PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la...

31
PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIE REVUE DIDACTIQUE MÉDICO-CHIRURGICALE Décembre 2012 • Volume 6 • n° 59 • 8 e d www.ophtalmologies.org LE BOOM DE L’INSTRUMENTATION À USAGE UNIQUE Dr Michael Assouline La fin des unités de stérilisation au bloc opératoire ? MISE AU POINT COUP D’œIL MÉDICOLÉGAL Annonce d’un dommage associé aux soins Dr Valérie Ameline CATARACTE • Lecture critique : Chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde Chirurgie bilatérale le même jour Dr Guillaume Leroux Les Jardins • En pratique : Indications chirurgicales de la cataracte Dr Yannick Le Mer • Explorations et innovations : Laser femtoseconde et cataracte Dr Louis Hoffart • Zoom sur... : Astigmatisme et incisions cornéennes Dr Jean-Luc Febbraro THÉRAPEUTIQUE Antibioprophylaxie de l’endophtalmie post-opératoire Dr Arnaud Sauer CAS CLINIQUE Fibrose isolée d’un droit inférieur Dr Corinne Bok--Beaube Plus sûrs, plus précis, plus variés, moins coûteux… les instruments à usage unique révolutionnent le bloc !

Transcript of PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la...

Page 1: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

PRATIQUES ENOPHTALMOLOGIER E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E

Décembre 2012 • Volume 6 • n° 59 • 8 e

d www.ophtalmologies.org

Le boom de L’instrumentation à usage unique

Dr Michael Assouline

La fin des unités de stérilisation au bloc opératoire ?

Mise au point

Coup d’œil médiColégal

annonce d’un dommage associé aux soinsDr Valérie Ameline

CataraCte

• Lecture critique : Chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde Chirurgie bilatérale le même jourDr Guillaume Leroux Les Jardins

• En pratique : Indications chirurgicales de la cataracteDr Yannick Le Mer

• Explorations et innovations : Laser femtoseconde et cataracteDr Louis Hoffart

• Zoom sur... : Astigmatisme et incisions cornéennesDr Jean-Luc Febbraro

thérapeutique

Antibioprophylaxie de l’endophtalmie post-opératoireDr Arnaud Sauer

Cas Clinique

Fibrose isolée d’un droit inférieurDr Corinne Bok--Beaube

Plus sûrs, plus précis, plus variés, moins coûteux…

les instruments à usage unique révolutionnent le bloc !

Page 2: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

www.ophtalmologies.org

sommairePratiques en ophtalmologie • Décembre 2012 • Vol. 6 • N° 59

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages), 1 encart Easy Verres (2 pages)Photos de couverture : © DR

www.ophtalmologies.org

n Lecture critique 1 500 cas consécutifs de chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde chirurgie de la cataracte bilatérale le même jour pour 834 patients - Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris) . . . . p. 274 n Zoom sur... Astigmatisme et incisions cornéennes dans la chirurgie de la cataracte - Dr Jean-Luc Febbraro (Paris) . . . . . . .p. 276 n expLorAtions et innovAtions Laser femtoseconde et chirurgie de la cataracte - Dr Louis Hoffart (Marseille) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 280 n thérApeutique Antibioprophylaxie de l’endophtalmie post-opératoire - Dr Arnaud Sauer (Strasbourg) . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 284 n en prAtique indications raisonnées en chirurgie maculaire - Dr Yannick Le Mer (Paris) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 288

n coup d’œiL médicoLégAL Annonce d’un dommage associé aux soins - Dr Valérie Ameline (Cosne-Cours-Sur-Loire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 293 n mise Au point Le boom de l’instrumentation à usage unique - Dr Michael Assouline (Paris) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 297 n cAs cLinique Fibrose isolée d’un droit inférieur - Dr Corinne Bok-Beaube (Paris) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 303 n ActuALités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 279n BuLLetin d’ABonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 283n rendeZ-vous de L’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 305

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Photo de couverture : © Malosa

“L’équipe de Pratiques en ophtalmologie vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !”

Page 3: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Lecture critique

274 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Nous avons lu pour vousPublications récentes

Dr Guillaume Leroux Les Jardins*

© Willie B. Thomas - istock

Cataracte

1 500 cas consécutifs de chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde

4 Surgical outcomes and safety of femtosecond laser cataract

surgery: a prospective study of 1500 consecutive cases.

Roberts TV, Lawless M, Bali SJ et al. Ophthalmology 2012.

doi:pii: S0161-6420(12)01045-7.

La question d’une chirurgie de la cataracte par laser semblait

complètement incongrue il y a quelques années à peine. Les

progrès technologiques récents ont bouleversé cette situation

et l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la

chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A

ce titre, plusieurs centres hospitaliers et privés en France ont

démarré l’utilisation de ces machines.

Alors que les résultats des 200 premiers patients (1-2) opérés

par la même équipe montraient des résultats médiocres en

terme de sécurité, ce travail fait le point sur les patients sui-

vants.

RéSuLTaTS apRèS La phaSe iniTiaLe d’appRenTiSSageIl s’agit d’une étude prospective réalisée entre avril 2011 et

mars 2012 dans un centre privé en Australie. L’ensemble des

patients opérés par femtolaser a été analysé.

Les 1 500 patients ont été séparés en 2 groupes : le groupe des

200 premiers patients (phase d’apprentissage et de réglage),

résultats déjà publiés (1), et le groupe des 1 300 patients sui-

vants. Le laser femtoseconde (LenSx®, Alcon®) réalise le rhexis,

une fragmentation du noyau puis une prédécoupe des inci-

sions, le tout guidé par un OCT intégré. Le globe reste fermé

pendant cette phase.

Secondairement, la phacoémulsification puis l’implantation

ont lieu dans une autre salle sous microscope opératoire. L’en-

semble est réalisé sous anesthésie topique.

Le critère de jugement est la comparaison des taux de com-

plications survenues dans le premier groupe des 200 premiers

patients puis le second groupe des 1 300 patients suivants.

diMinuTiOn iMpORTanTe du Taux de cOMpLicaTiOnS capSuLaiReSDans les deux groupes, les données démographiques étaient

comparables. Le taux de complications sévères (refend capsu-

laire, refend postérieur, chute du noyau) était significativement

(p < 0,001) plus faible dans le groupe 2, respectivement 0,31 %

vs 4 %, 0,31 % vs 4 % et 0 % vs 2 %. Le nombre moyen de ten-

tative de docking était diminué (1,05 vs 1,5 essai par œil). Le

nombre de complications capsulaires sévères est passé de

7,5 % à 0,62 % sans cas de chute de noyau pour les 1 300 der-

nières procédures. Dans 17 cas (1,31 %), la procédure laser n’a

pu être complète en raison d’un lâchage de succion (0,61 %)

ou de l’apparition d’un ménisque d’air à l’interface cornéenne

(0,69 %).

Dans leur discussion, les auteurs reprennent les taux de

complications publiés en cas de chirurgie de la cataracte par

phacoémulsification. Les taux décrits ici sont inférieurs à de

grandes séries prospectives et rétrospectives. Ils décrivent * Hôpital Hôtel-Dieu, groupe hospitalier Cochin-Hôtel-Dieu, Paris

Figure 1 - Deux exemples (parmi d’autres disponibles) de laser

femtocataracte : à gauche, la plate-forme LenSx® ; à droite, la

plate-forme Victus®.

Page 4: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 275

Lecture critique

Cette étude comparative, randomisée, multicentrique (Espagne)

porte sur 1 614 patients atteints de cataracte bilatérale. Les deux

yeux étaient opérés le même jour ou à distance, sous anesthésie

topique et en ambulatoire.

Les critères d’exclusion étaient stricts et concernaient les pa-

tients à risque de complications per ou post-opératoires : risque

d’infection (immunodépression), cataracte complexe (brune,

cornea guttata, post-traumatisme…).

Le critère de jugement principal était la comparaison des taux

de complications survenues dans les deux groupes pendant et

après la chirurgie.

Lors de la procédure chirurgicale, entre les deux yeux, le chirur-

gien changeait ses gants ainsi que la table, le matériel et le

champ opératoire.

paS de difféRence à 1 MOiS eT 1 an pOuR Le Taux de cOMpLicaTiOnS eT L’acuiTé ViSueLLeA 1 mois et 1 an de suivi, il n’y avait pas de différence entre les

deux groupes pour le taux de complications, l’acuité visuelle

et l’échelle de qualité de vision (VF-14). Aucune endophtalmie

n’était notée.

Dans leur discussion, les auteurs insistent sur le fait que les résul-

tats obtenus ici sont encourageants mais au prix d’une sélection

drastique des patients, et de pratiques chirurgicales rigoureuses.

Ils soulignent aussi que les effectifs dans chaque groupe sont

trop faibles pour pouvoir évaluer correctement le risque d’en-

dophtalmie bilatérale, l’incidence (5-6) des endophtalmies étant

très faible (de 0,08 % à 0,24 %)

Au total, cette étude méthodologiquement très solide montre

qu’une pratique chirurgicale totalement inenvisageable en

France en 2012 ne présente pas plus de complications que la

technique de référence sur un grand nombre de patients sélec-

tionnés. Il n’est pas possible de dire si cette procédure pourrait

se développer en France tant la peur (justifiée ?) de l’endoph-

talmie bilatérale est grande. Les partisans de cette technique

ont formé en 2008 “The International Society of Bilateral Cataract

Surgeon” (ISBCS). n

1. Bali SJ, Hodge C, Lawless M et al. Early experience with the femtose-cond laser for cataract surgery. Ophtalmology. 2012 ; 119 : 891-9.2. Leroux Les Jardins G. Lu pour vous. Pratiques en ophtalmologie 2012 ; 53 : 123-4.

BiBliographie

aussi les ajustements et tâtonnements techniques à partir des

premiers cas pour s’autoriser ensuite à opérer les cas com-

plexes (pseudoexfolliation capsulaire, Floppy iris syndrome,

anomalies zonulaires, etc.).

Au total, dans cette étude prospective avec un nombre impor-

tant de patients opérés de la cataracte par laser femtoseconde,

le taux de complications peropératoires a progressivement di-

minué pour devenir inférieur aux taux habituellement décrits

dans la chirurgie conventionnelle. Ces bons résultats restent à

confirmer sur d’autres séries de patients (Fig. 1). n

1. Rosen ES. Immediate sequential bilateral cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2012 ; 38 : 1707-8.2. Arshinoff A, Bastianelli PA. Incidence of postoperative endophthalmi-tis after immediate sequential bilateral cataract surgery. J of Cataract & Refractive Surgery 2011 ; 37 : 2105-114.3. Gimbel HV, Van Westenbrugge JA, Penno EE et al. Simultaneous bilate-ral laser in situ keratomileusis: safety and efficacy. Ophthalmology 1999 ; 106 : 1461-7.4. Waring GO 3rd, Carr JD, Stulting RD et al. Prospective randomized com-parison of simultaneous and sequential bilateral laser in situ keratomi-leusis for the correction of myopia. Ophthalmology 1999 ; 106 : 732-8.5. Schmitz S, Dick HB, Krummenauer F, Pfeiffer N. Endophthalmitis in cataract surgery: results of a German survey. Ophthalmology 1999 ; 106 : 1869-77.6. Versteegh MF, Van Rij G. Incidence of endophthalmitis after cataract surgery in the Netherlands: several surgical techniques compared. Doc Ophthalmol 2000 ; 100 : 1-6.

BiBliographie

Cataracte

chirurgie de la cataracte bilatérale le même jour pour 834 patients

4 Immediately sequential versus delayed sequential bilateral

cataract surgery: safety and effectiveness.

Serrano-aguilar p, Ramallo-fariña Y, cabrera-hernández JM

et al. J cataract Refract Surg 2012 ; 38 : 1734-42.

Le concept de chirurgie endoculaire bilatérale immédiate peut

certes apparaître choquant pour la majorité d’entre nous, mais

c’est devenu une pratique courante et en expansion dans cer-

tains centres au Canada, en Finlande ou en Espagne.

Les avantages potentiels seraient une réhabilitation visuelle

plus rapide et des coûts diminués. Cependant, cette pratique ne

peut se dérouler que dans le cadre de sites et d’équipes ultra-

performantes, avec des taux de complications extrêmement

bas (1).

Les craintes concernent avant tout le risque de survenue de

graves complications bilatérales (endophtalmie et TASS) po-

tentiellement cécitantes. Le risque d’endophtalmie bilatérale

semble toutefois extrêmement faible. D’après Arshinoff et al. (2),

dans le cadre de bonnes pratiques chirurgicales, sur 95 000 pa-

tients opérés le même jour et publiés, aucun cas d’endophtal-

mie bilatérale n’a été décrit.

La cRainTe MaJeuRe de L’endOphTaLMie BiLaTéRaLeOn pourrait cependant faire un parallèle avec la chirurgie

réfractive. Alors que les procédures Lasik étaient initialement

unilatérales, des publications montrant de très faibles taux de

complications (3-4) ont fait basculer la pratique courante vers

des procédures bilatérales.

Page 5: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Zoom sur…

276 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

IncIsIon de cataracte et astIgmatIsme InduItL’astigmatisme induit par une incision non suturée varie surtout en fonction de sa longueur, de son site et de son architecture (4-6). Il se traduit par un aplatissement

en regard du méridien incisé et un bombement de l’axe perpendi-culaire. Cet effet de couple varie en fonction de la longueur de l’incision (7). Ce principe permet de corriger des astigmatismes cornéens faibles en plaçant une incision de taille standard sur le méridien le plus cambré. La cor-rection cylindrique est plus effi-cace lorsque l’incision cornéenne est placée en supérieur, car elle est plus proche du centre cor-néen. Elle peut être bénéfique si l’astigmatisme cornéen est direct. A l’opposé, lorsque l’astigmatisme est inverse, une telle incision peut augmenter le cylindre et limiter l’acuité visuelle post-opératoire sans correction (8).La réduction de la taille de l’inci-sion a impliqué une diminution de l’astigmatisme induit par la chirurgie. De ce fait, l’incision de cataracte est moins efficace pour corriger un astigmatisme cornéen pré-opératoire. Cependant, ces

mini-incisions permettent d’opti-miser l’acuité visuelle post-opé-ratoire sans correction chez les patients faiblement astigmates, et d’utiliser plus précisément des in-cisions relaxantes et des implants toriques pour corriger les patients plus astigmates.

taIlle de l’IncIsIon et astIgmatIsme cornéenLa diminution de la taille des inci-sions de cataracte est en grande partie motivée par la volonté de réduire l’astigmatisme induit. Les différences de taille, qui ont mar-qué le passage de l’extraction ex-tracapsulaire manuelle (incision de près de 180°) à la phacoémul-sification (incision de 3-4 mm), étaient certainement plus signi-ficatives que les variations plus récentes liées aux mini et micro-incisions. Cependant, une incision de 2,2 mm représente un gain de

Figure 1 - Variation de la taille des incisions cornéennes. a : Incision 3,2 mm. B : Incision

2,2 mm. c : Incision 1,8 mm.

Ces dernières années, la chirur-gie de la cataracte a été marquée par une diminution de la taille et une évolution du site des inci-sions. Ainsi, les incisions standard (supérieures à 3 mm) ont cédé la place aux mini-incisions (proches de 2,5 mm), qui ont elles-mêmes ouvert la voie aux micro-incisions (inférieures à 2 mm). Parallèlement, le site de référence a peu à peu délaissé la sclère supérieure pour le limbe ou la cornée claire, de préfé-rence en temporal. Cette évolution a commencé dans les années 1990 aux Etats-Unis grâce à Fine qui a introduit l’incision cornéenne tem-porale de 3,2 mm. Plus récemment, elle s’est concrétisée en Europe no-tamment grâce à Alio par la diffusion de la micro-incision (1-3).

Introduction

astigmatisme et incisions cornéennes dans la chirurgie de la cataracteDes incisions standard aux micro-incisionsDr Jean-Luc Febbraro*

* Service d’Ophtalmologie, Fondation A. de Rothschild, Paris.

Page 6: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

AstigmAtisme et incisions cornéennes dAns lA chirurgie de lA cAtArActe

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 277

taille de près de 40 % par rapport à une incision de 3,0 mm ; et une incision de 1,8 mm une réduction ultérieure de près de 25 % (Fig. 1). Ce gain peut sembler évident en termes de pourcentages, mais les bénéfices sont également visibles, bien que dans des proportions différentes, sur le plan de l’astig-matisme induit. En pratique, une incision dite standard, supérieure à 3 mm, située en cornée claire sur midi, est bien plus astigmatogène qu’une mini-incision de 2,2 ou 1,8 mm.

Masket a comparé des incisions cornéennes temporales de 3 et 2,2 mm. L’astigmatisme induit par ces dernières est statistiquement inférieur (0,35  D vs 0,67  D) (9). Wang (Tab. 1) a comparé l’astigma-tisme induit chez des patients opé-rés de cataracte par des incisions de 3,0, 2,6 et 2,2 mm. Les valeurs étaient respective-ment de 0,6, 0,5 et 0,4  D. La dif-férence était significative pour la comparaison des incisions de 2,2 et 3,0 mm et 2,6 et 3,0 mm. Elle ne l’était pas entre 2,2 et 2,6 mm, car la cartouche utilisée pour l’im-plantation par 2,2 mm nécessitait un agrandissement de l’incision (10).D’autres études ont étudié l’astig-matisme induit par des micro-in-cisions de 1,8 mm. Elles retrouvent des valeurs faibles comprises entre 0,28 et 0,43 D. De plus, Wilczynski ne retrouve pas de différence significative entre les micro-incisions coaxiales et bimanuelles (11-12).Enfin, des études topographiques ont montré que des incisions de taille standard induisent un apla-tissement plus marqué et durable en regard du méridien incisé. Les modifications kératométriques cornéennes générées par des incisions de 1,8 mm s’estompent

quelques semaines après la chirur-gie (13). Une étude personnelle prospective portant sur 191 yeux, opérés de façon consécutive de phacoémulsification par incision cornéenne de 3,2, 2,2 et 1,8 mm sans élargissement peropératoire, a permis d’évaluer l’astigmatisme induit par analyse vectorielle. Les résultats ont montré que l’astig-matisme induit diminue de façon significative avec la taille de l’inci-sion. Il était de 0,77 D pour les inci-sions de 3,2 mm, 0,25  D pour les incisions de 2,2 mm et 0,18 D pour les incisions de 1,8 mm (Fig. 2).

sIte de l’IncIsIon et astIgmatIsme cornéenLe site de l’incision peut égale-ment influencer l’astigmatisme in-duit. Tout d’abord, plus l’incision est proche du centre cornéen, plus

elle est astigmatogène. De plus, la cornée, souvent ovalaire, présente plutôt un axe vertical plus court que son axe horizontal. En pra-tique, en termes d’astigmatisme induit, la sclère est préférable à la cornée sur l’axe vertical alors que l’abord temporal est plus indiqué pour les incisions cornéennes. Hayashi a montré qu’une inci-sion verticale de 2,8 mm ou plus, induit plus d’astigmatisme en cor-née qu’en sclère. Cette différence s’estompe avec des incisions de 2,0 mm ou moins (7). Par ailleurs, une incision cornéenne de 2,8 mm est plus astigmatogène en nasal ou en supérieur qu’en temporal (8).Long a retrouvé un astigmatisme induit de 0,93 D et 0,62 D pour des incisions de 3-3,5 mm, respecti-vement placées en supérieur et en temporal (5). Borasio a publié des résultats avec des incisions de 3,2 mm placées en temporal ou

Figure 2 - analyse vectorielle sIa.

tableau 1 - comparaison d’incisions cornéennes supérieures 3,0 / 2,6 / 2,2 mm.

groupes astigmatisme cornéen (d) sIa (d)

n = 129 Pré-op. 3 M PO 3 M PO

2,2 mm 0,8 + 0,3 0,8 + 0,3 0,4 + 0,2

2,6 mm 0,8 + 0,3 0,7 + 0,4 0,5 + 0,3

3,0 mm 0,8 + 0,4 1,1 + 0,5 0,6 + 0,4

P (entre les 3 groupes) * *

P (2,2 vs 2,6) * *

P (2,2 vs 3,0) *

P (2,6 vs 3,0)

Page 7: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

278 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Zoom sur…

sur l’axe le plus cambré, avec des valeurs respectives de 0,34  D et 0,63 D (8).

conséquences clInIquesLes implications cliniques de l’as-tigmatisme induit par des incisions de cataracte dépendent à la fois de la taille et du site de l’incision. Elles sont d’autant plus intéressantes que le succès de l’intervention est très dépendant de l’acuité visuelle non corrigée, elle-même dépen-dante de l’astigmatisme post-opé-ratoire. Parallèlement, les implants disposent d’optiques multifocales et toriques de plus en plus per-formantes. Cependant, l’acuité visuelle post-opératoire et l’opti-misation des performances de ces implants nécessitent tout d’abord de connaître le degré et l’axe de l’astigmatisme cornéen pré-opéra-toire puis l’astigmatisme induit par l’incision, et impliquent pour les implants multifocaux un faible as-tigmatisme post-opératoire, idéa-lement inférieur à 0,75 D. Plusieurs études ont montré qu’une incision cornéenne de 2,8 à 3,5 mm peut, en fonction de son placement et de l’astigmatisme cornéen pré-opératoire, induire un astigmatisme plus ou moins marqué avec un impact variable sur la vision sans correction (14-15). Une incision cornéenne stan-dard de 3-3,5 mm peut induire jusqu’à 1,50 D d’astigmatisme (5, 9)

(Tab. 2).

Une incision supérieure de 2,8 mm peut induire jusqu’à 0,75 D d’astig-matisme. Cet effet est bénéfique en cas d’astigmatisme direct mais dé-létère en cas d’inverse, et difficile-ment prédictible en cas d’oblique. La même incision placée en tem-poral est moins astigmatogène, donc préférable, si l’astigmatisme

pré-opératoire est négligeable ou inverse (Tab. 3).

Une incision de 2,2 mm peut induire jusqu’à 0,35  D d’astigma-tisme. Cet effet limité réduit les variations d’astigmatisme pré et post-opératoires et optimise la prédictibilité d’une éventuelle op-tion d’implant torique.Une incision de 1,8 mm induit un astigmatisme encore plus négli-geable. Elle est de ce fait quasi-ment neutre, qu’elle soit placée en supérieur ou en temporal. Elle permet d’optimiser la vision sans correction chez les patients non astigmates ainsi que la pré-dictibilité des implants toriques. Cependant, la réalisation d’une chirurgie à travers une incision de 1,8 mm nécessite non seulement une machine phaco-compatible, mais aussi des instruments et des implants bien adaptés.

conclusIonLa chirurgie de la cataracte de-meure certes une chirurgie d’ex-traction de cristallin opaque, mais elle s’apparente de plus en plus à la chirurgie réfractive, avec des exigences accrues en termes de résultats réfractifs. L’optimisation

de l’acuité visuelle post-opératoire sans correction est une priorité incontournable pour garantir le succès de l’intervention. Les incisions standard permettent d’opérer en toute sécurité avec une implantation reproductible de la plupart des implants pliables. Ces incisions peuvent modifier l’astig-matisme cornéen pré-opératoire, et il convient de considérer ces effets pour optimiser le résultat post-opératoire. La réduction iné-luctable de la taille des incisions s’effectue désormais à la frontière entre la mini et la micro-incision. Sur le plan de l’astigmatisme, ces incisions sont quasiment neutres et les différences atteignent peut-être la limite de fiabilité des ins-truments de mesure. Enfin, il convient de garder à l’esprit que la sécurité demeure une priorité ab-solue, ce qui sous-entend une opti-misation de la construction et de l’architecture de l’incision, même pour les micro-incisions, afin de garantir autoétanchéité et qualité de cicatrisation. n

tableau 2 - astigmatisme induit (sIa) par incision cornéenne stan-dard 3-3,5 mm ccI.

site incision supérieur oblique axe temporal

sIa (d) 0,60 – 1,50 0,60 – 1,29 0,60 – 0,90 0,09 – 0,44 *

tableau 3 - Incisions cornéennes 3,5-2,8 mm avec choix du site d’incision.

site incision temporal nasal supérieur

Incision 3,5 mm Kohnen T, Koch D (14)

Astig. inverse0,75-1,25 D

Astig. direct0,75-1,25 D

Incision 3,5 mm Tejedor J, Murube J (8)

Astig. inverse< 0,75 D

Astig. inverse> 0,75 D

Astig. direct> 1,25 D

Incision 2,8 mm Tejedor J, Perez J (15)

Astig. négligeable Astig. inverse Astig. direct

Mots-clés : cataracte, Incision cornéenne,

astigmatisme, Incision cornéenne

temporale

Page 8: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

AstigmAtisme et incisions cornéennes dAns lA chirurgie de lA cAtArActe

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 279

1. McFarland M. Sutureless surgical technique. In : Gills JP, Martin R, San-ders DR. Sutureless cataract surgery: an evolution toward minimally inva-sive technique. Thorofare, NJ : SLACK Incorporated ; 1992 : 71-6.2. Fine H. Corneal tunnel incision with a temporal approach. In : Fine H, Fichman R, Grabow H. Clear corneal incision cataract surgery & topical anesthesia. Thorofare, NJ : SLACK Incorporated ; 1993 : 25-6.3. Alio J, Rodriguez-Prats JL, Galal A, Ramzy M. Outcomes of microincision cataract surgery vs coaxial phacoemulsification. Ophthalmology 2005 ; 112 : 1997-2003.4. Kohnen T, Dick B, Jacobi KW. Comparison of the induced astigmatism after clear corneal tunnel incisions of different sizes. J Cataract Refract Surg 1995 ; 21 : 417-24.5. Long DA, Long LM. A prospective evaluation of corneal curvature changes with 3,0- to 3,5 mm corneal tunnel phacoemulsification. Ophthalmology 1996 ; 103 : 226-32.6. Borasio E, Mehta J, Maurino V. Surgically induced astigmatism after phacoemulsification in eyes with mild to moderate corneal astigmatism. Temporal vs on axis clear corneal incisions. J Cataract Refract Surg 2006 ; 32 : 565-72.7. Hayashi K, Yoshida M, Hayashi H. Corneal shape changes after 2,0 mm or 3,0 mm clear corneal vs scleral tunnel incision cataract surgery. Ophthal-mology 2010 ; 117 : 1313-23.

8. Tejedor J, Murube J. Choosing the location of corneal incision based on preexisting astigmatism in phacoemulsification. Am J Ophthalmol 2005 ; 139 : 767-76.9. Masket, S, Wang L, Belani S. Induced astigmatism with 2,2- and 3,0 mm coaxial phacoemulsification incisions. J Refract Surg 2009 ; 25 : 21-4.10. Wang J, Zhang E, Fan W et al. The effect of micro-incision and small-incision coaxial phacoemulsification on corneal astigmatism. Clin Exp Ophthalmol 2009 ; 37 : 664-9.11. Alio J, Rodriguez-Prats JL, Galal A, Ramzy M. Outcomes of microincision cataract surgery vs coaxial phacoemulsification. Ophthalmology 2005 ; 31 : 1549-56.12. Wilczynski M, Supady E, Piotr L et al. Comparison of surgically induced astigmatism after coaxial phacoemulsification through 1,8 mm microin-cision and bimanual phacoemulsification through 1,7 mm microincision. J Cataract Refract Surg 2009 ; 35 : 1563-9.13. Hayashi K, Yoshida M, Hayashi H. Postoperative corneal shape changes : microincision vs small-incision coaxial cataract surgery. J Cataract Refract Surg 2009 ; 35 : 233-9.14. Kohnen T, Koch D. Methods to control astigmatism in cataract surgery. Curr Opin Ophthalmol 1996 ; 7 : 75-80. 15. Tejedor J, Perez-Rodriguez J. Astigmatic change induced by 2,8 mm corneal incisions for cataract surgery. IOVS 2009 ; 50 : 989-94.

BiBliographie

• Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier

• Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu• Rédactrice : Gaëlle Monfort-Corre• Directrice de la production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de Studio : Laurent Flin • Maquette et illustration :

Élodie Lecomte, Antoine Orry• Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne

60205 Compiègne

RéDACteuR en Chef

Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris)

ReSPonSAble eDItoRIAl

Dr Michaël Assouline (Paris)

CoMIté De RéDACtIon

Dr Valérie Ameline (Le Sou médical-Groupe MACSF),Dr Corinne Bok-BeaubeDr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris),Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Guillaume Leroux Les Jardins (Paris),

Dr Benjamin Wolff (Paris)

CoMIte eDItoRIAl

Dr Isabelle Aknin (Vallauris-Golfe-Juan),Dr Cati Albou-Ganem (Paris),Dr Florence Coscas (Créteil),Dr Laurent Laloum (Paris)(Conseiller éditorial de la rédaction),Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes)

CoMIté SCIentIfIque

Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil),Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse),Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris),

Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble),Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg),Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon),Dr Jean-Bernard Weiss (Paris)

Pratiques en ophtalmologie

est une publication ©expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette

Passage du Cheval blanc • Cour de Mai 75011 Paris

tél. : 01 49 29 29 29 - fax : 01 49 29 29 19e-mail : [email protected]

Site : www. ophtalmologies.orgRCS Paris b 394 829 543

n° de Commission paritaire : 0314t88767ISSn : 2106 – 9735

Mensuel : 10 numéros par an

Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.

Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite

et constituerait une contrefaçon sanctionnéepar les articles 425 et suivants du code pénal.

PRATIQUES ENOPHTALMOLOGIER E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E

Page 9: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Explorations Et innovations

280 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Le premier laser femtose-conde (FS) appliqué à la chirurgie ophtalmologique

fut proposé en 2002 par la firme Advanced Medical Optics (Intra-lase FS®). Les développements ac-tuels du laser FS pour la chirurgie oculaire sont multiples et cet outil peut être utilisé aussi bien pour la chirurgie réfractive, les procé-dures de kératoplastie que pour, comme dernièrement, la chirurgie de la cataracte.

avait reçu une autorisation de la FDA (Food and Drug Administra-tion) en septembre 2009 afin de réaliser uniquement la capsulo-tomie antérieure au cours d’une chirurgie de la cataracte. Ce fut le point de départ d’une nouvelle ère de développement du laser FS. Ac-tuellement, 4 dispositifs sont com-mercialisés (Fig.  1) et offrent divers niveaux d’agréments FDA ou CE pour la réalisation des incisions cornéennes, du capsulorhexis et de la nucléo-fragmentation. Une adaptation à ces nouvelles pro-cédures chirurgicales sera néces-saire car certaines étapes seront effectuées dans un ordre inverse des procédures classiques de pha-coémulsification avec une pré-fragmentation initiale du noyau cristallinien suivie d’une capsulo-tomie antérieure puis de la réali-sation des incisions cornéennes et des kératotomies arciformes.

La technologie laser femtoseconde va probablement révolutionner à court terme la chirurgie de la cata-racte. Cette technologie a d’ores et déjà démontré d’excellents résultats dans cette chirurgie pour la réalisa-tion d’incisions auto-étanches et de capsulotomies de dimensions pré-cises et parfaitement centrées. Elle permet également une réduction de l’énergie ultrasonique délivrée au cours de la phacoémulsification, toujours nécessaire pour le moment après la phase de nucléo-fragmen-tation laser.

Résumé

Laser femtoseconde et chirurgie de la cataracteUne révolution à court termeDr Louis Hoffart*

* Service d’ophtalmologie, Hôpital de la Timone, Marseille

Figure 1 - Dispositifs lasers femtosecondes disponibles pour la chirurgie de la cata-

racte.

évoLution technoLogiqueLes premières indications du laser FS en ophtalmologie concernaient essentiellement la chirurgie ré-fractive. Les premiers modèles de lasers FS commercialisés étaient destinés à la dissection de capots cornéens au cours des procédures de Lasik, ainsi qu’à la création de tunnels pour l’implantation d’anneaux intracornéens pour le traitement du kératocône. Les nombreux avantages présen-tés par le laser FS, comparés aux microkératomes pour la créa-tion de capots cornéens, ne sont plus contestables notamment en termes de sécurité opératoire, de prédictibilité de profondeur de découpe et de réduction d’induc-tion d’aberrations de haut degré. Une nouvelle évolution d’un laser femtoseconde dédiée à la chirur-gie intraoculaire (LenSx® Lasers)

Page 10: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Laser femtoseconde et chirurgie de La cataracte

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 281

DérouLement De La procéDureUne dilatation pupillaire pré-opé-ratoire prolongée est nécessaire ainsi qu’une anesthésie topique afin de pouvoir réaliser une apla-nation cornéenne au moyen d’une interface avec la surface oculaire du patient. Celle-ci se compose gé-néralement d’une lentille et d’un anneau de succion fixé par aspi-ration à la surface oculaire (Fig.  2). Ce couplage de l’œil du patient au système laser doit permettre de minimiser la distorsion du tissu cornéen et limiter l’augmenta-tion de la pression intraoculaire induite par l’aplanation. C’est dans cet objectif que le concept d’inter-face liquide a été développé et est utilisé actuellement par la plupart des dispositifs afin de garantir une haute qualité de visualisation, qui est fondamentale car elle permet d’acquérir précisément les dimen-sions de la cornée, de la profon-deur de la chambre antérieure et de l’épaisseur du cristallin. Pour la capture d’une image anatomique du segment antérieur du patient, les lasers LenSx® et OptiMedica® disposent d’un OCT Spectral-do-main, le laser Technolas® dispose d’un OCT Time-domain permet-tant une acquisition en temps réel au cours de la procédure. Le laser Lens AR® utilise quant à lui un procédé d’imagerie Scheimpflug. Cette étape permet de repérer manuellement ou de façon auto-matisée les repères anatomiques tels que l’iris, les capsules cristal-liniennes antérieures et posté-rieures afin de disposer les zones de traitement laser. L’incision cor-néenne principale, la paracentèse ainsi que les incisions relaxantes sont également programmées à cette étape. L’énergie laser est alors délivrée et la capsulotomie antérieure réalisée dans un pre-mier temps au cours de la procé-

dure. Cette séquence est justifiée car la fragmentation du noyau cris-tallinien va entraîner la libération de bulles qui pourraient interférer avec le faisceau laser et perturber ainsi la réalisation de la capsuloto-mie. Les incisions cornéennes non transfixiantes sont réalisées en fin de procédure afin de ne pas alté-rer l’intégrité de la chambre anté-rieure du patient avant le transfert en salle chirurgicale. Une fois le champ opératoire réalisé, celles-ci sont alors ouvertes au moyen d’un instrument mousse puis la cap-sule antérieure retirée à la pince et finalement une phacoémulsifica-tion adaptée à la prédissection du noyau cristallinien par le laser FS est réalisée.

apports Du Laser Fs à La chirurgie De La cataracteLa grande majorité des chirurgiens utilisent des incisions en cornée claire pour accéder à la chambre antérieure, cette méthode ayant été associée à un risque majoré d’endophtalmie post-opératoire, du fait d’une déhiscence de l’ori-fice interne des incisions après chirurgie de la cataracte, mise en évidence par des études d’image-rie OCT. Le laser FS permet de réa-

liser des incisions avec une géomé-trie carrée permettant d’accroître l’étanchéité des incisions. Il est également possible de corriger un astigmatisme associé par des incisions limbiques relaxantes en fin de procédure, d’une précision accrue en termes de dimensions en comparaison aux techniques manuelles.De nombreuses études ont dé-montré que la réalisation du cap-sulorhexis est l’étape la plus déli-cate techniquement de la chirurgie de la cataracte, notamment pour les chirurgiens en formation, et se complique de refends capsulaires dans 0,8 % des procédures. Il a été mis en évidence que des bords capsulaires réguliers présentaient une résistance supérieure aux re-fends. également, la variabilité du diamètre de capsulotomie après réalisation manuelle peut avoir un effet négatif sur le centrage de l’implant, peut être responsable d’un mauvais résultat réfractif et peut être associé à un taux accru d’opacification capsulaire pos-térieure. Le laser FS permet de réaliser une capsulotomie parfai-tement circulaire, résistante et d’un diamètre correspondant à la programmation pré-opératoire permettant d’obtenir des résultats réfractifs reproductibles.

Figure 2 - interfaces d’aplanation des dispositifs lasers Fs pour la chirurgie de la cata-

racte.

Page 11: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

282 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Explorations Et innovations

La phacoémulsification ultraso-nique peut se compliquer d’une perte endothéliale post-opératoire liée à l’échauffement tissulaire et aux manipulations intraoculaires du noyau fragmenté, qui sont pro-portionnels à la durée d’exposition aux ultrasons. La réduction de l’énergie ultrasonique associée à la nucléofragmentation par le laser FS doit permettre de diminuer l’al-tération cellulaire endothéliale au cours de la chirurgie de la cataracte.

résuLtats Des étuDes DisponibLes Un nombre réduit d’études dé-montrent l’intérêt de l’utilisation du laser FS pour l’intégralité de la procédure de chirurgie de la cata-racte. Néanmoins, de nombreuses études évaluant une étape précise de la procédure sont disponibles.

• Incisions cornéennes par la-ser femtoseconde : le laser étant focalisé dans le tissu cornéen, il permet de réaliser une incision dont la taille et la structure tridi-mensionnelle permettent d’obte-nir une excellente étanchéité post-opératoire. Masket a démontré au cours d’une étude post-mortem la réduction des fuites et l’améliora-tion de la stabilité et de la repro-ductibilité à des niveaux variables de PIO (1). Aucune étude n’est dis-ponible sur la réduction du risque d’endophtalmie post-opératoire ainsi qu’aucune étude comparant incisions manuelles et réalisées par laser.

• Capsulorhexis par laser fem-toseconde : avec le perfectionne-ment des implants intraoculaires multifocaux et accomodatifs, les caractéristiques du centrage et des dimensions de la capsuloto-mie antérieure sont critiques pour obtenir des résultats fonctionnels

optimaux. Même pour un chirur-gien expérimenté, la réalisation d’une capsulotomie parfaitement circulaire, centrée et d’un dia-mètre défini peut se révéler déli-cate. La reproductibilité apportée par l’utilisation du laser FS pour la réalisation du capsulorhexis permet un positionnement précis et stable dans le sac capsulaire. Dans le cas des implants toriques, un rhexis recouvrant symétrique-ment la circonférence de l’optique permet un centrage parfait et mi-nimise les variations de la position effective de l’implant (ELP, Effec-tive Lens Position). Nagy et al. (2) ont rapporté la supériorité d’une capsulotomie effectuée par le laser LenSx® à une technique manuelle. On observait dans le groupe FS, une meilleure circularité, un cen-trage optimisé et un recouvrement complet des bords de l’optique de l’implant dans 89 % des cas contre 72 % dans le groupe manuel. Cette étude démontrait également l’indépendance du diamètre de la capsulotomie laser, contrairement au groupe manuel, de la taille de la pupille, de la biométrie oculaire ou

de la courbure cornéenne. Kranitz (3) rapporta un décentrement de l’implant 6 fois plus fréquent dans le groupe manuel et aucun décen-trement horizontal > 0,4 mm dans le groupe laser.

• Nucléo-fragmentation : le laser FS permet de faciliter la procédure de fragmentation du noyau cristal-linien. Différents profils de frag-mentation sont actuellement éva-lués. On peut différencier les profils de « Chop », consistant à réaliser 2, 4, 6 ou 8 incisions radiaires dans le noyau, et les profils de liquéfaction correspondant à de multiples inci-sions concentriques (Fig. 3). Certains profils combinent ces 2 types d’in-cisions afin de fragmenter plus effi-cacement le noyau. La réduction de l’énergie ultrasonique nécessaire à l’extraction du noyau après frag-mentation laser a été démontrée pour tous les grades de cataracte. La facilité d’extraction du noyau après fragmentation laser a été éga-lement rapportée avec une réduc-tion de la dureté cristallinienne perçue (d’un grade IV à un grade II en moyenne).

Figure 3 - géométrie des profils de nucléo-fragmentation.

Page 12: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Laser femtoseconde et chirurgie de La cataracte

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 283

résuLtats cLiniques préLiminairesActuellement, très peu d’études comparant les résultats de la chirurgie de la cataracte assistée par laser FS à la technique ma-nuelle conventionnelle sont dispo-nibles. Palanker (4) rapporta une série de 50 patients opérés à l’aide de la plate-forme Optimédica sur un œil et manuellement sur l’œil controlatéral. En post-opératoire, il observait des pétéchies conjonc-tivales chez 80 % des patients, cor-respondant à la zone de succion et disparaissant en moins de 7 jours. Un œdème cornéen était présent chez 38 % et 70 % des patients opérés par laser et ultrasons res-pectivement. Les acuités visuelles post-opératoires étaient compa-rables entre les deux groupes. Une diminution significative de l’éner-gie ultrasonique de 70 % entre ces deux méthodes au cours d’une

étude prospective a été également décrite (5). Une étude comparative randomisée multicentrique fran-çaise est en cours pour comparer la technologie laser vs manuelle dans ses considérations pratiques (sécurité-efficacité) et médico-éco-nomique (Projet FEMCAT 2013/coordination CHU de Bordeaux, J. Colin, C. Schweitzer, D. Touboul).

Il est probable que le laser femtose-conde révolutionne prochainement la chirurgie de la cataracte. Cette technologie a d’ores et déjà démon-tré d’excellents résultats pour la réa-lisation d’incisions autoétanches, de capsulotomies de taille précise, résistantes et parfaitement centrées ainsi qu’une facilitation de la pha-coémulsification, qui est toujours nécessaire pour le moment après la phase de nucléo-fragmentation. Cette nouvelle application est en cours d’évaluation et les premières

études cliniques confirment les avantages apportés par cette tech-nologie en termes de précision et de reproductibilité. Cependant, malgré l’engouement initial pour cette technologie, des limitations telles que le coût d’acquisition et de fonctionnement de ces dispositifs persistent. L’intégration de cette technologie au sein de l’organisation du bloc opératoire, et la surface né-cessaire au positionnement du laser au sein des locaux, sont également des points importants qui restent à préciser. Néanmoins, la technologie laser va poursuivre son expansion et s’appliquera certainement à l’en-semble de la chirurgie oculaire dans un proche avenir. n

1. Masket S, Sarayba M, Ignacio T, Fram N. Femtosecond laser-assisted cata-ract incisions: Architectural stability and reproducibility. J Cataract Refract Surg 2010 ; 36 : 1048-9.2. Nagy ZZ, Kranitz K, Takacs AI et al. Comparison of intraocular lens de-centration parameters after femtosecond and manual capsulotomies. J Refract Surg 2011 ; 27 : 564-9.3. Kránitz K, Takacs A, Mihaltz K et al. Femtosecond laser capsulotomy and manual continuous curvilinear capsulorrhexis parameters and their

effects on intraocular lens centration. J Refract Surg 2011 : 1-6.4. Palanker DV, Blumenkranz MS, Andersen D et al. Femtosecond laser-as-sisted cataract surgery with integrated optical coherence tomography. Sci Transl Med 2010 ; 17 ; 2 : 58ra85.5. Abell RG, Kerr NM, Vote BJ. Catalys femtosecond laser-assisted cataract surgery compared to conventional cataract surgery. Clin Experiment Ophthalmol 2012. doi: 10.1111/ceo.12025. [Epub ahead of print]

BiBliographie

Mots-clés : cataracte, Laser femtoseconde,

interfaces d’aplanation, géométrie

des profils de nucléo-fragmentation

Bulletin d’abonnement à Pratiques en Ophtalmologie

A nous retourner accompagné de votre règlement à : expressions santé

2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris

Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected]

4 Je m’abonne pour 10 numérosq abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro)

q institutions 70 E TTCq etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant)

Frais de port (étranger et Dom tom)q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE

q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE

q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : .....................................................................................................................Prénom : ...............................................................................................................Adresse d’expédition : ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................Code postal : .......................... Ville : ..............................................................Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _mail : ......................................................................................................................

règlementq Chèque à l’ordre d’Expressions Santéq Carte bancaire N° : Expire le : Cryptogramme* : *(bloc de 3 chiffre au dos de votre carte)

Signature obligatoire e

• Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité• pris en charge par le budget formation continue des salariés

PO59

Page 13: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

ThérapeuTique

284 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

L’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM) a émis ses nou-

velles recommandations en mai 2011 (1).

Ce qu’il ne faut pas faire Les recommandations émises par l’ANSM impliquent des chan-gements de pratique pour bon nombre d’ophtalmologistes. Ces recommandations ont tout d’abord l’intérêt de rappeler l’inutilité de

certaines pratiques pourtant lar-gement diffusées. Pour mémoire, les antibiotiques topiques sont réservés au traitement curatif des infections oculaires sévères et n’ont aucune indication en prophylaxie primaire (avant le geste opératoire) de la chirurgie de la cataracte. De même, la voie sous-conjonctivale et l’administration d’antibiotiques dans le liquide d’irrigation sont sans intérêts. Les antibiotiques to-piques ne sont pas indiqués en pro-phylaxie primaire pour les ponc-tions de chambre antérieure et les chirurgies à globe fermé.

Ce que les reCommandations de l’ansm ne modifient en rien La prévention des infections noso-comiales passe avant tout par des mesures d’hygiène et d’asepsie, qui n’entrent pas dans le cadre de ces recommandations, et qui com-prennent (1) :• la sélection des patients et l’ex-clusion de ceux infectés avant chirurgie ;• la préparation pré-opératoire incluant la douche antiseptique, la désinfection du site opératoire, des zones périoculaires et des zones régionales et générales por-teuses de micro-organismes ;• la désinfection du site opératoire avant l’incision par la povidone

iodée ;• les mesures d’hygiène du bloc opératoire concernant le person-nel, le matériel et l’environnement (air, circuits, surfaces).

Les consignes d’hygiène post-opé-ratoire concernent la réfection du pansement et l’administration des collyres (dont une hygiène rigou-reuse des mains), notamment lorsque ces soins sont réalisés à domicile.L’antibioprophylaxie s’entend comme l’utilisation additionnelle d’un antibiotique en plus de ces mesures.

Ce qui est reCommandé par l’ansm

Recommandations globalesDans tous les cas de chirurgie à globe ouvert, une antibioprophy-laxie topique post-opératoire est recommandée, compte tenu de la présence d’une incision per-forante, afin de réduire la charge bactérienne de la surface oculaire, et d’éviter ainsi une infection in-traoculaire post-opératoire (ac-cord professionnel). Il est recom-mandé d’administrer un collyre antibiotique bactéricide vis-à-vis des cocci à Gram+, jusqu’à l’étan-chéité des incisions. Aucune spé-cialité n’a fait la preuve de sa supé-

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

L’antibioprophylaxie repose sur des règles pharmacologiques simples permettant une efficacité adaptée tout en évitant la sélection de résis-tance, le tout à un coût acceptable. Ainsi, un antibiotique ne doit jamais être prescrit de manière trop prolon-gée (plus de 8 jours) et à une poso-logie insuffisante. Devant les nom-breuses spécialités commerciales à disposition, cet article propose un rationnel à l’utilisation de proto-coles per et post-opératoires asso-ciant antibiotiques et/ou anti-inflam-matoires, alliant la prévention des risques infectieux et inflammatoires.

Résumé

antibioprophylaxie de l’endophtalmie post-opératoireEfficacité adaptée, sans sélection de résistanceDr Arnaud Sauer*

* Service d’ophtalmologie, CHU de Strasbourg.

Page 14: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

AntibioprophylAxie de l’endophtAlmie post-opérAtoire

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 285

riorité par rapport aux autres dans cette situation.

chiRuRgie de la cataRacteDans ce cas précis, la stratégie proposée est motivée par la dimi-nution de l’incidence de l’endoph-talmie bactérienne. Cette straté-gie tient compte non seulement du bon usage des antibactériens eu égard à la sécurité d’emploi des fluoroquinolones, mais égale-ment des contre-indications aux céphalosporines. Sur la base d’un essai publié dans la chirurgie de la cataracte (étude de l’ESCRS) (2), dont les résultats sont confor-tés par l’expérience de différentes équipes (3), le céfuroxime en injection intracamérulaire per-opératoire est devenu la méthode de référence en antibioprophy-laxie.

respecter les règles rigoureuses d’asepsie et faire l’objet d’un pro-tocole écrit. Avant l’intervention, le chirurgien doit s’assurer dans le dossier du patient et/ou lors de la visite pré-opératoire, qu’il n’y a pas d’allergie connue aux céphalosporines (antécédents de choc anaphylactique, bronchos-pasme, œdème facial ou laryngé, éruption cutanée, survenus dans les 48 heures suivant l’injection). Les allergies aux céphalosporines avec signes de gravité sont rares (<  0,02 %). Le risque est encore plus faible avec les céphalospo-rines de deuxième génération.Il est inutile d’associer un anti-biotique per os. En cas de contre-indication à l’administration de céphalosporines, une prise de lévofloxacine par voie orale, res-pectivement 500 mg (16 à 12 h)

par implant intraoculaire, l’atti-tude à suivre est celle recomman-dée pour toute chirurgie à globe ouvert (accord professionnel) (1).

En cas de ponction de chambre antérieure ou de liquide sous-rétinien, les risques d’endophtal-mies sont très faibles et aucune antibioprophylaxie primaire n’est indiquée. Une antibioprophy-laxie post-opératoire topique est recommandée jusqu’à l’étanchéité de l’incision (1).

tRaumatisme à globe ouveRtEn ce qui concerne la prophylaxie des plaies du globe, les recom-mandations sont une antibiopro-phylaxie primo-secondaire par lévofloxacine 500 mg deux fois par jour pendant 48 heures (la pre-mière prise étant dispensée en IV dans les deux heures avant l’induc-tion anesthésique, les trois autres prises par voie orale) associée à des injections intravitréennes de ceftazidime et de vancomycine (1).

rationnel de la presCription d’antibiotiques dans la Chirurgie de la CataraCteLa prescription d’antibiotiques dans la chirurgie de la cataracte re-pose sur la crainte d’une endoph-talmie bactérienne. Bien que rare (0,05 % à 0,35 % des chirurgies de la cataracte), l’endophtalmie est redoutée en raison du pronostic visuel catastrophique pour le pa-tient et des conséquences médico-légales (Fig. 1) (3). La surface oculaire est colonisée par une flore bactérienne rési-dente, dite commensale, qui joue un rôle de barrière et empêche la colonisation par des bactéries pathogènes. Chez le sujet tout-

La prescription pré-opératoire d’antibiotiques topiques est inutile.

Il est ainsi recommandé d’injec-ter du céfuroxime (1 mg/0,1  ml) dans la chambre antérieure en fin d’intervention, en l’absence de contre-indication à l’administra-tion de céphalosporines (grade B). Il n’existe pas à ce jour de spé-cialité pharmaceutique dédiée à une administration intraoculaire de céfuroxime avec une autori-sation de mise sur le marché. La diffusion plus large et simplifiée du céfuroxime en fin d’interven-tion devrait être facilitée par l’avis favorable à la mise à disposition d’Aprokam® (préparation conte-nant du céfuroxime pour injec-tion intraoculaire en prévention de l’endophtalmie infectieuse) dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte. En l’absence d’utilisation d’Aprokam®, les conditions de pré-paration du céfuroxime doivent

la veille et 500 mg le jour même (4 à 2 h) avant l’intervention, est recommandée chez les patients à risque (diabète, implantation secondaire, antécédent d’endoph-talmie, patient monophtalme, extraction intracapsulaire). En cas de rupture capsulaire, chez les patients n’ayant pas reçu d’anti-bioprophylaxie par voie orale, une injection intraveineuse de 500 mg de lévofloxacine per-opératoire est recommandée (1).

autRes chiRuRgies à globe ouveRt (chiRuRgie du glaucome, vitRectomie, kéRatoplastie)Chez les patients à risque : une prise de 500 mg de lévofloxacine, respectivement 16 h à 12 h, et 4 h à 2 h avant l’intervention, est re-commandée (accord profession-nel). En cas de chirurgie réfractive

Page 15: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

ThérapeuTique

286 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

venant, cette flore est avant tout composée de bactéries à Gram+, et en premier lieu les staphylocoques à coagulase négative. Une endoph-talmie bactérienne est le plus souvent liée à un de ces germes présents dans la flore commen-sale (82 % selon Speaker en 1991) ou plus rarement par la contami-nation extérieure par un germe pathogène étranger à la flore commensale. Ainsi, les micro-or-ganismes les plus fréquemment responsables d’infections bacté-riennes de la surface oculaire sont des Gram+ (94 %), en particulier des staphylocoques epidermidis (70 %), loin devant les Gram- (6 %) (4). La prophylaxie de l’endophtalmie bactérienne pose le problème de la balance entre le bénéfice apporté à

tance, nécessitant un spectre adapté (efficace essentiellement sur les Gram+) et une bactéricidie ;• de respecter le bon usage des an-tibiotiques en évitant la sélection de bactéries résistantes avec un coût raisonnable et des effets indé-sirables limités. De plus, la question de la sélection de résistance est primordiale et doit être connue de tous les oph-talmologistes. Pour éviter l’appa-rition ou la sélection de souches résistantes, il convient donc de traiter par antibiotiques les seules infections bactériennes, d’assurer une dose efficace d’emblée, et de traiter suffisamment longtemps (8 jours) pour assurer la destruc-tion de toutes les bactéries ciblées. A l’opposé, les traitements anti-biotiques de longue durée à dose

rieures aux CMI et inférieures aux concentrations toxiques pendant un temps de contact maximal qui dépend de la viscosité, du pH, de l’osmolalité, du type de molécules et des adjuvants contenus dans le collyre. Cela est surtout vrai pour les antibiotiques bactéricides temps-dépendants et, dans une moindre mesure, pour les anti-biotiques concentration-dépen-dants, tels que les aminosides et les fluoroquinolones pour lesquels le rapport Cmax/CMI est détermi-nant. Le traitement des infections oculaires superficielles ne pose en principe pas de problème de phar-macocinétique, et l’administration locale permet d’obtenir des doses in situ bien supérieures à n’im-porte quelle autre voie, même sys-témique. La concentration d’anti-biotiques dans les larmes diminue ensuite progressivement au cours du temps en raison de la dilution dans le film lacrymal, de la résorp-tion au niveau de la conjonctive, de l’élimination par les canaux la-crymaux et de la pénétration dans la cornée, voire dans la chambre antérieure (4).

En ce qui concerne les spectres des antibiotiques disponibles en ophtalmologie, les quinolones, les macrolides et les aminosides présentent une activité régulière sur les staphylocoques (qui pour mémoire représentent 95 % des pathogènes lors d’une endoph-

figure 1 – endophtalmie.

un patient qui ne développera pas d’endophtalmie (événement très rare) grâce au traitement, face au poids pour la société (en termes de coût et de sélection de souches résistantes) de ce traitement. Tenant compte de cet équilibre, l’Agence nationale pour la sécu-rité du médicament (ANSM, an-cienne Afssaps) a ainsi donné les recommandations sus-citées en faveur d’une antibioprophylaxie dans la chirurgie de la cataracte en mai 2011.

En complément des mesures d’hy-giène (asepsie et antisepsie), les objectifs de l’antibioprophylaxie dans la chirurgie de la cataracte sont :• d’éliminer les bactéries suscep-tibles de provoquer une résis-

faible, les traitements de trop courte durée ou les prescriptions d’une molécule à spectre inadapté sont à éviter (3-4).

L’efficacité d’un antibiotique dépend de quelques données pharmacologiques de base. La posologie choisie dans le cadre d’une administration d’un antibio-tique dépend de son mode d’action, mais aussi du site de l’infection et du germe en cause. Le but de cette adaptation de posologie est d’obtenir au site de l’infection (au contact du germe), une concentra-tion efficace d’antibiotique, c’est-à-dire supérieure à la concentration minimale inhibitrice (CMI) du germe. Le principe d’une antibio-thérapie superficielle est d’obtenir des concentrations efficaces supé-

Les antibiotiques topiques post-opératoires doivent être prescrits jusqu’à étanchéité des sutures et sur une durée limitée (soit 3 à 8 jours).

Page 16: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

AntibioprophylAxie de l’endophtAlmie post-opérAtoire

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 287

talmie post-chirurgicale). Les quinolones et les aminosides ont l’avantage d’étendre leurs spectres aux bacilles Gram-. Cependant, les niveaux de résistance aux qui-nolones augmentent de manière alarmante aux Etats-Unis (35 % des staphylocoques résistants aux fluroquinolones de 3e génération sur les frottis conjonctivaux de patients opérés de chirurgie de la cataracte) et en France, les quino-lones ne doivent ainsi pas être uti-lisées en prophylaxie (1-4).

Si l’on s’intéresse au moment de la prophylaxie, toutes les études ont montré l’inutilité d’une prophy-laxie pré-opératoire par antibio-tiques topiques (pas de diminution de l’incidence de l’endophtalmie, coût élevé, aggravation de niveaux de résistance). Lors de la chirur-gie, l’étude de l’ESCRS a démontré l’intérêt de l’injection intracamé-rulaire de céfuroxime. La mise au point d’une préparation commer-ciale permettra d’étendre cette

pratique à l’ensemble des centres français, comme recommandé par l’ANSM en mai 2011. La prophylaxie secondaire (après la chirurgie) de l’endophtal-mie est reconnue par un consen-sus professionnel. Il convient ainsi de prescrire un antibiotique adapté jusqu’à étanchéité des su-tures (3 à 10 jours après la chirur-gie). Conformément aux principes généraux cités ci-dessus, l’oph-talmologiste s’orientera vers la prescription d’un macrolide type azythromycine (deux fois par jour pendant 3 jours), qui présente l’avantage d’une durée courte de traitement avec une posologie ré-duite, ou d’un aminoside comme la tobramycine (quatre fois par jour pendant 7 à 10 jours) qui permet d’étendre le spectre aux bacilles Gram- et aux entérocoques (1-3).

en ConClusionLes recommandations de l’ANSM et les consensus professionnels

recommandent l’injection intra-camérulaire per-opératoire de céfuroxime et une ordonnance de sortie comprenant un antibiotique topique efficace jusqu’à étanchéité des sutures (3 à 10 jours). n

Pas de conflits d’intérêt.

1. Afssaps. Antibioprophylaxie en chirurgie oculaire. Mai 2011.2. Endophthalmitis study group, European society of cataract & refractive surgeons. Prophylaxis of postoperative endophthalmi-tis following cataract surgery: results of the ESCRS multicenter study and identification of risk factors. J Cataract Refract Surg 2007 ; 33 : 978-88.3. Yu CQ, Ta CN. Prevention of postcataract endophthalmitis: evidence-based medicine. Curr Opin Ophthalmol 2012 ; 23 : 19-25.4. Robert PY, Denes E. Antibiothérapie locale en ophtalmologie. EMC Ophtalmologie 2008 : 1-16, 21-001-A-05.

BiBliographie

mots-clés : antibioprophylaxie, Chirurgie à globe

ouvert, Chirurgie de la cataracte,

glaucome, Vitrectomie, Kératoplastie

Page 17: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

En pratiquE

288 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Possédant ces nouveaux moyens diagnostiques et thérapeutiques, la tenta-

tion est donc grande d’élargir les indications par rapport à ce qui était pratiqué jusqu’ici, mais plu-sieurs questions restent ouvertes : dans ce que nous voyons en OCT, où se situe la frontière entre le nor-mal et le pathologique ? La simpli-fication des traitements doit-elle augmenter les indications ?

Nous allons essayer de donner quelques éléments de réflexion pour porter des indications rai-sonnées en chirurgie maculaire et particulièrement pour les mem-branes épirétiniennes idiopa-thiques, la pathologie la plus fré-quente.

L’OCTTechnique d’exploration récente en ophtalmologie, l’OCT a connu une véritable explosion au cours des dernières années. Technique-ment, le premier OCT commer-cialisé par Carl Zeiss en 1995 était un dinosaure pataud comparé aux modèles qui existent actuel-lement, fabriqués par 32  com-pagnies différentes à travers le monde. L’acquisition dite en Time Domain permettait sur les der-niers modèles des résolutions de 10 à 20 µ dans les tissus grâce à des balayages à 400 passages par seconde. L’apparition du Spectral Domain permet des résolutions de 5 µ avec des images acquises en-core plus vite grâce à des balayages avec une fréquence de 18 000 à 40 000 par seconde. Les nouveaux OCT à swept-source sont encore plus rapides, présentent une meil-leure définition et permettent des images jusqu’à la choroïde.Cette explosion des méthodes d’imagerie non-invasive faci-litant le diagnostic, les indica-tions et le suivi des pathologies

rétiniennes, pose toutefois un problème crucial : où se trouve la limite entre le normal et le pathologique dans l’observation de détails de quelques microns, par définition invisibles jusqu’ici autrement que par les examens anatomo-pathologiques ? Par ail-leurs, l’accessibilité de ces appa-reils et leur diffusion importante rend les indications d’examens très faciles, pouvant malheureu-sement aller à l’extrême jusqu’à remplacer l’examen clinique du fond d’œil. Autant la motivation pour proposer une angiographie à la fluorescéine, potentiellement dangereuse, doit être sérieuse, autant l’ophtalmologiste n’hési-tera pas à proposer un examen par OCT. La conséquence en est une efflorescence d’avis adressés aux spécialistes de la rétine, per-mettant ainsi de diagnostiquer et de traiter plus rapidement des situations pathologiques mais aussi de récuser beaucoup d’indi-cations sur des situations certes anormales, mais ne nécessitant pas pour autant de prise en charge thérapeutique. Notamment pour les syndromes de traction macu-laire, le passage obligé par un stade de persistante d’attache fovéolaire (1) peut être trompeur. Dans toute indication de traite-ment, quel que soit celui-ci, la décision doit se faire en termes de rapport entre le bénéfice et le risque thérapeutique.

La vitrectomie a subi de profondes mutations au cours des dernières années avec l’apparition des sys-tèmes transconjonctivaux sans suture et de la coupe à petits dia-mètres et très haute vitesse qui ont probablement rendu les interven-tions plus simples pour le chirurgien et plus confortables pour le patient.Au même moment, les moyens d’exploration non invasifs de la macula comme l’OCT ont permis une généralisation des explorations rétiniennes avec une imagerie fine et détaillée, la définition descen-dant jusqu’à montrer des détails de quelques microns.

Introduction

Indications raisonnées en chirurgie maculaireéléments de décision thérapeutiqueDr Yannick Le Mer*

* Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris.

Page 18: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

IndIcatIons raIsonnées en chIrurgIe maculaIre

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 289

tère de jugement des résultats et comme élément pronostique. On sait qu’en moyenne la récupéra-tion visuelle après chirurgie est la moitié de ce qui avait été perdu et que plus la vision pré-opératoire est basse, plus grande sera la récu-pération en nombre de lignes mais moins bon sera le résultat final. Opéré avec 1/10, un patient sans autres anomalies associées aura de grandes chances de récupérer 4 lignes d’échelle décimale, ce qui l’amènera au mieux à 5/10 alors

Figure 1 - Rétinographie infra-rouge (A) et OCT (B+C) d’un patient de 50 ans : acuité de 10/10 sans métamorphopsies. Pas d’indication

chirurgicale.

Figure 2 - Rétinographie infra-rouge (A) et OCT (B+C) de l’œil droit d’une patiente de 45 ans asymptomatique. Surveillance depuis

plus de 10 ans sans évolution. L’acuité est conservée du fait de la localisation temporale de l’épicentre de la MER.

Figure 3 - Rétinographie infra-rouge (A) et OCT (B+C) d’une patiente de 60 ans présentant depuis quelques années des métamor-

phopsies avec une acuité de 10/10. Pas d’indication chirurgicale.

éLéMEnTS dE déCISIOn dAnS LE TRAITEMEnT dES MEMBRAnES éPIRéTInIEnnES MACuLAIRESTrois éléments différents doivent être pris en compte pour porter une indication raisonnable : la fonction visuelle, l’évolutivité des signes et l’anatomie.

La fonction visueLLeGlobalement, les chirurgiens de la rétine sont d’accord pour dire que

l’acuité visuelle n’est qu’un des élé-ments à prendre en compte, parmi tout ce qui fait la fonction visuelle. La classique baisse de vision infé-rieure à 5/10, ou moins de Pari-naud  2 de près, ne doit plus être qu’une indication parmi d’autres pour se décider mais elle corres-pond quand même à une barrière physiologique souvent ressentie par les patients. Par ailleurs, beau-coup d’études sur les résultats de la chirurgie des membranes ont gardé cette limite comme cri-

Page 19: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

290 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

En pratiquE

qu’opéré à 5/10, il ne gagnera sta-tistiquement qu’un peu plus de 2 lignes mais en atteignant un peu plus de 7/10 (2-3). Par contre, si on prend comme seul critère opéra-toire toute baisse isolée de l’acuité en proposant une vitrectomie dès qu’il n’y a plus une acuité parfaite, c’est particulièrement dangereux car le rapport bénéfice/risque n’est pas clairement défini. L’évo-lution des signes visuels d’une membrane idiopathique décou-verte hors symptomatologie évo-catrice n’est que rarement linéaire vers une dégradation. Seule une évolution systématiquement défa-vorable pourrait justifier une in-tervention potentiellement dan-gereuse et dont le bénéfice pour passer par exemple de 8/10 à 9/10 est nul en termes d’amélioration de qualité de vie.Les métamorphopsies et les autres signes du syndrome maculaire sont des éléments très importants à prendre en compte mais cela ne peut être que totalement subjec-tif. Toutes les méthodes d’examen pour essayer d’objectiver ce que voit le patient ont été des échecs et seuls l’interrogatoire, les études de vitesse de lecture et l’observation du patient en binoculaire peuvent amener des renseignements signi-ficatifs. En effet, il est raisonnable de porter une indication chirurgi-cale chez un patient avec une acui-té conservée mais qui ferme l’œil atteint tant il est gêné par les défor-mations visuelles. Il faut donc bien écouter la demande du patient qui doit être la source principale moti-vant l’indication chirurgicale, à pondérer bien sûr avec l’acuité, le rapport bénéfice/risque et l’aspect anatomique (4-5).

L’anatomieUne des caractéristiques connues depuis longtemps, renforcée par les études récentes en OCT est

Figure 4 - Rétinographies couleur pré (A) et post-opératoire (B) du fond d’œil d’un pa-

tient pseudophaque. La densité de la MER enlevée sans déformation des structures du

fond d’œil explique la récupération rapide de 2/10 à 10/10. C + d : Bon pronostic visuel

de cette MER maculaire pour laquelle les couches externes sont strictement normales.

L’acuité visuelle pré-opératoire est de 5/10 avec quelques métamorphopsies.

l’absence de parallélisme anato-mo-clinique entre l’aspect des membranes épirétiniennes vi-sibles au fond d’œil ou en OCT et leur retentissement visuel. Cette discordance se fait surtout dans le sens de la préservation visuelle malgré des images spectaculaires et il est beaucoup plus rare d’avoir une baisse d’acuité importante malgré des images rassurantes. Un point important est la préserva-tion de la visibilité de l’entonnoir fovéolaire : s’il est toujours pré-sent, malgré un épaississement marqué des couches externes de la rétine, on peut garder une bonne vision pendant longtemps (Fig. 1 à 3).

Avec un peu d’habitude, cela per-met de repérer quelques discor-dances entre une acuité visuelle basse et un profil de rétine interne conservé, faisant mettre en doute la responsabilité de la membrane épirétinienne comme seule expli-cation. On peut aussi analyser la cause de la modification visuelle, ce qui peut donner des éléments de pronostic post-opératoire (6-7).

Une membrane épaisse provoque un effet de masque sur la rétine sous-jacente et le résultat visuel de son ablation est souvent bon (Fig. 4 et 5).

En cas de désorganisation pronon-cée de la rétine avec des vacuolisa-tions des couches internes, le pro-nostic est plus réservé : si souvent la vision remonte après la vitrec-tomie, cette récupération reste imprévisible et les métamorphop-sies associées sont atténuées mais restent souvent présentes (Fig. 5A).

En cas d’atteinte plus profonde avec remaniement de la couche ellipsoïde, jonction des articles internes et externes des photoré-cepteurs (8), on peut prédire une mauvaise récupération d’acuité (Fig. 5B) et l’indication doit être por-tée surtout pour éviter une dégra-dation supplémentaire.Les éléments objectifs apportés par l’OCT tels que les mesures d’épaisseur maculaire et la loca-lisation de la zone d’épaississe-ment par rapport à la fovea sont

Page 20: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

IndIcatIons raIsonnées en chIrurgIe maculaIre

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 291

importants pour le suivi, qu’il soit en surveillance sans interven-tion ou en post-opératoire. Sans intervention, il est important de vérifier l’absence d’aggravation de l’œdème aux examens succes-sifs : si les signes fonctionnels du patient restent la motivation prin-cipale pour une indication, on sur-veillera de façon plus rapprochée une membrane épirétinienne dont l’évolutivité semble claire par rap-port à une autre totalement stable à plusieurs mois d’intervalle. En post-opératoire, le retour à une anatomie normale est souvent incomplet et lent, on se conten-tera donc de vérifier qu’il n’y a pas de reliquats visibles à la surface de la rétine et que l’épaississement diminue régulièrement ou se sta-bilise par rapport aux examens pré-opératoires de référence.Pour l’indication chirurgicale, l’aspect anatomique n’intervient donc finalement que peu ; il per-met de conforter le diagnostic ou de mettre en doute la responsa-bilité de la membrane dans une baisse de vision profonde mais sert surtout à donner des éléments pronostiques indispensables à l’explication du traitement don-née au patient.

LES AuTRES PAThOLOgIES MACuLAIRESSi on écarte les œdèmes macu-laires non tractionnels pour les-quels le consensus sur le traite-ment chirurgical n’est pas fait, les trois autres indications majeures sont le trou maculaire idiopa-thique, les syndromes de traction vitréo-maculaire et le rétinoschi-sis du myope fort.Pour le trou maculaire, l’indica-tion thérapeutique est simple : à l’exception des rares trous géants et anciens, tous les autres peuvent

Figure 5 – A : Le pronostic visuel de cette MER associée à une traction fovéolaire est

impossible à préciser en pré-opératoire. La MER est peu dense mais la désorganisation

des couches internes importantes avec une atteinte modérée des couches externes.

Le but de la chirurgie est au moins d’éviter la dégradation, peut-être d’améliorer de

façon imprévisible la vision. B : Aspect de très mauvais pronostic fonctionnel de cette

discrète traction associée à une occlusion de branche veineuse ancienne. La désorga-

nisation des couches externes ne fera porter une indication que s’il reste une acuité

chiffrable à préserver.

Figure 6 - Aspect pré (A) et post-opératoire (B) d’une traction vitréo-maculaire de bon

pronostic. L’organisation des couches externes est préservée. La vitréolyse enzyma-

tique pourrait remplacer la chirurgie dans cette configuration.

bénéficier d’une vitrectomie. Le traitement n’est jamais une ur-gence, les petits trous de stade  2 ayant 10 à 15 % de chance de se

fermer seuls mais le rapport béné-fice/risque est toujours en faveur de l’intervention. Non traitée, l’évolution se fait habituellement

Page 21: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

292 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

En pratiquE

vers un élargissement progressif en plusieurs mois, rendant le taux de succès un peu plus bas et la ré-cupération visuelle un peu moins bonne.Pour les syndromes de traction vitréo-maculaires symptoma-tiques, les indications sont à rap-procher de celles des membranes épirétiniennes idiopathiques : ne sont opérés que ceux dont le re-tentissement visuel est significa-tif et durable (Fig. 6). Nul doute que l’arrivée prochaine de la vitréolyse enzymatique va faire redécouvrir cette pathologie, fréquente sur les OCT mais rare en termes d’indica-tion de vitrectomie. La limite entre le physiologique et le pathologique sera certainement affinée, tout dé-collement du vitré passant par une phase d’adhérence maculaire rési-duelle sans pour autant devoir en-traîner de conséquences visuelles à long terme. Les éléments comme l’association de la traction à une membrane épirétinienne devront être pris en compte.

Enfin, dans les rétinoschisis du myope fort, c’est la fonction vi-suelle, et notamment la vision de près, qui doit être prise en compte. Le risque thérapeutique, notam-ment de décollement de rétine ia-trogène, est important et devra être constamment présent dans la prise de décision. L’aspect anatomique, aussi spectaculaire soit-il, ne de-vra intervenir que sur l’aspect des

couches externes (Fig. 7) dont on sait qu’il conditionne le risque d’évolu-tion vers un trou maculaire et donc vers le décollement de rétine chez le myope fort (9).

COnCLuSIOnLes indications thérapeutiques en chirurgie maculaire restent inchangées depuis des années pour la majorité des cas. La sim-plification et la sécurité accrue des techniques chirurgicales de vitrectomie, l’explosion des tech-niques d’imagerie non invasives poussent à des interventions pré-coces mais injustifiées. Si on peut aborder avec plus d’assurance des indications sur des yeux possé-dant une acuité visuelle relative-ment conservée mais une fonction visuelle perturbée, ce n’est pas non plus une raison pour opérer des

images anatomiques sans aucune conséquence visuelle. Le gain pour le patient asymptomatique sera nul alors que l’évolution habituelle des pathologies asymptomatiques est faible ou absente, et le rapport entre le bénéfice et le risque thé-rapeutique n’est donc pas favo-rable à l’intervention. Cependant, si l’évolutivité de la pathologie est documentée, si la demande du patient est justifiée, il est inutile d’attendre que la baisse de vision devienne trop importante pour se décider. n

Figure 7 - Fovéoschisis du myope fort à haut risque d’évolution vers le trou maculaire.

L’indication chirurgicale est une option à considérer, presque sans tenir compte de

l’acuité, habituellement déjà basse à ce stade.

1. Uchino E, Uemura A, Ohba N. Initial stages of posterior vitreous detach-ment in healthy eyes of older persons evaluated by optical coherence tomography. Arch Ophthalmol 2001 ; 119 : 1475-9.2. Gaudric A, Benhamou N, Massin P. Membranes épirétiniennes macu-laires. Pathologie du vitré, Masson 2003 : 205-228.3. Kunikata H, Abe T, Kinukawa J, Nishida K. Preoperative factors predictive of postoperative decimal visual acuity ≥ 1.0 following surgical treatment for idiopathic epiretinal membrane. Clin Ophthalmol 2011 ; 5 : 147-54.4. Berrod JP, Poirson A. Quelles sont les membranes épirétiniennes qu’il faut opérer ? J Fr Ophtalmol 2008 ; 31 : 192-9.5. Pournaras CJ, Emarah A, Petropoulos IK. Idiopathic macular epiretinal membrane surgery and ILM peeling : anatomical and functional out-comes. Semin Ophthalmol 2011 ; 26 : 42-6.

6. Kim JH, Kim YM, Chung EJ et al. Structural and functional predictors of visual outcome of epiretinal membrane surgery. Am J Ophthalmol 2012 ; 153 : 103-10.7. Kinoshita T, Kovacs KD, Wagley S, Arroyo JG. Morphologic differences in epiretinal membranes on ocular coherence tomography as a predictive factor for surgical outcome. Retina 2011 ; 311 : 692-8.8. Inoue M, Arakawa A, Yamane S, Kadonosono K. Long-term outcome of preoperative disrupted inner/outer segment junctions assessed using spectral-domain optical coherence tomography. Patients with idiopathic epiretinal membrane. Ophthalmologica 2012 ; 228 : 222-8.9. Gaucher D, Haouchine B, Tadayoni R et al. Long-term follow-up of high myopic foveoschisis: natural course and surgical outcome. Am J Ophthal-mol 2007 ; 143 : 455-62.

BiBliographie

mots-clés : Membrane épirétinienne maculaire,

Traction vitréo-maculaire, Chirurgie

fonctionnelle, Pronostic visuel,

Vitrectomie

Page 22: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Coup d’œil médiColégal

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 293

Les ophtalmologistes, comme tous les praticiens, craignent des mises en cause qui

peuvent sembler de plus en plus fréquentes, et avoir l’impression que la confiance autrefois acquise des patients envers leurs médecins est ébranlée.Comme précisé dans un article précédent (Pratiques en ophtal-mologie, n°56), la défiance des patients à l’égard du corps médi-cal, des médicaments et des pro-grès techniques doit nous ame-ner à garder, ou développer, des relations de confiance réciproque

indispensables à une relation de soins efficace et réussie.La fréquence des dommages asso-ciés aux soins est extrêmement variable d’une spécialité à l’autre mais, en ophtalmologie comme ailleurs, il n’y a pas de soins sans risque pour le patient comme pour le praticien.Les praticiens sont peu préparés à annoncer la réalisation d’un dom-mage lié aux soins, tant l’aggra-vation de l’état de santé de leur patient est contraire au but même de leur activité.Annoncer un dommage lié aux soins, qu’il s’agisse d’une compli-cation médicale, per ou post-opé-ratoire, est un exercice difficile mais indispensable.

La confiance soignant-patientLa relation soignant-patient est complexe et évolutive mais le lien ne doit jamais être rompu. Actuel-lement, le patient est censé être informé, avant tout traitement ou geste chirurgical, des bénéfices et des risques liés aux traitements proposés. En effet, le patient doit pouvoir faire des choix éclairés. Ceci est un changement radical par rapport aux relations pater-nalistes du siècle dernier entre le praticien et son patient. La jurisprudence impose de plus en plus aux médecins ou chirur-giens un devoir de conseil face aux décisions à prendre. Non seule-

ment, le patient doit être informé des traitements proposés, de leurs bénéfices et de leurs risques, des éventuelles évolutions de leur état de santé en cas de refus des soins proposés, mais le praticien a également un devoir de conseil face aux décisions à prendre. La place du médecin ou du chirurgien n’est donc pas facile à tenir.

L’éthique de La confianceLa communication en médecine n’en est encore qu’à ses balbutie-ments, si l’on en juge par la faible place consacrée à cette matière dans les études de médecine en France… Et sans doute aussi par le peu d’appétence des médecins en exercice pour ce sujet.La naissance d’une nouvelle éthique de la confiance, d’une ré-flexion multidisciplinaire sur son contenu, sa nature et son utilité, devrait se mettre en place rapide-ment au sein des différentes facul-tés de médecine.

L’importance de La transparenceLa communication se complique lorsque le dommage est consécu-tif à une erreur, dans une société qui cherche un responsable à tout accident. Les médecins ou chirur-giens travaillent dans le risque en permanence et doivent informer leurs patients et recueillir leur

Cette nouvelle rubrique, intitulée “Coup d’œil médicolégal”, nous éclaire ce mois-ci sur l’annonce de complications per ou post-opéra-toires ou l’annonce d’un dommage associé aux soins au sens large. Ceci nécessite un réel don en com-munication ou un apprentissage soigneux de cette communication qui peut faire tant défaut et instal-ler doute, voire méfiance, envers les praticiens, débouchant sur des mises en cause de responsabilité parfois évitables lorsque la commu-nication reste palpable.

Résumé

annonce d’un dommage associé aux soinsDe l’annonce à l’écoute du patientDr Valérie Ameline*

*Ophtalmologiste conseil, le Sou Médical-Groupe MACSF, Cosne-Cours-Sur-Loire.

Page 23: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

294 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

Coup d’œil médiColégal

consentement tout au long de leur prise en charge. Ceci s’apprend et a peut-être été un peu négligé jusqu’à maintenant.

• Faire face à une réclamation nécessite souvent un accompa-gnement par des confrères, voire des professionnels du soutien psychologique ou de l’assureur, qui prendra le relais dans la ges-tion du conflit avec un recul né-cessaire.De plus, la judiciarisation agit comme un frein à une commu-nication avec le patient devenu victime d’un effet secondaire, aléa, faute, erreur ou négligence médi-cale.Le praticien se doit d’être trans-parent sachant que le mensonge, l’omission ou la rétention d’in-formations sont fréquemment découverts secondairement et amènent le patient à s’acharner à mener une procédure, voire à re-chercher une sanction qui le plus souvent n’a pas lieu d’être.De plus, une telle attitude contri-bue à la perte de confiance des

• En ophtalmologie, la chirurgie de la cataracte représente envi-ron la moitié des causes de si-nistres, avec une forte représen-tation des endophtalmies et des ruptures capsulaires compliquées, notamment de décollement de rétine éventuellement récidivant. La rupture capsulaire, par exemple, est un aléa thérapeu-tique pouvant survenir dans les meilleures mains. Le patient doit être informé de cette complica-tion peropératoire dans les suites immédiates de la chirurgie sinon il considérera que la non-infor-mation ou dissimulation de cette complication est une reconnais-sance implicite de faute ou erreur du praticien. Il sera ensuite très difficile de rétablir la confiance ou même de poursuivre un dialogue constructif.

L’information pré-opératoireCeci renvoie donc à l’information pré-opératoire et au recueil d’un consentement éclairé, élément

délivrés par ailleurs par le pra-ticien. Cette information et ce recueil d’un consentement sont considérés acquis depuis plus de dix ans. Leur absence n’est plus tolérée, que ce soit dans les procé-dures amiables ou judiciaires.

• Nous devons donc rester extrê-mement vigilants et être très at-tentifs à la tenue de nos dossiers médicaux : y consigner une obser-vation complète, y noter tout exa-men réalisé, garder tout consen-tement écrit rendu signé par le patient afin de pouvoir argumen-ter et prouver que l’on a dispensé des soins diligents, consciencieux et conformes aux données ac-quises de la science.

L’annonce et L’écouteIl faut retenir qu’annoncer un dommage est un moment crucial dans la relation soignant-patient, où tout peut basculer, de la rup-ture totale de la confiance (et ses suites judiciaires ou non) au main-tien ou à la restauration de cette confiance qui va permettre, entre autres, d’assurer la continuité des soins.Le patient victime d’un dommage lié à un aléa, une faute ou une négligence médicale attend un accompagnement, une com-préhension et une réponse du corps médical. Il faut donc rester à l’écoute et tenter de le satisfaire en essayant de se mettre à sa place.

• Une étude déjà ancienne, publiée dans le Lancet en 1994 révèle les motivations des patients qui for-mulent une réclamation après un accident médical, avec par ordre de fréquence : - la recherche d’une compensation financière ;- le désir de sanction envers l’équipe médicale ;

patients à l’égard des soignants au sens large et perturbe la rela-tion thérapeutique avec une baisse de facto de la prise en charge.

• Pour le praticien, médecin ou chirurgien, annoncer des consé-quences péjoratives d’actes de soins est difficile, voire culpabili-sant. Or, les aléas thérapeutiques sont plus nombreux que les fautes, erreurs ou négligences médicales. S’y ajoutent les échecs thérapeu-tiques et les suites normales des pathologies lourdes.

indispensable avant tout acte de soins invasif, notamment toute opération de cataracte où les complications toujours possibles, comme l’infection post-opéra-toire ou la rupture capsulaire, sont mentionnées.

• En cas d’évolution vers une procédure amiable, CRCI ou judiciaire, l’absence de fiche SFO sur la chirurgie de cataracte par exemple, rendue signée par le patient, sera considérée fautive quelle que soit la qualité des soins

Les aléas thérapeutiques sont plus nombreux que les fautes, erreurs ou négligences médicales

Page 24: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Annonce d’un dommAge Associé Aux soins

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 295

- le désir d’explication ;- le sentiment d’avoir été négligé ;- et enfin, le souhait d’améliorer la qualité des soins et d’éviter à un autre patient d’être victime de la même erreur.

L’évaLuation du dommageLe dommage doit être vu à travers les yeux de celui qui le subit et encore plus en ophtalmologie, en raison de la valeur symbolique et esthétique accordée au regard. Un dommage apparemment léger au regard du médecin sera consi-déré comme grave par le patient, d’autant plus que ce patient sera âgé et, en ophtalmologie, qu’il pré-sentera une altération de sa fonc-tion visuelle des deux yeux.

• La Haute autorité de santé (HAS), a élaboré des recomman-dations publiées en mai 2011 pour « apporter un support méthodolo-gique à tous les professionnels de santé, qu’ils exercent en établisse-ment de santé ou en ville, dans leur intérêt et celui du patient. » Face à la tentation de sélectionner les incidents devant donner lieu à l’annonce, pour éliminer ceux pour lesquels la communication serait la plus difficile, les recom-mandations indiquent que : « tous les événements indésirables dont il résulte un dommage physique ou psychologique doivent faire l’objet d’une annonce, qu’ils soient consécutifs à des complications liées à la pathologie du patient, à un aléa thérapeutique ou à une erreur. »

Une transparence absolue est de-mandée, qui peut paraître exces-sive car risquant d’inciter les vic-times à formuler des réclamations et qui n’est pas encore ancrée dans

la pratique médicale libérale ou hospitalière. C’est néanmoins une attente réelle et légitime des pa-tients ou associations de patients, désormais appelés usagers de san-té. De plus en plus, les associations de patients ou représentants des usagers de santé sont associés à la rédaction de ces recommanda-tions.

maintenir La communication avec Le patientIl est parfois difficile de savoir avec qui communiquer selon la personnalité, l’âge ou l’attitude du patient. Néanmoins, la régle-mentation relative aux droits des patients (article L. 1142-4 du Code de la santé publique- CSP) prévoit que l’information doit être déli-vrée au patient lui-même, et les textes définissant le secret profes-sionnel interdisent toute révéla-tion à autrui.

• Ainsi, les recommandations de l’HAS proposent : « en principe, l’obligation d’information est due uniquement au patient, sauf s’il est décédé, mineur ou sous tu-telle, auxquels cas l’information est délivrée aux ayants droit ou représentants légaux. Cependant, les professionnels seront amenés à prendre en compte, sauf oppo-sition de sa part, son entourage qui pourra être impliqué plus ou moins fortement dans le proces-sus d’annonce. »

Il faut donc prendre en compte la composition familiale, qui peut être très complexe. On peut espé-rer qu’en respectant ces recom-mandations, la confiance entre les patients et les soignants sera conservée, ce qui pourrait avoir pour effet de limiter les conten-

tieux de la responsabilité médicale au profit des règlements amiables, voire l’absence de procédures amiables ou non.

concLusionEn conclusion, ce qu’il ne faut pas faire :- nier ses propres émotions ou les renvoyer au patient en guise de défense ;- rester isolé alors qu’un soutien extérieur serait nécessaire ;- refuser que le patient soit accom-pagné lors de l’entretien d’annonce du dommage ;- manifester de l’agressivité ;- utiliser le jargon médical ;- spéculer sur les faits ;- blâmer une personne ;- nier ou dissimuler le dommage ;- culpabiliser le patient ;- nier sa propre responsabilité le cas échéant ;- fournir au patient des informa-tions contradictoires. n

Mots-clés : procédure judiciaire, procès, erreur,

complications post-opératoires,

complications per-opératoires,

dommage, responsabilité,

information pré-opératoire

• Rameix S. Information et consentement des patients : du paternalisme à l’autono-mie ? Responsabilité 2001 ; 3 : 15-20.• Vincent C, Young M, Phillips A. Why do people sue doctors? A study of patients and relatives taking legal action. Lancet 1994 ; 343 : 1609–13.• Annonce d’un dommage associé aux soins. Guide destiné aux professionnels de santé exerçant en établissement de santé ou en ville. http://www.has-sante.fr/por-tail/upload/docs/application/pdf/2011-05/annonce_dommage_associe_aux_soins_guide.pdf• Ejnes D, Decrois G. Comment annoncer un dommage associé aux soins ? Responsabilité 2011 ; 44 : 6-9.

BiBliographie

Page 25: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 297

Mise au point

Pourquoi l’usage unique ?L’augmentation des exigences de sécurité concerne les risques d’infections nosocomiales et d’inflammation postopératoire liée à des contaminants par-ticulaires organiques non infec-tieux ou inorganiques (prion, endotoxines, métaux pro-inflam-matoires…). Les défaillances hu-maines ne peuvent être exclues des processus les plus méticuleux. Il n’est par exemple pas rare de re-trouver des taches organiques ou non (sang, viscoélastique, corro-sion), voire des fragments de cap-sule sur les instruments pourtant nettoyés et stérilisés par des tech-niciens compétents et attentifs. L’évolution des méthodes chirur-gicales, comme par exemple la

micro-incision en phacoémulsifica-tion, nécessite des pinces à capsu-lorhexis compatibles avec une inci-sion de 1,8 mm. Il est moins coûteux et plus raisonnable en termes de trésorerie d’approvisionner le bloc en pinces jetables que de renouveler un stock de pinces conventionnelles fragiles et menacées d’obsolescence. Par ailleurs, les progrès microchi-rurgicaux et les pratiques inten-sives ont permis à de nombreux chirurgiens de réduire le nombre d’instruments utilisés en routine pour une opération donnée (cinq instruments au lieu de vingt dans les années 1985-90 pour la cataracte par exemple), ce qui contribue à abaisser le coût de l’instrumenta-tion jetable.L’accélération des cadences opé-ratoires est également en cause : les interventions sur plusieurs salles avec des aides opératoires per-mettent aux chirurgiens les plus entraînés de dépasser la cadence de stérilisation du matériel, nécessi-tant l’augmentation du nombre de boîtes d’instruments convention-nels, d’autoclaves et de personnels dédiés au reconditionnement. Les cadences élevées favorisent égale-ment la dégradation des matériels ou leur perte de précision, impor-tante en microchirurgie.Les difficultés croissantes pour garantir une formation spéci-fique des personnels chargés de la maintenance des instruments (externalisation du service de sté-rilisation, réduction des effectifs

et de l’encadrement, personnel intérimaire en cas de vacances, arrêts maladie…). Enfin, l’amélio-ration constante de la qualité, de la variété et du coût des instruments jetables (Fig. 1).

les avantagesLes instruments à usage unique offrent donc une garantie réelle de propreté, de stérilité et de fonc-tionnalité, à un coût compétitif avec celui de l’instrumentation réutilisable conventionnelle. Ils apportent en outre une meil-leure efficacité dans la logistique du bloc opératoire et une simpli-fication de la traçabilité, tout en répondant beaucoup mieux, du fait de leur diversité, aux besoins spécifiques de chaque chirurgien.

Plus de sécuritéL’instrumentation jetable est plus sécuritaire sur le plan des risques

La transition de l’instrumentation chirurgicale restérilisable à l’instru-mentation “jetable”, à usage unique, est en marche ! Cette transition s’est accrue en 2012 pour plusieurs raisons : l’augmentation des exi-gences de sécurité, l’évolution des méthodes chirurgicales, l’accéléra-tion des cadences opératoires, etc. Détails et présentation.

Introduction

le boom de l’instrumentation à usage uniqueUne révolution technique dans les blocsDr Michael Assouline*

*Centre Iénavision et Clinique de la Vision, Paris. [email protected]

Figure 1 – la variété et le coût des ins-

truments jetables ont beaucoup évolué

(cliché dû à l’obligeance de Malosa SA).

Page 26: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Mise au point

298 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

nosocomiaux et inflammatoires.Les règles de stérilisation des ins-truments utilisés en chirurgie se sont précisées et sont devenues particulièrement rigoureuses.Notamment, si les méthodes clas-siques de stérilisation antibacté-rienne ont fait depuis longtemps la preuve de leur efficacité, de nou-velles situations cliniques (prions, TASS ou syndrome toxique de chambre antérieure postopéra-toire post-cataracte, SOS-DLK ou kératite lamellaire diffuse post-Lasik) ont mis l’accent sur la nécessité d’une décontamination particulaire et chimique parfaite du matériel réutilisable. Le Toxic anterior segment syn-drome (TASS) est une inflammation aiguë du segment antérieur après chirurgie de la cataracte non compli-quée. Divers contaminants ont été impliqués : antiseptiques topiques, talc des gants, pommades ophtal-miques postopératoires, anesthé-siques intracamérulaires, solutés d’infusion improprement reconsti-tués, mitomycine C, viscoélastique dénaturé par la dessiccation et la stérilisation des instruments souil-lés, détergents, endotoxines ther-mostables produites par les bacilles gram négatifs contaminant les bacs de nettoyage ultrasonique, dégrada-tion du laiton des instruments sté-rilisés par gaz de plasma, impureté des bacs de collection d’autoclaves. Les formes sévères de TASS peuvent

évoluer vers une pseudo-endophtal-mie à hypopion (Fig. 2).

Les SOS-DLK (syndrome des sables du Sahara ou kératite lamel-laires diffuse) sont l’inflammation aiguë de l’interface observée après Lasik (Fig. 3). Les causes du SOS sont les mêmes que celles du TASS. Les épidémies de TASS et de SOS rencontrées dans les blocs opé-ratoires ont été étudiées avec soin et souvent éradiquées par la mise en place d’une formation plus rigoureuse aux protocoles de décontamination-nettoyage-rin-çage-stérilisation-conditionne-ment-stockage en vigueur. Il paraît aujourd’hui important de prohiber :- l’usage de pommade antibiocor-ticoïde en postopératoire immé-diat ;- l’emploi de canules réutilisables, pratiquement impossibles à décontaminer efficacement. Un effort devrait notamment être fait pour utiliser en routine des canules d’irrigation-aspiration jetables (Bausch&Lomb, Sterime-dix) (Fig. 4).

Meilleure FiabilitéL’instrumentation jetable est plus fiable, plus innovante et finalement plus efficace chirur-

gicalement.La qualité des instruments à usage unique s’est améliorée de façon spectaculaire, du fait des progrès technologiques de mise en œuvre (conception assistée par ordina-teur, design, composite métal-plastique, tours à commande nu-mérique, finition automatisée). Ces progrès sont surtout notables pour les instruments les plus complexes, les plus fins ou les plus sophistiqués (blépharostats, microciseaux de Vannas, pinces à capsulorhexis simple ou à com-mande distale, pinces à membrane

Figure 2 - Pseudoendophtalmie pos-

topératoire inflammatoire sévère avec

hypopion. Figure 3 - sos syndrome (dlK) post-lasik.

Figure 4 - canules et pièces à main d’irri-

gation-aspiration à usage unique (cliché

Sterimedix).

Page 27: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Le boom de L’instrumentation à usage unique

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 299

épirétinienne, crochets à iris…).L’intégrité des instruments à usage unique, présentés le plus souvent sous blister mono-instrument, est “garantie” à chaque usage, ce qui n’est pas toujours le cas des instru-ments restérilisables, souvent abî-més dans le processus de recondi-tionnement (transport, nettoyage, décontamination, lavage, rinçage, stérilisation, conditionnement, stockage en boîte multi-instru-ments). La précision requise par les nou-velles méthodes chirurgicales sup-pose des instruments de plus en plus fins, délicats, et donc fragiles, qui résistent de moins en moins bien à un usage répété et qui plus est intensif du fait de l’augmenta-tion des cadences opératoires.La fabrication automatisée des instruments à usage unique per-met d’obtenir une meilleure repro-ductibilité de ces formes les plus fines (plus variables en cas de fa-brication manuelle) et également de concevoir des designs plus fins, plus efficaces qui seraient trop fra-giles pour un usage et une stérili-sation répétés. Des matériaux très innovants, par exemple les composites de cris-tal de silicone utilisés pour les lames de couteaux jetables (Ato-mic Edge® de Beaver Visitec), dépassent à présent les perfor-mances des métaux classiques (Fig. 5).

adaPtation aux besoins individuels des chirurgiensL’offre d’instruments à usage unique s’est considérablement diversifiée pour s’adapter aux évolutions de la chirurgie et aux besoins individuels des chirur-giens.Cette diversification est impres-sionante, tant en termes de four-nisseurs, que de types (tout métal,

tout plastique et plastique-métal) que de variétés de modèles (Fig. 1).

Les principaux fournisseurs- Accomed (Theizé, France) ;- Bausch + Lomb (Rochester, NY, USA) ;- BD Beaver-Visitec BVI (Franklin Lakes, NJ, USA) ;- Croma/Surgidis (Vienne, Au-triche) ;- Malosa (Londres, GB) distribué par Malosa France ;- Moria (Antony, France) distribué en France par Alcon ;- Ovation Pharma (Deerfields, Ill., USA) ;- Phakos (Montreuil, France) ;- Supramed (Marseille, France) ;- Zeiss (Jena, Allemagne).

Les instruments tout métal sont les plus proches des instruments conventionnels dont ils re-prennent ou améliorent le design dans les moindres détails (chez Malosa par exemple). Ces maté-

riels ne doivent pas être restérilisés car les alliages métalliques dans lesquels ils sont fabriqués ne sont en principe pas conçus pour résis-ter à la dégradation thermique ou aux gaz de plasma utilisés.Les nouveaux designs composites métal-plastiques, facilement sé-parables, permettent un recylage distinct des matériaux. Plus légers en main, ils deviennent à l’usage assez confortables et peuvent être très performants (Moria/Alcon, Bausch&Lomb) (Fig. 2). Les instru-ments “tout plastique” sont réser-vés à certains usages pour lesquels la précision n’est pas requise, alors que l’impératif de coûts bas est si-gnificatif (par exemple, pince à ba-digeon, stabilisateur de globe pour incisions relaxantes limbiques, marqueur scléral pour les IVT).

L’exempLe des pinces à capsuLorhexis Cet exemple témoigne de l’ingé-niosité et de la rigueur des concep-teurs. Le coût de ces instruments et

Figure 5 - couteaux composites en cristal de silicone (cliché BD-Beaver-Visitec BVI).

Figure 6 - instruments jetables pour la cataracte (cliché Moria à gauche, Baush&Lomb en

haut à droite, Geuder en bas à droite).

Page 28: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Mise au point

300 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

leur qualité fonctionnelle, compte tenu des contraintes chirurgicales, révèlent des prouesses technolo-giques (Fig. 6).Dans certains modèles, une base métal en “U” de résistance calibrée est sertie dans une poignée plas-tique, afin de garantir l’alignement et la résistance élastique constants de l’instrument final. La poignée plastique peut également servir à calibrer la résistance élastique dans d’autres modèles. Les dents de la pince à rhexis sont parfois prolongées en arrière le long des mors, pour empêcher les mors de se rouvrir du fait de l’incurvation divergente des montants en cas de pression excessive de l’opérateur sur le manche. Les dents doivent être très fines, rester visibles en intra-oculaire, et leur écartement maximum ne doit pas excéder la taille de l’inci-sion (1,8 mm). Les bras sont par-faitement paralèlles, pour ne pas gêner l’ouverture de la pince dans le tunnel de l’incision. Le corps de la pince doit être de longueur suffisante pour être stable dans toutes les mains, antidérapant et de forme étudiée afin de pouvoir garder le contrôle du mouvement

intraoculaire dans toutes les posi-tions d’inclinaison ou de rotation (les designs trop plats, à faces paralèlles ou trop ronds limitent la sensation positionnelle, les sec-tions ovoïdes tronquées semblant offrir le meilleur compromis). Un autre exemple de matériel jetable innovant et performant est le Pre-Chopper® d’Akahoshi (Geuder) (Fig. 6) permettant la segmentation du noyau avant émulsification. La pointe acérée des micro-pinces Pre-Chopper® est utilisée pour pénétrer dans le noyau. Une pression sur les branches entraîne l’écartement des extrémités, provoquant la rupture du noyau. L’écart entre les extrémités peut atteindre 3,0 mm, tandis que le manche des pinces n’occupe qu’un maximum de 1,7  mm d’espace au point d’in-cision. En tournant les pinces, le bord peu tranchant peut être uti-lisé pour pénétrer plus profondé-ment dans l’ouverture initiale et provoquer la segmentation com-plète et sécuritaire du noyau. Les petits segments du noyau peuvent ensuite être émulsifiés dans la chambre antérieure avec une ma-nipulation réduite de la pointe de

phaco et une utilisation minimale d’énergie ultrasonique. Par consé-quent, les dommages mécaniques et thermiques à la plaie d’incision sont diminués.

Kits et pacKsLes processus d’automatisation de fabrication et d’assemblage des instruments par familles fonction-nelles en milieu stérile permettent d’apporter aux chirurgiens une solution pratique et économique “tout en un” de packs ou kits conte-nant tous les instruments néces-saires à une chirurgie donnée, ainsi que les accessoires (gants, compresses, champs stériles, mar-queurs, couteaux et canules) :- cataracte (Fig. 7) ;- Lasik ;- chalazion ;- injection intravitréenne (Fig. 8).Les offres commerciales sur ces kits sont nombreuses et compéti-tives…

à chaque chirurgien son instrument préféré…L’instrumentation jetable per-met donc un approvisionnement à la carte pour chaque opérateur du bloc. Un chirurgien peut au-

Figure 7 - exemple de kit cataracte complet (cliché Visitec). Figure 8 – Kit pour ivt (cliché Malosa).

Page 29: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Le boom de L’instrumentation à usage unique

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 301

jourd’hui choisir pour son usage spécifique, en fonction de ses habitudes, parmi une très grande variété de modèles techniques et d’ergonomie. Livrés en pack pour chaque inter-vention, les modèles peuvent être modifiés de façon très versatile en fonction de l’évolution des méthodes, sans être obligé de pla-nifier de façon rigide un investisse-ment à long terme commun à tous les chirurgiens du bloc opératoire.

Plus éconoMiqueLes processus de production ac-tuels très automatisés et les vo-lumes mondiaux favorisent une baisse importante des coûts, qui deviennent compétitifs ou même moins chers que ceux des instru-ments conventionnels.

Les coûts visibLesLes coûts visibles de l’instru-mentation conventionnelle sont connus :- l’achat, les réparations et le rem-placement des instruments et des boîtes ;- le nettoyage, la décontamination, la stérilisation ;- le coût des équipements de net-toyage, de stérilisation, de condi-tionnement ;- le loyer des surfaces occupées par les équipements et les personnels ;- les charges de personnel liées au processus de réutilisation ;- les consommables utilisés.

Les coûts cachésIl existe également des coûts ca-chés, moins faciles à évaluer :- frais de personnel indirects (for-mation, contrôle réglementaire, supervision) ;- utilisation d’une boîte complète en cas d’instrument unique défec-tueux ou de déstérilisation acci-dentelle ;

- temps d’attente des boîtes sté-rilisées et limitation des volumes opératoires ;- traitement des complications infectieuses nosocomiales ou in-flammatoires induites.Le coût actuel de stérilisation externalisée à l’établissement de soins est de l’ordre de 50 euros par boîte d’instruments, ce qui n’in-clut pas tous les coûts cachés.Le coût d’un kit standard de quatre instruments pour la chirurgie de la cataracte (un blépharostat de Barraquer ou colibri, une pince de Bonn, un crochet de Sinskey, une pince à capsulorhexis pour inci-sion de 1,8 mm) est devenu sou-vent inférieur à 25 euros.Les fabricants d’instruments jetables sont également devenus plus “socialement responsables” :- sur les aspects de recyclage (un hôpital régional qui opte pour des instruments “tout métal” recycle environ 2 tonnes de métal par an sous forme de mobilier urbain) ;- sur les aspects de travail déloca-lisé (salaires au triple du salaire minimum en Chine, surveillance contre le travail des enfants et des mineurs…).

asPects régleMentairesLa circulaire 138 (DGS/5C/DHOS/ E2/2001/138 mars 2001) de la Fédération des établisse-ments hospitaliers et d’aide à la personne résume les recomman-dations pour la réduction des risques de transmission d’agents non conventionnels par les maté-riels en contact avec les tissus à risque : utilisation d’une instru-mentation à usage unique préfé-rable mais non obligatoire et mise en œuvre des procédés d’inacti-vation les plus appropriés compte tenu de la résistance des matériels concernés.

Le label médical CE0120 et la cer-tification ISO 13485 répondent aux normes de qualité et de sécu-rité européennes en matière d’ins-truments à usage unique.La norme ISO 15883 précise le mode de stérilisation du dispositif.La fiche technique mentionne la durée d’utilisation, les respon-sables “qualité” au sens de la direc-tive européenne 14/93/42 EEC, les composants du produit et les composants entrant directement en contact avec le patient. En France, la réutilisation de matériel à usage unique est inter-dite et passible de poursuites. Dans d’autres pays (Québec, Alle-magne), elle est possible pour des raisons budgétaires, mais stric-tement encadrée par des normes et des protocoles précis pour des dispositifs coûteux (cardiologie interventionnelle par exemple). n

L’auteur ne possède aucun intérêt

financier personnel dans les instru-

ments et matériels cités dans cet

article. L’auteur a présenté en 2012 à la

Société française d’ophtalmologie un

film sur “Les nouveaux moyens de pré-

vention des infections nosocomiales”

avec le soutien technique (montage

vidéo) du laboratoire Malosa.

mots-clés : instrumentation à usage unique,

instrumentation chirurgicale restérili-

sable, instrumentation jetable

• Hellinger WC, Bacalis LP, Edelhauser HF et al. Recommended practices for cleaning and sterilizing intraocular surgical instruments. J Cataract Refract Surg 2007 ; 33 : 1095-100.• Amzallag Th. Disposable instruments have technological, technical, regulatory, and economic advantages over reusable ones. Single-use instruments becoming better op-tions. Cataract Refractive Surg Today Europe 2010 ; 26-28.• Iltis A. Analysis of sterilisation cost: a joint hospital/industry method for sterilisation in France and Europe. Steriprocess Internatio-nal 2008.

BiBliographie

Page 30: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Cas Clinique

Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59 303

Madame T., 58 ans, consulte pour une diplopie d’apparition

récente. Cette diplopie est ver-ticale, d’abord intermittente puis rapidement devenue permanente, invalidante. Ce tableau est isolé, ne varie pas dans la journée, il n’existe ni baisse de vision, ni céphalée, ni aucun signe général. Mme T. ne fume pas. Il n’y pas de notion de traumatisme, ni d’antécédent no-table personnel ou familial.

A l’examen : on note une hypotro-pie gauche avec limitation de l’élé-vation, responsable de la diplopie (Fig. 1). Il n’y a pas de signe local inflammatoire. L’acuité visuelle est conservée, le reste de l’examen ophtalmologique est normal, en dehors d’une augmentation de la TO de 5 mmHg entre le regard de face et le regard en haut du côté gauche. Le coordimètre confirme l’atteinte restrictive du droit infé-rieur gauche. Un examen clinique en médecine interne est demandé,

ainsi qu’un bilan biologique et une imagerie, axés sur la recherche de signes de dysthyroïdie et/ou autres pathologies auto-immunes.

Les bilans clinique et biolo-gique sont normaux, en parti-culier avec traks négatifs, TSH, T3 et T4 normales. Le scanner objective l’hypertrophie du corps charnu du muscle droit inférieur gauche, fusiforme, sans atteinte du tendon (Fig. 2).

Le diagnosticL’aspect clinique, la tomodensito-métrie et l’absence d’argument en faveur des autres étiologies citées infra, font retenir le diagnostic d’orbitopathie dysthyroïdienne. Devant la stabilité des signes sur 6 mois, une prise en charge chirur-gicale est proposée à type de recul du droit inférieur gauche (1). Le résultat est satisfaisant (Fig. 3).

discussionLa diplopie verticale acquise chez un adulte fait évoquer en premier lieu l’atteinte orbitaire d’une dysthyroïdie, avec fibrose d’un muscle droit inférieur. Il faut donc rechercher les autres signes d’orbitopathie dysthyroïdienne : exophtalmie, rétraction palpé-brale, asynergie oculopalpébrale, augmentation de la TO entre les regards de face et en haut. Cependant, il faut évoquer aussi :• une paralysie oculomotrice

dont certaines étiologies vascu-laires ou néoplasiques peuvent mettre en jeu le pronostic vital et demandent une prise en charge rapide. Il faut attentivement ap-précier l’oculomotricité et le jeu pupillaire ;• une origine mécanique (trau-matisme ou tumeur orbitaire) ; • une myasthénie ou myopa-thie, la variabilité des signes dans la journée et l’association à un pto-sis seraient évocatrices ;• une myosite.

Chez notre patiente, le trouble oculomoteur est stable, il s’accom-pagne d’une augmentation de la TO > 4 mmHg entre le regard de face et le regard en haut, évoca-trice d’une fibrose du muscle droit inférieur. Il n’y a pas d’exophtal-mie, ni de signe inflammatoire ou traumatique local. Le scanner est typique, donc un complément d’imagerie par IRM ne nous a pas paru nécessaire.Si les signes orbitaires sont dans la grande majorité des cas contem-porains ou secondaires à l’atteinte thyroïdienne générale, ils peuvent dans 10 % des cas la précéder de plusieurs mois (2). Cependant, ces troubles peuvent ne jamais apparaître malgré une atteinte orbitaire typique, on parle alors de syndrome de Saint-Yves. La surveillance prolongée sera inter-niste et biologique. La surveillance ophtalmologique sera aussi pour-suivie, attentive à l’état palpébral

Nous proposons le cas de Mme T. qui présente une diplopie typique d’une orbitopathie dysthyroïdienne, en de-hors de tout contexte dysthyroïdien.

Introduction

Fibrose isolée d’un droit inférieurQuand cela ressemble à une orbitopathie dysthyroïdienne... sans dysthyroïdie Dr Corinne Bok-Beaube*

* Service d’ophtalmologie Dr Galatoire, Fondation ophtalmolo-gique A de Rothschild, Paris.

Page 31: PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIEet l’année 2012 semble avoir été une année charnière pour la chirurgie de la cataracte assistée par laser femtoseconde. A ce titre, plusieurs centres

Cas Clinique

304 Pratiques en Ophtalmologie • Décembre 2012 • vol. 6 • numéro 59

et oculomoteur et à la tension oculaire. Dans le long terme, une orbitopathie existante peut évo-luer par poussées imprévisibles. L’association avec une autre pa-thologie auto-immune (myasthé-nie surtout) peut survenir. Bien que les pathologies orbitaires et générales puissent évoluer cha-cune pour leur compte, une stabi-lité, voire une guérison de la dys-

Figure 2 - aspect en tdM orbitaire. A : hypertrophie fusiforme, sans atteinte du tendon, du muscle droit inférieur gauche. B : atteinte isolée

du droit inférieur gauche.

Figure 3 - aspect post-opératoire. A : reflets centrés de face. B : amélioration de l’élévation œil gauche.

Figure 1 - Hypotropie sur l’œil gauche. A : hypotropie. B : limitation de l’élévation.

thyroïdie, est favorable. Ce sont les passages en hypothyroïdie qui peuvent le plus déstabiliser l’état orbitaire (3).

concLusionBien que survenant dans un contexte euthyroïdien, des signes oculomoteurs typiques d’orbito-pathie dysthyroïdienne peuvent exister. Ils doivent être traités

comme tels et imposent un suivi prolongé endocrinien et ophtal-mologique. n

Mots-clés : orbitopathie dysthyroïdienne,

syndrome de saint-Yves,

Fibrose d’un muscle droit inférieur

1. Bok C, Hidalgo C, Morax S. Prise en charge des diplopies dysthyroï-diennes. J Fr Ophtalmol 2007 ; 30, 4, 390-6.2. Adenis JP. Lasudry J. Orbitopathie dysthyroïdienne. Rapport de la socié-

té française d’ophtalmologie. Paris : Masson, 1998 : 455-80.3. Badelon I, Morax S. Ophtalmopathie dysthyroïdienne. Rev Prat 2005 ; 55 :183-6.

BiBliographie