PR Chen Guangcheng, L'avocat aux pieds nus, Éditions Globe

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!!L’Avocat aux pieds nus de Chen Guangcheng Éditions Globe!!!!!!!!!!

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http://www.franceinter.fr/emission-ailleurs-dans-le-monde-la-face-b-de-lactualite-internationale-bresil-grece-et-grande-bretag

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!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Presse écrite

Date : 26 JUIN 15

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

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LOISIRS 0512644400509Tous droits réservés à l'éditeur

CHINEDissident en exilIcône de la dissidencechinoise. Chen Guang-cheng viendra en Francefin août pour la sortie deses Mémoires, L'avocataux pieds nus (chezGlobe) le 27 août. Aveu-gle, cet autodidactedéfenseur des droits enChine, et notammentcelui des femmes for-cées à être stérilisées, aété emprisonné quatreans avant de réussir às'échapper et trouverrefuge à l'ambassadeaméricaine de Pékin,jusqu'à son départ pourNew York en 2012.

Date : 20/26 AOUT 15

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 578282

Page de l'article : p.99-102Journaliste : Mariana Grépinet

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matchdocumentOn le surnomme « l'avocataux pieds nus » parce qu'il aappris son métier en autodidacte,Dissident, farouche défenseurdes droits, ce Chinois de43 ans, aveugle dès I enfance,a fui sa terre après six ansde persécutions, de prisonet de tortures. Installe auxEtats-Unis depuis 2012,il publie son autobiographie.A Paris Match, il raconte sondestin exceptionnel, évoqueun PC chinois «diabolique» ettire la sonnette d'alarme :« ll faut toujours surveillerson gouvernement.»A bon entendeur...PAR MARIANA GREPINETPHOTO SÉBASTIEN MICKE




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l'homme cache ses yeux derrière d épaisses lunettesnoires Mal à l'aise à l'idée de les enlever Même pourla photo de Paris Match Pudeur7 « Mes yeux sonttrès sensibles je dois les protéger», confie ChenGuangcheng de sa voix grave Ses lunettes sontdevenues un symbole Lorsqu'une vague de soutienimmense s'est levée en 2011 dans le monde entierpour protester contre les persécutions dont il étaitvictime ses partisans ont publié sur Internet desportraits d eux avec des lunettes noires A 43 ans,

i le dissident chinois est une icône Lui,le petit dernier d'une fratrie de cinq garçons

I né dans une modeste famille de paysansen 1971, en pleine Révolution culturelle, s'est fait le défenseurdes opprimés Un «avocat aux pieds nus» Juristeautodidacte, il s'est battu pour les droits des handicapés etcontre les abus et les dérives du système chinois Devenu unennemi aux yeux des autorités, il a passé quatre ans en prison,de 2006 à 2010, avant d être assigné à résidence avec safemme et leurs deux enfants dans son village de Dongshigu,dans l'est du pays ll a réussi à s'échapper en 2012 et à trouverrefuge aux Etats-Unis, où il vit dans la banlieue nord deWashington ll a fait venir son épouse, Weijmg, et leursdeux enfants, Kerui, 12 ans, et Kesi, 10 ans Et aussi sa mèreet son frère aîné Après avoir suivi un cursus sur mesure dedroit à l'université de New York, il a rejoint, pour promouvoirla démocratie une université catholique réputée conservatricede Washington, linstitut Witherspoon et la Fondation Lantospour les droits de l'homme et la justice, proche desdémocrates Après trois ans, le consuménsme américainne semble pas l'avoir contaminé ll habite un appartementmonacal Au-dessus de son bureau - une simple table noire -,il a affiché un portrait de son modèle Martin Luther King

on, la Chine ne^^F ̂ ^F I I ̂ X I I 4 I Vl ̂ ^ I I I I I ̂ ^ I I ̂ ^

s'est pas démocratisée,la répression est plusféroce que jamais !"

En 1988 la famille est reunie pour I anniversairede h grand-mère de Chen (a gauche au deuxieme rang)

En haut a droite sa maison a Dongshigu En bas Chenet beijing le jour de leur mariage en fevrier 2005

Paris Match. En 2012, le monde entier a raconté votre rocam-bolesque évasion. Soixante-dix gardes étaient charges de voussurveiller. Comment avez-vous réussi à vous enfuir?

Chen Guangcheng Cela faisait plus d'un an que je planifiaiscette évasion J avais déjà tenté plusieurs fois, en vain Mon isole-ment, dans ma propre maison, était presque total aucune sortie,aucun visiteur, aucune nouvelle ni aucun contact avec le mondeextérieur J avais purgé ma peine de prison, maisje nétais toujourspas libre Jetais lennemi le contre-révolutionnaire et je n avais pasI intention de courber I échine A cette époque les gardes vivaientavec nous Plusieurs fois ma femme et moi avons eté roues decoups devant nos enfants Quand nous étions a table ils étaientlà à nous regarder manger S échapper semblait impossibleNous avions commencé a creuser un tunnel ll faisait 2 mètres deprofondeur lorsqu'il a été découvert Un jour, le 20 avril 2012, lemoment s est présente Un des gardes était parti chercher de l'eauNous savions que pendant quèlques secondes, il bloquerait la vuede son collègue qui ne pourrait plus me surveiller J'ai bondi et tra-versé la cour Bien qu aveugle je connaissais chaque centimètre deterrain autour de chez moi et dans mon village J'ai franchi un pre-

mier mur, puis d'autres Huit en tout Monévasion était de la folie J'ai traversé lejardin de mes voisins je suis tombé, je mesuis cassé le pied droit en retombant malLa nuit tombait, ça rn a aidé Au bout devingt heures, jai réussi à me retrouver endehors du village ll pleuvait j étais couvertde terre, j'ai rampé pendant des heuresUne fois dehors, comment avez-vousrejoint Pékin ?

Parvenu au village voisin j ai fait cher-cher un ami par des habitants Puis d autresrn ont aide à me rendre a Pékin où j'aitrouvé refuge dans un appartement grâceà un ami activiste De là, j ai pris contactavec lambassade des Etats-Unis qui rn ap-paraissait comme I endroit le plus sûr deChine ll a été convenu qu un vehicule delambassade me retrouverait à un lieu derendez-vous où je me rendrais moi-mêmeen voiture Maîs les services de sécuritéchinois nous ont repéres et s'est ensui-vie une course-poursuite dans les rues dePékin Pour finir, nous nous sommes arrê-tés Mes amis m'ont attrapé par le bras etpoussé dans la voiture de lambassade




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En haut à gauche, Linyï ou Chen passa quarante-troismois de détention En bas des soutiens interdits

de lui rendre visite apres sa sortie de prison En hauta droite, dans la cour de sa maison, devenue sa

nouvelle prison En bas avec une mère célibataireet ses enfants handicapés quila défendus

Pourquoi cette ambassade plutôt qu'une autre, pourquoi pas ^la France par exemple?

Les Etats-Unis avaient une position forte sur les droits del'homme, jai pensé qu'ils seraient les plus à même de s'opposerau Parti communiste chinois. Je n'ai pas pensé aux autres pays.Nicolas Sarkozy était très volubile sur les droits de lhomme, mais ilsemblait plier face au poids des Jeux olympiques en ChineAvez-vous eu peur d'être abandonné par les Américains?

Oui ll y a eu un revirement d attitude peu de temps aprèsmon arrivée. J'ai eu le sentiment que ladministration d Obamacédait face au PC chinois. On me poussait à accepter des chosesinacceptables: les négociateurs américains voulaient se débar-rasser de moi en m'envoyant à l'hôpital Ma sécurité n'était pasassurée Quant à ma famille, je n'avais aucune assurance qu ellepourrait me rejoindre Mon épouse avait été interpellée et inter-rogée pendant des heures, ligotée à une chaise, lorsque les gardess étaient rendu compte que je n étais plus chez moi ll se trouveque quèlques jours plus tard devait avoir lieu un sommet écono-mique sino-américam auquel devait participer Hillary ClintonJ'étais devenu un sujet d'embarras pour les deux pays Finalementje me suis rendu à l'hôpital J y ai reçu un appel de Washington.La commission exécutive du Congrès sur la Chine, réunie enurgence, examinait ma situation. Je me suis adressé directement àeux Je leur ai dit que je ne me sentais plus en sécurité en Chine etque je souhaitais partir pour les Etats-Unis Ça a mis une énormepression à l'administration d'ObamaAveugle à 5 mois, après une maladie qui n'a pu être soignée,quel destin s'offrait à vous en pleine Révolution culturelle?

Dans les campagnes chinoises, un aveugle n'avait pas beau-coup de métiers à sa portée, ni de moyens de subsistance. Il yavait très peu d'écoles pour malvoyants. Quand j'étais petit, onpouvait devenir conteur ou devin et aller de village en village direla bonne aventureComment avez-vous convaincu vos parents de vous envoyermalgré tout à l'école ?

J'ai entamé le cycle primaire à 17 ans Nous commencionsà entendre parler du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis J'ai poussé mes parents à m'inscrire à l'école Puis je suisallé dans une université spécialisée en acupuncture et massage,

avec pour objectif de travailler dans le domaine de la médecinetraditionnelle chinoise, seule carrière possible pour un étudiantaveugle en dehors de la musique C'était une charge énormepour ma famille. Les frais de scolarité étaient élevés et il fal-lait encore ajouter mes dépenses quotidiennes et l'achat desmanuels Nous n'avions des livres que pour la moitié des cours,mais dès la fin du premier semestre, je n'ai plus eu les moyensd'en acheter Pour économiser au maximum, je me restreignaissur la nourriture. Pendant toutes mes années d etudes, je n'aijamais mangé à ma faim. Je n'avais aucune énergie. Et ça affec-tait ma santé et ma mémoire.Quand vous êtes-vous retrouvé pour la première foisconfronté au gouvernement chinois ?

De manière indirecte, je l'ai affronté dès 1992 en me révoltantcontre les impôts frappant les personnes handicapées. En 1991,une loi sur la protection des personnes handicapées était entréeen vigueur. Mais ma famille continuait à payer des impôts exor-bitants J'ai toujours senti que je n'avais pas le choix, que je devaisme battre pour plus de justiceVous avez gagné des combats : vous êtes parvenu, entreautres, à faire forer un puits dans votre village où l'eau étaitpolluée à cause d'une gigantesque usine à papier. Et lesinfirmes de Pékin vous doivent de pouvoir prendre le métrogratuitement.

En 2003, j'ai poursuivi en justice le métro de Pékin qui a fmipar reconnaître la carte d'invalidité nationale et enfin permis l'ac-cès gratuit aux transports pour les handicapés Cette société amême été la première à autoriser toute personne accompagnantun handicapé à voyager gratuitement, devenant presque unmodèle dans le monde Maîs la plupart des autres villes de Chinecontinuent à faire payer les infirmesMalgré votre absence de diplôme de droit, vous êtes devenuun "avocat aux pieds nus". Qu'est-ce que cela signifie?

C'est une allusion aux "docteurs aux pieds nus", une expres-sion datant de la Révolution culturelle. Le gouvernementautorisait à I epoque des paysans à acquérir des compétencesmédicales de base pour soigner les habitants de leur régionOn les appelait ainsi car ils allaient aux champs sans chaussures.Dans la Chine rurale, les avocats étaient, il y a vingt ans, aussipeu nombreux qu'aujourd'hui. Il y a beaucoup d'abus et per-sonne n'ose défendre les villageois contre le gouvernement.Il faut apprendre à le faire nous-mêmes. Ces paysans qui ontappris le droit tout seuls sont connus sous le nom d "avocatsaux pieds nus" Le gouvernement ne les a jamais soutenus, aucontraire, il les persécute. De mon côté, je m'intéressais beau-coup à la loi chinoise, et j'avais amassé sur le sujet de nombreuxouvrages que ma famille me lisait à voix haute quand j étais à lamaison Je m'efforçais de les mémoriser. J'ai commencé par despétitions puis jai intenté de véritables procès Au début, jetaissurtout sollicité par des handicapésComment vous payaient-ils?

Ils n'en avaient pas les moyens, maîs faisaient de leur mieuxpour m'aider. Nous mangions la nourriture que nous faisionspousser, nous avions peu de dépenses Mon père avait une petiteretraite, il nous aidait également C était dur Mais le travail que jemenais correspondait aux idéaux que je défends • offrir aux gensordinaires un moyen pacifique de résoudre leurs problèmes.En 2005, vous élargissez votre champ daction en attaquanten justice les autorités locales qui harcèlent les familles ne res-pectant pas la politique de I enfant unique. Que se passait-ilexactement ?




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ll Ma femme et moiavons été roués de coupsdevant nos enfants"

La campagne gouvernementale pour la politique de lenfantunique s'était intensifiée et avait pris un tour brutal On stérili-sait de force les parents qui avaient déjà deux enfants et on obli-geait les femmes à avorter. Lorsque le troisième trimestre étaitdéjà entamé, un poison était injecté dans la tête du foetus, puisle travail était déclenché par voie médicamenteuse Et si lenfantnaissait en vie, les médecins lui tordaient le cou ou le noyaientSi quelqu un tentait de s'enfuir, ils s'en prenaient à sa famille. Cesmesures de répression étaient une réplique quasi identique descampagnes passées. En six mois, dans le seul district de Linyï,600 000 personnes ont été harcelées et 130 DOO stérilisées ouforcées à avorter. Maîs cela se passait aussi dans tout le pays,même si nous n'avions pas les moyens d'être informés En Chine,au cours des trente dernières années, ce sont 400 millions debébés qui ne sont pas nés à cause de cette politique Cette lutteavait aussi pour moi un caractère très personnel car cette année-là, Weijmg, mon épouse, était enceinte de notre second enfantComment avez-vous réussi à alerter le monde sur ce sujet?

Je m'étais rendu compte que, lorsque des citoyens ordi-naires subissent des injustices de la part des autorités, les médiaspeuvent devenir une arme puissante Le gouvernement bloquaitles sites présentant les résultats de nos enquêtes Mais /avais descontacts avec des journalistes étrangers et le "Washington Post"a publié un article qui a contraint la Commission nationale de lapopulation et du planning familial à déclarer officiellement quetous ces abus "locaux" étaient contraires à la loi.Les abus cessent, mais vous devenez un homme à abattre...

Oui, peu de temps après, j'ai été enlevé et condamné àquatre ans de prison Officiellement pour avoir dégrade dumatériel et perturbé la circulation Mon procès s'est ouvert enaoût 2006 Après le jugement, le président de la cour est venume voir pour savoir si j'allais faire appel ll rn a expliqué que toutle monde savait que mon procès était une supercherie, maîs qu'ilny pouvait rien. En tapant du poing sur la table, il rn a dit "Tôt outard, la vérité sur cette affaire sera révélée au monde " Les auto-rités pensaient que j étais dangereux Maîs j'étais très soutenu enChine et à létranger Je n'avais pas peur Mes idées étaient trèsclaires, le système était immoralQuelles méthodes utilise le pouvoir pour faire pression survous?

En haut ag a son

arrivée aux Etats-Unis

le 19 mai 2012, Chense rend a luniversite deNew York ou il remercieses soutiens Au centre,avec Hillary Clinton à laFondation Lantos en

2013 A droite, avec son

épouse Wei]ing et leursdeux enfants, KeruietKesi, a Washington

Toute ma famille a été impliquée Pas seulement ma femmeet mes deux enfants Ma mère, mes frères ont été persécutésaussi La pression était extrême, maîs je savais que cetait une tac-tique destinée à me faire peur.Avez-vous eu peur de mourir?

Oui, souvent En prison, beaucoup de gens mouraient. Onme disait que, si je n'arrêtais pas mon travail, je pourrais mourirLa prison a été un enfer Pendant mes quatre années et demiede détention, ma femme n'a pu me rendre visite que six fois J'ai

été battu, malade car la nourriture était atroce et ava-riée, l'eau sale et non potable On m a empêché devoir un médecin. Mes intestins ne se sont jamais remisAujourd hui encore, j'ai des diarrhées sanglantes..Maîs je n'ai pas cédé.Les persécutions continuent-elles en Chineaujourd'hui?

Oui Mes amis, ceux qui m'ont aidé à m'échap-per, ont été arrêtés et emprisonnés. La répression desdéfenseurs des droits de lhomme n a fait que s intensi-fier depuis mon départ. C'est une erreur de penser quela Chine est plus démocratique, qu elle se libéralise.Vous vivez dans la banlieue de Washington.Qu'est-ce que vous appréciez le plus? Et qu'est-ce

que vous n'aimez toujours pas?Ce que j'aime le plus, cest la liberté et la nature, la sincérité et

laccueil des Américains. Maîs je n'aime vraiment pas le fromage 'Qu'est-ce qui vous manque?

Tout : chaque brin d'herbe de mon village, les arbres, mesgentils voisins. Mes amis et tous les gens qui se sont battus pourmoi J'espère pouvoir les revoir Mon neveu était encore en prisonil y a peu Je suis certain que je retournerai en Chine Le pays vachanger C est impossible de dire quand, mais ça va arriverPourquoi ce livre est-il important?

J'ai voulu l'écrire pour dire que, peu importe la difficultédu combat, il faut se battre J ai aussi voulu montrer au mondeentier à quel point le Parti communiste chinois est diabolique.Il est malfaisant et pervers Et s'il est à ce point violent enversson propre peuple, peut-on attendre qu'il soit plus respec-tueux avec les habitants d'autres pays7 La plupart des tou-ristes qui visitent la Chine vont dans les grandes villes Ils ne

savent pas ce qu est la vie pour les 70 % de la popu-lation qui habite à la campagne. Pour eux, la situa-tion ne s'est pas améliorée. Et puis, même dans lesdémocraties, même dans le monde libre, les peuplesdoivent continuer à surveiller leurs gouvernements.Ces derniers sont toujours capables de faire deschoses qui vont à I encontre des valeurs de la nation •

Marana Grpp net S^^Manana^repinet«L'avocat aux pieds nus», de Chen Guangcheng, traduitde l'anglais par Lune Delplanque,

Date : 03 SEPT 15Pays : FrancePériodicité : Quotidien ParisOJD : 314312

Page de l'article : p.16Journaliste : Caroline de Malet

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« Une prise de conscienceva entraîner une sortiedu climat de terreurinstauré en Chineet mener a termea un effondrementdu Parti communistechinois.»

Chen Guangcheng : « En Chine,le peuple est devenu l'ennemi »INTERVIEW Le dissident chinois, exilé aux États-Unis après une évasionrocambolesque, parie, à terme, sur l'effondrement du système communiste.



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Propos recueillis parCaroline de Malet

(Sdemaletcaroline

Aveugle depuis son plus jeune âge etillettré jusqu'à 20 ans, Chen Guang-cheng, 43 ans, est un infatigable dè-fenseur des droits, notamment deshandicapés et des victimes de la po-litique de l'enfant unique. Après

plus de six ans de detention, dont quatre en prisonet deux en résidence surveillée, sous la menaceconstante de représailles physiques, le dissidentchinois s'est évadé en 2012 de son village rural deDongshigu, au Shandong (côte est). Parvenu à dé-jouer la vigilance d'une soixantaine de gardes, alorsqu'il était très affaibli, et le pied cassé au bout dequelques mètres, il s'est réfugié aux États-Unis avecl'aide de l'ambassade américaine à Pékin. Accueilliun an par l'université de New York, il vit désormaisà Washington avec sa femme et ses deux enfants etpublie son histoire dans un livre, L'Avocat auxpiedsnus, préfacé par le dalaï-lama (i).

LE FIGARO. - Qu'avez-vous trouvé le plus durau cours de vos six années de detention ?Chen GUANGCHENG. - II m'a fallu en permanen-ce nie contrôler. En prison, j'avais réussi à nie pro-curer une petite radio. Or le pire pour moi était dene rien laisser paraître quand j'apprenais qu'ilsavaient maltraité mes proches, sous peine de nie lafaire confisquer. Je nie contentais donc d'exprimermes exigences après avoir vu ma femme au par-loir. Au cours de ma résidence surveillée avec mafamille, je devais assister, impuissant, aux coupsque nos gardes portaient à ma mère. Car les pro-vocations avaient précisément pour but que jeporte des coups à la police pour avoir un prétextede nie sanctionner davantage. Ce qui nie mettaitsurtout en fureur, c'était les mensonges sans ver-gogne du Parti communiste chinois, qui m'arrêtaitviolemment et me torturait tout en affirmant quela loi était respectée.

Votre course-poursuite dans Pékin, au terniede votre évasion, relève d'un veritable thriller...Oui, nous étions tous dans une situation paroxysti-que. Avec trois voitures de police à mes trousses, levehicule de l'ambassade américaine faisait son pos-sible pour se rapprocher de mon vehicule afin que jepuisse m'y réfugier. Ça a été un moment vraimentintense. Je me suis demande si j'y arriverais. Il a fal-lu courir puis atteindre l'ambassade. Là, je me suisdit vraiment que les États-Unis étaient une super-puissance mondiale en matière de droits de l'hom-me. Aucun autre pays n'est capable de déployerautant de moyens pour sauver un homme.Comment expliquer que votre exil ait été négociéau plus niveau des États chinois et américain ?En quoi étiez-vous si gênant ?C'est lié à ma personnalité. Quand les autoritéschinoises ont compris mes intentions, elles ont es-sayé de m'acheter. Lorsqu'elles ont réalisé quecela ne marchait pas et que je continuais à me bat-tre, elles ont eu recours à d'autres méthodes, enme kidnappant et me torturant, avant de m'enfer-mer dans mon village. Ceux qui essayaient de merendre visite étaient violentés. Je n'étais pas aucourant, mais la presse s'en faisait l'écho. Cela acontribué à la prise de conscience des Chinois.Mon cas n'était donc plus un cas personnel maisnational et même international. Il faut aussi bienvoir que j'ai touché à une question taboue de la po-litique chinoise en m'attaquant à la politique del'enfant unique. On ne parle pas seulement de130 000 avortements ou stérilisations forcés.L'entourage de chaque femme ayant égalementété intimidé ou battu, cela concerne donc en tout600 000 personnes.

Comment avez-vous pu devenir avocat,alors que, en tant qu'aveugle, vous n'avez mêmepas eu le droit d'aller à l'école petit ?



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I La première* puissancemondiale est enposition d'exigerde la Chinequ'elle respecteles droitsde l'homme. Oron a l'impressiond'un vassalqui s'adresseà un empereur.J'attendsun hommeprovidentielaméricain

Je suis devenu juriste sur le tas, pour venir en aideaux victimes des exactions diverses, paysans ouhandicapés, souvent très pauvres et que très peud'avocats acceptent de dèfendre, d'autant qu'ils'agit de simples citoyens attaquant l'administra-tion. C'est un magazine américain qui, lors de monévasion, m'a qualifié d'« avocat aux pieds nus »,en référence aux « médecins aux pieds nus » del'époque maoïste.

Les représailles sur vos proches ne vous ont pasfait regretter d'avoir fui votre pays ?Mon évasion était inéluctable. Sinon, les journalis-tes et ma famille auraient continué à être battus.Bien sûr, les persécutions se poursuivent. Mon ne-veu, qui était emprisonné, vient juste d'être libéré.Mes amis Guo Yushan, He Zhenjun et Hu Jia ontété arrêtés ou placés en liberté surveillée. Mais lefait que ma situation soit connue du monde entiera sensibilisé à ce qui se passait à Dongshigu.

Avez-vous l'espoir de retourner un jour en Chine ?Cela ne pourra être lié qu'à un changement de ré-gime. En attendant, je suis très heureux aux États-Unis, où je jouis pleinement de ma liberté.

Comment analysez-vous le durcissementdu régime depuis l'avènement de Xi Jinping ?Cela reflète la panique des dirigeants face aux réac-tions de la société civile. Cette répression va conti-nuer à s'aggraver, jusqu'à ce que les forces de la ré-bellion deviennent plus fortes que les forces de larépression. Car une prise de conscience va entraî-ner une sortie du climat de terreur instauré enChine et mener à terme à un effondrement du Particommuniste chinois. En attendant, celui-ci se dé-fend et le budget de la sécurité intérieure a dépassé

celui de l'armée. L'ennemi est devenu le peuplechinois. Le jour où cela s'écroulera, la Chine pourrafonctionner comme une dèmocratie et les Chinoisauront le droit d'entrer et de sortir librement. Je nepense pas y assister : ce n'est pas pour tout de suite,mais c'est inéluctable.

Qu'attendez-vous de la rencontre entre BarackObama et Xi Jinping à Washington en septembre ?Franchement, pas grand-chose. Ce n'est pas la pre-mière fois que les deux dirigeants se rencontrent,sans effet. La première puissance mondiale est enposition d'exiger de la Chine qu'elle respecte lesdroits de l'homme. Or on a l'impression d'un vassalqui s'adresse à un empereur. J'aimerais voir unprésident américain ayant assez d'énergie pour im-poser le rèspect des lois. Les États violant les loisdevraient être condamnés et sanctionnés. J'attendsun homme providentiel américain.

Quelles conséquences la crise financièrepeut-elle avoir sur le régime actuel ?L'économie chinoise s'est développée de façonbancale. Le PCC utilise l'argent de la croissancepour la répression. Cette économie n'a servi qu'àdénaturer toute la société. Sachant qu'ils peuventêtre dèpossédés, les riches pratiquent l'évasionfiscale et envoient leur argent à l'étranger. La ter-reur et l'insécurité qui régnent impactent la bon-ne marche de l'économie. À quoi sert une écono-mie qui n'est pas au service de la population ?Comme le dit un didon chinois, « peu importeque les rats soient gros ou maigres, ils seront tousmangés par le chat ». •(i) «L'Avocat aux pieds nus. Un récit haletant aucœur de l'injustice et des inégalités de la Chinecontemporaine », Chen Guangcheng, Globe, 352 p.,24,50 euros.

Date : 21 SEPT 15

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 93781

Page de l'article : p.32Journaliste : Laurence Defranoux

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Divergence cie uue(s)Chen Guangcheng Traqué par le régime chinois,ce dissident aveugle, défenseur des libertés, estpassé par la prison avant de s'exiler aux Etats-Unis.

Les doigts suivent nerveusement le bord de la table. Sou-rire éclatant, lunettes noires élégantes, le corps toutentier attentif aux paroles et aux bruits. Seule une ten-

sion extrème laisse deviner chez ce quadra séduisant, venudes Etats-Unis, les épreuves traversées. Chen Guangchengest un roc. Que la puissance de la répression chinoise n'a pasréussi à briser.Il est né en 1971 dans un petit village du nord-est de la Chine.Les paysans y vivent dans des conditions moyenâgeuses, lasolidarité est leur seule richesse. Il décrit la faim, la misèrenoire orchestrée par le Parti communiste qui va jusqu'à con-trôler le ramassage des feuilles mortes, combustible rare etprécieux. Celui qui ne s'appelle encore que «Petit Cinquième»a perdu la vue, bébé, après une maladie. La «grande famille»du village est cruelle avec l'enfant handicapé, moqué, méprisé,«jamais vraiment considéré comme un être humain». Interditd'école, il explore la nature, Joue, nage, travaille aux champs.La radio et les fables que lui lit son père font son éducation,à l'écart de la propagande officielle, mais pas de ses effets.En 1978, sa chienne adorée est pendue dans le cadre d'une «di-rective antichiens». A18 ans, il apprend enfin à lire dans une

école pour aveugles, où il se bat pour améliorer les conditionsde vie des élèves, crasseux et affamés. Durant des années, il vas'acharner à défendre les droits de IOU millions de handicapéschinois auprès de la toute-puissante administration.Chen Guangcheng explique que l'écriture de son livre a étélongue et difficile, la plongée dans le passé générant «des bouf-fées de colère immenses». Sa collaboratrice, Da-nica Mills, témoigne d'un travail de titan entre lebraille, le chinois et l'anglais.Parallèlement à ses études d'acupuncture, le jeunehomme devient un «avocat aux pieds nus», comme on appe-lait «docteurs aux pieds nus» les paysans formés aux premierssoins sous Mao. Un avocat sans diplôme qui porte des dossiersde plus en plus complexes devant les tribunaux et devient unsymbole de la lutte pour les droits civils en Chine.Pour Chen, même l'amour est un combat. Après avoir entenduune jeune femme dans une émission de radio locale, il lacontacte. Opposée à son mariage avec un paysan aveugle,la famille de Yuan Weijing ne viendra pas à la cérémonie.Vingt ans après, Weijing, grande et belle femme enjouée auchemisier léopard qui l'a accompagné à Paris, rigole : «Quang-

Date : 21 SEPT 15


Page de l'article : p.32Journaliste : Laurence Defranoux

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cheng ne change jamais d'avis. C'est très fatigant de vivre aveclui.» Le jeune couple brave la loi et fait deux enfants, Kerui etKesi. En 2005, l'autodidacte enquête sur les terribles dérivesde la politique de l'enfant unique -avortements et stérilisa-tions forcés, violences, racket- et dépose plainte contre lesautorités locales. Pékin ne lui pardonnera pas. «Le Parti sevexe quand des individus font le travail qu'il ne fait pas», expli-que-t-il. Il est jeté en prison sous un prétexte futile. A sa sortie,quatre ans après, il est escorté dans son village, transforméen camp retranché. Pour l'empêcher de communiquer avecl'extérieur, des dizaines de gardes, des caméras épient chacunde ses gestes jour et nuit. Son fils est interdit d'école, les lignestéléphoniques coupées, les portables brouillés, la famille har-celée. Un journaliste de Libération qui tente, en 2010, de luirendre visite est chassé à coups-de-poing par des malabars,et son matériel confisqué. Weijing raconte qu'elle a été tentéepar les accords financiers offerts si son mari renonçait à sescombats. «Même si notre survie était enjeu, il a toujours refusé,me disant que j'étais naïve.» L'amour résiste-t-il à tant d'épreu-ves? «La force du mal était à l'extérieur. Peut-être que sans cebut commun, on se serait disputés.» Chen pense que les offi-ciels cherchaient à le provoquer. «Quand ils ont cogné la têtede ma mère sur une marche, j'ai dû garder mon self-controlsinon, je serais reparti dix ans en prison.»Car bien que le dalaï-lama aitpréface son livre, Guang-cheng n'a rien d'un pacifiste. • 1971 Naissance«J'ai choisi la voie du droit à Dongshigu (nord-estparce que j'étais aveugle. Si de la Chine).j'avais été voyant, j'aurais • 2OO6 Condamnécassé la gueule à tous ceux à quatre ans de prison.que je voyais commettre une • 2OO7 Prixinjustice. Je crois que je me se- Magsaysay (équivalentrais retrouvé en prison de asiatique du Nobeltoute façon, s'amuse-t-il. Une de la paix).chose est sûre: j'aurais été sur • 2O12 Evasionla place Tiananmen en 1989.» et exil aux Etats-Unis.Malade, affaibli, il réussit • 2O15 LAvocat auxnéanmoins à s'évader de sa pieds nus, éd. Globe,maison prison en 2012 et à re-joindre l'ambassade améri-caine. Les Chen vivent désormais à Washington, «à l'abri dubesoin, dans une petite maison». Chercheur pour le Wither-spoon Instituts, il est en contact permanent avec les réseauxmilitants chinois, luttant contre la «grande muraille dusilence» imposée par le Parti : «Internet a aboli les distances.»Weijing l'assiste, mais l'apprentissage de l'anglais est difficile,sauf pour les enfants.

Le dissident est plus que jamais révolté contre le régime deXi Jinping. «Evidemment, nous préconisons des méthodesrationnelles et légales. Mais quand la société est menacée, on seridiculise en gémissant "Peace and Love" face à des gangsters.Aujourd'hui, en Chine, la seule réponse à la violence absurdeest la violence.» Il s'agite, hausse la voix. «Si vous vivez en paix,c'est parce que les générations précédentes se sont battues pourvotre liberté. Les Chinois commencent à comprendre que le sys-tème est pourri. Mais se libérer de la terreur est difficile.» AuxEtats-Unis, il s'est lié avec des élus républicains. Le professeurJerome A. Cohen, spécialiste du droit chinois à New York,commente la désillusion de Chen vis-à-vis de l'activisme paci-fique : «On peut comprendre sa colère et safrustration. Les tri-bunaux ont été incroyablement fermés à ses efforts pour obtenirjustice. Durant ses trois ans passés en Amérique, la situationdes droits de l'homme s'est encore détériorée en Chine. Avec lesénormes obstacles qu'il a rencontres, la patience de n'importequel réformateur serait entamée.»Reste un mystère. Pourquoi Pékin a-t-il tant investi pour lemaintenir en résidence surveillée? «La logique de notre pou-

voir est difficile à comprendre de l'extérieur. J'avaisdéjà fait beaucoup plus de prison que ce pour quoion m'a condamné. M'expulser n'était pas une solu-tion, car j'aurais pu m'exprimer depuis l'étranger, et

ce que le Parti déteste le plus, c'est qu'on parle mal de la Chine.Mais s'ils avaient pensé que j'arriverais à m'évader, j'auraispeut-être été éliminé, commeLi Wangyang, militant retrouvépendu dans sa cellule.» Est-ce le mépris pour les handicapésqui a sauvé Guangcheng, la police n'imaginant pas qu'unaveugle pourrait la berner? Il n'y avait jamais pensé. Il éclatede rire. Sa poignée de main est longue, vibrante, émouvante.Le roc a baissé la garde. <••

Par LAURENCE DEFRANOUXPhoto RÉMY ARTIGES

M LE MAGAZINE DU MONDEDate : 05 SEPT 15Pays : France

Périodicité : HebdomadaireOJD : 256440

Page de l'article : p.92-94Journaliste : Pascale Nivelle

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Dissidentsuperstar,Ses lunettes noires sontdevenues un emblèmede l'opposition au régimechinois. Veritable icônedu Web, courtisé par Holly-wood, Ghen Guangchengvient de publier son auto-biographie. Prison, torture,fuite aux Etats-Unis...L'avocat aveugle y dénonceaussi la décompositiondu parti, encore mise enlumière par les explosionschimiques de Tianjin.

.• PASCALE NIVELLE - i : MATTHEW TAMMARO

OLLYWOOD A PRÉEMPTÉ SON HISTOIRE Cela OCl'étonné pas < Aucun scénariste n * au-rait fait mieux ' » Le budget seraraisonnable, il suffira d'une paire delunettes de soleil, d'une ferme en brique,de quelques figurants patibulaires qui

fument en \ idant des canettes de Tsingtao, d'une ambassadeaméricaine à la John Le Carré Le pitch tient en deux lignes« Chen, jeune paysan chinois a\ eugle et illettré, de\ lent avocatet part en croisade contre la dictature Seul, il parviendra à fairetrembler l'empire du Milieu » Chen Guangcheng parle et rittrès fort dans le petit hôtel parisien où il fait la promotion de sonautobiographie, L'Af ocat aux pieds nus, tout juste publiée enfrançais chez Globe Un ouvrage qui paraîtra bientôt en manda-rin à Tara an Ce projet de film le « ravit » Quel pied de nezau Parti communiste chinois ' Peu importe qu'il devienne un< produitderive' » < Tous les moyens sont bon s » pour ré\ éler lesabus d'un « pouvoirpoum jusqu 'au cœur » dans cette Chinedevenue « une énorme bombe à retardement Les explosionschimiques de Tianjin [le 12 août, NDLR] en sont rexemple Atout moment et partout peut se produire ce genre de catastrophe,que le Parti n 'a pas la capacité de régler »Visage levé vers le plafond, derriére les lunettes noires qui ontcontribué à sa célébrité, il semble implorer « J'espère que ce seraun film daction palpitant, f ait pour le grand public Quand lesgens vont voir les scènes de torture, cela va leur faire un effetterrible f Hy a des images que les mots ne peuvent dire » Déjà, ilimagine la scène de son évasion, sous le nez d'une dizained'hommes de main recrutés par le Parti local pour le surveillerdans sa ferme de Dongshigu, dans la province du Shandong« Au premier mur, de quatre mètres de haut, j'ai cassé tueslunettes Au cinquième mur, f ai attendu Famvêed'urj tracteurqui passait chaque soir pour sauter sans me faire entendre Etla, je me suis brisé la cheville » Sans lunettes, impossible dereconnaître « l'a\ ocat aveugle », torture et jeté en prison pouravoir voulu faire appliquer le droit, et dont la photo a inondé • • •




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•••les réseaux sociaux chinois, En 2011, alorsqu'il était coupé du monde, assigné à rési-dence, des centaines de citoyens ont posté desautoportraits avec lunettes noires sur Internet,aussitôt censurés. Chen Guangcheng a déclen-ché « la première campagne virale de militan-tisme politique en Chine », écrit le journalisteaméricain Evan Osnos dans Chine. L'Age desambitions (Albin Michel). Dans sa ferme, leslunettes servaient aussi de tableau noir, pourenvoyer des messages. Quand les officiels vou-laient l'obliger à poser en photo avec eux pourprouver que tout allait bien, le militant écrivaità l'encre blanche sur ses verres fumés : « Ilsmèritent », « Ne croyez jamais le PCC ». Lesclichés ne sont jamais sortis de la cour. Lui, uneseule fois en deux ans, est parvenu à trans-mettre une petite vidéo qui a fait le tour dumonde. Survêtement Nike et lunettes noires,comme dans une pub « Just Do It », il racontaitles traitements inhumains qu'infligeait le Partià toute sa famille.Devenu aveugle quelques mois après sa nais-sance, Chen porte des \ erres opaques depuisque ses veux n'ont plus supporté la poussière,en 1988. Il a 17 ans cette année-là, ses parentspaysans n'ont pas un sou pour l'envoyer àl'école. Il passe ses journées dans la campagne,à caresser l'écorce des arbres, frôler les feuilla-ges, triturer la terre des chemins, enregistrerchaque son de la nature. Son seul avenir est dedevenir masseur, ou conteur ambulant sur lesroutes de campagne, au bon cœur des paysans.Il repousse ce moment, prolonge son enfanceen rêvant derriére son écran noir : « Pendantque mes camarades se faisaient endoctriner àl'école,j 'ai appris la liberté et acquis ma f oi ce. »Résolu à apprendre l'art du massage chinois, ilest, àl8 ans, pensionnaire dans une institutionpour handicapés misérable, loin de sa ferme etde ses quatre frères. Il dècouvre le braille, legoût d'apprendre, de même que l'injustice et« la colère », qui reste son » seul moteur ». A20 ans, il tape aux portes des ministères àPékin pour faire valoir les lois censées protégerles handicapés. A 25 ans, de retour dans sonvillage, il se fait lire à voix haute des ouvragesde droit et se proclame « avocat aux piedsnus », en mémoire des médecins sans diplômede la Révolution culturelle. Des couplesdésespérés défilent dans la ferme.Tous ont étébattus, rackettés, torturés, leurs maisons ontété détruites, leurs biens pillés. Les femmesont été avortées ou stérilisées de force parcequ'elles attendaient l'enfant de trop ou luiavaient déjà donné naissance. Dans la seuleville de Linyï, la plus proche de chez lui,près de 10000 femmes auraient subi les repré-sailles d'autorités soucieuses de remplir lesobjectifs du Parti et les poches de ses cadres.« A l'échelle de la Chine, c'est un crime contrel'humanité », dénonce Chen Guangcheng.Il monte des dossiers, traîne dans les tribunaux,alerte les médias... En mai 2006, il figure parmi

Aux Etats-Unis,il dècouvre que

la democratie estmoins belle quedans ses rêves etcomprend quela propagande

n'est pasl'apanage des

dictatures.les 100 personnalités de l'année, selon TimeMagazine. La légende s'installe. Furieuses, lesautorités de sa région le renvoient devant desjuges pour « entrave a la circulation » et« troubles à l'ordre public ». Il passe quatre anset demi derriére les barreaux, dans une cellulede moins de 30 m2, où il y a seulement onzepaillasses pour 36 détenus. En exil, la prisoncontinue de hanter ses cauchemars : « Rien, quesur la torture,} 'ai de quoi écrire un livre entier.Ce que certains êtres humains sont capablesd'infliger à d'autres est in imaginable. »

LIBERE, IL EST CONDUIT DANS UNE AUTRE FORTERESSESa propre maison, hérissée de caméras de sur-veillance et gardée par des dizaines de sbirespostés devant les fenêtres obturées par desplanches. Il y passe quinze mois, enfermé avecsa mère, sa femme Yuan Weijing et leurs deuxenfants, interdits d'école. Les visiteurs sontsystématiquement évincés, à coups de poing etde pied quand ils sont chinois, plus civilements'ils montrent un passeport étranger. Desdiplomates, des journalistes, tentent de forcerle barrage. Même l'acteur Christian Bale,superstar en Chine, est refoulé. Ce qui fait direà Kerui, le jeune fils de Chen Guangcheng :* Batman estven,u tevoir! » Au printemps 2012,selon l'avocat, la province du Shandong a déjàdepense 7 millions de dollars pour le faire taire.Maîs la « campagne virale » ne cesse de s'éten-dre. Dans plusieurs grandes villes chinoises, lesvoitures se constellent d'autocollants « FreeCGC », avec le visage de l'homme aux lunettesnoires dessine comme sur les pubs de KFC, leKentucky Fned Chicken dont raffole la classemoyenne chinoise. En Occident, son nom estassocié à ceux de Liu Xiaobo et Ai Weiw ei. Un

Prix Nobel emprisonné, un artiste qui aimelever le majeur et un avocat à lunettes noires.Chaque dissident a sa marque.A Dongshigu, Chen Guangcheng a pris sadécision. Cent fois dans sa tête, il fait le par-cours de son évasion, se rappelant chaquepierre, chaque arbre de son enfance. Le 20 avril2012, il s'élance. Au cinquième mur, il a unpied cassé et plus de lunettes. Il frappe chezun ami d'enfance qui va le sauver. Puis il tra-verse la Chine, allongé sur la banquette arrièred'une Volkswagen Passât. A Pékin, où estattendue la secrétaire d'Etat Hillary Clinton,un rendez-vous secret est pris avec des diplo-mates américains. Course-poursuite avec tête-à-queue dans les rues de la capitale, jusqu'à ceque s'ouvrent les portes de l'ambassade desEtats-Unis. Sauvé? Pas encore. Washingtonsemble céder face a Pékin. Dans la chambre oùil est enfermé, Chen Guangcheng redoute unetrahison. A raison, car ses nouveaux amis finis-sent par le remettre entre les mains des autori-tés chinoises. Il faudra encore bien des péripé-ties avant qu'il monte avec femme et enfantsdans un avion pour New York. Sur le Webchinois, la liste noire des mots censurés s'al-longe : « homme aveugle », « lunettes desoleil », « Les Evadés [Iefi/m, NDLR] »... Lebiopic d'Hollywood pourrait s'achever sur unhomme avec Ray-Ban et petite famille, sauvéde l'enfer... « ̂ Occident cherche des héros, c'estle syndrome guerre froide, commente NicholasBecquelm, directeur de la région Asied'Amnesty International.Mats la Chine n'estpas l'Europe de /'Est. le socialisme n 'y est pasune parenthèse. » Et Chen Guangcheng n'estpas l'écrivain Milan Kundera.Aveugle, paysan, Chinois, il a tout à apprendreen Amérique. Le fossé entre New York et sonvillage est immense. Il dècouvre que la dèmo-cratie est moins belle que dans ses rêves et com-prend que la propagande n'est pas l'apanagedes seules dictatures. Un an après son arrivée,pris entre feux républicains et démocrates, ilcommet un premier faux pas, reprochant à l'uni-versité de New York, qui l'a accueilli, de vouloirle licencier sous la pression de Pékin. Un mau-vais débat s'installe. Chen Guangcheng estrecruté par le Whitherspoon Institute,think tank républicain à la réputation partisane,sur l'avortement notamment. L'avocat desfamilles du Shandong serait-il devenu unconservateur/»/»-///^? Son épouse est désorien-tée par la question. Lui s'y attend et élude : * Lepropre des démocraties est le débat d'idées Maîsmoî, je ne m'engagepas sur ce terrain, je nie senstrop éloigné. » II dit se moquer des électionsaméricaines comme de sa première paire delunettes, tout en critiquant Obama, « présidenttrop faible vts-à-vts de la Chine ». Ce qu'il veut,c'est reprendre son métier d'avocat et revenirvivre en Chine, « à condition de pouvoir enrepartir, carj 'ai pris goût à la liberté ». Sansautre happy end possible. O




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Date : 09 SEPT 15


Page de l'article : p.14Journaliste : François Bougon

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ECLAIRAGES

Un héros de la liberté en ChineLIVRE DU JOUR

±-KAJN^Ulï> BUUCJUIM

C / est un parcours extraordinairequi force l'admiration. Fils depaysans pauvres de la provincedu Shandong, dans l'est de la

Chine, Chen Guangcheng est devenu l'un desdissidents chinois les plus connus, en compa-gnie du Prix Nobel de la paix emprisonné,l'écrivain Liu Xiaobo, et de l'artiste provoca-teur Ai Weiwei. Dans LAvocat aux pieds nus, ilretrace son parcours ; sa naissance en pleineRévolution culturelle, en 1971, sa cécité dèsl'âge de 5 mois après une forte fièvre et l'im-possibilité pour sa mère de se rendre à l'hôpi-tal faute d'argent, son engagement progressifpour la défense des droits, puis son coupd'éclat d'avril 2012, qui le place au centre de né-gociations entre les Etats-Unis et la Chine :l'évasion de son village natal de Dongshigu, oùil était retenu prisonnier, puis, à 600 kilomè-tres de là, son arrivée à l'ambassade améri-caine à Pékin à l'issue d'une course-poursuitedans les rues de la capitale.

Ce sont des pages dignes d'un film d'action- les droits ont d'ailleurs déjà été achetés parHollywood. Mais elles montrent surtout uneréalité composée de vexations, d'humilia-tions et de répression vécues par les défen-seurs des droits. Chen Guangcheng appartientà ce courant de militants et d'avocats qui a étédésigné sous le terme de « weiquan » (« dé-fense des droits » en chinois).

UN PARCOURS SINGULIERPrenant le pouvoir communiste au mot, ilsont cherché à obtenir le respect des nombreu-ses lois adoptées par le Parlement depuis la finde l'ère maoïste. Si, sur le papier, elles lais-saient croire à l'existence d'un Etat de droit,dans les faits, il faut le combat de personnali-tés comme Chen Guangcheng pour obtenirqu'elles soient respectées. Mais à quel prix...

Son parcours est singulier, car son handicapne lui a pas permis de suivre des études dedroit. C'est sur le tas qu'il s'est formé, engagétrès tôt dans la défense de ses droits avantd'être sollicité par ses voisins, d'où son sur-nom d'« avocat aux pieds nus », comme cesmédecins formés sommairement pendant la

Révolution culturelle pour soigner les pay-sans.

Chen Guangcheng s'est fait connaître à par-tir de 2005 par sa dénonciation des abus pro-voqués par la politique de l'enfant unique. Lesmédias internationaux s'intéressent à lui, ildevient célèbre avec ses lunettes noires, il estinvité aux Etats-Unis. Les ennuis vont bientôtnaître, car si cette renommée en fait un hérospour de nombreux Chinois, elle le place aurang des « ennemis » du Parti communistechinois. Il vivra alors le sort de ceux qui ontosé se dresser contre le pouvoir. Condamnéen 2006 pour « entrave à la circulation » et« destruction de bien public », il passera quatreans en prison, puis deux ans en résidence sur-veillée chez lui. Il obtiendra finalement l'exilaux Etats-Unis avec sa famille. C'est désormaishors de sa terre natale qu'il poursuit son com-bat pour une Chine plus respectueuse desdroits de l'homme. •

L'Avocat aux pieds nusChen GuangchengEditions du Globe, 376 p., 24,50 euros

GRAZIADate : 11/17 SEPT 15Pays : France


Page de l'article : p.34,36Journaliste : Sonia Desprez

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LES/ONEWS

SUPER-HÉROS AUXPIEDS NUSLe destin du Chinois ChenGuangcheng, aveugle et avocatde ses compatriotes persécutés,est digne d'un roman. Cestd'ailleurs ainsi que se lit sabiographie. Rencontre. Par sonia DESPREZ

CV. Chen Guangchenga New York en mai

2012 quèlquessemaines après

son arrivée en exilaux Etats-Unis

11 est attablé dans le hall intimiste d'un petithôtel français, se lève pour saluer, guidé paila femme qui l'accompagne, tend une main à lafois ferme et nerveuse Cet homme un peufrêle, avec ses lunettes noires qui cachent des

yeux aveugles, est un héros Comment désignerautrement quelqu'un qui, ayant grandi en Chinedans le dénuement, sans instruction, a réussi àobtenir un diplôme de médecine avant de deveniravocat autodidacte, défendant si bien les droitsdes handicapés et des femmes avortées de forcequ'il a été emprisonné, s'est échappé seul enescaladant des murs, le pied cassé, pour parvenirfinalement à s'exiler, avec sa femme et leurs deuxenfants, aux Etats Unis 5 Dernier de cinq garçons,Chen Guangcheng est né en 1971 dans lacampagne chinoise Ses parents travaillent auxchamps Tout petit, il perd la vue à cause d'unefièvre mal soignée. Là où il vit, une personnehandicapée est considérée comme «un êtreincomplet, voire pas tout à fait humain», comme ill'écrit dans ses mémoires (I) Où a-t-il alors trouvéla force et la confiance pour s'opposer efficacementau totalitarisme du Parti communiste chinois?

«Dehors, considère-t-il. Je n'ai pas été a l'écolejusqu'à mes 18 ans, j'étais tout seul à jouer dansle village, je me suis plonge dans la nature, j'en ai

connu et appris les règles » Le petit garçonbombarde les adultes de questions et écoute bienson pere, le soir, lui raconter les contes morauxtraditionnels de la Chine millénaire ou les romanshistoriques, lom de la propagande diffusée parle Parti dans les écoles. «Plus tard, quand les adultesont commencé a me laver le cerveau, je ne mesuis pas laissé faire je disais: "Donnez-moi vosarguments, et si ce que \.ous dites est raisonnableet correspond aux règles de la nature, je l'accepteSinon, je le refuse " » La curiosité, l'intelligenceet l'opiniâtreté de Chen Guangcheng sontmêmement exceptionnelles

IL DEVIENT VITE UN ENNEMI DU PARTIA 18 ans, il est inscrit dans une ecole pour aveugles,où le coût de ses études est si difficile à assumerpour sa famille qu'il passe «pratiquement toute (sa)scolarité en sous-nutrition». Alors qu'aucun de sesfrères n'a atteint l'université, il poursuit des étudesde médecine jusqu'à obtenir son diplôme, défiantl'administration et dénonçant jusque dans la presseles nombreux abus dont sont victimes les élèveshandicapés. D'ailleurs la médecine, il le pressent,n est pas suffisante pour satisfaire son appétitde justice Chen Guangcheng fouille dans les lois,y découvre de quoi défendre son prochain, et ne

GRAZIADate : 11/17 SEPT 15Pays : France


Page de l'article : p.34,36Journaliste : Sonia Desprez

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Avec Hillary Clintonà la remise du prix de laFondation Lantos pour lesdroits de l'homme, en 2013

:raint pas de lancer des procédures, l'une aprèsl'autre, obtenant parfois gain de cause auprès destribunaux, apprenant leurs droits aux gens sansressources et gagnant une notoriété exponentielleII décide même de retourner vivre chez ses parents,afin de réduire ses frais et mieux aider les autres.C'est ainsi qu'il devient, comme d'autres à cetteépoque en Chine, un «avocat aux pieds nus»,autodidacte et sans honoraires. Lobbyiste né,il multiplie les allers tetours à Pékin ou Shanghaipour s'y allier à de grands avocats, intellectuels,

diplomates étrangers, et journalistes influents.Newsweek lui consacre sa une en 2002 Son réseau,tissé à mains nues, finance et amplifie ses actions, enparticulier son entreprise de protection des femmesvictimes de la «politique de l'enfant unique», aunom de laquelle le Parti enlève des mères à laseconde ou troisième grossesse, même à un stadetrès avancé, pour les forcer à avorter et leur ligaturerles trompes, ou torture leur famille si elles refusentde se livrer. Naturellement, Chen Guangcheng etson épouse (une femme qu'il a aidée et qui, tombéeamoureuse de lui, a bravé les préjugés de sa famillepour l'épouser) deviennent les ennemis du Parti.

UNE ACTION AU-DELÀ DES IDÉOLOGIESAprès plus de quatre ans de prison, de séparationet de maltraitances et, enfin, une spectaculaireévasion, le couple accepte l'invitation de l'universitéde New York (NYU) et s'installe aux Etats Unis.Happy end ? Chen Guangcheng ne mollit pas.«J'ai créé une fondation C'est beaucoup plm faciled'aider des Chinois en étant libre», assure t ilMaîs de façon assez surprenante, il a quitté la NYUet reçoit désormais, un salaire du très conservateurinstitut Witherspoon, opposé notamment àl'avortement et au mariage gay «jamais ils nem'ont demande d'adhérer à leurs opinions Ilsm'offrent plus de liberté que d'autres institutions,qui me proposaient pourtant plus d'argent», justifiele dissident, qui demeure convaincu du droitde chacun «à contrôler son corps et à décider de safertilité» « Nous en avons parlé des heures, admetDamca Mills, une traductrice qui le conseille dansses affaires Je ne comprenais pas qu'il s'associe àdes gens aux idées aussi différentes des siennesMaîs certains de ces conservateurs l'ont aidé enprenant des risques alors qu'il était encore en Chine,pourquoi les oublierait-il maintenant ? Et puis iltravaille aussi avec la fondation Lantos, beaucoupplus proche de ses opinions Ce qu'il veut, e estamener ses alliés a dépasser leurs idéologiespolitiques pour travailler ensemble à son propreprogramme défendre des gens qui, en Chine,sont persécutés jusqu'à la mort par un systèmetotalitaire » Impossible n'est pas ChenGuangcheng «Inexpérience nous a montrequ'il faut ètre actif et volontaire, conclut-il.Le temps est très important Parfois, une récolteest mauvaise, maîs il faut quand même l'avoir semée,et recommencer Pour la Chine, ne vous inquiétezpas la roue de l'histoire tourne toujours, c'estune regle » Grâce à cet avocat désormais bienchausse, elle tourne un peu plus vite •(I) L'Avocat aux pieds nus (éditions Globe, 352 pages).

PELERINDate : 10 SEPT 15Pays : France


Page de l'article : p.36-37Journaliste : Frédéric Niel

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actualité,mondeSa lutte contre les abus du pouvoir chinois Taconduit en prison. Après avoir fui la Chine, ChenGuangcheng, inlassable défenseur des droits del'homme, publie son incroyable histoire.

Chen Guangcheng« Je me battraijusqu'à l'arrivéede la démocratie

en Chine »RECUEILLI PAR FRÉDÉRIC MIEL

De tous vos combats- l'accès à l'eaupotable, la gratuitedu métro pour leshandicapés, le droit

d'avoir plusieurs enfants -,lequel vous est le plus cher ?À ma sortie de prison, des fonction-naires m'ont insulté « À cause de toi,

il y a eu 90 DOO naissances de plus ' »Eh bien, j'en suis fier ' C'est barbared'empêcher les femmes d'avoir plu-sieurs enfants. Concevoir est uneliberté, un droit individuel qu'on nedevrait pas mettre en cause.

Au-delà des méthodes vio-lentes utilisées par les autorités,comme la stérilisation forcée,la politique de l'enfant unique.

« L'avocat aux pieds nus »Devenu aveugle après sa naissanceen 1971 dans un village ruralde Chine, Chen Guangchengn'apprend à lire qu'à 17 ansÉtudiant en médecine chinoise, il osedéfendre ses droits et ceux d'autreshandicapés Y prenant goût, il seforme seul au droit chinois afin deprotéger les plus fragiles Son combatcontre les violences commises aunom de la limitation des naissances- avortements et stérilisations forcésde femmes ayant déjà un enfant -le conduit en prison pendant

quatre ans et demi après un procèstruqué Chaque fois, pourtant,il se contente d'invoquer les loisen vigueur « Enivré par sa proprepuissance, le Parti communiste violechaque jour avecimpudence laConstitution et laloi », écrit-il dansune autobiographiequi se lit commeun roman

Éd. Globe,352 p ; 24,50 €

CHENGUANGCHENG

O*

lancée en 1979, n'était-ellepas nécessaire pour jugulerl'explosion démographique ?Avoir une population nombreuse n'apas empêché le Japon ou Taiwan dese développer Le problème, en Chine,ne vient pas du nombre de gens, maîsdu système politique. Dans les années1950, le président Mao encourageaitles Chinois à faire beaucoup d'enfants,pour des raisons idéologiques Plustard, le Parti communiste chinois (PGG)a estimé que c'était une erreur. Est ceau peuple de payer pour les erreurs duParti ' Cela me rend furieux !

Vous-même, avez-vous hésitéà avoir deux enfants ?Quand ma femme et moi avons priscette décision, c'était aussi un gestemilitant Nous n'allions pas noussoumettre à une règle que nousdénoncions.

Quels sont les autres motifsde colère aujourd'hui dansles campagnes chinoises ?Les révoltes se multiplient contrela corruption de cadres locaux, les

PELERINDate : 10 SEPT 15Pays : France


Page de l'article : p.36-37Journaliste : Frédéric Niel

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pollutions, le racket fiscal, les confis-cations de terres, etc. Le pouvoir a dumal à contrôler une population mieuxéduquée et mieux informée grâce auxréseaux sociaux sur Internet. La socié-té civile est en mouvement.

Ces manifestants réclament-ils surtout la démocratie ou lajustice? Peut-on exiger le respectdes règles sans remettre enquestion le monopole du Parti?Il n'y a pas de justice sans démo-cratie. Pour s'attaquer aux causes

de l'injustice, il faut que le pouvoirdes fonctionnaires soit contrôle parle peuple.

La Chine sera-t-elleun jour démocratique ?Le Parti communiste chinois n'estpas éternel. Les esclaves ne se lais-seront pas abrutir éternellement.Certes, la priorité de beaucoup deChinois est de s'enrichir. Mais mêmeles riches ne se sentent pas en sécu-rité : ils envoient leurs enfants étu-dier à l'étranger, là où ils ont placé

leur argent, parce qu'ils ont peur del'avenir dans leur pays !

Ne faut-il pas être patient fL'ex-leader chinois Beng Xiaopingrecommandait, à propos des chan-gements attendus, de « traverser larivière en talant chaque pierre ».Autrement dit : avançons lentement,en expérimentant. Mais on sait déjàcomment la démocratie fonctionne,dans les autres pays, avec un parle-ment et plusieurs partis politiques !Pour traverser la rivière, pas besoinde sauter d'une pierre à l'autre, pre-nons les ponts qui existent !

Depuis votre évasionde résidence surveillée en 2O12,vous vivez aux États-Unis.Ce pays est-il un exemplede démocratie et de justice ?Je n'avais pas d'illusion sur unquelconque « paradis américain ».J'observe que la démocratie est unmouvement continu, évolutif, jamaisacquis définitivement. C'est, de loin,le moins mauvais des systèmes.Il résout 80 % des injustices.

Que diriez-vous au présidentXi Jinping s'il était devant vous ?« Quand tu vas quitter le pouvoirdans huit ans, que veux-tu laisserderrière toi ? Un Parti communistepourri de la tête aux pieds, déjà enruine ? Ou une Chine qui a délaisséun système barbare pour devenir unedémocratie ? » Pour ma part, je suisdéterminé à me battre jusqu'à l'avè-nement de la démocratie en Chine. *

Date : 05 SEPT 15


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après la prison et une évasion rocambofesque en 20/2

L'homme qui perce Pékin à jourA travers ses combats contre /'avortement forcé et la pollution, Chen Guangcheng, « L'avocat aux pieds nus »,est devenu le symbole majeur de l'opposition à Pékin et de la dissidence chinoise.

D ouze mille soldats, cinqcents engins de parade,deux cents avions et

hélicoptères À travers unedémonstration de force laChine a fête jeudi sa victoirecontre le Japon en 1945 et lafin de la Seconde Guerre mon-diale Le président Xijinpmg arappelé que cette date avaitrétabli « la Chine comme ungrand pays dans le monde ».

Ce « grand » pays possedeaujourd hui en la personne deChen Guangcheng, 43 ans,installe aux USA depuis sonévasion en 2012 et le soutiend'Hillary Clinton du Dalai-lama, son plus « grand » dis-sident actuel « Mon but estde faire connaître la verité aumonde sur ce systeme chinoismonstrueux La dictature chi-noise est une énorme menacecachée, dirigée contre lesvaleurs universelles des paysdémocratiques », expliqued'emblée le quadragénaireaveugle, qui sort son autobio-graphie*

Issu d'une famille de pay-sans, éleve au contact de lanature, il est devenu en quel-ques annees l'avocat desopprimés, notamment desfemmes stérilisées de force leporte-voix des sans-graderuraux contre le pouvoir cen-tral (« le parti communiste estriche, maîs la population est

pauvre ») La Républiquepopulaire de Chine est-elled'ailleurs toujours « commu-niste » 7 « C'est une questiona se tordre de rire qui, au seindu Parti communiste chinoiscroit encore au mouvementprolétaire, a un systeme sansclasses 7 Plus personne L'enri-chissement des dirigeants secompte désormais en tonnesde lingots On est dans lecapitalisme débridé, maîs nevaudrait-il pas mieux dire onest à la fin du féodalisme »

Un peuple « asservi »Posé, volontiers rieur dans

sa tenue end imanchée,l'« exilé » accompagné de safemme Weijmg, affirme qu'iln'est pas seul a mener « larévolte », maîs la terreur et larepression du règime chinoisanesthésient toutes les tenta-tives « Le pouvoir a asservi lepeuple » L'avocat aux piedsnus ne se bat plus mains nuesLes rèseaux sociaux ont éte sabouée de sauvetage et ilspourraient encore servird'étincelle, pense-t-il, contrele règime, a I instar de leur rôledans les printemps arabes.

L'empire du Milieu a vu sacroissance ralentir en 2015(12 % en 2010, 7 % au prin-temps), et la bourse, récem-ment, a plonge « Ça ne faitque commencer », pronosti-

rf Dans la tradition chinoise, on était à armes égales : les armées impériales avaient des couteauxet des épées et nous aussi. Maintenant, le pouvoir a des tanks, et Je peuple n'a plus rien. » Photo Arp

que Chen Guangcheng, « leschiffres sont truqués, cettebulle spéculative, c est unevaste cocotte-minute sur lepoint d'éclater »

Condamné à l'exilSon combat, il le livre désor-

mais a distance, depuis lespays occidentaux qui n'ont« pas tous compris commentétait réellement la Chine » Enattendant d'être sans doute

adapte a Hollywood, sonautobiographie devrait circulerofficiellement a Taiwan, ets o u s l e m a n t e a u , àDongshigu, sa ville nataleChen Guangcheng a surmontela pauvreté, la cécité, le pou-voir chinois, démontrant que« tout est possible » Tout 7Même imaginer la fin de lad ic ta ture communis te 7

«TianAnmen, cetait surtoutdes étudiants. Aujourd hui.

les forces vives de la societecivile se sont beaucoup déve-loppées, il y aurait cette foisdes ouvriers, des paysans Legouvernement serait face a unraz-de-marée de protestationet c'est sa plus grandecrainte »

Xavier FRÈRE.

* L'avocat aux pieds nus(éd. Globe).

Date : 05 SEPT 15


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ASIE

La Chine, « une vaste cocotte-minute »À travers ses combats contre l'avortement forcé et la pollution, Chen Guangcheng, « l'avocat aux pieds nus », estdevenu le symbole majeur de l'opposition à Pékin et de la dissidence chinoise.

Xavier Frere

Douze mille soldats, cinq cents en-gins de parade, deux cents avionset hélicoptères. À travers une dé-monstration de force, la Chine afêté jeudi sa victoire contre le Ja-pon en 1945 et la fin de la SecondeGuerre mondiale. Le président Xi|inping a rappelé que cette dateavait rétabli « la Chine comme ungrand pays dans le monde ».

« Faire connaîtrela vérité au monde »

Ce « grand » pays possède aujour-d'hui en la personne de ChenGuangcheng, 43 ans, installe auxÉtats-Unis depuis son évasion en2012 et le soutien d'Hillary Clintonau Dalai-Lama, son plus « grand »dissident actuel.

« Mon but est défaire connaître laverité au monde sur ce systèmechinois monstrueux. La dictaturechinoise est une énorme menacecachée, dirigée contre les valeursuniverselles des pays démocrati-ques », explique d'emblée le qua-dragénaire aveugle, qui sort sonautobiographie*.

Famille paysanne

Issu d'une famille de paysans, éle-ve au contact de la nature, il estdevenu en quelques années l'avo-cat des opprimés, notamment desfemmes stérilisées de force, le por-te-voix des sans-grade ruraux con-tre le pouvoir central (« Le particommuniste est riche, mais la po-pulation est pauvre»).

« Dans la longue tradition chinoise, on était à armes égales : les arméesimpériales avaientdes couteaux et des épées et nous aussi. Maintenant, le pouvoir a des tanks, et le peuplen'a plus rien. » Photo Xavier Frere

La République populaire de Chineest-elle d'ailleurs toujours « com-muniste » ? « C'est une question àse tordre de rire . qui, au sein duParti communiste chinois, croit en-core au mouvement prolétaire, àun système sans classes I Plus per-sonne. L'enrichissement des diri-geants se compte désormais entonnes de lingots On est dans lecapitalisme débridé, mais ne vau-drait-il pas mieux dire : on est à lafin duféodalisme. »

Un peuple « asservi »Posé, volontiers rieur dans sa te-nue endimanchée, ['« exilé », ac-compagné de sa femme Weijing,affirme qu'il n'est pas seule mener« la révolte », mais la terreur et larépression du régime chinois anes-thesient toutes les tentatives : « Lepouvoir a asservi le peuple. »

L'avocat aux pieds nus ne se batplus mains nues. Les réseaux so-

ciaux ont été sa bouée de sauveta-ge, et ils pourraient encore servird'étincelle, pense-t-il, contre le ré-gime, à l'instar de leur rôle dansles printemps arabes.

L'empire du Milieu a vu sa croissan-ce ralentir en 2015 (12 % en 2010,7 % au printemps), et la bourse,récemment, a plongé. « Ça ne faitque commencer », pronostiqueChen Guangcheng : « Les chiffressont truqués, cette bulle spéculati-ve, c'est une vaste cocotte-minutesur le point d'éclater. »

Autobiographieà Hollywood

Son combat, il le livre désormais àdistance, depuis les pays occiden-taux qui n'ont « pas tous compriscomment était réellement la Chi-ne ». En attendant une possibleadaptation à Hollywood, son auto-biographie devrai t c i rculer àTaiwan, et sous le manteau àDongshigu, sa ville natale.

Chen Guangcheng a surmonté lapauvreté, la cécité, le pouvoir chi-nois, démontrant que « tout estpossible ». Tout ? Même la fin de ladictature communiste ? « Tian'An-men, c'était surtout des étudiants.Aujourd'hui, les forces vives de lasociété civile se sont beaucoup dé-veloppées, Hy aurait cette fois desouvriers, des paysans Le gouver-nement serait face à un raz-de-ma-rée de protestation et c'est sa plusgrande crainte. »

* « L'avocat aux pieds nus » (éd.Globe).

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ASIG Après la prison et une évasion rocambolesque en 2012

La Chine, « vaste cocotte-minute »A travers ses combats contrel'avortemerrt forcé et lapollution, Chen Guangcheng,«l'avocat aux pieds nus»,est devenu le symbole majeurde l'opposition à Pékinet de la dissidence chinoise.

Douze mille soldats cinqcents engins de parade deuxcents avions et hélicoptèresA travers une démonstrationde force la Chine a f ête jeudisa victoire contre le Japon en1945 et la fin de la SecondeGuerre mondiale Le presi-dent Xi Jinping a rappeléque cette date avait rétabli« la Chine comme un grandpays dans le monde »

Ce « grand » pays possedeaujourd'hui en la personnede Chen Guangcheng 43ans installe aux USA depuisson evasion en 2012 et lesoutien d'Hillary Clinton duD a l a i - L a m a r son p lus« grand » dissident actuel« Mon but est de faire con-naître la verite au monde surce systeme chinois mons-trueux La dictature chinoi-se est une énorme menacecachée dirigée contre lesvaleurs universelles despays démocratiques » ex-plique d emblée le quadra-génaire aveugle qui sort sonautobiographie*« On est dans lecapitalisme débridé »

Issu d une famille de pay-sans éleve au contact de lanature il est devenu enquelques annees I avocatdes opprimes notamment

des femmes stérilisées deforce le porte-voix des sans-grade ruraux contre le pou-voir central (« le parti com-muniste est riche maîs lapopulation est pauvre ») LaRèpublique populaire deChine est-elle d ailleurs tou-jours « communiste » ?« C est une question a se tor-dre de rire qui au sein duParti communiste chinoiscroit encore au mouvementprolétaire a un systemesans classes ? Plus person-ne L enrichissement des di-rigeants se compte désor-mais en tonnes de lingotsOn est dans le capitalismedébride, maîs ne vaudrait-ilpas mieux dire on est a lafin du feodalisme »Un peuple «asservi »

Pose volontiers rieur danssa tenue endimanchéeI « exile » accompagne de safemme Weijirrg affirme qu iln est pas seul a mener « larèvolte » maîs la terreur etla repression du règime chi-nois anesthesient toutes lestentatives « Le pouvoir a as-servi le peuple » L avocataux pieds nus ne se bat plusmains nues Les rèseaux so-ciaux ont eté sa bouée desauvetage et ils pourraientencore servir d ètincellepense t il, contre le règimea I instar de leur rôle dansles printemps arabes

L'empire du Milieu a vu sacroissance ralentir en 2015(12 % en 2010 7 % au prin-temps) et la bourse récem-ment a plonge « Ça ne fait

• Chen Cuangcheng : « Dans la longue tradition chinoise, on ètait a armes égales. Maintenant, le pouvoira des tanks, et le peuple n'a plus rien » Photo Xavier FRERE

que commencer » pronosti-que Chen Guangcheng « leschiffres sont truques cettebulle spéculative c est unevaste cocotte-minute sur lepoint d'éclater »

Son combat il le livre dé-sormais a distance depuisles pays occidentaux quin ont « pas tous compriscomment ètait réellement laChine » En attendant d être

sans doute adapte a Hol-lywood son autobiographiedevrait circuler officiellement a Taiwan et sous lemanteau a Dongshigu saville natale Chen Guangcheng a surmonte la pauvre-te la cécité le pouvoir chi-nois démontrant que « toutest possible » Tout ? Mêmela fin de la dictature commu-niste ? « Tian Anmen c ètait

sur tou t des é tudiantsAujourd hui les forces vivesde la societe civile se sontbeaucoup développées il yaurait cette fois des ouvriers,des paysans Le gouverne-ment serait face a un raz-de-maree de protestation etc'est sa plus grande crain-te »

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PR Chen Guangcheng, L'avocat aux pieds nus, Éditions Globe

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