

Il n'est même pas sûr que l'on y parlait de tous les polygones, car Héron ne va pas y chercher la corde de l'heptagone. C'est peut-être parce qu'il arrivait ainsi à un résultat plus exact. Mais c'est peut- être aussi parce que l'heptagone n'était pas mentionné dans sa source.

A tout ceci, M. Alliaume faisait en 1919 l'objection suivante : Héron a emprunté ses renseignements à une série de propositions. Mais cette série de propositions pourrait être l'introduction d'une table

dite. Nous avons examiné alors cette objection sous toutes ses faces,

mais nous ne pouvons reproduire ici que les principaux arguments pour et contre.

Les 12 livres d'Hipparque et les 6 livres de Ménélas étaient consacrés à d'autres choses encore qu'à

d'une table. Mais cette partie du travail devait être longue chez tous les deux, car Théon n'admirerait pas autant

la brièveté de Ptolémée si elle ne le distinguait pas nettement de ses prédécesseurs.

Mais Ptolémée lui-même calcule dans son introduction à la table des cordes (Alm. livre I chap. 10 p. 31 sqq.) la corde de polygones dont il n'aura plus besoin dans la suite. Il lui suffit d'avoir le côté du pentagone et celui de l 'hexagone ; on a ainsi crd 72", crd 60° ; puis crd (72-60) = crd 12°; d'où crd 6°, crd 3", crd l"30', crd 0"45'; et finalement, par interpolation, crd Io. Et tout le reste de la table suit rien qu'en faisant jouer les formules d'addition et de

Or, dans les considérations qui précèdent la table, il évalue le côté du carré, du triangle et du décagone ("). Le décagone l'aide

(") En outre, dans cotte introduction, le côté du pentagone eut évalué à 79'" 32 '3'/, tandis que dans la table, crd 72° = 70(l 32'4". Cependant, le côté du pentagone a servi de point de départ. Mais la talile a été recalculée d'un bout à l'auti" «;uis tenir compte de l'introduction. Hultach (Dir St hin »tafeln iif-ι unrcMschtn .Iftxinnmrn, dans Da* Weltall, 2 (1901), p. ôO) allait même plus ί·>ίπ pour lui, ce fait prouvait que la table des cordes de l'Almageste provenait

Page 10: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTRIE GRECQUE. 185

à trouver le pentagone. Mais le carré et le triangle? Cette anomalie ne serait-elle pas le reflet de ce qu'on voyait dans les traités de trigonométrie antérieurs à l'Almageste, où la table des cordes

une série de calculs sur les polygones inscrits? Voilà ce qu'on pourrait dire de plus fort en faveur de l'objection.

Sed contra, il est impossible de calculer une table sans avoir des correspondant à notre sin (a + b) . Ces formules existaient

déjà du temps d 'Archimède, si l 'on peut en croire al-Biruni (e) . Mais alors il devenait inutile de calculer l'hendécagone. Et ce n'est pas là un polygone d'un calcul aisé comme le triangle et le carré dont Ptolémée a fait mention en hors-d 'œuvre. On n'a pas songé à calculer l'hendécagone dans un ouvrage dont le but était

d'une table trigonométrique. On ne pouvait avoir cette idée qu'en un seul cas: celui où, faute

d'une formule d'addition des arcs, on aurait essayé de se tirer en calculant directement autant de polygones qu'il faudrait. On

pouvait aboutir en imitant les procédés d 'Archimède dans sa mesure du cercle : convenablement modifiés, ils permettent de passer de sin a à sin 2 α ou à sin -^ a. Mais il fallait, pour ne pas trop compliquer les choses, se contenter de polygones correspondant à peu près aux arcs qu'on voulait calculer: par exemple, par 21°, calculer le poly- gone de 17 côtés, qui correspond à 21° -pj . Cette façon de faire donne une ou deux décimales exactes ; or c 'est là précisément le degré d'approximation des rapports que nous trouvons chez Héron. Mais on peut facilement prouver qu'aborder le problème par là, c'était se condamner à calculer directement le côté du carré et celui de tous les polygones réguliers d'un nombre impair de côtés jusqu'à 89 inclusivement. Il ne fallait pas y songer. D'ailleurs, en ce cas, on aurait eu le côté de l'hendécagone, mais on aurait eu aussi celui de l'heptagone, que Héron n'emprunte pas au livrp dp« cnnles. Tout cela évidemment, en admettant que cette hypothétique Table des

ait été fondée sur la division de la circonférence en 360".

«l 'une autre source que l 'introduction. Ptolémée aurait donc copié deux ouvrages différents sans les harmoniser? Il semble bien plus simple d'admettre que celui qui a calculé cette portion-là de la table (avec le système de l 'esclavage,

pouvait avoir une armée de calculateurs attachés à son observatoire) n'a pas songé que son maître avait déjà calculé le côté du pentagone.

02) H. Suter. Abû'l Raihân Muh. el Bïriinï. Das Buch <\er Auffin-luna «V> Sehnen im Kreise dans Biklinthrrn mnihemalica. 3 F. 11 (1910-11 j, p. Il -Ts

Page 11: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

18t> A. ROME

Enfin (et si l'objection est d'Alliaume, cette réponse-ci est du P. Bosnians) on n'a pas le droit de supposer à priori qu'un traité intitulé περί των εν -κΰκλω ευθειών est une table des cordes. Témoin le traité d'al-Biruni (ls) dont le titre signifie littéralement: «livre « du calcul des cordes dans la circonférence par les propriétés de « la ligne brisée qui se trouve en elle ». Or ce traité, en grande partie d'inspiration grecque, ne contient pas de table.

L'objection en effet n'est valable que si le sens naturel du titre grec est « table des cordes » ; sinon, elle se ramène à une supposition gratuite.

Nature du livre des cordes. De tout ce qui précède, on peut que Héron emprunte ses renseignements à un mémoire où en

une série de propositions, se trouvaient établis les rapports entre lignes de polygones inscrits.

Avant qu'on parvienne à construire des tables des cordes, il a fallu qu'on s'essaye peu à peu à les calculer. Il y a déjà des efforts dans ce sens chez Aristarque de Samos, chez Euclide même, et surtout, chez Archimède : son traité de la mesure du cercle évalue les rapports des côtés de certains polygones inscrits au diamètre du cercle, donc, en fait, des sinus, et les rapports du rayon à des tangentes au cercle, donc, en fait, des cotangentes (u). Dans le même traité, l'on rencontre un procédé de calcul permettant d'obtenir sin -^ en fonction de sin a. Al-Biruni (16) semble bien avoir raison lorsqu'il attribue à Ar-

C3) H. Suter, op. cit., p. 11 note 1. (") Mais bien entendu, Archimède n'attribuait pas à ces rapports une

trigonométrique. (15) H. Suter, op. cit. — C. Schoy, Graeco-arabische Studien nach

Handschriften der Vizeköniglichen Bibliothek zu Kairo, als Festgruss zum 70 Geburtstag des H. Prof. Heiberg dans Isis, 8 (1926), p. 21-40 (sur divers traités arabes concernant l'heptagone, et sur le traité de l'heptagone par Archi- mède). — C. Schoy, Die trigonometrischen Lehren des persischen Astronomen Abu'l Raihan Muh. ibn Ahmad al-Blr'ünl, dargestellt nach al qânûn al mas cüdl. hrsg. von J. Ruska und H. Wieleitner, Hannover, Lafaire, 1927, pp. XII - 108 (en appendice, le traité d 'Archimède sur l'heptagone). — Tuopfke, Compte rendu du précédent dans Islam, 17 (1928), p. 298-300. — Tropfke, Archimedes und die Trigonometrie dans Archiv für die Geschichte der Mathematik

und Technik, 10 (1928), p. 432-463. — O. Neugebauer und W. Struve, 17&er die Geometrie des Kreises in Babylon dans Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, 1 (1929), p. 91.

Page 12: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTRIE GRECQUE. 187

chimède un théorème qui permet de trouver des formules des arcs. Enfin, Schoy a découvert au Caire, et a authentiqua,

la traduction arabe d'un traité d'Archimède sur l'heptagone (le) . Il ne manquait à Archimède, remarque M. Tropfke, pour

arriver à une table des cordes, qu'une notation maniable des frac- tiens ("). Cette notation, Hipparque l'a empruntée aux Babyloniens. Mais, ajoutait-on immédiatement, les Babyloniens eux-mêmes ne se sont pas occupés du calcul des cordes. Les propositions négatives sont toujours dangereuses à soutenir : l 'an d 'après, Struve et Neugebauer apportaient le premier document sur le calcul des cordes chez les Babyloniens.

Le traité des cordes n'est pas d 'Hipparque; il ne perd pas pour cela tout intérêt : il vient, tout au moins logiquement, se placer dans le dossier des premiers efforts pour créer une trigonométrie. Tant qu'on ne parvient pas à le dater, on ne peut l'utiliser sans

Si Héron était un quasi contemporain d 'Hipparque, comme on le pensait il y a une bonne quinzaine d 'années, le livre des cordes

être classé parmi les précurseurs (à moins qu'un jour on ne nous apporte une table des cordes babylonienne; mais on vient de voir qu'on n'en est pas encore là). Si Héron est du III* s. après J.-C, le livre des cordes peut être un document d 'un tout autre genre. P.

(l8) a montré comment les efforts des mathématiciens dans ce domaine ont abouti d'une part aux tables des cordes et d'autre part à des travaux sur les polygones inscrits. Les découvertes de Schoy viennent nous rappeler que cette seconde branche de la courbe se prolonge très loin. Le traité des cordes devrait être placé sur cette branche, en un point fort mal défini, avant le IIP siècle ap. J.-C.

Premiers essais de résolution de triangles plans. Nous rappelions tout à l'heure que la trigonométrie sphérique s'était développée avant la trigonométrie plane. Pourtant, croirait-on, dès qu'on possède une table des cordes, il est bien facile de résoudre un triangle rectlligne.

(1β) L'évaluation de l'heptagone chez Héron ne provient pas de ce traité. (IT) II fallait aussi qu'il songeât à en faire une. Cette remarque de M. de la

Palisse ne doit pas être perdue de vue. (ω) Ρ. Tannery, Recherches sur l'histoire de l'astronomie ancienne, Paris,

Gauthier- Villars, 1893, p. 67.

Page 13: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

188 A. ROME

Si nous circonscrivons (fig. 2) au triangle ABC, un cercle de centre D et si nous joignons AD, BD, CD, on voit immédiatement que AB est la corde de l'angle ADB dans un cercle de rayon AD.

fig. 2.

D'autre part, la table des cordes donne les cordes de ADB, ADC, et BDC dans un cercle de rayon 1.

Mais ADB = 2 ACB ADC = 2 ABC BDC = 2 BAC.

On a donc : AB = AD X corde 2 ACB AC = AD X corde 2 ABC BC = AD X corde 2 BAC.

Donc, pour résoudre un triangle plan quelconque dont on connaît, par exemple les angle« et un côté, il suffit de chercher dans la table des cordes, les cordes des angles doubles des angles donnés. Une

proportionnelle nous mettra en un instant au bout du (").

Les Grecs n'ont jamais vu que ce procédé s'appliquait à tous les triangles rectilignes; ils n'en ont fait usage que pour le triangle rectangle et se croyaient astreints, pour résoudre un triangle

à le couper en deux triangles rectangles. Par conséquent, il ne suffisait pas d'avoir une table des cordes pour trouver cette

il fallait encore y songer. La trigonométrie d'Hipparque nous est mal connue. Il serait imprudent de supposer sans preuves qu'il a su faire cette application immédiate de la théorie des cordes, même si l'on démontre qu'il en faisait couramment des applications fort compliquées.

('·) On voit que cette façon de résoudre un triangle correspond à notre :

α b sin A sin Β sin C = 2R.

Page 14: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTRIE GRECQUE. 18(J

Hultseh C°) pense qu 'Hipparque a pu calculer par la les angles mesurés au moyen de sa dioptra. Pappus, critiquant

Hipparque, dit bien clairement qu'il est difficile de diviser un quart de cercle οργανικώς en 90° puis un de ces degrés en 60'. Il semble donc bien qu 'Hipparque a eu recours aux méthodes graphiques, que Pappus, habitué à la trigonométrie, trouve peu exactes. Le

était pourtant des plus simples: dans un triangle rectangle, trouver un angle aigu étant donné les deux côtés de l'angle droit. Mais celui qu'on peut aujourd'hui encore appeler le créateur de la trigonométrie, ne semblait pas se mouvoir à son aise dans ce genre de questions.

En voici un autre indice que nous avons déjà signalé ailleurs (a) :

Au livre 5 de 1 'Almageste, chap. 19, Ptolémée critique les procédés du traité des parallaxes d 'Hipparque ; et Pappus, pour commenter ces critiques, établit d'abord la figure suivante (fig. 3) que pour abréger

ΛΕ»

nous ne décrivons pas, parce que nous η 'avons besoin que d 'y suivre une résolution de triangle. Retenons seulement que Ε est le zénith, ΑΓ l'écliptique, et ΑΔ l'orbite de la lune. La lune est en Δ. Donc toutes les droites de la figure représentent des arcs de grand cercle.

Hipparque, à ce que dit Pappus p. 155, 3-5, trouve ΕΔ = 64°4', ce qui est erroné. Et Pappus reproduit le calcul qui mène à 64°4'.

i30) F. Hultsch, Winckelmessungen durch die hipparchische Dioptra dans Abhandlungen zur Geschichte der Mathematik, 9 (1899), p. 197 sqq. — Pappus, Commentaire sur les livres 5 et 6 de l' Almageste (Studi e Testi, n° 54), Rome, 1931, p. 95, 1.

(") Pappus, op. cit., p. 152, note 3.

Page 15: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

190 Α.. ROME

Par les données du problème, on connaît l'angle A = 5° ; l'angle Ξ = 90°. L'angle ΓΖΔ = 71°26' est fourni par une table spéciale qu'Hipparque devait donc posséder, ou bien il a dû le

La même table donne EZ. Mais ici, une surprise nous attend : Pappus trouve EZ = 65°48'. L'Almageste (p. 181,28) ferait

63°48'. Le texte de Pappus repose sur une tradition manuscrite excellente.

D'ailleurs tout l'enchaînement des calculs suppose qu'on est parti de 65°48'. D'autre part, le texte de 1 'Almageste se fonde sur des bases encore plus sûres. Vérification faite (par les procédés de contrôle indiqués par Ptolémée lui-même), c'est 1 'Almageste qui a raison, et 65°48' est une faute. Cette faute se retrouve dans un manuscrit de ΓΑ1- mageste, celui précisément que Heiberg affirme être le représentant de la vulgate alexandrine — et une étude des nombreuses citations de 1 'Almageste dans Pappus et Théon ne fait que confirmer cette opinion. Pappus avait donc l'erreur 65°48' dans son exemplaire de Γ Aima- geste.

Il s'agit, puisqu'on connaît EZ et qu'on demande ΕΔ, de ΔΖ.

On commence par assimiler à des droites tous les arcs ΑΔ, ΔΖ, ZA, ΖΞ. Puis on résout le problème en deux étapes puisque, comme nous l'avons vu, on ne savait résoudre que les triangles rectangles. On cherche donc dans le triangle rectangle ΑΞΖ, le côté ΞΖ et l'angle ΞΖΑ étant donnés l'hypoténuse Ζ A et l'angle A. Puis on recommence sur le triangle ΔΞΖ ·

Voyons comment on résout le triangle ΞΖΑ- L'angle Ζ est vite trouvé, puisque c'est 90°-A. Quant au côté ΞΖ, on l'obtiendrait en un instant à l'aide de la table des cordes, par le procédé qui a été

plus haut. Au lieu de cela, on circonscrit un cercle à ΑΞΖ, et l'on pose tout

bonnement que les côtés sont proportionnels aux arcs qu'ils sous-ten- dent sur ce cercle. La même assimilation se fait dans la 2* partie du problème, lorsqu'on veut résoudre le triangle ΔΞΖ. L'auteur de cette solution ne sait-il pas que la table des cordes lui donnerait

la réponse à son problème? Remarquons que la première assimilation de cordes à leurs arcs

peut à la rigueur se défendre : sur la sphère, les arcs ΞΖ et ΔΖ sont petits; seule la donnée Ζ A = 30e est assez grande pour que

Page 16: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

TRIGONOMÉTRIE GRECQUE. 191

sa confusion avec une droite puisse entraîner une erreur C).

Mais la seconde assimilation est tout à fait impossible :' dans le cercle circonscrit à ΑΞΖ, AZ est le diamètre. On assimile donc le diamètre à la demi-circonférence. Aussi le résultat est-il ΖΞ = l°40' au lieu de 2°37' ou 2°29'52".

Pappus sait fort bien résoudre des triangles plans rectangles. Ce n'est pas lui qui a imaginé ce raisonnement-là.

Nous devons avoir devant nous le raisonnement du traité des d 'Hipparque. En effet, le résultat final lui est attribué

formellement. Or si l'on raisonne correctement, ou si l'on prend pour l'arc EZ une autre valeur que la valeur fautive 65°48' — ou bien si l'on rectifie les deux erreurs à la fois, on n'arrive pas à ce résultat.

Ceci rend vraisemblables deux hypothèses. D'abord la donnée fautive 65°48' vient probablement d

D'une table des distances zénithales qu'il aurait déjà possédée? Ce n'est pas impossible. Toutefois Ptolémée lui reproche (Aima- geste p. 450, 14-15) de vouloir traiter la question des parallaxes en ne considérant qu'une seule valeur de ΑΔ : il aurait dû, d'après lui, « prendre toutes les positions possibles de la lune ou tout au moins la plupart ». Si Hipparque n'avait pas de table des distances zénithales, on comprend qu'il se soit contenté d'un seul exemple, pour s'éviter de très longs calculs. Car il prétend donner des

à une minute près (65°48' et 65°4') : il est donc vraisemblable que la distance zénithale a été calculée et non mesurée (") . En ce cas,

(*) En opérant sur des arcs par les procédés antiques et en utilisant la table des cordes de 1 'Almageste, on trouve ΞΖ = 2° 29 '52". En traitant ΞΖΑ comme un triangle plan, et en le résolvant correctement, toujours à l'aide de la table des cordes, il vient ΞΖ = 2° 37'.

(**) Tout ceci est conjectural: il est vraisemblable que la distance zénithale a été calculée, parce qu 'on prétend la donner à 1 ' près. Mais ce η 'est pas certain : on vient de voir qu 'Hipparque a tenté de résoudre par le dessin le problème que posait la dioptra. Et comme il s'agissait là de mesurer le diamètre du soleil et de la lune, larges tous deux de 1/2° environ, c'était une question de minutes (il est vrai que le problème de la dioptra était une question de trigonométrie plane, tandis que celui de la distance zénithale est du ressort de la sphérique). En outre, si l'on veut que l'arc en question ait été calculé, parce qu 'on prétend en connaître la longueur à 1 ' près, on pourrait répondre que cet arc a dû être mesuré, parce qu 'en réalité on l 'évalue avec 2° d 'erreur.

Page 17: Premiers essais de trigonométrie rectiligne chez les Grecs

192 Α· ΒΟΜΕ

Hipparque a dû connaître le théorème de Ménélas ou un théorème qui pouvait le remplacer. Cela paraît être communément admis. Mais en même temps, lorsqu'il écrivait son traité des parallaxes, Hipparque ignorait la façon de résoudre les triangles plans. Il y est peut-être parvenu plus tard. En tous cas, ses successeurs y sont arrivés pour le triangle rectangle rectiligne.

On pourrait fort bien défendre une autre hypothèse: lorsqu'il son traité des parallaxes, Hipparque n'avait pas encore

ou adopté la trigonométrie, ou bien il n'avait pas encore de table des cordes. Ses distances zénithales, il devait les demander à l'astrolabe plan ou à la sphère armillaire. Ses résolutions de

étaient encore des essais maladroits, qui n'ont abouti que plus tard, entre ses mains, à une méthode rigoureuse.

Dans la première hypothèse, ce passage de Pappus nous ferait entrevoir les débuts de la trigonométrie; dans la seconde, il nous reporterait au temps précédant immédiatement son eclosión. Comme il n'a jamais, à notre connaissance, été examiné, il n'est pas

d'espérer qu'un plus habile changera l'une de ces hypothèses en certitude, ou bien les remplacera par quelque chose de mieux.

La méthode de détermination des longitudes par les éclipses de lune peut être reconstituée de façon assez vraisemblable; or Hipparque donne à ce

une solution graphique. Enfin, il est vraisemblable qu 'Hipparque connaissait l 'astrolabe plan ; or

celui-ci indique mécaniquement les distances zénithales. (Mais il faudrait un astrolabe plan géant pour pouvoir prétendre à une approximation d'une minute).

Notons pour terminer que la même façon erronée de résoudre un triangle rectangle revient une troisième fois dans Pappus, p. 154, 17-22. Mais c'est toujours le même problème qui continue: Pappus, pour combattre Hipparque, résout les triangles comme Hipparque. Partout ailleurs, il a la bonne façon de procéder.