premières fois… - unine.ch · que le commencement d’une formation supérieure qui se veut de...

37

Transcript of premières fois… - unine.ch · que le commencement d’une formation supérieure qui se veut de...

18 octobre 2004.Rentrée universitaire.Un jour à nul autre pareil…

Vous êtes près de 800 nouveaux(elles) étudiant(e)squi entamez votre parcours universitaire. De l’ap-préhension? De l’impatience? Des questions? Deshésitations? Ce premier jour, comme toutes les«premières fois» de votre vie, pourrait bien être unsavant dosage de tout ceci en même temps…

Pourtant, sachez que l’Université de Neuchâtel(…vous l’appellerez vite «UniNE») a mis sa flexibi-lité, son énergie et ses compétences en œuvre pourque, le jour où vous vous retournerez sur vos choixd’études, la satisfaction l’emporte.

Chacune des cinq facultés de l’UniNE a concoctédes programmes visant à rendre votre parcours uni-versitaire aussi attrayant que possible et surtout,orienté vers votre avenir professionnel et personnel.Car le début d’un parcours académique, c’est plusque le commencement d’une formation supérieurequi se veut de qualité… c’est le démarrage d’unepériode riche de rencontres, d’amitiés, de décou-vertes… Les statistiques - mais surtout les expé-riences humaines le prouvent: c’est à cette étapede la vie que se nouent les amitiés les plus profon-des, que l’on met le pied dans le monde de l’indé-pendance, que l’on développe son sens critique,que l’on s’essaie à des activités sportives ou socia-les négligées jusqu’alors, bref, une des périodescharnières de votre vie…

18 octobre 2004. L’espace européen de la forma-tion passe par l’UniNE: les filières euro-compatiblesfleurissent dans l’offre de cours…*

A l’UniNE, Bologne est lié à un encadrement per-sonnalisé et à une bonne dose de compréhension.N’hésitez à aucun moment - mais surtout au coursdes premières semaines si cruciales - à vousapprochez d’un(e) assistant(e) ou d’un(e) profes-seur(e): profitez du cadre d’étude neuchâtelois pourgoûter à l’Europe dans un environnement rassurant!

18 octobre 2004. Un rectorat tout juste entré enfonction (c’était le 1er octobre), emmené par AlfredStrohmeier, veille désormais à la destinée del’UniNE… Nommé par le Conseil d’Etat ce prin-temps, le nouveau recteur entend donner àl’Université les moyens de jouer dans la cour desinstitutions de renom qui seront choisies par lesétudiants et les professeurs pour la qualité de sesenseignements et le niveau des recherches qui ysont conduites. Installé - avec une partie de l’admi-nistration - dans les locaux rénovés du Faubourgdu Lac 5a, le rectorat nouveau débute son acti-vité… en forme de «première fois» lui aussi!

Quant à UniCité, votre magazine universitaire quientame sa sixième année d’existence, il a profité del’été pour dynamiser son graphisme et revoir le titreet le contenu de ses rubriques… N’hésitez pas ànous donner votre point de vue sur cette «premièremouture».

Réjouissez-vous! Vous le réalisez peut-être encorebien confusément pour l’instant, mais ce 18 octo-bre est l’une de ces délicieuses «premières fois»dont vous vous remémorerez un jour…

Virginie BorelService de presse et communication

*En Faculté des sciences, avec le Bachelor ofScience (baccalauréat ou maîtrise universitaire ensciences) permettant de nombreuses orientations;en Faculté de droit, avec le Bachelor of Law (bacca-lauréat universitaire en droit), le Master of Law (maî-trise universitaire en droit) et le Master of Law bilin-gue (en partenariat avec la faculté de droit del’Université de Lucerne);en Faculté des sciences économiques et socialesavec un Bachelor of Science in Economics (bacca-lauréat universitaire en sciences économiques),comprenant les orientations «management» et«économie politique»; ou en Faculté de théologieoù la Maîtrise universitaire en théologie pratiquedébutera en 2005.

Lespremières fois…

1

Unic

ité

Le

mag

azin

e d

e l’U

niv

ersi

té d

e N

euch

âtel

Eclairage

Chaque année, Neuchâtel

clôt le mois de septembre

dans un hommage appuyé

à Bacchus. Et quand sep-

tembre festoie, octobre

se coltine bien souvent un

air de lendemain de fête. Unicité remet la com-

presse en consacrant son dossier principal à la

bière. Un peu par provocation… mais certaine-

ment pas sans fondements.

Le thème de la bière donne lieu à des considérations

résolument scientifiques. La microbiologie cherche à

comprendre chacune des étapes de sa fabrication.

Parcours en compagnie du professeur Michel Aragno.

Cette compréhension faisait défaut aux brasseurs des

temps anciens. Les archéologues évoquent les pre-

miers pas du brassage de la bière.

Les artistes n’ont pas dédaigné cette source d’inspira-

tion. C’est ce que montrent les professeurs Pascal

Griener et Philippe Terrier.

Ainsi en va-t-il de ces scientifiques qui aiment à clore

une rude journée de labeur par quelques gorgées de

bière. La contemplation de leur verre ne les laisse

cependant pas en paix! Passionné de gastronomie

moléculaire, Marc Heyraud comprend ces cerveaux

infatigables qui retournent au labo pour établir les prin-

cipes moléculaires à la base de la formation de la

mousse.

Peut-être un brin provoc’, le thème de ce dossier

entend néanmoins étancher un tant soit peu la soif de

connaissance de notre lectorat.

16 n Qui cherche trouveEspagnolLe rendez-vous des amateursde littérature espagnole est à Neuchâtel!LinguistiqueG P Tlé plon = j’ai pété les plombsScience politiqueA la découverte historiquede l’Europe centrale

22 n BobinoscopeInformatiquePascal Felber: un spécialiste de la fiabilitésur qui l’on peut compter!ThéologieLytta Basset: «La théologie va dans le mursi elle continue de ne pas prendre le réelen compte»Félix Moser ou la théologie à l’èrede la communicationRectoratPatrick Wagner, le «bras droit» du recteur

34 n CampusUn nouveau rectoratDéménagement à UniNESecomaniaESN: Erasmus Student Network

36 n Bibliographie

DOSSIER

4-15 n La bière,objet d'études scientifiques

Archéologie n La bière à travers l'histoireMicrobiologie n Les bières aussi ont besoin qu'on les comprenneLittérature n La bière à travers les artsGastronomie moléculaire n Si la bière mousse, c'est uniquement par solidarité

Unic

ité

Le

mag

azin

e d

e l’U

niv

ersi

té d

e N

euch

âtel

Impressum

UniCité nMagazine de l’Université de Neuchâtel, n° 26, octobre 2004, 6’600 exemplairesRédaction n Université de Neuchâtel, Service de presse et communication, Faubourg du Lac 5a, CH-2001 NeuchâtelResponsable de rédaction n Service de presse et communication, Virginie Borel et Colette GremaudConception graphique n Fred Wuthrich, Université de Neuchâtel Impression n Imprimerie Actual SA, BienneISSN 1424-5663

La bière,objet d'études scientifiquesArchéologie n La bière à travers l'histoireMicrobiologie n Les bières aussi ont besoin qu'on les comprenneLittérature n La bière à travers les artsGastronomie moléculaire n Si la bière mousse, c'est uniquement par solidarité

4

DOSSIER

D’apparence futile, le thème de la bière donne néanmoins lieu à des

considérations résolument scientifiques. Le grand Pasteur l’utilisa

dans ses études sur la fermentation. Il fournit aux brasseurs de pré-

cieux conseils pour préserver leur moût des micro-organismes. Les

microbiologistes n’ont depuis jamais cessé de s’intéresser à la bière.

Et leurs travaux nous permettent de comprendre aujourd’hui chacune

des étapes de sa fabrication, présentées par le professeur de micro-

biologie Michel Aragno au début de ce dossier.

Cette compréhension faisait

défaut aux brasseurs des temps

anciens. Ces derniers concoctè-

rent cependant des bières aussi

élaborées que diversifiées. Dès le

second millénaire, les scribes

mésopotamiens en énumèrent

dans leur «grande Encyclopédie»

de nombreuses catégories: bière

noire, claire ou rouge, d’épeautre

ou de première qualité, bière tri-

ple, clarifiée ou trouble! Les

archéologues sont particulièrement férus des histoires qui gravitent

autour de ce breuvage, élevé au rang de boisson nationale dans

l’Egypte pharaonique.

Les artistes ont de leur côté copieusement puisé dans cette source

d’inspiration. C’est ce que montrera le professeur d’histoire de l’art

Pascal Griener. La bière représentée dans des natures mortes du VIe

siècle ne fera son entrée dans la littérature française qu’au VIIIe siècle.

Elle apparaît dans les mains calleuses des ouvriers d’Emile Zola. Ou

dans les envolées de Rimbaud et de Verlaine, poètes originaires du

nord de la France où cette boisson se consomme volontiers. Le direc-

teur de l’Institut de langue et civilisation françaises Philippe Terrier

évoquera également un Baudelaire déçu de la Belgique et qui espère

atteindre ce peuple dans sa chair en s’en prenant à son breuvage

favori (qu’il compare à de l’urine).

Rien de tel chez ces scientifiques qui aiment à clore une rude journée

de labeur par quelques gorgées de bière. Ce qui ne leur suffit pas tou-

jours pour arrêter de réfléchir! Passionné de gastronomie moléculaire,

Marc Heyraud sait comment la simple contemplation de bulles au

fond d’un verre parvient à plonger certains cerveaux infatigables dans

de profondes interrogations. Les renvoyant par exemple à leur labo

pour établir les principes moléculaires qui régissent la formation de la

mousse.

Peut-être un brin provoc’, le thème de ce dossier entend néanmoins

étancher un tant soit peu la soif de connaissance de notre lectorat. n

Chaque année, Neuchâtel clôt le mois de septem-

bre dans un hommage appuyé à Bacchus. Et

quand septembre festoie, octobre se coltine bien

souvent un air de lendemain de fête. Unicité

remet la compresse en consacrant son dossier

principal à la bière. Un peu par provocation…

mais certainement pas sans fondements.

5

Amérique du SudLes Indiens du Pérou préparaientplusieurs boissons fermentées,ou chicha, à base de maïs ou demolle, remplacés à haute alti-

tude par la quinoa ou laoca. La plus courante étaitcelle de maïs, de grandeconsommation encoreactuellement; la plus

forte, celle de molle. Lesfemmes mastiquaientles grains choisis et les

recrachaient dans degrandes jarres rem-plies d’eau chaudeoù la fermentation

se produisait enq u e l q u e sjours. Onpense que lafabrication dela chicharemonterait à

la période dite«expérimentale»(env. 500-300avant J.-C.) mais

il n’existe aucunepreuve avant l’époque

mochica (400-800 après J.-C.).

Asie occidentaleA peu près tous les termes rela-tifs à la brasserie (excepténotamment le nom même de la«bière», qui en souligne le carac-tère «enivrant») sont empruntéspar la langue accadienne au

sumérien. C’est déjà une preuveque la technique de la fabricationde la bière a été mise au point,pour l’essentiel, dès l’époquesumérienne, soit dès le 3e millé-naire au plus tard. De fait, lessignes de la «bière» et, probable-ment du «brasseur», figurent déjàparmi les pictogrammes archaï-ques de la première moitié du 3emillénaire. Ce qu’ils représententrésume assez bien les momentsprincipaux de la production de labière. Ils figurent en effet unegrosse jarre (celle que l’on nom-mera plus tard namzîtu: «mélan-geoir», et qui sera l’attribut desbrasseurs et cabaretiers), à fondpointu et à goulot étroit, dans ledessin de laquelle le scribe amarqué tantôt le signe de«l’eau», tantôt celui du «pain»;parfois, une excroissance au basde la jarre silhouette une sorte defourneau sur lequel elle se trou-verait posée.

De fait, fabriquer la bière, autre-ment dit la boisson fermentée àpartir de céréales (enMésopotamie, c’est surtoutl’orge qui servait de base), c’estessentiellement faire fermenterdans de l’eau, à la chaleur, dugrain germé - juste assez pourque se soit produite la transfor-mation de son amidon en mal-tose.

En Mésopotamie, une fois cedernier résultat obtenu, onconcassait le malt et on le pres-sait en des sortes de «pains»,forme commode pour le trans-port et la conservation. Il suffisaitalors d’émietter ces «pains» ou«tourteaux» de malt dans de

l’eau et d’ajouter une levureappropriée pour que, la chaleuraidant, le liquide se transformâten bière. «Nous sommes assezbien renseignés, directement ounon, sur la plupart de ces opéra-tions (encore que certains côtésimportants nous échappent tou-jours, en particulier les qualités etla manipulation des levures)mais, comme on le voit, elles setrouvent déjà indiquées dans lesvieux pictogrammes, preuve del’antiquité reculée de la techni-que», relève le directeur del’Institut et du Musée d’archéolo-gie, Michel Egloff.

A l’époque archaïque notam-ment, on buvait volontiers direc-tement au« tonneau » où se trou-vait la bière fraîchement prépa-rée: pour éviter d’absorber lesgrains et les impuretés de la fer-mentation, on utilisait alors unchalumeau filtrant. Plus tard, labière était régulièrement filtrée etconservée dans des «cruches»dûment bouchées et transporta-bles, et qui, d’un volumeconstant, servaient d’unité detrafic, un peu comme nos «bou-teilles».

Les dépositaires, en mêmetemps que les fabricants de labière du commerce, étaient les«cabaretiers», dont les échoppessemblent avoir été d’une part, aumoins dans les villages et à lacampagne, des sortes d’emporiaoù l’on trouvait à acheter à peuprès tout ce dont le menu peuplepouvait avoir besoin pour vivreet, d’autre part, surtout en ville,de véritables maisons de débau-che. C’est peut-être pour cetteraison que les «cabarets» étaient,au moins anciennement, tenussurtout par des matrones. Ce quien dit long sur les excès de labière en Mésopotamieancienne...

J. Bottero

6

DOSSIER

C’est grâce au «Dictionnaire archéologique des techniques» - aumot «bière» - que nous sommes partis à la découverte des origi-nes d’un breuvage aujourd’hui si répandu. Car sous diverses for-mes plus ou moins proches de la réalité actuelle, la bière a étéconsommée aux quatre coins de la planète. Partez en voyageavec nous à travers les âges…

La bièreà travers les âges

et le monde…

Préparation de la chicha, bière demaïs. Vase mochica de la côte nord

du Pérou (400-800 après J.-C.)

Transformerle sauvage enhomme grâceà la bière

La bière était la boisson cou-rante en Mésopotamie, où levin paraît n’avoir jamais étéqu’importé des régions sub-montagneuses du nord et dela Syrie. On la considéraitmême comme un élémentessentiel de la «vie civilisée».A cette époque, avec laconnaissance de la femme etde l’amour, l’usage du pain etla propreté du corps, la bièrecontribue à transformer en«homme» Enkidu, le sauvagedes steppes. Une fois, eneffet, que la Courtisane l’aséduit et emmené avec elle,en route pour la ville, ils arri-vent parmi des bergers quil’invitent à partager leur repas:

«Plein de gêne, il regardait, ilexaminait !

Car Enkidu ne connaissait pasencore

Le pain pour se nourrir et labière pour boire...

Enkidu mangea donc du pain,jusqu’à rassasiement,Et il but de la bière:

sept cruchons!Aussitôt son âme fut à l’aise

et en allégresse,Son cœur joyeux, son visage

éclairé.C’est alors qu’ayant frictionnéd’eau son chevelu de corps

Et l’ayant oint d’huile aromati-que

II devint un homme!»

Fragment de Pennsylvanie,tab. II, vers 84-105.

7

n Le pain-bière des Egyptiens

La bière peut être considérée comme la boisson nationale de l’Egypte pharao-nique. Le repas type, pour les vivants comme pour les morts, consiste en painet en bière, au point que les deux mots en arrivent à ne plus faire qu’uneexpression composée: «offrir un pain-bière» pour désigner un repas. La fabri-cation de la bière est étroitement liée à celle du pain et il est difficile de savoirsi c’est la découverte du pain qui conduisit à celle de la bière, ou l’inverse.

Pour se faire une idée de ce qu’était la boisson que les Egyptiens appelaient hene-ket, il convient de la comparer à la bière moderne. Celle-ci est une infusion de malt(ou grain germé), parfumée au houblon et fermentée par adjonction de levure. Ellecomporte de 2 à 6% d’alcool. Pour l’obtenir, il s’agit de faire macérer le malt dansde l’eau chaude, puis bouillir cette solution avec du houblon, et laisser fermenter letout après y avoir ajouté de la levure.

Grâce aux Nubiens, les plus conservateurs des hommes, les archéologues saventcomment les anciens Egyptiens fabriquaient leur bière. La bière nubienne se fabri-que encore aujourd’hui de la façon suivante: on écrase grossièrement du grain - blé,orge ou mil - de bonne qualité; un quart de ce grain est mouillé et exposé à la cha-leur extérieure pendant un certain temps, le reste est transformé en pains que l’oncuit légèrement pour ne pas détruire les enzymes; ces pains sont cassés et mélan-gés aux grains humides, et le tout est mis à fermenter dans un récipient avec del’eau. A ce moment, on ajoute souvent un peu de bière ancienne pour activer la fer-mentation; celle-ci achevée, on filtre le liquide.

Ce procédé est exactement celui des anciens Egyptiens, tel qu’il est représenté dès2500 avant J.-C. où l’on voit le broyage du grain, la cuisson des pains qui se faitdans de petits moules - le four de boulanger n’apparaissant qu’après 2000 avant J.-C. - enfin le brassage avec fermentation, c’est-à-dire le mélange des grains et dupain dans un liquide.

Malgré l’absence de houblon, la boisson heneket est bien, au sens strict, une bière,puisqu’elle est le résultat d’un maltage que les Egyptiens obtenaient empiriquementen exposant le grain humide à la chaleur solaire, suivi d’une macération de la pâtedans un liquide, et enfin d’une fermentation obtenue au moyen de levure.

Le parfum de la bièreLe problème du parfum donné à la bière est plus délicat à résoudre. Il est vraisem-blable que la bière égyptienne, comme aujourd’hui les bières nubiennes, n’était pasparfumée. Toutefois, les Grecs d’Egypte ont affirmé que les Egyptiens ajoutaient àleur bière du lupin, ou du berle, ou de la rue, du carthame, voire de la mandragore.Mais la plupart de ces parfums devaient être employés uniquement pour les bièresà usage médicinal, car les analyses chimiques n’ont décelé, dans les résidus debière, que des traces d’oranges amères et de fragments de dattes.

A l’époque grecque, la bière égyptienne était faite avec de l’orge, et l’exploitationdes brasseries était affermée moyennant redevances, la fabrication de la bière étantun monopole royal. A côté des nombreuses brasseries installées dans les villes etles villages, les temples en possédaient aussi, moins strictement surveillées que lespremières.

J. Vercoutter

D’une poignée de céréales bai-gnant au fond d’une écuelle sur-git un breuvage jaune et mous-seux. La première bière naquitprobablement d’un oubli et d’uneheureuse conjonction de condi-tions favorables. C’était il y aquelque huit à dix mille ans. Ladécouverte, pur fruit du hasard,relevait du miracle et fut long-temps considérée comme unbienfait divin. Sans en saisir lemécanisme, les hommes repro-duisirent cependant l’expériencejusqu’à la rendre routinière. Enfait, ce fut plutôt l’œuvre desfemmes, à qui cette tâche restalongtemps dévolue.Pratiquement chaque familleavait sa propre recette et la bièren’était de loin pas le produit stan-dardisé qu’on connaît aujour-d’hui. Les plantes les plus diver-ses – et les plus dangereuses –finirent toutes par y être ajoutéesun jour ou l’autre: la mandragoreaux pouvoirs narcotiques et aph-rodisiaques, la belladone, leromarin ou la myrtille (dans sonlivre «Bier, jenseits von Hopfenund Malz», Christian Rätsch encite plus de 150). La bière s’ap-parentait alors au médicamentou à la drogue, mettant à profit lepouvoir de l’alcool pour extraire

certaines substances contenuesdans les plantes.La bière était surtout ce «painliquide» qui nourrissait et appor-tait de précieuses vitamines.Aussi les moines en buvaient-ilsde larges quantités pendant leslongues périodes de jeûne, oùl’absorption des substances soli-des leur était strictement inter-dite. Elle permettait de conserverles céréales sur de plus ou moinslongues périodes. Elle offraitencore un moyen de se désalté-rer tout en évitant les intoxica-tions que provoquait la consom-mation d’une eau souvent conta-minée (grâce, une fois de plus,au pouvoir de l’alcool).

Bières maléfiquesLe manque de contrôle du pro-cessus ne menait cependant pastoujours au résultat escompté. Etnombre de sorcières furentencore brûlées au Moyen Âge,pour avoir soi-disant transforméce qui devait devenir une bonnebière en un liquide infâme. Avecl’introduction en 1516 de la loi dela pureté en Allemagne - le«Reinheitsgebot», soit la plusancienne loi sur les denrées ali-mentaires encore en vigueurdans le monde - la bière devint

Michel Aragno, professeur de microbiologie, illustrant par l’habit le thème de ce dossier

8

Elles ont la douceur d’une

blonde ou le caractère trempé

d’une brunette mal lunée. Elles

titrent à plus de dix degrés

d’alcool ou n’en contiennent

pas de quoi fouetter un chat.

Elles renferment du houblon,

mais à quelle fin? Au néolithi-

que déjà les hommes avaient

trouvé la recette de la bière.

Une recette mise au point

expérimentalement et qu’ils

reproduisaient à l’aveuglette,

avec l’aide du ciel et sans

aucune compréhension des

processus en jeu. Il fallut des

siècles pour maîtriser chacune

des étapes de cette fabrica-

tion. Aujourd’hui parfaitement

contrôlées, ces réactions res-

tent pourtant fort mal connues,

même de la part des buveurs

les plus convaincus.

Promenade pas à pas sur le

chemin de la fabrication de la

bière, en compagnie de Michel

Aragno, professeur de micro-

biologie.

DOSSIER

une boisson à la fois mieux défi-nie et plus fiable. N’accédaientdésormais au titre de bière queles produits fabriqués à partird’eau, d’orge et de houblon. Ilfallut attendre l’intervention dugrand Louis Pasteur au XIXe siè-cle pour reconnaître l’importanced’un quatrième agent: la levure.La bière quitta dès lors les four-neaux de la cuisine familiale oudes couvents, où elle avait étébrassée pendant des millénaires,pour les grandes cuves indus-trielles.D’un concept très flou, totale-ment incompris et attribué audomaine de l’invisible, la bièreavait fait son chemin vers un pro-duit commercial parfaitementmaîtrisé. Sans que changent fon-damentalement les processus àla base de son élaboration! Carles mêmes réactions de physio-logie végétale, d’enzymologie etde microbiologie se succèdentaujourd’hui encore dans l’élabo-ration d’une bière. Le professeurMichel Aragno met ses compé-tences de microbiologiste auservice d’UniCité pour décrirechacune des étapes les pluscapitales. n

Colette Gremaud

9

Les bières aussi ontbesoin qu’onles comprenne!

En fond:Levures de bière Saccharomyces cerevisiae (photo Michel Aragno)

Le maltage débute par le trem-page des céréales dans l’eau, cequi induit leur germination.

Pendant cette germination, lagraine produit des enzymes (lesβ-amylases) qui décomposentl’amidon en petits morceaux. Lachaîne d’amidon, molécule destockage du sucre, est en effetbeaucoup trop complexe pour

être utilisée telle quelle.L’embryon compte pourtant surcette réserve pour former sespremières feuilles. Lorsque l’em-bryon commence à se dévelop-per, la graine sécrètent des enzy-mes amylases. Ces dernièresdécoupent la grande moléculed’amidon en unités assimilables,c’est-à-dire en petits morceauxde deux sucres, le maltose.Les levures consomment lesucre contenu dans l’amidonpour se multiplier. Mais toutcomme l’embryon, elles sontincapables d’utiliser la grandechaîne d’amidon telle quelle etdépendent également de l’action

enzymatique des amylases. Laprouesse des fabricants estd’avoir su détourner l’astucephysiologique mise en place parla plante au profit des levures. Lagermination des grains d’orgeleur met à disposition tout lesucre dont elles ont besoin pourse développer, et dans une formeassimilable.

La réaction qui produit les enzy-mes amylases ne doit cependantpas aller trop loin. Le touraillagepermet de l’arrêter au bonmoment. Cette légère torréfac-tion intervient au moment où lagraine a produit suffisammentd’enzymes amylases, mais queces dernières n’ont pas encoreeu le temps d’attaquer l’amidon.La chaleur utilisée pour le tourail-lage permet de tuer le jeuneembryon, sans pour autantdétruire les enzymes.Ici prend fin le maltage qui pro-duit le malt: cet orge germé ren-fermant les précieuses amyla-ses. L’arôme et la couleur dumalt dépendent de la tempéra-ture à laquelle s’est fait le tourail-lage. Une température élevéedonnera un malt brun utilisé pourfabriquer des bières brunes. Aucontraire, un touraillage à bassetempérature donnera un maltblond à l’origine des bières blon-des.

Les grains de malt sont broyés etréduit en farine lors du concas-sage. La farine est ensuite diluée

dans de l’eau. Le taux de dilutionjoue un rôle d’importance,puisqu’il détermine le degré d’al-cool de la bière (une forte dilutiondonnant des bières très légères).

Cette solution sucrée est chauf-fée à la température préférée desenzymes amylases (celle àlaquelle elles travaillent à leurvitesse optimale). La réaction estaccélérée par le brassage conti-nuel de la solution. Sous l’actiondes enzymes, les longues chaî-nes d’amidon sont petit à petitdécoupées en unités de maltose.

Le moût de bière est obtenu parfiltrage de la solution.

La cuisson de ce moût fait éva-porer l’excédent d’eau, tout endétruisant les amylases.

Le houblon est alors ajouté àcette solution stérilisée. Seulesles fleurs femelles, non-fertili-sées, de cette liane - de la mêmefamille que le cannabis - sontutilisées. Le houblon confère

DOSSIER

Les étapesde la transformation

d’une bière

La bière peut être fabriquée à partir de différentes céréales (sorghoafricain, millet ou sarrasin). Le blé donne ainsi la bière blanche, tradi-tionnellement aromatisée au coriandre et au zeste d’orange. Le maïs,le riz, l’avoine, l’engrain ou le seigle se laissent également fermenter.Ces céréales fournissent cependant des bières relativement légères,au caractère peu prononcé. Au contraire, l’orge confère à la bière songoût corsé tant apprécié. A quoi s’ajoutent de faibles exigences deculture qui lui permettent de prospérer à des altitudes et des tempé-ratures où bon nombre d’autres céréales ont depuis longtempsbaissé les bras. Aussi, l’orge s’est-elle rapidement imposée dans lafabrication de la bière.

10

Les cuves de fermentationde l’entreprise Feldschlösschen(photo Feldschlösschen)

bien sûr à la bière ce goût amersi caractéristique. Mais sonusage repose en premier lieu surson pouvoir bactériostatique. Lehoublon empêche en effet ledéveloppement de bactériesindésirables qui feraient sansvergogne virer le moût au vinai-gre. (Le vin se passe quant à luidu houblon, car il se développedans un milieu acide qui ne plaîtguère aux micro-organismes.)

Il existe une quantité de variétésde houblon. Les recettes desfabricants - qui utilisent chacunleur propre sélection - sont gar-dées dans le plus grand secret.Les premiers signes attestant laculture du houblon remontent à860. Mais ce n’est qu’avec l’ins-tauration de la loi de pureté, enAllemagne, que l’usage de cetteplante se généralisa à traverstoute l’Europe. Le mot «bière»s’imposa alors pour désigner lesboissons contenant du houblon,tandis que «ale» s’appliquait auxboissons qui n’en contenaientpas. Aujourd’hui, même les

«ales» britanniques sont fabri-quées à partir de houblon.

Une fois houblonné, le moût estprêt pour la fermentation.Pendant cette opération, leslevures transforment une molé-cule de sucre (maltose) en deuxmolécules d’alcool (éthanol) eten deux autres de gaz carboni-que.

Au premier temps de la bière,l’ensemencement du moût sefaisait à partir des levurescontenues dans l’air. Cette fer-mentation qu’on qualifie despontanée se pratique encorede nos jours pour certaines biè-res comme la lambic. En géné-ral, les brasseurs préfèrentcependant utiliser des levuressoigneusement sélectionnées.Ces levures se répartissent endeux grands groupes aux pro-priétés distinctes, donnant lieuà deux types de fermentation.

Dans la fermentation haute, lalevure Sacharomyces cerevisiae

nécessite des températuresrelativement élevées pour opé-rer efficacement (environ 15°C).Pendant leur travail, les levuress’agglutinent en flocons. Le gazproduit lors de la réaction resteprisonnier de ces flocons et lesentraîne vers la surface (d’où lenom de fermentation haute). Toutes les ales, les stout, lesmild et les bitter anglaises, ainsique la plupart des bières belgesrésultent d’une fermentationhaute.

La fermentation basse estl’œuvre de Sacharomycescarlsbergensis. Cette levure tra-vaille à des températures relati-vement basses (entre 4 et10°C). La fermentation, relative-ment lente, ne produit que trèspeu de flocons. Ceux-ci neretiennent pas le gaz quis’échappe librement à la sur-face. Les levures, elles, restentau fond de la cuve.Sont produite par basse fer-mentation les lager allemandes(Lager fait référence aux caves,

locaux froids où étaient brasséela bière avant l’invention duréfrigérateur), les pils tchèqueset la plupart des bières suisses.Toutes ces bières, de fermenta-tion haute ou basse, sont pro-duites en légère surpression:elles profitent ainsi de l’effetstabilisateur du gaz carboni-que.

Le soutirage est l’ultime étapequi consiste à mettre la bière enbouteille, en fût ou en canette.

Ne reste plus qu’à faire s’entre-choquer bocks ou bouteilles enhommage aux vaillants ancê-tres qui, bien qu’ignorant toutdes explications ci-dessus,brassèrent «à l’instinct» les pre-mières bières de notre histoire!n

Colette Gremaud

11

La bière étant très anciennecomme nous le démontrent lesarchéologues, ses représenta-tions artistiques le sont aussi.«On en trouve dès le XVIe siècledans des natures mortes, maissurtout au XVIIe dans les pays fla-mands et allemands. EnAngleterre, on en trouve dès leXVIIIe siècle», détaille l’historiende l’art Pascal Griener. Parcontre, il faudra attendre Zola etMaupassant pour que ce breu-vage fasse vraiment son entréedans la littérature française:«Jusqu’à la fin du 18e siècle, lalittérature française met en scènesurtout la noblesse et sessalons» relève Philippe Terrier,directeur de l’Institut de langue etcivilisation françaises. On estalors dans un milieu aristocrati-que ou de haute bourgeoisie oùseul le vin est présent. «Demanière générale, la bière estune boisson du peuple et mêmedu bas peuple: elle est liée à lataverne, au tonneau, à l’ivrogne-rie», résume Philippe Terrier.Contrairement à la bière, le vin etle whisky semblent jouer un rôleplus important pour ce qui estdes conditions de travail et decréation de l’écrivain.

Le virage du XIXe siècleSi Balzac et Hugo ont introduit lepeuple en littérature, c’est EmileZola, le premier qui y a fait appa-raître le monde ouvrier, son modede vie et ses habitudes, à l’imagede son goût pour la bière et legenièvre. «En poésie, Rimbaud etVerlaine, tous deux originaires dunord de la France, une région oùl’on consomme de la bière, fontdes mentions allusives à la bièredans leurs écrits», poursuitPhilippe Terrier.

Au début, cette apparition s’ins-crit dans un cadre simple, celuid’une description du quotidien.Dès le XVIIIe siècle, la connota-tion sociale ou nationale de labière prend une ampleur grandis-sante, à l’image de la fameusegravure de William Hogarth, quidate de 1740 environ «Beerlane», opposée à «Gin Lane»:«Cette gravure hilarante montreles méfaits d’un breuvage étran-ger (le gin), et les vertus de labière, produit national, et doncd’une grande valeur identifica-trice - ‘not the bloody wine of theFrench’», note encore PascalGriener dans un sourire.

Baudelaire et le «faro» belgePlus près de nous, au XIXe siècle,Baudelaire évoque le vin dansune section des «Fleurs du Mal»et, dans son essai «Du vin et duhaschisch», il commente seseffets et ceux de la drogue surl’esprit et l’imagination. Sesseuls écrits (deux passages) serapportant à la bière se trouventdans un pamphlet intitulé«Pauvre Belgique!». A la fin de savie, en 1864, Baudelaire déjàmalade se rend en Belgique:«Dans ce pays connu pour sonlibéralisme en matière d’édition, ilsouhaitait négocier une éditioncomplète de ses œuvres après leprocès vécu à suite de la paru-tion des « Fleurs du Mal », expli-que Philippe Terrier. Or, il prenden grippe le peuple belge, contrelequel il dit des choses très vio-lentes. Dans ce cadre-là, il s’enprend à la boisson des Belges, le«faro», qu’il compare crûment àde l’urine».«Le faro est tiré de la grandelatrine, la Senne; c’est une bois-son extraite des excréments de la

ville soumis à l’appareil diviseur.Ainsi, depuis des siècles, la villeboit son urine.» CharlesBaudelaire

Les réclames pour la bière, au19e siècle, sont quant à ellesassez subtiles: elles tentent dedonner un caractère noble à unbreuvage qui reste populaire: «Sion buvait de la bière au FaubourgSt-Germain, c’était à l’étage desdomestiques, ou bien, chez lesmaîtres, soigneusement à l’abrides regards indiscrets», com-mente Pascal Griener. Pourtant,la bière est liée à la villégiature, àla décontraction, enfin à l’expé-rience de spécialités (Strasbourg)- donc, à une occupation du loi-sir, hors des contraintes sociales,ou en marge, même si cettemarge est illusoire. «La brasserie,qui se développe dans ladeuxième moitié du XIXe siècle,offre un cadre élégant mais sim-ple, à l’opposé du restaurantgastronomique guindé», com-mente Pascal Griener. Mais ladistinction du breuvage est sub-tilement soulignée: ce n’est pasl’absinthe mortifère, qui sévitdans les bas-quartiers. «Laréclame, à cette époque, tentedéjà de conférer une connotationélitaire, élégante, à un produit demasse», détaille Pascal Griener.Elle tente, comme les brasseries,d’associer la bière à la consom-mation gastronomique.

La Belle Époque a vraimentfondé la réclame moderne en cepoint et marqué le début de l’in-tégration de la bière dans les dif-férentes couches sociales de lapopulation: au XXIe siècle, lavariété des publics des échop-pes spécialisées et la diversitédes étiquettes des bières qui ysont vendues le prouvent… Désormais, les auteurs contem-porains ne se privent plus dedonner à la bière le rôle principalde leurs écrits, à l’image de «Lapremière gorgée de bière» dePhilippe Delerm (cf encadré). n

Virginie Borel

DOSSIER

12

La bière à traversles arts…

Bière et art font-ils bon ménage? Si la bière fait son apparitionpicturale à partir du XVIe siècle, il faudra attendre près de troissiècles de plus pour que la littérature française mentionne cebreuvage populaire qui, désormais décliné aux saveurs dumonde, se donne des airs très «tendance».

«Le rire est àl’homme ce que labière est à la pres-sion»

Pierre Dac

Si Rabelais ne se privait pasd’évoquer les tonneaux debière et les orgies qui y étaientliées, Tacite remarquait déjàchez les Germains, grandsconsommateurs de vin d’orge- la bière que Pline qualifiaitpéjorativement de «grainmoisi» - une nette tendance àl’ivresse. La littérature tchè-que, de Kafka à Kundera, asouvent puisé son inspirationdans les fascinantes tavernesde Prague. Quant à l’épousede Martin Luther, Catherinevon Bora, elle était uneancienne brasseuse forméedans un monastère; elle éri-gera la bière au rang de bois-son sacrée de la Réforme: ellelui apparaît comme le fruitsublimé du labeur humain quiassure à l’homme son salut. Thomas Hardy (1840-1928) asublimé le vin d’orge «BarleyWine», un type de bière propreau Royaume-Uni et aux Etats-Unis à très forte teneur enalcool, copie contemporainedes bières babyloniennes etégyptiennes de l’Antiquité:«Ces ales sont aussi brutalesqu’un volcan (…) au corpsferme; piquantes mais sansviolence; sans marbrures (…),lumineuses comme un soleilcouchant d’automne (…), de laplus belle couleur qui pourraitjamais caresser l’œil del’amoureux de la bière».

La premièregorgée de bière(1997)

«C’est la seule qui compte.Les autres, de plus en pluslongues, de plus en plus ano-dines, ne donnent qu’unempâtement tiédasse, uneabondance gâcheuse. La der-nière, peut-être, retrouve avecla désillusion de finir un sem-blant de pouvoir...

Mais la première gorgée!Gorgée? Ça commence bienavant la gorge. Sur les lèvresdéjà cet or mousseux, fraî-cheur amplifiée par l’écume,puis lentement sur le palaisbonheur tamisé d’amertume.Comme elle semble longue, lapremière gorgée! On la boittout de suite, avec une aviditéfaussement instinctive. En fait,tout est écrit : la quantité, ce nitrop ni trop peu qui faitl’amorce idéale, le bien-êtreimmédiat ponctué par un sou-pir, un claquement de langue,ou un silence qui les vaut, lasensation trompeuse d’unplaisir qui s’ouvre à l’infini... Enmême temps, on sait déjà.Tout le meilleur est pris. Onrepose son verre, et on l’éloi-gne même un peu sur le petitcarré buvardeux. On savourela couleur, faux miel, soleilfroid. Par tout un rituel desagesse et d’attente, on vou-drait maîtriser le miracle quivient à la fois de se produire etde s’échapper. On lit avecsatisfaction sur la paroi duverre le nom précis de la bièreque l’on avait commandée.Mais contenant et contenupeuvent s’interroger, se répon-dre en abîme, rien ne se multi-pliera plus. On aimerait garderle secret de l’or pur, et l’enfer-mer dans des formules. Maisdevant sa petite table blancheéclaboussée de soleil, l’alchi-miste déçu ne sauve que lesapparences, et boit de plus enplus de bière avec de moins enmoins de joie. C’est un bon-heur amer: on boit pour oublierla première gorgée.»

Philippe Delerm

interlingua:bira

volapuk:bil

en ido:biro

esperanto:biero

en Iran (farsi):ab’jo

en Lettonie et Lituanie:alus

en braille:

en Israël:beera

en arabe:beereh (birae)

en Irlande (galois):beoir

en swahéli:bia/pombe

au Japon:biiru

au Népal:biyar/jad

en langagedes signes:

en latin, au Vatican:cerevisia, cervisia

en Tchétchénie:jij

en Grèce:mpira, tzythos

en Islande:öl, bjór

en Finlande:olut, kalja

en Chine (mandarin):pi jiu

en Russie(+ régions balkaniques):pivo

pour les Zoulous:utshwala

en Laponie (en sami):vuola

13

L’homme désespéré fixait d’unœil sombre le fond de son verre,lit-on dans les romans. S’ilcontemplait au contraire le hautde son breuvage, l’homme dés-espéré aurait alors sous le nezune occasion en or pour changerle cours de ses idées. En sedemandant par exemple par quelmiracle les petites bulles se col-lent ainsi les unes aux autrespour former une épaisse couchede mousse. Ou pour quelles rai-sons son champagne persiste às’évaporer (ces gens-là aussiconnaissent la déprime, aprèstout).Car malgré une nature fonda-mentalement semblable, bullesde bière et bulles de champagnese comportent de façon très dif-férente. Cette question n’a pasmanqué d’intéresser les scientifi-ques (du moins les plus festifs).Une partie d’entre eux était d’ail-leurs réunie en janvier dernier, àl’Institut de chimie de Neuchâtel,pour écouter une conférence surle comportement des bulles dechampagne*. Eclaircissement etdégustation en compagnie de

Marc Heyraud, passionné degastronomie moléculaire etchargé de cours à l’Institut dechimie.

L’impureté crée la bulleSes explications commencentpar cette révélation peu ragoû-tante: les bulles naissent desimpuretés au fond des verres.«Aucune bulle ne se formeraitdans un verre absolument lisse etabsolument propre», affirme lescientifique. Les petites bulles sedétachent donc des minusculesimperfections présentes à l’inté-rieur du verre et entament leurascension vers l’air libre. Bière àl’appui, Marc Heyraud procède àla première démonstration. Ilpointe du doigt la base d’unecolonne de bulles. Toutes petitesà l’endroit de leur naissance etremplies de gaz carbonique(CO2), ces dernières deviennentde plus en plus grosses à mesurequ’elles se rapprochent de la sur-face. Leur vitesse s’accélère, etl’espace qui les sépare les unesdes autres augmente également.

«Ce phénomène n’est pas impu-table à la différence de pression.Il faudrait pour cela une hauteurde plusieurs mètres de liquide».Si les bulles grossissent, c’estqu’elles happent du gaz carboni-que dissous dans le liquide toutau long du trajet. «Un peucomme une boule de neige qu’onroulerait devant soi», imagineMarc Heyraud.

Bière, savon et champagneLes bulles de bière ne se conten-tent pas d’amasser du CO2. Ellesembarquent également au coursde leur traversée des protéinestensio-actives. Ce sont ces der-nières qui provoquent la forma-tion de la mousse. «A la manièredu savon, ces molécules com-portent une partie qui se lievolontiers avec l’eau, dite hydro-phile, et une autre, hydrophobe,qui ne veut rien avoir affaire avecce liquide», explique MarcHeyraud. La cohésion de lamousse repose sur la bipolaritéde ces molécules, qui s’ordon-nent en effet à l’intérieur de labulle de façon à présenter leurpartie hydrophile vers l’extérieur.«Cette partie, chargée électrique-ment agit comme un aimant etfait le lien.»Le champagne contient égale-ment des molécules tensio-acti-ves, mais en quantités trop mini-mes pour former une moussedigne de ce nom. Arrivées à lasurface, les bulles de champa-gne se disposent en un motifsemblable à une fleur, qui éclatetrès rapidement en diffusantalentours les nombreux arômesdu liquide. D’où le côté festif duchampagne, qui pétille commeun bienheureux, tandis que labière patiente et retient calme-ment dans son chapeau demousse ses arômes enchan-teurs. n

Colette Gremaud

* «Histoire illustrée d’une bulle dechampagne», conférence degastronomie moléculaire donnéeà l’Institut de chimie deNeuchâtel le 15 janvier 2004 parDr Gérard Liger-Belair, du labora-toire d’œnologie de la faculté des

14

Bulles de bière ou de champagne disputent le même combat:quitter les profondeurs du verre et parvenir à l’air libre. Toutesdeux s’acheminent néanmoins vers un destin totalement diffé-rent. Tandis que la bulle de champagne éclate dès son arrivée àla surface du liquide, la bulle de bière se solidarise avec ses voi-sines pour former une délicate mousse aromatisée. MarcHeyraud, chargé de cours en chimie et passionné de gastronomiemoléculaire, explique les fondements de cette différence.

Si la bière mousse,c’est uniquement

par solidarité

DOSSIER

Marc Heyraud

Dans une Guinness, des bullescirculent en sens inverse

Scientifiques professionnels,mais buveurs de Guinness ama-teurs. C’est ainsi que Dick Zareet Andy Alexander se définis-sent. Ces deux chimistes ontréussi à prouver, dans une vidéo,qu’une partie des bulles dans unverre de Guinness descendentbien, au lieu de monter (uneinformation reprise par de nom-breux médias dans le monde,dont Le Temps dans son éditiondu 6 avril 2004). Zare etAlexander ont ainsi corroboré lesrésultats obtenus par Md NurulHasan Khan. Cet autre chimiste -musulman pratiquant qui ne boitjamais de bière - était parvenu àla même conclusion à partir demodélisations mathématiques.Une découverte difficile à défen-dre, puisque les bulles de gazsont plus légères que le liquide etqu’elles devraient, par consé-quent, monter vers la surface.

Schéma et explications tirésdu site internet de l’Université de Stanford

www.stanford.edu/group/Zarelab/guinness/why.html

Ce mouvement des bulles,contraire au bon sens, ne s’ob-serve pas uniquement dans laGuinness. Selon Andy Alexanderet Dick Zare, il peut se produiredans n’importe quel liquide. LaGuinness a cependant le don dele rendre plus évident. A causenotamment des bulles qui y sontplus petites que dans les autresbières. Ce qui lui vaut d’ailleurscette mousse crémeuse et onc-tueuse qui fait une bonne part deson charme.Pour diminuer la taille des bulles,les industriels irlandais insufflentde l’azote à leur bière fétiche. Eneffet, l’azote ne se dissout pasdans le liquide. Les bulles nepeuvent donc pas accumulerdavantage de gaz au cours deleur trajet, comme elles le fontdans les autres bières avec legaz carbonique.Les problèmes de circulation desbulles dans la bière génèrentd’importantes études scientifi-ques. L’ingénieur chimiste MdNurul Hasan Khan en a parexemple fait le sujet de sa thèse.Les implications de ce genred’étude servent notamment endynamique des fluides. Et sontmises en pratique non seulementdans l’industrie agro-alimentaire,mais également en médecine ouen océanographie. n (cg)

L’expérience s’amorce lorsque leverre vient d’être rempli et que labière commence à se reposer.Les bulles qui touchent la sur-face intérieure du verre subissentune force de frottement qui lesfreinent. Les bulles au centre duliquide montent par contre libre-ment.

Les bulles du centre, qui montentrapidement, entraînent le liquideenvironnant avec elles. A la sur-face, le liquide est poussé vers lacirconférence.

Un courant descendant se créele long de la paroi du verre. Lemême phénomène se produitautour du baigneur qui s’amuseà avancer et reculer son corpsdans une baignoire, faisant ainsicirculer l’eau autour de sa per-sonne. Près de la paroi de verre,les bulles de gaz, déjà ralenties,sont entraînées par le courant deliquide qui descend.

Et comme ce qui descend doitforcément faire le chemin inverseun jour, les bulles remontent deplus en plus vite au centre duverre.

Le processus touche à sa fin. Deplus en plus de bulles ont étédéposées au sommet de la bièreet le cycle se ralentit.

En résumé: les bulles du centremontent et créent une circulationdans le verre. Les bulles contreles parois internes du verre sontpoussées vers le bas par le cou-rant de liquide.

15

Le Grand Séminaire d’espa-gnol en est à sa 11e édition.Quelles sont les clés de sonsuccès?Il est difficile de répondre… jedirais qu’essentiellement, c’estun colloque très spécialisé sur unauteur dont l’œuvre est solide eta dépassé les frontières nationa-les. Chaque invité a générale-ment reçu des prix littéraires. Achaque fois, j’invite les meilleursspécialistes internationaux del’auteur étudié: cela donne ducrédit à la manifestation qui attireun vaste public, en priorité scien-tifique. Le Grand Séminaire jouitdésormais d’une excellenteréputation qui dépasse les fron-tières nationales ou espagnoles.A noter encore que le GrandSéminaire doit son crédit aux ins-titutions qui le subventionnent, àl’image des Ministères espagnolspour l’éducation et la culture etdes affaires culturelles extérieu-res, ainsi que de l’Académiesuisse des sciences humaines etsociales: avec leur soutien, on aréussi à institutionnaliser le collo-que. La continuité est un autreatout: aujourd’hui, le GrandSéminaire est devenu une institu-tion !Autre clé de ce succès, la publi-cation des actes, une collectionqui compte dix volumes à ce jourest à disposition dans les biblio-thèques nationales et internatio-nales: ces actes sont devenusune référence importante pourl’étude des écrivains espagnolscontemporains.

Quel est le but visé en organi-sant un tel colloque chaqueannée? L’Institut d’espagnol del’Université de Neuchâtel jouit-il grâce à lui d’une réputationinternationale?Notre but est de faire connaîtrel’Institut également à l’extérieurdes murs de l’Université: plu-sieurs collaborateurs de l’Institutparticipent à l’organisation duGrand Séminaire. Il est importantpour notre renommée que notreinstitut soit associé à l’organisa-tion d’une manifestation scientifi-que de qualité. Il est par ailleursplus facile d’organiser hors desfrontières espagnoles descongrès sur des auteurs vivants,car ainsi on évite les pressions.Je peux me permettre de fairedes choix scientifiques sans melaisser impressionner par quicon-que! Il faut dire aussi que leGrand Séminaire est désormaismentionné dans des revues etouvrages spécialisés sur la litté-rature contemporaine espagnole:Neuchâtel y figure en aussibonne place que l’Université deBerlin ou celle de l’Ohio dont lesactivités-phare sont également lalittérature espagnole contempo-raine.

En quelques mots, qui estAlvaro Pombo? Quelle notoriétéa-t-il obtenu en Espagne et àl’étranger?Alvaro Pombo vient d’une villequi s’appelle Santander et habiteactuellement à Madrid. C’est unécrivain qui a longtemps vécu àLondres. Il est poète, essayiste etsurtout romancier. Il a écrit à cejour une douzaine de romans, areçu des prix très importants enEspagne, dont celui de la

Narration, de la Ville deBarcelone, de la Critique ouencore celui de l’Académie de lalangue «Fastenrath». Il vient defaire son entrée à l’Académieroyale d’Espagne. C’est un écri-vain qui traite plusieurs sujets,mais son œuvre a indéniable-ment un contenu philosophique:son œuvre est exigeante et nes’adresse donc pas à un largepublic. Ses thèmes récurrentssont aussi la réflexion sur le lan-gage et la création, l’homosexua-lité et la transgression en général.

On compte quelque 13 com-munications de scientifiques ettrois conférences de spécialis-tes en plus de l’auteur lui-même sur trois jours de collo-que. Comment avez-vous pro-cédé au choix des interve-nants? Sur quels critères? D’oùviennent ces intervenants?Je cherche toujours un conféren-cier qui puisse introduire l’œuvrede l’écrivain avant que ce dernierne s’exprime à son tour. Il peutalors choisir le sujet qu’il sou-haite, toujours en relations avecson expérience d’écrivain. C’estsystématiquement un regard trèsdifférent de celui des scientifi-ques… La journée de mardi setermine sur une table ronde enprésence de l’auteur qui permetd’échanger les perspectives. Lescommunications sont le fait dedifférents spécialistes qui choi-sissent de traiter des aspects dif-férents de l’écrivain. Le colloquedure deux jours et demi. Cetteannée, trois conférenciers venusde Saragosse, Barcelone etLondres s’arrêteront sur les gran-des lignes de l’œuvre de Pombo.

A la suite du Grand Séminaire,certains écrivains ont égalementécrit des textes sur Neuchâtel, àl’image de Luis Matteo Dies quimanifestait son étonnement faceà tous ces spécialistes, savantsqui analysaient son oeuvre… ilracontait que son regard sur sonpropre travail serait désormaistrès différent... n

Propos recueillis parVirginie Borel

Quicherche

trouve

Le rendez-vous des amateursde littérature espagnole est à Neuchâtel!

»

Les trois premiers jours du mois de novembre auront desrésonances hispaniques à l’Université de Neuchâtel: pour sa11e édition, le Grand Séminaire de l’Institut d’espagnol fera lapart belle à l’écrivain Alvaro Pombo. Irène Andres, directricede l’Institut et initiatrice de ce rendez-vous dont la renomméea largement dépassé les frontières nationales, répond à nosquestions.

16

17

Kekina? G l’Kfar. LcKc enm’10zan “ti2”. C’est dur mais ons’y fait. Ceux qui résistent encoreet toujours à la mode du piano-tage sur téléphone portableauront recours à la traduction quisuit. «Qu’est-ce qu’il y a? J’ai lecafard. Elle s’est cassée en medisant: t’es hideux.» La mise engarde ci-dessus n’était passuperflue: le langagetexto utilisé par les lan-ceurs de SMS peutêtre parfois «kruL».«C’est avant tout unlangage ludique», sou-ligne le linguiste DanielElmiger. Ce chercheur du Centrede linguistique appliquée s’inté-resse aux graphies non-stan-dards*. Il investigue notammentles nouvelles technologies et lescontraintes qu’elles imposent àleurs utilisateurs. Les SMS, parexemple, n’invitent pas aux longsdiscours. Leur contenu succinctreste souvent assez banal.Comment vas-tu? Qu’est-ce quetu fais? On se voit bientôt, etc.Aussi, les utilisateurs «mettent-ilsl’accent sur la forme», estimeDaniel Elmiger.Dans le SMS, la parole tourne eneffet très vite au badinage. Onjoue sans complexe avec lesmots. «FM» désigne la radio, onévoque sa mère à l’aide des let-tres «mR», tandis que «taf» signi-

fie travail. L’aspect ludique estparfois si fort qu’il prend le des-sus sur la concision (qualitépourtant hautement recherchéedans ce genre d’exercice). Onécrit «kawoua» non pas pourfaire plus court - café ferait bienmieux l’affaire - mais pour sedivertir. Il en va de même de«savoar», «toa» ou «moa». Sans

parler de «Okaykaykay je rentrevers 23h. A tout’tout’tout’», cita-tion tirée d’un SMS particulière-ment folâtre.Rien de bien nouveau dans toutcela, rappelle Daniel Elmiger. Lapoésie s’amusait des mêmesprocédés il y a déjà belle lurette.Et la Zazie de Queneau n’auraitd’ailleurs certainement pasdédaigné le parler SMS, elle quilançait déjà son «Doukipudonk-tan» en 1959.

Pour Daniel Elmiger, l’éclatementde la graphie, telle que nous laconnaissons, est inévitable.«Nous n’aurons plus jamais uneseule orthographe correcte, avectout le reste considéré commefaux», prédit-il. Loin de s’en

offusquer, le linguiste porte aucontraire un regard nuancé surcette évolution du langage.Débarrassés de la peur d’êtrejugés sur quelques fautes d’or-thographe, bien des gens décou-vrent en effet les joies de l’écri-ture grâce à la mode des SMS.Tombent les inhibitions, dispa-raissent les complexes: vivent lacréativité, l’originalité, l’imagina-tion et la fantaisie.Car aucune règle ne fait la loidans le monde très libertaire dulangage texto (langage utilisédans les SMS). Et chacun y vagaiement de sa petite cuisine.Ces innombrables graphies parti-culières font d’ailleurs office decode d’identification. La manièred’écrire unit les membres d’uncercle d’amis, d’une famille oud’une catégorie de la population.A peine quelques principes com-munément admis soudent cettenouvelle communauté! Certaineslettres prennent ainsi valeur desyllabes: le «c» pour «c’est» ou le«l» pour «elle». Mais tandis quecertains utilisateurs s’en remet-

tent aux majusculespour mettre en évidenceces syllabogrammes,«d’autres utilisent plusvolontiers les espaces»,décrypte Daniel Elmiger.Les abréviations for-

ment une autre monnaie cou-rante des SMS: «lol» signifie ainsiéclater de rire (à partir de l’an-glais «laugh out loud»). Quant àla lettre «k», elle se substituesouvent à «qu» et à «c» et devientainsi beaucoup plus visible qu’enorthographe standard. Les chif-fres, enfin, constituent une autreastuce largement mise à contri-bution: «koi29» (quoi de neuf) ou«a12c4» (à un de ces quatre).Autre influence de la mathémati-que, la répétition d’un signe sertà marquer l’emphase, toutcomme la juxtaposition de zérosaprès un chiffre indique un nom-bre plus grand. «Lolllllll» insiste,par exemple, pour bien montrerque la personne a ri à gorgedéployée.

G P Tlé plon** j’ai pété les plombs

La langue ne fait pas la difficile quand il s’agit d’évoluer, et necrache pas dans la soupe des nouveaux moyens de commu-nication pour se transformer. Le linguiste Daniel Elmiger tientà l’œil ces métamorphoses. L’impact des nouvelles pratiquessociales sur l’écrit fait partie de ses recherches. Tout commele langage badin utilisé dans les SMS, qui tend de plus enplus à s’émanciper des contraintes imposées jadis par l’or-thographe.

«Nous n’aurons plus jamaisune seule orthographe

correcte»

18

Quicherche

trouve

En tant que linguiste, DanielElmiger s’est définitivementlaissé prendre au jeu des SMS. Etce n’est pas l’envie qui lui man-que d’orienter ses travaux dansce sens, s’il n’y avait le problèmede l’obtention de données.«C’est très difficile d’en obtenir,déplore-t-il, le SMS n’étant pasconçu pour être imprimé nimême conservé.» De plus, lesSMS transportent très souventdes messages trop intimes pourêtre dévoilés. Le chercheurs’imagine en effet difficilement«faire la sortie des écoles» - hautlieu d’échanges d’SMS - pourtrouver la matière nécessaire àses recherches. n

Colette Gremaud

Séminaire sur «les pratiquessociales de l’écrit» donné ausemestre d’été 2004 par DanielElmiger.

19

n L’ortographe se prend une gifleUn jeune invité à une émission de radio avouait se sentir de plus en plus déstabilisé en matière d’or-

thographe. Il n’est pas le seul! La liberté d’écriture offerte par les nouvelles technologies fait per-

dre son latin à plus d’un utilisateur. Difficile en effet de se souvenir des vieilles règles d’orthogra-

phe quand on triture la langue à plaisir et à longueur d’SMS.

Pour Daniel Elmiger, le danger ne se pose que pour les personnes qui n’ont jamais - ou pas encore

- fixé leurs notions d’orthographe. Pour les autres, «il s’agira de plus en plus de distinguer entre les

messages officiels, exigeant une orthographe parfaite, et les écrits informels moins rigoureux»,

estime le chercheur. Selon lui, «nous nous acheminons quoi qu’il en soit vers une plus grande tolé-

rance envers les graphies non-standards.» Cette indulgence est déjà patente dans les email, d’où

sont régulièrement bannies majuscules et autres difficultés mineures. «Ce qui n’est pas impecca-

ble ne choque plus: nous nous y habituons», lâche Daniel Elmiger. Le linguiste ne profère cepen-

dant aucun pronostic quant à l’avenir de l’orthographe. Trop tôt, selon lui, pour deviner si la créa-

tivité propre aux SMS s’imposera dans notre manière d’écrire. (cg)

Daniel Elminger, linguiste intéressé par les graphies non-standards

Après avoir connu la paixromaine pendant près de quatresiècles, les pays transdanubienstraversent au début du MoyenAge une phase de bouleverse-ments politiques, ethniques etsocio-culturels. Réunis aux terrescisdanubiens et christianisés, ilsforment de nouvelles nations etespaces politiques dans lesquelsse côtoient Allemands, Slaves,Hongrois et Roumains. LesTemps Modernes sont marquéspar la formation de l’Empire mul-tinational des Habsbourg. Sa dis-parition en novembre 1918entraînera les peuples du bassindanubien dans une spirale de cri-ses et d’affrontements.Commence alors l’ère du natio-nalisme, du nazi-fascisme et ducommunisme…

UniCité: Qu’est-ce qui amotivé le professeur descience politique et d’his-toire des idées politiques àrédiger cette étude approfon-die sur l’Europe centrale?Ernest Weibel: L’Europe cen-trale recouvre beaucoup plus uneréalité historique, et par consé-quent une conjoncture mou-vante, qu’un espace déterminépar la géographie, encore que leDanube en constitue la principaleartère. Ce centre-Europe a étépendant près d’un demi-sièclesous le régime communiste,coupé de l’Europe occidentale(Rideau de Fer); puis il est intégrédans l’Union européenne.Ce qui

a motivé ma recherche, c’est à lafois ce passé mouvementé etcette intégration européenne,surprenante lorsqu’on se rap-pelle qu’avant la chute du Mur deBerlin dans la nuit du 8-9 novem-bre 1989, l’évocation d’uneextension des Communautéseuropéennes vers l’est relevaitsoit de la science fiction politiqueou de l’anticommunisme pri-maire...

Quelles sont les spécificitésde l’Europe centrale dansson évolution historique etpolitique par rapport à d’au-tres régions européennes?La première spécificité, l’Europecentrale a connu un Empire mul-tinational et multiculturel,l’Autriche-Hongrie, qui disparaîten novembre 1918 sous lescoups des Alliés occidentaux

(France, Grande- Bretagne, Italieet Etats-Unis). Or, cet Empire dis-paru - longtemps considéré parles Occidentaux comme une pri-son de peuples et de nationalités- apparaît aujourd’hui commeune construction multinationalerelativement stable et équilibréequi avait réussi tant bien que malà établir une coexistence desnationalités. Sa disparition abouleversé tous les équilibreseuropéens en créant dans le cen-tre du vieux continent un ventremou composé de petits Etatsnationaux incapables de sedéfendre face à l’hégémonismedes grandes puissances. Ladeuxième spécificité, c’est juste-ment la présence de plusieursnationalités dont un grand nom-bre s’enchevêtre. Enfin la troi-sième spécificité, c’est l’exis-tence dans les pays d’Europecentrale d’une conscience etd’une vocation européennes,souvent méconnus en Europeoccidentale.

Quel est le poids de l’Europecentrale actuelle dansl’Union européenne?Il est encore trop tôt de parler dupoids de l’Europe centrale dansl’Union européenne. Toutefois,divers indices indiquent que sonpoids économique va croître aucours de la prochaine décennie;mais ce qui apparaît d’emblée,c’est que son impact politiqueest important. Il suffit de penseraux nouveaux commissaireseuropéens venant d’Europe cen-trale et aux nouveaux parlemen-taires européens; mais pour ter-miner, ce dont l’Europe centrale,a le plus besoin, c’est de com-préhension et de solidarité. Or,ces deux valeurs essentiellesdans les relations internationalespassent par la connaissance desmentalités, des cultures et del’évolution historique et politiquedes pays de l’Europe centrale. n

Propos recueillis parVirginie Borel

A la découverte historiquede l’Europe centrale

Nourrie pendant un demi-siècle de marxisme-léninisme sousl’égide soviétique, sevrée par trois lustres de post-commu-nisme, l’Europe centrale appartient aujourd’hui à l’Unioneuropéenne. Que de chemin parcouru depuis que les légionsromaines ont établi à l’aube du premier millénaire leurs can-tonnements le long de la rive droite du Danube! L’étudeconduite par le professeur de science politique et d’histoiredes idées politiques Ernest Weibel retrace l’évolution histori-que et géopolitique du centre du vieux-continent del’Antiquité à nos jours. Rencontre avec l’auteur.

«Histoire et géopolitique del’Europe centrale. De l’Antiquité

à l’Union européenne»,par le professeur Ernest Weibelest paru aux éditions Ellipses,

référence Géopolitique. 560pp.

20

Quicherche

trouve

»

Des bactéries-bathyscaphesdans les profondeursdu Loclat (lac de St-Blaise)

Il s’agit de Thiopedia rosea, une bactérie photosynthétique pourpre.Pour se maintenir au niveau d’eau où elle peut prospérer, cette bac-térie a développé un système dont Auguste Piccard s’est peut-êtreinspiré pour son bathyscaphe: grâce à des organelles remplies de gaz(vacuoles gazeuses, que l’on voit bien au centre de chaque cellule),elle est capable de modifier sa densité, ce qui lui permet de monteret de descendre dans la colonne d’eau. Thiopedia rosea se présentesous la forme de plaquettes régulières de 2, 4, 8, 16 etc. cellules, carcelles-ci se divisent alternativement et régulièrement selon deuxplans perpendiculaires et restent attachées un certain temps avant dese séparer.

Photo:Nathalie Forestier et Michel Aragno

Photo valant le détour

Patrick Wagner, vous occupezdepuis le 1er août le poste de«collaborateur personnel durecteur». En quoi consiste aujuste cette nouvelle fonction?Il s’agit d’assister le recteur dansles tâches opérationnelles etstratégiques (rôle de back-office,prise de procès-verbaux, colla-boration à des rapports tels quele futur plan d’intentions parexemple, analyse et synthèse deproblèmes divers touchantl’Université et son avenir, gestionde divers projets).

Sans recul, quelle est votreperception de l’Université deNeuchâtel? Comment décri-riez-vous votre nouvel environ-nement professionnel?Sans recul, ma perception estforcément très lacunaire puisqueje ne connais que les universitésde Genève et de Lausanne;cependant, l’Université deNeuchâtel paraît très promet-teuse dans plusieurs domaines

et jouit d’une excellente réputa-tion vis-à-vis de l’extérieur danscertaines spécialités (microtech-nique, biologie, ethnologie,archéologie, pour ne parler quede ceux que je connaisaujourd’hui). Je prie donc lesautres domaines de me pardon-ner cette méconnaissance provi-soire qui devrait se réduire avecle temps; il me semblerait toute-fois judicieux de «passer la pous-sière»... et ainsi de préparerl’Université à commencer le XXIe

siècle dans les meilleures condi-tions, plus particulièrement à«digérer» le processus deBologne en étant plus fortqu’avant. Quant à l’environne-ment professionnel, j’ai reçu ici lemeilleur accueil de ma courte vieprofessionnelle, les outils de tra-vail sont excellents - en particu-lier l’informatique - le contenu decertaines bibliothèques est trèsimpressionnant, etc. sans parlerdes collègues avec qui le premiercontact s’est très bien passé. n

Diplômé en science politique(HEI) de l’Université deGenève et titulaire d’un post-grade de l’IDHEAP, ceJurassien de 42 ans, père detrois enfants, s’est lancé dansle monde professionnel ausein de l’administration de soncanton d’origine en qualité decollaborateur scientifique. Ilrejoint ensuite la Berne fédé-rale pour l’Office fédéral desaffaires économiques exté-rieures où il collabore à l’aidefinancière au développement,en Afrique et en Asie. Il passeensuite quatre ans au sein del’Ambassade suisse à Moscouoù il finit par coordonner lesprogrammes suisses d’assis-tance à la Russie. De retour àBerne, Patrick Wagner coor-donnera les activités del’Office touchant les PME. Sadernière activité profession-nelle l’a conduit dans unerégion intercantonale (Vaud etFribourg): il vient en effet depasser six ans comme secré-taire général de laCommunauté régionale de laBroye, où il s’est largementinvesti dans la promotion éco-nomique de la région.

Patrick Wagner nourrit denombreux centres d’intérêt, aucœur desquels figurent sesenfants, mais aussi, cinéma,lecture, promenades ennature, musique, philatélie.«J’ai fait du judo et de lacourse de fond il y a très, trèslongtemps, sourit-t-il, et je nefais plus de service militairegrâce aux nombreuses réfor-mes de la Grande Muette...»(vb)

Bobinoscope

Patrick Wagner,le «bras droit» du recteur

Le recteur de l’Université de Neuchâtel Alfred Strohmeier s’estattaché les services d’un collaborateur personnel, PatrickWagner. Ce Jurassien occupe depuis le 1er août un poste né avecla nouvelle loi: diplômé en science politique et en administrationpublique, Patrick Wagner entend soulager le chef de file de laplus grande entreprise du canton de Neuchâtel dans ses multi-ples tâches de gestion.

22

»

Bobinoscope

Vous avez obtenu en 1998 unethèse de doctorat en informati-que à l’Ecole polytechniquefédérale de Lausanne…Oui, j’ai travaillé avec le profes-seur André Schiper sur la fiabi-lité* des systèmes à objets répar-tis. C’était à l’époque undomaine émergeant qui m’aouvert les portes de grandesentreprises actives dans laconception et la standardisation*de ces technologies.

C’est ainsi que vous êtes partiaux Etats-Unis?J’ai eu l’opportunité de travaillerchez Oracle en Oregon, unecompagnie connue surtout pourses bases de données. J’aicontinué les recherches dévelop-pées dans ma thèse sur les ser-veurs* d’applications. J’ai égale-ment eu l’occasion de participerà des comités de standardisa-tion*, notamment dans ledomaine de la tolérance auxdéfaillances. Comment faire pourgarantir un service ininterrompulorsque l’un des programmes dusystème tombe en panne? Engénéral et de façon simplifiée, onutilise la redondance, c’est-à-dire qu’un programme existe tou-jours sous plusieurs copies. Sil’une d’elles ne remplit plus safonction, les autres prennent lerelais.

Quelle est la suite de votre par-cours?Le centre de recherche Bell Labsde la compagnie Lucent, sur lacôte est des Etats-Unis, où j’aipassé deux ans à poursuivre mesétudes sur les systèmes répartis.De là, j’ai gagné la France en

2002 pour occuper un poste deprofesseur assistant à l’institutEurécom. Ce pôle de rechercheet d’enseignement en systèmesde communication émane d’unpartenariat entre l’Ecole poly-technique fédérale de Lausanneet l’Ecole nationale supérieuredes télécommunications deParis.

Comment comptez-vous inté-grer vos recherches à l’Institutde l’Université de Neuchâtel?Le professeur Peter Kropf et moitravaillons sur des domaines très

complémentaires. Je pense quenous allons profiter d’une trèsbonne synergie. Je démarre éga-lement un projet de quatre anssur les réseaux de pairs* soutenupar le Fonds national de larecherche scientifique. Ce pro-gramme me permettra d’engagerplusieurs doctorants et deconstituer rapidement uneéquipe sur cette thématique àNeuchâtel. n

Propos recueillis par ColetteGremaud

Pascal Felber: un spécialiste de la fiabilitésur qui l’on peut compter!

Thèse à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, expérienceprofessionnelle dans les plus grands laboratoires de rechercheaux Etats-Unis, puis retour aux sources, en France d’abord, àNeuchâtel aujourd’hui, avec une nomination comme professeurordinaire d’informatique à 33 ans… Le parcours de Pascal Felberressemble à une boucle du point de vue de la géographie. C’esten fait une ligne droite! Rencontre avec celui qui succède, dèscet automne, aux professeurs Hans-Heinrich Nägeli et Pierre-Jean Erard à l’Institut d’informatique de l’Université.

24

»

Cette historiette inventée àpure fin pédagogique permetd’appréhender l’un des princi-paux axes de recherche dunouveau professeur d’informa-tique Pascal Felber.

Des millions d’individus consul-tent le site Internet de la chaîneCNN. Conçu en conséquence,ce site possède les dimensionsadéquates pour faire face à untrafic de cette taille: grand nom-bre de machines impliquées,lignes à haut débit, etc. Tombealors cette nouvelle extraordi-naire: «découverte sensationnelleà l’Université de Neuchâtel dansle domaine des… » (libre à cha-cun de remplir cet espace avec ladiscipline de son choix). Cettenouvelle est reprise par lesmédias du monde entier. CNNn’échappe pas à la règle et créeun lien qui dirige les internautesvers le site «unine.ch». Ce der-nier n’est cependant pas dimen-sionné pour recevoir la pluie tor-rentielle de visiteurs qui s’abatsur lui. Débordé de toutes parts,il n’offre plus qu’un servicedégradé, ne répondant qu’à unefraction des demandes seule-ment, voir aucune.

Serveur et clientsur un pied d’égalité Ce phénomène baptisé «flashcrowd» - augmentation soudaineet non attendue du trafic - peutêtre évité. Pascal Felber évoqueune parade envisageable: «Aulieu de faire reposer tout le travailsur les épaules d’un seul serveur,on peut le répartir entre les diffé-rents clients. La distinction entrele serveur et le client devient

alors diffuse, chaque machine ouchaque programme jouant à lafois les deux rôles.» D’où l’appel-lation «réseaux de pairs» attri-buée à ces systèmes qui permet-tent de passer d’une échelle àl’autre (de quelques milliers d’uti-lisateurs à plusieurs millions)grâce à une répartition du travail.Mais si cet esprit égalitaire recèlecomme bien souvent les meilleu-res intentions du monde, il com-porte cependant quelques ris-ques. Comment assurer en effetla continuité du service lorsqueles internautes ne restent quepeu de temps en ligne et quechaque machine est censée four-nir une part du travail? C’est à cetype de problèmes - fiabilité etpassage à l’échelle - que s’attellePascal Felber dans ses recher-ches. n

Colette Gremaud

Glossaire simplifié

Un réseau informatique est un ensemble de machines reliées lesunes aux autres dans le but d’échanger des informations et de par-tager des ressources. Exemple: avant de distribuer l’argent que luidemande le client, l’ordinateur d’un distributeur automatique de bil-lets va consulter la banque du client à travers le réseau.

Un serveur désigne de façon générale toute machine ou tout pro-gramme qui fournit des services auxquels peuvent faire appel les uti-lisateurs du réseau à partir de leur propre ordinateur. Le serveur web«unine» dispose de toutes les informations présentes sur le site del’Université. Sur demande des utilisateurs, il envoie le contenu de lapage web désirée.

Le protocole définit de quelle manière les interactions entre les dif-férents composants doivent être conduites. Les protocoles sontgénéralement organisés en couches. Ceux de bas niveaux spécifientpar exemple comment diffuser les bits sur le réseau. Plus haut, ilsdéterminent comment les programmes échangent des informationsentre eux.

Afin de pouvoir se comprendre, les ordinateurs en réseau doiventparler le même langage, c’est-à-dire savoir quel type de protocoleutiliser. Cet accord est généralement fixé dans le cadre d’un stan-dard. Une comparaison triviale met en scène deux personnes delangues différentes qui ne parviennent pas à s’entendre. Elles en uti-lisent donc une troisième, qu’elles connaissent toutes deux. Le stan-dard définit cet arrangement, le protocole représentant la langueadoptée. n

Un informaticie partisande l’égalité entre clients et serveurs!

25

n Un 11 septembre qui se prolongePour Pascal Felber et sa famille, les quatre années passées aux Etats-Unis resteront certainement

marquées par les événements du 11 septembre. Une catastrophe vécue de près, puisque la

famille habite alors une petite ville à 45 minutes de route de New York.

L’informaticien était ce jour-là au travail. «Un collègue est venu m’avertir qu’un avion était entré

en collision avec l’une des deux tours. Nous étions persuadés qu’il s’agissait d’un avion de tou-

risme. La télévision était enclenchée. Les gens se sont regroupés pour la regarder. C’est alors

que nous avons vu le second avion percuter en direct la dernière tour.»

Pascal Felber confirme la dégradation du climat qui règne dans le milieu de la recherche aux

Etats-Unis depuis l’attentat du 11 septembre. «Pour les étrangers de type caucasien, les choses

se passent assez bien. Mais les ressortissants de certains autres pays doivent faire face à des

complications sans fin. Je connais beaucoup de personnes qui ont quitté les Etats-Unis de leur

propre gré parce qu’elles ne supportaient plus cette ambiance.» n cg

BobinoscopeUne restructuration est venue consi-

dérablement modifier la formation

universitaire en théologie protes-

tante, en Suisse occidentale.

Réunies au sein de la Fédération des

facultés de théologie, les universités

de Genève, Lausanne et Neuchâtel

axent désormais leurs recherches

sur un pôle de spécificité clairement

défini pour chacune d’entre elles.

Lausanne met ainsi l’accent sur les

études en sciences bibliques et en

sciences des religions. Genève se

concentre sur l’histoire du christia-

nisme, la systématique et l’éthique.

Quant à Neuchâtel – où la Fédération

a son siège – elle canalise ses efforts

sur la théologie pratique. Cette

répartition des disciplines, qui vise

un renforcement plus substantiel de

la collaboration, compte préserver

les identités propres à ces trois ins-

titutions.

Côté étudiants, Neuchâtel offre dès

cet automne un cursus master et

une filière doctorale en théologie

pratique. L’obtention du bachelor

exige de se déplacer à Lausanne ou

à Genève.

Concernant les professeurs, cette

restructuration a l’heureux effet

d’amener à Neuchâtel: Lytta Basset

et Félix Moser. Deux noms qui figu-

rent en bonne place dans le domaine

de la théologie pratique.

26

La formationen théologie protestante se transforme

mationologie protestante se transforme

Photo: Anita Schlaefli

Vieux jeu, d’aller au culte? Dansle vent, tout au contraire! En pleindans l’air du temps. Le culte,qu’est-ce d’autre qu’une prise deparole publique. De la communi-cation à l’état pur. Or, la commu-nication est de nos jours ce qu’ily a de plus progressiste. Un sim-ple coup d’œil à l’explosion de lapublicité ou des nouvelles tech-nologies suffit pour s’en convain-cre. La communication est aucentre des préoccupations deFélix Moser, nouveau professeurqui démarre cet automne sonactivité à la Faculté de théologie.La prédication génère des ques-tions éthiques qui se posentaussi en journalisme ou dans lesecteur de la communication.Jusqu’où aller pour informer sanstomber dans la publicité ni s’en-fermer dans un discours d’ini-tiés? Cette question taraudeFélix Moser depuis ses premierspas en théologie. Cette questionet toutes celles qui concernent latransmission de l’héritage chré-tien. «Cette problé-matique est centrale,car un être humain nedevient adulte etcapable de se frayerun chemin personnelet professionnel quesi d’autres personnes intervien-nent dans sa vie.» Spécialisé sur les rites de l’Egliseprotestante, Félix Moser a choisile discours comme cheval debataille. Il en use en Normandie,où il œuvre comme pasteur au

Bocage Normand, après avoirobtenu sa licence en théologie àl’Université de Neuchâtel.Chaque samedi, le pasteur se

rend aux prisons de Caen où ilest aumônier (voir ci-contre).Quatre années défilent ainsi.«Une expérience forte», selon lestermes de l’intéressé. L’année1983 sonne cependant le rappelau pays, à la Chaux-de-Fonds

plus précisément. Félix Moserest nommé pasteur de Saint-Jean. Il y prête une oreille atten-tive aux remarques de ses ouail-

les. Aux moins assidusnotamment, auxquels ilaccorde une attentionparticulière. Comments’adresser à cescroyants non prati-quants, qui recourent

occasionnellement aux servicesde l’Eglise? A quoi ressembleleur religion? L’envie lui vient decreuser le sujet. Il consigne lesréflexions qui lui sont confiéesdans des procès-verbaux (voirpage 30) et entame une thèse à

Bobinoscope

Félix Moser oula théologie à l’ère

de la communication

Temples et églises ont de tout temps résonner. Mais l’écho s’ydéplace désormais à loisir, se heurtant à des auditoires parfoisclairsemés. Le propos du prédicateur aurait-il perdu de sa subs-tance ? Le professeur de théologie Félix Moser y voit davantageun problème de communication. Les recherches et l’action de cenouveau venu à Unine s’articulent essentiellement autour de latransmission de l’héritage chrétien.

Philippe Merieu:«on ne peut pas soigner

l’anorexie par le gavage»

28

la Faculté de théologie deNeuchâtel. Quelques annéesplus tard et son doctorat enpoche, il est engagé comme maî-tre-assistant à l’Université deGenève. Il poursuit son étude dudiscours dans la théologie prati-que dans ses recherches et dansles cours et les séminaires qu’ildonne et qu’il reprendra en partieà Neuchâtel.L’acte de transmission est délicatà plus d’un titre, selon lui. «Lesétudiants et les étudiantes ontbesoin d’être introduits dans lesmondes des cultures et des pra-tiques religieuses devenues pourla majorité d’entre eux énigmati-

ques.» Inutile d’user de lacontrainte pour parvenir à sesfins. «La seule détermination del’enseignant ne suffit pas, puis-que personne ne peut vouloir,pouvoir et savoir à la place d’au-trui.» Et le théologien de citerPhilippe Merieu quand il affirmequ’on ne peut pas «soignerl’anorexie par le gavage».Transposé au monde universi-taire, ce propos réfute l’idéed’inonder les étudiants d’infor-mations. «Il vaut mieux leurapprendre à vérifier la fiabilitédes données auxquelles ilsrecourent. Il faut également leurapprendre à hiérarchiser et trier

L’aumônier desprisons de Caen

En ces années 80, près de600 détenus patientent entreles murs des deux centres dedétention de Caen. FélixMoser les visite chaquesamedi. «Au début, je travail-lais en rencontrant les déte-nus qui le souhaitaient.» Maisla demande est telle que lepasteur est vite débordé. Cesgens ont «du temps à reven-dre». Il crée alors les «groupesdu samedi», des réunionsconsacrées à la discussion.«C’était bleu de tabac», dit-ildans un sourire rempli debonhomie. Parmi les thèmesdébattus: les clans ou la hié-rarchisation des peines. «Lepénitencier est une micro-société avec sa propreéchelle sociale. Au sommettrônent les braqueurs. Quantaux coupables de délitssexuels, c’est à peine s’ilsosent se montrer au culte.»Et dans ce purgatoire secôtoient les sentiments reli-gieux les plus divers: astrolo-gie, maraboutage et supersti-tions de tout poil fleurissentde concert. Une médaille por-tée à l’envers, une bague enfi-lée à ce doigt plutôt qu’à unautre: tout est empreint designification. Pour FélixMoser, ces croyances un brinfolkloriques n’excluent pasune véritable sensibilité àl’Evangile. Au contraire: «UnNazaréen qui apporte la libé-ration prend tout son sensdans ce contexte.» (cg)

29

la somme d’informations qu’ilsreçoivent. En d’autres termes,leur donner les moyens des’adapter à différents contexteset de continuer d’apprendre toutau long de leur vie.» Félix Moserpousse plus loin l’image esquis-sée par Philippe Merieu en pro-posant de «creuser la faim plutôtque de chercher à comblerimmédiatement les manquessupposés».Dans son enseignement sur l’ho-milétique - l’art de la prédication- et la liturgique - l’apprentissagedes dimensions symboliques etrituelles du culte chrétien - lenouveau professeur mettra l’ac-cent sur la manière dont lecontenu et la forme du messages’articulent. Il fera intervenir desacteurs du terrain au niveau del’enseignement des actes pasto-raux. Félix Moser imagine trèsbien un séminaire sur les servi-ces funèbres, où des personnesde l’association Exit pourraientpar exemple venir communiquerleurs idées. L’enseignement dela pastorale sera également l’oc-casion de tisser des liens avecles autres disciplines. Commeavec la Faculté de droit, avec quipourraient être abordées parexemple les questions relativesau secret de fonction.Avec Félix Moser, la théologierejoint décidément les médiassur le terrain de la communica-tion. Des médias que le profes-seur aura bientôt le loisir decôtoyer. «Nous avons mis surpied un groupe de rechercheautour du renouvellement duculte dominical diffusé par laRadio suisse romande.» n

Colette Gremaud

«Dieu je le rencontre aussi à laforêt.» Ce genre de commen-taire, Félix Moser en a recueillisdes centaines. Glanés au gré dediscussions avec ses parois-siens et tirés de procès-verbaux.Le théologien s’est fait le dépo-sitaire de ce type de commentai-res qu’il regroupe sous le nomde stéréotypes, soit «une idéereçue qui fait jurisprudence dansla mentalité collective et quitrouve sa traduction dans la lan-gue». Un terme souvent associéaux clichés, à l’évidence, auxlieux communs et qui penchemême vers le préjugé. Noussommes tous sujets aux stéréo-types, qu’on croie, qu’on prati-que ou qu’on n’en fasse rien.Félix Moser apprécie les stéréo-types qui, à ses yeux, ne sontpas dénués d’une certainesagesse tirée de l’expérience etdes lois de la vie. Ces «minesd’une grande diversité et d’unegrande richesse» lui permettentde cerner les représentationsque les gens se font de la reli-gion. Et en particulier les repré-sentations des croyants nonpratiquants. Ces «distancés» quine recourent qu’occasionnelle-ment à l’Eglise. Félix Moser aclassé les stéréotypes ainsirécoltés en un «dictionnaire», àla base de sa thèse de doctoratet d’un livre*. Les citations quisuivent en sont tirées.

A l’occasion d’un décès:Dieu l’a donné, Dieu l’a reprisElle a eu une belle retraiteQuand on est mort, on est bienmort

Concernant la représentationde Dieu:Ce n’est pas nous qui comman-donsY a quand même quelqu’un qui

nous a mis làSi Dieu existait il n’aurait paspermis çaCroire en Dieu, c’est psychiqueSi Dieu nous punit, c’est qu’il aun plan pédagogique

La croyance:Faut bien croire en quelquechoseMoi je ne crois qu’une chose,c’est quand je reçois la paie à lafin du moisFaut pas douter, sans cela toutest remis en question

La religion:Je ne veux quand même pas melaisser avoir par des boniments[=racontars, affabulations] debonnes femmes

L’adhésion ou la non-apparte-nance à l’Eglise:Moi je suis religieux pour lesenterrements et les chosescomme ça et puis c’est tout.C’est pas parce qu’ils vont autemple qu’ils sont meilleurs quenous

La communion:Après la communion, on peutaller danser.Il communie pour le vélomoteur[c’est-à-dire la motocyclette. Ilfaut se souvenir que la premièrecommunion était (parfois esttoujours) associée à la fête de laconfirmation. Le cadeau souli-gnait le rite de passage de l’en-fance à l’adolescence, qui sematérialisait souvent par unchangement de moyens delocomotion]

*«Les croyants non pratiquants»,de Félix Moser, Edition et Labor

«Je suis croyant, mais non pratiquant»

Bobinoscope

30

31

Les psychologues sont prisd’assaut, les psychothérapeutesrefusent du monde et les psy-chiatres n’ont bientôt plus rien àenvier aux icônes intouchables.La quête du bonheur traverse lesrangs serrés de notre sociétécomme un frisson courant surune échine dorsale. Qui oseraitaffirmer de nos jours ne pas s’in-

téresser au développement de sapersonne, à l’affirmation et à saréalisation de son soi profond ?Lytta Basset en connaît long surces tourments qui laminent notresociété. «Je rencontre beaucoupde gens qui se sentent bloqués,incapables d’entrer en relationavec l’autre ou avec Dieu.»Lytta Basset n’a pourtant pas decabinet de consultation. Elleœuvre au numéro 41 duFaubourg de l’Hôpital. Entrée enfonction le 1er octobredernier pour enseignerla théologie pratique,cette nouvelle profes-seure est décidée àfaire le lien entre psy-chologie et spiritualitéau creux de notre Alma mater.«Cette nomination à Neuchâtelreprésente pour moi une grandeoccasion, explique-t-elle. Jem’efforçais déjà de tenir comptede la psychologie et de l’intério-rité en théologie lorsque j’ensei-gnais à mi-temps à l’Universitéde Lausanne. J’ai maintenant àma disposition un poste spécifi-quement conçu pour cela.» Cette

perspective l’enchante.Car Lytta Basset a fait de la réa-lité son fer de lance. Pour elle, lathéologie ne peut plus continuerà s’enfermer dans un mondepurement abstrait. Il lui fautredescendre sur terre. Aussi, lathéologienne s’est-elle juré deramener son aérienne disciplinevers des considérations «concrè-tes et existentielles, qui prennenten compte les réalités humai-nes». «Les gens en ont marre des dis-cours où l’on s’écoute parler»,estime-t-elle. Et les théologiensdevraient prendre garde de nepas s’enfermer dans un mondeinaccessible au commun desmortels. Un conseil qu’elleadresse à l’ensemble des scien-ces humaines «qui vont dans lemur si elles continuent de ne pasprendre en compte le réel». Aussis’applique-t-elle à rendreconcrètes les paroles de la Bibledans chacun de ses séminaireset dans ses conférences. Lerésultat est probant: salles com-bles sans coup férir. Ses propossur le pardon, la culpabilité oul’injustice font mouche et dépla-cent parfois des centaines de

personnes.Le langage compréhensible dontelle use joue certainement pourbeaucoup dans ce succès. Car lathéologienne sait redonner sensà certains mots de la traditionbiblique qui se sont éloignés deleur première acception. Quicomprend encore de nos jours età juste escient ce que «gloire»,«rédemption» ou «péché» veulent

bien dire? La confusion ambiantese propage jusque dans lesrangs des spécialistes qui consa-crent pourtant leur vie à l’étudede la théologie. Un comble, pourLytta Basset: « Onfinit paroublier de réfléchir personnelle-ment, ce qui est quand même lepropre d’une université.» Lathéologienne prend le problèmetrès au sérieux. «Nous allonsdevenir une secte si nous nousentêtons à conserver un langaged’initiés.» Alors que l’explorationde nouvelles formulations luiparaît tellement extraordinaire.«J’adore cette créativité qu’il y aau niveau du langage.»Colette Gremaud

L’appellation«cure d’âme» a vécuDans les cours qu’elle donnera àNeuchâtel, la théologienneentend former les étudiants à«l’accompagnement pastoral».Une expression à prendre «ausens large», insiste-t-elle. «Ils’agit de développer son intérêtpour l’autre, quel qu’il soit, d’ap-

prendre à être ouvert.»Les participants serontainsi en mesure d’exer-cer ce que l’on appelaitautrefois «cure d’âme»,soit la capacité d’ac-cueillir les personnes

qui désirent se confier, capacitélongtemps reconnue au seulhomme d’Eglise. L’expression«cure d’âme» a le don de hérisserLytta Basset. «Que voulez-vousfaire avec ce genre de terminolo-gie?» Et d’abord, «une oreilleattentive n’est pas l’apanage dupasteur», relève celle qui ouvregrand la porte de son enseigne-ment aux non-croyants.

«La théologie va dans le mur si elle continuede ne pas prendre le réel en compte»

Avec la nomination de Lytta Basset, psychologie et théologiemarcheront désormais main dans la main à Neuchâtel. A la foisphilosophe et docteure en théologie, cette nouvelle professeurede théologie pratique est décidée à faire le lien entre psychologieet spiritualité. Quand elle parle de la Bible, c’est avec un langageclair très proche des soucis des gens.

«Les gens en ont marredes discours où l’on s’écoute

parler»

32

Bobinoscope

Photo: Femina

Sa faculté d’écoute, Lytta Bassetla doit probablement à son expé-rience de vie. Notamment à cesdifférents postes d’enseignantede lycée qu’elle a occupés aprèsavoir obtenu une licence en phi-losophie et une maîtrise en théo-logie à l’Université deStrasbourg. Et également à cesannées de pastorat en paroisseet à l’aumônerie de l’hôpital deGenève. Un travail poursuivi enalternance avec une thèse dedoctorat en théologie àl’Université de Genève. «Je n’aijamais perdu le contact avec leréel», affirme-t-elle en se souve-nant toutefois du temps où elleétudiait, réfugiée dans l’intellectpur. «Je l’ai fait pendant desannées, également lorsque j’en-seignais la philosophie dans leslycées. Mais c’est fini, je n’en aiplus envie.» Le réel l’a rattrapéeau fil de sa vie. C’est elle,aujourd’hui, qui ne le lâcheraplus. n

Colette Gremaud

33

nQuand Dieus’attire la colèredes humains

Ce serait donc possible! On n’ose y croire. Pouvoir lever un

regard courroucé vers le ciel… Hasarder un premier repro-

che… Pire: se lâcher carrément et lui dire ses quatre vérités.

D’après le dernier livre de Lytta Basset, Dieu s’accommode

très bien de la colère des humains. Mieux que cela: il l’encou-

rage. Quand Job l’invective, il dit à deux reprises «Job a bien

parlé de moi».

Pour la théologienne, «nulle part Dieu ne censure l’expression

verbale de la colère […] Or, l’interdit sur la plainte – et à plus

forte raison sur la colère – est encore largement répandu dans

nos sociétés occidentales, particulièrement dans les milieux

chrétiens. A croire qu’on n’a jamais lu Job ni les Psaumes ni

les Lamentations de Jérémie! Il est fréquent d’entendre des

personnes qui auraient toutes les raisons de se plaindre des

drames qui leur arrivent affirmer avec ferveur: «Je n’ai pas le

droit de me plaindre!»

Cette colère encouragée par Dieu va bien sûr plus loin qu’une

crise de rage. Elle se fait critique, reproche, protestation. Son

rôle est de mettre l’autre en cause et, par là même, de préser-

ver d’un danger l’homme blessé. Car gardée prisonnière, la

colère finit par ronger celui qui la porte. Elle le parasite, le

détruit à petit feu et le conduit à en vouloir au monde entier.

Le passage cité ci-dessus illustre très bien le style de Lytta

Basset. L’écrivaine n’y va pas par quatre chemins. Son propos

est clair. Les passages de la Bible deviennent étonnamment

limpides. La grande compétence de l’auteure fait son effet.

Cette dernière ne cherche toutefois pas à imposer ses vues.

«Je me contente d’accompagner les autres, de les aider à

trouver eux-mêmes leur chemin.» (cg)

«Sainte colère, Jacob, Job, Jésus» de Lytta Basset, Editions

Bayard et Labor & Fides, 2002.Photo: Femina

Campus n Campus n Campus n Campus n Campus n

Se trouvent désormais auFaubourg du Lac 5a:

• le rectorat;• le collaborateur personnel du

recteur;• le Service juridique;• le Service de presse et com-

munication, y compris gra-phisme et édition;

• le secrétariat du rectorat;• le secrétariat général et logis-

tique;• le Service administratif, dont:

la direction administrative;le bureau de la comptabilitédes fonds de tiers;le bureau de la comptabilitégénérale et le bureau des res-sources humaines.

Ont migréà la rue des Beaux-Arts 21:

• le Service des sports;• le Service social;• l’Université du 3ème âge.

Est parti s’établirau numéro 26de l’Avenue du 1er-Mars:

• le Service de promotion etrecrutement.

Plusieurs déménagements ont pris place à l’Université en cette fin de pause estivale.

34

L’Université accueille le recteur Alfred Strohmeier,et les trois vice-recteurs, entrés officiellement en fonction

le 1er octobre dernier

UniNE dans les cartons

(De g. à dr.) Daniel Schulthess, Alfred Strohmeier, Reinhard Neier et Daniel Haag

Secomania: la dernière-néedes facultés dignement baptisée

Les étudiants des Sciences économiques et sociales marquentl’envol de la cinquième faculté de l’Université en lançantSecomania, subtile mélange de fête, de rencontres et deréflexion.

La Fête. Une grande, avec des DJ, des bars, des gens qui dansent etqui s’amusent… Et où donc? Dans les couloirs d’un bâtiment qui nel’entend pas tous les jours de cette oreille. Pas très courant en effetde déambuler en musique dans les couloirs du bâtiment principal del’Université. Ce sera pourtant le cas le 20 novembre prochain, lors dela première édition de Secomania. Une fête qui marque le renouveaudes Sciences économiques et sociales (Seco), devenues récemmentfaculté à part entière (les Seco étaient jusqu’en 2003 unies au droit).La manifestation ne se bornera pas à détourner du droit chemin levénérable Bâtiment principal. Deux anciens diplômés, JacquesForsters, vice-président du Comité international de la Croix-Rouge etClaude-Daniel Proellochs, directeur général de l’entreprise VacheronConstantin, livreront leur regard sur le monde économique d’au-jourd’hui. Ils répondront ainsi à l’envie exprimée par bon nombred’étudiants en Seco de se confronter au réel. La manifestation com-prendra bien entendu divers autres volets, au cours desquels les ins-tituts se présenteront, et qui complèteront cette partie officielle.Dès 22h cependant, les couloirs du numéro 26 de l’Avenue du 1er-Mars résonneront (on compte sur eux !) vibreront et festoierontjusqu’à point d’heure. Musique pour tous les goûts, décoration et res-tauration: rien n’est laissé au dépourvu. Un piano-bar situé au rezaccueillera les fêtards à oreilles délicates, plus enclins à la discussion.Des canapés les attendront dans une ambiance « lounge » aux efflu-ves de champagne. Un climat idéal pour retrouver de vieux amis ourencontrer des économistes d’anciennes volées. Car Secomania,manifestation réservée aux étudiants en économie actuels ou anciens,vise à renforcer le sentiment identitaire des Seco neuchâteloises.Aussi, la dizaine d’étudiants en économie qui forment le comité,appuyés par Claude Jeanrenaud et Françoise Voillat, de l’Institut derecherche économiques et régionales (IRER), sont-ils motivés àretrousser leur manche. Ce qu’ils font avec ardeur, par pure affectionpour une faculté où ils se sentent «bien dans leurs baskets». n(cg)

Secomania, une manifestation qui s’adresse aux étudiants actuels ouanciens en économie. Le samedi 20 novembre dès 16h30, auBâtiment principal (Av du 1er-Mars 26). Renseignements sur le sitewww.unine.ch/secomania/

Rencontreset échanges avec l’ailleurs

ESN est une organisation privée et indépendante qui se charged’adoucir l’exil des étudiants Erasmus en Suisse. Son credo: lesétudiants d’ici accueillent les étudiants d’ailleurs. ESN fonctionnesur la base de sections. Neuchâtel est la seule université romandeà en être dépourvue!

On peut voyager pour découvrir le monde. Une autre tactique estd’attendre que le monde s’invite à sa porte. L’organisation Erasmusstudent network (ESN) met cette deuxième solution à portée de maindes étudiants de l’Université. Des étudiants cordialement appelés àfonder une section pour représenter leur Alma mater dans cette asso-ciation. Futurs diplômés, doctorants, anciens étudiants… tous sontconcernés.Bien que reconnue par l’Union européenne, ESN n’est pas subordon-née au programme Erasmus. Cette organisation privée et indépen-dante est une émanation purement estudiantine. Elle vise d’une part àfaciliter l’intégration des étudiants Erasmus qui viennent en Suisse, etd’autre part à motiver les gens d’ici à partir à l’étranger.Une dizaine de sections – issues des universités, mais aussi des éco-les polytechniques fédérales et des hautes écoles spécialisées - exis-tent déjà en Suisse. Neuchâtel est la seule université romande à enêtre dépourvue. Cette situation ne devrait pas durer: plusieurs person-nes ont d’ailleurs déjà manifesté leur intérêt. Il manque cependant desbras pour passer à la phase concrète.Ces bras - tous bénévoles - près à s’investir dans cette action, aurontpour principale mission d’accueillir les étudiants étrangers débarquésà l’Université de Neuchâtel. Libre aux organisateurs de mettre sur piedun vol au-dessus des Alpes, par exemple (l’Université de Fribourg l’afait l’année dernière). ESN n’impose aucune contrainte dans la diver-sité des activités envisageables. Avantage de Neuchâtel: un nombremodéré de participants, gage de simplicité et de flexibilité.ESN ne se contente pas de favoriser les contacts avec des gens d’au-tres pays. Elle offre aussi l’occasion de connaître des étudiants suis-ses en participant aux activités mises sur pied par les autres sectionsdu pays. Ou en faisant partie du comité qui représente l’organisationau niveau national. Voir en devenant carrément le représentant de laSuisse au niveau européen. Ce dernier s’est rendu par exemple àHelsinki, où fut tenue l’année passée l’assemblée générale. n(cg)

ESN Suisse organise au début de ce semestre d’hiver une journéed’information à Unine. Voir sur le site www.esn.chRenseignements Sabine Kollbrunner,email: [email protected] ou à l’adresse [email protected]

35

36

Bibliographie

L’Institut de droit de la santé pré-sente la première édition d’uneversion annotée de la loi sur l’as-surance maladie. Ecrit par ArianeAyer et Béatrice Despland, cetouvrage servira d’outil aux autori-tés, aux tribunaux, aux avocats,aux professionnels de la santé,aux assureurs et aux étudiants.Cette édition regroupe les lois etordonnances sur l’assurance-

maladie ainsi que la loi fédéralesur la partie générale du droit desassurances sociales (LPGA). Lesannotations intègrent la jurispru-dence publiée depuis l’entrée envigueur de la LAMal jusqu’au 31mai 2004. L’ouvrage est com-plété par une bibliographie géné-rale et une table de concordancereprenant les arrêts cités.

«Loi fédérale sur l’assurance-maladie, édition annotée»,d’Ariane Ayer et BéatriceDespland, Georg Editeur

L’étude publiée sous le titre «Lesmigrations internationales desfootballeurs», par Raffaele Poli,dresse le portrait des joueurs defootball qui ont migré «avec laballe», c’est-à-dire recrutés parun club sportif. L’analyse de cechercheur du Centre internationald’étude du sport (CIES) deNeuchâtel intègre les domaines

de la globalisation, du transnatio-nalisme et de la circulationmigratoire.

Dans son ouvrage «Les migra-tions internationales des footbal-leurs», Raffaele Poli compare lesfootballeurs professionnels ousemi-professionnels à des mer-cenaires itinérants, souventachetés et revendus au gré desfluctuations du marché.

Ce chercheur du Centre interna-tional d’étude du sport (CIES) deNeuchâtel tente de dégager, auregard de la globalisation, dutransnationalisme et de la circu-lation, les raisons qui poussentces footballeurs à s’expatrier, etles conséquences qui en décou-lent.

Dans ces entretiens, des footbal-leurs ayant quitté le Cameroun(Timothée Atouba, AugustineSimo, Hervé Tum, Samuel Ojong,Armand Deumi, Jean-PierreTcheutchoua, Frédéric Ayangma,Achille Njanke) livrent la concep-tion qu’ils se font de leur séjouren Suisse. Leurs témoignageslaissent transparaître la précaritéde bien des situations. «Je suisarrivé à l’aéroport de Genèvedans la soirée, vers 22 heures,j’ai signé mon contrat et je suisrentré le lendemain», dit parexemple l’un d’eux.

L’approche adoptée dans l’ou-vrage souligne la nécessité pourun nombre grandissant d’équi-pes d’avoir recours à des joueurs«bon marché» provenant de paysdéfavorisés. Le système spécula-

tif pratiqué par les clubs de foot-ball finit par donner aux migra-tions des footballeurs provenantde pays du Sud une forme deplus en plus circulatoire.

Raffaele Poli est collaborateurscientifique au Centre internatio-nal d’étude du port (CIES) deNeuchâtel et doctorant en géo-graphie aux universités deNeuchâtel et de Franche-Comté.A côté des migrations des foot-balleurs professionnels, il étudieégalement la question nationaledans le sport. Pour son ouvrage,Raffaele Poli a bénéficié de labourse de recherche JoaoHavelange, octroyée par laFédération internationale de foot-ball association (FIFA).

«Les migrations internationalesdes footballeurs, Trajectoires dejoueurs camerounais en Suisse»,

de Raffaele Poli, aux éditionsCIES

36

Première versionannotée de la loi sur l’assurance-maladie

Une étude montre le côté «enfants dela balle» des footballeurs professionnels