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PRATIQUES ET DISCOURS DE LA CONTRECULTURE AU QUÉBEC Jean-Philippe Warren et Andrée Fortin

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PRATIQUES ET DISCOURS DE LA CONTRECULTURE AU QUÉBEC

Jean-Philippe Warren et Andrée Fortin

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Pratiques et discours de la contreculture au Québec

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S E P T E N T R ION

PRATIQUES ET DISCOURS DE LA CONTRECULTURE

AU QUÉBEC

Jean-Philippe Warrenet Andrée Fortin

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CHANGER LA VIE

Nous voulions tout changer. Pas seulement changer de religion,

changer de trip, changer de maîtres, changer d’illusion : tout.

(s.a., 1977e, Répertoire québécois des outils planétaires, p. 205)

L e présent livre offre un panorama de la contreculture1 québécoise telle que celle-ci s’est déployée depuis la fin des années 1960 jusqu’à la fin de la décennie suivante. Si nous

nous sommes astreints, près de 50 ans plus tard, à rassembler les matériaux nécessaires à l’écriture de cet ouvrage, ce n’est certaine-ment pas par nostalgie. Au contraire, nous avons voulu réaliser cette synthèse parce que la société actuelle a énormément hérité de la contreculture, sans toujours le réaliser : épanouissement personnel, écologie, agriculture biologique, rock, rapports non hiérarchiques, mise en réseau, amour libre, yoga, marijuana, spiri-tualité orientale, performances théâtrales, tout un éventail d’expé-riences nouvelles a secoué les mœurs et la conscience de la génération d’après-guerre en l’espace de quelques années, à tel point qu’il est possible d’affirmer que la période qui s’étend de l’Expo  67 au premier mandat du gouvernement du Parti québécois, élu en 1976, a eu un impact au moins aussi grand sur le monde qui est désormais

1. Nous adoptons ici l’orthographe « contreculture ». Dans les années 1970, l’uti-lisation de « contre-culture » est courante. Dans les citations, nous avons respecté l’usage original.

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le nôtre que la très célébrée Révolution tranquille. Bien sûr, au fil du temps, l’héritage de la contreculture a été diversement approprié et transformé, voire subverti ou travesti, mais il n’empêche que, dans une large mesure, le Québec contemporain est l’enfant de cette époque fébrile. La contreculture d’il y a près d’un demi-siècle est devenue en partie la culture aujourd’hui. C’est ce dont le présent essai cherche à rendre compte en revenant sur quelques-unes des ruptures qu’ont consommées ce qu’on a pris l’habitude d’appeler les « années 68 ».

Un Québec hippie

La contreculture apparaît au départ sur la scène montréalaise, laquelle représente, alors comme aujourd’hui, un pôle économique et culturel incomparable. La ville demeure l’hôte d’une importante population anglophone qui vit, culturellement, dans l’orbite directe des États-Unis et qui accueille, à partir de 1965, maints draft dodgers, ces objecteurs de conscience qui fuient l’enrôlement obli-gatoire dans l’armée américaine au moment où s’intensifie l’atroce guerre au Vietnam. En outre, Montréal possède quatre universités, dont la toute nouvelle Université du Québec à Montréal qui ouvre ses portes en 1969, établissements qui drainent des étudiants venus des régions les plus excentrées. Ces jeunes constituent une clientèle assez dense pour faire vivre, quoique souvent dans des conditions précaires, des librairies, disquaires, cafés, salles de spectacles et boutiques qui offrent aux curieux des produits variés. Le flux continu de nouveaux arrivants renforce la réputation de la métro-pole comme centre incontesté de la contreculture dans la province, voire au pays, ce qui attire à elle toujours plus d’hommes et de femmes en mal d’expériences originales, audacieuses. Par exemple, c’est à Montréal qu’a lieu, en mai 1969, le bed in de John Lennon et Yoko Ono : entouré de journalistes et de photographes, le couple enregistre dans la chambre d’une des suites de l’hôtel Reine-Élizabeth le célèbre hymne à la paix Give Peace a Chance.

Cependant, au fur et à mesure que l’on avance dans la décennie 1970, la contreculture essaime à travers la province, avec pour

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résultat que ce qui se présente, à l’origine, comme un phénomène essentiellement montréalais finit par embrasser, à un degré plus ou moins important selon les contextes, l’ensemble de la population québécoise. Installée sur la rue Émery, puis Saint-Denis, Mainmise (1970-1978), la revue par excellence de la contreculture québécoise de langue française, est bientôt distribuée dans près de 3 000 points de vente répartis un peu partout grâce au service de la Messagerie du Jour (le service des messageries des Éditions du Jour) et aux contacts de ses rédacteurs dans les head shops (boutiques vendant

Très vite, la contreculture compte des adeptes dans tout le Québec, que ce soit à Québec, Sherbrooke, Sept-Îles, Trois-Rivières, Rouyn, Kamouraska ou les Îles-de-la-Madeleine. En 1977, Sonia « Chatouille » Côté, Francine Marsolais, Louise Bédard et Lou Babin bravent le froid du mois de février pour mesurer l’étendue de la conspi-ration des enfants du Verseau en dehors de Montréal. « Embarque », clament-elles, « on n’ira pas vite ». Photo © Pierre Crépô, Rimouski, 1977, tirage original noir et blanc coloré.

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des pipes à hachich, de l’encens et du papier à rouler, mais aussi des revues, de la musique, des robes longues et autres menus articles) et les disquaires spécialisés. La publication reçoit des lettres de lecteurs et lectrices établis en Gaspésie, dans Charlevoix, au Lac-Saint-Jean ou dans les Cantons de l’Est. Quand, en 1977, les artisans du périodique montent à bord de leur minibus Volkswagen et organisent une tournée du Québec dans le but de prendre le pouls du monde alternatif, ils découvrent une génération de l’ère du Verseau bien vivante (Favreau, 1977d). Au fond de l’Abitibi, deux couples de freaks (mot fréquemment utilisé à l’époque pour désigner les hippies2) cherchent à fonder une communauté autar-cique à tendance mystique, pendant qu’à Sherbrooke, les animateurs de La Ruche, une coopérative d’alimentation naturelle, participent à la création d’un centre de documentation sur les pratiques alter-natives dans le domaine des médecines douces, de l’agriculture biologique et des énergies renouvelables, embryon de ce qui deviendra la librairie Boule de Neige. La diversité tout autant que le dynamisme règnent dans ces efforts de faire advenir un monde différent.

Dix ans après sa véritable apparition au Québec, les attitudes et les styles associés à la contreculture touchent des résidents tant de Sherbrooke ou Hull que de Chicoutimi, Matane ou Rouyn. À telle enseigne que si, ailleurs, des villes (San Francisco) ou des quar-tiers (Greenwich Village) ont pu incarner la contreculture en acte, c’est l’ensemble du Québec qui paraît à cette époque verser dans un univers alternatif. Arrivés plus tard sur la scène nord-américaine, les hippies québécois se trouvent mêlés au grand tourbillon de renouveau de la Révolution tranquille et sont associés par des détours imprévus à la vague d’affirmation nationale, ce qui fait qu’ils réus-sissent davantage à inscrire leur révolte dans la continuité d’un projet collectif. Ancien directeur de Parti pris, converti aux idéaux de la contreculture, Pierre Maheu déclare avec assurance : « Prenez les quatre mots que j’aime le mieux : amour – Québec – terre – libre.

2. Le terme est très répandu dans la littérature underground avant de disparaître peu à peu du vocabulaire à la fin des années 1970. Michel Bélair nous confirme que le mot hippie n’est à peu près jamais utilisé par lui et ses amis.

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Mettez n’importe quels deux de ces mots, mettez-les ensemble : Québec-love, Québec libre, terre-amour, terre libre, amour libre, et vous parlez toujours de la même révolution. » (Maheu, 1973, p. 18) Pendant quelques années, il peut ainsi sembler à certains observateurs  –  légèrement portés à l’exagération, certes  –  que le Québec tout entier est en voie de devenir un gigantesque Haight-Ashbury ou, si l’on préfère, une véritable nation Woodstock. Marshall McLuhan ne se gêne pas pour qualifier les Québécois de peuple de « hippies » (cité par Marcel Rioux, 1987, p. 19) et Linda Gaboriau affirme avec sérieux que le « Québec entier peut être considéré comme l’underground du Canada » (Gaboriau, 1970, p. 98). Quant à Victor-Lévy Beaulieu, il déclare un peu dans le même sens : « Le Québec, par définition même, pis global’ment, est contre-culturel. Y peut pas y avoir de contre-culture dans le Québec parce que toutes nous autres qui y vivons, on est contre-culturel. (Beaulieu, 1973, p. 365 ; lire aussi Lazure, 1975.)

Dans les années 1960 et 1970, la volonté d’être maîtres chez soi, de décoloniser les consciences, de s’émanciper des vieux carcans institutionnels, de vivre une révolution culturelle, de s’ouvrir au monde ou de contester les pouvoirs établis se niche aussi bien dans le discours des partisans de la contreculture que dans celui des militants nationalistes. La soif inextinguible de libération annoncée par le mouvement hippie se fond assez aisément dans une volonté nationale de sortir le peuple québécois de sa gangue traditionaliste, de renouer avec une certaine authenticité, de libérer la parole, de revendiquer une plus grande indépendance. Après un siècle de moralisme catholique canadien-français, la société célèbre des rapports humains qui semblent soudain beaucoup plus détendus, plus relâchés, que ceux du reste d’une Amérique du Nord restée puritaine. Perçus comme plus créatifs, plus gais, plus festifs, plus participatifs, les Québécois seraient en mesure de proposer des occasions de dépassement inconnues dans les autres régions du continent. Cet éthos marquerait tout spécialement, dit-on, une différence décisive entre les francophones et les anglophones du Canada. « Pour moi, observe le sociologue Marcel Rioux, les Québécois sont des dionysiaques, mais tout dans leur entourage les empêche d’être chauds : les Anglais, l’hiver, la domination

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économique. Les Anglais sont apolliniens – “frettes” » (Duchastel, 1981, p. 108). C’est pourquoi, en s’affirmant pour ce qu’ils sont, en reprenant contact avec leur nature profonde, les Québécois de langue française pourraient enfin rompre avec les habitudes apprises du conquérant anglais et favoriser une culture originale, décom-plexée, « chaude », « extravertie ».

Cette interpénétration du nationalisme et de la contreculture se remarque dans toute une série de manifestations et d’événements de l’époque, notamment dans la production musicale, comme lorsque Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois montent ensemble sur la scène des plaines d’Abraham lors du spectacle d’ouverture du Festival international de la jeunesse francophone, la Superfrancofête, à Québec, en août 1974, et entonnent en chœur Quand les hommes vivront d’amour, de Raymond Lévesque. Ou encore lorsque, à l’occasion du spectacle « OK nous v’là ! » (1976), Harmonium, Beau Dommage, Octobre, Contraction, Raôul Duguay et Richard Séguin se partagent une scène sur laquelle s’entremêlent l’affirmation de la nation québécoise et les codes de la contreculture. Les Québécois des années 1970 ont, répète-t-on, le « cœur en fête » et la « tête en gigue » (Roy, 1992 ; Giroux, 1993).

Il serait toutefois réducteur de limiter les progrès de la mouvance contreculturelle dans la société québécoise à des éléments qui seraient propres à celle-ci, puisque le phénomène n’épargne aucun État développé et que le terme de contreculture est lui-même popularisé, en 1969, par l’américain Theodore Roszak, dans un livre qui fait époque, The Making of a Counter Culture : Reflections on the Technocratic Society and Its Youthful Opposition (traduit sous le titre Vers une contre-culture). Quant au mot hippie, son étymo-logie est incertaine, mais on sait qu’il découle des termes hip et hipster qui sont utilisés chez les beatniks pour désigner les initiés, c’est-à-dire ces individus qui comprennent les codes du milieu underground. C’est le journaliste Michael Fallon qui lance, dans un article du San Francisco Examiner de septembre 1965, l’expres-sion dans le grand public. Le lexique des jeunes hippies francophones est truffé de bien d’autres expressions empruntées à la langue de Shakespeare, dont freaks, pot, dope, high, love in ou drop-out, ce qui donne une indication de l’origine de leurs plus puissantes influences.

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En insistant sur les spécificités de la contreculture au Québec, nous ne cherchons donc pas à en masquer les caractéristiques plus générales. Des régions n’ayant pas connu les mêmes bouleversements sociaux et politiques n’en ont pas moins été emportées par le maelstrom contreculturel, et ce, dans la mesure où la contreculture s’inscrit dans une dynamique propre au développement du capi-talisme avancé. Il importe pour cette raison de montrer comment la montée de la contreculture s’articule également, dans les années 1960 et 1970, à une transformation de l’économie  –  réelle et symbolique  –  des pays post-industriels, et non seulement à un sursaut des consciences individuelles ou un éveil plus ou moins spontané des aspirations collectives. C’est dans la conjonction entre, d’une part, un bouleversement global des rapports sociaux et des structures économiques et, d’autre part, les avatars d’une Révolution tranquille aux accents bien locaux que la contreculture québécoise se déploie, ce qui explique que la vaste majorité des gens que nous avons interviewés pour la rédaction du présent ouvrage nous ont dit s’être glissés dans ce courant sans véritable effort, de manière douce et spontanée. « C’est l’air du temps qui m’a amenée à la contreculture », confirme avec un grand sourire Paule Lebrun.

Contours de la contreculture

Le terme contreculture évoque un affrontement et un commence-ment dans sa dénomination même. Le préfixe « contre » suggère à la fois l’opposition à l’ordre établi et une réalité qui se situe « à côté de » la culture dominante. « En cela, il renvoie à cette implantation souterraine de la contre-culture, dans cet underground mal défini que représentent les marges, “à côté” de la société. » (Jezo-Vannier, 2011, p. 14) Le terme contreculture signifie à la fois « être contre la culture » et être habité par une volonté de bâtir une « culture alternative », c’est-à-dire une autre façon de vivre, de voir le monde et de se lier aux êtres. Néanmoins, à l’encontre de ses hérauts les plus utopistes, il faut se garder de poser comme fait établi cette aspiration de rupture totale et immédiate avec l’ordre social domi-nant. De larges pans de la contreculture sont tôt recyclés dans

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l’économie marchande et la société de consommation (le rock, l’alimentation biologique, les médecines douces) par un mouvement d’autant plus rapide qu’il semble naturel, ce qui s’explique par les rapports intimes que la contreculture entretient, souvent sans que ses partisans ne s’en rendent vraiment compte, avec un monde dont elle conteste les valeurs et les mécanismes.

Il faut faire preuve de prudence sur un autre front. Comme le rappellent Christophe Bourseiller et Olivier Penot-Lacassagne (2013), il importe de toujours penser la contreculture au pluriel, car ses ramifications sont nombreuses et ses interprétations multiples.

À Montréal, comme partout, la contreculture a ses lieux privilégiés : les parcs, bien sûr, mais aussi les petites boutiques d’artisanat, les head shops, les disquaires, les restaurants santé, les cafés, les salles de spectacle underground, ainsi que les librairies alternatives. Source : Logos, vol. 1, no 5, janvier 1968, p. 8.

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L’apparente simplicité de la révolte contreculturelle masque en fait des équivoques importantes, ambivalences qui ne seront pas sans influencer le sort de celle-ci au moment de tirer le bilan des expé-riences bigarrées de ces marginaux et de ces décrocheurs qui s’ima-ginent, dans leurs élans les plus naïfs, échapper totalement aux déterminismes sociaux. Sous la contreculture, dont nous avons voulu préciser les contours, se découvrent des appropriations et traductions qui la traversent en tant de sens différents qu’il devient difficile par moments d’en préciser les sources et les destinations. Au fur et à mesure où l’on s’approche de la contreculture pour en arpenter et mesurer le territoire on s’aperçoit qu’elle compose une réalité changeante qu’il n’est pas évident de ramasser en une formule toute faite.

Commençons par caractériser la contreculture en quelques traits qui révèlent certains paradoxes qui lui sont inhérents et permettent de saisir pourquoi elle résiste obstinément à toute définition rigide. Elle se distingue par une attention portée au corps, à la forme physique, à la santé et, en même temps, très fortement, par une spiritualité retrouvée, une recherche de l’har-monie intérieure. Elle prône le retour à la nature et professe un culte de l’authenticité, tout en croyant aux possibilités offertes par la technologie ; elle s’emballe aussi bien pour l’agriculture biologique que la télévision, le folklore que la science-fiction. Elle insiste sur les désirs et pulsions des individus, libérés des carcans d’une société oppressive, tout en proposant un modèle de vie communautaire, celui des communes, qui, comme nous le verrons, se révélera à l’usage non moins contraignant ; elle tourne simultanément le regard vers l’univers intersidéral et vers le village rural, cherchant à être à la fois globale et locale. Ces tiraillements font la force de la contreculture qui repose sur l’idée, ainsi que l’affirme Raôul Duguay, que « touttt est dans touttt ». Dans l’ensemble de ses déclinaisons, pratiques ou théoriques, cette mouvance apparaît « maniable », au sens donné à ce terme dans l’éditorial du deuxième numéro de Mainmise : « Être maniable c’est choisir son champ d’action et y être efficace, selon son intelligence, ses connaissances, ses disponibilités financières. L’U.T.O.P.I.E. n’a de sens humain que si elle est maniable ». Cette U.T.O.P.IE. ne vient pas avec un

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mode d’emploi ou une définition générique ; elle désigne d’abord les rêves qui peuvent être réalisés maintenant.

Il n’est pas anodin de souligner que ceux et celles que l’on appelle à l’époque les hippies ou les freaks semblent souvent s’opposer à une société jugée contraignante sans autre souci apparent que celui de favoriser le bonheur individuel. L’éclatement des cadres vermoulus passe par des expériences qui doivent être « tripantes » « flyées », « pétées », « le fun », et qui sont liées entre elles par la volonté d’aller à contrecourant à la fois des idées de productivité et de rationalité véhiculées par les élites économiques et des valeurs judéo-chrétiennes martelées par les élites religieuses. En ce sens, l’attitude de ceux qui adhèrent à la contreculture comporte une dimension anarchiste, mais cet anarchisme demeure mal défini, plus instinctif que philosophique, et ne saurait prétendre à un quelconque programme structuré (Zablocki, 1973 ; Warren, 2008). Né en 1945, Michel Belleau reconnaît que sa génération a été influencée par une attitude anarchiste au sens large. « Déjà à ce moment-là [celui des manifestations des années 68] existait l’em-bryon d’une tendance plus libertaire, ça courait en profondeur. Mais ça ne pouvait être présenté comme une alternative politique parce que c’était carrément au niveau des tripes. » (Belleau, 1977, p. 24) Interviewé dans le cadre d’un dossier intitulé « Être dans sa peau », un jeune dans la vingtaine prénommé Pierre (cité par Paiement, 1969) peut servir d’exemple à cette tendance viscérale, dans la mesure où, se disant lui-même libertaire, il définit l’anarchie avant tout comme « ce qui n’est pas plate ».

Pour se repérer dans le foisonnement des expériences et des rêves de cette période, prise entre la génération beat des années 1950 et la new wave des années 1980, il paraît utile de se donner des balises chronologiques. Tout en reconnaissant l’arbitraire de ce genre d’exercice, on peut affirmer que la période faste de la contre-culture au Québec s’étend à peu près de 1967 à 1978. Très certai-nement, et toutes nos entrevues le confirment, Expo 67 constitue un premier choc, et un choc puissant. Puis, les échecs de ce qu’on peut appeler les « trois octobres » (c’est-à-dire l’échec du sponta-néisme de la grande grève des cégeps d’octobre 1968, l’échec des manifestations de masse contre le projet de loi 63 sur la langue

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d’enseignement en octobre 1969 et, enfin, l’échec des actions terroristes en octobre 1970) finissent par désillusionner ceux et celles qui croyaient possible de renverser les vieilles institutions par une lutte frontale. Dans ces conditions, on commence à penser qu’il vaut peut-être mieux chercher à « sauver son âme » en désertant les institutions dominantes, c’est-à-dire en se retirant d’un système qui refoule l’expression personnelle, et en allant, en quelque sorte, cultiver son jardin à l’écart du « système ». « À mesure qu’il devenait clair que la révolte dure et violente courait à l’échec, une partie importante de la génération des occupations et des manifestations violentes a choisi le salut individuel. […] Le slogan “changer la vie” était mis en pratique “here and now” » (Lamontagne, 1978, p. 6) À la fin des années 1960, ils sont de plus en plus nombreux à s’imaginer qu’il faut d’abord se changer soi-même avant d’entre-prendre quelque révolution globale que ce soit. « La révolution est dans votre tête. Vous êtes la révolution. » (s.a., 1971e, p. 60)

Pour des militants épuisés par des luttes politiques apparemment stériles, la possibilité de bâtir sans attendre un monde authentique dans les failles de la société dominante a de quoi faire rêver. Cette fuite ne représente pas pour ces décrocheurs une abdication ; au contraire, en refusant de collaborer plus avant avec un système étouffant sans chercher à se mesurer directement à lui, ils croient poser les pierres d’une nouvelle société qui se développera peu à peu en faisant fi de l’ancienne. « Plutôt que de diluer l’énergie dans des luttes épisodiques et parcellaires, plutôt que de servir de troupes de choc pour un état-major ou une avant-garde quelconque, il fallait rassembler tous les éléments disparates et tenter d’agir sur l’ensemble, à une échelle réduite mais contrôlable. Là résidait la grande vertu : la possibilité de contrôler et donc de transformer le plus d’éléments possibles, d’agir sur les interdépendances entre ces éléments ; pour reprendre une expression du temps, un projet alchimique. » (Corbeil, 1990, p. 44) La mise en place d’un mode de vie parallèle promet d’abolir les travers du système industriel (que ce soit l’exploitation des travailleurs, la surconsommation ou la dégradation de l’environnement) en inventant un monde neuf, créé par une jeunesse qui semble arrivée à l’année zéro et est résolue à faire table rase du passé. « Ne faites confiance à personne de plus

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de trente ans » répètent, après Jack Weinberg, un des leaders du Free Speech Movement à Berkeley, des Québécois et Québécoises qui pensent n’avoir rien à apprendre ou à espérer de leurs parents.

C’est ainsi que, au tournant des années 1970, des garçons et des filles ont voulu s’éloigner des centres du pouvoir (école, partis politiques, Église, usine) et retrouver une simplicité et une authen-ticité dans leurs rapports sociaux. Bien plus que l’adoption d’une tenue vestimentaire originale qui fait couler beaucoup d’encre (en 1973, Gilles Valiquette chante « Aujourd’hui, j’me décide à m’dé-guiser en sale / Je suis cool, je suis cool, je suis cool »), l’appartenance à la mouvance contreculturelle relève d’un nouvel état d’esprit. Être hippie, c’est d’abord une manière d’être, de voir, de sentir, de toucher, d’aimer, de partager. L’attitude décontractée des turned-on s’oppose à la crispation des up-tight, c’est-à-dire de ceux qui, prison-niers de leur travail, de leurs responsabilités et de leurs rôles, se plient aux exigences d’une technocratie et d’un marché économique qui exigent des citoyens dociles, passifs et corvéables. Un des premiers protagonistes québécois de la contreculture, Léandre Bergeron, lance un cri en 1967 : « Après vingt ans, vingt-cinq ans de cette aberration, on dit non, ça ne marche plus, on se fout de moi, ce n’est plus possible, stop, arrêtez la musique, laissez-moi débarquer ». La vraie vie, pour cet auteur qui parle au nom d’un groupe de plus en plus large et véhément, est ailleurs.

C’est dans cette volonté de rompre avec les attentes de la société dominante que la contreculture prend tout son sens. Elle représente une énième tentative de s’opposer au système en place (peu importe le nom qu’on lui donne) et, à ce compte, elle n’a rien de neuf, reprenant certains thèmes, entre autres, des artistes d’avant-garde, des marginaux et des bohèmes qui ont sans cesse voulu incarner, dans des cénacles ou des écoles, une alternative artistique et sociale. Il y a pourtant, volens nolens, un ensemble d’attitudes et de pratiques qui donnent son originalité à la contre-culture des années 1970 et qui permet, ce faisant, d’en baliser les frontières. Il n’y a pas que le port du blue-jean délavé ou de la robe à motifs fleuris, ou encore la consommation de cannabis qui aident à reconnaître les membres de la communauté hippie et à séparer ceux et celles qui sont in de ceux et celles qui sont out ;

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plus profondément, il existe des attitudes et des pratiques qui fournissent les bases d’une véritable sous-culture et en éclairent les expériences, et ce, dans le double sens que peut avoir le mot expérience : sensation nouvelle et expérimentation. Ce sont ces attitudes et ces pratiques qui forment le cœur du présent essai.

Notre objectif

Nous ne proposons pas dans ce livre une étude historique qui retracerait les origines de la contreculture au Québec en décrivant l’influence des beatniks et des différents groupes qui gravitent autour des bars de jazz à Montréal dans l’après-guerre, ou encore la montée de la Nouvelle Gauche (New Left) dans les années 1960, et en présenterait les moments forts. Il ne s’agit pas non plus d’une étude philosophique du mouvement, replaçant l’émergence de celui-ci dans le contexte d’une crise de l’humanisme qui est contem-poraine, quoique dans un tout autre registre, à la parution des premiers travaux de Jacques Derrida et Gilles Deleuze. Nous avons également laissé aux chercheurs en littérature le soin de diriger leur regard vers les œuvres de fiction de cette époque, lesquelles furent étonnamment éclatées et bouillonnantes, englobant des artistes aux destins aussi dissemblables que Denis Vanier, Paul Chamberland, Josée Yvon, Raôul Duguay, Yolande Villemaire ou Pierre Léger. Bien qu’instructives, les pistes historiques, philosophiques et litté-raires ont été écartées, sans être complètement délaissées, afin de nous concentrer sur les pratiques et les attitudes qui donnent corps à la contreculture et permettent d’en comprendre rétrospectivement le succès auprès d’une large frange de la jeunesse québécoise.

Nous avons été amenés à étudier, entre autres, la révolution sexuelle, la vogue pour la spiritualité orientale, la découverte des drogues, le développement de la presse underground, la création des coopératives d’alimentation naturelle, la fondation des communes rurales, les arts de la rue ou encore l’engouement pour les écoles alternatives, avec, chaque fois, le souci de replacer ces expériences dans le contexte de l’époque. Il n’était nullement question pour nous de dresser un inventaire exhaustif et les oublis sont forcément

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PR ATIQU ES ET DISCOU R S DE L A CONTR ECU LTU R E AU QU ÉBEC20

nombreux. Comme les études sur le sujet sont parcellaires et disper-sées et qu’une synthèse reste encore à écrire, notre but consiste à offrir aux lecteurs et lectrices un premier panorama de la dynamique sociale sur laquelle repose la contestation contreculturelle au Québec. Notre démarche nous a conduits des idées aux pratiques concrètes dans le domaine social, économique et culturel, en insistant chaque fois sur leur déclinaison québécoise. Ce parcours nous permet non seulement de comprendre en quoi, en ce siècle nouveau, nous sommes les héritiers de la contreculture, mais aussi d’échapper aux généralisations faciles qui enferment cette dernière dans des défini-tions univoques. Du vacarme des spectacles rock au silence des séances de méditations orientales, et des rêves de voyages interstel-laires aux retours à la terre, l’aventure de la contreculture ne cesse de surprendre par ses multiples incarnations et réincarnations.

Pour analyser les manifestations historiques de la contreculture, les sources dont nous disposons sont variées. Les périodiques sont incontournables pour qui souhaite comprendre cette période tumul-tueuse. À côté de la presse régulière, qui publie quelques articles et dossiers, il y a la presse contreculturelle, dont au premier chef Mainmise, entièrement disponible en ligne sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Le très intéressant site Web paspied.boutot.com est consacré à cette revue emblématique. La BAnQ a numérisé le journal des étudiants de l’Université de Montréal, le Quartier latin. Les années 1968-1970 du Georgian, le journal des étudiants de Sir George Williams, sont accessibles en ligne [www.concordia.ca/offices/archives/student-newspapers.html#georgian-1968-69]. On peut aussi consulter Logos, Sexus, Allez chier et Hobo Québec sur le site de l’excellente revue Ghetto Mohawk [www.ghettomohawk.com]. Un grand nombre de petites revues (dont celles des cégeps ou des communes) doivent toutefois être consultées sous format papier, quand encore elles ont été préservées de la destruction. Un blogue rempli de détails éclai-rants explore le Montréal underground des années 1965-1975 [www.montrealundergroundorigins.ca/fr/_blog].

Quelques fonds d’archives fournissent des informations précieuses : le fonds Patrick-Straram (MSS391, BAnQ Vieux-Montréal) contient des écrits inédits, des papiers personnels, une

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TABLE DES MATIÈRES

Changer la vie 7Un Québec hippie 8Contours de la contreculture 13Notre objectif 19

1. Nouveaux rivages 25De la Californie au carré Saint-Louis 31La liberté de la jeunesse 38Les portes ouvertes à toutes les expériences 45Un kaléidoscope 58

2. Branchements et réseaux 62La télévision, la radio et la publicité 63Des revues pour les jeunes 75Logos 80Les premières revues québécoises de langue française 87L’aventure de Mainmise 93Un « Reader’s Digest de la pensée turned-on » 101Du contreculturel à l’alternatif 109

3. Une révolution intime et cosmique 113Vous êtes la révolution que vous attendiez 115Un Tibet électronique 123Le privé est politique 131Une sensibilité écologique 135Viens, branche-toi, décroche 141Se perdre pour mieux se trouver 152

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4. Refaire des villages 157Vivre ensemble 159Le rêve d’autarcie 169Un petit magasin sympathique et funky 180Une autre économie pour un autre monde 189Les choses changent au Québec 200

5. La vie est une fête 205Le psychédélisme 209Les arts de la parole et de la rencontre 215Une culture « populaire » ? 228

Conclusion. Les enfants de la contreculture 233Nécrologie de la contreculture 234Le sphinx de la contreculture 239

Bibliographie 245

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cet ouvrage est composé en adobe garamond pro corps 12selon une maquette de pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en septembre 2015sur les presses de l’imprimerie marquis

à montmagnypour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion