Pour l'amour de Rose -...

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ROBINSCHONE

LECLUB–2

Pourl’amourdeRose

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCamilleDubois

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RobinSchone

Pourl’amourdeRose

Leclub2

Collection:AventuresetpassionsMaisond’édition:J’ailu

Traduitdel’anglais(États-Unis)parCamilleDubois

©RobinSchone,2009Pourlatraductionfrançaise©ÉditionsJ’ailu,2016Dépôtlégal:juin2016

ISBNnumérique:9782290121900ISBNdupdfweb:9782290121924

Lelivreaétéimprimésouslesréférences:ISBN:9782290121832

CompositionnumériqueréaliséeparFacompo

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Présentationdel’éditeur:RoseClarringvoitmouriràpetitfeusonmaristérilequinoiesonamertumedansl’alcool.Depuisqu’ellefréquenteleclubdesMessieursetdesDames,elleacomprisbiendeschosessurlesrelationsentreleshommesetlesfemmes.Désormais,quittersonépouxestpourelleuneobligationmorale.Ellesaitpourtantqu’ellen’aaucunechanced’obtenirledivorce.Saufpeut-êtresiMeJackLodoun,avocatréputéetdéputé,intercédaitensafaveurauParlement.Jackaccepte,àconditionqu’elleneluicacherien.Decetteintimitétroublantevanaîtreledésiret, pourlatoutepremièrefoisdesavie,Rosesesentenfinaiméepourelle-même.Maislasociétévictorienneréprouvelesfemmestroplibresetlesrejette.

Biographiedel’auteur:ROBINSCHONEincarnel’excellencedelaromancehistorique.Traduitedansunetrentainedepays,elleareçuleprixRomanticTimesquirécompenselesœuvreslesplusoriginales.

©VictoriaDavies/TrevillionImages

©RobinSchone,2009

Pourlatraductionfrançaise:©ÉditionsJ’ailu,2016

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RobinSchone

Auteurecélèbre,elle incarnel’excellencede laromancehistoriqueérotique.Traduitedansunetrentainedepays,elleareçuleprixRomanticTimesquirécompenselesœuvreslesplusoriginales.

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DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

DélicesinterditesN°7460ExtasesN°7522

VoyageaujardindessensN°9287

LESANGES

1–L’amantdemessongesN°9557

2–LafemmedeGabrielN°11082

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Sommaire

TitreCopyright

Biographiedel’auteur

RobinSchone

DumêmeauteurauxÉditionsJ’ailu

Chapitre1Londres,1886

Chapitre2

Chapitre3

Chapitre4

Chapitre5

Chapitre6

Chapitre7

Chapitre8

Chapitre9

Chapitre10

Chapitre11

Chapitre12

Chapitre13

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Chapitre14

Chapitre15

Chapitre16

Chapitre17

Chapitre18

Chapitre19

Chapitre20

Chapitre21

Chapitre22

Chapitre23

Chapitre24

Chapitre25

Chapitre26

Chapitre27

Chapitre28

Chapitre29

Chapitre30

Chapitre31

Chapitre32

Chapitre33

Chapitre34

Chapitre35

Chapitre36

Chapitre37

Chapitre38

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Chapitre39

Chapitre40

Chapitre41

Chapitre42

Chapitre43

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1

Londres,1886Lesgenss’entassaientdansletribunald’OldBailey.L’ambianceétaitàlajubilation.JamesWhitcoxavaitgagné.JackLodounavaitperdu.Unefoisdeplus!—MaîtreLodoun?criaquelqu’undanssondos.Pourriez-vousm’accorderunesecondedevotre

temps?Il remonta son col. L’épaisse étoffe de laine ne chassa pas le froid. L’air humide et glacé lui

pinçaitlesjoues.Ilaccéléralepas.Lafemmequitrottinaitaprèsluineselaissapasdécourager.Maisleprocèsétaitfini.Etilétaitépuisé.—MaîtreLodoun,s’ilvousplaît?Lesclaquementsdetalonsserapprochaient.Iln’avaitplusquedeuxoutroispasàfairepourhéler

lefiacrequivenaitjustementdanssadirection.Déjà,ils’apprêtaitàbrandirsonparapluie.—Jevousenprie,ditlafemme.J’aibesoindevous.Jacks’immobilisaaumilieudesongeste.Lefiacrepassasanss’arrêter,tiréparunchevalrouxet

noir écumant de sueur, les oreilles baissées, qui jouait avec son mors comme s’il cherchait à lerecracher.

—Sic’estunavocatdontvousavezbesoin,madameClarring,jevousconseilledevousadresseràmonexcellentconfrèreJamesWhitcoxplutôtqu’àmoi.

—Vousvoussouvenezdemonnom?demanda-t-elledesabellevoixclaire.Biensûrqu’ils’ensouvenait.Ill’avaitcitéeàcomparaître.Ill’avaitinterrogée.Àprésent,ilnedemandaitqu’àlesoublier,elleetcemauditprocès.Maiselleneparaissaitpasdisposéeàselaisseroublier.RoseClarringsepostadevantlui.—MaîtreLodoun,écoutez-moi:jeveuxjustedivorcer.Jacklaregardaaveccuriosité.—Votremariest-ilbigame?—Non,répondit-elle.Biensûrquenon.DanslaviedeJack,iln’yavaitqu’unechosecertaine:laloi.—A-t-ilabandonnéledomicileconjugal?questionna-t-il,connaissantd’avancelaréponse.Elleétreignitsonparapluieentresesdoigtsgantésdecuirnoir.—Non.

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—Danscesconditions,jevousconseilledel’assassiner,madameClarring,caraucunavocatnevousobtiendraledivorce.Pourvousdébarrasserdelui,jenevoispasd’autresolution.Mais,soyeztranquille,Whitcoxvousferaacquitterenmoinsdedeux.

Ellerestainsensibleàsessarcasmes.—J’aimemonmari,maîtreLodoun.—Eneffet,c’estcequevousavezdittoutàl’heureàlabarredestémoins.RoseClarringavaittrente-troisans.Elleétaitblonde,avecdesyeuxclairsetunbeauvisageovale

quiauraitdûêtrepâlesilesjouesn’avaientétébleuiesparlefroid.Éléganteavecsonpetitchapeaunoiràaigretteetsacapedevelours,elleluiarrivaitaumenton–ilfautdirequ’ilmesuraitplusd’unmètrequatre-vingts.Elleavaitl’airfragile,capabledes’effondrerpourunrien.

Mais Jackn’était pasdupe.À labarredes témoins, pasune seule fois ellen’avait détourné lesyeuxalorsqu’il faisaitexprèsde larabaisser,etellen’était tombéedansaucundespiègesqu’il luiavaittendus.

RoseClarringserapprochadeJack,jusqu’àcequ’ilnepuisseplusignorersonparfum.—Vousavezfaitdubontravail,monsieur.Jackricana.—Jevousrappellequej’aiperdu.—Parcequevousl’avezbienvoulu.Soudain,ilneritplus.—Quoi?Êtes-vousentraindem’accuserdeforfaiture,madame?— Je veux juste dire que, pour gagner, il vous aurait suffi dementionner queMeWhitcox et

MmeHartétaientamants.EtFrancesHart–uneveuvedequarante-neufansquiavaitadhéréauclubdesMessieursetdes

Damesaulieudesecomplairedanssonchagrin–auraitétéconfiéeàlatutelledesonfils,leclientdeJack,quiseseraitempressédelafaireenfermerdansunasiled’aliénés.EtJamesWhitcox,l’hommequineperdaitjamais,auraitsucequecelafaisaitdeperdrelafemmequ’ilaimait.

Mais Jack, qui avait juré de servir la loi, avait caché au juge des éléments de premièreimportance.Etiln’auraitmêmepassudirepourquoi.

— Vrais biscuits de Coventry, qui qu’en veut ? Un demi-penny ! Qui qu’en veut ? lança uncolporteur.

Unsecondcolporteur,quiremontaitlaruejustederrièrelui,criait:—Unebonnebièrepourfairepasserlesbiscuits?C’estici!C’estici,labonnebière!—Jenepeuxrienpourvous,ditJackenfaisantunpasenarrière.—SivousétiezMeWhitcox,peut-êtrequevousn’ypourriezrien,répliquaRoseClarring.Mais

vousêtesJackLodoun,membredelaChambredescommunes.Unepâlelumièrefiltraitàtraverslesnuages,nimbantlescontoursdesonchapeauetjouantavec

lesplumesblanchesdesonaigrette.—Vousvoudriezquej’intercèdeenvotrefaveurauParlement?—Oui.Iln’yavaitaucunehésitationdanssonregardoudanssavoix.Pourautantqu’ils’ensouvienne,à

labarredes témoins elle n’avait hésitéqu’une fois, lorsqu’il lui avait demandé si sonmari l’avaitaccompagnée.

—Iln’enestpasquestion,dit-ilformellement.

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La société n’approuvait pas le divorce. Et le Parlement non plus. Son siège à la Chambre descommunes,c’étaittoutcequ’illuirestait.

IltournadélibérémentledosàRoseClarring.—N’avez-vousjamaisétéamoureux,maîtreLodoun?lança-t-elletoutdego.Jackrestamuetuncourtinstant,lesmainscrispéessurlemanchedesonparapluie.—Àladifférencedesgenscommevous,madameClarring,rétorqua-t-ild’untonmordant,jene

suisjamaistentédeparlerdemavieintimeavecdesétrangers.Ils’étaitéloignéd’unpas,elleserapprochad’autant.—Vousn’aimezpasleclubdesMessieursetdesDames,n’est-cepas?demanda-t-elle.—Cequejen’aimepas,c’estlesfemmesquicompromettentdélibérémentlaréputationdeleurs

maris.—Vouspréféreriezqu’elleslesassassinent?Del’autrecôtédelaruesetrouvaitlalibrairieBailey.Toutlemondesavaitqu’onyvendaitsous

lemanteaudes livrespornographiques.Unmoisplus tôt, FrancesHart, JamesWhitcox et d’autresmembres du club des Messieurs et des Dames étaient venus y chercher de quoi nourrir leurimagination.

Parmieux,ilyavaitRoseClarring.Mais,cetteinformation-là,Jacknel’avaitpasdévoiléenonplus.—Vousavezparlédevousséparerdelui,rappela-t-il.Pasdel’assassiner.—Maisjesuisentraindeletueràpetitfeu,insista-t-elleenseplantantdevantlui.L’amourqueje

luiporteletue.L’amourqu’ilmeporteletue.Elle levavers luisonvisageviolacépar le froid.Unesautedevent fitclaquersacapenoireet

manquaemporterlechapeaumelondeJack.—Ilsemeurtunpeupluschaquejour,maîtreLodoun.Toutcelaàcausedemalâcheté.Àlabarredestémoins,danslalumièretremblantedeslampesàgaz,lesyeuxdeRoseClarring

avaientparubleunuit.Maintenant,enpleinjour,ilsétaientdecetterarenuancedemauvepâlequ’onnommepervenche.

—Pourtant,fitremarquerJack,vousêteslà,enfacedemoi,débordantedecourage.Par-dessuslechapeaudeRoseClarring,Jackcherchadesyeuxunfiacre.—GrâceàvousetàlafaçondontvousavezregardéMmeHartetMeWhitcox.—Jelesairegardéspourcequ’ilsétaient,répliqua-t-ilsèchement.Uneplaignanteetunconfrère.—Vouslesavezregardésavecenvie.Lesplumesdesonaigrette,secouéesparlevent,semblaientavoirattrapéladansedeSaint-Guy.—Parce quevous saviez qu’ils s’aimaient, ajouta-t-elle, qu’ils ont trouvé le trésor que tout le

mondecherche.Jacksouritnarquoisement.—Cequ’ilsonttrouvé,jepeuxallermel’achetern’importequelsoirdelasemaine.—Ohnon,necroyezpascela,répondit-elleavecassurance.Levéritableamournes’achètepas.

Mêmesionlesouhaite.Ellel’exaspérait,avecsescertitudesetsonaplomb.—Etcommentl’ont-ilstrouvéaujuste,cevéritableamour?s’exclama-t-ild’untonsarcastique.

Dans lesarrière-boutiquesoù l’on trafiquedesalespetits livresquineserventqu’àencourager lesplusnoiresperversions?

RoseClarringnesetroublanullement.

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Ellevenaitdecomprendrequ’ilconnaissaitlessecretsdestreizemembresduclubdesMessieursetdesDames–dessecretsqu’ilauraitdûrévéleretqu’ilavaitgardéspourlui.

Les comptes rendus de leurs réunions étaient gravés dans la mémoire de Jack. Avec tous lesdétails.

Desaffirmationsprovocantes.Desdétailsgênants.Desrévélationsscandaleuses.Hommesetfemmesposantdesquestionsindiscrètes.Hommesetfemmesrépondantsanspudeur.Ilétaitsurtoutquestiondesolitude.Dedésir.—Vousavezpeur,n’est-cepas?ditRoseClarring.Jackétaitavocat,maisilétaitaussidéputé.Leshommesquidépendentdel’opinionpubliquene

peuventpasavouerleurpeur.Nileurchagrin.Nileurculpabilité.—Etvous,madameClarring ? riposta-t-il.Votrenom seradans tous les journauxdèsdemain

matin. Vous êtes une très jolie femme. Il y aura peut-être votre description. Vous ne pourrez pluscacher à votre mari vos petites activités clandestines. Il aura le droit de vous faire enfermer,exactementcommemonclienta tentéde le faireavecsamère.Saufqu’iln’yaurapasdeWhitcoxpourvoussauver.Àvotreplace,j’auraispeur.

—Vraiment,maîtreLodoun?—Oui,répondit-il,lecœurbattantetlesoufflecourt.Ellecherchaàaccrochersonregard,commesic’étaitelle l’avocatet lui le témoinde lapartie

adverse.—Qu’ya-t-ildepluseffrayantquedevivresansamour?Rien,pensaJack.Iln’yavaitriendepluseffrayant.Maisilnepouvaitpasledire.—Selonvous,votremarivousaime,repartit-il.Elles’assombritbrusquement.—Lapremièrefoisquej’aivumonmari,dit-elle,jesurveillaismesdeuxpetitsfrères.Ilsavaient

neufetonzeansà l’époque.Je lesaiemmenésdansleparc.Ilsétaientplutôt turbulents.Lorsquejeleuraiditdenepasallerjoueraucerceaudanslarue,ilsm’ontriaunez.IlsseseraientfaitrenverserparunfiacresiJonathann’avaitpasétélà.

Jacknes’étaitpasattenduàdetellesconfidences.—Riennevousobligeàmediretoutça.—Maisj’enaienvie,réponditRoseClarring.Illesaattrapés,ungarnementsouschaquebras,et

illesafaittournoyer.Leursriresretentissaientdanstoutleparc.—Leprocèsestfini,madameClarring.Rentrezchezvous.MaisRoseClarring,perduedanssessouvenirs,nel’entenditpas.—Moiaussi,j’aiéclatéderire,poursuivit-elletandisquesesjolisyeuxpervenches’emplissaient

denostalgie.J’étaistoujoursheureuseauprèsdeJonathan.Cequinel’empêchaitpasd’envisagerledivorce.—Riennevousobligeàmediretoutça,répéta-t-ild’untonbrusque.Etriennem’obligeàvous

écouter.—Moi,j’aibesoindevousparler,rétorqua-t-elle.Danssesyeux,lechagrinremplaçalanostalgie.Unénormeomnibuspassadanslarue,dansunconcertdecraquementsetdecouinements.Jackneputs’empêcherderemarquerqu’ellerespirait laborieusement. Ilavait réussià lui faire

perdrecontenance.Entantqu’avocat,ilauraitpeut-êtreéprouvéunsentimentdevictoire.Mais,entantqu’homme,ilvoyaitsurtoutlagénéreusepoitrinequisesoulevaitsousl’étoffeduchemisier.

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Stoïquement,ilseforçaàlaregarderdanslesyeux.—J’aibesoindevousparler,redit-elle.Onparletoujourstrop,pensaJack.Mais,celanonplus,ilneleditpas.—Aprèsavoirreposélesgarçonsparterre,Jonathanm’aregardéeetiladit:«Jeveuxquevous

medonniezunedouzainedechenapanscommecesdeux-là.»Jackétaittoutouïe.—Ettelleétaitmonintention,maîtreLodoun,continua-t-elle.Jevoulaisluidonnerdesenfantsà

choyer. Il me rendait heureuse et je voulais le rendre heureux en retour… Vous m’avez accuséed’avoirrejointleclubdesMessieursetdesDamespourmeprocurerdesmoyensdenepastomberenceinte…

Nesachantquoirépondre,Jackfitunemouequinevoulaitriendire.—Vousavezmêmeparlédeprophylaxie,reprit-elle.Commesilagrossesseétaitunemaladie…Jackavaiteffectivementemployélemot,etilenconçutdesregrets.—Maiscen’estpasdesmanigancesd’avorteusequiontprivémonmaridedescendance,lança

RoseClarring.C’estlesoreillons.Lessoirsoùnoussommesseulsàlamaison,ilsesaouleàmort.Jevoulaisfairedeluileplusheureuxdeshommes,etj’enaifaitleplusmalheureux.Etilenseraainsitantquenousseronsmariés.Quandilmeregarde,toutcequ’ilvoit,c’estsonincapacitéàêtrepère.

Jacklaconsidéraitavecneutralité.Elleprituneprofondeinspiration.Sapoitrinesesouleva.Toutàl’heure,pendantlecontre-interrogatoire,ellen’avaiteuqu’àaffichercetaircandidepours’attirerlasympathiedesdouzejurés–tousdeshommespourtant,avecfemmeetenfants.

—J’ail’obligationmoraledemettrefinàcettesituationquinoustuetouslesdeux,conclut-elle.Une cloche tinta au loin, mêlant ses vibrations au vacarme de la rue. C’était le carillon de

Westminsterquisonnaitcinqheures.JackcontournaRoseClarringetfitsigneàunfiacre,quis’arrêta.L’odeuraigreduchevalluifit

rejeterlatêteenarrière.—Quiétait-ce,lafemmequevousavezaimée?demandabrusquementMmeClarring.Ilouvrit laportièredu fiacreetmontasur lemarchepied,parfaitementconscientque lecocher

était témoinde lascène–chacundesesgestesétaitobservé,chacunedesesparoles risquaitd’êtrerépétée.N’était-ilpasmembreduParlement?Lachoseavaitsesgrandeursmaisaussisesservitudes.

Pivotant, il accrocha le regard de Rose Clarring et prononça ces mots d’une voix claire etdistincte:

—CynthiaHerriesWhitcox.Lafilledupremier lordduTrésoret l’épousedeJamesWhitcox,avocatà lacour,membredu

conseildelareine.Elleécarquillalesyeux.Etpuis,ellecomprit.Ilavaitdéfendulesintérêtsd’unhommedansleseulbutd’endétruireunautre.Peuimportes’il

détruisaitlesmembresduclubdesMessieursetdesDamesparlamêmeoccasion.Pourcequiétaitdesmembresdececlub, ilavaitpleinementréussi.Leursviesneseraientplus

jamaislesmêmes.Àl’audience,ilavaitsaccagéleursréputations.Dèsdemain,lesjournauxallaientleslivrerenpâtureàunpublicavidedescandale.

Contre toute attente, il ne distingua aucun reproche dans les beaux yeux pervenche de RoseClarring.Aulieudecela,elleposalaquestionquil’empêchaitsisouventdedormir:

—Dites-moi,maîtreLodoun,siellen’étaitpasmorte,croyez-vousqu’elleauraitdivorcé?

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2

Unclaquementdeportière,ungrincementderoues,etlefiacredisparutdanslesencombrementsdelaville.

Roseétreignitsonparapluie.Elleavaiteubesoindelui,etilluiavaittournéledos.Commesielleluidéplaisait.Elleavaitpourtanteul’impressiondeluiplaire.Maiselles’étaitpeut-êtreimaginédeschoses.Sesyeuxs’emplirentdelarmes.Quesavait-elledudésirdeshommes,ellequin’inspiraitquedelasouffranceàsonmari?—Jevaisvouschercherunfiacre,mapetitedame?lançaderrièreelleunegrossevoixvulgaire

etéraillée.Roseseretournaetvitunclochard,guèreplusgrandqu’elleetplutôtrondouillard.—Querelled’amoureux,pasvrai?ajouta-t-ilensouriant.Illuimanquaitpresquetoutessesdents.Maissesyeuxétaientpleinsdecompassion.Roseravalasonchagrin.—Jeveuxbienunfiacre,dit-elle.Dèsqu’elleeutsortiunpennydesonréticule,unfiacreserangealelongdutrottoir.Roseglissalapiécettedanslamaincalleuseetsaleduclochard.—QueDieuvousbénisse,m’dame.Toutdoucement,ellesehissadanslefiacre.—Oùça,madame?demandalecocherd’untonlas.Elle ne pouvait pas aller chez Jonathan, dans cette grande maison sans berceau. Mais elle ne

pouvaitpasespérerluicacherindéfinimentleprocèsd’aujourd’hui.—Àl’angledeLanghametdeGreatPortlandStreet,jevousprie.Lefiacreempestait lecigareet leparfumdefemme.Machinalement,ellerefermalaportièreet

regardaparlavitreconstelléedetaches.Qu’allait-ellepouvoirdireàsafamille?Lavérité?Quellevérité?Qu’elle avait discuté de sexualité avec des hommes ? Qu’elle avait lu des livres considérés

commecontrairesauxbonnesmœurs?Celaavaitparubieninnocentàl’époque,cesréunionsdansunesalled’unmuséedeLondres,un

coupdemailletfrappésurunsocleindiquantledébutdechaqueséance.Le procès d’aujourd’hui avait également commencé par un coup demarteau. L’écho s’en était

propagéjusqu’àlapetitepiècesansfenêtredanslaquelleelleattendaitsontour.

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La roue gauche du fiacre passa dans un nid-de-poule. Rose fut soulevée par une ruade de labanquette.

Elles’agrippaàlapoignéedelaportière.Lefiacrecontinuaimperturbablementsaroute.Àtraverslavitresale,lesboutiquescédèrentlaplaceàdesolidesbâtissesdebriques.Chaquepâté

demaisonsétaitcommeunvillage.Danschaquemaison,unefamille.Danschaquefamille,desfemmes,chacuneàsaplace:épouse,

mère,fille.Lefiacreralentitetfinitpars’arrêteraprèsquelquesà-coups.Roselevalesyeuxverslecielbleustriédenuagesgris.Leventavaitchassélapluie.Mais,àprésent,iln’yavaitplusdevent.Rosenesavaittoujourspascequ’elleallaitdireàsafamille.Àcontrecœur,elleouvritlaportièredufiacre.Unrayondesoleiléclairaitlafaçadedelagrandemaisonoùelleavaithabitépendantvingt-deux

ans,jusqu’àsonmariage.Laportepeinteenblancbrillaitcommedel’émail.Sachambreavaitdonnésurlarue.Lestoreétaitmaintenantbaisséderrièrelafenêtrecarrée.Rosepayalecocher.Laportes’ouvrit.—MadameClarring…Levieuxmajordome,aussiimposantquelamaison,s’inclinalégèrement.—Hello,Giles,ditRoseenluitendantsonparapluie.Giless’enemparaetlefitpromptementdisparaître.Elleôtasesgants.Lemajordomeladébarrassadesacape.Roses’avançadanslamaison,maisuntoussotementl’empêchad’allerplusloin.Compris!Elle

s’essuyalespiedssurlepaillasson.Têtebaissée,ellevérifial’étatdesessemelles…Convenable.—Mèreest-ellelà?—M.etMmeDavissontdanslesalon.Elleseredressaetpritunairrésolu.—Merci,Giles.Ses parents étaient assis de part et d’autre du somptueux guéridon en noyer qui, du plus loin

qu’ellesesouvienne,avaittoujourstrônéaumilieudusalon.Ilsaffichaienttouslesdeuxuncertainembonpoint.Lescheveuxdesonpèreseraréfiaient,ceuxdesamèregrisonnaient.

Ilsn’étaientpasentraindeprendrelethé,nidejouerauxéchecs,nidefaireuneréussite.SurleguéridonétaitétalélejournalleGlobe.

Roses’arrêtaprèsdelatableetrestalàsansoserrespirer.Lejugementn’attendraitpasdemain.Sonpèrelaregardafixement–c’estdeluiqu’elletenaitsesyeuxmauvepâle.—C’est toute l’estime que tu as pour nous,Rose ? demanda-t-il d’une voix qui trahissait son

chagrin.Commentsefait-ilquenousdevionscomptersurlesjournauxpouravoirdetesnouvelles?Roseregardaleguéridon.Samèreluiavaitapprisàservirlethésurcettetable,pensa-t-elleavec

unserrementdecœur.Etsonpèreluiavaitapprisàjouerauxéchecs.MaintenantleGlobeyétaitdéployé,desmotsimprimésnoirsurblancquisuffisaientàdétruire

trente-troisansdeconfianceetderespect.JackLodounavaitditqu’elleétaitunetrèsjoliefemme.Rosen’avaitpasl’airjoliedutoutdansle

journal.

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Au-dessus de son portrait, dessiné avec un certain talent, on lisait : Rose Clarring, en quêted’absoluousaisieparladébauche?

—Ettoi,papa,c’esttoutel’estimequetuaspourmoi?parvint-elleàarticuler.TupensesquejepourraisavoirtrompéJonathan?

—Cen’estpascequej’aidit,protestalevieilhomme.—Maisc’estcequetupenses,persistaRose.Sonpèrerougitdehonteetdétournalesyeux.—Pourquoinenousas-turiendit,Rose?luidemandasamère.—Vousdirequoi,maman?—Quec’étaittoiquinevoulaispasd’enfants.Nousavonstoujourscruquec’était…Mme Davis ne put se résoudre à achever sa phrase : « Nous avons toujours cru que c’était

Jonathanquinepouvaitpasavoird’enfants.»Rosese renditcomptequ’ilétaitunpeu tardpour livrer lessecretsqu’elleavaitsibiengardés

pendantdesannées.Celaneserviraitàrien.L’avenir–désormais,c’étaittoutcequicomptait.Roseprituneprofondeinspiration.—C’estcequ’ilsdisentdans le journal?Que j’ai adhéréauclubdesMessieursetdesDames

pourm’informersurlesmoyensd’éviterlaconception?LevisagedeMmeDavisdevintrougesombre.—Papa,maman,poursuivitRosequicommençaitàsesentirà l’étroitdanssoncorset,si jene

vousaipasparléduclubdesMessieursetdesDames,c’estparcequejecraignaisvotreréaction…Oualors,ellen’avaitrienditparcequ’elleavaitestiméquecelaneregardaitpersonne.Elleavait

justeeuenviedepréserver…commentdire?sonjardinsecret.—EtJonathan?s’exclamaM.Davisd’unevoixhorrifiée.Nemedispasqu’ilvaapprendretout

çaparlesjournaux,luiaussi!Le regard de ses parents l’embarrassait davantage que celui de tous ces gens dans la salle du

tribunal – des hommes et des femmes occupés à juger sa robe, sa figure, sa voix, sonmariage, àestimersavaleurentantqu’êtrehumain.

—J’aiparléduclubàJonathan.C’étaitunedemi-vérité.Ouundemi-mensonge.Jonathanétaitivremortlorsqu’elleenavaitparlé.—Etduprocès?insistasonpère.—Non.M.Davispâlit.Roserassemblasoncourage.Ellen’avaitpasflanchéquandJackLodounl’avait

misesurlasellette.Ellepouvaitrépondrefranchementàsonpère.—Non,redit-elle.Jeneluiaipasparléduprocès.—Oh,Rose!hoquetaMmeDavis.LevisagedeM.Davisdevintgrisâtreetvieillitdevingtansenuneseconde.Àcaused’elle!LavuedeRosesebrouilla,commesilanuitétaittombéed’unseulcoup.Lemajordomesurvinttrèsopportunément.—Madame, monsieur, dit-il, j’ai préparé un plateau. Mme Clarring aura sans doute manqué

l’heureduthé.Roseluicoulaunsourirepleindereconnaissance.Elleadoraitcepersonnagebourruettendrequi

autrefoisluifaisaitlesgrosyeuxlorsqu’ellesalissaitsesparquetsavecsessemellescrottées,maisqui

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luiapportaittouslessoirsunverredelaitchaudetuneassiettedebiscuitsencachettedesesparents.—Merci,Giles.LemajordomeenlevaprestementleGlobeavantdedéposersonplateausurleguéridon.Sesmains,gantéesdeblanc,netremblaientpas.AucontrairedecellesdeRosequandellesouleva

lathéière.—Vouspouvezdisposer,Giles,ditsèchementM.Davis.Rose versa le thé dans les fines tasses de porcelaine. Elle fit une tache sur le napperon qui

garnissaitlefondduplateau.Lataches’étalalentement.Commecellequ’elle était en trainde faire sur la réputationde sonmari etqui allaitgrandir à

chaqueparutiond’unjournal.Rosereposalathéière.Aumêmemoment,lesportescoulissantesdusalonserefermèrent.—Pourquoias-tutémoigné?questionnasamère.Rose,perduedanslacontemplationdelatachequinecessaitdes’étendre,tardaàrépondre.—Rose?insistasamère.—J’aiétécitéeàcomparaître…Parl’avocatàquielleavaitdemandédeluiobtenirledivorce!Un homme qui l’avait accusée d’avoir adhéré au club des Messieurs et des Dames afin

d’apprendreàforniquersanstomberenceinte!Unhommequi,toutenaimantlafemmed’unautre,avaitprétenduqu’ellefréquentaitceclubdans

l’espoirdetrouverunamantquilasatisferaitmieuxquesonmari!Maisoùavait-ellelatête?Ilfallaitqu’ellesoitfollepourcroirequ’ilallaitl’aider!—Tuauraisputrouveruneexcusepournepasteprésenter,ditsamère,quinesemblaitpasbien

connaîtrelesloisanglaises.C’estfacile,pourunefemme.—Non,répliquaRoseenseraidissant.Jen’auraispaspu.—Pourquoidonc?demandasonpère.Elleauraitvoulurépondre«Parcequecesontmesamis»,maislesmotsrefusèrentdefranchir

seslèvres.Endeuxans,ellenes’étaitpasfaitunseulamiparmilesmembresduclub,lesMessieursetles

Damesnesefréquentantpasendehorsdesréunions.—Un homme prétendait faire enfermer une femme dans un asile de fous, papa ! Simplement

parcequ’iln’approuvaitpaslesujetdenosdiscussions.—Si j’ai bien compris ce que j’ai lu dans le journal, il s’agit du fils de la dame en question,

objectasonpère.—Filsoupas,ilavaittort.—Qu’unhommeveuillefaireenfermerunefemmesurlaquelleilaautorité,çaneteregardepas,

ditsamèred’untonsansréplique.Roseneselaissapasdémonter.—Sipapatefaisaitenfermer,dirais-tuencorequejen’aipasàm’enmêler?MmeDavisdevintlivide.—Tonpèreneferaitjamaisça!—Maisilenauraitledroit.Quelesfemmessoientendangerdanslasociété,c’étaitévidentpourtousceuxquiavaientassisté

auprocèsd’aujourd’hui.RosesetournaversM.Davis.

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—N’est-cepasquetuenauraisledroit,papa?Ilparutdéroutéparlaquestion.—Tupensesquejen’aimepastamère,Rose?Rosesesouvintdetouteslesfoisoùelleavaitpleuréparamour.—Laquestionn’estpaslà,répondit-ellefermement.Sa mère la regarda avec son habituelle tendresse – une tendresse dont Rose avait tiré tant de

réconfort lorsqu’elle était petite fille, mais qui ne lui servait à rien maintenant qu’elle était unefemme.

—Tonpèreetmoi,noust’aimons.Tulesais,n’est-cepas,Rose?Oui.Toutlemondeaimaittoutlemondedanslafamille.Maisl’amournesuffisaitplus.—Jevaisdivorcer,jetaRose.Ungrondementsefaufiladanslesilencequisuivit.C’étaitlesrouesd’unevoituresurlespavés

delarue.Lanuit,lepassaged’unevoitureétaitbeaucoupplusbruyant.Unvraivacarme.Rosesesouvenaitqu’ellel’avaitparfoistrouvéinsupportable.—Jenetecomprendspas,Rose,fitsonpère.UnsourireétiraleslèvresdeRose.Unsourirepâleettriste.—Moinonplus,jenemecomprendspas.—Est-cequetufaisçaàcausedececlub?demandasamèreavecuntremblementdecolèredans

lavoix.C’estcequelesgensallaientpenser.Commeilspensaientqu’elleavaittrompésonmari.—Non,réponditRose.Çan’arienàvoiravecleclub.Pourimpossiblequecelaparaisse,uneétincelled’espoirs’allumadanslecœurdeRose.—Jevousaime, reprit-elle,mais leclubdesMessieursetdesDames, leprocès,mondivorce,

toutcelan’arienàvoiravecvous.J’espèrequevouscomprenez.Elle regarda les photographies disposées sur les meubles du salon ou accrochées aux murs,

enchâsséesdansdescadresdebronzeoud’argent.Elleavaitcinq frères, leplus jeuneayantvingt-trois ans et le plus âgé trente et un. Chacune de ces photos éternisait un moment de leurs vies :enfance,collège,mariage.

Lesappareilsphotoavaientfaitdesprogrèsenquelquesannées.Unpetitgarçonsouriaitàl’objectif–lefilsdesonplusjeunefrère.Unautregarçontâchaitde

tenirenéquilibresurdespatinsàroulettes–lefilsaînédesonfrèreaîné.Deuxyeuxd’obsidienneavaientl’airdel’observer–ceuxduchevalàbasculeexilédansuncoin.

Sa crinière en étoupe de lin était ébouriffée, sa peinture était couverte de craquelures : il avaitbeaucoupservi.

Ses frères et elle s’étaient balancés sur cepetit cheval ;maintenant, c’étaient les enfantsde sesfrères.

Danscettepiècesetrouvaitréunitoutcequesonmariavaitsouhaité.Roseseretournaverssesparents,promenantdel’unàl’autreunregardquinecillaitpas.—J’espèrequevousapprouvezmadécision.Elle sortit de son réticule un bristol. D’un côté, il y avait, imprimé en caractères antiques,

l’adressedeJonathan.Del’autrecôté,elleavaitécritquelquechoseàlaplume.—J’ailouéunemaisonenville.Voicimanouvelleadresse.Lorsquej’auraifinidem’installeret

quetoutseraenordre,vouspourrezmerendrevisite.

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M.etMmeDavisparurentsidérés.—Jevouslaissesavourervotrethé,conclut-elle.Qu’aurait-ellepuajouter?L’épais tapis absorba le bruit de sespasquand elle s’en alla.En revanche, dans le couloir, ses

talonsclaquèrentsurleparquet.—Votrecape,madameClarring,fitGilesdanssondos.Ellesursauta.Gilesavaittoujourseulechicpourarriverencatimini.Ellerestaimmobileletempsqu’illuiposesacapesurlesépaules.Puiselleenfilamachinalement

sesgantsetrécupérasonparapluie.Gilesluiglissaunrouleaudepapierdanssamainlibre.RosereconnutleGlobe.—Ledessinn’estpastrèsressemblant,madameClarring.Ellesourit,maisdeslarmesvinrentluibrouillerlavue.—Vouslepensezvraiment?Aulieuderépondre,lemajordomedemanda:—Est-cequeMmeHartaobtenugaindecause?Rose avait témoigné à deux heures de l’après-midi. Le procès s’était achevé vers cinq heures.

Troptardpourimprimerleverdict,maispastroptardpourruinerdesréputations.—Oui.Sonfilsaétédébouté.Leregarddumajordomenetrahitaucuneémotionparticulière.—J’aidemandéaumarmitond’allervousappelerunfiacre.Rosebattitdespaupièrespourchasserseslarmes.Ilneluirestaitplusqu’às’enaller.Lorsqu’elleseretrouvadanslarue,leciels’assombrissait.Lestoitss’ornaientd’unliserérose.Unattelageattendaitlelongdutrottoir,lefiacreetlechevalaussinoirsl’unquel’autre.Rose donna sa destination au cocher, monta dans le fiacre et s’assit sur la banquette au cuir

fatigué.Ungamindescendaitlarue,allumantlesréverbères.Lalueurdesflammèchesétaittropfaiblepourdisperserlesombres.

Lefiacrefinitpars’arrêter.Roseordonnaaucocherdel’attendreunmoment.Lecrépusculeétaitentraind’avalerlamaisonbriqueparbrique,badigeonnantdegristoutesles

vivescouleursdelafaçade.Parunefenêtreàmeneaux,elleaperçutEmily,lafemmedechambre,entraind’allumerlalumièredanslesalon.

Lemajordomerestabouchebéeenlavoyantparaîtredanslevestibule.—MadameClarring,dit-ilens’inclinantlégèrement.—BonsoirJustin,réponditRose.Enunclind’œil,lemajordomes’étaitressaisi.Ilaffichaitdésormaisunmasqueimpassible.Maisilavaitmanifestementlulejournal.Ilétaittoutenraideuretenhostilité.Roses’interditdepleurer.—Monsieurest-ilrentré?demanda-t-elleenétreignantsaclé.—Non,madame.Rosepoussaunsoupirdesoulagement.ElleaffronteraitJonathan.Maisplustard.Aujourd’hui,ellen’enauraitpaseulecourage.—Unfiacreattenddehors,dit-elle.Faites-yporterlamallequiestdansmachambre.Justinacquiesçad’unsignedetête,pivotaets’éloigna,lesbasquesdesavesteflottantderrièrelui.Au-delàdel’escalier,ilyavaitcinqportes.Closes.Elleavaittrahisonmari,ellen’avaitplussaplacedanscettemaison:voilàcequesemblaientdire

cescinqportes.

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Cettemaisonoùelleavaittantdebonsetdemauvaissouvenirs.LabouchedeRoses’emplitd’amertume.Détournantlatête,ellefutéblouieparunreflet.Unplateaud’argent,posésurunetabled’angle,

brillaitdanslaclartédeslampes.Surleplateau,bienrangées,deslettres,etununiquejournal,quinepouvaitêtrequeleGlobe.Rosepritalorsunedécision.Rangeantsaclédanssonréticule,elles’approchadelapetitetable.Lepremiertiroircontenaitdes

cartesdevisite,unporte-plumeetdel’encre.Lesecondtiroircontenaitdupapieretdesenveloppes.Lorsqu’elleenlevasesgants,sonalliancelançauneétincelledelumière.Pourquoilagarder?Elle lafitcoulisser le longdesonannulairehumectéd’unpeudesaliveet l’enveloppadansun

mouchoir,avantdelajeterdanssonréticule.Puisellepritlaplume,latrempadansl’encre…etregardalonguementlafeuilledepapier,sans

rienécrire.CommentexpliqueràJonathanqu’ellenepouvaitplussecontenterdesouvenirs?

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3

—C’estdiantrementdommagequevousayezperdu,Lodoun.Lebruitdespiedsdefauteuilsfrottantsurleparquetsemêlaitàceluidesconversations–rienque

desvoixd’hommes.Lafuméedescigaresempêchaitdevoirtrèsloin.—C’estundénide justice, sivousvoulezmonavis.Unclubde libertinsetde libertines !Des

hommes,passeencore!Jediraismême:sacrésveinards,tantmieuxpoureux.Maisl’idéemêmequenosfemmes…Maisbon!Nosfemmesànousneferaientjamaisça,pasvrai?JeplainsClarring.Lepauvrebougre!Mariéàcetteespècedeputain…

Lemot«putain»traversalesvapeursd’alcool.JackavaitditàRoseClarringqu’elleseraitdanstouslesjournauxdedemain.Ils’étaittrompé:elleseretrouvaitdanslesjournauxdusoir.Leverdictétaittombétroptardpourêtredanslapresse,maisiln’yavaitpasdesecretsentrele

tribunaletleParlement.Touslesdéputéssavaientqu’ilavaitperdu.Jack regarda froidement le gros homme assis en face de lui : Blair Stromwell, député depuis

vingtoutrenteansetprésidentdugroupeconservateurauParlement.—VousconnaissezJonathanClarring?demandaStromwellenreposantleGlobesurlatable.Jackleconnaissaitderéputation.Ilconnaissaitsurtoutlesdésirsdesafemme.Ellevoulaitdivorcer.Uneobligationmorale,avait-elledit.Jacklevasonverre–nichéaucreuxdesamaincommeunseindefemme–etlevidad’untrait.

Puisillereposa.LechocducristalcontreleboismassifserépercutadanslagrandesalleduclubSt.Stephen.Àcôtédesonverrevide,ilyavaitunecarafeaufonddelaquellebrillaitunrestedecognac.

Lessoirsoùnoussommesseulsàlamaison,ilsesaouleàmort,avait-elleditaussi.—Pourquoidevrais-jeconnaîtreJonathanClarring?demandaJackaugrosbonhomme.C’estsa

femmequej’aiinterrogée,paslui.—C’estlemeilleuragentdechangedelaville,etpeut-êtredupays.Ilagagnéunefortune.BlairStromwelltirasursoncigareavantd’ajouter:— Allez le voir. Dites-lui que vous venez de ma part. Il aura de bons placements à vous

recommander.Jackreculasonfauteuil,carl’odeurducigareluiétaitpénible.—Jelaissecelaàmonhommed’affaires.—Dommagequevousayezperdu,Lodoun,lançaunevoixderrièrelui.Desmèresquiattaquent

leursfilsenjustice!Etquigagnent!C’estaffligeant.Toutbonnementaffligeant.Consolez-vousenpensantquec’estvousquiétiezdanslevrai.

Jackpivotadoucement.

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—Vouslecroyezvraiment?dit-ilauvieillardquiluitapotaitfamilièrementl’épauled’unemainparcheminéeetpresquetransparente.

C’était sirPaulSkeat. Il regardait JackLodoun avec compassion…ou alors, c’était la lumièretremblotantedeslampesquiluidonnaitcetaircompatissant.

SirPaulétaitledoyenduParlementetleprésidentducomitédesprivilèges.Ilavaitquatre-vingt-cinqans,ets’ilavaitapprisquelquechoseaufildesestroisquartsdesiècled’existence,c’étaitqu’onpeuttoujourscomptersurl’ambitiondesjeunesgens.

—Stromwellvousa-t-ilditquenousavonsparlédevouscetaprès-midiencommission?Cetaprès-midi?Pendantqu’ilétaitoccupéàdétruirelaréputationd’unehonnêtefemme!—Oui, confirmaStromwell. J’ai dit au doyen qu’un homme commevous aurait tout à fait sa

placeàlaCoursuprême.Un juge à la Cour suprême siégeait à la Chambre des lords. Si Jack était nommé, la reine

l’élèveraitautitredebaron.Ceseraitlecouronnementdesacarrière.Maistoutepromotionaunprix.Jackl’avaitapprisàsesdépenslorsqu’ilétaitprocureurgénéral.—Jenesavaispasqu’ilyavaitunfauteuillibreàlaCoursuprême,commenta-t-il.—Iln’yenapas…Ledoyenpritl’avant-brasdeJacketleserra;ilyavaitencoredelaforcedanscesvieuxdoigts.—Enfin,pasencore,ajouta-t-ilsurletondelaconfidence.Maisçanesauraittarder.Unsiègeà laChambredes lords.Un titredebaron…Etçanecoûterait rien…àpartquelques

mensonges,quelquessilencescoupables,etbeaucoupdecompromission.Jackpromitd’yréfléchiretpartitverslasortie.Sursonpassage,cefutunconcertde«Dommagequevousayezperdu».Ilsconnaissaienttouslavéritémaisaucunn’osaitladire:«Dommagequetuaiesperducontrele

pauvretypequetuasabondammentcocufié,espècedesaligaud!»Jack récupéra sonmanteau, son chapeau et sonparapluie auvestiaire.Unhommeenuniforme

blancetnoirluiouvritlaporte.Avecunepointed’ironie,Jacksongeaqu’uneinscriptionauclubSt.Stephen–celuioùaimaientà

seretrouverlesdéputésconservateurs–coûtaitpluscherquelesalaireannueldeceportierdontilsavaienttousjurédeprotégerleslibertés.

Ildescenditlesmarchesduperron.Leportier,arrivéavantluisurletrottoir,faisaitdéjàsigneàunfiacre,quis’arrêta.

Jackétaitsaoul.Maispasassezpouravoiroubliécertainsyeuxpervenche.Ildonnaunflorinauportieretmontadanslefiacre.—Où?demandalecocherd’unevoixétoufféeparl’écharpequiluicouvraitlenezetlabouche.Des cloches retentirent, leur assourdissant carillon terminé par trois coups mats. Il était neuf

heuresmoinslequart.Jack leva les yeux. L’imposante silhouette du palais deWestminster, découpée sur le ciel gris,

brillaitcommedel’or.Oùavait-ilenvied’aller?—Danslequartierdupalaisdejustice,dit-ilaucocherenprenantlepariquelalibrairieBailey

seraitouverte.Ellel’était.Ungrelotausonaigreannonçasonentrée.

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La boutique baignait dans la lumière de nombreuses lampes à gaz. Des dames en chapeau àaigrette etmanteau noir tournaient autour de tables chargées de livres.Desmessieurs enmanteausombreetchapeaumelonparcouraientlesallées.

QuandJackrefermalaporte,legrelotémitdenouveausadéplaisantemusiquette.Personnenes’intéressaàlui.Personne,saufunvieuxvendeurencostumedetweed.IlreconnutJackets’aperçuttoutdesuitequ’ilétaitsaoul.Il connaissait l’existence du club des Messieurs et des Dames – un groupe d’hommes et de

femmesquis’était réuni iciunefois,quelquessemainesplus tôt–et ildevinaitpourquoiJackétaitvenu.

Jacklerejoignitetditseulement:—Montrez-moiça!Sans demander d’explication, le vendeur ouvrit une porte ornée d’une plaque sur laquelle on

lisait:Littératureancienne.Jackseretrouvaconfrontéàunmurdelivresavecdestitresengrecetenlatin–certainsqu’il

connaissait,d’autrespas.D’énormesfauteuilsétaientretranchésdansuncoin.Ilsetrouvaitdansunesalledelecture.Sesdoigtssecrispèrentautourdelapoignéedesonparapluie.Il n’y avait aucun livre pornographique pour exciter l’imagination. Aucun instrument pour

stimulerlecorps.Aucunespoirdesatisfactionsexuelle.—Oùest-ce?questionnaJackd’unevoixrauque.Rauqued’avoirtropbu,sedit-il.Maisilsavaitquecen’étaitpasvrai.—Derrièrececi,monsieur, répondit levieuxvendeuraucostumede tweedenappuyant surun

panneau,quipivotaàgrandbruit,révélantunescalier.Unescalierdepierre,sansrampe.Unefemmequiseseraitprislespiedsdanssaroben’auraiteunullepartoùserattraper.Maiscet

escaliern’avaitpasétéconçuenpensantauxfemmes.—Quandvousserezprêtàpartir,ditlevendeur,quelqu’unvousmontreralasortie.Jacks’avançadanslapénombre.Derrièrelui,lepanneauserefermaavecunbruitsourd.Devant

lui,desalléesseglissaiententredestables.Tropétroites,sansdoute,pourunfauteuilroulant,pensaJack.Pourtant,l’undesmembresduclub

desMessieursetdesDamessedéplaçaitenfauteuilroulant,etçanel’avaitpasempêchédehanterceslieux.

Jack parvint au bas de l’escalier. L’atmosphère était légèrement plus fraîche qu’au rez-de-chaussée.

Ce n’était pas la première fois qu’il s’aventurait dans ce genre de boutique, mais c’était lapremière fois qu’il venait dans celle-ci. Elle ne différait guère des autres, ni par l’allure ni parl’ambiance.

Lestablesétaientcouvertesdetracesdedoigts.L’airsentaitl’hommeenrut.Jackse faufilaentredesmessieursengrosmanteauxetchapeauxdefeutre,etchoisitunecarte

postaleillustrée.Onyvoyaitdeuxjeunesfemmesnues,souriantd’unaircoquin.L’uneoffraitsonpostérieuraux

regardstandisquel’autreluiadministraitunlavement.LesexedeJacktressaillitdanssoncaleçon.

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Il se demanda ce que Rose Clarring penserait de cette image. Peut-êtremême l’avait-elle vue.Avait-elleéprouvédudésiroududégoût?

EtCynthiaWhitcox,lafemmequ’ilavaitaimée,qu’aurait-elleditdecettesituation,sommetoutebanalesurlesphotographiespornographiques?

Elleavaitaiméqu’illaprenne…parlepetittrouduguichet,commeelledisaitjoliment.Aurait-elleétéhorrifiées’ilyavaitglissélacanuled’unepoireàlavementetavaitenvoyéenelle

un jetd’eauchaude?Oubienaurait-elleétéémoustillée–commeil l’était lui-mêmetoutàcoupàcetteidée?

Vaguementhonteuxd’éprouverdudésirpourunemorte,ilreposalacartesurlatable.Maisilnepouvaitserésoudreàpartir.Unequestionlehantait.Serait-elleencoreenviesielleavaitdemandéledivorce?Jack tourna le dos à la table qui semblait près de crouler sous le poids des boîtes de cartes

postales.Unegrandevitrineoccupaittoutlemurdufond.Jackenétudiafroidementlecontenu.—Puis-jevousaider?demandaunevoixd’homme.JacksavaitqueRoseClarringétaitvenue ici.Mais ilnesavaitpascequ’elleavaitacheté. Ilne

savaitpascequil’avaitexcitée.Ilnesavaitpasnonplussiladouleurquisereflétaitdanssesbeauxyeuxmauvesétaitguérissable.—Étalezçasurlecomptoir,dit-il.Levendeurparutconsterné.—Tout,monsieur?Jackregardalejeunehommeaveccetaird’autoritéquis’acquiertnaturellementlorsqu’onsiège

àlaChambredescommunes.—Seulementlesobjetspourfemmes.Levendeurétalaprestementtouslesustensilesdemandés,puiss’éclipsa.Ayantaccrochésonparapluieàsonavant-bras,Jackpritunepinceàseinenoretlamitauboutde

sonpetitdoigt.Çafaisaitmal.IlavaitadmirélesseinsdeRoseClarringàtraverssoncorsage.Àprésent,ilessayad’imaginer

sestétons.Étaient-ilsplusgrosqueleboutdesondoigt?Oupluspetits?Est-cequ’ilsseraientdoux?AussidouxqueceuxdeCynthia?…Qu’ilnepourraitplusjamaiscaresser,lécher,téter…Ladouleurauboutdesondoigtsemitàirradier,remontalelongdesonbras.Jackretiralapince.Ungodemichéattirasonattention.Illepritdanssamain.Ungodemichégainédecuir.RoseClarringenavait-elleunpoursedonnerduplaisirlanuit,seuledanssonlit,enimaginant

quec’étaitquelqu’und’autrequesonmari?L’enfonçait-elleprofondémentquandellejouissait?Ilrepensaàl’amouravecCynthia…Lesparoischaudesethumidesdesonsexe…Non!Cynthiaétaitmorte.C’étaitodieuxderepenseràellecommeça.Jackreposalegodemiché,empoignasonparapluieetpivota.Malgrélui,lessouvenirsl’assaillaient.Leva-et-vientdelamaindeCynthiasursonsexe,lalanguedeCynthiasursongland.Etpuis,l’odeurâcredudésir…lescrisdeplaisir.

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Ils’approchad’unetablerondesurlaquelleétaientdisposésdesflaconsdecristal.Il reconnut lamarque et le produit : l’huile deMargot, un lubrifiant intime qu’il avait acheté

naguèreencore…pourCynthia.Pasmoyend’yéchapper…

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4

Roseseréveillaensursaut.Elle avait rêvé.Ce n’était pas la barre des témoins qu’elle agrippait,mais son drap trempé de

sueur.Cevacarme,cen’étaitpaslemailletdujugesursonsocle,maisleheurtoirdebronzecontrelaporte.

LesparolesdeMeLodounluirevinrentenmémoire.Àvotreplace,j’auraispeur.Ellerouvritlesyeux.Danslapénombre,sespupillessedilatèrentlentement.Sonmaripouvaitlafaireenfermer.À la lumière du jour, l’hypothèse avait paru improbable. Maintenant, au cœur de la nuit, le

heurtoiravaitl’airdedire:«Mettez-vousçadanslatête!»Pourlapremièrefoisdesavie,elleétaitvraimentseule.Ellepourraittoujoursappeler,personne

neviendraitàsonsecours.Personne.Cefutlaraisonquivintàsonsecours.ElleavaitlaisséunmotàJonathanpourl’informerdesanouvelleadresse…Maisseulementen

find’après-midi…Troptardpourqu’ilaitdéjàobtenuunordred’internement.D’autrepart,uncrimineln’annonceraitpassavenueenfaisantautantdetapage.Roserepoussalescouverturesetseleva.Lesolluiparutfroidsoussespiedsnus.Àtâtons,elle

ouvritlepremiertiroirdelatabledechevetetpritlaboîted’allumettes.Uneétincellebleue…puisuneflammejaune.Ellesoulevaleverredelalampeetallumalamèche.Delalumièrejaillit,lapièceavecsesmurs

nussurgitdel’obscurité.Lorsqu’ellesoufflasurl’allumettepourl’éteindre,unnuagedebuéesortitdesabouche.Elle récupéra la bougie dont elle s’était servie pour s’éclairer dans l’escalier et l’alluma à la

flammedelalampe.Descoupsdeplusenplusviolentsretentissaientcontrelaportedurez-de-chaussée.Levisiteur,quelqu’ilsoit,s’impatientait.Labougieprojetasa lueurorangeetvacillantedans lecouloir…dans l’escalier…sur laporte

blancheenvironnéed’ombre.—Quiestlà?demandaRose,lecœurbattant.Unautrecoupfittremblerlaporte.CenepouvaitêtrequeJonathan.Ilsallaientavoirmaintenantladiscussionqu’ilsauraientdûavoirdouzeansauparavant.Elleôtaleverrouetouvritlaporte.

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—Jonathan…Unchapeautrempédepluiedégoulinaitsurunvisageconnu.—Bonsoir,madameClarring.Apparemment,cen’estpasmoiquevousattendiez.Ilsentaitsifortl’alcoolqueRoserejetalatêteenarrière.—Vousêtesprisdeboisson,dit-elle.—Maispasivremort,répondit-il.Sous-entendu:«àladifférencedevotremari».Rosesesentitpourainsidiretrahie.Ç’auraitdûêtreJonathansursonseuil,pascethomme.Elleagrippaleboisdelaporte,froidethumide.—Ilesttard,maîtreLodoun.—Iln’yapasd’heurepourlesbraves,repartitJackLodounenlaregardantdroitdanslesyeux.—Quevenez-vousfaireici?—Parlerdevotredivorce.Elleauraitdûmanifesterdelajoie.Aulieudecela,ellerestademarbre.Avait-ellebiencompris?—Toutceque je faisades répercussionssurmacarrière,ajouta-t-il.Etcependant, je suis ici,

prêtàvousaider.Nelaissezpaspasservotrechance…— Je vous remercie de votre sollicitude, répondit Rose d’un ton déterminé.Mais je n’ai pas

besoindevosservices.LesfavorisdeJacksemblaientpailletésd’orsouslalumièredelabougie.—Vousnevoulezplusdivorcer?—Peuimportecequejeveux,répliquaRoseavecunepointed’amertumedanslavoix.Vousavez

luleGlobe.Àcausedevous,monsieur,jepassedésormaispourunefemmeadultère.Jackesquissaunsouriredédaigneux.—Etmaintenant,vousallezpleurnichersurl’épauledevotremari?Cetteméchancetéluifitmal.—J’aiécritàmonmariquejenem’opposeraipasaudivorce,rétorquasèchementRose.—Mais,pourobtenirledivorceàsonprofit,ildevracommencerparprouverl’adultère.Avez-

vouscommisl’adultèreavecl’undesmembresdevotrefichuclub?Laquestionétaitd’uneinjusticerévoltante.—Voussavezbienquenon.— N’oubliez pas, madame Clarring, que j’ai été l’amant d’une femme mariée, dit Jack très

posément.Qu’est-cequivouspermetdepenserquevousêtescapablederésistermieuxqu’elleàlatentation?

Roseledévisageadanslapénombre.Ilavaitl’airimpassible.Pourtant,ildevaitêtreému.Ilavaitaimélafemmed’unautre.Ilavaitchèrementpayécetamour.—Rien,répondit-elleàmi-voix.Rosen’avaitjamaispenséqu’elleétaitmeilleurequ’uneautre.Auloin,BigBensonnaonzeheures.Uncourantd’airfroidethumideseglissasouslachemise

denuitdeRoseetremontalelongdesesjambes.Ellefitunpasenarrière.—Vousn’avezaucuneraisond’avoirpeur,dit-ilenfaisantunpasenavant.Roseétaitcertaineducontraire.Elleétaitnuesoussachemisedenuit,etelleavaitenfaced’elle

unhommequiempestaitl’alcooletdonnaitl’impressiondenepassecontrôlertoutàfait.Laporteserefermaenfaisantunbruitsourdetsinistre.—Commentm’avez-vousretrouvée?

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Ellen’avaitdonnésanouvelleadressequ’àsesparentsetsonmari…—Ungreffierm’afaitpartdevotrechangementd’adresse.Àsesparents,sonmari…ainsiqu’àungreffierdutribunal,enarrivant,sesouvintRose.Dans la lueur vacillante de la bougie, elle partit vers le salon. Ses pieds nus sur le parquet ne

faisaientaucunbruit.Derrièreelle,lestalonsdeJackLodounclaquaient.Roseallumaleslampesàgaz,quisemirentàsiffler.Lesalonétaitencombrédemeubleshideux,

ceuxdesanciensoccupants,qu’ilfaudraitchanger.Laformed’unecheminéesedistinguaitlelongdumurdufond.

—Commentsefait-ilquevoussoyezvenueouvrir,etnonvotremajordome?demandaJack.—J’ailouécettemaisonhier.Jen’aipasencoreeuletempsd’embaucherdupersonnel.Unpeupartoutdanslamaison,descraquementsretentissaient,audiblesdanslecalmedelanuit.— Certains pourraient penser, madame Clarring, que vous vous êtes aménagé là un petit nid

d’amour.Endisantcela,ilcontemplaitlesseinsdeRose,facilesàdevinersouslafineétoffedelachemise

denuit.Illescaressaitlittéralementduregard.—Onnepeutpasempêcherlesgensdepenser,rétorqua-t-elleenseforçantàgarderlesbrasle

longducorpsalorsqu’elleavaitenviedelescroisersursapoitrine.Mais,puisquemonmarietmesparentsconnaissentcetteadresse,mesidyllesseraientexposéesàdefréquentesinterruptions.

Jacklacontemplaittoujoursaveclemêmeintérêt.Soussespaupièresàdemibaissées,lenoirdesespupillesdévoraitlebleudesesiris.

—Cependant,jesuisici…etiln’yapersonnepournousinterrompre.Rosenedétournapaslesyeux.Elleétaitsûred’unechose:—Lafemmequevousdésirez,cen’estpasmoi,maîtreLodoun.Danslesilencequisuivit,lesmoindrescouinementsdelavieillebâtisseparurentassourdissants.—Si vous voulez divorcer, dit-il soudain, tout ce que vous avez à faire, c’est de prouver que

votremarinepeutpasvousfaired’enfant.—Non,fitRoseavecdétermination.PauvreJonathan!Nel’avait-ellepasdéjàasseztrahi?—C’estbiencequejedisais:vousnevoulezpasdivorcer.Oui,ellelevoulait.Maispasàceprix.—Monmarin’adéjàquetropsouffert.Jeneveuxpasl’humilierpubliquement.—Parcequevouspensezqu’undivorcen’aurariend’humiliantpourlui?Rosesedemandas’ilfaisaitexprèsdenepascomprendre.—Desenfants,voilàtoutcequemonmariatoujoursvoulu,dit-elleendétachantlesmotspour

leurdonnerplusdeforce.Jeneveuxpasquelesgenssemoquentdeluiparcequ’ileststérile.JackregardaavecinsistancelamaingauchedeRose,lecercledepeaumoinsbronzéequelereste

del’annulaire,seuletracevisibled’unmariagededouzeans.Ilrelevabrusquementlesyeux.—Commentsavez-vousquec’estluiquieststérile?LeJackLodounquiposaitlaquestion,c’étaitl’avocatquis’intéressaitàsacause,etnonl’homme

quiavaitadmirésesseins.Roseprituneprofondeinspiration.—JevousaiditqueJonathanavaiteulesoreillons.Elle le lui avait dit quelques heures plus tôt. Mais elle avait l’impression qu’un siècle s’était

écoulédepuisqu’elleavaittrottéderrièreJackLodounensortantd’OldBailey.

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—Lesoreillonsnerendentpasnécessairementstérile,corrigea-t-il.Ils’étaitremisàfixerlesrenflementsdelachemisedenuit…sansdissimulersonadmiration.—Aprèssaguérison,reprit-il,votremaria-t-ildenouveaupartagévotrecouche?—Nousfaisionschambreàpart,ditRose,éludantlaquestion.Maisilvoulaituneréponse.—Vousrefusiezd’accomplirledevoirconjugal?—Cesdétailsnevousregardentpas.—Cesdétailsintéresserontlesparlementairessijedevaisleurdemanderdestatuersurvotrecas,

rétorquaJack.C’estpourquoijevaisrépétermaquestion:avez-vousrefusé,ouiounon,d’accomplirledevoirconjugal?

LagorgedeRoseseserra.—Non.—Avez-vouseurecoursàcertainsmoyensouàcertainespratiquesafind’éviterlaconception?—Non.PeuimportequeleGlobeaitimprimélecontraire.—Etvotremari?—Évidemmentnon!réponditRosetandisquelefroiddusolserépandaitdanstoutsoncorps.—Lesoreillonsl’avaient-ilsrenduimpuissant?Cet interrogatoire était presque plus pénible que celui de l’après-midi. Rose se contraignit à

répondre.—Non.—Était-ilcapabledemainteniruneérection?—Oui.—Est-cequ’iléjaculaitenvous?Roseravalasasalive.—Oui.—Etvousn’avezjamaisétéenceinte?—Non.Elleavaiteubeauprier,elleavaiteubeaupasserdesnuitsàpleurer,ellen’était jamais tombée

enceinte.—Quandétait-ce,ladernièrefois?Illaregardaitsanscillermais,non,ellenebaisseraitpaslesyeux.—Le24décembre1875.LeclocherdeWestminstersonnaunefois.—Pourquoimaintenant,madameClarring?questionnasèchementJackLodoun.L’espaced’uneseconde,Roseeutl’impressionqu’elleétaittoujoursàlabarredestémoins.—Pourquoimaintenant…quoi,maîtreLodoun?répliqua-t-elled’untonsucré.—Pourquoi,aprèsdouzeansd’abstinence,demandertoutàcoupledivorce?—Jevousl’aidéjàdit.—Jenecomprendspastoujourstoutdupremiercoup.Redites-le-moi,s’ilvousplaît.—J’aivulesregardsqu’échangeaientMmeHartetMeWhitcox.JackLodounneparutpasconvaincuparcetteexplication.—Vosseinssontdurs.Laremarqueétaitbrutaleetchoquante.Roseeneutlesoufflecoupé.JackLodounôtasonmanteau

et le lui tendit.Dans la lumièredes lampesàgaz,elle remarquaqu’ilavaitunduvetcuivrésur les

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poignets.—Tenez,dit-il.Lemanteausentaitlalainemouilléeetlemusc.—Nonmerci.—Prenez-le,madameClarring,insista-t-il.Sinon,jevaispenserquevosseinssontdurspourun

autremotifquelefroid.Alors,bongré,malgré,elleacceptalemanteau.JackLodounôta son chapeau et le jeta sur un canapé.La lumière jeta des paillettes d’or et de

cuivredanssescheveuxetdanssesépaisfavoris.Rose se souvint qu’au tribunal il avait porté une perruque grise. Et, dans la rue, un chapeau.

C’étaitlapremièrefoisqu’ellevoyaitsescheveux.Ilsétaientauburn.Maintenant que le haut de son visage n’était plus dans l’ombre, elle découvrit enfin la vraie

couleurdesesyeux.Jusqu’ici,ilsavaientparunoirs:ilsétaientverts…bienassortisàsescheveux.Jack,traversantlapièceàgrandspas,allas’accroupirdevantlacheminée.Rose avait allumé un feu un peu plus tôt dans la soirée, mais à présent les charbons étaient

refroidisetcouvertsd’unecendreblanche.JackLodountisonnalesbraises;lefeuredémarra.Unelumièrerougeoyanteserépanditdansla

pièce,maisRosenesentitpaslachaleur.— Donc, fit-il en se retournant, vous reconnaissez que vous voulez divorcer pour pouvoir

prendreunamant.—Jen’aijamaisrienditdetel!protestaRose.Jacklaconsidérad’unœilimplacable.—Vous espérez vraiment que le Parlement va croire que vous n’avez pas d’autresmotifs que

d’épargneràvotremarilesdésagrémentsdevotreprésence?LecynismedeJackLodounétaitplusblessantquetout.—Oui,riposta-t-elled’unevoixblanche.Elle était outrée. Le Parlement devait absolument leur octroyer ce divorce. Pour le bien de

Jonathan.Etpoursonbienàelleaussi.—Sijedoisvousreprésenter,madameClarring,ditJackLodounenlaregardantfroidement,je

veuxtoutelavérité.—Jenevousaijamaismenti.Cequiétaitunmensongedeplus.—J’airemarquéquevousneportezplusvotrealliance,déclara-t-il.Rose passa machinalement le bout de son pouce le long de son annulaire, palpa l’empreinte

laisséeparl’anneau…—Ilyalongtempsquenotremariagen’aplusaucuneréalité,expliqua-t-elle.—Maisvousnevoulezpasd’amant?—Non.Silencieusement,ilsoupesasaréponse,commetoutàl’heureilavaitsoupesésesseinsduregard.Le cœur battant, elle attendit la suite.La doublure de soie dumanteau de Jack lui caressait les

épaules,commepourlarassurer.—Jepensequevousmentez.Rosesecrispa.—Pensezcequevousvoulez,maîtreLodoun.—Jepensequevousavezenvied’unamant,madameClarring,dit-ilavecunairindéchiffrable.

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Rosesetroubla;lemot«amant»luiavaitfaitundrôled’effet.—Soyonsraisonnables, répliqua-t-elle.Vousêtesbienplacépoursavoirqu’unefemmemariée

n’apasbesoindedivorcerpourmettreunautrehommedanssonlit.MaisJackLodounn’avaitpasenvied’êtreraisonnable.

—Jepensequevousavezenvied’unhommepourvousdonnerlesenfantsquevotremarin’apas

puvousdonner,insista-t-ilsuruntonpresqueaccusateur.Vouscroyezqu’ilfautêtremèrepourêtrefemme.Et,selonmoi,c’estprécisémentpourçaquevousvoulezdivorcer.

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5

Lajournéeavaitétélongueetéprouvante.Malgrétout,Roseréussitàfairebonnefigure.—Vousvoustrompezdutoutautout,dit-elle.Jeneveuxpasavoird’enfant,nidemonmarini

d’aucunautrehomme.Et,voyez-vous,c’estprécisémentpourçaquejeveuxdivorcer.Le silence qui suivit ne fut troublé que par le crépitement des braises et le souffle légèrement

sifflantdeslampesàgaz.—Vousm’avezditquevousvouliezluidonnerdesenfants,rappelaJack.Desenfantsàchoyer,

selonvosproprestermes.—C’est vrai, confirmaRose. Je voulais lui donner des enfants…puisqu’il y tenait tant !Une

nombreusefamille,c’étaitsonrêve,paslemien.Moi, toutcequejesouhaitais,c’étaitd’êtreaiméepourmoi-même.

—Etcen’étaitpaslecas?— Visiblement non. Avant les oreillons, Jonathan était tendre avec moi, dit Rose d’une voix

étranglée.Aprèslesoreillons,ilnem’aplusjamaisregardéeuneseulefoisdanslesyeux.Ilregardaitsanscessemonventre…cemauditventrequis’obstinaitànepass’arrondir!

Jack Lodoun écoutait, tout à fait immobile, tandis que des reflets dorés dansaient dans sescheveux.

—Jesuisunefemme,reprit-elle,deladétressedanslavoix.Unefemmeveutêtreaiméepourcequ’elleest,pasparcequ’elleaunutérus!

Jackhochalatête.Ilavaitl’airdelacroire.MaisRosen’enétaitplusàsedemanders’illacroyaitounon.Elleavaitenfinquelqu’unàquiseconfier,etc’étaittoutcequicomptait.—Oui,poursuivit-elle, j’auraisvouluunhommequipenseàme rendreheureuseavant deme

rendremère!JackLodounétaittoujoursaussiimmobilequ’unestatuedepierre.Maislesstatuesdepierren’ont

paslescheveuxquiprojettentdesrefletsflamboyants.Ellesn’ontpasdesyeuxémeraudequibrillentcommedesescarboucles.Ellesnesententpasl’alcool.Nilechienmouillé.

D’untoncalmeetdécidé,Roseconclut:— Je ne veux plus vivre avec un homme qui n’a jamais vu enmoi autre chose qu’un animal

reproducteur,voilà!S’ensuivitunautremomentdesilence.Unsilencepesant.Lefeupétillaitdansl’âtre,leslampesà

gazmodulaienttoujourslemêmeair.—Oui,fitJack.C’estunecurieusemaniedevouloiràtoutprixuneprogéniture.Roseparutsurlepointdesefâcher,croyantàunemoquerie.

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—Leshommesnel’ont-ilspastous,cettemanie?—Oh,non!repartit-ilsuruntonamusé.Laplupartdeshommesn’ontpasl’obsessiondefaire

souche, voyez-vous. Ils se contentent duplaisir, dumagnifique plaisir, dumiraculeux plaisir qu’uncorpsdefemmepeutprocurer.

—Vousêtescommecela,vous?—Oui.—Oui?Franchement,Rosepeinaitàlecroire,sonmariayantcessédelarejoindredanssonlitdèslors

qu’iln’avaitplusétécapabledelaféconder!Douzeansdesolitude…douzeansdefrustration…douzeansde tourments…voilàcequ’ilen

avaitrésulté.—Oui,répétaJack.J’aiétéamant,nel’oubliezpas.J’aimefairel’amourpourleplaisirdefaire

l’amour.Soudain,Roseallaouvrir lamallequ’elleavaitapportéeet fouilla jusqu’àcequ’elle trouvece

qu’ellecherchait:lesSonnetsdeShakespeare,somptueusementreliés,quesamèreluiavaitoffertsàlafindesesétudes.

Ellepritlacartepostaleillustréequisemblaitservirdemarque-pageetlatenditàboutdebras.—Regardez-moiça,chermaître.Ellel’observasoigneusementtandisqu’ilexaminaitlaphotographie.—Qu’est-cequevousvoyez?demanda-t-elleavecrudesse.Elleattenditune réponse. Il resta sans réactionun longmoment.Le silence s’éternisa.Enfin, il

relevalesyeux.L’extrémitédeseslongscilsétaitcoloréeenrougeparleslampes.—Ehbien,jevoisunhommequisemasturbe.—Çanevousdégoûtepas?—Non,pourquoi?Eneffet,pourquoi?LecœurdeRosesemitàbattretrèsfort.—Çavousarrivedelefaire?—Oui,reconnut-ilsanslamoindrehésitation.—Seulementquandvousn’avezpasdefemme?demandaRosesuruntondedéfi.—Non,passeulement.—Alors,quand?—Quandj’enaienvie.SurlevisagedeJackLodoun,lesombresetleslumièressemblaients’affronter,remodelantses

traits.—Etcen’estpasl’idéed’engrosserunefemmequivousendonneenvie?Laquestionluisemblatellementabsurdequ’ilneréponditpas,secontentantdesecouerlatête.—Vousleferiezmaintenant,devantmoi?ditRosesansréfléchir.Douzeansdesolitude…douzeansdefrustration…douzeansdetourments…Etpuis,cettedemandeextraordinaire!CommeJackLodounlaregardaitavecdesyeuxronds,ellecherchaàsejustifier.—S’ilvousplaît,touchez-vous!Caressez-vous!Montrez-moicequec’estqu’unhommequin’a

entêtequedejouiretquisemoquedeprocréer.C’estquelquechosequejen’aiencorejamaisvu.Jevoudraisêtresûrequeçaexiste.

Etmaintenant,qu’allait-ilsepassers’ilrefusait?

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Etqu’allait-ilsepassers’ilacceptait?

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6

LaclochedeWestminstersonnaencoreuncoup.Lessabotsd’unchevalrésonnèrentsurlepavéde la rue.Mais ilsne lesentendirentpas.Lemondeextérieur, toutcequise trouvaitendehorsdesquatremursdusalon,avaitcesséd’exister.

Doucement,tandisquelenoirdesespupillesmangeaitlevertdesesiris,JackLodouncommençaàdéboutonnersabraguette.

Puisqu’ilacceptait,Roses’enhardit.—Tout,dit-elle.Enleveztout.Jeveuxvousvoirentièrementnu.Commel’hommedelacartepostale.Ilôtasaveste.Lescontoursdesesjouesétaientdevenusrougesombre.Un gilet de soie à rayures grises contrastait avec la blancheur immaculée de la chemise et

débordaitsurunpantalonnoir.Lecorpsquiselaissaitdevinersouslesvêtementsétaitindéniablementviril.Rose n’avait encore jamais vu un homme se déshabiller. Elle observait attentivement ses

moindresgestes.Ilôtaunàunlesquatreboutonsdenacredugilet.Legiletglissalelongdesesbras.Lesbretelles

noires suivirent le même chemin. Il desserra sa cravate et la fit passer par-dessus sa tête. Ildéboutonnasachemise.Unmaillotcouleurchairapparutdansl’encolure.

Iln’yavaitpaslamoindrehésitation,paslemoindreembarrasdanssesgestes.Lachemiseatterritsurlesol.Et,aussitôtaprès,lemaillotdecorps.Sespoilscuivrésbrillèrentdanslalumière.Sursapoitrine.Soussesbras.Rosecessaderespirer.Lalumièreetlesombresdansaientsursesépauleslargesetmusclées.Sesmamelonsperçaientà

traversunemoussedepoilsdorés.RosepritconsciencequeJackLodounétaituntrèsbelhomme.Lesbraisespétillaientdansl’âtre.—Vouspermettezquejem’asseyepourôtermeschaussuresetmeschaussettes?LavoixdeJackLodounétaitneutre,maisunfeuétrangebrûlaitdanssesyeuxémeraude.Roseavalasasalive.—Faitesdonc.Lesressortscouinèrent,commesilefauteuilprotestaitcontrelefardeauqu’onluiimposait.Lespaupièresmi-closes,ilsepencha.Desboucleschâtaines,plussombresqueleduvetdesapoitrine,ornaientsanuque.Lesmusclesde

sesépaulesetdesesbrasfrémissaientsouslapeau.

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Ilretroussasonpantalonpourôtersessupports-chaussettes.Rose avait l’impression qu’un air brûlant circulait dans ses bronches. Elle n’aurait jamais cru

possible de partager un tel moment d’intimité avec un homme qu’elle ne connaissait que depuisquelquesheures–ellequin’enavaitpasconnudetelavecsonmariendouzeans!

LesressortsdufauteuilcouinèrentànouveaulorsqueJackLodounsereleva.Ilouvritlentementsabraguette,unboutonaprèsl’autre,cinqentout.

Roseleregardaitfaire,incapablederespirer.Le pantalon de Jack et son caleçon dégringolèrent ensemble jusqu’au sol. Ses cuisses et ses

molletsapparurentdorésdanslalumièredufeu.Roseregardafixementlemembredresséaumilieud’unbuissondebouclesbrunes.Lesboucles

étaientplusdruesquecellesdel’hommesurlacartepostale,etlemembreétaitpluslong.Lecœurdelajeunefemmesemitàbattretrèsfort.Sonsangétaitprochedupointd’ébullition.AuxyeuxdeRose,lesexedeJackLodounavaittoutdebeau:lebulbesatiné,lesirisationssurla

couronne à la base du gland, le réseau de veines bleutées qui lui donnaient un air de vigueurextraordinaire.Lesexedel’hommesurlaphotonesupportaitpaslacomparaison.

Delonguessecondespassèrent.Iln’avaitaucunehonteàs’exhiber.Etellen’avaitaucunehonteàl’admirer.

Il prit son sexe dans la main gauche et caressa le gland avec l’index de la main droite aprèsl’avoirhumectédesalive.Lorsqu’ilécartalesjambes–longues,musclées,couvertesdepoilsdorés–lalumièredeslampesenveloppasestesticules.

Empoignantsolidementsonmembre,samaingaucheentamaunmouvementdeva-et-vient.Lesavancéesetretraitssefaisaientaurythmedesbattementsdesoncœur.

Roseauraitvoululuidirequ’ilétaitbeau,maislesmotsluimanquaientpourdécrirecequ’elleavaitsouslesyeux.

Tous les hommes nus qu’elle avait vus jusqu’ici, c’était sous la forme de statues, dans destableaux ou en photo. Rien qui puisse se comparer à un homme en chair et en os. Au bout d’unmoment, Jack glissa la main droite entre ses cuisses et se pétrit délicatement les testicules.L’entrejambedeRosesemitàfrémiràl’unisson.Quelquechoseétaitentraindesepasser,quelquechosequiaccéléraitsarespirationetluidonnaitchaud.

JackLodounrenversalatêteenarrière.Ilavaitl’airextatique.Rosesupposaqu’ilétaitentraindepenseràsonanciennemaîtresse,CynthiaHerriesWhitcox.

UnhommeetunefemmequiavaientconnuuneintimitéàlaquelleRosen’avaitfaitquerêver.Soudain,JackLodounrouvritlesyeuxtandisquesasemencefusaitenplusieursjets.Lesombresetleslumièresluisculptaientunmasque.Ilgrogna.Redescendusurterre,ilétaitentraindeserendrecomptequecelan’avaitétéqu’uneillusion.Rosen’étaitpaslafemmequ’ilaimait.Lafemmequ’ilaimaitétaitmorte.Ensilence,Rosequittalapièce,lelaissantseulavecsonchagrin.

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—Messieurs,veuillezvousdécouvrir!L’ordreserépercutadanslavastesalle,rebonditsurlemarbreblanc,lesvitrauxetlecarrelage

luisant.Jacknes’intéressaitpasàlaprocessionparlaquelles’ouvraitchaquesessiondelaChambredes

communes.Ilpréféraitregarderlesgens,l’émerveillementquisepeignaitsurleurvisageaupassagedusergentd’armesquiportaitsursonépaulelamassedorée.

Leprésidentavaitrevêtuletraditionnelmanteaudesoienoiredontdeuxpagestenaientlalonguetraîne.

Unerumeurd’impatienceserépanditdanslehall.Laprocession– le sergent d’armes, le président, l’aumônier, le greffier, le greffier adjoint, le

greffierdescomités,lespages–disparutderrièreunedoubleporteenboismassif.Troisminutesallaientpasseravantquelesportesneserouvrent.À l’intérieur, le sergent d’armes déposait la masse sur un piédestal placé devant la table du

greffier, où elle allait demeurer tout au long de la séance, symbole de l’autorité de l’Assembléelégislative.Pendantcetemps,leprésidentetl’aumôniers’agenouillaientpourlesprières.

JackpensaitàRoseClarring.Audésespoirquil’avaitpousséeàl’aborderdevantletribunald’OldBailey.Audésirquiavaitassombrisessuperbesyeuxmauvestandisqu’elleleregardaitsedéshabiller.Àsadéterminationdedivorcer,alorsquetoutdivorceétaitexclu.Devantlaportenord,lesspectateurscomptaientlesminutes.Adossé à unmur, Jack laissait errer son regard sur les statues des rois et des reines. Pour la

énièmefois,ilrelutlacitationbibliqueinscritesurlecarrelage:Sil’Éternelnebâtitlamaison,ceuxquilabâtissenttravaillentenvain.

—Lesprièressontfinies!proclamaunhuissier.Simultanément,d’autreshuissierspoussèrentlesportes.Lestroisminutesétaientécoulées.Laséanceétaitouverte.Destalonsdetoutesorterésonnèrentsurlecarrelageetdansl’escalier.UneimagepassadevantlesyeuxdeJack,celledesixfemmesetcinqhommes.Enattendantleverdictdansl’affaireFrancesHart,RoseClarrings’étaittenueaufonddelasalle

dutribunal,entreJohnNickols–l’hommeclouésurunfauteuilroulant–etungaillardmoustachu,JosephManning,lefondateurduclubdesMessieursetdesDames.

MarieHoppleworth,unepetitedameàlunettes,avaitposésamainsurl’épauledeJohnNickols.JosephManningavaittenulebrasd’ArdelleDennison,unefemmeàlabeautéévidentemaisfroide.

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LeminusculeettimideGeorgeAddimores’étaitserrécontrel’immenseSarahBurns.LatrèsdigneEstherPalmeravaittrouvérefugeauprèsdutrèsdigneThomasPierce.

Ilsavaientfaitcorps.AuParlement,leshommesetlesfemmesétaientséparés,pensaJack.Leshommessurlagalerie,

lesfemmesretranchéesderrièreuntreillisdecuivre.Ilsedécolladumur,sonchapeauetsonparapluiedanssamaindroite.

—Non,madame,jen’accepteraipasunsoudemoins.Roseregardaunefoisdepluslalettrequ’elletenaitàlamain.Levieuxmajordomeavaitlesmeilleuresréférencesdumonde.Ellereconnutlenomdesonancienpatron…Ellesavaitqu’ilavaitdebonnesetlégitimesraisons

dequittersonemploi.Ses patrons avaient loué leur maison de ville et avaient acheté un manoir à la campagne. Le

majordometenaitàresteràLondres,oùsetrouvaittoutesafamille.Par ailleurs, elle était une femme dont l’inconduite était notoire et qui faisait partie d’un club

scandaleux.Aucundomestiquerespectablen’auraitenviedetravaillerpourelle–àmoinsd’ytrouversoncompte.Maislesexigencesdecelui-làétaientextravagantes.

—Danscecas,monbonmonsieur,j’aibienpeurquenousnepuissionsfaireaffaire,ditRoseenrepliantsoigneusementsalettrederecommandationetenlaluirendantd’unemainquinetremblaitpas.Mercid’êtrevenu.

Enfaisantlamoue,l’hommerécupéralalettre.Cettemouevoulaitdirequ’iln’auraitaucunproblèmepourtrouverdutravail.C’étaitlequatrièmecandidatqueRosevoyait,tousdumêmeacabit.Avecunpetitreniflementdedédain,l’hommes’enalla.Restéeseuledanslesalon,Roseselaissachoirdanslefauteuiltropmouetfixalemur,surlequel

iln’yavaitrienàvoir,àpartlestachesetlestracesd’usuresurlavieilletenture.EllerepensaauxyeuxdeMeLodounlorsqu’ill’avaitinterrogéeautribunal.—Votremariest-illà?Ellefermalespaupières,maiscelanesuffitpascarlesimagesétaientdanssatête.JackLodounl’avaitpoursuivieimplacablement.—Veuillezregarderdanslasalle,madameClarring.Dites-moisivousvoyezvotremari.—Non.—Pourquoi?—Parcequ’iln’estpasici.—Attend-ildehors?Jepourraisdemanderàungreffierdel’appeler.—Non,iln’attendpasdehors.— Comment se fait-il que votre mari ne soit pas ici avec vous, un jour comme aujourd’hui,

madameClarring?Laréponseauraitété:«Parceque,auxyeuxdemonmari,jen’existepasvraiment.»Maisellen’avaitpasréussiàledire,avectouscesétrangersquil’observaient:lejuge,lesjurés,

lestémoins,lesavocats…Elle n’avait pas réussi à dire qu’elle n’avait personne vers qui se tourner, à part les autres

membres du club des Messieurs et des Dames. Mais ils n’avaient pas besoin d’elle non plus. Ilss’étaientsuffiàeux-mêmes,unhommeparfemme,unefemmeparhomme.

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Roseavaitétélafemmeentrop.D’autresimagesseformèrentdevantsesyeux.Despoilscuivrésquibrillaientdanslalumièredeslampes.Unecolonnedechairterminéeparun

bulbevioletquimiroitaitcommedusatin.Rosenes’étaitjamaisdoutéequ’unsexed’hommepouvaitlittéralements’enflammerdedésir.Maintenant,ellesavait.Elle savait comment Jack Lodoun avait envie d’être caressé. Elle savait où Jack Lodoun avait

envied’êtrecaressé.Ellesavaitcequesadéfuntemaîtresseavaitadmiré,caressé,prisenelle.Ressentirdelajalousieenversunemorte,iln’yavaitpasdesentimentplusamer!Nonloin,uncarrossepassasurlespavés.Roseseleva.Sonestomacgronda.Ellesesouvintqu’ellen’avaitrienavalédepuisunetassedecaféetunpetit

gâteauavantdeserendreàl’agencedeplacement.Lesoleiléclairaitleparquet.Lebronzeetlecuivrebrillaientdanslapénombre.La cloche de Westminster sonna quatre fois. Quatre heures de l’après-midi. Rose se souvint

quec’étaitl’heureàlaquelleleParlementseréunissait.Danslevestibule,ilyavaitsacapeetsonchapeau.Maispaslamoindretracedel’hommeàquielleavaitouvertsaportelaveilleausoir,àquielle

avaitdemandédesemettreentièrementnu,àquielleavaitdemandédesemasturberdevantelle!C’étaitcommesilasoiréed’hiern’avaitjamaiseulieu.Rosejetasacapesursesépaulesetposasonchapeausursescheveuxendésordre.Pendantdelonguessecondes,elleexaminasonrefletdanslemiroirovaleaccrochéaumur,au-

dessusdelatable.Lesoleildoraitsescheveuxetrosissaitsesjoues.Ellesetrouvaitjolie…etdigned’êtreaimée.Cetteidéenesuffitpasàlaréjouir.Ellevoulutattrapersonsacdansletiroirduhaut.Samaintombasurl’éditionduGloberapportée

dechezsesparents.Legraveurl’avaitreprésentéeaveclespaupièresàdemibaissées,cequiluidonnaitdesairsde

sainte-nitouche.Lesgenspenseraient:«Nonseulementperverse,maishypocrite.»Elle sedemanda si sonmari avaitvu l’imagedans le journal.S’était-il souvenude l’innocente

jeunefillequ’elleavaitété?Roserepensaàl’hommeàlarobenoireetàlaperruquegrisequiavaitdétruitsaréputation.Elle

repensaaumêmehomme,encostumedevilleettêtenue,quiavaitrefusédeselaisserémouvoirparses souffrances. Et puis au même homme encore, entièrement nu, la lumière dansant sur sesclavicules,lesombresdonnantl’impressiondeluipincerlestétons,etquiavaitfaitjaillirsonspermedevantelle.

JackLodounneluiavaitpasreprochédepréférerêtreunefemmequ’unemère.Ellefroissafurieusementlejournal–maislejournalnerenditpasunbruitdepapierfroissé.Étonnée,ellelelissa.Desmiettesdebiscuittombèrentsurlatable.Rosesourit.Giles,levieuxmajordome,nel’avaitpasabandonnée.

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Celaluifitchaudaucœur.Plustard,ellenettoierait.Pourl’heure,lesoleilinvitaitàlapromenade.Rosefit tomberquelquesmiettesdanslecreuxdesamain, laissalejournalsurla table,attrapa

sonsacetsortit.Unefoissurleperron,ellemitlesmiettesdanssabouche.Lapâteétaittoujoursmoelleuse,les

grainsderaisintoujourshumides.Ellepivotapourfermerlaporte.Del’arbrevoisin,desoiseauxs’envolèrent.—Coucou,Rose!s’écriaunevoixdanssondos.Rosen’eutqu’àl’entendrepourqu’aussitôtsabonnehumeurdisparaisse.Enmâchonnant–leraisinavaitprisbrusquementlaconsistanceduliège–,ellefermalaporteà

cléetseretourna,lesourireauxlèvres.Unejeunefemmesurmontéed’unpetitbonnetbleusetenaitaubasdesmarches.Lesoleilquise

reflétaitsursescheveuxnoirslesfaisaitparaîtrepresqueroux.Elleattendaitunbébé.— Coucou, Lucy, répondit Rose. Ton mari ne serait peut-être pas content s’il savait que tu

sillonneslesruessiprochedetonterme.—Dereksaitquejesuisici.LucyétaitlafemmedufrèreaînédeRose,etelleavaitdéjàtroisfils.—Monbébéavaitenviedevoirsatante,ajouta-t-elleensecaressantleventre.Rosefitunepetitegrimace.Lesquelquesmiettesdebiscuitqu’elleavaitmangéess’étaientmisesà

luipesersurl’estomac.—Ce n’est pas seulement pour ça que tu es venue ? demanda-t-elle, pressentant unemauvaise

nouvelle.—Nousnousfaisonsdusoucipourtoi,Rose.Roseserralespoingssanspresques’enrendrecompte.—Écoute,Lucy,c’est trèsgentildevotrepart,çame touchebeaucoup,vraiment,mais jepeux

t’assurerquejevaisbien.Lucyn’avaitjamaisétédugenreàmâchersesmots.—Rose,ilyadesfemmesàquil’accouchementfaitpeuret j’admetsquecen’estpastoujours

unepartiedeplaisir,maiscen’estpastropcherpayerpourlesjoiesquel’onaensuite.Quanddonclaviedesfemmescesserait-elledetournerautourdelamaternitéetdesenfants?—Tuesheureuseavecmonfrère?demandaRosesansréfléchir,tandisquelacléqu’elleserrait

dansunemainluilabouraitlapaume.—J’aimeDerek,réponditLucy.Àvoirsafigure,ellenementaitpas.—Ettuaimescequ’iltefait?insistaRose.—Dequoiparles-tu?—Ehbien,decequ’iltefaitpour…pourquetuteretrouvesenceinte.Lucyécarquillalesyeux.Elleétaittellementestomaquéequ’ellenetrouvarienàrépliquer.—Écoute,enchaînaRoseaprèsavoirprisuneprofonde inspiration, jevais te répondreceque

j’airéponduàmesparents:jet’aimebien,maiscequejefaisneteregardepas.Çaneregardepasnonplusmesfrères…Jesuisen traindem’installer.Jen’ainidomestiquesnimeubles.J’aimeraisvousrecevoir,maiscen’estpaspossiblepourl’instant…S’ilteplaît,nerevienspasavantquejenet’invite.

Lucyparutmeurtrie.—Queveux-tuquejediseàDerek?

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—Dis-luiquejel’aimebeaucoup.Pourseracheter,Rosedescenditlesmarchesetposalamainsurleventredesabelle-sœur.Elle

eutl’impressiondesentirunpetitpiedbouger.— Et dis-lui aussi, ajouta-t-elle en se contraignant à ne pas retirer sa main, ce que tous ses

instincts luiordonnaientdefaire,dis-luiaussique,sic’estunefille, j’espèrequevous l’appellerezcommemoi.

—C’estpeuprobable,aprèstroisgarçons,répliquaLucyenplissantsonjolipetitnezcouvertdetachesderousseur.Maissic’estlecas,Derektientàcequ’elles’appellecommemoi.

—LucyRose,çasonnebien,qu’endis-tu?proposaRose.Lucyretrouvalesourireaussivitequ’ellel’avaitperdu.—VapourLucyRose!RoseglissasaclédanssonsacetpritLucyparlamain.—Maintenant, je te raccompagne.Si tuveux,onpourramêmes’arrêteren routepourmanger

uneglace…LucypressalamaindeRosedanslasienne.—Derekaparléavectonmari.Àdeuxpâtésdemaisonsdelàsetrouvaituncarrefouroùellespourraientprendreunfiacreouun

omnibus.Roseseditqu’àforcedemettreunpieddevantl’autre,ellefiniraitbienparyarriver.—Qu’est-cequ’ilssesontdit?demanda-t-elled’untonfaussementindifférent.

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8

Les lourdes portes de chêne massif se refermèrent derrière Jack. L’obscurité commençait às’entasseraupieddesmurs.Au-dessusdestêtes,lalumièredeslustrestremblotait.

Deuxcentdix-neufautreshommess’avançaientdanslecouloir–échangeantdesplaisanteriesetdesconsidérationspolitiques.

Enrevanche,ilsnediscutaientpasdelarequêtesurlaquelleilsavaientétéappelésàvoter.Leurdécision–ainsiquecelledeJack–étaitprise.

Tandisqu’ilsdéfilaientenrangpardeux,lesportesàl’autreboutducouloirs’ouvrirent.Unhommecriad’unevoixde stentor :«EdwardLimpton», aussitôt suiviparuneautrevoix,

moinstonitruante:«BrianDougby.»Chaquedéputé,ensortant,donnaitsonnom.Iln’enfallaitpasdavantagepourvoter«non»etdétruirelesrêvesd’unefemme.Son tourvenu, Jackdit sonnomet sortit.RoseClarringallait lesmaudire, luiet leParlement,

pourcettejournée.—Lodoun?lançaquelqu’undanssondos.Viendrez-voussouperavecnous?—Jesuisdéjàpris,répondit-ilsansralentirlepas.—Alors,uneautrefois,vieuxfrère…MaisJackétaitdéjàloin.Auvestiaire,ilrécupérasonmanteauetsonchapeau.Danslehallcentral,desdéputésselaissaient

volontiersarrêterparlesjournalistesaccrédités.Lesvoixserépercutaientsousledôme.—MonsieurLodoun!Soudain,unhommeàcheveuxgominésetcostumeàcarreauxseplantadevantlui.Jackreconnut

lecorrespondantdelaPallMallGazette.—Hier,vousavezperduunprocèsaucivilcontreJackWhitcox.Qu’avez-vousàdireàcesujet?—Rien,réponditJack.Ilpartit.Lejournalistelesuivit.—Ya-t-ilunerivalitéentrevousetWhitcox?—Jen’airienàdire,tranchaJackenregardantdroitdevantlui.—Commentavez-vousvotéconcernantlarequêtedeMmeGreffen?Sonvoteparaîtraitaujournalofficiel;iln’avaitaucuneraisondefairelemystérieux.—J’aivotécontre.Lejournalisteétaittoujourssursestalons.—Pourquoi?

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—Toutbonnementparcequeladiterequêteestcontraireàlaloi.Quelqu’unannonçal’arrivéeduPremierministre.Jacksortitparuneportelatérale.LejournalistedelaPallMallGazettenelesuivitpas:ilavait

mieuxàsemettresousladent.RoseClarringétaitlà,appuyéecontreunlampadaire,levisagetournéverslesoleil.Jacks’immobilisa.Un grincement de rouages et des claquements annoncèrent que Big Ben n’allait pas tarder à

sonner.Quandellesonna,Roselevalesyeuxverslesommetdelatour,l’airextatique.Le cœur de Jack se serra. Elle était jolie, et elle avait envie de connaître la passion.Mais le

Parlementnereconnaissaitpasledroitàlapassion.Jack avança vers elle, humant le frais parfum des roses, faisant s’envoler des pigeons. Les

clochesdeWestminsterrecouvraientlebruitdesestalonssurletrottoir.Ellenel’entenditpasvenir.Elleneserenditcomptedesaprésencequelorsqu’illapritparlebras.

Ellesetournaverslui.—C’estunbeauquartier,n’est-cepas?dit-elle.—Oui.Autrefois,ill’avaitpenséaussi;aujourd’hui,ilétaitunpeublasé.—Vousaviezbuhiersoir,avantde…Ellelaissasaphraseensuspens.—Oui,unpetitpeu…—Voussouvenez-vousdequelquechose?Jacksentitsesjouesdevenirbrûlantes.Laboufféedechaleurserépanditjusqu’àsonbas-ventre.—Oui.Ilsesouvenaitdechaquemotqu’elleavaitdit.Delamoindreétincelledanssesmerveilleuxyeux

pervenche,renduoutremerparlapénombre,dechacunedesexpressionsdesonvisagetandisqu’ilsedéshabillait…etdelasuite…

L’échoducarillondeWestminsterfinitparsedissiper.—C’estleseulendroitoùj’étaisàpeuprèssûredevousretrouver,ditRosetimidement.Maisle

momentestpeut-êtremalchoisi…Aucunefemmen’étaitjamaisvenueattendreJackdevantleParlement.Curieusement,iléprouvait

lemêmesentimentdevulnérabilitéqu’hiersoir,quandils’étaitretrouvénuaumilieudesonsalon.—Engénéral,nousfaisonsunepausevershuitheures.Les trottoirs furent peu à peu envahis. Des parlementaires et des spectateurs, qui s’en allaient

dîner.—Ellevousaimait,MmeWhitcox?demandaRosetoutàtrac.—C’estpourçaquevousêtesvenuejusqu’ici?répliquaJackd’untonquinetrahissaitaucune

émotionparticulière.Pourm’interrogersurmonanciennemaîtresse?Ellebaissalesyeux.—Non,c’estpourparlerdemondivorce.—Sijemesouviensbien,nousenavonsdéjàparléhier.—Et,sijemesouviensbien,rétorquaRose,nousnesommespasarrivésàgrand-chose.Toutce

quejeveuxsavoir,maîtreLodoun,c’estsivousacceptezdemesoutenir…Enfait,Jackn’ensavaittoujoursrien.Ilrepensaàlarequêteindividuellecontrelaquelleilvenait

de voter. Il songea aux journalistes qui risquaient de sortir à tout moment et de l’apercevoir enconversationprivéeaveclascandaleuseRoseClarring.

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IlpensaàsirPauletàStromwell,etaupostedejugeàlaCoursuprêmequ’ilsluiavaientagitésousleneztelleunecarottesouslenezd’unâne.

Commeilnerépondaittoujourspas,Roseserembrunit.—Jevois,dit-elle.J’imaginequevotretempsestprécieux.Pardondevousavoirdérangé.Ellecherchaàdégagersonbras,qu’iltenaittoujours,maisillaretint.—Vous avezdit quevous auriezvouluunhommequipense àvous rendreheureuseavant de

vousrendremère,rappela-t-il.Quevousnevouliezplusvivreunesecondedeplusavecvotremariparcequ’iln’avaitjamaisvuenvousautrechosequ’unanimalreproducteur…

Elle le regarda longuement, comme si elle cherchait au fond de ses yeux l’homme qui s’étaitexhibédevantellemoinsdevingt-quatreheuresauparavant.

—C’estvrai,j’aiditcela.—Votremarivousa-t-iljamaisfaitjouir?demandaJack,connaissantd’avancelaréponse.Rosesecrispa.—Nousétionsdesgossessansexpérience,murmura-t-elle.—Çaveutdirenon?—Maisquellefemmeabesoindesonmaripourjouir?repartitRosed’untonpincé.Ellepeutse

fairejouirtouteseule.—Ensecaressant?—Oui.—Etvousvoulezdivorcer?—Oui.—Pourvousépanouirlibrement?—Oui.—Sansbiensavoircequecelaveutdire?—Toutcequejesais,c’estqueçan’arienàvoiraveclefaitd’êtremère.—Vousditescelaparcequevousn’avezpasaimébaiseravecvotremari?—Jen’aipasditcela.—Quevousn’aimiezpas?—Quemonmarimebaisait,commevousdites.—Maisc’estcequevousauriezvouluqu’ilfasse?—Non.—C’estpourtantcequevousavezdit.—J’aijusteditquejevoulaisunhommequim’aimeetquiyprenneautantdeplaisirquemoi.—Vousavezditquevousvouliezvousépanouir,rappelaJack.Commentsavez-vousquecen’est

pasenbaisantcommedesbêtesqu’ons’épanouit,madameClarring?À la barre des témoins, elle n’avait pas refusé une seule fois de répondre. Elle n’allait pas

commencermaintenant.—Jen’ensaisrien,admit-elle.Àvraidire,Jacknonplus.D’unemainferme,illadécolladulampadairesurlequelelles’appuyaitetl’entraînaverslarue.—Oùallons-nous?demandaRose.—Chercherl’épanouissement.Unfiacreenpassant lefrôla,faisantvoleter lespansdesonpardessus.D’unmêmepas,hanche

contrehanche,ilstraversèrentlarue.Elletressaillitenvoyantlaboutiqueverslaquelleill’entraînait–unelibrairie.

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Lorsqu’ilpoussalaporte,uneclochettetinta.Unevaguedelumièreorangéeserépanditdehors.Roserestaenarrière.Elleétaitlivide.

—Allons,n’est-cepaspourçaquevousêtesvenueicicesoir?s’exclamanarquoisementJack.Pourchercheruneformed’épanouissement?

RoseClarringdevintbrusquementtouterouge.—Cen’estcertainementpasdansunelibrairiequejetrouveraiça.—Vous êtes pourtant bien placée pour savoir qu’avec les librairies, il ne faut pas se fier aux

apparences,répliquaJack.L’arrière-boutiqueestquelquefoismoinsinnocentequeladevanture.Vousavezpeur?ajouta-t-ilcarellehésitaittoujourssurleseuil.

—Pourquoiaurais-jepeur?rétorqua-t-elleenfaisantunpasenavant.C’estunendroitpublic.—Alors,enroute!BigBensonnahuitheures:uncarillonauxsonoritésclairessuividehuitdong!Lesoleilallait

bientôtsecoucher.Lejourfinirait.Quantàsavoirdequoilanuitseraitfaite…Unhommesobrementhabillédenoirvintàleurrencontreetleurbarralepassage,commepour

leurinterdirel’accèsàl’arrière-boutique.Ils’écartalorsqueJacklefusilladuregard.Laportedel’arrière-boutiquesefermaderrièreeuxavecunbruitsec.Jack observa la réaction deRose devant cet endroit dont tous les parlementaires connaissaient

l’existencemaisdontnulneparlait.Un jeune homme tourna la tête et écarquilla les yeux en voyant une femme. C’était Thomas

Sayreville,unparlementaire–conservateurcommelui.Aussitôt,Jackattrapasonregard.Ilssetoisèrentpendantdelonguessecondes.Jackleconnaissait.Ilconnaissaitaussisafemme.Sayrevillebaissalesyeux.LesjouesdeRoseClarringsecolorèrent.Maisellenepenchapaslatêtepoursecacherderrière

lereborddesonchapeau.Jackneputs’empêcherdel’admirer.Illaguidadanslesalléesmaléclairées.Luilâchantlebras,illapritparlataille.Ledosétaitaussi

rigidequelebras.Dansunevitrine se trouvait toutunassortimentd’accessoiresdontcertainsavaientété inventés

pour faire souffrir et certainement pas pour faire jouir : des anneaux de métal, des pinces, desmenottes…

—Puis-jefairequelquechosepourvous?s’enquitunvendeurquiparaissaitintimidé.LevendeurregardaitJack.JackregardaitRoseClarring.RoseClarringregardaitlavitrine.Sans cesser d’admirer le nez et les joues de la jeune femme– tout ce qui était visible entre le

reborddesonchapeauetlecolécharpedesacape–,Jackrépondit:—Nousvoudrionsvoirlesgodemichés.Avecdesmainsquitremblaientunpeuetenévitantsoigneusementdejeterunregardàlafemme

quisetenaitprèsdeJack,levendeurétalasurunetableunedouzainedephallusartificiels:encuir,envelours,enverre,petits,gros,monstrueux…

—Laissez-nous,ditJack.Levendeursefitunejoied’obéir.

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Rose Clarring contempla ces instruments qui, malgré leurs différences, avaient tous la mêmedestination.

—Vousenvoulezun?demandaJack.LapoitrinedeRosesesoulevasoussacape.—Oui,répondit-elled’unevoixblanche.—Alors,choisissez.

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9

Il régnait dans l’arrière-boutique un silence de bibliothèque. Un toussotement se fit entendre,commepourleurrappelerqu’ilsn’étaientpasseuls.

Deshommeslesobservaient.D’ungesteunpeuraide,RoseClarringtenditlebrasversungodemichédecuir.—Lesmainsnues,recommandaJack.Vouslesentirezmieux.Elleôtasesgantsetlesfourradanssapoche.RoseClarringavaitdesdoigtsfinsetfuselés.Prudemment, commesi c’étaitunpistolet chargé,elleprit legodemiché,quin’étaitguèreplus

grandquesonindex.—C’estpourunanusdefemme,expliquaJack.Oud’homme.Aussitôt,ellerelevalesyeuxverslui.—Avez-vousdéjà…—Sodomiséunefemmeavecundecespetitsengins?proposa-t-il.—…étévous-mêmesodomiséavecl’undecespetitsengins?rectifia-t-elle.—Oui,avouaJackàcontrecœurtandisquedessouvenirsluirevenaientenmémoire.Unemaîtresseinventivel’avaitautrefoisinitiéàdessensationsdiversesetvariées.Dontcertainesqu’ilavaitpartagéesavecCynthiaWhitcox.Rose plissa les yeux. Il eut l’impression qu’il éprouvait de la surprise, de la curiosité, mais

certainementpasdudégoût.Jacks’emparad’ungodemichédeverre,grosetlong.—Essayezcelui-là,dit-ilenluiôtantdesmainsceluiqu’elletenait.Rosepritlegodemichédeverre:ildébordaitlargementdesamain.Jacksecollaàellepourquepersonned’autrenepuissevoircequ’ellefaisait.Ellepassaledoigtdessus.Aumêmemoment,Jackeutl’impressionqu’undoigtcouraitpareillementsursonmembre.—MeWhitcox, lorsqu’il enaparlé, les a appelés«consolateursdeveuves»,ditRoseàvoix

basse.Jacképrouvadudéplaisiràl’entendreprononcerlenomdumaridesamaîtresse.Siuneréponse

luimontaauxlèvres,illaravala.Iln’avaitpasenviedeparlerdeJamesWhitcox.IlavaitjusteenviedeparlerdeRoseClarring.Sansleregarder,elleajouta:—VousavezaccuséMmeHartetMeWhitcoxd’avoirfaitleuréducationenlisantdeslivressur

lesperversionssexuelles…Enfait,maîtreLodoun,auclubdesMessieursetdesDames,nousavions

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commencé à étudier les perversions sexuelles bien avant que Mme Hart nous rejoigne. C’étaitscientifique, pas graveleux. Nous apprenions des choses intéressantes… Savez-vous, par exemple,que dans l’Antiquité grecque, la spécialité locale à Milet était les godemichés en cuir, et que lecommerceétaitflorissant?

Jacklesavait…maisseulementparcequ’ill’avaitludansledossierduclubdesMessieursetdesDames.

—Lesphallusartificiels,cen’estdoncpasnouveau,poursuivitRoseencaressantmachinalementleboutdugodemiché.MêmelaBibleenparle.Maisnotresavoirrestait théorique,etnousparlionspolimentdes choses lesplusdélicates. Jusqu’au jouroùMeWhitcox a apporté des cartes postalesillustrées.

C’étaitlejouroùFrancesHartavaitétéofficiellementreçuedansleclub.Lasecrétaireavaitnoté la séancedu16avrilmaisn’avaitpaséprouvé lebesoindedécrire les

illustrations.—C’étaitévidentpourtoutlemondequ’illesavaitapportéespourMmeHart,ditencoreRoseen

passantledoigtsurlefreindugland.Pourqu’ellevoieleschosesquil’excitaient.Jacksesouvintdelacartepostalequ’ilavaitvueàlalibrairieBailey–cellesaveclesdeuxfilles

nues,dontl’unes’exhibaittandisquel’autrejouaitavecunepoireàlavement.L’idée de partager des goûts avec James Whitcox, après avoir partagé la même femme, le

révulsait.—Surl’unedesphotos,continuaRose,unefemmetenaitungodemiché.C’est lapremièrefois

que j’envoyaisun.Si jen’avaispas suàquoi celapouvait servir, je l’auraisdeviné facilementenvoyant ses jambes écartées. Jeme souviens que j’ai trouvé drôle qu’un homme puisse prendre duplaisiràregarderunefemmes’enservir.

UnemaininvisibleétreignitlesexedeJack.—Vous avez déjà vu une femme faire ça, maître Lodoun ? demanda Rose, les yeux baissés,

commesielles’adressaitaugodemiché.Ilauraitpréférénepasavoiràrépondreàcettequestion.—Oui.—Çavousaplu?Desimagesluirevinrentenmémoire,accompagnéesd’aucuneémotion.Uncorpsdefemme.Maisilnesesouvenaitpasdesestraits.Nidelacouleurdesescheveux.Ni

del’odeurdesapeau.—Oui,çam’aplu.— Il est gros, dit Rose en fixant le godemiché. Mais quand même moins gros que votre

membre…Jackneréponditrien.Elleconnaissaitaussibienqueluilatailledesonsexe.Elleposalegodemichédeverreetenpritunencuir,depresquevingtcentimètresdelong.Tandisqu’ellelesoupesait,Jackeutl’impressionquesonsexedevenaitplusgrosetpluslourd.—MllePalmerenaachetéuncommeçaquandnoussommesalléstousensembleàlalibrairie

Bailey.Jacksesouvintdecettefemmed’unetrentained’années,quiétaitdevenuerougecommeunkilo

de poudre de cochenille lorsqu’il l’avait interrogée,mais qui avait répondu à toutes ses questionssanssedémonter.

Elleavaitétéprofesseurdansuneinstitutiondejeunesfillestrèsréputée.Laveilleduprocès,elleavait informé ladirectricedeson implicationdans l’affaireduclubdesMessieursetdesDameset

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avaitétérenvoyéeséancetenante.Maiscelan’avaitpassuffiàpréserverlaréputationdel’école,dontlenomavaitétécitéparplusieursjournaux.

Rosecontinuaitdemanipulerlesgodemichésdecuirenréfléchissanttouthaut.—Celui-làesttropgros,dit-elle.Cen’estpasungodemiché,c’estunpal!…Celui-là,parcontre,

meplaîtbien.Ilaàpeuprèslamêmetaillequevotremembre.Ellerelevasonchapeau.Sonaigrettetrembla.—Jecroisquejevaisleprendre.—Vousavezenvied’avoirçaenvous?Iln’yavaitpasd’incertitudedanssavoixlorsqu’ellerépondit:—Oui.Maisiln’yavaitnonplusdedésirdanssesyeux.—Êtes-vousmouilléeentrelescuisses?—Oui.—Avez-vouspeur?—Dequoi?Elleavaitbienrépondu;iln’yavaitaucuneraisond’avoirpeur.Illuipritlegodemiché.—Attendez-moiprèsdelasortie.Elleserebiffa.—J’aipourhabitudedepayermoi-mêmecequej’achète,monsieurLodoun.—Et,naturellement,vousavezaussipourhabituded’acheterdesgodemichés?Touslesjours?

Treizeàladouzaine?Elleouvritdesyeuxronds.—Vousavezvraimentenviequ’onvousdévisageàlacaisse?expliquaJack.Ouquelevendeur

fasseuneattaqued’apoplexie?Roseéclataderire.Jackeutl’impressiondevoirRoseClarringtellequ’elleavaitétédouzeansplustôt,mariéeàun

hommequilarendaitheureuse.Maislabonnehumeurdelajeunefemmefutdecourtedurée.Têtebaissée,dissimuléeparlenoirduchapeauetleblancdel’aigrette,ellefouilladanssonsacet

ensortittroisflorins,qu’elleluidonna.—Sic’estpluscher,vousmeledirez.Tousleshommeslasuivirentdesyeuxlorsqu’elles’enalla.Ladémarchefière,lesondulationsde

lacape:elleétaitmajestueuse.Jackétaitsidéré.Pendantdeuxans,ilavaitfréquentéunefemmeencachette;etmaintenant,celle-cis’affichaitavec

luidansuncommercedepornographie!—Avecceci,monsieur?demandalevendeur,beaucoupmoinsintimidémaintenantquelafemme

étaitpartie.Vousfaut-ilautrechose?—Oui,réponditJackensuivantdesyeuxungroshommequisortaitavecunvolumineuxpaquet

souslebras.Donnez-moiunflacond’huiledeMargot.—Dites-moi,vieuxfrère…?Jackseretournapourvoirquiluiparlaitsurcetonexaspérant.C’étaitlejeunedéputéqu’ilavait

aperçuenarrivant,Sayreville.—Quoi?

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—Ceneseraitpaslafemmequiétaitdanslejournal?Cellequifaisaitpartiedececlubunpeuspécialcontrelequelvousavezplaidéhier?

Sayrevilleétaittoutrouged’excitation.LuiaussiavaitsuividesyeuxRosequandelleétaitsortie.—Monchercollège,ditJackd’untonglacial,jenevoispasdequivousvoulezparler.Sayrevilleparutdéconcerté.—Maisenfin,lafemmequivientdesortir…—Iln’yajamaiseulamoindrefemmeici,ditJackenletoisant.D’ailleurs,cettepiècen’existe

même pas et n’a jamais existé. Si par malheur elle existait un jour, eh bien, certaines chosesdeviendraientpubliques,nécessairement.

Songeantàsonépouse,Sayreville,quiétaitrouged’excitation,devintrouged’embarras.Jackpritlepaquetdesmainsduvendeuretsortit.Comparéeàlapénombredel’arrière-boutique,lalumièredanslaboutiqueétaitéblouissante.Une

clochettesuraiguëécorchaitlestympansàintervallesréguliers:quelqu’unentrait,quelqu’unsortait.Dans laboutique,desmessieursd’allure respectableetdesdamesélégantespassaient entredes

tablessurlesquellesétaientempilésdeslivres.Personnen’auraitdevinél’existencedel’arrière-boutique.RoseClarringl’attendaitenfeuilletantunlivre.Il lapritparlebrasetilssortirent.Lanuitétait

fraîche.BigBensonnaneufheures.Toutenmarchant,JacktournaitrégulièrementlesyeuxversRose.Lechapeau,l’aigrette,lecolde

la cape… À part ça, il ne voyait que quelques mèches blondes qui flottaient dans la brise, finescommedescheveuxdebébé.

Ilfitsigneàplusieursfiacres,jusqu’àcequ’ilyenaitunquiconsenteàs’arrêter.Rose ymonta. Sous la lumière d’un lampadaire, ses yeux brillèrent, rivalisant d’éclat avec les

perlesdesesbouclesd’oreilles.L’heureétaitvenuepourJackdeprendreunedécision.Soitlalaisserpartirseule.Soitlasuivrejusqu’auboutduchemin.Legodemichésouslebras,Jackgrimpadanslefiacre.

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10

Lefiacretanguaitentraversantunpont.RoseClarringneparlaitpas.Jacknonplus.Ellenesavaitpascommentfairepouréviterqueleurshanchesnesetouchent.Àchaquetourde

roues, ilsétaientprojetés l’uncontre l’autre, tandisque legodemichédanssonpapierd’emballageétaittoujourscoincésouslebrasdeJack.

Aprèslepont,uneruepavée.Lessecoussessemultiplièrent.—Aufait,est-cequejevousdoisdel’argent?demandaRose.—Non.—Vousnerisquezpasd’êtreenretard,quandlaséancereprendra?—Celasepourraitbien.—Jen’aitoujourspastrouvédemajordome.JacktournalatêteetobservaRoseClarringdanslapénombre.Lafaiblelumièred’unréverbèreilluminal’aigretteblancheduchapeauetprécisalescontoursde

sonvisage.Disait-ellecelapourentretenirlaconversation,ouafinqu’ilsachequ’iln’yauraitaucunserviteur

chezellepourlesdéranger,sijamais…Ilréponditseulement:—Ahbon?—Oui,confirma-t-elle.Pourtantj’enaivuquatre,aujourd’hui.—Etaucunquivousconvienne?—C’estplutôtmoiquineleurconvenaispas.JacksedemandasielleliraitlaPallMallGazettedulendemain.C’étaitunjournalqu’elleétaitobligéedeconnaître.L’undesmembresduclubdesMessieurset

desDamesytenaitunerubrique.—Mabelle-sœurestvenuemevoiraujourd’hui,repritRoseenforçantlavoixpourcouvrirles

couinementsdesrouesdufiacre.Rose avait cinq frères, tousmariés, et par conséquent cinqbelles-sœurs. Ses cinqbelles-sœurs

étaienttoutesplusjeunesqu’elle.—Quand?—Enmilieud’après-midi.Ilcalasonpiedcontrelaportièredufiacre.—C’estpourcelaquevousêtesvenuem’attendrecesoir?RoseClarringneréponditpasdirectementàlaquestion.

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—Elleestenceinte.J’aimislamainsursonventreetj’aisentisonbébébouger.—Ellesaitquevotremarieststérile?demandaJackd’unevoixneutre.—Non.—Ellecroitquec’estàcausedevousquevotremariageestrestésansenfant.—Oui.Pendantdouzeans,RoseClarringavaitgardélesecret.Paramour.Lefiacrefitunbond,unerouepassantdansunnid-de-poule.Rose eut beau s’agripper à une poignée, elle ne put s’empêcher de glisser et leurs cuisses se

touchèrent.Àlasecondesuivante,lefiacreseredressaetellefutrepousséedel’autrecôté.Jacknelasentit

plus,maisladouceimpressionpersista.Elleregardaitparlafenêtre.Àchaquelampadaire,sonvisages’éclairaitavantdedisparaîtredenouveaudanslapénombre.Soudain,elleseretournaverslui,leblancdesesyeuxétrangementlumineux.—Avez-vousdéjàprésentéunerequêteendivorcedevantleParlement?N’osantpluslaregarder,Jacksetournaverssafenêtre.—Non,répondit-ilsansautrecommentaire.—Lorsqu’elleestvenuecetaprès-midi,mabelle-sœuravaitunmessagedelapartdemonmari.Jackpivotabrusquementverselle.—Qu’est-cequec’était?Iln’auraitsudires’ilposaitlaquestionentantqu’avocat,entantquemembreduParlement…ou

entantqu’homme,toutsimplement.—Jonathanm’afaitdirequ’ilmepardonnait.LamaininvisibleautourducœurdeJackresserrasonétreinted’uncran.— Quand vous jouirez tout à l’heure, madame Clarring, demanda-t-il d’une voix rude, vous

penserezàqui?—Àvous,maîtreLodoun.Lefiacres’arrêtaenfin.—Oui,jepenseraiàvous,assura-t-elle.Rose lui prit des mains le godemiché, descendit du fiacre sans l’attendre, grimpa sur le

marchepiedpourpayerlecocheretcourutjusqu’àlaportedesamaison.Ildescenditdufiacreàsontouretlarejoignitausommetduperronaumomentoùelletournaitla

clédanslaserrure.Elledonnal’impressiondenepasremarquersaprésenceàsoncôté,pasmêmelorsqu’ilfranchit

leseuilderrièreelle.C’estluiquirefermalaporteettiraleverrou.L’obscuritélesenveloppa.Jackcraquauneallumette.Uneflammeblanchejaillit.Ilallumalebougeoirquisetrouvaitsurlatableréservéeaucourrier.Ilsedemandasielleavaitdéjàfaitsonchangementd’adresse.Ousi,dèsdemainmatin,elleretourneraitchezsonmari,quiacceptaitdelareprendre.Jack,avecdesgesteslentsetprécis,ôtasonchapeauetsonmanteauetlesaccrochaàlapatèrede

cuivreprèsdelaporte.

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Quandilseretourna,Roseétaitlà,pâlemaistranquille.Elleposalegodemichésurlatable,puislui donna son chapeau et sa cape pour qu’il les accroche également à la patère. Lemanteau et lechapeaudeJackétaientgris;lacapeetlechapeaudeRoseétaientnoirs.Lemanquedecouleursdansleursviessereflétaitdansleursgarde-robes.

—Ya-t-ilducharbondanslacheminée?demanda-t-ilenrécupérantlegodemiché.C’étaitleprintemps,maislesjournéesétaientfraîchesetlesnuitsdavantageencore.Ellerangeasonsacdansletiroirdelatable.—Oui.J’ainettoyélescendrescematinetj’aimisducharbon.Iln’yaplusqu’àl’allumer…Ç’auraitétélatâchedumajordome.Maisaucunmajordomedignedecenomnevoulaittravailler

pourunefemmeperduederéputation.Jack récupéra le godemiché et, bougeoir dans unemain, godemiché dans l’autre, il s’engagea

dans le couloir. Il était nerveux. Les talons de Rose Clarring sur le parquet faisaient un bruitinsupportable.

Danslesalon,ilallumauneàuneleslampesàgaz.Roselesuivaitdesyeux.Aprèsavoirposélegodemichéparterreàcôtédelui,ils’occupadufeu.Lecharbondansl’âtre

semitpeuàpeuàrougeoyer.LorsqueJackouvritlatrappepouravoirplusdetirage,l’échoduchocmétalliqueserépercutajusqu’autoitparleconduitdelacheminée.

Ilse redressa,époussetasesdoigts,posa laboîted’allumettessur lemanteaude lacheminéeetramassalegodemiché.

Puisilseretourna.Depuisqu’ilavaitposélepieddanslamaison,ilsavaitcequiallaitsepasser.Maisilnesavaitpas

comment.RoseClarringcommençaàdéboutonnersoncorsage.Jacklaregardafairesanspouvoirrespirer.

Lecorsagetomba.Ellerelevalesyeux.—Quandvousmeregarderez,j’espèrequec’estmoiquevousverrez…etpasquelqu’und’autre.— C’est vous que je vois, madame Clarring, n’ayez crainte, dit Jack tranquillement. Vous, et

personned’autre.Il lisait de la douleur dans ses yeux mauves, plus fixes qu’à l’ordinaire. De la douleur et du

désir…Ilcompritàquelpointelleétaitseule.Latêtebaissée,elledénoualaceinturedesajupe.—J’étaisnaïve,commelaplupartdesjeunesfilles,quandjemesuismariée.Sajupetombasilencieusement.JackregardaitleslongscilsdeRoseClarring,quiprojetaientleursombressursesjoues.—Jecroyaisquel’amoursuffisaitàfairelesbébés,ajouta-t-elle.Unbruitsourd:c’étaitsatournurequiatterrissaitsurleparquet.—Enfin, pas littéralement, corrigea-t-elle. J’étais naïve, d’accord,mais quandmême pas à ce

point-là!Unsourired’autodérisioneffaçaprovisoirementsatristesse.Unlégerfroufroutementsefitentendrepar-dessuslepétillementdesbraises:c’étaitlejuponde

soiequisuivaitlefaux-cul…—Maisjecroyaissincèrementquelorsqu’unhommeéjaculaitdansunefemme,c’étaituncadeau

qu’illuifaisait,safaçondeprouverqu’ill’aimait.Etj’étaisheureuse.Leslueurstremblantesdeslampesàgazavaientl’airdeparticiperàl’émotiondumoment.

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—Jonathannem’ajamaisfaitjouir,maisj’aimaislesentirentremescuisses,poursuivit-elleencommençantàdélacersoncorset.J’aimaisquandnosdeuxcorpssemblaientnefairequ’un.J’aimaissentirsasemencejaillirenmoi.

Toutenparlant,ellecontinuaitdedélacersoncorset.—UnsoirdeNoël,alorsquenousétionscouchéscôteàcôte,jeluiaidemandépourquoiilne

m’aimaitplus.Ilm’aréponduqu’ilnepouvaitplusaccomplirledevoirconjugal–iln’auraitjamaisemployé le mot « baiser » ! – parce qu’il avait désormais l’impression de commettre un acteimmoral.Unhommes’unitàsonépousepourluifairedesenfants,sinon,c’estpresqueunviol–c’estdumoinscommeçaqu’ilvoyaitleschoses…Nepouvantpasmefaired’enfant,iln’avaitplusrienàm’offrir.Ilm’aprisedanssesbrasetilapleuré.Nousnoussommesendormisdanscetteposition…et,lelendemainmatin,lorsquejemesuisréveillée,iln’étaitpluslà.

Jacksesouvintdesesgrognementsd’hommesatisfait,descrisdejouissancedeCynthiaWhitcox.Deleursbaisersetdeleursrires.

Aprèsunaprès-mididevoluptéspartagées,elleluiavaitditaurevoir.Commed’habitude.Etilnel’avaitplusjamaisrevue.Nivivante.Nimorte.Rosefitpassersachemisepar-dessussatête.Lecotonmurmuraenglissantsurlapeausoyeuse,

cherchaàsereteniràlapoitrinegonflée,s’accrochantaupassageàuneépingleàcheveux.Elle avait des seins plutôt petits, élégants et fermes comme l’arrondi d’un verre à cognac. Ses

aréolesrosefoncéétaientduresetsedressaient,commeavaitétéduretdressélemembredeJacklaveilleausoir.

Elle ne portait plus que ses pantalons de dentelle, ses bas et ses souliers. Il n’éprouva aucunsentimentdetriompheàlavoiraussivulnérable.

—J’aisentibougerlebébédemabelle-sœuretj’aieubesoindevousvoir.—Pourquoi?Lesparolesrebondissaientsurlesmurs,quisemblaientrevêtusd’ombre.—Parcequevousaimezuneautrefemme,répondit-elleensetenantbiendroite.Etmoi,j’aime

unautrehomme.Ilssontmortspournous,l’uncommel’autre.Àpartvous,jen’aipersonneavecquipartagermonchagrin…

Il était député auParlement et, pasplus tardquecet après-midi, il l’avait trahie, d’unecertainefaçon.

Elleétaitunefaiblefemmequis’exposaittotalement.Ilauraitdûpartirmaintenant,maisc’étaitau-dessusdesesforces.—Ôteztousvosvêtements,madameClarring,dit-ild’unevoixâpre.Cesoir,vousetmoi,nous

avonsdesdécouvertesàfaire.

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11

LorsqueRoses’apprêtaàs’asseoirpourôterseschaussuresetsesbas,elletremblaitenpensantquedansquelquessecondeselleseraitentièrementnue.

Jackseretourna,commepourménagersapudeur.Il entendit le coussin du fauteuil pousser un soupir quand elle s’assit, puis le choc sourd d’un

souliertombantsurleparquet.Ilregardaautourdelui lesalonpauvrementdécoré,pastrèsgrand, typiquedecesmaisonsqui

surgissaientdeterrequotidiennementpourabriterlanouvelleclassemoyenne.Unautrechocsourd:lesecondsouliervenaitdetomber.Lamaison de JonathanClarring, se dit Jack – essayant de penser à autre chose qu’à ce qui se

passaitdanssondos–,étaitsituéedanslesquartierschics.MaisRose,séparéedesonmari,n’auraitpluslesmoyensdes’offrirleluxeauquelelleétaithabituée.

Lecoussindufauteuilpoussaunautresoupirlorsqu’ellesereleva.EnentendantlelégermurmuredespantalonsdesoieglissantsurlescuissesdeRose,Jacksentit

sehérisserlespetitscheveuxsursanuque.Legodemichésoussonbrasdonnaitl’impressiondelebrûleràtraverssachemiseetsaveste.Ilseretourna.Ilvitunefemmeàlapeaublanche,entièrementnue,entraindes’asseoirsurlecanapédevelours

bleu.Jackeutchaudauxjoues,etsonsexetressaillitdanssoncaleçon.Toutdoucement,elles’allongeasurlecanapé.Sesjolispetitsseinspointaient.Elleposaunejambesurledossierducanapé,laissantpendrel’autre.Untriangledepoilsblondfoncémoussaitentresescuisses.La respiration de Jack devint haletante. Big Ben sonna, le bruit du carillon assourdi par la

distance.RoseClarringexhibaitsonsexecommeJackLodounavaitexhibélesien.Safentedessinaituntraitplussombreentrelesreplisdesespetiteslèvres,d’unroseluisant.ElleplantadanslesyeuxdeJackunregardquin’avaitriend’innocent.Lesperlesàsesoreillesjetaientdesflammèchesargentées.Uncadeaudesonmari.Oudesonpère,quisait?Lesperleslespluspurespourunevirginaleépouse.Déchirant lepapierd’emballage, Jack tint legodemichédans samaingauche, tandisquede sa

maindroiteildébouchaitleflacond’huiledeMargot.

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Prudemment, il fit couler un filet d’huile sur le bulbe du godemiché et posa le flacon sur unetable.

Puisils’approchadeRoseet,segardantdelatoucher,illuitenditlegodemiché.Elleleregardapendantdelonguessecondes.Unegouttedelubrifiant,brillanteetdorée,coulale

longdelahampe…commesileglanddecuirétaitvivantetpleuraitdedésir.Lentement,Rosetenditlamainverslegodemiché.Danssesyeuxécarquillés,Jacklutdel’appréhension.—J’aitoujoursrêvéqueceseraitJonathanquiferaitmonéducation,qu’ilm’initieraitauxdélices

de l’amour, dit-elle avec une moue amère. Mais vous avez raison, maître Lodoun. Comment lesfemmes peuvent-elles attendre qu’un homme les rende heureuses alors qu’elles ne savent pas cequ’ellesveulent?Alorsqu’ellesnesaventmêmepassiellessontcapablesdeprendreduplaisir?

UnelarmeroulasurlajouedeRose.—Peut-êtrequ’unefemmen’abesoinderiend’autrequeça,reprit-elleenétreignantlephallus

decuirjusqu’àcequesesphalangesdeviennentblanches.Unbongrosgodemichébiendocile!Peut-êtrequelapassionn’ajamaisexistéailleursquedansl’imaginationdesfemmesprivéesd’amour.

Peut-être…Oupeut-êtrepas…Ilsétaientlàtouslesdeuxpouressayerdetrouveruneréponse.Lesyeuxmi-clos,Roseplaçal’engindecuirentresescuisses.Le cylindre se fraya un passage parmi ses fins poils blonds… fut aspiré par les petites lèvres

rosées…Jack,àreculons,allas’asseoirdansunfauteuil.Ilétait idéalementplacépourvoir legland, luisantd’huile,en traindesefaufilerdans l’étroite

fente–intouchéependantdouzeans!Ducuirmarronentaillaitdelachairrose.Legland.Lacouronne.Ilentrait,centimètreparcentimètre.LesexedeRosesedilataitpourluilivrerpassage…jusqu’àcequ’ilsoitimpossibled’allerplus

loin.Jacks’agrippaauxaccoudoirsdesonfauteuil.Ilnepouvaitplusvoirgrand-chose.LamainetlepoignetdeRoseluicachaientl’essentiel.Maisilimaginaitleclitoristoutdur.Ilimaginaitl’étroitpertuisenvahiparuncylindredecuiretnonparlesexedesonmari,l’homme

qu’elleaimait.Elles’avançaitseuleversl’inconnu.LesexedeJackdevenaitpluslongetpluslourdàchaqueseconde.Ilpensaqu’elledevaitavoirunpeumal,aprèsunesilongueabstinence.Lecylindredecuirressortitcommeilétaitentré,lentement,centimètreparcentimètre.Peuàpeu,leschairsdeRosesedétendirent.Enfin,leglandreparut.Cettefois,cen’étaitpasseulementlelubrifiantquilefaisaitbriller.Rosecommençaàfairealleretvenirlegodemichéselonlerythmequiluiconvenait.Despetitscoupspeuprofonds…Desplongées…Desmouvementsdouxetd’autresplusvifs…Davantagequeleplaisircharnel,ilyavaitleplaisirdeladécouverte.

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Elle posa sa main libre sur son ventre, comme si elle cherchait à sentir le va-et-vient dugodemichéàtraverssaparoiabdominale.

Jackattrapasonsexeàtraverssonpantalonetcommençaàlepétrir.Ils se mirent à haleter tous les deux au même rythme, comme s’ils n’avaient plus qu’un seul

souffle.Rosepoussaungémissement.Jackécarquillalesyeux.LevisagedeRose était crispé, partagé entre la douleur et le plaisir – unplaisir si intenseque

c’étaitpresquedeladouleur.Elleavaitlesjouesrougesetlacouleurcommençaitàserépandresursonmentonetsagorge.

JonathanClarringn’avaitpasétéàsescôtésparlepassélorsqu’elleavaiteubesoindelui.Jackespéraqu’ilétaitlàmaintenant.Ilespéraquec’étaitJonathanClarringqueRoseaccueillaitenelle.Ilespéraquec’étaitlesexedeJonathanClarringquiluidonnaitduplaisir.

Ilvoulaitqu’elleatteignel’orgasmequesonmarineluiavaitjamaisdonné.Ilvoulaitqu’ellecrielenomdeJonathanClarringquandellejouirait.

Elle avaitditqu’ellepenserait à Jack.Mais,pourpenser àquelqu’un, il fautde lamatière,unehistoirecommune.Etellen’avaitaucunsouveniraveclui!

Ilnevoulaitpasqu’ellesoitseule–pasdanscemomentdebascule.Ellepoussauncri.Sarespirationlaborieuserecouvraittouslesautresbruits.Jackattendit,lecœurbattant,sonsexevibrantaumêmerythme.RoserouvritlesyeuxetvitJack.Ilserenditcomptequ’iln’étaitpascontentdelui.Iln’avaitpasobtenucequ’ilvoulait.EtRoseClarringnonplus.Elleavait lamainmollementposéesursonmontdeVénus.Legodemichéétait toujoursplanté

danssonsexe.Unegouttedeliquidetombasurlecanapé.Jackselevaetpartitverslaporte,prêtàs’enaller.— Pourquoim’avez-vous répondu ? demanda-t-elle de la voix de quelqu’un qui se retient de

sangloter.Ils’arrêtanet.—Quand?—Lorsque jevousaidemandé lenomdevotremaîtresse, l’autre jour.Pourquoim’avez-vous

répondu,alorsqueriennevousyobligeait?—Parce quemoi aussi, répliqua Jack, j’ai quelquefois besoin de quelqu’un avec qui partager

monchagrin…

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12

Rose,àgenouxdevantl’âtre,s’activait.Avecunepetitepelle,ellerepoussaitlescendresdanslatrappeduvidoir.

Elleavaitmalàtouslesmuscles.Sonpoignetdroit.Sonbrasdroit.Etàl’intérieurdesonsexe,oùelles’étaitenfoncéungodemiché.Ou plus exactement : où elle s’était masturbée avec un godemiché pendant que Jack Lodoun

regardait.Lescendresrefroidiesdégageaientuneodeurâcrequiluipiquaitlesnarines.Lebruitduheurtoirdelaportesefitentendre.Elleavaitdelavisite.Elleespéraquec’étaitl’agencedeplacementquiluienvoyaituncandidatunpeumoinsdifficile

quelesautres.Ellerabattitlecouvercledelatrappe–unnuagedepoussièregrisemontadanslacheminée–et

accrochalapelleàcôtédestisonniers.Sesmainsétaientnoiresdesuie.Ainsiquesarobe.Elles’essuyalesmainssursajupeetouvritlaporte.Soncœurcessadebattre.Puisilseremitenmarcheàcoupsredoublés.L’hommesurleseuilétaitaussigrandetcarréqueJackLodoun,maiscen’étaitpasJackLodoun.Cen’étaitpasnonplusuncandidataupostedemajordome.C’étaitsonfrèreDerek,sanglédansunbeaumanteaubleumarine.—Tuasdunoirsurlafigure.Instinctivement,Rosesepassalamainsurlajoue.Unelueurmalicieuses’allumadanslesyeuxde

Derek.—Tun’asfaitqu’aggraverleschoses.Rosesedépêchaderabaissersamain.—Derek,quellesurprise!Ilcessabrusquementdesourire.—Mercid’avoirraccompagnéLucy.—Danssonétat,ellen’auraitjamaisdûvenir,ditRose.Son frère lui ressemblait beaucoup. Même teint, même cheveux blonds. La seule différence,

c’étaitqu’ilavaitlesyeuxdorésdeleurmère,alorsqu’elleavaitlesyeuxmauvesdeleurpère.—Toinonplus,tun’auraispasdûvenir,ajouta-t-elle.Ilserembrunit.—Jenetecomprendspas,Rose.Tuastoujoursétésiheureuse…

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—Qu’ensais-tu?rétorqua-t-elle.Lescendresqu’elleavaitavaléeslafirenttoussoter.—Undivorce,cen’estpasfacileàobtenir,ditDerek.Etçacoûteunefortune.—J’aimadot.Jonathanluiavaitouvertuncompteàsonnomlelendemaindeleurmariage;ilyavaitdéposéle

montantdeladotetlasommeétaitrestéeinentamée.—Tudevraispeut-êtreenparleràmonavocat,suggéraDerek.«Afinqu’ilessayedemedissuader»,complétaRose.—J’aidéjàunavocat,dit-elle.IlvadéposerunerequêteauParlement.Derekdevintdeplusenplussombre.—Jevois.—Jet’inviteraisbienàentrerprendreunetassedethé,repritpolimentRose,maisjen’aipasce

qu’ilfaut.—D’aprèsLucy,tun’asmêmepasdedomestiques.« À cause de ta conduite », avait-il l’air de dire. Qui voudrait travailler pour une femme

déshonorée?MaisJonathanClarringétaitprêtàluipardonnersesfautes.Pourquoi s’entêtait-elle dans son projet de divorce, au lieu de retourner vivre avec un mari

indulgentetmanifestementamoureuxd’elle?—Àcesujet,j’attendsunevisite,précisa-t-elle.C’était vrai. D’un instant à l’autre, un homme allait se présenter de la part de l’agence de

placement.Derekluitenditunjournal.—Jesuisvenupourt’apporterça.Il baissait les yeux, passant d’unpied sur l’autre.C’était le genre d’hommeà l’aise partout.Et

avecelle,sapetitesœur,ilavaitl’airgêné!Rosenefitpaslegestedeprendrelejournal.—J’aiassezludechosessurleprocès,Derek.Ilouvritlejournalàlapagedumilieu.—Ilfautàtoutprixquetulisesça.—Derek…Sepenchant,ill’embrassasurlajoue.Roseperditcontenance.Quandétait-ce,ladernièrefoisqueDerekluiavaittémoignédel’affection?Elleremarquaàpeinequ’ilétaitentraindeluimettrelejournaldanslamain.—Lisça,Rose…Ilsortitdesapocheunmouchoirblancetentrepritdeladébarbouiller.Docilement,Roseinclina

la têted’uncôtépuisde l’autrepour lui faciliter la tâche.Lemouchoirde lin était rêche,mais lesdoigtsétaientdoux.

—Lis-le,répéta-t-il.S’ilteplaît.Aprèsquoi,ils’enalla,sestalonsclaquantsurletrottoir,sachevelureblondebrillantcommede

l’orausoleil.Roselevitdisparaîtredansunfiacre.Ellerentra.L’intérieurdelamaisonluiparutsombre,aprèslalumièredumatinprintanier.Elles’assitsurlecanapébleu.Ellesesouvintducylindredecuirfroidetdur.

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EllesesouvintdecequeJackavaitdit:Parcequemoiaussi,j’aiquelquefoisbesoindequelqu’unavecquipartagermonchagrin…Àtraversseslarmes,Roseremarquaundéfautdansleveloursducanapé.Son cœur se serra lorsqu’elle se rendit compteque cen’était pasundéfaut,mais une tachede

lubrifiant.Legodemichéquiétaitresponsabledelatacheavaitcoûtéquatreshillingsetsixpence.Enpartant,

JackLodounavaitlaissélamonnaie–unshillingetsixpence–surlatabledel’entrée.Rassemblant son courage, Rose regarda le journal queDerek lui avaitmis dans lamain. Elle

survolalesgrostitres.LeParlementréviselaloisurlesgrains.Westminsterpréparelejubilédelareine.Unjurésoupçonnédecorruption.Soudain,lenomdeJackLodounluisautaauvisage.L’article–uncourttexteintituléRequêterejetée–occupaituncoindelapage,enbasàdroite.Roseeutunmauvaispressentiment.Ellelut:

LarequêteendivorceprésentéeparMmeHarrietMariaGreffenaétérejetéeparleParlement.MmeGreffendemandaitladissolutiondesonunionetledroitdeseremarier.Danssarequête,elle

faisait valoir que son mari, M. Justin Dwight Greffen, buvait, avait une conduite désordonnée,l’insultait et labattait, etque ledésaccordentre lesépouxétait trop importantpourenvisageruneréconciliation.Leconseilde la reineayant requis le rejet,une immensemajoritédedéputés,parmilesquelsleconservateurJackLodoun,avotécontre.Lodounexpliqua:«Toutbonnementparcequeladiterequêteestcontraireàlaloi.»

Rosen’encroyaitpassesyeux.Ellerelutl’article,ensoupesachaquemot.Soncœurbattaitsifortqu’ellen’entenditpastoutdesuitequequelqu’unfrappaitàsaporte.

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13

Le bruit que fit la porte en se refermant informa Jack qu’il n’était plus seul dans son bureau.Dorsey,sonsecrétaire,venaitd’entrer.

—InstallezM.Waldendanslasalledeconférences.Dites-luiquejelerejoinsdanscinqminutes.—Cen’estpasM.Waldenquivientd’arriver, répondit le secrétaire. Il a télégraphiépourdire

qu’ilseraitenretard.C’estM.Stromwellquidemandeàvousvoir.Blair Stromwell, le président du groupe conservateur auParlement, l’hommequi lui avait fait

miroiterunpostedejugeàlaCoursuprême.Jackrestaimpassible.—Queveut-il?—Jenesaispas,monsieur.Iln’ariendit.Lesoleil tombaitdans lapiècepar lescroiséeset faisaitbriller lescheveuxchâtainsdeDorsey

commedubronze.Derrièrelui,laportedechênesemblaitpailletéed’or.—Voulez-vousquejediseàM.Stromwellquevousêtesoccupé?proposalesecrétaire.Jack pensa à Rose Clarring, seule dans sa maison, sans domestiques. Blair Stromwell l’avait

traitéedeputain.—Non.Faites-leentrer.—J’apportelecognac,monsieur?JonathanClarrings’était-ilsaouléàmorthiersoirpendantquesafemmesemasturbaitavecun

godemiché?—Oui, fit Jack en refermant le livre de jurisprudence sur lequel il travaillait.Ce brave vieux

Stromwelln’ajamaiscrachésurunboncognac.Lesecrétaireluitenditunpaquetd’enveloppes.—J’aitriélecourrier,dit-il.CelledudessusestdeMeSeaton.MeSeatonétaitl’avocatquiluiavaitrecommandélefilsdeFrancesHart.—Jesupposequ’iln’estpasprèsdem’envoyerunnouveauclient,commentaJack.—Au contraire, répondit le secrétaire. Il vous demande de plaider une affaire devant la petite

courdejustice.Unprocèssansjury.Lejugedansl’affaireHartavaitétéconservateur.Sansjury,Jackauraitgagné.—Quelgenredecas?—M.JustinGreffenveutobtenirunedécisiondejusticepourcontraindresafemmeàaccomplir

denouveauledevoirconjugal.Lemaride la femmeàqui Jacketdeuxcentdix-neufautresdéputésavaient refusé lebénéfice

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d’undivorce.Jackregardasonsecrétaire.IlavaitembauchéNathanDorseytroisansplustôt.Dorsey donnait l’impression de n’avoir jamais entendu parler de Cynthia Whitcox. Il n’avait

jamaisfaitlemoindrecommentaireàproposdesprocèsqueJackavaitperduscontreJamesWhitcox.Mais,lejourdelamortdeCynthiaWhitcox,ilavaitannulétouslesrendez-vousdeJackavantmêmequecelui-cinesoitaucourantdelanouvelle.

Etmaintenant,JackétaitattiréparRoseClarring–encoreunefoislafemmed’unautrehomme.Lesecrétairetenaitlesenveloppesd’unemainferme.NathanDorseytravaillaitcommeilvivait:avecdignitéetdiscrétion.—Si vous étiezmon client,monsieurDorsey, fit Jack, je dirais que le fait que votremain ne

tremblepasprouvequevousêtesunhonnêtehomme.Lesecrétairenetiraaucunorgueildecejugement.—Si jeplaidaiscontrevous,continuaJack, jediraisque le faitquevotremainne tremblepas

prouvequevousêtesunfieffécoquin.Lesecrétairenesevexapasdavantagequ’ilnes’étaitenorgueilli.— Dites-moi, monsieur Dorsey, comment plaideriez-vous la cause d’un client qui serait un

menteur,univrogne,undébauchéquibatsafemme?JustinGreffen.—Jen’ensaisrien,monsieur,réponditfranchementlesecrétaire.C’estpourçaquejenesuispas

avocat.Pourtant,NathanDorsey–quiétaitinscritaubarreau–connaissaitlaloimieuxquelaplupartdes

avocats.C’estpourquoiJackl’avaitembauché.—Etcommentplaideriez-vousuncas,enchaînaJack,danslequel leseul tortdumariestdene

paspouvoirfaired’enfantàsafemme?DorseycompritquesonpatronparlaitdeJonathanClarring.IlavaittravaillésurledossierduclubdesMessieursetdesDames,ilavaitassistéàl’auditionde

RoseClarring.—Une femmepeut obtenir l’annulationdumariage si lemari est impuissant depuis aumoins

troisans.Auxyeuxde la loi, lastérilitéet l’impuissanceétaientsouventconsidéréescommeuneseuleet

mêmechose.—Elleneveutenaucuncasdénigrersonmari,précisaJack.—Est-cequ’aumoinsilaccomplitledevoirconjugal?demandaDorsey.JacképrouvadelagêneàévoquerlasexualitédeRoseClarringavecunautrehomme.—Non.—Cepourraitêtreunmotifdeséparation,suggéralesecrétaire.—Jenecroispas,réponditJack.L’abandondudomicileconjugal,oui.L’abandondulitconjugal,

non.—Unjugepourraitpeut-êtreselaisserconvaincreducontraire,déclaraDorseyaveccalme,s’il

estamenéàcroirequelafemmenedemanderaitpasmieuxqued’avoirdesenfantsetquelemaril’enprivedélibérément.

—Auxdernièresnouvelles,elleaquittéledomicileconjugal,ditJack.Or, la loi exigeait qu’une femmequi requiert une séparation réside sous lemême toit que son

mari.

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—Çapourrait encore s’arranger si ellehabitaitdansunemaison louéepar sonmari, répliquaDorsey.

Jackhochalatête.L’idéeméritaitd’êtrecreusée.—Peut-être,murmura-t-ilenprenantenfinlecourrierqueluitendaitsonsecrétaire.Maintenant,

faitesentrerStromwell.L’instantd’après,legroshommefitsonapparition.Sescheveuxétaientdeplusenplusgrisetde

plus en plus rares. Sans son col dur pour le retenir, nul ne sait jusqu’où son triplementon auraitdégouliné.

Dorseys’enalla,leslaissantseuls.—Lodoun,vieux frère ! s’exclamaBlairStromwell enposantdeux journaux sur lebureaude

Jack,déjàpassablementencombré.Ilselaissachoirdansunfauteuiletsortitdesapocheuncigare.—Vousenvoulezun?Jackréussitàdissimulersondégoût.—Nonmerci.Stromwellcraquauneallumette.L’instantd’après,sonvisagedisparutderrièreunnuagedefumée.—Si j’aibiencompté,dit-il,cela fait lecinquièmeprocèsen troisansquevousperdezcontre

JamesWhitcox,n’est-cepas?BlairStromwellavaitbiencompté.—Et,sauferreurdemapart,poursuivit-il,cesontlesseulsprocèsquevousavezperdus?Jackn’étaitpascensérépondre,etilneréponditdoncpas.Stromwelléteignitsonallumetteensoufflantdessusetsepenchapourlajeterdanslecendrieren

cristalquisetrouvaitsurlebureau.—Çavousfaitquandmêmeunjolipalmarès,reprit-il.Vouspouvezêtrefier.Jackcommençaitàavoirlamigraine.—Êtes-vous venume consoler demes échecs,monsieur le président, oume féliciter demes

succès?demanda-t-il.—Vousn’êtespas commeWhitcox,vieux frère, ditStromwell en rejetantde la fuméepar ses

deux énormesnarines. Il est avocat, vous êtespoliticien.Lesgens commeWhitcox semoquent dubiencommun…

Jackl’interrompit.—Qu’aviez-vousàmediredetellementurgent?Sous-entendu:«Tellementurgentqueçanepouvaitpasattendrelaséancedecetaprès-midiau

Parlement?»LeregarddeBlairStromwelldevintdur,presquehostile.Ilyeutunlégercoupcontrelaporte.JacketStromwellcontinuèrentdesetoiser.Laportes’ouvrit.Dorseyentraetavecluiuncourantd’airfrais.—J’apportelecognac.Lesecrétairelaissalacarafeetlesdeuxverressurlebureaupuisseretira.Jackfitleservice.—Vousn’êtespasrevenuenséancehiersoir,ditStromwellenhumantleverrequeJackvenaitde

luidonner.Sinon,vousauriezentendulediscoursduPremierministreàproposdecertainesvieillesexcitées qui, à l’instar desFrançaises de laSociété duSuffragedes femmes, réclament le droit devote.Untexteàcesujetvavenircesoirensecondelecture.Entantqueprésidentdegroupe,ilestde

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mondevoirdem’assurerquetouslesmembresduparticonservateurserontlàpourfairebarrageàcettefolie.Nousnesommespaspourlevotedesfemmes,n’est-cepas?

Jackdorlotasonverreàcognac,quiluifitpenserauxseinsdeRoseClarring…—Ai-jejamaistrahileparti?Stromwellsavouralentementsoncognacetreposasonverre.—Nousnesommespassansaccorderunpeude libertéauxmembresduparti, tantqu’ilssont

discrets,déclara-t-ilenagitantlamaindevantsonvisagepourdisperserl’âcrefuméedesoncigarequicommençaitàluipiquerlesyeux.Vousserezd’accordavecmoisi jedisquecertainesfemmesmariéesnedemandentqueça…

LamigrainedeJacks’aggravabrusquement.—Mais,repritStromwellenscrutantsaréactionàtraversunvoiledefuméegrise,voussavezce

qu’on dit : « Vilain oiseau, celui qui salit son nid. » L’essence de ce pays, c’est le patriarcat.L’institutiondumariageestsacrée,elleaétéinstituéeparDieu.Qu’ilsoitricheoupauvre,unhommeadroitàunefemmeetdesenfantsàlui.C’estlafamillequicimentelasociété,etc’estlepèrequiestlegarantdelafamille.

StromwellpoussaunjournalversJack.—Celuiquicontestelepouvoirdupèredefamille,c’esttoutl’édificedelasociétéqu’ilmeten

péril. Où irions-nous si les femmes avaient les mêmes droits que les hommes ? Avant peu, ellesexigeraientdesiégerauParlement.Quelleabsurdité!Ellesnesontpascommenous,monvieux.Auxhommes,laraison;auxfemmes,lessentiments.

Jacksecontentadesemasserlestempes,sansfairedecommentaire.— Ça ne veut pas dire que les femmes n’ont pas droit à la justice, reprit Stromwell. C’est

simplementqu’onnepeutpassefieràellespouragirraisonnablement.Or,c’estlaraisonquiinspireles lois.C’estpourquoi,poursuivit-ilenbrandissant laPallMallGazette, voilà ceque j’attendsdevousàl’avenir.Etcertainementpasça,conclut-ilenbrandissantleStandard.

LereporterdelaPallMallGazetteavaitreproduitlaréponsedeJackàproposdelarequêtedeMmeGreffen,selonlaquelleilavaitvotécontreparcequeladiterequêteétaitcontraireàlaloi.D’unautrecôté,lereporterduStandardlaissaitentendrequ’ilexistaitdesmotifsautresqueprofessionnelsàlarivalitéentreJackLodounetJamesWhitcox.

Jacks’étaitfaitdesamisauParlement,maisaussidesennemis.Siunjournalistedécidaitdecreuser,ilrisquaitdedéterrerdessecrets.—Vousvoyezcequejeveuxdire,Lodoun?Dans ses yeux se lisait une sévère mise en garde. Le parti conservateur ne tolérerait plus le

moindreécart.Nisaleaffaire.Nicontroverse.Nidéfaite.Jackregardatouràtourlesdeuxjournauxetacquiesçad’unhochementdetête.Samigrainepassacommeparenchantement.Ilvoyaitparfaitementcequ’illuirestaitàfaire.

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14

Lamaisonsentaitlesavonnoiretlacired’abeille.—MadameClarring,jevaism’enallermaintenant.L’agence de placement avait envoyé cette fois-ci une gouvernante, à la place des impossibles

majordomes.ElleetRoseavaientnettoyéjusqu’àcequ’iln’yaitplusriendesale.—Trèsbien,madameDobkins,réponditRoseenfinissantdeborderlelit.Àdemain.Del’autrecôtédelafenêtredelachambre,desmoineauxsechamaillaient.Roses’assitsuruncoindulit.Lecouinementdusommiernel’empêchapasd’entendredespasdansl’escalier.Despaslourds.Cen’étaitpasMmeDobkinsquiremontait.Rose ferma les yeux, car la lumière rebondissait sur les murs nus de la chambre en éclairs

éblouissants.Uncraquement:ladernièremarchedel’escalier.Puisdesclaquementsdetalonssurleparquetdupetitcouloir.Roserouvritlesyeux.JackLodounsetenaitdansl’encadrementdelaportedelachambre.Commeellerestaitsansvoix,ilparla.— JackWhitcox n’a jamais perdu un procès, dit-il sans préambule. Et, jusqu’à ce que je me

retrouve face à lui,moi non plus je n’avais jamais perdu un procès. C’est pourquoi j’ai voulu leconnaîtremieux…encommençantparsafemme.

RosenesavaitriendeCynthiaWhitcox…pasmêmeàquoielleavaitressemblé.—Nousfréquentionslemêmemilieu,celuideslégislateursetdesjuristes,poursuivitJack.Bref,

ceuxquivotaientlaloietceuxquienvivaient.Jel’avaissouventaperçuedansdessoirées.Rosefermadenouveaulesyeuxetessayadeselareprésenter.—Longtemps,nousn’avonsfaitquenouscroiser,enchaînaJack.Etpuis, j’aisuqu’elledevait

assisteràunecérémonieàlacour.J’aiobtenuuneinvitation.Jemesouviensqu’elleportaitunerobedesoierouge.

Derrière ses paupières baissées, Rose vit passer une robe rouge…mais toujours pas CynthiaWhitcox.

—Ellenevoulaitpasdemoiaudébutmaisjem’enmoquais,continuaJacksansaucunetracederegretouderemordsdanslavoix.Jel’avaisvue,jelavoulais, jeluiaicouruaprèsetj’aifiniparl’avoir.ToutcommeJonathanClarringvousacouruaprèsetafiniparvousavoir.

Roserouvritlesyeux.Lacomparaisonnetenaitpas–elleétaitcélibataire.EtJonathanavaitvouludavantagequesoncorps.

—Finalement,jen’aipaseutropdemal…

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Rosetressaillit,commesielleavaitétépiquéeparuneaiguille.Certainesvéritéspiquentcommedesaiguilles.

—Whitcoxnel’aimaitpas.Leurmariageétaitunmariagearrangé.Vousavezeuplusdechancequ’elle, en un sens. Vous n’avez pas été obligée d’offrir votre virginité à un homme que vousn’aimiezpas…

Roseavait suffisammentdeproblèmesavec sonpropremariagepournepas sepréoccuperdeceluidesautres.

—Ellen’avaitpascouchéavecsonmaridepuisunedouzained’années,commevous…Jeluiaiappristoutcequesonmarineluiavaitpasappris…Enuncertainsens,elleétaitmafemmebienplusqu’ellen’avaitjamaisétélasienne,mêmesielleluiavaitdonnédeuxenfants…etmêmesi,deparlaloianglaise,lemari,c’étaitlui…Whitcoxl’aépousée…Whitcoxl’aenterrée…Etjenelareverraiplusjamais.

Jackrestauninstantpensif.Despenséestristes,sansdoute.Mais,commeilsetenaitàcontre-jourdansl’embrasuredelaporte,Rosenepouvaitpasdistinguerlesexpressionsdesonvisage.

—Vousm’avezdemandésiCynthiaWhitcoxm’aimait,rappela-t-il.Ehbien,jecroisqueoui.Rose ne pouvait peut-être pas distinguer les expressions de son visage, mais elle entendit la

douleurdanssavoix.—Cependant,jenesauraijamaissic’étaitseulementparcequejelafaisaisjouir.Jacks’avançadanslecônedelumièrequitombaitdelafenêtre,etRoselevitmieux.—DemêmequevousnesaurezjamaissiJonathanClarringvousaépouséeparcequevousétiez

unebellejeunefille,ouparcequ’ilyavaitdeschancesquevoussoyezaussifécondequevotremère.Danslarue,lessabotsd’unseulchevalclaquèrentsurlespavés.Legrincementdesrouessuivait.Ilsétaientsoudésl’unàl’autre.Lechevalaufiacre.Lefiacreaucheval.Jusqu’àcequ’ilssoientautermedeleurvoyage…Rosesetaisaittoujours.Jacklaregardaitavecsesyeuxvertscommedesémeraudes,aussidursetfroidsquelespierres

précieuses.—Hiersoir,dit-il,vousn’avezpasposélabonnequestion.LespetitscheveuxsurlanuquedeRosesehérissèrentensigned’alarme.—Vousm’avez demandé si j’avais déjà présenté une requête en divorce devant le Parlement,

poursuivitJack.Ilauraitmieuxvalumedemandercequej’auraisfaitsiCynthiaWhitcoxavaitvouludivorceretsisonmariavaitrefusé.

Rosen’avaitpasbesoindeposerlaquestion.LaréponseétaitinscritesurlestraitsdeJack:sesyeuxplissés,seslèvrespincées.

—Rien,dit-ilensoulignant lemot.Jen’auraisstrictementrienfait.La loiestsanséquivoque :unefemmenepeutdivorcerquesisonmariestbigame,ous’ils’estrenducoupabled’uninceste,ous’ilaabandonnéledomicileconjugal.Whitcoxn’avaitriencommisdetel.Nivotremari.

Jack était immobile dans son cône de lumière tandis qu’un essaimde fines poussières voletaitautourdelui.

— En revanche, reprit-il, pour une séparation de corps, on n’a pas besoin de l’accord duParlement.Celapeuts’obtenirdevantlapetitecourdejustice.

—Vousn’avezpasobtenudeséparationdecorpspourMmeWhitcox,commentaRose.—Jen’aipasproposédeluienobtenirune,répondit-ilcarrément.Etmaintenant,ilproposaitd’enobtenirunepourRose.

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—Jenepourraipasmeremarier,dit-elle.EtJonathannonplus.Dèslors,quelestl’intérêtd’uneséparationdecorps?

—Vousygagneriezdeneplusêtresousl’autoritédevotreépoux.— De sorte que Jonathan n’aurait plus la possibilité de requérir mon placement en asile

psychiatrique,complétaRose.Commevotreclientquiaessayédefaireenfermersamère…Jackn’avaitpasl’airderegrettersonrôledansceprocès.— Et vous n’auriez plus à craindre non plus qu’il ne réclame le rétablissement de ses droits

maritaux,précisa-t-il.Rosehaussauneépaule.— Jonathan n’aurait aucun intérêt à demander le rétablissement de ses droitsmaritaux…pour

l’usagequ’ilenfaisait.—Maisilauraitledroitdevousforceràvivresouslemêmetoitquelui,ripostaJackLodoun.Untoitsouslequeln’avaitjamaisrésonnélemoindrerired’enfant!Dieuquelaréalitéétaitamère!—SiJonathans’adressaitàvous,vouspourriezluiobtenirledivorce?—Oui.— Parce que dans tout Londres, je passe pour une épouse adultère ? suggéra-t-elle en se

redressant.—Oui.—Mais,moi,jenepourraisjamaisobtenirledivorcepourlemêmemotif?—Non.—Donc,àmoinsqueJonathannedemandeledivorce,jesuiscondamnéeàresterseule?Enserrantlespoings,ellesecontraignitàajouter:—Saufsijeprendsunamant?Iln’yavaitaucunecompassiondanslesyeuxdeJack,rienquel’implacableduretédelaloi.—Saufsivousprenezunamant,confirma-t-il.—Unmaripeutattaquerenjusticel’amantdesafemme?Cen’étaitpasunequestion,mêmesiletonétaitinterrogatif.—Sij’étaisséparéedecorpsetsijeprenaisunamant,continua-t-elle,Jonathanpourraitletraîner

enjustice?Jackéteignitd’unseulmotlafaiblelueurd’espoirqu’elleavaitencore.—Oui.Rosesesentitplusseulequejamais.—Quelhommevoudraitdemoiensachantleprixqu’ilrisqueraitdepayer?—Moi,ditbrusquementJack.Moi,jevousveux.LecœurdeRosesedilatadanssapoitrine.— Vous voulez bien de moi, vous, monsieur Lodoun ? s’exclama-t-elle tandis que ses joues

s’empourpraient.—Oui,répondit-il.Et,s’ilvousplaît,appelez-moiJack.—Vousvoulezbiendemoiparcequevousm’avezvuememasturber?—Vousm’avezregardéenfaireautant,répliqua-t-il.Pendantuninstant,lesmêmesimagesleurpassèrentdevantlesyeux.—Vousaviezenviedemevoir,Rose,reprit-il,etj’avaisenviedememontreràvous.Jesuisun

homme, vous êtes belle, j’ai envie de vous…Mais je n’oublie pas que je suis député et que vousn’obtiendrezjamaisledivorce.

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Illeluiavaitditd’emblée,devantOldBailey.Maisellen’avaitpasvoululecroire.—LeParlement ne va pas rompre des liens que vous n’avez pas le courage de rompre vous-

même,ditJacksansménagement.Sivousvoulezdelapassion,ilfautquevoussoyezprêteàenpayerleprix.

Roseauraitvouluprotester:ellenetrouvarienàdire.EllevoulaiteffectivementqueleParlementlalibèrepournepasavoiràchoisirentrelafidélitéet

lapassion.LeregarddeJackdisait:«Vousvoulezl’impossible.»Toutcequejefaisadesrépercussionssurmacarrière,avait-ildit.—Quesepasserait-il,demandaRose,sivousétieztraînéenjusticepouravoircouchéavecune

femmemariée?—JeperdraismonsiègeauParlement.LaquestionsuivantefusasansqueRoseaitbesoinderéfléchir.—Pourquoiprendreuntelrisque,alors?—Jeneveuxpasvouslaisserjouirseule.—Cependant,vousnem’aimezpas,fitRoseavecunenaïvetéqueJacktrouvacharmante.—Etvousnem’aimezpasnonplus,répliqua-t-il.Dehors,çagazouillait.Ilyavaitdel’amourdansl’air.Unmoineauenpoursuivaitunautre,quin’avaitpasenviedeselaisserrattraper.Soudain,unchocsourd.Puisdesplumesquis’envolent.Unoiseaun’avaitpasvulavitretropproprequibarraitl’espace.—Sivouspouviezremonterletemps,lançabrusquementRose,est-cequevousséduiriezquand

mêmeMmeWhitcox,sachantlessouffrancesquienrésulteraient?—Etvous? rétorquaJackdu tacau tac.Sivouspouviez remonter le temps,sachantquevotre

mariattraperaitlesoreillons,est-cequevousl’épouseriezquandmême?DessouvenirsremontèrentàlamémoiredeRose.LatendressedeJonathan.Lachaleurdesesbaisers.Ladouceurdesescaresses.Sonrireclairet

joyeux…Elleavaiteudroitàdeuxmoisd’amourparfait,avantquelamaladieneseglisseentreelleetson

mari.—Oui,dit-ellefinalement.Jel’épouseraisquandmême.LesyeuxvertsdeJacksemblaientdirelamêmechose.Luinonplusnechangeraitrien.Maisétait-elleprêteàpayerleprixdelapassion?Auloin,BigBensonnaquatrefois.LaséanceduParlementallaitcommencer.Jackpivotasursestalonsetsortitdelapièce.Ellel’entenditdescendrel’escalier.C’étaitàellededécider.Carelleseraitlapremièreàsupporterlesconséquencesdesonchoix.Lapremière,maispaslaseule.Jonathanaussi.EtJackLodoun.

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Latourdel’horlogebrillaitdanslesoleilcouchant.Lesaiguillesnoiresavançaientdeleurpassaccadé.Rosecomptaitmentalementlessecondesavantquelagrandeaiguillen’atteignelepointoùelle

déclencheraitleconcertdesclochesdebronze.LamaindeJacksursonavant-brasluiapportaitchaleuretréconfort.Elle le regardadans lesyeux– ses insondablesyeuxverts– et ydécelade la souffrance etdu

remords.Leprixdelapassion.—Moiaussi,j’aienviedevous,ditRose.Jack portait un chapeaumelon dont le bord projetait son ombre sur son front.La lumière des

lampadaireséclairaitcrûmentseslèvresetsonmenton,lalèvreinférieurepluspleinequel’autre,lementonsoulignécommesurundessinaufusainparungrostraitd’ombre.

—J’aienviedevous,répétaRose,etjesuisprêteàenpayerleprix.Lecarillonfittremblerl’air.Au premier coup, le cœur deRose cessa de battre.Au deuxième, Jack lui caressa la joue.Au

troisièmecoup,levisagedeJackserapprocha.Auquatrièmecoup,ill’embrassa.Ilavaitdeslèvresdoucescommedespétalesdefleur.Roseravalasonsouffle.Ilyavaitsilongtemps!L’odeurd’unhomme.Lescaressesd’unhomme.Lasaveurd’unhomme.—J’essaieraidenepasvousfairedemal,ditJacksurlederniercoupducarillondeBigBen.Roserouvritbrusquementlesyeux…desyeuxhumidesetétincelants.—JenesuispasCynthiaWhitcox.Celavoulaitdirequ’ellen’avaitpasbesoindepromessespourêtreàlui.LeregarddeJacks’assombrit.—EtjenesuispasJonathanClarring,répliqua-t-ilenluicaressantlajoueduboutdudoigt.Celavoulaitdirequ’iln’étaitpasunbravehomme.—J’ensuisbienaise,assuraRose.Jacklapritparlebras.—Allonsdîner,dit-ilenl’entraînantverslarue.Jeconnaisunrestaurantqui…—J’aimeraismieux,coupaRose,quenousallionschezmoi.Jackposasurelleunregardsombreetmystérieux,etdéclarad’untonsourd:

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—Hier,enrentrantchezmoiaprèsvousavoirvuefairecequevousavezfait,jen’aipaspumeretenirdememasturber…

Cesquelquesmotsfirentnaîtredansl’espritdeRosedesimagestrèsnettesetémouvantes.—Quandvousavezjoui,demanda-t-elled’unevoixentrecoupée,vousavezpenséàqui?—Àvous,RoseClarring.Àvous.Rosebattitdespaupières,carellecommençaitàvoirflouàcausedeslarmes.—J’ai achetédespréservatifs, dit-elle.Ah, l’apothicaire était plusgênéquemoi ! ajouta-t-elle

d’untonfaussementjovial.Jacklaissaretombersamain.—Jeparlaissérieusement,précisa-t-elle.Jeneveuxpasd’enfant.Ilsn’avaientpasd’avenirensemble.—Moiaussi,jeparlaissérieusement,rétorquaJackenluireprenantlebras.Depuisquejesuisen

âge de fréquenter les femmes, des préservatifs, j’en ai toujours surmoi.Dans une petite boîte enargentprévueàceteffet.

Roseesquissaunpâlesourire.—Jen’attendspasquevousmefassiezuneribambelledemarmots,poursuivitJackLodoun.Tout

cequej’attendsdevous,c’estleplaisirquevotrejolipetitcorpspeutprocurer.Lemot«plaisir»fitfrissonnerRose.Jacklaissapasserunfiacreauxrouesvoilées,tiréparunvieuxchevalefflanqué,etfitsigneàun

autre,enmeilleurétatetdontlechevalsemblaitfringant.IlaidaRoseàmonteretlarejoignitdansl’habitacleobscur.—Devez-vousretournerauParlementcesoir?questionna-t-elle.IlregardafixementleslèvresdeRose,commes’ils’apprêtaitàl’embrasserdenouveau.—Non.—Est-cequetouslesdéputésvontdîneràcetteheure-ci?Jackbaissalesyeux,cherchaàdevinerlesseinsdeRosesoussoncorsage,lescaressaduregard.—Oui,pourquoi?—Parcequejen’aipasvubeaucoupdegensdanslarue.— Tout le monde ne quitte pas le bâtiment, expliqua Jack. Il y a une salle de restaurant à

l’intérieur.EtilyaaussiunsouterrainquiconduitauclubSt.Stephen,pourceuxquipréfèrentdînerlà-bas. Quant aux autres, ajouta-t-il en haussant les épaules, eh bien, ils sortent par des portesdérobées.

Rose n’était jamais entrée dans le Parlement. Elle préférait ne pas penser à cet endroit où deshommesdécidaientdusortdesfemmes.

Le fiacre roulait en vibrant sur les pavés. La lumière des lampadaires semblait embraser lescheveuxdeJack.

Roseétaitsilencieuseetpensive.Cequ’elles’apprêtaitàfaireauraitforcémentdesrépercussions.Ellenesavaitpassicethommeluiferaitdumal,endépitdecequ’ilavaitpromis.

Toutcequ’ellesavait,c’estqu’elleétaitprêteàpayerleprixduplaisir.—Vousavezditquevousaimiezfairel’amour?rappela-t-elle.—Jeconfirme.Rose essayadepenser à autre chosequ’au contact de leurs hanches et de leurs cuissesdans la

pénombre.—Qu’est-cequevouspréférez,dansl’amour?—Caresser,répondit-ilenluiprenantlamain.

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Rose fut surprise et bouleversée par cette réponse. Malgré son air froid et indifférent, quiintimidaitdeprimeabord,JackLodounavaitbesoindechaleurphysique.

—Allez-vouspasserlanuitavecmoi?—Oui.Rosefaillitéclaterensanglots.—J’aiembauchéunegouvernanteaujourd’hui,dit-ellepourparlerd’autrechosequededésir.—Jesais,c’estellequim’alaisséentrertoutàl’heure,réponditJack.Elleseralàcesoir?Rose se souvint du cri que la jouissance lui avait arraché la veille. Si Jack Lodoun imaginait

difficilementfairel’amouravecelle tandisquequelqu’und’autresetrouveraitdanslamaison,elleaussi.

—Elleaunefamille,expliquaRose.C’estpourquoielleneviendraquedanslajournée.Elleaditquedemainelleviendraitavecunecuisinièreetunebonne.

—A-t-elledesréférences?Celasemblaitridiculedediscuterdesqualitésdelagouvernante,étantdonnélescirconstances.—Desréférencessatisfaisantes.Satisfaisantes,pasparfaites.MaisRosenesesentaitpasendroitderechercherlaperfection.—Lacuisinièreetlabonneseront-elleslogées?Décidément,JackLodounétaitdugenreàs’inquiéterdesoreillesindiscrètes!—Non,ditRoseenesquissantdenouveauunsourire.Ellesaussiontdesfamilles.Lefiacretournasèchementaucoind’unerue.Rosesecramponnaàlapoignée.Elleseretrouva

coincéeentrelacuissedeJacketlaportière.Illuitenaittoujoursfermementlamain.—Voulez-vousquejevousobtienneuneséparationdecorps?Rosesecrispa.Uneséparationdecorpsn’étaitpasundivorce,maisc’étaitmieuxquerien.Dans

sasituation,elleseraitsansdouteobligéedes’encontenter.—Oui,répondit-elleens’agrippantàlamaindeJackcommeàuneplanchedesalut.Puiselleposalaquestionquiluibrûlaitleslèvres.—Pourquoin’avez-vouspasproposélamêmechoseàMmeWhitcox?Lefiacres’arrêta.Ilsétaientarrivésàdestination.Jackdemeuraimmobile.Ilregardaitdevantlui,oùiln’yavaitqu’obscurité.Rosecrutqu’ilnerépondraitjamais.Puisilfinitparrépondre–maisseulementaprèss’êtretournéverselleetavoirplacésonvisage

danslefaisceaudelumièrequitombaitd’unréverbère.—Pourlamêmeraisonquejen’aijamaisdemandéàJamesWhitcoxs’ilétaitprêtàdivorcer.JackLodounsouhaitaitvisiblementqueRoseliselerestesursestraits.

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—VousaimiezleParlementdavantagequevousn’aimiezMmeWhitcox.VoilàcequeRoseavaitcompris.—Lepouvoir,rectifiaJackd’unevoixérailléeparl’émotion.PasleParlement.Leursdeuxvisagessereflétaientdanslavitre.RoseClarring.JackLodoun.Unefemmeinfidèleà

sonmari.Unhommeinfidèleausouvenirdesamaîtresse.—J’aichoisilepouvoir,conclut-il.Jackétaitdésormaiscondamnéàvivreaveclesconséquencesdeseschoix.CommeRoseserait

bientôtcondamnéeàvivreaveclesconséquencesdessiens.Ilseleva,sonparapluieetsasacochedanslamaindroite,etouvritlaportièredufiacre.Ilsortit

unflorindelapochedesavesteetlejetaenl’air.Lecocherl’attrapaauvol.Jackpivotaettenditsamaingauche.Lecocherl’observaitd’unœilindifférent.IlavaitvuRoseClarring.Ilconnaissaitmaintenantsonadresse.Certainsjournalistesseraientprêtsàdonnerunesommerondelettepourdetellesinformations.LesdoigtsblancsdeRoseémergèrentdel’obscuritéetsaisirentlamaindeJack.LecœurdeJackseserra.LesmainsdeRoseétaientsipetites.Elleseleva,sesyeuxbrillantdanslafaiblelueurdelalunequipeinaitàpercerlesnuages.Elledescendit.Illasuivit.Soulagédesonpoids,lefiacreoscillaencouinant.Lesmaisonsbleuesparaissaientnoires,aveclanuit.La tête penchée, ses cheveux blonds s’écoulant de son bonnet de laine noire comme de l’or

liquide,Roseouvritlaporte.Jackentradanslapénombreettiraleverroud’ungestedécidé.Elle craqua une allumette et alluma la lampe à gaz du vestibule. Lemiroir avec son cadre de

bronzeetlatableenboisderosesurgirentdel’obscurité.Jackposasasacochesurunechaiseetaccrochasonparapluieàlapatère.Puisilôtasonmanteau,

qu’ilaccrochaàlamêmetêtequesonparapluie.IldébarrassaRosedesonmanteauetlerangeaàcôtédusien.IlplaçaaussilebonnetdeRoseau

sommetdelapatère,prèsdesonmelon.Ilsmontèrentensembleverslachambre,Roseéclairantlecheminàlalueurd’unebougie.—Jen’aipasd’alcoolsforts,dit-elle.Nicognacniwhisky.Maisj’aiduvin,siçavouschante…Ellelaissasaphraseensuspens.

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—Nonmerci,répondit-il,pasdevin.Iln’avaitpasenviedevin.Ilavaitenviequ’elleletouche.Roseallumaunelampeàlatêtedulit,puisellefitdémarrerlefeudansl’âtre.Tandisqu’elleétait

à genoux, sa robe moulait sa taille fine et ses fesses rondes. Des filets d’or brillaient dans sescheveux.Jackl’admiraensilence.Ils’étaittrompéenpensantqu’elleétaitjolie.

Elleétaitbelle.Aprèsavoirallumélefeu,elleouvritlelit.Ilattenditqu’elleseretourneversluipourcommenceràsedéshabiller.Lecérémonialfutlemêmequelorsqu’elleluiavaitdemandédesemettrecomplètementnupour

semasturber.Ilprocédaavecdesgestesprécis,nilentsniaguicheurs.Roseleregardafixement,neperdantrienduspectacle.Avantdejeterauloinsongilet,ilpritdansunepochelafameuseboîteenargentquicontenaitses

préservatifs.Rosetenditlamain.—Vouspermettez?Une fois dans la main de Rose, la boîte parut plus grande. La lumière qui se reflétait sur le

couvercledonnaitl’impressiondeluicaresserlesseinsetdeplongerdanssondécolleté.Roseouvritlaboîte.Elleétaitdiviséeensixcompartimentsdontchacuncontenaitunpréservatif.Elleenchoisitun.—Vousn’avezvraimentjamaisvoulud’enfant?demanda-t-elletimidement.Jackluipritdesmainslapetiteboîteetlarefermad’ungestebrusque.—Non.C’étaitcatégorique.—Pourquoi?Jackrepensaàsesparents,samèreépuiséeetdéforméeparlesgrossesses,sonpèrerégnantsur

lafamillecommeuncoqsursabasse-cour.Esquissantunsourireamer,iljetalaboîtesurlelit.—Jen’aijamaiseuenviedefournirdenouveauxserviteursàDieuouàlaCouronne.LesexedeJack,biendressé,semblaitfierdesoninutilitéàengendrer!—Avez-vousaumoinsdesfrèrespourperpétuerlenom?questionnaRose.Ducoup,JacksedemandasiparhasardJonathanClarringn’étaitpasledernierdesalignée.—Oui,répondit-il.Tranquillisez-vous.L’avenirdesLodounestassuré.Roses’approcha,s’emparadesonsexeetcommençaàlemanipuler.Avecl’ongledesonindex,

ellesuivitletrajetd’unepetiteveinebleue.—Dansl’arrière-boutiquedelalibrairie,vousm’avezregardéetoucherlesgodemichés…Etmaintenant,illaregardaittouchersonsexe.Ellelesoupesait.Elleenmesuraitletour.Ellel’appréciait–commeunamateurapprécieunobjetd’art.—Voussentezmamain,Jack?—Oh,oui!Chaquefrôlement,chaquecaresse.—Votrepeauesttellementdouce,là,dit-elleenfrôlantlacouronnedugland.Jack projeta son bassin en avant pour qu’elle puisse le caresser à loisir. Il se souvint de

l’expressiondesolitudesurlevisagedeRoselorsqu’elles’étaitmasturbéeaveclegodemiché,dela

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détresse dans son regard. Aurait-elle le même visage, les mêmes yeux, quand il enfoncerait sonmembreenelle?

Toutcequ’ilespérait,c’étaitqueleplaisirdecettenuitcompenseraitlessouffrancesdedemain.—Hé!s’exclama-t-ilsuruntonquisevoulaitplaisant.Jenesuispasungodemiché.Seulementunpoliticiensansconscience.— Je n’ai pas beaucoup d’expérience, répondit-elle. Mais je ne suis pas non plus une vierge

effarouchée.Jesaiscequejeveux.Tête baissée, concentrée, elle enfila le préservatif sur le membre de Jack, qui tressaillait en

rythmeaveclesbattementsdesoncœur.Lepréservatifsemitàluicomprimerlegland.—Etcequejeveux,c’estvous,reprit-elle.Vous,commeça.Aveccebeaugrosmembretoutdur

ettenduversmoi.Savait-elledequoielleparlaitlorsqu’elleprétendaitêtreprêteàpayerleprixduplaisir?—Jenesuispasungodemiché,répéta-t-ilenluipassantlamaindanslescheveux.Quandvous

accepterezlaprésencedemonsexeenvous,vousperdrezdumêmecouptousvosdroits.—Dequelsdroitsparlez-vous,aujuste?rétorquaRosed’unairsarcastique.Dudroitdedormir

seule?—Lorsqu’une femmeestconvaincued’adultère, expliqua Jackde sonplusbeau tonde juriste,

ellen’aplusaucundroitsursesenfants,etsonmarin’aplusaucundevoirenverselle,mêmeceluidelanourrir.

Le préservatif étaitmaintenant en place, enserrant le sexe de Jack depuis le sommet jusqu’à labase.

—Jen’aipasd’enfant,réponditRoseavecbonsens.Etjen’aipasbesoindel’argentdemonmaripourmangeràmafaim.

Elle lâchasonmembreetsemità luigriffer légèrement lesmamelons–legeste trahissaitsonexcitation.

—Jesaisquivousêtes,Jack,dit-elle.Riennemeferaplusreculer.Quiilétait?Jack,àunecertaineépoque,avaitcrulesavoir.Etils’étaittrompé.IlpritRoseparlescheveuxetlaforçaàreleverlatête.Ilglissasonregarddans l’ouverturedesoncorsage, leplus loinpossiblevers lavalléedeses

seins.—Etquisuis-jedonc,Rose?Sajoliebouchenesouriaitpas.—Vousêtesmonamant,répondit-elle.Vousêtesmalheureuxetjemeproposedevousconsoler.LestesticulesdeJacklesuppliaientd’acceptersonoffre.—Etsivousdeviezvousapercevoirquemonsexen’estpastrèsdifférentd’ungodemiché?

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—Danspeudetemps,jeseraifixée,répliquaRosesuruntonquisevoulaitlégeretquinel’étaitpasdutout.

Jack ignoraitcequi risquaitd’être leplusdouloureuxpourelle : faire l’amoursansplaisir,ouprendreduplaisirdanslesbrasd’unhommequ’ellen’aimaitpas.

—Etsiparmalheurc’étaitlecas?demanda-t-il.Vousiriezretrouvervotremari?Rose restapensiveun instant. Jack attendit sa réponse, lesnerfs à fleurdepeau, tressaillant au

moindrepétillementd’unebraisedansl’âtre.Elleétaitplusbellequejamais,avecl’ovaleparfaitdesonvisagequiémergeaitseuldesombres

environnantes.—Non,réponditRoseenfin,d’untondéterminé.Quoiqu’ilarrive,jeneretourneraijamaisavec

Jonathan.Jacksesouvintdusilencemortelquis’abattaitsursamaisonchaquefoisqueCynthialequittait

pourallerrejoindresonmari.MaisRosen’étaitpasCynthia.Sepenchant,ill’embrassa.Pourcommencer,ilnefitquel’effleurer.Puisilglissalalangueentreseslèvres.JackavaittoutapprisàCynthiaWhitcox.Àembrasser.Àcaresser.Àfairel’amour.Roseouvritlabouche,acceptantl’intrusion.Lesyeuxfermés,larespirationhaletante,ilcommençaàl’explorer.L’émaildesdents,duretlisse.Lalangue,douceetmoelleuse.Roseravalasonsouffle.Ellen’avaitpasl’habituded’êtreembrasséedecettefaçon.Jacksedemandas’ilavaitvraimentenviedefairel’éducationd’uneautrefemme.DélicieuseRose.FragileRose.Délicieuseetfragilecommelafleurdontelleportaitlenom.Etparfumée!Ilaspiralalanguedelajeunefemmedanssabouchepourmieuxlasavourer.Etpourqu’ellel’explorecommeill’avaitexplorée.Cequ’ellefit.Enhésitantunpeu.Enmêmetemps,elleluitouchalapoitrine.LemembredeJack,tenduverselle,tressaillit.—Jack,murmura-t-elle,sansdécollerseslèvresdessiennes,ouàpeine.Ilrouvritlesyeux.

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—Oui?—Lorsquevousêtesseuldansvotrelit,dit-elleenluidonnantàrespirersonhaleinechaudeet

humide,est-cequeçavousarrived’avoirenviequ’onvoustouche?Illuiembrassaleboutdunez.—Oui.—Etalors,continua-t-elleenluipinçantdoucementunmamelon,çavousarrivedevoustoucher

là?Ilprituneprofondeinspiration.—Jevousavoueraisquenon.Çanem’estjamaisvenuàl’idée.—Jevousdemandeçaparcequemoi,oui.Jackfermalesyeuxdenouveau.L’imagedeRoseentraindesecaresserlesseinsseformasur

sespaupièrescommesurlesplaquesdeverred’unelanternemagique.— Je fais rouler mes mamelons comme ça, poursuivit-elle en triturant celui de Jack entre le

pouceetl’index,etj’essaiedemepersuaderquec’estunebouche.Toutenl’écoutant,illuicouvraitlevisagedepetitsbaisers.Surlespaupièresfrémissantes.Surle

front.Danslecreuxdelatempe,sivulnérable.—Maiscesdoigtsnesontpaslabouched’unhomme,Jack…LasolitudedeRoseétaitpalpable.—Lesdoigtsn’embrassentpas,chuchota-t-elle. Ilsn’apprécientpas lessaveurs. Ilsnesontpas

amoureux…Ellesepenchaenavant–malgrélesmainsdeJackdanssescheveux–etluicaressaletétonavec

leslèvres.LecœurdeJackseserra.Illapritparlanuque.—Dansl’arrière-boutiquedelalibrairie,j’aisentilescaressesdevotreregard,murmura-t-elle.

Etdanslesalon,l’autrejour,lorsquevousvousêtesmistoutnu,j’aivraimenteul’impressionquecen’étaientpasvosmainsmaislesmiennesquivoustouchaient.

Pendantcetemps-là,ilavaitpenséàuneautre!—Jesaisquevousnem’aimezpas,enchaînaRose,sonsouffle tièdefaisant frémir le tétonde

Jack.Maisjesuisprêteàperdretoutcequej’aiplutôtqued’endurerencoreunenuitdesolitude.JackrouvritlesyeuxetregardalesfinssourcilsetleboutdunezdeRose–toutcequ’ilpouvait

voirdesonvisage.Iléprouvapourelleunformidableélandetendresse–l’enviedeluidonnerenuneseulefoistout

l’amourqu’ellen’avaitpasconnuendouzeansavecsonmari.—Quandjesuisseuldansmonlit,dit-il,cequejetouche,c’estmonsexe.—Hiersoir,chezvous,avez-vouspenséàmoicommej’aipenséàvouslorsque…Pourtouteréponse, ilcommençaà ladéshabiller.Lechemisiervoladansl’airetatterritsurun

fauteuil,bientôtrejointparlajupe,latournure,laculottefendue…Tout,ilôtatout,nelaissantquelesbas. Elle crut que c’était un oubli, ou parce qu’il était pressé de jouir – trop innocente pourcomprendre que ces fourreaux de soie noire gainant ses jambes jusqu’au-dessus des genoux lafaisaientparaîtreencoreplusnue!

Devantlui,danscettetenueinsolitepourelle,Rosen’eutaucuneréactiondefaussepudeur–ellenecherchapasàcachersesappas :sesmagnifiquespetitsseins,sonventredélicatementbombé, letrianglededuvetdoréentresescuisses…

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Jacklapritparlesfessesetlasouleva–leplusdélicatementpossiblecar,avecsapeausiblancheetsidouce,unriendevaitsuffireàluifaireunbleu.

Ellepoussauncridesurpriseets’agrippaàlui.Une fois qu’il l’eut assise sur le bordde la commode, le sexedeRose se retrouva à lamême

hauteurquelesien,exactementcommeill’avaitespéré.Rosehaletait.Sursonvisage,l’étonnementcédalaplaceaudésirlorsqueJacks’installaentreses

jambes.Ilappuyalebulbedesonsexecontresafente.— J’ai pensé à vous hier soir, oui, répondit-il enfin. Mais je n’avais pas envie que vous me

touchiez. J’avais envie que vous écartiez vos cuisses pour moi comme vous l’aviez fait pour legodemiché.

Roseenfonçasesonglesdanssesépaulessanss’enrendrecompte.Sesyeuxmauvesétincelaient.—Votresexeestdelamêmecouleurquevoslèvres,dit-ilpourl’exciter.Quandvousvousêtes

masturbéeaveclegodemiché,ilfallaitvoircommeils’ouvraitgoulûmentpourabsorberlecuir.Unejolienuancederoseavalantcetteatrocechosemarron!…Hiersoir,dansmesfantasmes,c’étaitmonsexequevotresexefaisaitdisparaître.

Rosepoussaunsoupirinvolontaire,luisoufflantenpleinvisagesonhaleinechaudeetparfuméetelleunebriseprintanière.

Lesexed’unhommecontrelesexed’unefemme,leursrespirationsquisemêlaient–quelbeaumomentd’intimité!

—Voulez-voussavoircequevousfaisiez,Rose,pendantquejevousfaisaisl’amour?Roseluiléchalajoue.—Dites-moidonccequejefaisais.—Ehbien,vousm’avezpriscommevousavezprislegodemiché.Violemment.Profondément.

Jusqu’àlagarde.Jusqu’àcequemonglandtouchelefond.Enluicaressantlesfesses,enlespétrissantdoucementpournepaslesmeurtrir,ildit:—Commeça.Etilcommençaàlapénétrer.Lentement.Ellegardalesyeuxouvertstandisquelephallusdechairremplaçaitlephallusdecuir–desyeux

quisemblaientpluspâles.Presquedélavés.Ilobservasesréactions–d’abord,leremordsdedeveniradultère…etpuislajoiedeprendreun

amant.Apparemment,ellesesentaitmoinscoupabledesafautequefièredesonaudace.QuelquechosedechaudcoulasurlestesticulesdeJack.LamouilluredeRose.Ellepoussaunrâle

de plaisir qui ressemblait à un râle d’agonie. Ses joues étaient devenues pourpres. Elle tâchait dedissimulersesémotionsderrièresespaupières.

—Jack,murmura-t-elleenluienfonçantsesonglesdanslesépaules.Oh,Jack!Roserouvritlesyeuxlorsqu’illafittournerpourpouvoirlapénétrerplusprofondément.Lacommodetanguaitsouseux.Ils’enfonçaenellejusqu’àcequeleurstoisonssemêlent.Latenanttoujoursparlesfesses,ilsemitàalleretvenirenelle.Deplusenplusvite.Deplusenplusfort.LevisagedeRoseprituneexpressiondouloureuse.Mais,enmêmetemps,ellesedilataitautour

desonmembre.

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Aumomentdel’orgasme,ellenepoussaaucuncri.Leplaisirilliciteseprenaitensilence.Jack enfouit le visage dans les cheveux de Rose au moment où son sperme fusa dans le

préservatif.Ill’embrassadanslecou.Sousseslèvres,lepoulsdelajeunefemmebattaitfollement.Ilhaletait.

Lasueurluibrûlaitlesyeux.IlglissalamainsouslesfessesdeRoseetlasouleva,empaléesursonsexeduretfrémissant.Ellelaissapendremollementsesjambes.Toujoursuniàelle,illuifittraverserlachambreetladéposasurlelit.Les cheveux dorés de Rose se répandirent sur l’oreiller blanc. Des perles de sueur faisaient

brillersonfrontetsestempes.Ungenousurlematelas,ilseretira.RosenerouvritpaslesyeuxquandJacks’écartaetquelematelasdonnal’impressiondefaireune

ruade.Jack ôta le préservatif qui pendait au bout de son membre et le jeta dans l’âtre. L’odeur de

caoutchoucbrûlédisparutrapidementdanslacheminée.Lorsqu’il se retournaversRose, elle n’avait pas bougé : pantelante, la gorge rougie, les seins

épanouis,lesmamelonspointant.Malgrésesyeuxclos,ellenedormaitpas.Jackimaginaitfacilementcequ’elleressentait.Lecorpsrassasié,etl’espritcoupable.Unmélange

d’euphorieetderemords.Ilressentaitexactementlamêmechose.Il se tintdeboutaupieddu lit, contemplant sapeaublanchesur fondde linblanc.Malgrécette

accumulation de blancheur, elle ne serait plus jamais innocente : elle avait pris du plaisir avec unhommequin’étaitpassonmari.

Avecsonsexequipendait,imprégnédesperme,ilsesentaitvaguementridicule.Soudain,ellerelevalespaupières.Toutà l’heure,quandil l’avaitpénétrée,sesyeuxavaientparupresqueincolores.Àprésent, ils

avaientrecouvréleurbellenuancemauve.—Voussavez,Jack,jenesuispasunepetitefille,dit-elletoutdego.Ilsongeaauxhommesdesavie–père,frères,mari–quiavaientcrubondelamettreengarde

contrelaconvoitisedelagentmasculine.—Jesais.—Vouspensezpeut-êtrequejesuisuneputain?suggéra-t-elled’unevoixégale.—Ohnon!—Quepensez-vousdemoi,alors?—Quevousêtesunefemmemalheureuse.Lesyeuxmauvessevoilèrent.—Vouscroyezpouvoiratténuermonmalheur?Lemensongen’avaitpascoursavecRose.—Non.Auloin,BigBensonnadixfois.Dixheures.LeParlementsiégeaittoujours.Roseécartalesjambes.Letriangledepoilsblonds,maintenantqu’ilétaitmouillé,étaitplussombre.Lescuissesblanchescontrastantaveclesbasnoirsétaientbouleversantes.Lafentesemblaitl’appeler.

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Elleavaitencoreenviedelui–toutensachantquelprixellerisquaitdepayer.Jack s’installa entre ses jambes,matelas et sommier ployant sous son poids, et la prit par les

hanches.Ilvoyaitleclitorisrougesoussoncapuchonrose.Ilensentaitl’odeur,mélangedeparfumfloral

etd’âcredésir.Vousnem’aimezpas,avait-elledit.Certes,ilnel’aimaitpascommeilavaitaiméCynthiaWhitcox.Maisilnepouvaitpasignorerles

sentimentsqu’elleéveillaitenlui.IlsepenchapourembrasserlesexedeRose.Elle lui caressa les cheveux.Elle n’était peut-être pas une petite fille,mais elle avait de petites

mains.Illéchalafente,debasenhaut.Puisilaspiradanssaboucheleclitoris,aussicramoisiqueson

gland.Elles’agrippaàsescheveux.Jackcontinuadelalécherjusqu’àcequ’ellepoussedescrisaigusetdiscordants.EllecrialenomdeJackensanglotant.Ilglissalalangueentrelespetiteslèvres,leplusloinpossible,savourant,humant.Elleécartadavantagelescuisses,prenantinnocemmenttoutleplaisirqu’ilavaitàdonner.Innocemment…Oui,mêmesilesloisanglaisesétaientd’unautreavis.Cessantdelalécher,ilsecouchasurelle.ElleseretrouvaaveclemembredeJackposésursonventre.—J’aiencorelegoûtdevotresexesurleslèvres,dit-il.Voulez-vousleconnaître?Ellehésita…maislacuriositéfutlaplusforte:elleselaissaembrassersurlabouche.C’étaitun

peusalé.— Et maintenant, qu’allons-nous faire ? murmura-t-elle d’une voix sans timbre, comme si le

bonheurdumomentetlacraintedel’avenirseneutralisaientenelle.Lafemmequ’elleétaitaimaitunautrehomme.L’hommequ’ilétaitaimaituneautrefemme.—Cequenousallonsfaire?répéta-t-ild’untonenjoué.Vous, jenesaispas,maismoi jevais

voussucerlesseinsjusqu’àcequevousn’enpuissiezplus.LesyeuxdeRosel’implorèrentdepasseràl’acte.—Ensuite,reprit-il,jevousferail’amourjusqu’àcequenousnefassionsplusqu’un…Elleesquissaunsourire.Tristesse?Scepticisme?—Oui,insistaJack,jevaisvousfairel’amourjusqu’àcequenousnesachionsplusoùl’unfinit

etoùl’autrecommence.Etjenem’arrêteraiquelorsquevouspleurerezdeplaisir.D’unemaintremblante,elleluicaressalajoue.—Etquandj’auraipleurédeplaisir,queferez-vous?Unefoisencore,toutmensongeétaitinterdit.—Ça,jen’ensaisrien.Non,iln’ensavaitrien.Ilpensaitàlafemmequ’ilavaitaiméeetquigisaitàprésentaufondd’unetombe,incapabledele

rappeleràelle.

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Rosefutréveilléeparlepépiementdesoiseauxdansleschênesetlesplatanesdel’avenue.Sapoitrineétaitbrûlante.Etsonventre.Etsescuisses.Desimagesluirevinrentenmémoire.Descheveuxbruns,noirsdesueur.Desyeuxémeraude,noirsdedésir.Unlointaincoupdeclocheinterrompitlecoursdesespensées.Roseouvritlesyeux.Lanuitétaitfinie.L’aubeétaitentrainderepeindreleplafondenorange.Ilyavaitdansl’atmosphèreuneodeurmusquée–uneodeurdemâle.Elle caressa l’amant endormi près d’elle, ses cheveux doux comme de la soie, ses favoris

broussailleux,sesjouesrêchesdebarbe.JackLodounpoussaunsoupir.Sonhaleinechaudes’engouffradans lesillonentre lesseinsde

Rose.Ilsepelotonnacontreelle.Roseeneutleslarmesauxyeux.Désormais,elleétaitunefemmeadultère.Ellecommençaàrepousserlescouvertures.Jackluipassaunbrasautourdelataille,commes’ilcherchaitàlaretenir.Elle sedégageadoucement et se leva– les ressortsdu sommier sedétendirent sansbruit. Jack

dormaittoujours.Ellepartitsurlapointedespiedsverslasalledebains.Elle craqua une allumette et alluma une lampe à huile.Elle ne se trouva pas très belle dans le

mauvaismiroirpiquédetachesnoires,levisagedéformé,unseinplusbasquel’autre.Ellesedébarbouillaetsebrossalesdents.ElleavaitpresquefinisatoilettelorsqueJack,arrivant

derrièreelle,posaunemainsursahanche.—C’estlebruitdurobinetquivousaréveillé?demandaRose.Jacksecoualatête.—Pardonnez-moi,ajouta-t-ellesuruntond’excusecommes’ilsétaientdeuxétrangers,habillés

depiedencap,quiserencontraientdansunlieupublic.— Vous n’y êtes pour rien. Les oiseaux sont particulièrement bruyants dans votre quartier,

madameClarring.LesyeuxdeJackbrillaient.Ilsepenchapourl’embrassersurlajoue.—Desregrets?demanda-t-il.—Non,répondit-elleenseretournantpourleregarderdanslesyeux.Paslemoindre.—Vouspermettez?dit-ilenluiprenantdesmainslabrosseàdents.—Jevousenprie.

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Elleluiavaitprêtésoncorps,ellepouvaitbienluiprêtersabrosseàdents.Jackmitunpeudepoudredentifricedanslecreuxdesamain,larécupéraaveclabrossehumide

etcommençaàsebrosservigoureusementlesdents,sonsexesebalançantenrythmeaveclescoupsdebrosse.

Ilavaitdebellesdents,trèsblanches,régulières,sauflescanineslégèrementpluslonguesquelesautres.

Roseéprouvaunpincementaucœur.Ellen’avait jamaisvuJonathanen trainde sebrosser lesdents.

Detelsmomentsd’intimiténesepartageaientpasentreépoux.Detelsmomentsd’intimiténesepartageaientqu’entreamants.Jacksepenchasurlelavabo,serinçalaboucheetfermalerobinet.Puisilouvrituntiroir.—Jechercheunpeigne,expliqua-t-il.Dansletiroir,iln’yavaitpasdepeignemaisleflacond’huiledeMargotet,sousunlinge,une

formeaisémentreconnaissable:legodemiché.—J’aiadmirévotresang-froidl’autrejourdansl’arrière-boutiquedelalibrairie,dit-il.Tousces

hommesquivousreluquaient,etpasunn’aréussiàvousfairebaisserlesyeux.Rosepoussaunprofondsoupir.— Tandis que vous soupesiez le godemiché de cuir, dit-il encore, on lisait le désir sur votre

visage.C’étaittentantdevousimaginerentrainde…—Jack!murmura-t-ellepourl’empêcherdefinirsaphrase.—Mais il n’y avait pas quedudésir dansvosyeux, poursuivit-ilmalgré tout. Il y avait aussi,

commentdirais-je?delanostalgie…—Cequevousappelez«nostalgie»n’étaitpeut-êtrequedesremords,répliquaRose.—Ça,jenesaispas.Entoutcas,vousaviezl’airtellementvulnérable!— Il y avait si longtemps que je me reprochais de faire le malheur de mon mari, vous

comprenez?Ilnem’aimaitpascommej’avaisenvied’êtreaiméeetmoi,jemefiguraisqueçadevaitêtredemafaute.

Jackavançalamainetluicaressalescheveux,commepourlaconsoler.—C’estpourçaquej’aiadhéréauclubdesMessieursetdesDames,reprit-elle,lagorgeserrée.

Dans l’espoir d’apprendre des choses quime permettraient deme rapprocher de Jonathan.Ou aumoinsdetrouverdesraisonsd’accepterlasituation.Etpuis,unjour,MmeHartainterrompul’unedenos réunions pour prendre la parole. Elle a dit que s’il y avait beaucoup de maris qui étaientincapablesdesecontenterdecequeleurfemmeleurapportait,ilyavaitaussiselonellebeaucoupdefemmesquidésiraientdavantagequecequeleurmariétaitcapabledeleurdonner.Quec’étaitlavieetquepersonnen’étaitcoupable.

Jackluicaressaittoujourslescheveux.Pluselleparlait,moinsellesemblaittriste.—Biensûr,c’estd’abordd’elle-mêmequeMmeHartparlait.Maisjemesuissentieconcernée.

C’est ce jour-là que j’ai compris que je n’avais aucune obligation de rester plus longtemps avecJonathan…entoutcas,aucuneobligationmorale…Etlorsquej’aireçuvotreconvocation,jemesuisdit:j’irai,jerépondraiàtouteslesquestions,etaudiablelesconséquences…

Elle était entièrement nue devant Jack – ayant perdu ses bas dans le lit pendant leur dernièreétreinte.

Ilpritsontempspourl’admirer.Elleenoublialescrisdesmoineaux.Lessouvenirsdelanuitaccouraient.

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Jack lui avait fait l’amour jusqu’à ce que les cris de plaisir recouvrent tous les autres bruits.Jusqu’à ce que leurs deux corps soient si brûlants qu’ils se soudent. Jusqu’à ce que le lit soitcomplètementdéfait.Jusqu’àcequ’ellelesuppliedecontinuer.Jusqu’àcequ’ellepsalmodiedes«Ohoui,ohoui!».Jusqu’àcequ’ellecrie«Jack!»enjouissant–Jack,etaucunautrenom.

—Quandvousm’avezsucélesseins,dit-elled’unevoixétranglée,est-cequevousavezsentilesbattementsdemoncœur?

— Et vous, demanda-t-il au lieu de répondre, lorsque nous faisions l’amour, avez-vous eul’impressionquenousnefaisionsqu’un?

Ellenonplusnepouvaitpasluimentir.—Non.Ilcessabrusquementderespirer.—J’ai surtout senti lepréservatif, expliqua-t-elleavecunepointededépit.Ducaoutchouc trop

épaispourqu’onsentegrand-chosed’autre!Jackdevintgrave.—Vousauriezenviequejevousprennesanspréservatif?—Oh,oui!réponditRosesanshésiter.Etj’aimeraisvoussentiréjaculerenmoi.Il ferma lesyeux.Elle luicaressa lebras.Pourcequ’elleavaitàdemander, iln’yavaitpasde

façondélicate.Alors,elledécidad’yallercrûment.—Est-cequevousaccepteriezdemesodomiser?Ilrouvritlesyeux–desyeuxbrillantsquidisaientoui.—Maisjerisquedevousfaireunpeumal.—Tantpis.C’étaitleprixdelapassion.Soudain, la salle de bains donna l’impression de rétrécir. Jack l’emplissait tout entière par sa

seuleprésence.Son désir se traduisait par un fait simple et indéniable : son sexe était en train de se dresser,

lentement,inexorablement.Illapritparleshanches,latournaverslelavabo,seplaçaderrièreelleetfrottasonsexecontre

sesfesses.Illadépassaitdelatêteetdesépaules.Ellel’observaitdanslemiroir.Malgrélasolennitédel’instant, iln’avaitpasperdusonsang-froidaupointd’oublier leflacon

d’huiledeMargotdansletiroirrestéentrouvert.Ill’attrapaetledéboucha.Elletournalatêtepourregardercequ’ilfaisait…etsesouvintdesa

nuit de noces. Allongée dans la pénombre, le cœur battant. Elle avait ressenti le même genred’appréhensionqu’encemoment.

L’huile s’écoulaenchantant. Il s’enenduisit lesmainset le sexe.Lorsqu’il reposa le flacon, leverrerésonnasurlemarbredelatabledetoilette.

Ilposasamaingauchesursonventre.Ilglissasonindexdroitentresesfesses.D’instinct,ellesepenchaenavant.Danslemauvaismiroir,ellevoyaitlatêtedeJackquisebalançaitau-dessusdelasienne.Iltrouvalepetitorifice,quis’ouvritlégèrementlorsqu’ilencaressalepourtour.Illuisoufflaitsonhaleinebrûlantesurlanuque.Elles’agrippaaureborddulavabo.Ilglissaunephalangeenelle.Uneseule.

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Roseavalaunegrandegouléed’air.Çanefaisaitpasmal.—Quandjesuisenvouscommeça,Rose,ditJack,jevousaime.Unetrahisondeplusenverslafemmequ’ilétaitcenséaimer.Ilretiralentementsondoigt,l’enfonçadenouveau,unpeuplusloin.Ledoigtglissaitlibrement.Bientôt,ilfaufilaundeuxièmedoigtàcôtédupremier.Çanefaisaittoujourspasmal.Aprèsquelquesmouvementscirculaires,latrouvantsuffisammentdilatée,ilôtalesdeuxdoigts.Ellesentitqu’ilpassaitsonglandentresesfessesetlepositionnaitfaceaupetitorifice.Ellecreusalesreins,offrantsacroupe.Leglandlisseetsoupleentrasansheurt.Cen’étaitpasungodemichédecuir.Iln’yavaitpasnonplusdebarrièredecaoutchoucentreeux,cettefois.C’étaitJack,lachairde

Jack.Ils’enfonçaenelle,doucement,toutdoucement…maisjusqu’àlagarde,jusqu’àcequ’ellesente

lespoilsdesesboursesluichatouillerlesfesses.Celafitunpeumal…Elleeneutlesoufflecoupé.Maisladouleurpassavite.Etilnerestaplusqu’unesensationdepurevolupté.Cettefois,elleeutvraimentl’impressionqu’ilsneformaientqu’unseulêtre.Ilsemitàalleret

venir. Elle découvrit un plaisir extraordinaire, un plaisir qui augmentait à chaque poussée et quiirradiaitjusquedanssonvagin.

—Quandvousêtesenmoicommeça,murmura-t-elle,jemesensaimée.Unetrahisondeplusenversl’hommequ’elleétaitcenséeaimer.C’estalorsqueJackfermalesyeuxetpoussaungrognementanimal.Ellel’avaitardemmentsouhaité:lespermedeJackserépandantenelle!Ellefutsecouéeducreuxdesreinsjusqu’àlanuqueàchaquegiclée.Cinqentout.

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JackregardaitRose,quidormaitpaisiblement.Ilavaitfaitsatoilette,s’étaitrhabillé,prêtàpartir.Lorsqu’elleseréveillerait,elles’apercevraitqu’elleétaitseuledanslelit.Lesoiseauxpépiaientdeplusbelledanslesarbresdel’avenue.Leurscrisavaientquelquechose

demoqueur.LesjouesdeRoseétaientcoloréesparlesoleilmatinal.Par-dessusledrap–undrapfroissé,qui

sentaitlasueuretl’amour–unmamelonpointait.Jackfuttentédelecaresser…aurisquedelaréveiller.Déjà,ilavançaitlamain.Uncoupfrappéàlaported’entréel’arrêtadanssongeste.Ilsortitdelachambresurlapointedespiedsetrefermalaportederrièrelui,afinquelanuditéde

Rosenesoitpasexposée.Sespasrésonnèrentdanslepetitcouloir.Desvolutesdevapeursortaientdelasalledebains.Lapremièremarchedel’escaliercouina.Uneautremarcheverslemilieu,aussi.Undeuxièmecoupretentitcontrelaporte.Jackl’ouvritjusteàtempspourempêcherletroisième.Unefemmed’âgemoyen,detaillemoyenne,auxcheveuxgrisonnants,restafigée,lepoinglevé.Jackreconnutlafemmequil’avaitlaisséentrerlaveille.Ellen’eutpasl’airsurprisedeletrouverlà.Derrière elle se trouvaient deux autres femmes, unegrandemaigre et unepetite grosse, qui le

regardaientavecdesyeuxrondsdestupeur.Ellesl’avaientsansdoutereconnu.Et,d’aprèssescheveuxmouillésetsesjouesmalrasées,ellescomprenaientqu’ilavaitpasséla

nuitici.—MadameDobkins,fitJackens’écartantpourleslaisserentrer.Mesdames.—MonsieurLodoun,répondirent-elles.Preuvequ’ellesl’avaientbeletbienreconnu.—Vousêtessansdoutelacuisinière,dit-ilens’adressantàlapetitegrosse.—Non,monsieur,intervintlagrandemaigre.C’estmoi,lacuisinière.—Etvousvousappelez?—MmeFinley.—Etmoi,ditlapetitegrosse,jesuisMmeBrown,labonneàtoutfaire.

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Les trois femmesétaientpropres,mais leursvêtementsétaientusés.Elles avaientbesoindecetemploi.

Jackn’avaitpasdetempsàperdreensubtilités.—Voussavezquijesuis?Ancienprocureurgénéral.Avocat.MembreduParlement.—Oui,monsieur.—EtvoussavezquiestMmeClarring?Àvoirleurstêtes,ellesavaientlulesjournaux.—Oui,monsieur,répliquèrentd’uneseulevoixlacuisinièreetlabonne.—Etnoussavonsquinoussommes,monsieurLodoun,ajoutahardimentlagouvernante.Jacksetournaverselle.—Plusprécisément,madameDobkins?—Noussommestroisfemmescontentesdepouvoirtravailler.Jackpromenasurlestroisfemmesunregarddirectetfranc.—Parconséquent,voussavezdéjàcequisepasseraitsilarumeurdevaitserépandrequej’aimes

habitudesdanscettemaison.—Silarumeurserépand,répliqualagouvernanteenleregardanttoutaussifranchement,nous

n’yseronspourrien.Jackenacceptal’augure.—MmeClarringdortencore,dit-il.Maisjesupposequ’elleaurafaimàsonréveil.—Lesplacardssontvides,réponditlagouvernante.Etellen’amêmepasdevaisselle.Vrai.Rosen’avaitrien,àpartlecontenud’unepetitemalle.Jacksortitsonportefeuille.—Vous achèterez ce qu’il faut pour lui préparer un bon petit déjeuner, dit-il en tendant à la

gouvernanteunbilletdevingtlivres.Quantàlavaisselleetlereste,elles’enoccuperaelle-même.—Oui,monsieur,acquiesçaMmeDobkinsenregardantJackavecrespect.Ceserafait.—J’ycomptebien,conclut-il.Lacuisinièreetlabonnesuivirentlagouvernante,leurspasclaquantsurleparquet.Unesériedecoupsdeclocheaccompagnaleurretraite:c’étaitBigBensonnanthuitheures.Jackrappelalagouvernante.—MadameDobkins?Savoixrésonnadansl’étroitcouloir.Lestroisfemmesseretournèrentd’unmêmemouvement,leursyeuxcachésderrièrelebordde

leursbonnetsnoirs.Roseavaitditqu’ellesn’habiteraientpasici.— Je ne veux pas que Mme Clarring reste seule dans la journée. Veillez à ne laisser entrer

personnesansprendresonavis.LemajordomedeFrancesHart avait commis l’erreur de laisser entrer lesmédecins de l’asile

d’aliénés.Ilsavaientfaillil’emmener!—ToutcequeMmeClarringneconnaîtpas,çarestedehors,ajoutaJack.C’estbienclair?—Claircommedel’eauderoche,réponditlagouvernanteavecautorité.Tantquenousseronslà,

personnen’emmèneraMmeClarring.Elles ne pourraient pas empêcher l’exécution d’un jugement – et Jack non plus. Mais elles

pourraienttoujoursleretarder.Lestroisfemmespivotèrent.Jackrappelaunefoisdepluslagouvernante.

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—Ah,madameDobkins?Lagouvernantesefigea.—Oui?Jack s’était lavé avec le savon de Rose et il embaumait comme une boutique de fleuriste.

S’avançantàsarencontre,ilglissaunautrebilletdanslamaindelabraveMmeDobkins.—Vousachèterezaussiunsavond’Alep…—Bien,monsieur.Elleajoutanarquoisement:—Ceseratout?—Non,tantquevousyêtes,prévoyezaussiunebrosseàdents…ettoutcequ’ilfautpoursefaire

labarbe:rasoircoupe-chou,raquetteetpâteàaffûter,blaireau,savonàraserTruefitt&Hill…Comme la gouvernante restait sur place à le regarder d’un air interrogatif, il conclut avec un

sourire:—Cettefois,jecroisbienquec’esttout.

Lescrisd’ungroupedemoineauxréveillèrentRose.Lachambreétaitvide.Elleportalamainàsapoitrine,commepourralentirlesbattementsdesoncœur.Sonmamelon

durcitlorsqu’elleletoucha.Unarômedepainfraisvintsemêleràl’odeurâcrequiimprégnaitlesdraps.Elleeuttôtfaitdecomprendre.Jackavaitouvertlaporteàlagouvernante,puisilétaitparti.Sonabsenceétaitpalpable.Unlointaincarillonsonnalademie…Maislademiedequelleheure?Roserepoussarésolumentlescouverturesets’assit.Quelqu’unfrappaàlaportedelachambre.—MadameClarring?Lavoixdelagouvernanteétouffadansl’œufleridiculeespoirquec’étaitJackquirevenait.Roseagrippaledrap.—Oui,madameDobkins?—M.Lodounapenséquevousaimeriezunbonpetitdéjeuner.Ilserabientôtprêt.D’aprèsletondesavoix,onauraitpucroirequ’elletrouvaittoutnatureld’obéirauxordresde

l’amantdesapatronne.—Jevouslesersaulit?ajouta-t-elleàtraverslaporte.Rosesesouvinttoutàcoupduflacond’huiledeMargot,danslasalledebains.Lagouvernantel’avait-ellevu?—Jepréfèredescendre.—Trèsbien,madame.Rosesedépêchad’enfilerlecorsageetlajupequ’elleportaitlaveille.Sanslejupon,lajupelui

chatouillaitlescuisses,etsanslatournure,elleétaittroplongueetluifaisaitunetraîne.Elleserenditdanslasalledebains.Iln’yavaitriensurlemarbredelatabledetoilette.Elleouvritletiroirduhaut.Leflacons’ytrouvait.—Avez-vousbesoindemonaide,madameClarring?Ravalantsonsouffle,Rosesedépêchaderefermerletiroir.

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—Nonmerci,madameDobkins.Elle se redressa et aperçut son reflet dans lemauvaismiroir. Elle était échevelée – comme il

convientaprèsunenuitd’amour.Ellefuttentéedeserecoifferaveclamainetseretint.—Avez-vousamenélacuisinièreetlabonneàtoutfairedontnousavionsparlé?—Oui,madame.Lagouvernantecraquauneallumette.—Lacuisinièrefinitdepréparervotrepetitdéjeuner,dit-elleentendantlebraspourallumerla

lampeau-dessusdulavabo.Etlabonneestentraindenettoyerlesplinthes.Lalumièredelalampefitbrillerlemarbredestablettesetlenickeldesrobinets.C’est alors que Rose se rendit compte que Mme Dobkins portait un bonnet d’une blancheur

immaculée.—Quelleheureest-il?demanda-t-elle.—Onvasurdixheures.La gouvernante se redressa – elle était à peu près aussi grande que Rose – et souffla sur

l’allumettepourl’éteindre.—Voulez-vousquejevousfassecoulerl’eaudeladouche?Rosesongeaqu’elleétaitmoiteetqu’ellesentaitlasueur–lasienneetcelledesonamant.—Nonmerci,répondit-elle.Jem’enoccuperaimoi-même.—Commevousvoudrez,madame.Lacuisinièreva tenirvotrepetitdéjeunerauchaudpendant

quevousvousdouchez.Rosetiraleverrouderrièrelagouvernante.Ellesedéshabillaetentradansladouche.Elleouvrit

lesrobinets.L’eausursapeauluisemblaencoreplusrêchequelalainedesajupe.Elleessayadesesouvenirdecequ’elleavaitressentiaulendemaindesesnoces.Samémoirene

luifournitaucunrenseignement.Unechoseétaitsûre:ellen’avaitpasconnuavecJonathanlemêmedegréd’intimitéqu’avecJack.Elles’essuyavigoureusementpuis,sansserhabiller,courutdanslachambre.MmeDobkinsavait

ouvertlesrideauxetlesfenêtres.Lapièceétaitpleinedelumière.Danslamalle,Rosen’avaitquedesvêtementsnoirs.Durant lespremiers tempsdesonmariage,elleavaitportédescouleursgaies.Àquelleépoque

avait-ellechangé?Quand Jonathan s’était mis à boire ? Ou quand elle s’était rendu compte qu’il ne buvait que

lorsqu’ilétaitàlamaison,seulavecelle?Rose s’habilla. Ellemit ses boucles d’oreilles – de simples perles, les seuls bijoux qu’elle ait

apportésavecelle.S’estimantprésentable,elledescendit.Une petite grosse apparut au bas de l’escalier. Elle aussi était surmontée d’un bonnet blanc,

soigneusementrepasséetamidonné.—B’jourm’dame,dit-elle.Voulez-vousvotrepetitdéjeunermaintenant?—Trèsvolontiers,fitRose.JesupposequevousêtesMmeBrown?—Oui,m’dame,pourvousservir,réponditlabonneenrougissant.Dedeuxchosesl’une:oubienellerougissaitparcequ’elleétaittimide,oubienparcequ’elleétait

aucourantdesamoursillégitimesdesapatronne.—Jevaischerchervotrepetitdéjeuner,ajouta-t-elle.—Vousdirezàlacuisinièrequej’aimeraislavoir,précisaRoseavantdelalaisserpartir.Elles’installadanslesalon,quiétaitfroidetsombre.

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Les trois domestiques revinrent bientôt. La gouvernante réclama l’aide de la bonne pour faireglisser un coffre jusqu’au milieu de la pièce afin qu’il serve de table. La troisième femme – lacuisinière–apportaitunplateau.

—MadameFinley,mettezleplateauici,ordonnalagouvernante.ElleapprochalevieuxfauteuildeveloursetditàRose:—MadameClarring,sivousvoulezbienvousdonnerlapeine…Roses’assitsurlefauteuiltropmouetregardaleplateau.—L’assietteetlescouvertssontneufs?remarqua-t-elle.—Oui,m’dame,réponditlacuisinière.Jelesaiachetéscematinaveclereste.—Jevois,ditRoseengoûtantlesœufsbrouillés,quiluisemblèrentdélicieux.C’esttrèsdélicat

devotrepart.JesupposequevousêtesmadameFinley?—Oui,m’dame,pourvousservir.Roseseversaunetassedethé–lathéièreetlatasseaussiétaientneuves.Dansuncoinduplateau,

ilyavaitunpetitpotdecrème,unsucrieretunesoucouperempliedetranchesdecitron.—Cepetitdéjeunerest toutàfaitdélicieux,madameFinley,murmuraRoseensucrantsonthé.

Vousmedirezcombienjevousdois.—C’estM.Lodounquiapayé,m’dame.Roses’immobilisa.—M.Lodoun?répéta-t-elleenposantdélicatementsacuillerdanssasoucoupe.—Oui, confirma lagouvernante. Il nous adonnévingt livrespour acheter tout cequ’il fallait

pour vous préparer un petit déjeuner. Et puis, il nous a recommandé de veiller sur vous et de nelaisserentrerpersonnedanslamaison.

CommesiJonathanpouvaitmevouloirdumal!pensa-t-elle.Mais,aprèstout,pourquoipas?Avecl’aidedequelqueshommesdeloi!—Ilnousadonnéunautrebilletdevingt,repritlagouvernante.Pouracheterlenécessairepour

sa toilette. Rasoir, savon à barbe, etc. Et puis, un savon… Il a bien précisé : un savon d’Alep. Jesupposequec’estparcequ’ilssontsansodeur…

—Oui,intervintlabonne.Cematin,c’estpaspourdiremaisilsentaitunpeulacocotte…Roseéclataderire.—Eneffet,cen’estguèreconvenablepourunhonorablemembreduParlement!dit-elle.Ettoutàcoup,sansraison,soncœurluidonnal’impressiondesedilaterdanssapoitrine.Unmomentdebonheurinattendu!Unbonheuràcouperlesouffle.Serais-tuamoureuse?sedemanda-t-elle.

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—Jen’enpeuxplus,docteurBurns.Éleverdesenfants,jenefaisqueçadepuisquej’aiquinzeans.Jen’auraisjamaislaforced’enéleverundeplus.

Deslarmescoulaientsurlesjouesdelafemme,ensuivantunchemintracéd’avanceparlesrides–elleavaittrente-troisansetenparaissaitdixouquinzedeplus.

Un magnifique soleil glissait ses rayons entre les lamelles des stores mais, dans le cabinet,c’étaienttoujourslesmêmeshistoiresdesouffranceetdemisère.

—Onvavousépargnerça,madameWilkins,assuraSarahBurns.Par-dessus la petite table qui lui servait de bureau, elle prit les mains rouges et calleuses de

MmeWilkinsentrelessiennesetrépéta:—Onvavousépargnerça.En signe de gratitude, la femme lui étreignit les mains, si fort que Sarah faillit grimacer de

douleur.—J’aimemesenfants,voussavez,docteurBurns.Sarah savait depuis longtemps qu’on peut aimer les enfants et ne pas souhaiter en avoir une

ribambelle.—Jesuiscontentequ’ilssoientlà,ajoutaMmeWilkins,mais…—Jen’endoutepas,ditSarah.—Mais,répétaMmeWilkinsd’unevoixmurmurante,j’enaineuf.Jen’enpeuxplus…Denouvelleslarmesroulèrentdesesyeuxrougis.Sarahsesentitobligéedeposerlaquestion:—Enavez-vousparléàvotremari?—Ilnecomprendraitpas.Peud’hommescomprenaientceschoses.—Alors,onnevapasluidemanderplusqu’ilnepeutdonner,ditSarah.—Maisjenevaispaspouvoirvouspayertoutdesuite…LepetitbureaudeSarah,avecsesmurscraquelés,sesboiseriesébréchées,sesmeublespauvreset

écornés,prouvaitquesespatientsétaientnombreuxànepaspouvoir«payertoutdesuite».—Nevousinquiétezpaspourça,madameWilkins,répliquaSarah.Ontrouveraunesolution.Elleétaitcontentequecettepauvrefemmesesoitadresséeàelle,plutôtqu’àuneavorteusequi

l’auraitestropiéeoupeut-êtremêmetuée.—Mais,pourvotrebien,ilvafalloiragirvite,reprit-elle.LestraitsdeMmeWilkinssedétendirent.—Lundi?suggéra-t-elle.

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—Lundi,confirmaSarahenluilâchantlesmains.MmeWilkinssortitdupetitbureaud’unpasraideetrefermalaportederrièreelle.Sarah n’était pas sûre qu’elle reviendrait. Parfois, les femmes faisaient leur propre choix : la

mort-aux-rats, laTamise…Toutcequ’ellepouvaitespérer,c’estque lamalheureuseMmeWilkinsn’enarriveraitpaslà.

Ellerangealedossierdansuncasier.Quelqu’unfrappaunefoisetentrouvritlaportesansattendrederéponse.—MademoiselleDay,ditSarahtoutenfouillantdanslespapiersquiencombraientsonbureau,

savez-vouscequej’aifaitdel’ordonnancedeMmeMaloney?Maiscenefutpassasecrétairequirépondit.—Pardonnez-moidevousdéranger,docteurBurns.MlleDaym’aditquejepouvaisentrer.Sarahseredressabrusquement.—Hé,bonjour,madameClarring!DevantlajolieMmeClarring,Sarahs’étaittoujourssentielaide:tropgrande,tropmaigre,trop

empruntée.Embarrassée,elleajouta:—Quevenez-vousfaireici?Sansselaisserdécouragerpar larudessedecetaccueil,Roserefermalaporteets’avança.Les

plumes blanches perchées sur son chapeau noir dansèrent. Son délicat parfum boisé se mêla auxodeursd’étherquiflottaientdanslapièce.

—Jevoulaisjustevousdiretoutlebienquej’aipensédevotretémoignageautribunal,répliqua-t-elle.Jecroissincèrementquelejuryauraitrenduunautreverdictsivousn’aviezpasétélà.

Sarahn’avaitpasl’habitudedescompliments.Unefemmeenrécoltaitpeu,dansunmétierdominéparleshommes.Toutcequ’elletrouvaàrépondre,cefut:

—Jen’aipaseul’impressiondefairequelquechosed’extraordinaire.Rosedevintgrave.—Avez-vousperdubeaucoupdepatientsàcauseduprocès?Toutes deux pensèrent à Esther Palmer et à Thomas Pierce, également membres du club des

MessieursetdesDames.Les journaux avaient rapporté que l’institutrice et le banquier avaient été l’un comme l’autre

chassésdeleuremploiàcausedel’affaire.Ilsn’avaientriencachéàleursemployeurs,ettelleavaitétélarécompensedeleurfranchise.

— Non, répondit Sarah d’un ton bougon. Mes patients n’ont pas les moyens d’acheter lesjournaux,etdetoutefaçonilsn’auraientpasletempsdeleslire.

Sarahsavaitquecen’étaitpaslecasdesmembresdelabonnebourgeoisieàlaquelleappartenaitRoseClarring.

Elleavaitquelquefoisjalousélajoliepetiteblonde,maiscen’étaitpluslecas.—Asseyez-vousdonc,madameClarring,ditSarah.Ellefitmentalementl’inventairedesgensquipatientaientdanslasalled’attente:aucuncasgrave.

Ils ne lui reprocheraient sûrement pas d’avoir pris cinqminutes pour se rapprocher d’une femmeavecquielleregrettaitdenepasavoirsympathiséplustôt.

—Voulez-vousduthé?—Non,merci.Detoutefaçon,jenevaispasvousretarderlongtemps.Sarahneputs’empêcherdecomparerRoseClarringaveclafemmequivenaitdesortirdeson

cabinet.Ellesavaientàpeuprèslemêmeâge,maisiln’yavaitaucunlienpossible:RoseClarring

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n’avaitjamaiseud’enfantetsonteintresplendissaitdejeunesseetdebonnesanté.Cependant,lafringantebourgeoiseétait-elletellementplusheureusequelaprolétaireuséeparles

grossesses?—Quepuis-jefairepourvous?demandaSarah.Rose ne répondit pas. Au lieu de cela, elle s’assit avec une grâce dont Sarah – gauche,

disproportionnée,osseuse–s’étaittoujoursestiméeincapable.—Aufait,avez-vousdesnouvellesdeM.Addimore?demandaRose.Sarahdevint toute rougeau souvenirdecette séanceoùelleavaitditqu’ellene s’aimaitpaset

qu’elleauraitpréféréêtreune joliepetite femmevulnérable–etoùGeorgeAddimoreavaitavouésonincapacitéàmainteniruneérection.

EllesedoutaitqueRoseClarrings’ensouvenaitaussi.Elledécidadedirelavérité.Ellesavaienttraversétropd’épreuvesensemblepoursementir.—Si j’aidesesnouvelles? répéta-t-elle.Maisnousnous fréquentons…Aussi improbableque

celaparaisse,ajouta-t-elleuntonplusbas.—Toutvabien?—Dececôté-là,oui…Maisilaperdusonemploi.Àcauseduprocès,celaallaitsansdire.L’entreprisedanslaquelleiltravaillaitn’avaitpasvoulu

risquerdedéplaireàsarespectableclientèleengardantparmisonpersonnelundépravéquiavaitfaitpartiedu«clubdesNoirsDélices»,commeleTimesavaitsurnomméleclubdesMessieursetdesDames.

—Jesuisdésolée,docteur,ditRose.Cesregrets,visiblementsincères,allèrentdroitaucœurdeSarah.Enéchange,ellefuttentéededemanderàRosesisonmaril’avaitpunie–maislesmembresdu

clubayanttoujourseupourprincipedeprotégerleurvieprivée,ellen’osapas.—Ilaouvertsonproprecabinetd’expertise,dit-elle.Jesuissûrequ’ils’ensortira.Iln’yavaitquetroisjoursquecemauditprocèsavaiteulieu.Sansréfléchir,elledemanda:—Etvous,madameClarring,avez-vouseudesnouvellesdesunsoudesautres?—Non,réponditRosesuruntonderegret.Sarahrepensaàlavasteetluxueusesalledeconférencesdumuséeoùilsavaienteul’habitudede

seretrouver.—Pensez-vousquenousnousréunironsdenouveauunjour?—Jen’ensaisrien,répliquaRose.J’aimeraisbien.Maisnousnesommespluslesmêmes.Tous

ces événements nous ont changés. Je ne suis pas certaine que nous aurions encore des choses àéchanger.

Del’amitié,pensaSarah.Maislesmembresduclub,quis’étaientprésentésgroupésauprocès,étaientrepartisencouples!SaufRoseClarring,quiétaitarrivéeseuleetquiétaitrepartieseule.SarahBurnsetGeorgeAddimoreavaientétéparmilesderniersàtémoigner.Soudain,Saraheut

envied’ensavoirplussurlestémoignagesdesautres.—Avez-vousentenducequ’aditMlleHoppleworth?Ilparaîtqueçavalaitsonpesantd’or.—Oui,confirmaRoseavecuneadmirationmêléed’amusement.Elleaditqu’elleavaittoujours

préféréêtreélèvequeprofesseurparcequ’elleadoraitapprendre.QuandM.Lodounluiademandésielleavaitbeaucoupapprisauclub,ellearépondu:«Poursûr!»Etelleaajouté:«Toutcommejesuisprésentementen traind’apprendredeschoses sur le fonctionnementde la justicedanscebeaupays.»

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Sarahimaginalasympathiquesecrétaireentraindetenir ladragéehauteaucélèbreavocat,sesyeuxpétillantdemalicederrièresesbésicles.

—Et,poursuivitRose, lorsqueM.Lodounluiademandépourquoielleavaitvotéenfaveurdel’adhésiondeMmeHart,ellearépondu:«Àcausedesonhonnêteté.»Illuiaditqu’ilenavaitfiniavecelle,maiselleainsisté:«Vous,peut-être,maispasmoi.»Elleallaitajouterquelquechosemaisle jugeest intervenupourdéclarerquesaréponseavaitsatisfaitM.Lodounetque,parconséquent,elle avait satisfait le tribunal. « Considérez ceci comme ma contribution à vos études de droit,mademoiselleHoppleworth»,luia-t-ildit.

Sarahneputs’empêcherdesourire.—Jesuissûrequevotretémoignagen’apasmanquéd’intérêtnonplus,madameClarring.Roses’assombritaussitôt.—Jenesaispas,docteurBurns.Maisunechoseestcertaine,c’estqu’àcetteoccasionnousavons

tousdécouvertqu’ilvautmieuxnejamaisavoirsonnomimprimédanslesjournaux.LeDailyHerald l’avaitaccuséed’avoiremployédesmoyensd’éviter laconceptionetétaitallé

jusqu’àlatraiterd’infanticide!SaraheutenviederéconforterRoseClarring.Elleparlaaveccrudité.—JackLodounestunfieffésalaudd’avoirsuggérétoutesceschoses.Cesparolesn’eurentpasl’effetescompté.—ÇanesertàriendereprocheràJackLodouncequ’ilapudireàl’audience,répliquaRoseen

baissant la tête, sonchapeaucachant sonexpression.Commechacund’entrenous, il a fait cequ’ilavaitàfaire.

Sarahnefutpasconvaincue.—Et si, pour finir,MmeHart avait été enfermée ?Diriez-vous toujours qu’il n’y a rien à lui

reprocher?Tout ce que Sarah voyait de Rose Clarring, c’était son chapeau de feutre noir et l’aigrette de

plumesblanches.PuisRoserelevalatête,etSarahseretrouvatoutàcoupconfrontéeàunregardvifetpénétrant.Rosenepouvaitpasluirévélerquec’étaitenréalitéJackLodounquiavaitsauvéMmeHart–tout

bonnementennerévélantpasquecelle-cietMeWhitcoxétaientamants.Alors,elleréponditàcôtédelaquestion.—À quelque chosemalheur est bon. Sans ce procès, vous seriez-vous rapprochée deGeorge

Addimore?Sansceprocès,GeorgeAddimoreneluiauraitjamaisoffertsonbras,etellen’auraitjamaiseu

l’aplombdesepromenerdansLondresavecunhommepluspetitqu’elled’unebonnedouzainedecentimètres.

—Sans doute pas, reconnut Sarah à contrecœur.Maintenant, ajouta-t-elle sur un ton agacé, jesupposequevousnevousêtespasaventuréedanscequartierabandonnédesdieuxàseulefindemecongratuler?Alors,jevousleredemande:quevenez-vousfaireici?

Roseneselaissapasdémonterparcebrutalchangementd’humeur.—Vousêtesunexcellentmédecin,docteurBurns.Jesuisvenuevousdemanderconseilàpropos

desdiversmoyensdediminuerlaprobabilitédetomberenceinte,voiremêmedel’éviter.End’autrestermes,MmeClarringavaitunamant!Saraheutenviedelamettreengarde–elle

n’était pas veuve comme Mme Hart. Le pouvoir de rétorsion d’un mari était infiniment plusredoutablequeceluid’unfils.

Ellesecontentadedire:

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— Oui, bien sûr, il y a des dispositifs qui conviendraient, par exemple le diaphragme deMensinga.Celas’insèredansl’utérusetenprincipe…

—Vouspourriezm’enposerun?l’interrompitRose.—Ahnon,réponditSarah.Jen’aipaslematérielqu’ilfaut.Mais,nevousinquiétezpas,jevais

vousindiquerl’adressed’ungynécologuecompétent.Compétent…etdiscret.Elleprituneprofondeinspirationetajouta,suruntonmoinsdocte,defemmeàfemme:—Jevaisaussivousdonnerquelquespilulesàprendre,pourlecasoùvousauriezduretard.

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21

LedouzièmecoupdeclochedeBigBensemêlaautintamarredelarue.Jack regarda machinalement par la fenêtre de son bureau et ne vit rien que la façade de

l’immeubled’enface.Laportedubureaus’ouvrit.—Dites-moi,monsieurDorsey,combienya-t-ild’habitantsdansnotregrandetbeaupays?C’étaitunequestiondepureforme.Jackconnaissaitlaréponseaussibienquesonsecrétaire.—Au dernier recensement,monsieur, vingt-cinqmillions neuf cent soixante-treizemille cinq

centtrente-neuf.—Et,parmieux,combiendefemmes?demandaJack.Àcettequestion-là,parcontre,ilneconnaissaitpaslaréponse.—Treizemillionstroiscenttrente-quatremillecinqcentdix-sept,réponditcalmementDorsey.—Plusdelamoitié,calculaJack.—Prèsdecinquante-quatrepourcent,monsieur.Unemajorité–maiscen’étaitpaslamajoritéquicommandait.Àlalimitedesonchampdevision,unmouvementattirasonattention.Àl’aidedepoulies,desouvriersétaiententraindehisserlanacelled’unlaveurdevitressurla

façadedel’immeubled’enface.Dans l’éditionde laveilleduDailyHerald,on racontaitqu’un laveurdevitrescommecelui-ci

étaittombéd’uncinquièmeétageets’étaitécrasésurletrottoir.—Quepensez-vousdesfemmesquirevendiquentlesmêmesdroitsqueleshommes?demanda

Jack.—Mafoi,jen’ensaisrien,monsieur.Beaucoupdegens,hommesoufemmes,politiciensousimplescitoyens,hésitaientcommelui.—Aufait,repritJack,Seatonestpassétoutàl’heure,pendantquevousétiezsorti…—Et?Dehors,lapouliesebloqua,lanacelletangua,lelaveurdecarreauxs’agrippaàunecorde.—IlestrevenuàlachargeàproposdeJustinGreffen,ditJack.Maisj’airefusédem’enoccuper.—J’envoieunelettrepourluidireàquelpointnoussommesdésolés?suggéraDorsey.—Naturellement.—EtM.Olsen?Est-ilvenuàsonrendez-vousdeonzeheures?— Oui, répondit Jack en se balançant sur son fauteuil. Il m’a offert quinze cents livres si

j’obtenaisunpostedehautfonctionnaireprestigieuxetbienpayépoursonincapabledegendre…Est-cequeJonathanClarringaentaméuneprocédurepourlarestitutiondesesdroitsconjugaux?

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Le jeune secrétaire ne manifesta pas la moindre surprise en apprenant qu’on avait tenté decorrompresonpatron,etneselaissapasnonplusdérouterparlebrusquechangementdesujet.

—Auxdernièresnouvelles,non.Jacknefutpaspourautantsoulagé.—Quelestlejugelemieuxdisposéenverslesfemmesdanscegenred’affaires?—L’honorableArthurBellington,réponditDorseysanshésiter.Jackavaitdéjàentenducenom,maisilneleconnaissaitpaspersonnellement.—Ilaaccordédavantagedeséparationsdecorpsquelesautresjuges?—Indubitablement.—A-t-ildesenfants?—Oui,cinqousix…maisiln’estpaspourautanthostileaudivorce.Jackcompritquec’étaituneallusionàl’ancienPremierministre,quiavaitunenichéed’enfantset

quiétaitl’unplusfarouchesopposantsaudivorce–lesdeuxfaitsétantliésdansl’espritdupublic.—Est-ilsusceptibled’accepterdespots-de-vin,votrejuge?—C’estpeuvraisemblable,monsieur.Touslesgreffiersàquij’enaiparlésontd’accordsurce

point:l’honorableArthurBellingtonestvraimenthonorable.—A-t-il déjà accordé une séparation de corps à une femme qui avait abandonné le domicile

conjugal?LaréponsedeDorseyfutcatégorique:—Non.JackétaitdéterminéàenobtenirunepourRose.Restaitàsavoircomment.—Avez-vousvuFrowt?demanda-t-il.JohnFrowtétaitundétectiveprivéaveclequelilavaitl’habitudedetravailler.—Oui,monsieur.Iladitqu’ilvousenverraitsouspeusonrapportsurM.Clarring.Dorseyavaitfaittoutcequiétaitdesacompétence;lereste,c’étaitàJackdes’enoccuper.—Vouspouvezrentrerchezvous,monsieurDorsey,dit-il.—EtlalettreàM.Seaton?—Çapeutattendrelundi.Dorseydemeuraimpassible–onnepouvaitliresursonvisagenisoulagementnidépit.—Trèsbien,monsieur.Restéseul,Jackrangeasasacochedansuntiroirdesonbureau,qu’ilfermaàclé,puisse leva.

DesdouleursdanslescuissesetlesreinsluirappelèrentRose.Elle avait dit qu’elle n’avait pas le moindre regret.Mais elle avait été nue dans ses bras. Les

regrets,pensa-t-il,viendraientplustard,lorsqu’elledevraitaffronterJonathanClarringautribunal.Ilrécupérasonmanteauetsonchapeauàlapatère,etsortitdanslecouloir.Ilappelal’ascenseur.Lacabinearrivadansunferraillementdecâblesetd’engrenages.Laportes’ouvrit,dévoilantun

liftierenuniformebleumarineornédegalonsdorés.—Bonjour,monsieurLodoun.Bellejournée,n’est-cepas?Jackentradanslapénombredelacabine.—Trèsbellejournée,eneffet,monsieurApplebaum.Pendantladescente,Jackserenditcomptequ’ilneconnaissaitpasl’hommequ’aimaitRose.La porte de la cabine se rouvrit ; Jack sortit dans un hall abondamment éclairé. Il poussa une

lourde porte et se retrouvadans la rue.Le soleil demidi lui chauffa les joues tandis qu’unebrisetaquinefaillitluiôtersonchapeau.

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Plusieursfiacresattendaient.Jacksautadanslepremierdelafile.—Oùquec’estqu’onva,chef?s’enquitlecocher.Àl’endroitoùJackespéraittrouverlesréponsesauxquestionsqu’ilseposait.—ÀlaBourse.L’intérieur du fiacre étaitmal aéré.Une odeur suave emplit le petit habitacle. Le sexe de Jack

tressaillitlorsqu’ilserenditcomptequec’étaitl’odeurdeRose:sapeau,sasueur…IlsedemandasiJonathanClarringallaitreconnaîtrel’odeurdesafemme.LaBourseoccupaitunvastetrianglenonloind’OldBailey.Lesalentoursétaientembarrasséspar

un grand nombre de voitures et de chevaux. Les trottoirs étaient noirs demonde, des hommes enchapeaumelonetdesfemmesenbonnet.Ilsavançaienttousdumêmepasirrévocable.

Jackjetaunflorinaucocher.Àl’intérieurdubâtiment,desflotsdelumièresedéversaientparledôme.Aucentreduhallsetrouvaituneénormecolonnerectangulaire.Indifférentauxconséquencesdesonacte–lui,unhommedontledestindépendaitentièrementde

l’opinionpublique–Jacksedirigeaverslesascenseurs.Ilappuyasurunbouton.Aprèsbeaucoupdebruitsmétalliques,unecabinearriva.—Àquelétage,monsieur?demandaunliftier.Sanglédansununiformegrenatàbrandebourgsjaunes,ilavaitl’aird’undompteur.Ilnel’avait

pasreconnu.Normal,pensaJack.Ici,cen’étaitpaslemondedelapolitique,maisceluidelafinance.Ilmontadanslacabine.Sonrefletdanslemiroirdufondsemblaveniràsarencontre.—Àl’étageoùsetrouvelebureaudeJonathanClarring.—Alorsceseralecinquième,monsieur.Aucinquième,leparquetducouloirétaitcouvertdeluxueuxtapisrougesombre.Deslampesaux

mursprojetaientunelumièredouce,destinéeàentreteniruneatmosphèrefeutrée.—C’estparici,monsieur,luiditleliftierentendantlebras.Jackpartitdansladirectionindiquée.Surlatroisièmeporte,ilyavaituneplaquedecuivreavecunnom.Ensilence,iltournaunepoignéedeporcelaineblanche.Ensilence,laportes’ouvrit.Une jeune femmeauxcheveuxnoirscoiffésenchignonétaitpenchéesurunemachineàécrire

flambantneuve.Lorsqu’elles’aperçutenfindesaprésence,ellesursauta.—Qu’ya-t-ilpourvotreservice?Jacklaregardapendantdelonguessecondes.Elleétaitenceinteet,àenjugerd’aprèslagrosseur

desonventre,procheduterme.—JeviensvoirJonathanClarring,annonçaJackd’unevoixneutre.Iln’auraitsudiresic’étaitparcequ’ilcachaitbiensesémotionsouparcequ’iln’enavaitaucuneà

montrer.Lajeunefemmeledévisagea.Ellenelereconnaissaitpasnonplus.Àcroirequejesuisunparfait

inconnudansletempledel’argent,pensaJack.—Jesuisdésolée,maisM.Clarringn’attendpersonneaujourd’hui,monsieur…monsieur…Jackn’allaitpastomberdanscepiège.—C’estBlairStromwellquim’envoie,dit-il.Blair Stromwell, le tout-puissant président du groupe conservateur au Parlement. Personne en

Angleterren’ignoraitsonnom.Lajeunefemmeécarquillalesyeux.

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—Bienentendu,murmura-t-elleenselevantdesachaise.JevaisvoirsiM.Clarringpeuttrouveruninstantpourvousrecevoir.Jevousenprie,asseyez-vous,ajouta-t-elleenluimontrantunfauteuil.

—Oui,merci,réponditJack.Maisilrestadebout.En rougissant, la jeune femme contourna son bureau. Son ample robe bleu marine tournoya

autourdesesjambes,révélantdefineschevilles.Elleallatoqueràunelourdeporteenacajou,qu’elleouvritsansattendrederéponse.

Elleentradanslebureau.Parl’entrebâillement,Jackentenditmurmurer,maisnecompritpascequisedisait.

Laportes’ouvritengrandetlajeunefemmerevint.—Sivousvoulezbienvousdonnerlapeined’entrer,dit-elleensecollantcontrelechambranle.Jackentra.Lapièceétaitéclairéeparplusieursgrandesfenêtres.Lalumièredusoleiltrouvaitàseréfléchir

sur beaucoup de bronze et beaucoup de cristal. Elle saupoudrait d’argent les cheveux châtains deJonathanClarring,assisderrièreunimmensebureau.

JonathanClarringn’eutbesoinqued’unefractiondesecondepourreconnaîtreJackLodoun.—Fermezlaporte,madameJacobson,dit-ilàlasecrétaire.Danssonregardbleu,fixeetfroid,lespupillesétaientminuscules.LaporteserefermaderrièreJackavecunbruitmat.—Êtes-vousvenum’apporterunecitationàcomparaître,maîtreLodoun?Jackleconsidérauninstant,essayantdevoir«lemeilleuragentdechangedelavilleetpeut-être

dupays»dontavaitparléStromwell.Ilneréussitqu’àvoirunhommequiavaitéjaculémoultfoisdansRoseClarring.

—Jeviensdelapartdevotrefemme,dit-il.Elleveutdivorcer.Ellem’apriscommeavocat.Les traits de Jonathan Clarring se crispèrent immédiatement, et il se laissa glisser contre le

dossierdesonfauteuil.Jacks’imaginaJonathanClarringentraindedemanderRoseenmariage.Ils’imaginaJonathan

ClarringentraindedéflorerRose–tousdeuxjeuneset inexpérimentés–ausoirdeleursnoces.Ils’imagina JonathanClarring, un certain soir deNoël, lui expliquant qu’il ne lui ferait plus jamaisl’amourparceque,sesachantstérile,ilauraitl’impressiondecommettreunacteimmoral…

Stérile,vraiment?Jackpensaàlajeunefemmequitapaitàlamachinedansl’antichambre.— Votre secrétaire, c’est vous qui l’avez mise enceinte ? demanda-t-il avec une brutalité

délibérée.JonathanClarringouvritdesyeuxronds.—Puisquevousêtes àprésent l’avocatdema femme,vousêtesbienplacépour savoirquece

n’estpaspossible.Jacksegardadetrahirsadéception.—Detoutefaçon,enchaînaClarring,jen’aijamaistouchéàMmeJacobson.Jacksegardadetrahirsonscepticisme.— Pourriez-vous en dire autant, vous concernant, au sujet de ma femme ? ajouta Jonathan

Clarringavecaigreur.Ici,Jackn’eutquelechoixdementiroubiendetrahirunsecretquin’étaitpaslesien.Ilchoisitle

mensonge.—Oui,monsieur.

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JonathanClarringrestacalmeenapparence,mêmesisesprunellessedilatèrent.Ilsouffrait.—Jenevouscroispas,dit-il.Jackhaussalesépaules.—Pourquoi pas, après tout ? insista JonathanClarring.Vous l’avez traînée plus bas que terre

devant le tribunal et elle vous a quand même pris comme avocat… Alors, pourquoi pas commeamant?

Jacksetutdenouveau.Iln’avaitjamaisfournid’explicationsàpersonnesurcequ’ilfaisaitdanslesprétoires.

Quantàcequ’il faisaitdanssachambreàcoucher,cen’étaitpasaumaridesamaîtressequ’ilallaitlerévéler!

Unpesant silence s’installa. Jack enprofitapour examinerClarring.À trente-trois ans, il avaitencore l’air juvénile, avec ses joues sans barbe, son nez petit et retroussé, ses yeux clairs, samoustachetransparente.Maisl’amertumeavaitcreusédesridesauxcoinsdesabouche.TelétaitdonclevisagequeRosesereprésentaitlorsqu’ellepensaitàsonmari!

—Autant que vous le sachiez tout de suite, déclara enfin Jonathan Clarring, je ne divorceraijamais.

—Pourquoi?Clarringserralesdents.—Jevousaidittoutcequevousaviezbesoindesavoir.Entantqu’avocat,peut-être,songeaJack.Maispasentantqu’amant.—Votreménageestencharpie,commenta-t-il.JonathanClarringselaissadenouveauglissercontreledossierdesonfauteuil.—Pourquoirefusez-vousdedivorcer?insistaJack.—Toutbonnementparcequej’aimemafemme,réponditClarringd’unevoixsourde.Jackétaitcontent.JonathanClarringavaitfendul’armure.Maintenant,ilavaitdevantluil’homme

àquilamaladieavaitôtétoutejoiedevivre.L’amourqu’ilmeporteletue,avaitditRose.Jackenavaitlapreuvesouslesyeux.—Jel’aime,répétaJonathanClarring.—Vousl’avezforcéeàvivreseulependantdouzeans,Clarring.Vousavezunedrôledefaçonde

manifestervotreamour.—Cequisepasseentreunmarietunefemmeneregardepersonne,répliquaJonathanClarring.

Vousêtesjuriste.Vousdevriezlesavoir.JackneconnaissaitpasJonathanClarring,maisilétaitsûrd’unechose:l’hommequ’ilavaiten

facedeluin’avaitrienàvoiravecl’adolescentdontRoseétaittombéeamoureuse.—Qu’est-cequivousempêchederendresalibertéàvotreépouse?—Voyez-vous,réponditClarringd’untonraffermi,j’aitoujourssuqu’unjourmafemmeaurait

envied’allervoirailleurs…Maisjeprendslepariqu’ellefiniraparmerevenir.Etc’estprécisémentpourquoi,chermaître,conclut-ilnarquoisement,jeneluiaccorderaijamaisledivorce.

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—Préférez-vousqu’onvousenvoielafacturechezvous,madameClarring?demandalafemme.La lumièredes lampesàgaz faisaitparaître rouxsescheveux,quidevaientêtreen réalitéd’un

brunterne.Roseseretintdesourireensesouvenantdesrefletssurlecrânechauvedugynécologue.Troishommes,àprésent,connaissaientsespartiesintimes.Roseprituneprofondeinspiration.—Jevaispayermaintenant.—Alors,çavafaire…jenesaispassic’estun3ouun8!Lafemmeplissalesyeuxenessayantdedéchiffrerlesgribouillisdugynécologue.—Voyez-vous,reprit-elleavecunpetitrire,jen’arrêtepasdelemenacerdelerenvoyeràl’école

pourqu’ilapprenneàécrireconvenablement.Onvadirequec’estun3.Çavousferaquatreshillingsettroispennies.

Rosedemandaàvoirlafacture.— J’ai plutôt l’impression que c’est un 8, dit-elle en sortant des pièces de son petit sac et les

alignantsurlebureau.Lafemmeramassalesquatreshillingsetleshuitpennies.—Jevousremerciedem’avoirreçue,murmuraRose.Elleétaitarrivéeaumomentoùlemédecins’occupaitdesadernièrepatientedelamatinée.—Ne vous en faites pas, répondit la femme.Monmari adore son métier. Nous avons prévu

d’emmenerlesenfantsauzoocetaprès-midi,maisriennepresse.Cequiestintéressant,c’estlerepasdesfauvesetilsnelesnourrissentpasavantquatreheures.

EnserrantlamaindeRose,elleajouta:—Jesuissûrequevousapprécierezdeneplusavoiràcraindredegrossessesnondésirées,votre

marietvous.Maiscen’étaitpaspourunmari.C’étaitpourunamant!Ici,ilétaitquestiond’amourstoutàfaitillégitimes.Rose eut la curieuse impression que cette femme, qui paraissait déborder d’amour pour son

gynécologuedemari,auraitétécapabledecomprendrecequilapoussaitversJack.Ellerangealafacturedanssonsac.—Merci,madameReynold.Lorsqu’elleeutreferméderrièreellelaportedemerisier,elleseretrouvadanslecouloirbaigné

desoleil.

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Ellesentaitdistinctementlecapuchondecaoutchoucquiappuyaitcontrelecoldesonutérusetlepetitressortquiletenaitenplace.

Ducoup,ellerépugnaàprendrel’escalierqu’elleavaitempruntépourmonter.Elleappuyasurleboutondel’ascenseur.Unvacarmedecâbless’enroulantautourdepouliesmétalliquessefitaussitôtentendre.Lacabinearriva.Laportes’ouvrit.Unliftierapparut,enuniformerouge.—Oùallons-nous,milady?C’étaitungamind’unequinzained’années,trèsbeau.—Aurez-de-chaussée,réponditRose.Ellemontaprécautionneusementdanslacabine.—Ilfaitchauddehors,hein?ditleliftierenrefermantlaporte.—Trèschaud,confirmaRose.—C’estmonpremierjour,avoualeliftier.L’ascenseuramorçaunedescenteunpeubrusque.Roses’agrippaàlaporte.—Vousvousdébrouillezbien,dit-ellesansenpenserunmot.—J’aieudelachancequepersonnenevoulaitdeceboulot.Sinon,cen’estpasforcémentàmoi

qu’ilsl’auraientdonné.Lacabine s’arrêtaaussibrusquementqu’elleavaitdémarré.Le liftierouvrit laporte.Lorsqu’il

découvritRoseenpleinelumière,ilrestabouchebéed’admiration.—C’estbientôtl’heuredemapause,dit-il.Jevousoffreunverre?Àcesmots,Roseressentitunejoieextraordinaire.Ilyavaitsilongtempsqu’onneluiavaitpas

faitlacour!Surtoutquelqu’und’aussijeune!—Uneautrefois,peut-être,répondit-elleavecunsourire.Ellesepréparaità s’enaller,mais legamin la retinten luiposant familièrementsur lebrassa

maingantéedeblanc.Quelqu’und’autrequeRoseseseraitpeut-êtreformalisé,maispaselle.—Ouais!s’exclamatriomphalementlejeuneliftier.Vousavezunedecesfaçonsdedirenonqui

esttellementgentillequ’ondiraitunoui.Monpaternelm’amisengardecontrelesfemmescommevous. « Les jolies sont toujours déjà prises, qu’ilm’a dit, ou alors tu leur donnes ton cœur, ellesl’emportentet ellesne te laissentqu’un trouaumilieude lapoitrine,un trougrandcommeçaquipisselesang…»

Roseéclataderire.D’abord,ellen’auraitsudirelacausedesajoie.Etpuis,soudain,elleserenditcomptequecelle-

cin’avaitaucunecauseparticulière.Commetoutàl’heure,quandelleavaitriavecsesdomestiques.Elleavaitjustelecœurenfête.Elleregardaledonjuanenherbe,quiluitenaittoujourslebras.—Undecesjours,monsieur,assura-t-elle,unejoliejeunefillevas’éprendredevouset…—Ellenepourrapasêtreplusjoliequevous,l’interrompit-il.Illuipressalégèrementlebrasavantdelalâcher.—Vousêtesunvilflatteur!s’exclama-t-elleenfouillantdanssonsacàlarecherched’unegrosse

pièce.Maisplutôtcharmant,dansvotregenre.Profitezbiendevotrepause…Elleluiglissalapiècedanslamain.—Riennevousobligeàfaireça,madame,dit-ilenempochantlapièce.Maismerciquandmême.

Revenezsivousvoulez.Jequitteàcinqheures…

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Rose se souvint de ses fiançailles, lorsque tout semblait simple. Elle regarda ce beau gamin,presqueunhomme…

—Jevousavoueraisquejesuistentée…Lejeuneliftierdevinttoutrouge.—Vraiment?Roseenfilasesgantsdecuirnoir,lesassujettitenentrecroisantlesdoigtsetsourit.—Vraiment,confirma-t-elle.—Hé?crialeliftieralorsqu’elles’éloignait.Àcinqheures,jeserailà…Jem’appelle…LemouvementdelaporteàtambourempêchaRosed’entendrelasuite.Maisleliftierlasuivitdes

yeux–desyeuxbrûlantd’admiration!–jusqu’àcequ’elledisparaisse.Auboutdelapetiterue,Rosedébouchadansuneavenuetrèsanimée.Aussitôt,ellefutavaléepar

lafouledespassants.Àchaquepas,elledevaitprendregardeauxcoupsd’épaulesdeshommesetauxcoupsd’ombrellesdesfemmes.

C’étaitlecœurdeLondres,lequartierdesaffaires.Pourcurieuxquecelaparaisse,Roseconnutunmomentd’euphorieaumilieudecettecohue.Ces

inconnusn’avaiententêtequed’allerd’unpointàunautreàtoutprix.Ilsnes’intéressaientpasàelle–nielleàeux.

Ellearriva toutessouffléedevant l’immeublede laBourse,qui lui fitpenseràun îlot rocheuxentouréparunemeragitéeetbruyante.

Elleentra. Instinctivement,ellese raiditunpeu.Ses talonsclaquèrentsurundallagedemarbrenoiretblancquefaisaitbrilleruneabondantelumière.Curieuse,ellelevalesyeux.Ilyavaittoutlà-hautundômedeverre.

Aumilieu du vaste hall s’élevait une colonne carrée autour de laquelle circulait une foule demessieursenmanteaunoiretchapeaumelon:desagentsdechangeetleursclients.

Rosesedirigead’unpasdécidéverslesascenseurs.Unhommevintàsarencontre.Roseralentit,sadémarchedevinthésitante,soncœurseserra.Sous sa longue redingote anthracite, déboutonnée, qui flottait autour de lui et lui battait les

mollets,l’hommeétaittoutdenoirvêtu.Ilavaitchangédecostumedepuiscematin,pensa-t-elle.Etpuis,soudain,ellenepensaplus.JackLodounseplantadevantRoseClarring,lasurplombant.Àcettedistance,elleremarquaqu’ils’étaitnonseulementchangédepiedencapmaisrasé.Elle

sentit son odeur, unmélange de laine neuve, de savon et d’épices – ah, ça, il ne sentait plus « lacocotte»,commeavaitditMmeBrown!

Au-dessous de ces odeurs, il y avait le parfum de son corps, inimitable et, pour elle,reconnaissableentretous.

—Quefaites-vousici?demanda-t-elle.—Etvous?rétorqua-t-il.—Jeviensvoirmonmari.—Moiaussi.Jesorsdesonbureau.La gorge deRose s’assécha. Elle essaya d’avaler sa salive…mais elle n’avait pas de salive à

avaler!—Queluiavez-vousdit?—Quevousm’aviezchargédevosintérêts.

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—Qu’a-t-ilrépondu?—Qu’ilnevousaccorderaitjamaisledivorce.—Pourquoi?—Primo, parce que, à l’entendre, il vous aime. Secundo, parce qu’il prend le pari que vous

finirezparrentreraubercail.Roseserenditcomptequeleshommeslaregardaient.—Ilestpersuadéquejesuisvotreamant,ajoutaJack.Ellepartitd’unpetitriresansjoie.—Quelledrôled’idée!s’exclama-t-elleaveccausticité.Onsedemandeoùilestallépêcherça!—Oui,n’est-cepas?murmuraJacksurlemêmeton.Rose éprouva des picotements dans le bas-ventre. Elle n’arrivait pas à oublier la présence du

diaphragme…maiselleauraitsansdoutebesoind’unpeudetempspours’yfaire.— En tout cas, reprit Jack, votre mari ne vous croit plus innocente. Il a l’air de s’en

accommoder…etilestprêtàvousreprendrequandmême.Le chapeau de Jack projetait une ombre sur le haut de son visage. Mais il avait la mâchoire

crispée.Rosepensaqu’ildevaityavoirdeladouleurdanssesyeux.Entoutcas,ilyenavaitdanssavoixlorsqu’ildit:

—Nemontezpaslevoir.Restezavecmoi.—Jevousrappellequec’estmonmari.—Jevousrappellequejesuisvotreamant.—Jevousrappellequevousêtesaussimonavocatetquemonintérêtestd’allerlevoir.L’argumentnemanquaitpasdeforce.C’estsansdoutepourquoi,lorsqu’ellelecontourna,Jackla

laissapassersanschercheràlaretenir.L’unedescabinesd’ascenseurétaitouverte.Elles’yrenditàpascomptés,sonsacsebalançantauboutdesachaîne,sestalonsclaquantsurle

marbre.—Bonjour,madame,ditleliftierd’untonchaleureux.Quelétage?Rosen’ensavaitrien.Ellen’avaitjamaiseul’idéededemanderàJonathanàquelétagesetrouvait

sonbureau.Etiln’avaitjamaisprisl’initiativedeleluidire.—JeviensvoirJonathanClarring.Leliftier,aussivieuxetridéquel’autreavaitétéjeuneetmignon,ricana.—Bah,ilesttrèsdemandéaujourd’hui,cebonJojo,marmonna-t-ilcommes’ilseparlaitàlui-

même.Alors,onvaaucinquième.Roserestapantoise:ellen’aurait jamaiscruqu’onpuisseaffublersonmarid’unsurnomaussi

familier.Commandéparunliftierexpérimenté,l’ascenseurdémarrasansà-coupets’arrêtademême.Mais

laportefittoujoursautantdebruitens’ouvrant.—Troisièmeporteàdroite,madame.Ledécor opulent ne ressemblait pas à Jonathanqui,malgré sa réussite, avait toujours été sans

prétention.Les lampes de cristal faisaient suinter une douce lumière dans le couloir. Les poignées de

porcelaineblanchebrillaientcommedesescarboucles.LenomdeJonathanétaitgravésuruneplaquedecuivre.Uncliquetispassaitàtraverslaported’acajou.Lecœurbattant,lesmainsmoitesdanssesgantsdecuir,Rosetournalapoignée.

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Unefemmeétaitoccupéeàtapersurlestouchesnickeléesd’unegrossemachineàécrire.Elleneserenditpascomptequequelqu’unvenaitd’entrer.

Roseeutleslarmesauxyeux.Elle était jeune et jolie, la femme qui tapait le courrier de Jonathan. Jeune, jolie et très, très

enceinte.Sonvisagerayonnait.Roseluidonnaunevingtained’années.Sielleétaittombéeenceintependantleurlunedemiel,elleauraitpuavoirungrosventrecomme

çaàpeuprèsaumêmeâge.Soudain,lecliquetiss’arrêta.LajeunesecrétaireposasurRoselacaressedesonregardmordoré.—Bonjour,madame.Quepuis-jefairepourvous?Lasecrétairenelareconnaissaitpas.Rosesesouvintque,danslebureaudesonpère,ilyavaiteudesphotosdesamèrepartout.Jonathannedevaitrienavoirnullepartquirappellesafemme.Roseagrippasonsac.—J’aimeraisvoirM.Clarring,s’ilvousplaît.—JesuisdésoléemaisM.Clarringestoccupé,ditlajeunefemme.Voulez-vousprendrerendez-

vous?Jeneveuxpasprendrerendez-vous.Jeveuxvoirmonmari.Lapathétiquedemandedemeuracoincéedanssagorge.Cédantàuneimpulsion,Rosesedirigeaversuneporte–massiveetsolennelle,legenredeporte

quinepeutconduirequ’aubureaudupatron.Elle l’ouvrit juste à temps pour apercevoir Jonathan, en train de sortir par une porte située

derrièreunimmenseetmagnifiquebureau.—Mademoiselle ?…Madame ? Vous n’avez pas le droit d’entrer ici comme ça ! lui cria la

secrétaire.Rose n’en tint aucun compte – à peine l’entendit-elle –, tout son être tourné vers l’hommequi

refusaitdeluiparlerenface,aubureaucommeàlamaison.—Jonathan!Ledéchirantappelpassaparl’entrebâillementdelaporte.Rosefutsûrequ’ill’avaitentendue,maisilnemarquapaslepluspetittempsd’arrêt.Aulieudecela,ilrefermalaportederrièreluiavecunclaquementdéterminé.Rosenepouvaitpaslelaissers’éclipserainsi.Elletraversalebureau,sespiedss’enfonçantdansl’épaistapis,etrouvritlaporteparlaquelleil

avaitdisparu.Ellevitdistinctementsasilhouettequis’éloignaitdansuncouloirsombre.—Jonathan,s’ilteplaît,nemetournepasledos.Jet’enprie,j’aiàteparler.Il arriva au bout du couloir. Une porte s’ouvrit, révélant une source de lumière. Jonathan y

plongea.Laportesereferma.Lecouloirseretrouvadenouveaudanslapénombre.L’humbledemandedeRosefutabsorbéeparlesboiseries.Retardéeparsongrosventre,lasecrétairefinitparlarejoindre.—Madame,vousnepouvezpasallerparlà.Çaconduitàlasalledesmarchés.Rose se rendit compte qu’elle s’était figée dans une attitude suppliante, le bras tendu vers

l’hommequil’avaitrejetée.

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Fermantlepoing,ellelaissaretombersonbrasetseretourna.La secrétaire était beaucoup plus grande que Rose. Sa poitrine, lourde de lait, montait et

descendaitsoussoncorsage.Ellesemblaitdésemparée.Roselevalesyeux.Lajeunefemmeétaitsipâlequedesveinesbleutéestransparaissaientsoussesyeux.Ellenecomprenaitrienàcequisepassait.— Tout va bien, marmonna Rose. Je voulais voirM. Clarring pour… pour réorganiser mon

portefeuilled’actions.Iln’yapasdeproblème.Nevousaffolezpas.Jem’envais.Lajeunefemmeneparutpasconvaincue.—Voulez-vousquej’appellequelqu’un…?Rosepartitd’unrirenerveux.—J’ail’airpatraque?demanda-t-elle.Ceseraitplutôtàmoidevousposercettequestion,non?

Je vous ai causé des émotions qui ne sont pas recommandées, dans votre état. Veuillez mepardonner…

Lesjouesdelasecrétaire,detroppâles,devinrenttropcolorées.—Jevaistrèsbien,madame,rassurez-vous.Roseselaissaraccompagnerjusqu’àl’antichambre.Lasecrétaireserassitderrièresonbureau–

dontlamachineàécrireoccupaitplusdelamoitié–etattrapaunesortederegistreàlacouverturedecuirnoir.

—Jevaisvousdonnerunrendez-vous…—Paslapeine,ditRose.Jetéléphonerai.Lajeunefemmelaregardacurieusement.—Êtes-voussûrequetoutvabien?s’enquitRose.—Oui, oui,madame, repartit l’autre avec une pointe d’impatience dans la voix. La grossesse

n’estpasunemaladie.Rosesortitàpaslents.Àpaslents,ellelongealecouloir.Ellen’eutpasàappelerl’ascenseur.Lacabineétaitdéjàlà,porteouverte,ayantl’airdel’attendre.Danslapénombre,cen’étaitpaslevieuxliftieravecsonuniformerouge.C’étaitJackLodoun!—Simadameveutbiensedonnerlapeine,dit-ild’unevoixchantonnante.Maisiln’yavaitaucuneironiedanssesyeuxvertémeraude.—Voussavezfairemarchercettechose?s’étonnaRose.—Oui.—Qu’avez-vousfaitduliftier?—Rassurez-vous,jenel’aipasassommé.—Ils’estlaisségraisserlapatte?demandaRoseenpénétrantdanslacabine.Jackacquiesçad’unmouvementdetête.Ilrefermalaporte.Lacabinetanguaunpeu,puisamorçadoucementsadescente.—Avez-vousdéjàfaitl’amourdansunascenseur?questionnanégligemmentRose.LesyeuxdeJacks’assombrirent.—Mafoi,non.Rosetenditlebrasavecgrâceetappuyasurunbouton.Lacabines’immobilisaentredeuxétages.—Ehbien,réparonscela.

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23

—Jen’aipasdepréservatif,fitJack.—Paslapeine.—Vous avez dit que vous ne vouliez pas d’enfant, ni de votremari ni d’aucun autre homme,

rappela-t-il.Vousavezchangéd’avis?Roseprit uneprofonde inspiration.Ledécor, avec ses éléments de bronze et sesmiroirs, était

oppressant.—Non,jen’aipaschangéd’avis.C’estjustequejen’aiplusbesoindefaireattention.Ils entendirent des câbles grincer dans la cage d’ascenseur voisine. Les gens continuaient de

monteretdedescendre, ignorantl’existencedecethommeetdecettefemmeseulsdansunecabinearrêtéeentredeuxétages.

—Fairel’amour?répétaJack.C’esttoutcequevousattendezdemoi?—Çanevoussuffiraitpas?Ilsegardaderépondre.— Je suis jolie et vous n’êtes pas amoureux demoi, reprit Rose. Faire l’amour devrait vous

suffire…—Jen’aipasdepréservatif,répéta-t-il.Oùlesavait-iloubliés?Ellenelesavaitpasvusdanslachambre.Etsilabonnetrouvaitlaboîteenrangeant!— Je viens de vous dire que je n’avais plus besoin de faire attention. Je suis allée voir un

gynécologuecematin.JemesuisfaitposerundiaphragmedeMensinga.Ilnedemandapasd’explication.Ilavaitl’airdeconnaître–leshommesàfemmesconnaissentces

choses.Illuiécartasonmanteauettouchasajupe.—Retroussez-moitoutça,commanda-t-ilavecungesteéloquent.Desoncôté,ilcommençaàdéboutonnersabraguette.Rosesoulevasajupeetsesjupons…jusqu’àlataille.Elles’adossaaumiroiretprojetasonventre

enavant,commeelleavaitvulesprostituéeslefairesurdesphotos.—Commeça?Pourtouteréponse,Jackserapprochad’elle–songlanddilatésurgissantdesabraguette.Le souffle coupé, elle le regarda, de bas en haut, comme elle l’avait regardé dans la salle du

tribunal.Saufqu’àl’époqueillaharcelaitdequestionsetquemaintenantilfourrageaitsoussesjupes.Unevagued’émotionsl’envahit.

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—Jack!murmura-t-elle.Elleétaitcoincéeentrelemiroiretl’homme–aussidursl’unquel’autre.Les doigts de Jack lui meurtrissaient les cuisses. Les baleines métalliques de sa tournure lui

rentraientdanslesfesses.Çafaisaitmal.Soudain,lamainsoussacuissegauchedisparut.Rosevacilla.L’espace d’une seconde, elle crut qu’un câble avait rompu. Terrifiée, elle s’agrippa au cou de

Jack,sesdoigtss’enfonçantdansplusieursépaisseursdelaine.Pendantcetemps,Jackavaittrouvécequ’ilcherchait:parmilesdentelles,l’entrebâillementdesa

culottefendue.Ilyglissalamainet,ayantlocalisél’entrejambehumide,empoignantsonsexe,ilsemitàsefrottercontresafente.

Ellese raisonna.Non, l’ascenseurn’étaitpasen trainde tomber.Maissa tournure lui labouraittoujourslesfesses.

Elleglissacontrelemiroirquireflétaitleurétreinte.Enfait,ellen’étaitpashumidededésir,maisàcausedulubrifiantquelegynécologueavaitutilisé

pourl’examiner.Elles’empalasurleglanddeJack–quiluiparuténorme.Centimètreparcentimètre,illapénétra

jusqu’àlagarde.Leursvisagesseretrouvèrentaumêmeniveau.Ilsavaientlesyeuxgrandsouverts.—Quevoulez-vous,Rose?demanda-t-ild’unevoixrauque.—Jevousl’aidit.C’estçaquejeveux.Ça!Laseuleformed’amourqu’ilspourraientjamaispartager.Coincée entre la paroi de la cabine et le ventre de Jack, Rose avait de plus en plus demal à

respirer.Il la prit par les fesses et la souleva légèrement. Elle hoqueta. Il immisça sa langue dans sa

bouche.—C’esttoutcequevousattendezdemoi?dit-ild’untonâpre.Duplaisir…etriend’autre?Elleavalaunegouléed’airtièdeetmoite:l’haleinedeJack.—Etmoi?reprit-ilens’enfonçantenelleavecbrutalité.Etmoi,çavousintéressedesavoirce

quejeveux?Ildonnaunnouveaucoupdeboutoir,encoreplusviolent.Ellerejetalatêteenarrière,etcequ’ellevitluiarrachauncridestupeur:ilyavaitunmiroirau

plafond.—Oh,monDieu!Souscetangle,ilavaitl’aircouchésurelle.Illasoulevapourmieuxlalaisserretombersurson

sexe–unsexepluslong,plusgrosetplusdurquejamais.—Cequejeveux?maugréa-t-il.Jeveuxquevousayezenviedemoipourautrechosequeça!Roseétaitdeplusenplusmouillée–mais,cettefois,celan’avaitrienàvoiraveclelubrifiantdu

gynécologueettoutàvoiravecledésirqueluiinspiraitsonamant.Lecoupdeboutoirsuivantluifitrabattrelatête.LevisagedeJackétaitrésolu.Ilallaitetvenaitsanspouvoirs’arrêter.—Jeveuxquevousayezenviedemoiplusquevousn’avezjamaiseuenviedevotremari,rugit-

ilentresesdentsserrées.Roselepritparlecou.Leplaisirgrandissait…grandissait.

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Elle laissaéchapperuncriaigu.Enmêmetemps,ellesentitdes frémissementsdanssonsexe–l’éjaculationdeJack.

Jack poussa une exclamation. Il s’enfonça en elle jusqu’à ce que leurs toisons pubiennes seconfondentenunseulbuisson.

—Rose…Rose…Jonathanavait-iljamaispsalmodiésonnomcommeça?Non.Etmaintenant,ilétaittroptardpour

quecelaarriveunjour.LesjetsdespermedeJackétaientbrusquesetbrûlants.—Oh,Jack,Jack…dit-elleàsontourenblottissantlevisagedanslecreuxdesoncou.Le sexe de Jack, enmollissant, glissa hors du sien. Il lui embrassa les paupières – ses lèvres

n’étaientpasmoinsdoucesetchaudesqu’unrayondesoleildeprintemps.Enmêmetemps,ilcaressalachairdélicatedesesfessesavantdelareposer.

Les talonsdeRoseclaquèrentsur lesolde lacabine.Sa jupeetses lourds juponsretombèrent.Unegoutted’unliquidechaudetgluantluicoulasurlacuisse.

Elleremarquaque,malgrélachaleurétouffanteetl’airraréfié,Jacknetranspiraitpasetn’étaitmêmepasessoufflé.

—Jenesuispasprèsderegretterlesvingtlivresquej’aidonnéesàcevieuxgredindeliftier,dit-ilenserajustant.

En regardant disparaître son membre dans le caleçon – le gland tout rose et le prépuce toutmouillé–Rosefutémueauxlarmes.

—Moiaussi,j’aidonnélapièceàunliftieraujourd’hui,dit-elle.Jackplissalesyeux.—Pourquoi?—Ilm’aditquej’étaisjolie…etilm’amêmeinvitéeàallerboireunverreaveclui.—Queltoupet!s’exclamaJack,outréet,malgrélui,unpeujaloux.Les yeux fermés, Rose tourna son visage vers lui, réclamant un baiser. Il l’exauça volontiers,

l’embrassantsurleslèvresaussidélicieusementqu’ill’avaitembrasséesurlespaupières.—L’enfantest-ildelui?questionna-t-ellesoudain.Jacknedemandapasdeprécisions.Roseparlaitévidemmentdelasecrétairedesonmari,jeune,

jolie…etenceintejusqu’auxyeux.— Je lui ai posé la question, figurez-vous. Il m’a répondu que non, que d’ailleurs c’était

impossibleetquejedevaissavoirpourquoi.Rosen’auraitsudiresielleétaitsoulagéeoudéçue.EllesemitàtriturerlecoldelaredingotedeJack.Elleavaitenviedecaressersapeau,maiselle

enétaitempêchéepartroisouquatreépaisseursdetissu.—Iln’apasvoulumevoir.Jackserembrunit.—Quevoulez-vousdire?— Il y a une porte au fond de son bureau, quimène directement au… comment ça s’appelle,

déjà ? la salle desmarchés. Il a sans doute entenduma voix.Aussitôt que je suis entrée dans sonbureauparuneporte,ilestsortiparl’autre.

Jacksepenchapourl’embrassersurlefront,leurschapeauxsetouchant.—Ilfaudrabienqu’ilvousaffronteauprocès.—Quandj’aiépouséJonathan,dit-elledansunfiletdevoix, toutsemblaitsisimple.Jepensais

naïvementquelorsqu’unhommeetunefemmes’aimaient,c’étaitcommedanslescontesdefées:ils

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seraienttoujoursheureuxetauraientbeaucoupd’enfants.Del’autrecôtédelacloison,unecabinepassadansungrandfracasdemachinerie.—Jecroyaisquel’amour,c’étaittoutcequicomptait,poursuivit-elle.Aujourd’hui,jesaisquece

n’estpassisimple.J’avoueque jesuisdésemparée.Mais ilyaunechoseque jesaissans l’ombred’undoute.

Elle s’interrompit, pour prendre une profonde inspiration avant de révéler une vérité qui luiparaissaitextraordinaire.

Jackattendit.Enleregardantdroitdanslesyeux,elledit:—Vouspouvezêtretranquille,j’aienviedevousplusquejen’aijamaiseuenviedemonmari.TouslestraitsdeJacksecrispèrentetsespommettesdevinrentrouges.—Mais,repritRose,ilfautquejeparleàJonathan.—Pourquoi?demanda-t-ild’untonrude.Pourlemeilleuretpourlepire,elleavaitétémariéedouzeansavecJonathanClarring.—Pourluidireadieu.Jackladévisageaunlongmoment,avantdebaisserlatêteetdeseretrancherderrièrelebordde

sonchapeau.—Jevousl’aidit:ilestpersuadéquevousfinirezparretournerverslui.C’était tellement absurde queRose ne pritmêmepas la peine de répliquer.Elle se contenta de

secouer la têteavec ladernièreénergie.Puis,sans luidemander lapermission,elles’emparadesacravateetrefitlenœud.

—Voilàunbiencharmantgested’épouse!observa-t-il.Rosetressaillitets’empourpra.—Jen’aijamaisaiméqu’unefemmedansmavie,repritJack.Jen’aijamaispenséenaimerune

autre.Lesyeuxembuésdelarmes,Rosemurmura:—Jesais.—Maisj’aienviedevous,acheva-t-il.Dansunsouffle,ellerépéta:—Jesais.—Ohnon,Rose, vous n’en savez rien ! s’exclama Jack. Je ne veuxpas quevous soyez seule

jusqu’à la fin de vos jours. Ma décision est prise : j’ai l’intention de rester près de vous aussilongtempsquevousaurezbesoindemoi.

Rosefermalesyeuxpourretenirseslarmes,quimenaçaientdecouleràflots.Àcausedubonheurprésentouàcausedeschagrinspassés?Ellen’auraitsuledire.Sansdouteyavait-ilunpeudesdeux.

Unequestionluibrûlaitleslèvres–M’aimerez-vous?Maisellen’osapaslaposer.Aulieudecela,elledemanda:—Aurez-vousencoreenviedemoi,Jack,si,malgrétoutesmesprécautions,jetombeenceinte?—Oui,répondit-il.Ilembrassasesdoucesjouestrempéesdelarmes.—Vousavezmurmurémonnomtoutàl’heurependantquenouslefaisions,rappela-t-elle.LesparoisdelapetitecabineavaientrépercutélalitaniedesRose…Rose…—ÇavousestarrivédepleurerpourCynthiaWhitcox?questionna-t-elletoutàtrac.Jonathan avait pleuré lorsqu’il avait compris qu’il n’aurait jamais d’enfant. Les hommes

pleuraient-ilslaperted’unefemme?

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—Oui,unefois,acquiesçaJackd’unevoixsourde.Àsamort.Unmensonge.Ilavaitpleuréchaquefoisqu’ilavaitjouienelle.

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24

— Voilà, madame Clarring, dit la modiste en posant délicatement le chapeau cloche sur sescheveuxdorés.C’esttrèschic,non?

Roseinclinalatête.Unrayondesoleilcaressasajoue,faisantbrillerlaperlequiornaitlelobedesonoreille.

—Commentappelle-t-oncettenuancedeviolet?demandaRose.—Héliotrope,madame.Celas’assortitàmerveilleavecvosyeux.Lamodistearrangealenœuddurubanetdonnaduvolumeàl’aigretteblanche.—C’est très à lamode, les rubans, poursuivit-elle. Et les plumes d’autruche vont étirer votre

silhouette…Etpuis,ilfautreleverlebord…commececi…parcequevousêtesunetrèsjoliefemmeetqu’ilfautmontrervotrevisage.

Dans lemiroir, Rose croisa le regard de Jack. Il était en train de penser aux souffrances queJonathanClarring luiavait infligéesen tantquemari, etque lui-même lui infligerait fatalemententantqu’amant…

—Ilvousplaît,cechapeau?lança-t-elle.—Jecroyaisquec’étaientdesaffairesstrictementféminines, répondit-ilensouriant,etque les

hommesn’avaientpasvoixauchapitre…—Mais,enadmettantqu’onvousdemandequandmêmevotreavis?—Alors,jediraisquec’estunfortjolichapeaujolimentposésurunetrèsjolietête.Roserositdeplaisir.—Alors,jeleprends.— Parfait ! s’exclama la modiste, une jolie femme svelte et pleine d’énergie. Maintenant, un

chapeaupourlespromenades,oui?Roseayantconsenti,lamodisteremplaçalechapeauclochehéliotropeparunecapelinedepaille.— Les larges bords vous permettront d’affronter le soleil sans risquer de gâter votre teint

diaphane,ditlamodisteenplongeantlamaindansungrandpanier,d’oùellesortitunrubandesoiebleuclair.Regardezcommecelacontrastebienavecledorédelapaille!

SetournantversJack,ellecontinua,d’untonlégèrementmoinschaleureux:—Monsieur,auriez-vousl’obligeancedemepasserlesfleurs?Jacksetournaverslamodiste.Elleleregardaitavecdesyeuxpleinsdereproche.Ellesavaitqui

ilétait,etlemalqu’ilavaitfait.Elledevaitavoirlulescomptesrendusduprocèsaucoursduquelilavaitdétruitlesviesdesixfemmesetcinqhommes.Maissonanimosité,visiblement,nes’appliquaitpasàRose.

ElledésignalatablederrièreJack.

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Diverses fleurs de soie y étaient posées : des pivoines, des iris, des primevères, des rosesblanchesourouges…

Jackchoisitdesbleuets.Sansréfléchir,ilyajoutaunrameaudefleursd’oranger.Lamodistebattitdespaupières.—Trèsbien,monsieur.Choixjudicieux…—Ceseratrèsbeau,fitRoseens’adressantaurefletdeJackdanslemiroirdevantelle.—Pouvez-vouspatienteruninstant,pendantquejeprépareça?demandalamodiste.Ellepritlechapeaudepaille,lesfleursetleruban,etdisparutdansl’arrière-boutique.Parlaporteentrouverte,RoseetJackentendirentdesmurmures.—Ellevousareconnu,dittoutbasRose.—Oui,indubitablement,réponditJack.L’idéenesemblaitpasletroubler.Lamodisteeuttôtfaitdereveniraveclacapelinedepailledésormaisornéed’unjolirubanbleu

etdefaussesfleurs.— Voilà, madame ! s’exclama-t-elle joyeusement. Voulez-vous que je vous montre d’autres

chapeaux?J’aijustementeuunarrivage…—Nonmerci,l’interrompitRose.Cesdeux-làsuffirontpouraujourd’hui.Uncartonàchapeausousunbras,Jackouvritlaporte.Au-dessusdesatête,uneclochettetinta.Au

mêmemoment,lagrosseclochedeBigBensonnalademied’onnesaitquelleheure.—Regardez,maman!s’écriaunevoixacidulée.C’estMmeClarring!Jacktoisalesdeuxfemmesquivenaientverseux.Ellesdétournèrentlesyeux.Rose–portantledeuxièmecartonàchapeau–franchitleseuildelaboutique.Elleavaitentenduprononcersonnom.— Eh, bonjour madame Whitherspoon, bonjour mademoiselle Whitherspoon, dit-elle

courtoisement.Lesdeux femmes–unematroneetune jeune fille–passèrentdevant elle sans lui accorderun

regard.JackpivotaversRose.Elleavaitpâli. Ilauraitvoulu luidireque leschosesallaients’arranger.

Maisilneputs’yrésoudre.Parcequecen’étaitpasvrai.Illapritparlebras.—Oùallons-nousmaintenant,madameClarring?Roserestasilencieuseetimmobiledurantdelonguessecondes.Puiselleseredressarésolument.—Macouturièresetrouvetoutprèsd’ici,aubasdecetterue.Ilspartirentd’unmêmepas.—Vousn’êtespasobligédefaireça,Jack,ditRose.Jackinclinalatêteversellepourmieuxl’entendreaumilieudubrouhahadelarue.—Fairequoi?—Jesaiscequelesgensdisent.Vousn’êtespasobligédemeprotéger.Jacksavaitqu’ilnepourraitpasarrêterlescommérages.—Jenesuispasicipourvousprotéger.Roses’immobilisaetlevalevisageverslui.—Alors,pourquoiêtes-vousici?Les pattes-d’oie aux coins de ses yeux étaient fines et peu profondes – elle n’avait pas dû rire

souventpendantcesdouzedernièresannées.

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Ilsarrivaientdevantlaboutiquedelacouturière.Jackpoussalaporte.Unerumeur–faitedevoixdefemmes,defroufroutementsd’étoffeetdefroissementsdepapier–sedéversadanslarue.

—Jesuisicipourleplaisird’êtreavecvous,déclara-t-il.Roseréponditparunsourire–unpâlesourire.PourJack,c’étaitmieuxquerien.Ilsavaitqu’ilne

pourrait jamais la rendre aussi heureusequ’elle l’avait été audébut de sonmariage avec JonathanClarring.Mais,pourautant,iln’étaitpasprêtàlacondamneràuneviedesolitude.

Roseentradanslaboutique.Aussitôt,commeparenchantement,lesconversationscessèrentetlesilencesefit.— Madame Clarring ! s’exclama une voix féminine qui manquait singulièrement de chaleur.

Quellebonnesurprise!Lamodisten’avaitpasjugéRose.Lacouturière,oui.— Bonjour, madame Cambray, répliqua Rose tout uniment. Pardonnez-moi de venir sans

prévenir.Est-cequeMmeThrockenberryestlibre?—Oui,biensûr,réponditMmeCambray.C’était une femme d’une cinquantaine d’années, grande, élégamment vêtue, blonde aux yeux

bleus, dont les cheveux commençaient à grisonner. Elle avait reconnu Jack. Elle posa sur lui unregardglacialetdésapprobateur.

—Parici,dit-elleenleurfaisantsignedelasuivre.Jackcompritcequecelavoulaitdire:«Àl’écartdemaclientèlerespectable.»Ellelesconduisitjusqu’àunepiècesansfenêtre,plutôtpetite,encombréedemeubles–unsofade

velours violet, un fauteuil à rayures roses et blanches, une table ronde surmontée de dentelles, defaussesfleursetderubans,uneautretable,rectangulaire–etdontlesmursétaientgarnisd’étagèrescouvertesd’échantillonsdetissu.

Roses’assitsurlesofa.Jackselaissachoirtoutprèsd’elle,cuissecontrecuisse,hanchecontrehanche,épaulecontreépaule.

—Monsieur,énonçaMmeCambray,peut-êtresouhaitez-vousboirequelquechose?—Volontiers,répliqua-t-ild’unevoixneutre.Uncognac.MmeCambraysetournaversRoseenfaisantlamoue.Ellerépugnaitàs’adresseràunefemme

quetoutlemondeaccusaitd’adultère.—Etpourvous,madameClarring?Jack posa son carton à chapeau par terre. Rose posa le sien sur la table rectangulaire qui se

trouvaitjusteenfaced’elle,ôtalentementsesgantsetréponditenfin.—Lamêmechose,s’ilvousplaît.—C’estnoté,fitMmeCambray.JevousenvoieMmeThrockenberry.MmeCambrayplaçadevantRoseunénormecatalogue,puiss’enalla.JacksetournaversRose.—Vousaimezlecognac?—Çadonneuncoupdefouet.Danslaboutique,del’autrecôtédelaporterefermée,lesconversationsavaientrepris.Ilyavait

grosàparierquelesragotsallaientbontrain.Rose prit l’énorme catalogue laissé par Mme Cambray et commença à le feuilleter. Sur des

gravuresennoiretblanc,desfemmesauxlèvrespulpeusesetauxpoitrinesdéveloppéesprésentaientdesrobesàladernièremode.

— Je me comporte mal, dit Rose en relevant brusquement les yeux. Je n’aurais jamais dûcommanderuncognac.

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—Alors,pourquoil’avez-vousfait?— Je suis un peu déroutée, je l’avoue.C’est la première fois que je fais du shopping avec un

monsieur.—Ehbien,moi,reconnutJack,c’estlapremièrefoisquejefaisdushoppingavecunedame.Quelqu’un frappa à la porte et entra sans attendre de réponse.C’était une jeune fille brune.Le

temps que la porte demeura entrouverte, ils entendirent distinctement des «Quelle impudence ! »,«Commentose-t-elle?»et«CepauvreM.Clarring,iln’apasméritéça!».

Jackserralesdents.VoilàlegenredecomméragesqueRosedevaitseprépareràendurertoutesavie.

Les joues tellement rouges qu’elle faisait peine à voir, la jeune fille leur présenta un plateaud’argentavecdeuxverresdanslesquelsbrillaitunliquideambré.

Roseenpritun,Jackpritl’autre,etlajeunefilles’enalla.Rosetenaitsonverreballonparlepied,commesic’étaitunverreàvin.Jackluimontracommentfaire.—Commeça,entrevospaumes.Réchauffez-lejusqu’àcequ’ilsoitàlamêmetempératureque

votrecorps.Lespaupièresàdemibaissées,Roseobéit.—Àvousentendre,ladégustationducognacestquelquechosedetrèssensuel.Il eut l’impression qu’elle s’assombrissait. Pensait-elle à ses innombrables nuits de solitude,

mariéeàunhommequicherchaitl’oublidanslaboisson?—Çapeutl’être,confirma-t-ilavecunentrainforcé.Maintenant,levezleverre,approchez-lede

votrenez,commeça…ethumez.Roseobtempéra.—Lepremierparfumqu’onsents’appellelemontant,expliqua-t-il.Maintenant,faitescommeça,

toutdoucement…Ilfittournoyerlecognacdanssonverre.Denouveau,ellel’imita.—Cequ’onhume ensuite, continua Jack, cela s’appelle le bouquet.Chaquegrand cognac a le

sien.On y retrouve des odeurs de fleurs ou de fruits : tilleul, fleur de vigne, sarment sec, raisin,violette,vanille…

Rosehuma…ettoussota.—Çapique,dit-elle.C’esttoutcequejesens.—Moiaussi,admitJackenreposantsonverresansyavoirtrempéleslèvres.C’estparcequece

n’estpasunboncognac.Rosefitdemême.Brusquement,unsourireilluminasonvisage.Avantdes’éteindre.—Cequiestfaitestfait,soupiraJack.Jenepeuxrienychanger.Jevousdemandepardon.Roseleregardad’unairinterloqué.—Quevoulez-vousdire?

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25

—J’aifaitdevousunefemmeadultère,Rose,expliqua-t-ild’unevoixsourde.Ceseracommeçachaque jour…Chaque jour, on vous jugera ; chaque jour, il y aura desmédisances et des proposdésobligeantssurvotrepassage…

Ilsesouvintdumomentoùelleavaitpleurédansl’ascenseurtandisquelescâblesetlespouliesgémissaientsouslacharge.Ill’avaitembrassée;ilavaitpourainsidirebuseslarmessursesjoues.

—Mais,chaquejouraussi,jeserailàpourvousconsoler…Roseprituneprofondeinspiration.—Aussilongtempsquevousaurezbesoindeconsolation,précisaJack.Leclic!delaserrurelesavertitd’uneprochaineintrusion.—Bonjour,madameClarring!Rosesetournaverslanouvellevenueetluiadressaunsouriresincère.—Bonjour,madameThrockenberry.C’étaitunerousse,grande,maigreetmalbâtie,entredeuxâges.—Jesuisdésoléedevousavoirfaitattendre,dit-elle.Jevousdébarrassedevosmanteaux?—Non,vousêtesgentillemaiscen’estpaslapeine,assuraRose.MmeThrockenberrys’assitsurlefauteuilrayé.ApercevantlecartonàchapeauqueRoseavaitposésurlatable,ellesepenchaetsoulevaunpeu

lecouvercle.—Vouspermettez?—Maiscertainement,réponditRose.—Commeilest joli!s’exclamaMmeThrockenberryendécouvrant lebibihéliotrope.Jevois

déjàlarobequiiraavec…Elletournaquelquespagesdugroscatalogueets’arrêtasurunerobeetuneétoleassortie.—Larobeestfaitedansunsatindesoied’unefinesseextraordinaire,expliqualacouturière.Le

satindesoie,çanepardonneaucundéfaut…maisvousn’enavezaucunàvousfairepardonner.Etregardezlacouleur!Cevioletoutremerferamerveilleavecvotreteintetvotrechevelure.

Brusquement, elle devint de lamême couleur que la robe dont elle était en train de vanter lesmérites.

— Euh… il faut que je vous dise une chose, madame Clarring, bredouilla-t-elle. Vous aveztoujoursététrèsgentilleavecmoiet,euh…jeregretteprofondémentl’accueilqu’onvousaréservéaujourd’hui.

Jackladévisagea,pourvoirsielleétaitsincère.Àpremièrevue,ellel’était.—Merci,madameThrockenberry,ditRose.

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Elleesquissaunsourireindulgent,puis:— Vous avez raison, reprit-elle, cette robe est vraiment magnifique. Je pourrai l’avoir dans

combiendetemps,d’aprèsvous?Lacouturièren’étaitpasjolie,maissonsourirelatransfigura.—Dansunesemaine…Laissanterrersonregard,elleaperçutlecartonposéauxpiedsdeJack.—C’estunautrechapeau?Puis-jelevoir,monsieur?JackréponditcommeRose.—Maiscertainement…Avecdesgestesdélicats,MmeThrockenberrysortitlacapelinedepaille.—MonDieu,quec’est joli ! s’exclama-t-elle. Ilvous iraà ravir !Sivousvoulezbien tourner

cettepage…Roseexaminalesgravuresdemode.JackexaminaitRose.—Cetterobed’après-midi,murmura-t-elle,avecsespetitsvolants,c’esttoutàfaitravissant…et

leslongspansdelaceinture…Elles’animaitcommeiln’avaitjamaisvuunefemmes’animer.Ilserenditcomptequec’étaitexactementl’imagedelaféminitéqueleParlementdéfendait.Une

femmesatisfaited’unbonheursimple.Unfoyer.Desenfants.Desjoliesrobes.Desfanfreluches.Commesi,souslasoieetlesdentelles,iln’yavaitpasunêtreenmald’amour!—Jevaismemettreautravailimmédiatement,déclaraMmeThrockenberry.— J’ai une nouvelle adresse, annonçaRose en sortant de son sac unbristol.Notez-la.C’est là

désormaisqu’ilfaudram’envoyerlesfactures.—Biensûr.Sur ce, Mme Throckenberry disparut, dans l’agitation de ses lourdes boucles rousses et les

froissementsdesarobe.Ellerevintbientôt.Autantelleavaitétéroseetsouriante,autantelleétaitpâleetdéfaite.

—Excusez-moi,madameClarring,dit-elled’unevoixblanche,ilyaunpetitproblème…—Lequel?—Ehbien,MmeCambrayrefused’envoyervotrefactureàcettenouvelleadresse.Roseécarquillalesyeux.—Elle a dit, expliquaMmeThrockenberry, qu’elle ne voyait pas d’inconvénient à envoyer la

facturechezvotremari.Oualors,sivouspréférez,vousn’avezqu’àpayermaintenant.Rosehésitaentrelacolèreetlechagrin.Sielledevaitendurercelatoutesavie,autantapprendreà

réagir.Etleplustôtseraitlemieux.— Ayez la gentillesse, madame Throckenberry, d’aller dire à Mme Cambray, le plus

courtoisementquevouspourrez,quejeveuxlavoir.—Bien,madame.Lacouturières’enallasur-le-champ.Laporterestaentrouverte.RosesetournaversJack.—Vousn’avezjamaisproposéàMmeWhitcoxdedivorcer,n’est-cepas?—Non.—Ehbien,maintenant,jecomprendspourquoi.Lasociétél’auraittraitéeenparia.—Vousaviezpeurqu’ellenevousaimepasassezpouraccepter?—C’estunemoitiédelaréponse,concédaJack.

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—L’autremoitié,enchaînaRose,c’estque,enadmettantqu’elleaccepte,vousaviezpeurquesonamournesurvivepasauscandale.

—Oui,reconnutJack.Lapatronnearrivadansunnuagedeparfumetungrandtournoiementd’étoffe.—Ilyaunproblème,madameClarring?—Toutaucontraire,madameCambray,réponditsuavementRose.Jevoulaisjustevousexprimer

mesfélicitations.—Ah?fitlapatronne,interloquée.Ehbien,merci.—Votrecommercedoitêtreprospère?continuaRose.—Eneffet,lesaffairesvontplutôtbien,repartitMmeCambrayavecunepointedefiertédansla

voix.—Lesaffairesvont-ellessuffisammentbienpourquevouspuissiezperdred’unseulcoupsept

clientessansmêmevousenapercevoir?MmeCambrayparuttoutàcoupmoinsfaraude.—Vousvousdoutezcertainement,poursuivitRose,quesivousrefusezmaclientèle,vousrefusez

dumêmecoupcelledemamèreetcelledemescinqbelles-sœurs?—Jesuisdésolée,madameClarring,réponditMmeCambrayd’untonsec,si jevousaidonné

l’impressionquejen’appréciaispasàsajustevaleurlaconfiancequevousmefaitesenvenantvoushabillerchezmoi.

LevisagedeRosen’exprimaitaucune rancœur ; juste la tranquilledéterminationd’une femmequirefused’êtrejugée.

—Dans ce cas, vous ne verrez pas d’inconvénient à envoyer ma facture à l’adresse que j’aifournieàMmeThrockenberry.

—Bienentendu.Parlaporteentrouverte,onentendaitmurmurer–sansdoutedevilainsragots.—JevaistoutdesuiteledireàMmeThrockenberry,repritlapatronne.Elleauramalinterprété

mespropos.—Merci, madame Cambray, fit Rose. C’est d’ailleurs ce que je pensais : un malentendu, un

simplemalentendu,riendeplus.VousdirezàMmeThrockenberryd’ajouteràmacommandetouslesaccessoiresdontellepenseraqu’ilspeuventtrouverleurplacedansmagarde-robe.J’aientièrementconfiance en son jugement.Vous avez de la chance de l’avoir. Si d’aventure ce n’était plus le cas,ajouta-t-ellepourprévenir d’éventuelles représailles contre la couturière, je pensequenous irionsailleurs…

—N’ayezcrainte,madameClarring, jeconnais lesqualitésdeMmeThrockenberry.Demêmeque je considère comme un honneur de vous avoir comme clientes, vous et les dames de votrefamille.Surce,jevoussouhaitelebonjour.

Roseavaitparié.Etelleavaitgagné.Pourcettefois.—Qu’auriez-vousfaitsiellevousavaitdit«Bonvent»?demandaJackenselevant.Rosepritlamainqu’illuitendaitetselevaàsontour.—Ehbien,j’auraisregrettélaperted’unexcellentfournisseur.—Etcroyez-vousqu’elleauraitperdusixautresclientesdumêmecoup?LeregarddeRoses’assombrit.—Nousn’ensauronsjamaisrien,n’est-cepas?répondit-elle.EnprenantJackparlebras,elleajouta:

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—Onyva?Dehors,lesoleilsemblaitvouloircélébrerlapremièrevictoiredeRose.Ilsfirentsigneaupremierfiacrequivintàpasser.—ChezPantechnicor,MotcombeStreet,ordonnaRoseaucocher.Lefiacres’ébranla.—Pantechnicor,qu’est-cequec’estqueça?s’étonnaJack.—J’aiunegrandemaisonetelleestvide,répliquaRose.Ilmefautdesmeubles.Blottisl’uncontrel’autre,ilsrestèrentuninstantsilencieux,bercésparleroulisdufiacre.Soudain,Roseselaissaglissersurleplancher,seretrouvaàgenouxentrelesjambesdeJacket

murmura:—Vousvousêtestrompé,toutàl’heure.Vousn’avezpasfaitdemoiunefemmeadultère…—Vousm’endireztant!fitJackenlevantlessourcils.—Ehoui,monbonmonsieur,confirmaRose.Vousavezfaitdemoiuneamante.Elleluiécartasaredingoteetdébouclasaceinture.—Êtes-voussûredecequevousfaites?—Sûreetcertaine,réponditcalmementRose.Ellecommençaàluidéboutonnersabraguette.— Faites attention, dit-il sur le ton de la plaisanterie. Vous risqueriez de coincer des choses

précieusesdanslesboutonnières.Ellevintàboutdelabraguetteenuntournemain,commesielleenavaitl’habitude.Maisn’avait-

ellepaseudespetitsfrères?Àtraverslasoieducaleçon,ellesentitsonmembre,quiétaitdéjàgrosetdur.Lorsqu’ellel’eut

sortidesonrefuge,ellelecaressa.—Qu’ilestbeau,murmura-t-elle.Dommagequ’iln’yaitpasdavantagedelumière.Elleenengloutitsansdélailamoitiédanslabouche.Puisellepritletempsdesefamiliariseraveclessensationsétrangesquecelaprovoqua.Desoncôté,àparttrouverl’hommageflatteur,Jackneressentitpasgrand-chose.Avecseslèvres

posées sur lagainedepeau, àmi-hauteurducylindre, ellene luiprocurait aucunplaisir–elle luifaisaitmêmeunpeumalenluicomprimantleglandentresesdentsetsonpalais.

Ellen’étaitpasexperte.Maiselleymettaitdelabonnevolonté.—Attendez,dit-il.—Quoi?Vousn’aimezpasqu’onvousfasseça?—Si,mais…—Jenem’yprendspasbien?—Si.Maisçapourraitêtremieux.—Ah?—Manifestement,vousn’avezpasbeaucoupd’expérience.Ellebaissalatête,vaguementhonteuse.—Jen’aimêmepasd’expériencedutout,admit-elle.Jackfuttouchéparcetaveu.—Alors,cen’estpasseulementunefaveurquevousmefaites,c’estunhonneur…Rose passa en une seconde de la honte à la fierté. Elle releva la tête et lui montra un visage

rayonnant.—Dites-moicommentvoussatisfaire,jenedemandequeça.

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Quoiqu’elleenpense,ellenerisquaitpasdeledécevoir.RoseClarringn’avaitbesoind’êtreuneexpertepourfairelebonheurd’unhomme.

—Vousêtestrop…commentdire?gourmande,ditJack.Necherchezpasàlemettretoutentierdansvotrebouche.Çanesertàrienquevoslèvresavancentplusloinquelà,ajouta-t-ilenmontrantlacouronnedugland.Pourlereste,allez-y,mordillez,suçoteztantquevousvoudrez.Etmanipulezlatigeenmêmetemps.Masturbez-moicommevousm’avezvufaire.Vousvoussouvenezque j’aieusoindemêlerunpeudevissageausecouage?Faitespareil,çan’enseraquemeilleur.

Elleobéit, allant etvenant le longde lahampeavecdegracieuxmouvementsde lamainetdupoignet,frôlantlacouronneduglandavecseslèvres,massantleresteaveclalangue.

Jackluiôtasonchapeau,quil’empêchaitdelaregarderfaire.Dieu, que c’était beau, que c’était bon, cettepetite bouche raffinée tétant son énormegland ! Il

n’avait pas encoreperdu son sang-froid et savourait en fingourmet, en faisant attentiondenepashaletertropfortpournepasêtreentenduparlecocher.

—Gravonnez-moi,dit-ilaprèsquelquesminutesdecetraitement.Elle s’interrompit et le regarda.Comme elle était émouvante avec ses grands yeux étonnés, sa

boucheentrouverteetseslèvresgonfléesquiluisaientdesalive!—Qu’est-cequeçaveutdire?—Servez-vousdevotremainlibrepourmecaresserlesbourses,voilàcequeçaveutdire.Ilbaissasonpantalonàmi-cuissespourluifaciliterlatâche.Ellefitcommeildisait.Ilrenversala

têteenarrière.Sespaupièrescloses,lacrispationdesestraits,sarespirationlaborieusetrahissaientsonplaisir.

Detempsentemps,àcaused’unsoubresautdufiacresurlepavageinégal,ilsentaitlesdentsdeRose contre son gland. Mais, au milieu de tels délices, qu’était-ce qu’une fraction de seconded’inconfort?

Rosejouissaitdelesentiràsamerci.Elleressentitunfourmillementsurseslèvres,quicheminapardes canauxmystérieux jusqu’à ses seins, et de ses seins à son entrejambe,qui se retrouva toutmouillé.Elleauraitvoulusecaressermaisellen’avaitplusdemain libre–alors,ellese frotta lescuisses l’unecontre l’autre.Elledutsortir leglanddesabouche, le tempsdepousserunsoupirdevolupté.Etpuis,vite,elleseremità lesuçoter,à lemasseravecsa langue.Ses lèvresglissaientenl’effleuranttoutjuste.Àforcedebalancerlatête,elleétaittoutétourdie.Soudain,leglanddurcitetlavergevibra. Jack lâchaquelques giclées d’une laitance âcre queRosebut sans rien laisser perdre,commesic’étaitleplusprécieuxdesnectars.

C’estlemomentquechoisitlecocherpours’écrier:—Onestarrivés,m’sieurdame!Sontongouailleur,malgréleseffortsdeJackpournepasfairedebruit,prouvaitqu’ilsedoutait

dequelquechose.

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26

Jonathan Clarring était seul dans son bureau. Le soleil allait bientôt disparaître derrièrel’immeuble d’en face et la pénombre s’installer lentement autour de lui. Mais, pour l’heure, lesrayonsquientraientdebiaisparlesfenêtreséclaboussaientlestapisetfaisaienttoutbriller.

Roseétaitpartie,etladouleurlerongeait.Àpeineentendait-ill’incessantvacarmedelarue:marchandsambulantsquicriaient,rouesdes

voituresquicouinaient,sabotsferrésclaquantsurlespavés…Lasecrétaireentrouvritlaporteetpassaleboutdesonnezàl’intérieur.—MonsieurClarring?—MadameJacobson?Vousn’êtespasencorepartie?—Jesuisrestéepourfinirdetaperleslettresquevousm’avezdictéescematin.Voulez-vousles

signermaintenant,ouest-cequeçapeutattendrejusqu’àlundi?Lesyeuxdelajeunefemmeexprimaientunetellevitalité,unetellejoiedevivre,quelecœurde

Jonathanseserra.—Entrez donc,madame Jacobson, dit-il d’une voix faible en détournant les yeux. Je vais les

signermaintenant.Lasecrétaireouvritlaporteengrandets’avança.Chaque fois qu’elle passait devant l’une des fenêtres, la lumière se reflétait sur ses cheveux

auburncommesuruncasquedecuivre.Elleavaitl’airembarrasséeparsongrosventre.Jonathanlatrouvabelle.

D’unedémarchechaloupée,ellecontournalebureauets’arrêtajusteàcôtédelui.Jonathanpritleparapheuretl’ouvrit.Ilaimaitlanettetéducourriertapéàlamachine.—Pourquoinevousasseyez-vouspas,madameJacobson?—Merci,monsieurClarring,maisjesuistrèsbiencommeça,jevousassure.Jonathanessayad’imaginerRoseavecungrosventre.Sonvisageresplendirait-ilcommeceluide

lasecrétaire?Lebonheurd’êtreenceinteferait-ilbrillersesyeux?Ilattrapauneplume.— Mon mari et moi, nous vous sommes très reconnaissants, monsieur Clarring, dit avec

enthousiasmelajeunesecrétaire.Jenesaispascequenousserionsdevenussivousm’aviezmiseencongé.

Une femme était censée ne plus semontrer, une fois enceinte. Comme si le fait d’attendre unenfantavaitquelquechosed’indécent.

— Au contraire, c’est moi qui vous remercie d’être restée à votre poste, madame Jacobson,répliqua Jonathan. Où aurais-je trouvé quelqu’un pour vous remplacer ? Personne ne tape à la

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machineaussibienquevous.—Merci,monsieurClarring.Celamefaitplaisird’entendreça.Jonathantrempasaplumedansl’encrieretsignalapremièrelettre.— Avez-vous pris le monsieur qui venait de la part de M. Stromwell ? demanda soudain la

secrétaire.Enseconcentrant,Jonathansignalasecondelettre.—Non.—Tantmieux.Ilm’amisemalàl’aise,cethomme-là.Àcausedesesyeux.D’undrôledevert.

Commel’eaudelamer,certainsjours…Jonathann’avaitpasremarquélacouleurdesyeuxdeJackLodoun.Unhommequ’ilsoupçonnaitd’êtrel’amantdesafemme–malgrésesdénégations.Àl’aveuglette,ilsignalatroisièmelettre.—Unedameestvenuejusteaprèssondépart.Ellem’aparutrèsjolie.Oui,unebelleblonde.Pas

unegéante…maistrèsgracieuse.Elleaditqu’elleétaitunecliente,maisjenel’avaisencorejamaisvue.

Jonathan se souvint d’un temps où Rose était aussi innocente et pleine de vie que sa jeunesecrétaire.Lapremière fois qu’il l’avait vue, dans sa robe envoile blanc avecdes volants de finedentelle retenus par des guirlandes de rubans, il avait pensé que c’était la plus jolie femme de laCréation.

Illepensaittoujours.—Comments’appelait-elle?demanda-t-ilpourlaforme,latêtepenchéesursatâche.—Elle n’a pas dit son nom, répondit la secrétaire en ramassant les lettres signées, son geste

propageant son parfum.À sa façon, elle était presque aussi inquiétante que lemonsieur aux yeuxverts.Jeluiaiditquevousn’étiezpaslibreetelleestentréedansvotrebureau,commeça,d’autorité.Vousdeviezdéjàêtredescendudanslasalledesmarchés.Jel’aientenduevousappeler.Vousl’avezpeut-êtreentendueaussi?

—Non,mentitJonathan.Danssatête,résonnaientencoresesimplorations.Jonathan…jet’enprie…—Elleaussi,elleavaitdesyeuxétranges,continualasecrétaire,quinepouvaitpassavoirqu’elle

parlaitdel’épousedesonpatron.D’unbleupasbanal.Commedespervenchesfraîchementcoupées…Celavousdit-ilquelquechose?

—Non.—Faudra-t-ilquej’appellel’agentdesécurité,siellerevient?Jonathann’étaitcertainderien–saufd’unechose.—Ellenereviendrapas,dit-il.Mêmesicen’étaitpasinterditd’espérer.MmeJacobsonportalamainàsonventreengrimaçant.—C’estlebébé?demandaJonathan.—Oui,ilesttrèsremuantaujourd’hui,expliqua-t-elleenfrottantsonventre.Monmariditquece

ne sera sans doute pas la peine d’appeler la sage-femme, qu’un de ces jours il va nous faire lasurprisedesortirtoutseul…

—Çafaitmal?—Quandildonnedescoupscommeça,oui,réponditMmeJacobsonenriant.Vousdevriezsentir

ça…

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Soudain,ellesetut.Jonathanlevalesyeux.Surlevisagedelajeunefemme,lerosedelabonnesantéavaitcédélaplaceaurougedelahonte.

—Jesuisdésolée,dit-ellemachinalement.—Iln’yavraimentpasdequoi,assuraJonathan.Cequivousarriveesttoutàfaitnaturel…ElleregardalonguementJonathan,quiétaitsilencieuxetpensif.—Vousn’avezpasd’enfant,n’est-cepas,monsieur?—Non, répondit Jonathanense raidissantcontre ladouleur.Mafemmeetmoin’avonspaseu

cettechance.—Vousauriezenviedesentirlebébé?demanda-t-elletimidement.Jonathanfuttentédedireoui.—Jenevoudraispasabuser.—Aucontraire,monsieurClarring,jevousenprie.Vousaveztoujoursétésibonavecmoi.Elles’enharditjusqu’àluiprendrelamainetlaposersurlesrondeursdesonventre.—Lesbébéssontunetellejoie,murmura-t-elle.Enfin,c’estmonavis…Sous le lainage de la robe, Jonathan perçut la chaleur de la peau. Et, sous la peau, un

frémissement…uneagitation…uncoupdepied.Ilauraitôtésamainsilajeunefemmenel’avaitretenuefermement.—Voilà,fitEdnaJacobson,émerveillée.Jonathansesentitsurlepointdepleurer.Àcausedelui,Rosen’avaitjamaiséprouvélemiracle

delavieenelle.Ilavaittoujourssuqu’elleprendraitunjourunamant–unamantquiluiferaitpeut-êtreconnaîtrelesjoiesdelamaternité.

Enuncertainsens,illeluisouhaitait.— C’est un chenapan, hein ? dit fièrement la future maman. Vous l’avez senti, n’est-ce pas,

monsieurClarring?Un nouveau coup fut frappé contre la paume de Jonathan – cette fois, impossible de ne pas

reconnaîtrelaformed’unpetitpied.—Oui, répondit-il, sans plus pouvoir retenir quelques larmes. Je l’ai très bien senti,madame

Jacobson.—Ilremuetellementqueçam’arrivedenepasfermerl’œildelanuit.Elleluitenaittoujourslamain.—J’ensensunautrequis’annonce…ajouta-t-elle.Levoilà!Vousl’avezsenti?UnedoucechaleurenvahitJonathan,unepaixdel’âmecommeiln’enavaitjamaisconnu.Encoreunfrémissement.Etpuis,unautrecoup.Jonathanappuyasamaincontreleventrerond.Soussapaume,ilyavaitl’avenir.

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Rosesomnolait.Ellesesentitobservée.S’arrachantàsonrêve,ellerouvritlesyeux.Jackétaitdeboutprèsdulit.Nu.Unemècheluibarraitlefront.Unebarbenaissante jetait uneombre sur ses joues.Unduvet ornait sa poitrine.Unbuissonde

bouclettesservaitdenidàsonsexe.—Ilpleut,dit-il.Alorsseulement,Roseserenditcomptedubruitdelapluie.ElleavaitdormidanslesbrasdeJack.L’aubeselevaitsurundimanchemaussade.Ellerepoussalescouvertures.—Ehbien,revenezvouscoucher.LematelasployasouslepoidsdeJack.Roseroulaetseretrouvadenouveaudanssesbras.Elle

luicaressaleventre,puisdeplusenplusbas,ensuivantletrajetindiquéparlespoils.LesexedeJack–douxettiède–tressaillitensignedebienvenue.—Jecroisqu’ilm’aimebien,murmuraRosed’unevoixalanguie.Illapritparlanuqueetl’embrassasurlatempe.—Jecroisquec’estréciproque.Douzeansplustôt,ellen’avaitpascompriscommentlesoreillonspouvaientrendreunhomme

stérile. Maintenant, elle connaissait mieux les mécanismes de la reproduction, mais elle necomprenaittoujourspascommentlastérilitépouvaitdétruireunmariage.

Elleluisaisittoutdoucementlesbourses.Souslapeau,lesdeuxboulesdonnèrentl’impressiondesedérober.

—Ellesn’ontpasfroid?—Pasquandvouslestenez.Lapluiefrappaitlesvitres.LecœurdeJacktambourinait.—Avez-vousfaim?s’enquit-il.—Oui.Etvous?Lematelaspenchadansl’autresens.Jackselevait.—Moi?J’aiunefaimdeloup,madameClarring.Roseleregardad’unairsurpris.—Nemeditespasquevousallezpréparerlepetitdéjeuner?Ilrabattitlescouverturessurelle,carilfaisaitfrisquetdanslachambre.—Vousnemecroyezpascapabledevousnourrir?Ellerepoussalescouverturesetselevaàsontour.

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— Je vous crois tout à fait capable de me rassasier, répondit-elle en cherchant des yeux sesvêtements.

—Paslapeinedevoushabiller,dit-ilenlaprenantparlamain.Sesentantcommeunegaminequifaitl’écolebuissonnière–unegaminetrèspeuhabillée!–elle

selaissaentraînerdanslecouloir.— La cuisine est au rez-de-chaussée. Je m’en remets à vous pour ne pas vous perdre. Moi,

pendantcetemps-là,jevaisfaireunbrindetoilette.Aussitôt dans la salle de bains, elle prit une serviette propre et essuya ses cuisses et son

entrejambe.Puisellesefrictionnasurtoutlecorps–commeunepoulichequ’onétrille,pensa-t-elle.Celafait,ellecourutrejoindreJack.De la lumièredébordait dans le couloir, signeque Jack avait bel et bien trouvé son chemin. Il

avaitalluméleslampes.Lorsqu’ellearrivadevantlaportegrandeouverte,ilétaitpenchésurlaglacière.Unebouilloirecommençaitàchantersurunbrûleur.Roseeutleslarmesauxyeux.Jamais – pendant les douze ans qu’elle avait dormi seule, alors qu’elle se demandait à quoi

pourraitbienressemblerlavieavecunhomme–jamaisellen’avaitimaginécegenred’intimité.Cédantàuneimpulsion,elles’avançasurlecarrelageglacéetluicaressaunefesse.Soussapeau

douceettiède,lemuscleétaitferme.Jackse redressa,unpanierd’œufsdansunemain,unpichetde laitdans l’autre. Il laconsidéra

d’unœilapprobateur.Surleseingauche,ellearboraitunsuçon.—Attrapezlebeurreetlefromage,jevaisnousfaireuneomelette.Ellen’avaitpaspleuréaucombledumalheur;ellen’allaitpaspleurerdebonheurmaintenant!Aprèsavoirprislefromageetunemottedebeurre,ellerefermalaglacière.—Oùavez-vousapprisàcuisiner?—Lorsquejemesuisinstallé,ilyavaitdavantaged’avocatsquederamoneursdansLondres.Au

début,lesaffairesn’allaientpasfort.J’aieulechoixentreapprendreàcuisinersurunréchaudàgazoumourirdefaim.

Lesyeuxpleinsdelarmes,Rosesemitàrâperlefromage.—Votrepèrenevousapasaidé?Jackcassalesœufsdansunbol,versaunpeudelaitpar-dessusetsemitàbattreletoutavecune

fourchette.Delamaingauche.—J’ai troisfrèresetcinqsœurs,expliqua-t-il.Monpèreavaitdéjàpayémesétudes.Mêmes’il

avaitététentédem’entretenirindéfiniment,iln’enauraitpaseulesmoyens.Rosetoussota.Laforteodeurducheddarluipiquaitlenez.—Vousnevousentendezpasbienavecvotrepère?—C’estplutôtmonpèrequines’entendpasbienavecmoi.Lafourchetteclaquaitcontrelesbordsdubol.—Monpèreestpersuadéquelesgaucherssontdestarés,repritJack.Demoncôté,j’aitendanceà

penserqu’unhommequines’accoupleavecsafemmequepourluifaireunenfantnevapasbiennonplus.

Roserinçalecouteauquiluiavaitserviàrâperlecheddar.L’eaudurobinetmêlasonbruitàceluidelapluie.

—Cependant,dit-elle,voussiégezauParlementparmideshommesquipartagentlesconvictionsdevotrepère.

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Jackversalesœufsdanslapoêleaufonddelaquellelebeurrecommençaitàgrésiller.—Jen’aijamaisditquemonpèresetrompaitsurmoncompte,répondit-ilsuruntonpince-sans-

rire.Rosefermalerobinetets’approchaavecleboldefromagerâpé.Undesesseinsvintfrôler lebrasdeJack.Il laregardaetsourit– leregardet lesourireaussi

tendresl’unquel’autre.—Voussaviezquel’undevostesticulesdescendunpeuplusquel’autre?questionnaRose.UnelueurmalicieusepassadanslesyeuxdeJack.—Monpèrediraitsansdoutequec’estunepreuvesupplémentairedemesinsuffisances.—Sansdoute,acquiesça-t-elled’unairempreintdesolennité.Ilsepencha,l’embrassa,luipritleboletsaupoudralefromagesurl’omeletteentraindecuire.Roseouvritunplacardetensortitdeuxassiettes,deuxtassesetdeuxsoucoupes.—Lacuisinièreaachetédequoimettrelatable,expliqua-t-elle.Suruntonfacétieux,elleajouta:—Onmangeaulit,quitteàsalirlesdraps?Ilarrivaderrièreelle,luipétritunefesseetl’embrassadanslecou.—Nousavonsdéjàsalilesdraps.Roseposalavaissellesurladesserteetseretourna.Elleseretrouvaconfrontéeaulargepoitrail

deJacketaufriselisdepoilsquilecouvrait.—Jenesavaispasqueçapouvaitêtrecommeçaentreunhommeetunefemme,Jack.Ill’embrassasurlefront,surlesjoues,surlabouche.Seslèvresétaientbrûlantes.—Moinonplus,Rose.Lesifflementdelabouilloirevints’ajouteraugrésillementdubeurreetautambourinagedela

pluie.RosepritJackparleshanchesetsavouratouslesbaisersqu’ilvoulutbienluidonner.Unpaquetd’eau,projetéparlevent,vintclaquercontrel’unedesfenêtresdelacuisine.Cela ressemblait à unemise en garde, ce bruit intempestif.Un jour, il faudrait payer pour ces

momentsdebonheur.Unjour,peut-être,pensaRose.Maispasaujourd’hui.

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Finalement,ilsdéjeunèrentdanslachambre.Jackemportal’omelette;Roseemportalethé.Sansbruit–commesiellecraignaitde rompre lecharme–elleposa la théièresur la tablede

chevet.PuiselletintleplattandisqueJackbrassaitlesoreillersetlesinstallaitdeboutcontrelatêtedelitenferforgé.

Ilss’assirentcôteàcôteetsavourèrentlethédélicatementcitronné,l’omelettecuiteàpoint…etleurbonheur.

Detempsàautre,lesgrondementsdutonnerrevenaientsemêlerauxcrépitementsdelapluie.Ayant déjeuné, Rose se sentit d’humeur câline. Exactement comme dans le fiacre, elle prit

l’initiativeenselaissantdescendrelelongducorpsdeJack.Unefoislà,elleappliquatoutessesleçonsenfaisantsavammentdurerleplaisir.Ilselaissafaire

–voluptueusement.—Hier,danslefiacre,vouspouvezvousvanterdem’avoirsurpris,dit-il.—Excusez-moisij’aiétéunpeumaladroite,monsieurLodoun,murmuraRoseenbadinant.—Vousêtestoutexcusée,madameClarring,répondit-ilsurlemêmeton.—Vousêtestropbon.—Commentsaviez-vousqueçapouvaitsefaire?— Sur des photos, j’ai vu des femmes qui suçaient le sexe d’un homme et qui semblaient y

prendreplaisir.Et,toutàcoup,j’aieuenviedevouslefaire.— Des photos ? Des photos du genre de celle que vous aviez rangée dans les Sonnets de

Shakespeare?rappelafacétieusementJack.—Oui.C’estcommeçaquej’aisucequefaisaientlesgens…deschosesquejen’auraisjamais

imaginées…Roseaffichaunemouedégoûtée,etJackn’endemandapasdavantage.Aulieudecela,ilenfouit

son visage entre ses seins. Ses joues, rêches de barbe, crissaient. Les seins, petits, ronds, fermes,avaientl’airdequémanderdesbaisers.

—L’expérienceestunechosequis’acquiertviteenamour,n’est-cepas?dit-il.Ilsemitàluipétrirlesfesses;lecontrasteentreladouceurdelapeauetlafermetédumuscle

étaitunrégal.Elleravalasonsoufflelorsqu’ilaspiraunmamelondanssaboucheetlesuçota.Ilsecouchasurelle,toutensachantqu’ilétaitpeut-êtretroplourdmaisincapablederésisteràla

tentation,etglissaunemainentre leursventresà la recherchede la toisonduveteuse.Lafenteétaittièdeetmouillée.

Àson tour, elle lui saisit le sexe, enroula sesdoigtsbrûlants autourde lahampe,qui frémit etgonfla.Ilglissaundoigtdanssafenteetsemitàalleretvenir.Ellepritlemêmerythmequelui.Mais,

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bientôt,lescaressesneleursuffirentplus.RoseguidalemembredeJackjusqu’àsonsillon.Ilôtasondoigtetellefrottaleglandcontreses

nymphes,quis’écartèrentcommelespétalesd’unefleurauxpremièreslueursdujour.Alors,ilentraenelle,d’unepoussée lenteet régulière.Ellen’étaitdéjàplus si étroitequ’ildoivecraindrede luifairemal.

Lorsqu’il fut planté en elle jusqu’à la garde, il se redressa un peu pour la regarder. Elle avaitfermélesyeux.Unsourireangéliqueflottaitsurseslèvres.Pourcommencer,Jackfitalleretvenirsonmembreàpetitscoups.Puisdeplusenplusvite.Bientôt,Rosen’eutplusconsciencequedesonplaisir.Jackl’avaitprisedeuxfoiscettenuit.Etvoilàqu’ilrecommençait.Ilsemblaitinfatigable.Ellesongeaqu’ilallaitluifairel’amourjusqu’àlafindestemps.Mais,finalement,illapritparlesfesses,lasoulevaunpeuet semitàalleretvenircommeunfoufurieux.Le faitqu’ilperde toutcontrôlel’emplitdejoie.Elleonduladubassin,rendantcouppourcoup.

Ellerouvritlesyeux:levisagedeJackétaitau-dessusdusien.Sespaupièresétaientrabattuessursesyeux.Ilserraitlesmâchoires.

Ellecompritqu’ilallaitjouir,carilsecabra.Laviolencedujetlessurprittouslesdeux.Ilpoussaunesortederâle.Lespermefouettalesentraillesdelajeunefemme,mettantlecombleàsavolupté.

Aprèsunetelleenvolée,illeurfallutdelonguesminutespourrevenirsurterre.QuandJackcherchaàembrasserRose,ilserenditcomptequ’ellepleurait.—Qu’ya-t-il,monamie?murmura-t-il,vaguementinquiet.«Monamie»!Rosesedemandacommentilavaitréussiàinsufflerautantdetendressedansce

simplemot.—Ilya,expliqua-t-elle,quec’estmillefoisplusbeauquetoutcequej’avaisimaginé.—Vousvoussentezaimée?—Ohoui!Lapluiecontinuaitdebattrecontrelafenêtre.Lalumièredéclinaitlentementdanslapièce.—Oui, répétaRose. Je vous le dis du fond du cœur, Jack : jamais je neme suis sentie autant

aimée.

Lejours’étaitlevé.Jackdevaits’enaller,maisilnelepouvaitpas.Rose,alanguiecontresonépaule,unejambeentrelessiennes,leretenait.Lesdrapsétaientmoites

de sueur. Il lui caressa la joue.Elle bougea, lui embrassa la paumede lamain lorsqu’elle passa àportéedeseslèvres.

—C’estdéjàlundi?murmura-t-elle.—Oui.—Vousallezpartir?—J’aimeraispouvoirrester…Maisjesuisdéjàenretard.Ellelerecoiffagrossièrementavecsesdoigts.Lapluiecrépitaitcontrelesvitres.—Vousn’avezpasvotreparapluie,dit-elle.—Non.Jel’ailaisséaubureau.Jem’attendaisàcequ’ilfassebeau.Dehors,lavoixrauqueetcolériquedutonnerreretentit.—Vousallezvousfairesaucer.—Labelleaffaire!Aurez-de-chaussée,uneporteclaqua.Ilsn’étaientplusseuls.

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—Viendrez-vousm’attendreàlasortieduParlementcesoir?Rose acquiesça d’un signe de tête. Jack pensa aux journalistes, toujours avides de scandales. Il

pensaaupostequiallaitbientôtselibéreràlaCoursuprême.—Voulez-vousquej’apporteàsouper?demandaRose.—Excellenteidée.—Qu’est-cequivousferaitenvie?—Vous,Rose.Ellerougitsubitementetbaissalespaupières.—J’aitoujourslasaveurdevotrespermesurlalangue.Enentendantcetaveu,Jacképrouvaautantdejoiequedefierté.—Ilfautvraimentquejem’enaille,dit-ilàregret.Rosefitunepetitemoue.—Ne soyezpas trop triste, reprit-il.Nousnousverronsce soir et, comme jeneveuxpasque

voussoyezmouillée,jevousenverraiunfiacre.Enattendant,rendormez-vous.Ilselevaetsedépêchades’habiller,carilfaisaitfroiddanslapièce.Iln’avaitqueletempsdese

brosserlesdentsetdeseraser.Danslasalledebains,ilouvritletiroirduhaut.Ilfutémuendécouvrantquesabrosseàdentset

sonrasoirsetrouvaientparmilesaffairesdeRose.Lalamedurasoir,neuve,étaitmalaiguisée.Unefoissatoiletteachevée,ildescendit.Ladernièremarchedel’escaliercouinaittoujours.Lagouvernanteétaitdanslecouloirdelacuisine.—Bonjour,madameDobkins.Ellen’eutpasl’airsurprisedelevoir.—Bonjour,monsieurLodoun.Ellen’avaitpasl’airinquiètenonplus.Pourtant,elleauraitdû.—Hé!lança-t-ilavantdes’enaller.Vousnelaissezentrerpersonnesansl’avaldeMmeClarring,

noussommesd’accord?—Oui,monsieur.Jen’aipasoublié.Dehors,ilpleuvaitàverse.Leborddesonchapeaus’affaissaetl’eauluidégoulinadanslecou.

Bravant lemauvais temps, une foule immense vaquait à ses affaires. La cloche d’unmarchand depetitspainsfitvibrerl’air.

Iln’yavaitpasdefiacre.Unomnibustirépardeuxchevauxnoirss’arrêtalelongdutrottoir.Lesrênesdecuir,trempées,

rendaientundrôledebruit.Àcausedelapluie,iln’yavaitpersonnesurl’impériale.Jackymonta.L’air sentait le chien mouillé. Les vitres étaient couvertes de buée. À chaque arrêt, des gens

montaientpar-devantetd’autresdescendaientpar-derrière.Jackdescenditàl’arrêtleplusprochedesesbureaux.Ensefaufilantentrelesparapluies,ilarrivabientôtdanslehalldel’immeuble.—Bonjour,monsieurLodoun,luiditleliftierenuniformebleumarine.Vousavezoubliévotre

parapluiechezvous,ondirait?Jacklesalua,maisneréponditrien.—Bonjour,monsieurLodoun,l’accueillitNathanDorseylorsqu’ilfitsonentréedanslevestibule

desoncabinet.Avez-vouspasséunagréabledimanche?

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Pour décrire les heures passées avecRose, lemot « agréable » était faible.Tantôt, elle l’avaitrendufoudeplaisir;tantôt,ellel’avaitémuauxlarmes.

—Pasmal,monsieurDorsey,répondit-il,savourantensecret l’ironiedesaréponse.Jesuisenretardmaisiln’yavaitplusunfiacredelibre.J’aidûmecontenterd’unomnibus.

Jackgagnasonbureau.—L’ordredujourduParlementestarrivé,ditlesecrétaireenlesuivant.M.Thaddensvaessayer

defairevoterdesfondssupplémentairespouraméliorerlesservicespublics.Jackaccrochasaredingotetrempéeàlapatère,prèsdelaporte.—Ilpeutdéjàcomptersurmavoix.Ilpritunedoucheenvitesse.Quandilenressortit,ilétaitdixheuresmoinslequartetuneodeur

âcreflottaitdansl’air.Jacksecrispa.—Monsieurleprésident?Blair Stromwell était assis dans le fauteuil de Jack – il n’aurait pas pu trouver mieux pour

affirmersonpouvoir.Iltiraitsurunénormecigareenfaisantbeaucoupdefumée.Soncrânechauve–d’avoirétésouslapluie–brillait.

—Bonjour,mongarçon.Votresecrétaireaeulabontédem’offrirducafé.Vousenvoulez?Jackneréponditpas.Soudain,Stromwellchangeadefigure.Sonsourires’effaçaetsonregardse

durcit.—C’estplusfortquevous,hein,Lodoun?Ilfautquevouscouchiezavecdesfemmesmariées.Quelqu’unavaitvendulamèche–sansdoutecettepetitegouapedeSayreville.—Vousêtesdansmonfauteuil,répliquaJackd’untonsec.Etvousvousmêlezdechosesquine

vousregardentpas.Le président du groupe conservateur au Parlement tira sur son cigare, et sa tête se retrouva

enveloppéedansunnuagedefuméegrise.—Erreur!riposta-t-ilenpointantl’indexenl’air.Quandvouscouchezavecdesgrues,c’estvos

affaires.Maisquandvouscouchezavecl’épouselégitimed’unautrehommeetquevousvousexhibezenvilleavecelle,jesuisdésoléd’avoiràvouslerappeler,maisçanousregarde.

Stromwellétaitfurieux.—Jevoteavecleparti,ditJackd’unevoixsanstimbre.Jenesuispasmariéaveclui.—Ilyadixansquenousvousdorlotons,monpetitvieux.Nousnevouspermettronsjamaisde

compromettrenosprojetssimplementparcequevousnepouvezpasvousempêcherdedébaucherlesfemmesdesautres.

Jackconnaissaitlepouvoirduprésidentduparticonservateur.Parlepassé,ilenavaitprofité.— Notre position sur l’institution du mariage est claire, ajouta Stromwell. Alors, vous allez

mettreun termeàcette liaisoncatastrophique, etplusvitequeça !Sinon, jemechargedevous lefaireregretter.

Unéclair illumina la fenêtrequi se trouvaitderrièreStromwell.Àcontre-jour, legroshommeparutdeuxfoisplusterrible.

Jackallaouvrirlaportedesonbureau.—Sortez!ordonna-t-ilenseretournantversStromwell.Puis, à l’intention de son secrétaire qui se trouvait dans le vestibule, il enchaîna, sur un ton

faussementsuave:—MonsieurDorsey,veuillezraccompagnerM.Stromwellavectousleségardsdusàsonrang.Et

nelelaissezplusjamaisentrerdansmonbureau,àmoinsqu’iln’aitprisrendez-vous.

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Enregardantsonsecrétaired’unœilsévère,maisavecunsouriredanslavoix,ilajouta:—Mesuis-jebienfaitcomprendre?

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—Lepetitdéjeunervousconvient-il?demandalabonneenrougissantjusqu’auxoreilles.ElleavaitvupartirJack,etelleavaitmanifestementdevinélereste.—Sinon,ajouta-t-elled’unevoixhaletante,MmeFinleyprépareraautrechose.Roseauraitdûêtreaussiembarrasséequ’elle,maiscenefutpaslecas.—C’estexcellent,madameBrown,répondit-elleenétalantdelaconfituredefraisessuruntoast

rôti à la perfection. Les gens de Pantechnicor vont livrer des meubles, cet après-midi. Dites àMmeDobkinsque j’aimerais que leménage soit fait avant.Si vousvoyezquelque chosequi vousplaîtdanslevieuxmobilier–vous-mêmeouMmeDobkinsouMmeFinley–servez-vous!Parcequec’estconvenuavecPantechnicorqu’ilsemportentlereste.

—Oh,c’est trèsgentildevotrepart,madameClarring!s’exclamalabonne.Vousfaut-ilautrechose?

—Non,merci.Ledépartdelabonnefutsuiviparungranddéploiementd’activité.Uncoupfrappéàlaported’entréerésonnadanstoutelamaison.Ilyeutdesmurmures,puisdes

éclatsdevoix.Lespasdanslecouloirétaientceuxd’unefemme.Dansl’encadrementdelaporte,Rosevitd’aborduneombre.Puislavisiteuseelle-même.Samère.Soncœurcessadebattre.— Madame Clarring, je, euh, je… balbutia la bonne, essoufflée d’avoir trotté derrière

MmeDavis.—Toutvabien,madameBrown,ditRose.Vouspouvezdisposer.MmeDavistoisasafille.—Tuasunamant.Cen’étaitpasunequestion.—Oui,confirmaRose.Ilyaquelquesjours,lorsqu’onl’enaccusait,cen’étaitpasvrai.Maisaujourd’hui,oui.Immédiatement,lesyeuxdeMmeDaviss’emplirentdelarmes.—Tuavaisl’airsiheureusequandtuesrevenuedetalunedemiel.Tuaimais,tuétaisaimée.Tu

resplendissais.Etpuis,semaineaprèssemaine,tut’esassombrie.J’aiessayédemepersuaderquejeme trompais,mais je neme trompais pas.Tu étais pitoyable. Jeme suis dit que tu retrouverais le

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bonheur lorsque tuauraisdesenfants.Mais tun’aspaseud’enfant.Alors jemesuisditque, s’ilyavaitunproblèmequelconque,tum’enparlerais.Maistunem’asriendit.

—Parcequ’iln’yavaitrienàdire,prétenditRose.Ellen’avaitpuserésoudreàadmettrequesonmarinel’avaitépouséequepourlesenfantsqu’elle

pourraitluidonner.—Cethomme,repritMmeDavis,celuiaveclequeltuasuneliaison…tupeuxparleraveclui?—Oui.Enfait,ellen’avaitjamaisparléaussilibrementqu’avecJackLodoun.—C’estJonathanquit’envoie?demanda-t-elle.MmeDavisécarquillalesyeux.—Maisnon,voyons!—Tuaseul’occasiondeparleraveclui?—Non.—IlaparléavecDerek.EtavecJack.Mais tout ce que Jack avait rapporté de la conversation, c’était que Jonathan ne voulait pas

divorceretqu’ilcroyaitque,tôtoutard,elleluireviendrait.—Qu’est-cequeJonathanaditàDerek?Rosebattitdespaupièrespourchasserleslarmesquiluibrouillaientlavue.—Iladitqu’ilmepardonnait.—C’estDerekquitel’adit?—Non,c’estLucy.—Lucyestunebuse.LessanglotsqueRoseserefusaitàversercommençaientàluibrûlerlagorge.—Derekm’a dit qu’il ne comprenait pas que j’aie quitté Jonathan, alors que j’ai toujours été

heureuseaveclui.—Derekaussiestunebuse.Rosen’avaitjamaisentendusamères’exprimeraussifamilièrement.—Aufait,dit-elle,pourquoim’as-tuappelée«Rose»?—Parceque«Susan»étaitdéjàpris,repartitSusanDavis.Roseauraitrisiellen’avaitpaseutoutesceslarmessurlecœur.—Jamaisjen’obtiendrailedivorce,maman.—C’estaussil’avisdenotreavocat.—Papaettoi,vousavezvuunavocat?Àquoibon?—Pourtonpère,tuestoujoursunepetitefille,expliquaSusan.Ilalanostalgiedel’époqueoùil

luisuffisaitdet’embrassersurleboutdunezpourteconsolerden’importequelchagrin.Rosesesouvenaitd’unedouceurinouïedanslesyeuxdesonpèrelorsqu’ilsepenchaitpourfaire

cela.—Iln’arrivepasàcomprendrequetuesunegrandepersonnedésormais,capabledeprendretes

décisions toute seule, poursuivitMmeDavis. Nous avons vu notre avocat à la première heure cematin.

—Papa risque de ne pas être content quand tu lui confirmeras que j’ai, euh…une liaison, ditRose,quicommençaitàcraindred’avoirouvertunefailleentresonpèreetsamère.

—Tuashonte?

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Depuis qu’elle était lamaîtresse de Jack, elle avait ressenti beaucoup de choses,mais la honten’enfaisaitpaspartie.

—Non.—Tonpèret’aimeinfiniment,Rose,assuraSusan.Ilnetetournerajamaisledos.Moinonplus.Rose regarda son assiette où s’étalaient les œufs, le bacon et les tomates préparées par la

cuisinière.—C’estfroid,dit-elle.Maislecaféestencorepotable.Tuenveuxunetasse,maman?—Nonmerci,réponditSusanDavis.Cequimeferaitplaisir,c’estquetumemontrestanouvelle

maison.—Certainement.Rosebutunegorgéedecafé,repoussasonassietteets’essuyaleslèvresavecsaserviette.—Commetulevois,reprit-elle,ceciestlesalon.Lapiècen’étaitpasdécorée–maiselleétaitdéjàpleinedesouvenirs!Une pièce après l’autre, Rose montra toute la petite maison : la salle à manger, la cuisine et

l’arrière-cuisine,quelagouvernanteetlabonneétaiententraindenettoyer.Elleneproposapasdemontrerlachambre,danslaquelleerraitlefantômedeJack–etsamèrenedemandapasàlavoirnonplus.

—Tonpersonnelal’aircompétent,commentaMmeDavis.— Elles le sont, confirma Rose en se demandant ce que Giles, qui était tellement vieux jeu,

penseraitdecetriodebonnesfemmes.—Çateferaunebellemaisonquandelleserameubléeetdécorée.Veux-tuvenirfairequelques

coursesavecmoi?—Ma foi, je veuxbien, réponditRose. Ils n’ont pasprévudeme livrermesmeubles avant le

milieudel’après-midi.Jevaisprévenirlesdomestiquesquejesors,etonyva.Les deux femmes s’avancèrent bientôt sur le perron. Les gouttes de pluie qui tombaient

semblaientpointuescommedesaiguilles.Ilyavaitmêmedeséclairs.Parbonheur,MmeDavisavaitgardélefiacreaveclequelelleétaitarrivée.

—Jevaisprofiterdecette escapadepour t’offrirquelques jolies choses,dit-elle. J’ai enviededépenserl’argentdetonpère,çaluiapprendraàbouder!

Roseéclataderire.C’étaittellementétranged’entendresamèreparlerdesonaugustepèrecommesic’étaitunpetit

garçoncapricieux.MmeDavispritsafilleparlebrasetl’embrassasurlajoue.—Çafaitdubiendet’entendrerire,machérie.Ilyalongtempsqueçan’étaitpasarrivé.—Ilyalongtempsquejen’enaipluseul’occasion,répliquaRoseenluirendantsonbaiser.Susantiralabonneconclusion.—Alors,ilterendheureuse?—Oui.L’étreintedeMmeDavisseresserrasurlebrasdesafille,offrantchaleuretsoutien.Enuneseconde,Rosecessad’êtreunefemmeetredevintunepetitefille.—Jet’aime,maman.Jeregrettedevousavoirfaitdelapeine,àpapaetàtoi.MmeDaviséclataderire.—Quellebellepaired’idiotesnousfaisons!s’exclama-t-elle.C’estledéluge,etnoussommeslà

ànousattendriraulieudenousabriterdanslefiacre!Àpeineyfurent-ellesmontéesquelecocherfouettasoncheval.

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—C’étaitquoi,ceclubdesMessieursetdesDames?demandaSusanDavisabruptement.Dansl’habitacle,sesrideseffacéesparlapénombre,elleressemblaitàlajeunefillequ’elleavait

été.—Unclubdediscussion.—Etvousdiscutiezdequoi?—Oh,endeuxans,tusais,debeaucoupdechoses…Debeaucoupdechoses,oui.Ils avaient juste oublié d’évoquer la tendre complicité qui unit un homme et une femme qui

viennentdefairel’amour!—Dequoi,parexemple?RosepensaàJohnNickols,infirmedepuisqu’ilavaitenquêtésurdesaffairesdeballetsroseset

deballetsbleus:—Deprostitution.EllepensaàArdelleDennison,l’employéedumuséequidonnaitdesconférencesunpeupartout:—Dedarwinisme.EllepensaàLouisStiles,toujourspenchésursoncarnetoùilfaisaitdesdessinsqu’ilnemontrait

àpersonne:—Ducontrôledesnaissances.—Àpropos,ditMmeDavis,danslespremierstempsdemonmariage,j’avaisàpeineletemps

d’en mettre un au monde que je me retrouvais enceinte du suivant ! Et mes amies, c’était pareil.J’aimetesfrères,iln’yapasdedoutelà-dessus.Mais,commedisaitlareineelle-mêmequienaeuneuf,passéuncertainnombre,onfinitparsedemandersionestunefemmeouunelapine!AprèslanaissancedeJason,tonpèrem’aditqu’ilexistaitdesmoyensd’éviterça.Jeluienaitellementvoulu–denepasmel’avoirditplustôt–quejeneluiaiplusadressélaparolependantunmois.

Rosen’avaitjamaisimaginéquesesparentspuissentavoireurecoursàdesmoyenscontraceptifs.Samèreavaiteusixenfantsenseptansetpuis,toutàcoup,plusrien.—Jenesavaispasquepapaettoi…Roseétaitembarrassée–nonpasàcausedesonignorancepassée,maisparcequ’elleserendait

compte que samère avait aimé faire l’amour et qu’elle avait peut-être éprouvé lesmêmes émoisqu’elle.

—Tonpèreauraiteuuneattaquesijet’avaisparlédeceschoses-là,ditMmeDavisenredevenantsérieuse.Maisdel’eauacoulésouslespontsdeLondres.Lestempsontchangé,Rose.Jenevaispasessayerdetefairecroirequejecomprendstaconduite…niquejel’approuve…maisjenepeuxpasm’empêcherd’admirertaforcedecaractère.Tuastoujoursétélapluscourageusedemesenfants.

Rosesetournaverslafenêtreconstelléedegouttesd’eau.Iln’yavaitrienàvoirautravers.—Tum’appelais«petitemaman»,tutesouviens?—Parcequetuétaisunepetitemamanpourtesfrères.Àforcedelesregarder,lesgouttesd’eausemirentàformerunvisage.Jack.—Jen’auraijamaisd’enfants,maman,dit-elle.Parchoix.—Moi,jen’aipaseulechoix,Rose.Iln’yavaitpasd’amertumedanslavoixdeMmeDavis.—Franchement,reprit-elleaprèsunsoupir,jenesaispascequej’auraisfaitsijel’avaiseu.Jete

faisconfiancepournepastetromper,machérie,carc’esttonbonheurquiestenjeu.LalèvreinférieuredeRosesemitàtrembler.

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—Tuneseraispasentraind’essayerdemefairepleurer,maman?demanda-t-elleavecundemi-sourire.

—Absolument pas ! protesta mollementMmeDavis.Mon seul désir, aujourd’hui, c’est de tegâter.

RoseétaitsouventalléefairedescourseschezWhiteley,maisjamaisellen’yavaitprisautantdeplaisirquecejour-là,brasdessusbrasdessousavecsamère.

Il pleuvait toujours lorsqu’elles ressortirent, les mains libres car Whiteley livrerait tout lelendemain,depuislesvasesdeporcelainejusqu’aulinge,enpassantparlesrideaux.

Quandlefiacreeutredémarré,MmeDavisneperditpasunesecondeenbavardage.—Est-cequejeleconnais?Rosefitsemblantdenepascomprendre.—Qui?—Tonamant.—Non.C’étaitlavérité.Sesparentsn’ignoraientsansdoutepassonnom,maisilsnefréquentaientpasle

mêmemilieu.—Tucroisqu’ilmeplairait?—Jen’ensaisrien,réponditRose.Çadépenddesgoûts.MmeDobkinsl’avaittrouvépète-sec,SarahBurnsavaitditquec’étaitunfieffésalaud.—Mais,toi,ilteplaît?Elleavaitbusasemence,elleavaitdormiaveclamainsursonsexe.—Ohoui!s’exclamaRose.Jepeuxmêmedirequ’ilmeplaîtbeaucoup.Etellesecachaderrièresamainpourrire.—Ehbien,jevaisenavoir,deschosesàraconteràtonpère!—Quevas-tuluidire,maman?demandaRoseencherchantàlirelaréponsedanslesyeuxdesa

mère–maisiln’yavaitpasassezdelumière.—Jevaisluidirequetuasrencontréunhommequit’arendutajoiedevivreetquinousarendu

notrefille…Cependant,Rosen’étaitpluscellequiavaitépouséJonathanClarring.Laconversationauraitpuseprolonger,maislefiacreétaitdéjàarrivéàdestination.—Ilfautquejetelaisse,ditàregretSusanDavis.—Oui,réponditRose.J’aiquatremursetuntoitquiattendentquejeleurdonneuneâme.Quand

ceserafait,papaettoi,vousviendrezmevoir?—Sitonpèreafinidebouder,sansdoute,répliquaMmeDavis.Ensouriant,Roseouvritlaportière.—J’aieutort,ditsoudainsamère.Roses’immobilisa.—Àquelsujet?—Tuasbienfaitdetémoigner.Enfindecompte,c’estl’essentiel.Fairecequ’ondoitfaire.Quoi

qu’ilencoûte.Rosedescenditdufiacre,refermalaportièreetdéployasonparapluie.Lefiacreredémarra.BigBensonnaquatreheures.AuParlement,laséanceallaitcommencer.LapluiefrappaitsifortsonparapluiequeRosesedemandasiellen’allaitpascreverlasoie.Unfiacreralentitàsahauteur.Ellen’avaitaucuneraisonparticulièredes’inquiéter.Pourtant,elle

accéléralepas.

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—Rose?criaquelqu’undanssondos.Elleseretournalentement.—Jonathan,murmura-t-elle,sidérée.

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30

JacksortitduParlementparlehallSt.Stephen.Àtraverslerideaudepluie,ilvitlefiacrequiattendait,lechevalstoïquedanslesintempéries,le

cocherrecroquevillésousunparapluie.Ils’enapprocha,ouvritlaportière…etrestafigésurlemarchepied.Dansl’habitacle,cen’étaitpasRose.Legrandfrontpâle,lesyeuxhagardsétaientceuxdelagouvernante,MmeDobkins.—Qu’est-cequevousfaiteslà?OùestMmeClarring?—Ellen’estpasrentréeàlamaison.Lemarchepiedtangua.Lecocherrappelaàl’ordresoncheval.—Oùest-elleallée?demandaJackd’untonétrangementcalme.—Elleestpartiefairedescoursesavecsamère.—Elleestsortieàquelleheure?—Versonzeheures,d’aprèscequem’aditlacuisinière.Jackavaitétéentraindeplaiderautribunald’OldBailey.—Àquelleheureavait-elleprévuderentrer?—Elleaditqu’ondevaitluilivrerdesmeublescetaprès-midi,etqu’elleseraitrentréeavant.—Àquelleheureleslivreurssont-ilsvenus?—Cinqheuresmoinslequart.Le tintementd’une cloche se fit entendre à travers les crépitementsde lapluie–huit heures et

quart.Roseavaitditquelagouvernanteavaitunefamilleàs’occuper.Elleauraitdûêtrerentréechezelledepuislongtemps.

—Quefaites-vousici,madameDobkins?répétaJack.—Jesuisunefemmedeparole,monsieurLodoun.J’aiditquejenelaisseraispersonneemmener

MmeClarring.—Etalors?—Ilsl’ontemmenée.—Commentlesavez-vous?—Jelesaivus.Dansla lueurd’unéclair,MmeDobkinsparut livide.Jackeutenviedecrier.Oudepleurer.Au

lieudecela,ilsecontentadedemander:—Quil’aemmenée?—Montezdanslefiacre,monsieurLodoun,jevaistoutvousraconter.Unfracassantcoupdetonnerresuivitdeprèsl’éclair.

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—Vousneluirendezaucunserviceenrestantsouslapluieaurisqued’attraperlamort,ajoutaMmeDobkins.

Jackfermasonparapluie,grimpadanslefiacreetrefermalaportièreenlafaisantclaquer.—Qu’avez-vousvu,madameDobkins?—Ilyavaittroishommesentout,expliqua-t-elle.D’abord,ilyenaeuunquiestarrivéderrière

elleetquiadûl’appeler,parcequ’elles’estarrêtéeaupiedduperronets’estretournée.JonathanClarring,pensaJack.—Elleestrestéesansbougerpendantquelquessecondes,enchaînaMmeDobkins.C’estalorsque

lesdeuxautressontarrivésetl’ontprisechacunparunbras.Ellenes’estpasdébattue.Ilsl’ontfaitmonterdansunevoiture.Elleaperdusonparapluie.Moi,jenesavaispasquoifaire.Jevousauraisbiencontacté,maisoù?Alors,jemesuisditquej’allaisvousattendre.Etpuis,uncocherafrappéàlaporteetaditqu’ilvenaitchercherMmeClarring.Jeluiairéponduquec’étaitmoi,MmeClarring,et je suis partie à sa place. En espérant que c’était vous qui aviez envoyé le fiacre. Ou quelqu’und’autrequipourraitluiêtredequelquesecours.

Parceque,étantdonnélescirconstances,l’onnepouvaitévidemmentpascomptersurlapolice.—Toutestdemafaute,repritMmeDobkinsenécartantlesmains.MmeBrownetMmeFinleyne

méritent pas d’être renvoyées. Elles travaillent dur. Ce serait catastrophique pour elles si ellesdevaientperdreleuremploi.Siquelqu’undoitêtrechassé,c’estmoi.

—Rassurez-vous,madameDobkins.Àmonavis,vousn’avezrienfaitdemal,aucontraire,ditJackenluiglissantunepièced’unedemi-couronnedanslamain.

Àvoirsapauvrefigure,ellesesentaittoujoursaussicoupable.—Rentrezchezvous, fitJack. Ilest tard.Votrefamilledoits’inquiéter.Gardez lefiacre, jeme

débrouillerai.—EtMmeClarring?marmonnalagouvernante.Qu’est-cequivaluiarriver?—Franchement,jen’ensaisrien.Jackdescenditdu fiacre,ordonnaaucocherde raccompagnerMmeDobkins,payad’avance la

courseetpartitàpiedsouslapluie.Iln’avaitpasfaitcentmètresqu’unautrefiacreralentitenarrivantàsahauteur.

—Jevousconduisquelquepart,chef?lançalecocher.Jackluidonnauneadresse,montaetsecarrasurlabanquette.L’eauquiruisselaitlelongdesvitresressemblaitàdeslarmes.Letempsétaitenharmonieavec

sonhumeur.Jackétait tellementperdudanssespenséesqu’ilmitdu tempsàse rendrecompteque le fiacre

n’avançaitplus.Ilétaitarrivéàdestination.La façade de lamaison était plongée dans le noir. Seule, au deuxième étage, une fenêtre était

éclairée.Unesilhouettesedécoupasurlerectangledelumière.Unesilhouetteféminine.LecœurdeJackfitunbonddanssapoitrine.Ilouvritlaportièredufiacre.—Vousm’attendez,ordonna-t-ilaucocher.—Sûrement pas, répliqua le bonhomme. Sous cette pluie, je n’attendrais pas le bonDieu lui-

même.LebonDieunepayaitpasenmonnaiesonnanteettrébuchante.—Votreprixseralemien,ditJack.Sansattendrel’accordducocher,ilposalepieddansletorrentquidévalaitlarue.

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Lafemmeàlafenêtrel’observait.Àtraverslerideaudepluieetlavitreembuée,sonvisageétaitindistinct–unsimpleovaleblanc–maiscelasuffisaitàJackpourlareconnaître.

Chaquemuscledesoncorpsseraidit.Ilnesentaitpluslapluiefroideetcoupante.Une lanterne éclairait faiblement la porte d’entrée. Jack franchit d’un seul bond les quatre

marchesduperronetsemitàtambourinercontrelaporte.Del’eauluicouladanslamanche.Personnenerépondit.—Ouvrezcetteporte!s’écriaJack.IlétaittropprèsdeRosepouraccepterdelaperdre.—BonDieu,Clarring!hurla-t-ilencognantdeplusbellecontre le lourdpanneau.Jesaisque

vousêteslà!Jacknepouvaitpassepermettred’enfoncerlaporte.Etlaloin’interdisaitpasàunmarideséquestrersonépouselégitime.Unegrossemains’abattitsurl’épauledeJack.—Hé!Vousvouscroyezoù?Ici,c’estunquartiertranquilleetrespectable.Onn’apasbesoinde

casse-pieds.Fichezlecamp.DeuxhommesavaientempoignéRose.D’aprèsMmeDobkins,ellenes’étaitpasdéfendue,elle

lesavaitsuivisdocilement.C’estlaprésencedesonmariquiluiavaitcoupébrasetjambes,songeaJack.

Il se retourna.L’hommeportait un longmanteau bleumarine dont lesmanches arboraient desgalons de sergent, et le fameux casque conique des bobbies. Il essaya de repousser samain,maisl’autreétaituncolosse.

—Lâchez-moi,dit-ilentresesdentsserrées.—Jevouslâchesivouspromettezdeneplusfairedescandale,réponditl’agentdepolicesurun

tonimpérieux.Jack prit une profonde inspiration, inhalant du même coup l’humidité et une odeur infecte :

l’haleinechargéedubobby.— Lâchez-moi, répéta-t-il posément. C’est bon, je m’en vais, ajouta-t-il en constatant que le

policierlecramponnaittoujours.—Jenesaispascequimeretientdevousemmenerauposte.Jackluiadressaunregardtelquelegigantesquebobbyperditunpeudesonassurance.—C’estbon,allez-y,grommela-t-ilenlelâchant.Maiscomptezsurmoipourvousteniràl’œil.Jackretournavers lefiacre.Sedoutantqu’àsafenêtreRose lesuivaitdesyeux, iln’osapasse

retourner.Ildonnadeuxcouronnesaucocheretsefitconduiredansunautrequartierdelaville.AussitôtqueJackfutdescendu,lefiacrefilasansdemandersonreste…unfiacredanslequelil

avaitoubliésonparapluie!Jackfrappaàuneporte.Cettefois,quelqu’unvintouvrir.

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31

—Tiens!fitJamesWhitcox.Commentavez-vouseumonadresse?Iln’avaitpasl’airému.Lesdeuxhommes se toisèrent. Jack était grand, etWhitcoxnotablement plus grand encore. Ils

auraientaussibienpusetrouverfaceàfacedansunprétoire.Enuncertainsens,c’étaitlecas.Deleurconversationallaitdépendrelalibertéd’unefemmeousaréclusionperpétuelle.—Votreadresse,jelaconnaisdepuisquevousavezachetécettemaison,réponditJackàtravers

lacascadequitombaitdesonchapeau.Monsecrétaireestplusfortpourdécouvrirlessecretsquelevôtrepourlescacher.

—Quevenez-vousfaireiciàpareilleheureetparcetemps?demandaJamesWhitcox.—J’aiunequestionàvousposer.—Jevousécoute.—Commentest-ellemorte?Cynthia.Lafemmequiavaitétél’épousedeJamesWhitcoxetlamaîtressedeJackLodoun.—C’étaitdanslesjournaux.Tous les journaux de Londres avaient publié un article sur l’accident : L’épouse d’un avocat

écraséeparuneberline.Maisaucunn’avaitdonnélesdétailsquiintéressaientJack.—A-t-ellesouffert?demanda-t-iltandisquedel’eauruisselaitsursesjoues.—Nerestezpaslààvousfairetremper,ditWhitcoxenouvrantlaporteengrandetens’écartant.Jackentradanslamaison–unemaisonqueWhitcoxavaitachetéepoursanouvellecompagne.

Unemaisonavectoutleconfortettoutleluxepossibles.Lelustrequiéclairaitlehallétaitélectrique–Jackn’avaitpasçachezlui.

Unefemmeenchemisedenuitsetenaitaupieddel’escalier.Sescheveuxétaientébouriffés;sachemisedenuitétaitfroissée.

—MonsieurLodoun,dit-elleenportantlamainàsagorge.Jackôtasonchapeau.Unlitred’eaudégringolasurlesdallesdemarbre.—MadameHart.JamesWhitcoxsetournaverselle.—Jeterejoinsdanscinqminutes,luidit-ilavecuneinfinietendresse.FrancesHarts’engageadansl’escalier,etJacksuivitWhitcoxjusqu’àunepiècequidevaitêtrele

repairedumaîtredemaison,uneespècede fumoir– saufqu’il n’yavaitpas lamoindreodeurdetabac.Cette pièce ne servait pas.Les fauteuils étaient neufs.Le bois desmeubles brillait. Personnen’avaitjamaisposéunpiedsurlestapisd’Orient.

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Descarafesdecristalétaientalignéessurunetableenmarqueterie.Whitcoxattrapadeuxverresetyversaducognac.Lorsqu’ilpenchalatête,Jackremarquadesfils

gris dans sa chevelure.Whitcox allait sur ses cinquante ans. Il portait une chemise blanchedont ilavait fourré lespans à lahâtedans sonpantalon.Despoilsnoirs etdrusdépassaientde l’encoluredéboutonnée.

—Elleestaucourant,ditWhitcoxentendantunverreàJack.Jackouvritdesyeuxronds.—Frances,précisaWhitcox.Ellesait.Pourvousetmafemme…—Connaît-elleaussilenombreastronomiquedemaîtressesquevousavezeuespendantquevous

étiezmariéavecCynthia?répliquaJack.Whitcoxnesecherchapasd’excuse.—PauvreCynthia,murmura-t-il.Jenel’aipasaiméesuffisammentpourluiêtrefidèle…etvous

nel’avezpasaiméesuffisammentpourl’inciteràdivorcer.Jackbutunegorgéedecognac.—Maintenant,dites-moicommentelleestmorte.Whitcoxfronçalessourcils.Avantderépondre,ilportasonverreàseslèvresetlevidad’untrait.—Lesconclusionsducoroner,c’estquelaroueluiabrisélanuque.D’aprèslui,ellen’apaseu

letempsdesouffrir.Celanedisaitriendesesderniersinstants.Avait-elleeupeur?Avait-ellepousséuncri?Avait-ellevuvenirlamort?L’avait-elleaccueillieavecsoulagement,commelemoyend’enfinir

avec tous ces mensonges, toutes ces ruses, tous ces mesquins stratagèmes qui accompagnentnécessairement l’adultère ? Ou, au contraire, avait-elle pensé qu’elle survenait trop vite, sans luilaisserletempsdedireunedernièrefois«Jet’aime»?

—Levisageétait-ilintact?questionnaJackd’unevoixétranglée.Cynthia avait eu honte de ses vergetures, disant qu’elles l’enlaidissaient, qu’avec sa peau

distendueelleavaitcesséd’êtredésirable.—Ellen’étaitpasdéfigurée,sic’estcequivouspréoccupe,réponditWhitcox.—Commentl’avez-voushabilléepourl’enterrer?—Enrouge.Dansson testament,elleavaitdemandéàêtreenterréedanssa robedebal rouge.

Nousavonsrespectésesdernièresvolontés.Jacksedétournapournepasexhiberseslarmes.Ilbutuneautregorgéedecognac.C’étaitunexcellentalcool,rondenbouche,équilibré,avecunbouquetfruitéetd’élégantesnotes

devanille.Rosel’auraitaimé.MaisRoseétaitsousclé.Enferméeparsonmari.Jackavait étéprocureurgénéral. Il savaitdequoi leshommessontcapablesquand ilsestiment

avoirdebonnesraisonsdesevenger.Roseavaitbesoindesonaide.Etilnepouvaitrienpourelle.

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32

FrancessomnolaitlorsqueJamesremontadanslachambre.Lepluspetitbruitsuffitàlaréveiller.—Alors?demanda-t-elle.James vint s’asseoir près d’elle sur le matelas et passa un bras autour de son cou. Sans la

survenuedeLodoun,ilsauraientétéentraindefairel’amour.—RoseClarringetJackLodouncouchentensemble,annonça-t-ilfinalement.—Depuiscombiendetemps?questionnaFrancesenseredressant.—Ellel’aabordédanslarueaprèsleprocèspourluidemanderd’intercéderensafaveurauprès

duParlement.—Intercéder?Àquelpropos?—Elleveutdivorcer.Francesignoraittoutdelaprocédureenmatièrededivorce.Lesgensàlacampagnevivaientselonlerythmedessaisonsetdelaterrequ’ilscultivaient.Ilsse

mariaient,faisaientdesenfants,mouraient.Ilsnedivorçaientpas.MaisRoseClarringétaitunefilledelaville.—Ilaaccepté?—Non.—C’étaitprévisible,ditFrances.Maisaussi,pourquois’adresserà luiaprès toutes lesvilaines

chosesqu’illuiaditesauprocès?—Lesavocatsnesontpasobligésdepensercequ’ilsdisent,Dieumerci,réponditJamesenlui

caressantlajoue.Moi-même,j’aifaitpirequed’accuserunefemmed’adultère.Etjelereferais.C’estainsiqueçafonctionne.

Franceseutsoudainlagorgenouée.—L’aime-t-il?L’hommequiavaitaiméCynthia.—Jen’ensaisrien,jenesondepaslescœurs.Maislefaitqu’ilsoitvenuicicesoirautoriseàle

penser.—Qu’est-cequ’ilvoulait?—DesdétailssurlamortdeCynthia,réponditfroidementJames.Francesluicaressaledosdelamain.Lapluiecrépitaitcontrelesvitrescommedelamitraille.—Et,précisaJames,ilm’ademandédel’aideràlibérerMmeClarring.

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Francesouvritdesyeuxrondsd’étonnement.—Commentça,«libérer»?—MmeClarringaquittésonmarilejourmêmeduprocès.Cetaprès-midi,ill’afaitenleverdans

larue.ToutcommeFranceselle-mêmeauraitpuêtreenlevéesielles’étaitmoinsbiencachée.Maintenant,RoseClarring–unefemmequiavaittémoignéensafaveuralorsquesonfilsvoulait

lafaireenfermer–étaitlaprisonnièredesonmari.LesyeuxdeFrancess’embuèrentdelarmes.—Tuasditquelorsqu’unefemmeestenferméedansunemaisondefous,iln’yapratiquement

aucunespoirqu’elleensorteunjour.— C’est vrai, confirma James Whitcox. Mais Clarring n’a pas demandé son internement

d’office…enfin,pasencore!Pourl’instant,elleestsouscléchezlui.Ledomicileconjugal.Unroyaumepourlemari.Uneprisonpourlafemme.—Sielleétaitlibredesesmouvements,pourrait-elledivorcer?—Aveclesloisquenousavons,non.—Parcequ’elleestunefemme,murmuraFrances.Ellen’avaitpasoubliélechagrinqu’elleavaitéprouvéendécouvrantquesonfilsavaitexigéson

placementd’officedansunasiled’aliénés.Parcequ’elleétaitunefemme.—Oui.—Mêmetoi,tunepourraispasluiobtenirledivorce?L’hommequin’avaitjamaisperduunprocès.—Mêmemoi,chérie.Il faisait froid dans la chambre. Frances avait James. Rose était seule, sans personne pour la

réconforter.—Jemesouvienstrèsbiendelapremièrefoisoùj’aivuMmeClarring,dit-elle.JamesluiavaitprésentétouslesmembresduclubdesMessieursetdesDames,l’unaprèsl’autre.

Ilsavaienttousététrèsaccueillantsaveccetteveuvedequarante-neufansquin’avaitpratiquementpasétéàl’école.

—Ellem’asouri,ellem’afaitvisiterLondres…Maisquedetristessedanssonsourire!Fais-lalibérer,James.

—Jeteprometsd’essayer,ditWhitcoxd’unevoixsourde.Maisjeneteprometspasderéussir.—Parcequec’estunefemme?—Parcequec’estunefemmemariée,corrigea-t-ilàcontrecœur.Francesavaitrefuséd’épouserJamesprécisémentpourcetteraison:parcequelaloidonnaittrop

depouvoirauxmarissurleursépouses.—Tupeuxquandmêmetenterquelquechose?—Oui.Dèsdemain, jevais laciter àcomparaître.Si leprocureurapprouvemademande, son

mariseraobligédelaprésenterdevantletribunal,etceseraaujugededéciders’ilaledroitdelagarderenfermée.

Franceseutl’impressionqu’ilnecroyaitpasbeaucoupenseschances.—Lajusticeserendenpublic,reprit-il.Lesjugespeuventêtreinfluencésparcertaineschoses.—Commequoi?—S’ilyaunmouvementderévolte,ilséviterontpeut-êtredeprendreàrebrousse-poill’opinion

publique.Francessesentaitpeuàpeugagnéeparlacolère.

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—UnefemmeséquestréeenpleinLondres,sicen’estpasrévoltant!—Àconditionquelepublicensoitinformé,oui.—Lapresse,suggéra-t-elle.—Oui,maisilfautfairevite…NouspourrionscréerdudésordredevantlamaisondeClarring,

çaattireraitl’attentiondequelquesjournaux.—Commelesmanifestationsenfaveurdusuffragedesfemmes?—Oui.—Combiendepersonnesfaudrait-ilpourêtresûrsdesefaireremarquer?—Autantqu’onpourraenrassembler.—C’estdecelaquetuasdiscutéavecM.Lodoun?—Entreautreschoses,réponditévasivementWhitcox.Ilneluidiraitjamaistout.Ilétaitavocat.Francess’yétaitrésignée.CeseraitencoreplusdifficilepourRoseClarringavecJackLodoun,quiétaitàlafoisavocatet

parlementaire.— J’ai envie de m’en occuper, proposa-t-elle, soucieuse d’aider une femme qui avait perdu

beaucoupàcaused’elle. Jepeuxcommencerparenparler auxmembresduclub. Ilsne refuserontsûrementpasdedonneruncoupdemain.

WhitcoxembrassaFrancessurlatempe–sonhaleinesentaitlecognac.—Quelques-unsontperduleuremploi,dit-il.Leursviessontsensdessusdessous.Àcaused’elle.—Ils’agitdeMmeClarring,James.—Tunepeuxmêmepasêtrecertainequ’ilsaccepterontdetevoir.—Jepeuxtoujoursessayer.Illuicaressalefrontetrepoussagentimentlamèchequipendaitdevantsesyeux.—Àquoibont’exposeràdesrebuffades?Tunecroispasquetuasassezsouffertcommeça?

demandaJames.—Jepourrai toujourspleurerensuitesur tonépaule, ronronnaFrancesenseblottissantcontre

lui. Tout ce que je vois, c’est que Mme Clarring ne mérite pas d’être enfermée. Et qu’elle n’apersonnepourlaconsoler.

— Qui sait ? fit Whitcox d’un ton songeur. Une manifestation pourrait suffire à convaincreClarringdelalibérer.

Maisiln’avaitpasl’aird’ycroire.—James?—Quoi?—LemarideRoseClarring,ilfautvraimentqu’ilsoitdésespérépourfairecequ’ilfait.Whitcoxesquissaunemoue.—Enattirantl’attentionsurlui,nousrisquonsdelerendreméchant,ajouta-t-elle.—Rienneprouvequ’ilnedeviendrapasméchantsanscela,Frances.Chaquejour,pensa-t-elle,Jamesdevaitchoisirentreagirounepasagir–lalibertéetparfoisla

viemêmedesesclientsendépendaient.—Pourquoifaut-ilquecesoittoiquit’occupesdelaprocédure?s’étonna-t-elletoutàcoup.M.

Lodounpourraits’enchargerlui-même,non?—Ilyatoujoursàcraindrequel’enquêtenerévèlequ’ilestl’amantdeMmeClarring.—Nousétionsamants,objectaFrancesavecbonsens.Çanet’apasempêchédetechargerdema

défense.

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—Cen’estpascequej’aifaitdeplussage,machérie,repartitWhitcox.Lodounn’auraiteuqu’àlerévéleràl’audiencepouremporterladécision…ettuteseraisretrouvéesouslatutelledetonfils.

ExactementcommeRoseClarringpourraitêtremaintenuesousl’autoritédesonmari.Prisonnièreàperpétuité.—Parbonheur, reprit James,Lodounestunhommed’honneur…Etc’estprécisémentpourça

quejenerechignepasàl’aideraujourd’hui,quoiqu’ilensoitdureste.—Etsil’ondécouvraitquandmêmequeMmeClarringetM.Lodounsontamants?—Danscecas,ilfaudramettrelesbouchéesdoubles.JamesembrassaencoreFrances,avecunetendressepresquepaternelle.—Rendors-toi,dit-ilenselevant.Moi,j’aiuneaudienceàpréparer.Et,pourunefois,iln’étaitpassûrdegagner.

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33

Lemajordomequientrouvritlaporteavaitdûseleverprécipitamment.Ilétaitentraind’enfoncersachemisedenuitdanssonpantalon,etiln’avaitmêmepassongéàôtersonbonnetdenuit.

—Àmoinsquecesoitunequestiondevieoudemort,jene…commença-t-il.ReconnaissantJack,ilchangeadeton.—Monsieuretmadamenesontpasici.Ilavaitlulesjournaux.—S’ilsaimentleurfille,réponditJackenglissantunpieddansl’entrebâillementdelaporte,ilsy

sont.—Revenezdemainmatin,jeleurdemanderais’ilssouhaitentvousrecevoir.BigBenfitentendresavoixdestentor:ilétaitquatreheures.Lejourselevait,maislesoleilétaitencorecachéparlesnuages.— Leur fille a été enlevée, annonça brutalement Jack. S’ils tiennent à elle, ils me recevront

maintenant.Laportes’ouvritengrand.L’airglacials’engouffradanslamaison.—Qu’est-cequ’untypecommevousaàvoiravecMmeClarring?Pouraccéderauxparents,ilfallaitpasserparlemajordome.—Jesuissonavocat.Lemajordome–Jackestimaqu’ildevaitavoirunesoixantained’années,maissonregardétaitvif

etclair–s’écarta.—C’estbon,entrez.Jackfranchitleseuil.—Restezsurlepaillasson,ordonnalemajordome,commesiJackétaitungarnementetnonun

membreduParlement.Jenevaispasvouslaissercochonnermessols.Jack savait qu’il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir du majordome dans une maison. Il

demeuraplantésurlepaillasson.LamaisondanslaquelleRoseavaitgrandiétaitcossue.Lalumièrevacillanted’unelampeàgazéclairaitl’entrée.Raide comme un passe-lacet, le majordome s’engagea dans un escalier et disparut dans

l’obscurité.Jackl’entenditfrapperàuneporte.Puisilperçutdesvoix.Unhommed’une soixantained’années et une femmeunpeuplus jeunedescendirent l’escalier.

Elleportaitunechemisedenuitrose;lui,unerobedechambreenveloursmarron.Ilsétaientpiedsnus.

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Roseavaithéritédescheveuxdesamèreetdesyeuxdesonpère,songeaJack.Surlestraitsdupère,l’inquiétudeledisputaitàlacolère.—Qu’est-cequivousprenddevenirfrapperàmaporteaumilieudelanuit?lançaM.Davis.—VousavezditàGilesquenotrefilleavaitétéenlevée,intervintMmeDavis.C’estimpossible,

monsieur.Jel’aidéposéedevantchezellehierversquatreheuresdel’après-midi.Douzeheuresplustôt.—Troishommessesontemparésd’elleavantqu’ellen’aitatteintsaporte,ditJack.—Si vous avez vu des hommes emmener notre fille, pourquoi n’avez-vous rien fait pour les

arrêter?ditsansambagesSusanDavis.—Jenelesaipasvus,réponditJack.Maissagouvernante,oui.—Mafillen’apasdefortune,fitM.Davis.Quipourraitavoirintérêtàl’enlever?Jackregardatouràtourlepèreetlamère.—Sonmari.—Commentlagouvernantesait-ellequec’étaitJonathan?questionnaMmeDavis.Ellenepeut

pasleconnaître.—Cen’estpasellequiledit,c’estmoi,repartitJack.—Commentlesavez-vous?demandalepère.—Elleestchezlui.Jel’aiaperçuetoutàl’heure.—Qu’est-cequ’ilyadebizarreàcequ’ellesetrouvedanslamaisondesonmari?grommela

SamuelDavis.C’estaussisamaison,non?SusanDavisfronçalessourcils.—Oùl’avez-vousvue,monsieurLodoun?—Àunefenêtredudeuxièmeétage.Ellemeregardait.—Etvous en avezdéduit qu’il l’avait enlevée ?ditM.Davis avecunepointed’agressivité.Si

c’esttoutcequevousavezcommepreuve…— Il n’y a rien à déduire,monsieurDavis, rétorqua Jack en l’interrompant. La gouvernante a

assistéàl’enlèvement.Etquandj’aifrappéàlaporte,personnen’estvenuouvrir.—Àquatreheuresdumatin,vousvousattendiezàquoi?—Iln’étaitqueneufheuresdusoir.M.Davispersistadanssonidée.—Roseestl’épousedeJonathan.Pourquoiéprouverait-illebesoindel’enlever?—Parcequ’ilest sonmari, tiens ! répliquaSusanDavis.Etparcequ’ilpeut se lepermettreen

touteimpunité.Illepeut,n’est-cepas,monsieurLodoun?—Oui,réponditJack.Lesfemmesavaientpeudedroits.Lesfemmesmariées,encoremoins.LasouffrancedécoloralesyeuxdeMmeDavis.—Mafillesavait-ellequeçarisquaitd’arriverlorsqu’ellel’aquitté?—Oui.—C’estvous, l’amantdontmafemmem’aparlécetaprès-midi, lebellâtrequiaurait rendusa

joiedevivreànotrefille?Apparemment, Rose avait tout dit à samère, et celle-ci avait tout répété au père. Jack n’avait

aucuneraisondenier.—Bellâtre,jenesaispas,monsieur.Quiluiarendusajoiedevivre,jel’espère.—Vousétiezdéjàsonamantavantleprocès?questionnaMmeDavis.—Non.

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—Vousl’avezprisedeforce?Saoulée?—Biensûrquec’estquelquechosecommeça!grondaM.Davis.Sinon,qu’est-cequ’elleserait

alléefaireavecuntypepareil?Jackignoralesattaquesdupèreetseconcentrasurlamère.—Ellem’aabordédevantOldBailey,justeaprèsleprocès.Ellevoulaitdivorcer,etpourcefaire

illuifallaitunavocatainsiqu’unappuiauParlement.Orilsetrouvequejesuisàlafoisavocatetparlementaire;danssonesprit,c’étaitaussisimplequeça.Et,depuislors,nousnousaimons.

—Jevois,murmuraSusanDavisaprèsêtrerestéepensiveuninstant.—Moiaussi,hélas!s’exclamaM.Davisenprenantsafemmeparlesépaules.Nousironslesvoir

cetaprès-midi,s’iln’yaqueçapourterassurer.Jecroisquenousenavonsassezentendu.Viens!Retournonsnouscoucher.

—Non,Sam,patienteencoreunpeu,protestaMmeDavis.ÀJack,elledemanda:—Qu’attendez-vousdenous,monsieurLodoun?—Vousetvotrefille,vousêtesalléesfairedescourses?—ChezWhiteley,confirma-t-elle.Selonlagouvernante,ellesavaientétépartiesdeonzeheuresdumatinàquatreheuresdel’après-

midi.—Vousavezdûparlerdebeaucoupdechoses?—Oui.SusanDavisneprécisapaslesquelles.—Demainmatin, JamesWhitcoxvademanderauprocureuruneordonnanced’habeas corpus.

Pour ce faire, seriez-vous prête, madame Davis, à signer une déclaration selon laquelle vous netrouvezpasvraisemblablequeRoseaitregagnéledomicileconjugaldesonpleingré?

—C’esthorsdequestion!rugitSamuelDavis.Jel’interdisformellement.Qu’est-cequec’estquecettehistoired’habeascorpus ? Il n’y a pas lieude libérer notre fille.Que je sache, elle n’est pasprisonnière!Jonathanestnotregendre.C’estunbravegarçonquineferaitjamaisdemalàRose.

SusansetournaverssonmaripuisversJack,promenantdel’unàl’autreunregarddésemparé.— En êtes-vous sûr, monsieur Davis ? demanda Jack, aggravant délibérément l’inquiétude de

SusanDavis.—Unhommenepeutpasenleversafemme,voyons!répliquaSamuelDavis.Ilsnefontqu’une

seulechairauxyeuxdeDieu.Susan,continua-t-ilensetournantverselle,Jonathanajuréd’aimeretdechérirnotre fille,et ila tenuparole.Jesaisceque tum’asditenrentrant,maiscen’estpascethommequifera lebonheurdeRose.Leshommescommelui, toutcequ’ilssontcapablesdefaire,c’estdedévoyerleshonnêtesfemmes.Cequejecrois,c’estqu’iln’estmêmepasamoureuxdeRose.Pasbesoind’êtreamoureuxpours’intéresseràuneaussijoliefemme!Non,ilestjustejalouxparcequ’elleafinalementchoisiJonathan,unpointc’esttout.

SusanDavisfermalesyeux.—MadameDavis,vousêtesladernièrepersonneàavoirparléàvotrefille…—Susan!s’écriaSamuelDavis.Jet’enconjure,netemêlepasdeça.CequisepasseentreRose

etJonathannenousregardepas.Laissons-lesréglerçaentreeux.—Sinousne libéronspasRose,affirmaJackennes’adressantqu’àMmeDavis,votregendre

peutlafaireenfermerdansunasiled’aliénés,avantmidisiçaluichante,etalorsiln’yauraplusrienàfaire.

SusanDavisrouvritlesyeux.Sursestraitsselisaitladouleurdedevoirtrancher.

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—Dites-moicommentils’yestprispourenleverRose,monsieurLodoun.SansletémoignagedeMmeDavis,iln’yavaitpaslemoindreespoird’obteniruneordonnance.Jackdéployatoutesonéloquencepourdécrirecequelagouvernanteluiavaitraconté.Des larmesruisselèrentsur les jouesdeMmeDavis,devenues jaunâtreset froisséescommeun

vieuxparchemin.—Roseadetoutpetitsbras,murmura-t-elle.JackétaitbienplacépoursavoiràquelpointlesbrasdeRoseétaientfins.—Vousavezditqu’elleavaitlaissétombersonparapluie?—Oui.MmeDaviss’efforçaitdeseressaisir,sachantquel’avenirdesafilleendépendait.— Elle avait des projets. Elle allait se faire livrer des meubles. Elle voulait embaucher des

peintrespour refaire lamaison.Elle avait décidéque le salon serait pourpre.Quand j’ai voulu luioffrirquelquechose,elleachoisideuxvasesendisantqu’ilsiraientbiensurlacheminée…Etelleauraitdécidédeplaquertoutçaentrequatreheuresetquatreheuresetuneminute?

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34

Rosefutréveilléeensursautparlebruitdelaclédanslaserrure.Unelumièreverdâtrefiltraitàtraverslesrideaux.Laportes’ouvrit.—Jonathan?demanda-t-elle,lagorgeserrée.MaisJonathann’étaitpasseul.Elleseredressadanslelit,s’emmêlalesjambesdanslesdraps.Sonsangseglaça.Ungrandbarbuaccompagnaitsonmari,unesacochenoireàlamain.Unefemmesuivaitdeprès

lebarbu.Elleétaitgrosse,boudinéedansunerobemarron,sescheveuxgrisentassésdansunbonnetblanc.

—N’ayezpaspeur,madameClarring,dit lebarbuenposantsasacochesur la tabledenuit.JesuisleDrWeinberger,etvoiciMmeWilliams.Elleestinfirmière.

SonsourirenerassuraguèreRose.Encoremoinslaminerenfrognéedel’infirmière.SiJonathanpensaitqu’elleétaitmalade,pourquoin’avait-ilpasappelélemédecindefamille?—Jevousassure,docteur,quejevaistrèsbien.—Cen’estpascequeditvotremari,madameClarring.Soudain,iln’yeutplusassezd’oxygènepourquatrepersonnesdanslapetitechambre.—Docteur,vousavezvumonmariouvrirlaporte,déclaraRoseenessayantdeparaîtrecalmeet

raisonnable.Vousavezpuconstaterqu’elleétaitferméeàclé.Jesuisretenueicicontremongré.S’ilvousplaît,aidez-moi.

LeDrWeinbergercontinuadesourire.—C’estbienlaseuleraisondemaprésenceici,madameClarring.Vousaider.Ilouvritsasacocheetensortitunstéthoscope.—Quefaites-vous?demandaRoseencouvrantsagorgedesamain.—N’ayezcrainte,madameClarring,çanefaitpasmal.—Jevousinterdisdemetoucher.—Jeveux justeécoutervotrecœuretvospoumons,dit leDrWeinbergerens’asseyant sur le

borddulit.Ayezl’obligeancededéboutonnervotrechemisedenuit.RosesesouvintqueleDrBurns–unegénéraliste,pasunealiéniste–avaitétéamenéeunefoisà

signerunordred’internementetqu’elleenconservaitunprofondsentimentdehonte.—Jenesuispasfolle,gronda-t-elle.Elleétaitentraindeperdresoncalme.LeDrWeinbergervoulutluitoucherlamain.Elleeutunmouvementderecul.

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—Non,vousn’êtespasfolle,madameClarring,celavadesoi.Elleécartadocilementsamain,etilsemitàluidéboutonnersachemisedenuit.—N’ayezpaspeur,insista-t-il.Maiselleavaitpeur.Chaquefoisqu’ilôtaitunnouveaubouton,c’étaitcommeuneoffensesupplémentaire.Elleauraitvoululuiarrachersonstéthoscopeetlejeter.Maisellesavaitqueceseraitconsidéré

commeunsymptômedeplusdesadémence.Lemétalglacéseposasursonsternum.—Respirezfort,madameClarring.Elleprituneprofondeinspiration.—Trèsbien,lafélicitaledocteur.Commesielleétaituneenfant.Ouunefolle.—Maintenant,penchez-vousenavant…Oui,commeça.Ilretroussalachemisedenuitetluiappliqualepavillondustéthoscopeentrelesomoplates.—Respirezfort…Trèsbien,madameClarring.Soudain,Roseseretrouvalibredudocteuretdesoninstrument.Lematelas, soulagé de son poids, se souleva et oscilla un instant sur les ressorts du sommier

avantderetrouversonéquilibre.—Oùpuis-jemelaverlesmains,monsieurClarring?s’enquitleDrWeinberger.—Veuillezmesuivre,réponditJonathan.Jevaisvousmontrerlasalledebains.Rosesedépêchadereboutonnersachemisedenuit.Sesmainstremblaient.L’infirmièreauvisagesévèreouvritlamallettedumédecinetentiraunétuidecuir,qu’elleposa

surlatabledenuit.—Qu’est-cequec’est?demandaRose.L’infirmièreneréponditpas.Jonathanrevintsurcesentrefaites.Ilportaitunevestebleumarinepassablementchiffonnée.Rose

prituneprofondeinspiration,dansl’espoirdesecalmer.—Jonathan,pourquoifais-tuça?L’infirmièreallumaunelampeauphosphore.—MadameClarring,ditleDrWeinbergerenrevenantdanslachambre,votremarisepréoccupe

devotrestérilité.Éberluée,RosesetournaversJonathan,quibaissalesyeux.— Ilm’a demandé de vous examiner, continua le docteur sur un ton affable. Lesminutes qui

viennentvontêtrepéniblespourvous.Jevouspriedem’excuser.Plusvitenousauronscommencé,plusvitenousenauronsterminé.Veuillezretrousservotrechemisedenuit.Jevousprometsdefairetrèsattention.

Ducoindel’œil,elleobservalesfaitsetgestesdudocteur.Ilouvritl’étuiquel’infirmièreavaitplacé sur la table de chevet. Il en sortit un spéculum, qui brilla terriblement dans la lumière duphosphore.

—Ce n’est pas nécessaire, docteurWeinberger, ditRose en serrant les cuisses.Monmari saitpertinemmentpourquoinousn’avonsjamaiseud’enfant.

—Votremariaparléd’oreillons,madameClarring,jesais.Maistousleshommesquionteulesoreillonsnedeviennentpasstériles.

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LeDrWeinbergers’approchaet repoussa lescouvertures.L’infirmièreretroussa lachemisedenuitdeRosejusqu’àsonventre.

Rosesedébattitcommeelleseseraitdébattuesiquelqu’unavaitessayéd’abuserd’elle.L’infirmièreluiappuyasurlesépaulespourl’immobiliser.Elleavaitdelapoigne.—Vousn’avezpasbesoind’avoirpeur,madameClarring,luidit-elle.Jesuislà.Lemédecinluiécartalescuisses.Quelquechosedefroidentraenelle.—Nebougezpas,madameClarring,iln’yenaquepourquelquessecondes…Roseregardalecercledelumièreblanchequelalampeàphosphoreprojetaitauplafond.L’odeur

d’antiseptiqueluisoulevaitlecœur.— Bravo, Jonathan, lança-t-elle d’un ton amer. Tu progresses dans la crapulerie. Après

l’enlèvement,leviol…—MonsieurClarring,ditWeinberger,saviez-vousquevotreépouseportaitundiaphragme?—Non,réponditJonathand’unevoixsourde.LeDrWeinbergerretirasansménagementcequeleDrReynoldavaitdélicatementposé.Roseserralesdents.—Vousavezde lachance,madameClarring,déclaraWeinbergerense redressant.Pourautant

que je puisse en juger, vos organes sont intacts. Si vous vous abstenez de renouveler ce genre defacéties,riennevousempêcheradeconnaîtreunjourlesjoiesdelamaternité.

L’infirmièrelâchaRose.—DocteurWeinberger?—Oui,monsieurClarring?—Vouscomprenezquejepuisseenvouloiràmafemme,aprèscequejeviensd’apprendre.Tant

deduplicité!Jetombedesnues!Roseécoutasanscomprendre.L’hommequiparlaitainsiavaitlavoixdeJonathan,maiscen’était

paslui–entoutcas,cen’étaitpasl’honnêtegarçonqu’elleavaitaiméaupointdel’épouser.—Ilfaudradutempsavantquej’aiedenouveauenvied’elle,continuaJonathan.Mais,sijevous

aibiencompris,maintenantquevousavezôtécemachin,riennes’opposeplusàcequ’elle tombeenceinte?

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JackLodounetNathanDorseyentrèrentdanslebureaudeJamesWhitcox.Un bureauministre en bois précieux trônait aumilieu de la pièce. Il y avait un grand fauteuil

derrière, deux autres devant et deux autres encore tournés vers la cheminée, dans laquelle un feucrépitait.Lemurdufondétaitoccupéparunebibliothèquedontlesétagèresétaientchargéesdelivresdedroitetdejurisprudenceauxreliurespassablementfatiguées–ilsn’étaientpaslàpourfairejoli:JamesWhitcoxs’enservaitbeaucoup.

JacketDorseysaluèrentlesecrétairedeWhitcox,AveryTristan.BigBensonnaneuffois.Jackneperditpasdetempsenpréambules.—Whitcoxestpartidéposerunerequêted’habeascorpus?—Oui,monsieur.—Laloiexigequ’unefemmequirequiertuneséparationrésidesouslemêmetoitquesonmari,

ditJack.Or,c’estdésormaislecasdeMmeClarring.Elleseraitdoncendroitfaireunedemandeencesens?

—Oui,monsieur.Unebûchepétaradadansl’âtreavantdes’ouvrirendeuxetdetomberdanslesbraises.JacksedemandasiRoseavaitfroid.JacksedemandasiRoseétaitmaltraitée.Jacksedemandas’illareverraitjamais.—Moi,ditDorsey,j’avaisd’abordproposéd’insistersurlefaitqueJonathanetRoseClarring

faisaient chambre à part. Un tribunal ne peut certes pas obliger un mari à accomplir le devoirconjugal,mais,danslamesureoùilnecouchaitplusavecsafemme,onauraitpuconsidérerqu’illaprivaitdélibérémentdelapossibilitéd’avoirdesenfants,cequinousauraitpermisdeplaiderqu’elleavait le droit à une séparation de corps – l’abandon du lit conjugal valant abandon du domicileconjugal.Maislesrécentsévénements…

Laissant sa phrase en suspens, Dorsey se tourna vers son patron, comme pour lui donner laparole.

—Mais,auvudesévénementsrécents,enchaînaJack,nouspouvonsplaiderqueJonathantraitesafemmeavecunecruautéinexcusable.Ànous,messieurs,derédigerunedemandequiconvaincralejugequesondevoirestd’accorderl’habeascorpus.C’estvous,monsieurTristan,quiirezlaporterautribunal,delapartdeMeWhitcox.

—Pourquoipasdevotrepart,maîtreLodoun?s’étonnaAveryTristan.— À cause de mes liens personnels avec Mme Clarring, expliqua Jack. M. Dorsey vous

accompagnera.Ilconnaîttoutlemonde,aupalais.

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36

—Messieurs,ditJamesWhitcox.Les trois hommes portaient des robes rouges et de longues perruques blanches. C’étaient des

magistrats de la haute cour de justice, et ils avaient rang de chevaliers. Triés sur le volet par lePremierministre.Nommésparlareine.Ilsn’avaientqu’unseulcredo:laloi.Toutelaloi,rienquelaloi;elleleurtenaitlieudeconscience.

—Jevaiscommencerparremercierlacourd’avoiracceptédeconsidérercecasextraordinaire.JerendsgrâceàDieuchaquematindem’avoirfaitnaîtredanslepaysdelaMagnaCartaLibertatum.Ladite Grande Charte des libertés d’Angleterre stipule que personne ne peut être arrêté et détenuillégalement.Cependant,messieurs,c’estcequivientd’arriveràMmeRoseClarring.

Lestroisjugesmarquèrentleurétonnement.—MmeClarring,poursuivitWhitcox,n’habitepluschezM.JonathanClarring,sonmari–pour

desraisonsqu’ilestinutiled’expliquercarellesn’ontrienàvoiravecnotreaffaire.Or,hier,alorsqu’ellerentraitchezelleaprèsvoirfaitdescoursesavecsamère,elleaétéenlevée.Etl’instigateurdececrime,carl’enlèvementestuncrime…

Lestroisjugeshochèrentlatête.—…n’estautrequeJonathanClarring,sonmari,achevaWhitcox.Toutàcoup, les trois jugesparurentsedésintéresserdel’affaire.Lessouffrancesd’unefemme

mariéenepesaientpaslourdenfacedelaloi.Jack,aufonddelasalle,commençaàs’inquiéter.—MmeClarringestminuscule,repritJamesWhitcoxens’adressantplusspécialementaujuge

assisaumilieu,unhommed’unesoixantained’années,pèreetgrand-père.Ellemesuremoinsd’unmètresoixante.Lorsquesamèrel’adéposéedevantchezelle–j’entendsparlà,messieurs,lamaisondeMmeClarring,pascelledesonmari–ilpleuvait.MmeClarringn’apasremarquélefiacrequiattendait,nil’hommequienestdescendu.Quandelleestarrivéeaupieddesonperron,elleaentenduquelqu’un l’appeler.Nousne savonspas cequ’elle a ressenti alors…pour labonne raisonqu’ellen’estpaslàpourledire.Cequenoussavons,c’estqu’elles’estretournée.Or,leravisseurn’étaitpasseul.C’estàcemoment-làquedeuxautreshommesont surgi–deshommesdemainpayéspar lemari…CequisignifiequeJonathanClarrings’étaitarrangépourdétournerl’attentiondesafemmetandisquelesrufiansl’empoignaientchacunparunbras.

JamesWhitcoxtranspiraitsoussaperruque–pluscourtequecelledesjuges.Lasueurprovoquaitdesdémangeaisons,etpasquestiondesegratter!

Cédantàuneimpulsion,illevasonbrasgauche.Lalargemanchedégringolalelongdesonbras.Leretroussisnoirauboutdelamanche,quiledésignaitcommeconseillerdelareine,restacoincéau

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niveauducoude.—Puis-jemepermettred’attirervotreattentionsurceci,messieurs?Lestroisjugesregardèrentcequ’illeurmontrait.—LebrasdeMmeClarringest infinimentplus finquemonpoignet. J’en ferais facilement le

touravecmonpouceetmonindex.Sil’onserrelebrassuffisammentfort,onparalysel’avant-bras.Àcemoment-là,Whitcoxs’arrangeapourcroiserleregarddujugeassisàgauche.C’étaitleplus

jeunedestrois,quarante-cinqans,marié,pèredecinqfilles:uneaucollège,deuxàl’écoleetdeuxenbasâge–touteslescinqsusceptiblesdetomberunjoursouslacouped’unmauvaismari.

—Cesdeuxhommes,enchaînaWhitcox,l’ontagrippéesiviolemmentqu’ellealaissétombersonparapluie.Commentaurait-ellepusedéfendre,ellesifrêle,contredeuxhommesdehautetaille?Ilsl’ontsoulevée,l’ontportéejusqu’àleurvoitureetl’yontjetéecommeunsac.Et,pendantcetemps-là,sonmarilesregardaitfaire!Quisouhaiteraituntelsortàsafille?s’exclama-t-ild’unevoixvibranteen fixant comme par hasard le juge assis à droite, un homme de cinquante ans, dont les énormesfavorisblancscontrastaientvilainementavecsonteintbrique,etquivenaitdemariersafilleunique.JonathanClarringaattentéàlalibertédeRoseClarring.Illégalement.C’estpourquoi,messieurs,j’ail’honneurderequériruneordonnanced’habeascorpus.

Danslesilencequisuivit,onentenditlemartèlementdelapluiesurlescarreaux.L’hommeauxgrosfavorisfutlepremieràparler.—Vousrendez-vouscomptedecequevousnousdemandez,maîtreWhitcox?—Jevousdemanded’ordonneràM.JonathanClarringd’amenerMmeRoseClarringdanscette

salle,réponditJamessanssetroubler.— En d’autres termes, vous nous demandez de nous immiscer dans les affaires du ménage

Clarring,ditlevieuxjuge.JamesWhitcoxavaitunerépliquetouteprête.—RoseClarringestpeut-êtreunefemmemariée,maiselleestd’abordunsujetdeSaGracieuse

Majestéet,commetelle,protégéeparlaGrandeChartedeslibertésd’Angleterre.JonathanClarring,avec préméditation et violence, a enlevé Rose Clarring arbitrairement, et depuis lors il la détientarbitrairement.Toutcequ’interditlaGrandeCharte!S’ilavaitvouluresterdanslalégalité,ilauraitdemandé à la police de lui ramener sa femme, il n’aurait pas eu besoin d’engager une paire demalfratspourcefaire.Maisaucuntribunaln’arendudejugementensafaveur,pourlabonneraisonqueM.Clarringn’amêmepasengagédeprocédure.Aulieudecela,ilapréférés’embusquerprèsdechez elle comme un bandit, il a délibérément détourné son attention, le temps que deux voyoussoudoyésparluisejettentsurelle.Jecroisquelaloianglaiseréprouvedetelscomportements.

—Avons-nousdestémoinspourcorroborervotreversiondesfaits,maîtreWhitcox?questionnale plus jeune des juges, le père de cinq filles. Ou bien tout ceci n’est-il que le fruit de votreimagination?

Whitcoxessayadeparaître impassible.Lesmagistratsde lahautecourde justicen’avaientquefairedesémotionsdesunsoudesautres.

—LagouvernantedeMmeClarringaassistéàl’enlèvement,annonça-t-il.J’ailàsadéclarationsousserment.

—Puis-jelavoir?ditlejugedumilieud’untonsarcastique.—Certainement.J’aiaussiunedéclarationsoussermentdelamèredeMmeClarring.Tenez!Unhuissierfitpasserlesdocuments.Lejugelutlapremièrepage.—Lagouvernante,MmeDobkins,prétendqueMmeClarringnes’estpasdébattue.

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—Celaauraitétédifficile,monsieurlejuge,alorsquesesbrasétaientparalyséspardeshommesdeuxfoisplusgrandsqu’elle!

—Lagouvernanteneditpasnonplusqu’elleaappeléausecours.Lejugefitpasserlesdeuxpapiersàsonvoisindegauche,sansmêmeprendrelapeinedelirela

déclarationdeMmeDavis.—Lagouvernanteaassistéàl’enlèvementparunefenêtredupremierétage,précisaWhitcox.De

plus,ilpleuvait.SiMmeClarringacrié,ellen’apaspul’entendre.—Vousvenezdedire,maîtreWhitcox,intervintleplusjeunedestroisjuges,queM.Clarringa

appelésafemmepour«délibérémentdétournersonattention».Est-ceàdirequelagouvernantel’aentendul’appeler?

—Non,monsieur le juge.Mais qu’est-ce qui aurait pu faire queMmeClarring s’arrête et seretourne,sinonunappeldanssondos?

—Oualors,elles’attendaitàlevoir,suggéralevieuxjuge.— Dans sa déclaration sous serment, Mme Davis assure que, pendant qu’elles faisaient les

courses,MmeClarringluiaditsansambiguïtéqu’elleneretourneraitjamaisvivreavecsonmari.—MmeClarringestunefemme,répliqualevieuxjuge.Souventfemmevarie,c’estbienconnu.—Sinousdemandonsunmandatd’habeascorpus,c’estseulementafindenousassurerqu’elle

n’estpasséquestrée,repartitJamesWhitcox.S’ils’avèrequeMmeClarringsetrouveavecsonmaridesonpleingré,ehbien,nousenresteronslà.

—VousditesqueMmeClarringn’habitaitpasavecsonmari,intervintlejeunejuge,quiavaitfinidelirelesdéclarationsdelagouvernanteetdelamèredeRose.Aurait-elleobtenuuneséparationdecorps?

—Non,monsieurlejuge.—Alors,elleesttoujourssouslatutelledesonmari,commentalevieuxjuge.—D’aprèslaloi,M.Clarringpeutdemanderlarestitutiondesesdroitsconjugaux,admitJames

Whitcox.Maisilnepeutpass’emparerd’elleparlaforce,nilaséquestrer.—Y a-t-il jamais eu des plaintes contreM.Clarring ? questionna le troisième juge.A-t-il été

accusédecruauté?—Non,monsieurlejuge.MaisçaneveutpasdirequeMmeClarringnerisquerien.IlsesouvintdesmotsdeFrances:IlfautvraimentqueJonathanClarringsoitdésespérépourfairecequ’ilfait.Etquisaitdequoiétaitcapableundésespéré?—D’abord, quelle preuve avons-nous qu’elle est chez sonmari ? demanda le juge aux gros

favoris.—Onl’avueàunefenêtredudeuxièmeétage.—Qui,«on»?Whitcoxmentitfroidement.—Samère.—A-t-ellefrappéàlaportepourvérifierquesafilleétaitretenuedeforce?s’enquitlejugedu

milieu,toujoursaussisarcastique.—Oui.Etpersonnen’estvenuouvrir.Lui-mêmeétaitalléfrapperàlaportedeJonathanClarringavantl’audience,etonneluiavaitpas

ouvertnonplus,alorsqu’ilavaitentendubougerdanslamaison.—Qu’attendez-vousdenous,exactement?demandaleplusjeunedesjuges,celuiquiavaitcinq

filles.

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—Ce que j’attends de vous, messieurs ? répondit JamesWhitcox. Tout simplement que vousaccordiezàMmeClarringlaprotectiondelaloi.

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37

Rose, debout devant la fenêtre, regardait dans la rue. Maisons, voitures, passants, tous lescontoursétaientbrouillésparlapluie.

—MadameClarring,vousnepouvezpasrestercommeçasansmanger,ditl’infirmière.Cen’estpasmalindeboudercontresonventre.

Rosenedaignapasrépondre.Uneberlines’arrêtaenfacedelamaison.Encoreunmédecin?sedemanda-t-elleanxieusement.Oualors,c’était Jack.Commedans lesanciens romans remplisd’histoiresdepreuxchevaliers

quiviennentàlarescoussedebellescaptives?Soncœurcessadebattre.La berline redémarra. Tout ce qu’elle pouvait voir, c’était la toile de quatre grands parapluies

noirs.—Avez-vousdesenfants,madameWilliams?—J’enaisix,répliquafièrementl’infirmière.—Desfilles?—Deux.—Vouslesaimez?Rosesavaitquedans,certainesfamilles,lesfillessontmoinsaiméesquelesfils–mêmesi,pour

sapart,ellen’avaitjamaisrienressentidetel.—Bienentenduquejelesaime,mesfilles.Danslarueencontrebas,lesquatreparapluiesfaisaientdusurplace.—Vousleurferiezlamêmechosequ’àmoi?—Quellequestion!Jelesaisoignéesplusd’unefois.—Jeneparlepasdeça,madameWilliams.Jevousdemandecequevousferiezsileurmariles

enfermaitcommejesuisenferméeparlemien?Plutôtquederépondre,l’infirmièrereparlanourriture:—Siçan’estpasmalheureuxdelaisserrefroidircebonpouletetcesbonnespommesdeterre!

s’exclama-t-elleenmontrantl’assiettesurlatabledenuit.—MadameWilliams,insistaRose,siellesétaientenfermées,seriez-vousprêteàmonterlagarde

pourlesempêcherdefuir?Encoreunefois,l’infirmièreéludalaquestion.—Vousavezbeaucoupdechance,madameClarring,dit-elle.

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Uneautreberlinefithaltedevant lamaison,etquatrepersonnesendescendirent.Celafitquatreparapluiesdeplus.

—Enquoiai-jedelachance,madameWilliams?—Votremariestriche.—Etçaluidonneledroitdemegardericicontremavolonté?L’infirmièreparutplusrenfrognéequejamais.—J’ailuvotrehistoiredanslesjournaux,madameClarring.Jenesuispasdupe.Vousêtesune

femmeadultère.Laseulechosequ’onpuissedireenvotrefaveur,c’estquevousn’avezpasramenédebâtardà lamaison!Je le trouvebiengénéreux,votremari !Si j’étaisàsaplace,vousn’auriezmêmepasdroitàcettechambre;jevousferaisjeterenprisonaveclesautrestraînéesquisouillentnotreville.

Danslarue,unfiacrearriva,s’arrêta,repartit–etleshuitparapluiesdevinrentdix.—Àvotreavis,madameWilliams,combiend’hommesfaut-ilpourmaîtriserunefemme?—Commentvoulez-vousquejelesache?—Deux,madameWilliams, dit Rose enmontrant les bleus quimaculaient ses bras. Ça suffit

amplement.Rosen’avaitpasappeléausecourslorsquelesdeuxbrutesl’avaientportéejusqu’aufiacre.EllesavaitqueJonathanavaitledroitdelafaireenfermer,maisellen’auraitjamaiscruqu’ille

ferait.Lacolèrel’emportantsoudainsurlamélancolie,ellepivotaetmarchadroitsurMmeWilliams.— J’ai décidé que j’avais faim.Alors, soyez gentille, poussez-vous.Àmoins que vous n’ayez

enviedesavoirsiunepetitefemmepeutenmaîtriserunegrosse.L’infirmièrefutestomaquée.Roseesquissaunsourire.Unquartd’heureplustard,quandellerepritsonposteprèsdelafenêtre,ellevitquelquechose

quiluifitpasserl’enviedesourire.Unevéritablearméedeparapluiesarpentaitlarue.Cen’estpourtantpascelaquiretintsonattention.Un fiacre s’arrêta juste sous sa fenêtre. La première personne qui en descendit avait un grand

parapluienoirquilacachaitentièrement.L’autren’enavaitpas.Roseeutlesoufflecoupé.

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MarieHoppleworthinclinasonparapluiepourabriterJohnNickols,quivenaitdelarejoindre.Ilavaitprissoindeneheurterpersonneense faufilantparmi lapetite troupeavecsonfauteuil

roulant.—MeWhitcoxa-t-ilréussi?demanda-t-elle.—Nousnedevrionspastarderàlesavoir,réponditgravementNickols.Ellesepenchaavec tendressesur l’héroïque infirmeavec lequelelles’étaitchamailléependant

deuxans,etquiétaitàprésentsonamant.—Tonjournalva-t-ilparlerdel’affaire?— Évidemment ! Adultère, enlèvement… Qui laisserait passer ça ? Le seul ingrédient qui

manque,c’estlemeurtre.J’airepérédanslafouleunreporterduGlobeetunduDailyHerald.Maisildoityenavoird’autres.Sic’estdelapublicitéquerecherchaitWhitcox,ilvaêtreservi.

Soudain,laportedelamaisonClarrings’ouvrit,etunhommes’avançasurleperron.—C’estlui,lemari?s’enquitunevoixféminineprèsdel’oreilledeMarieHoppleworth.MarietournalatêteetvitEstherPalmer,l’enseignantequiavaitperdusonpostedansuncollège

dejeunesfilles.Sonvisageétaitcalme,maiscadenassé.Marieeutenviedeluidemandersielleavaitbesoind’aide–maisilsn’étaientpaslàpourparlerdesconséquencesduprocès.

Oualors,oui.MarieHoppleworthnesavaitpaspourquoiJonathanavaitenlevésafemme.Toutcequ’ellesavait,

c’étaitqu’ilpouvaitlatueretqu’ilseraitvraisemblablementacquitté.—Jenevoisrien,dit-elle.—Moi,jelevois.Celuiquivenaitdeparler,c’étaitLouisStiles,quiculminaitàunmètrequatre-vingt-dix.Ilavaità

lamainsoninséparablecarnetdecroquis.—NousnesavonspasàquoiressemblelemarideMmeClarring,intervintJohnNickols.Même

sic’étaitluidansl’encadrementdelaporte,nousnepourrionspaslesavoir.Unautrefiacres’arrêta,etquatrefemmesendescendirent.La foulegrossissait.La tensionmontait.Onétaitmouillés.Onavait froid.Lesgensbattaient la

semellepourseréchauffer.—Ilvientdes’écarter,annonçaM.Stiles.Unpolicieretuninconnufranchirentleseuil.Laporteserefermaderrièreeux.—Quiestaveclepolicier?questionnaMarieHoppleworth.—Sansdouteunmagistrat,réponditJohnNickols.

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—Elleestàlafenêtreetellenousregarde,intervintunevoixd’homme.Vouscroyezqu’ellenousareconnus?

C’étaitThomasPierce, le banquier qui avait perdu son emploi à causede son appartenance auclubdesMessieursetdesDames.

— Comment voulez-vous que je le sache ? réponditMarie. Je n’y vois goutte, avec tous cesparapluies.

—J’aipeurqu’ilneluifassedumal,ditEstherPalmer.PersonnenesavaitdequoiJonathanClarringétaitcapable.—N’oubliezpasquelejuryalibéréMmeHart,fitM.StilespourrassurerEstherPalmer.Maisilnesemblaitpastrèsrassurélui-même.—Oui,renchéritThomasPierce,lepolicierestsûrementlàpourlibérerMmeClarring.— Un mari n’est pas un fils, monsieur Pierce, lança Sarah Burns, qui venait d’arriver avec

GeorgeAddimore.—Noussommesvenusaussivitequenousavonspu,ditM.Addimoreenfrissonnant.Ya-t-ildes

nouvelles?—Non, répondit laconiquement JohnNickols.Mais deux hommes sont entrés dans lamaison.

L’unétaitunpolicierenuniforme.L’autre,uncivil.Nouspensonsquec’étaitunmagistrat.—Ilyalongtempsdeça?demandaGeorgeAddimore.—Àpeinecinqminutes.—Qu’est-cequ’ellepeutbienpenserencemoment?soupiraThomasPierce.Ils levèrent tous lesyeuxvers la femmedont la silhouette sedécoupaitderrièreune fenêtredu

deuxièmeétage.—Quepenseriez-voussivousétiezséquestréeparvotremari?répliquaMarieHoppleworth.—Jenesuispasunefemme,réponditThomasPierce.—Pasbesoind’êtreunefemmepoursouffrird’êtreenfermé,rétorquaMarie.—Toutceque jevoulaisdire,mademoiselleHoppleworth,expliquaposémentThomasPierce,

c’est que jene risquepasdeme trouverun jourdans la situationdeMmeClarring, parceque lesfemmesn’emprisonnentpasleshommes.

—Ilyaplusieurssortesdeprisons,monsieurPierce,commentaunevoixféminine.C’étaitlabelleetfroideArdelleDennisonquivenaitdesejoindreàeux.Elleétaitencompagnie

deJosephManning,lesolideetmoustachufondateurduclubdesMessieursetdesDames.—Jepeuxvousassurerquedesfemmesemprisonnentdeshommestouslesjours,ajouta-t-elle.Suruntonmoqueur,JohnNickolsdemanda:—Siuntelmalheurm’arrivait,mademoiselleDennison,interviendriez-vousenmafaveur?—Interviendriez-vousenmafaveur,monsieurNickols?rétorquaArdelleDennison.—Oui,assura-t-il.—Moiaussi,dit-ellealors.MarieHoppleworthlevadenouveaulesyeux.Iln’yavaitpluspersonneàlafenêtredudeuxième

étage.Àsontour,ThomasPiercelevalesyeux.—PauvreRoseClarring,murmura-t-il.— Si encore elle avait pris un amant, comme les journaux l’en ont accusée, soupira Esther

Palmer,çaluiferaitunpetitlotdeconsolation.—C’estprécisémentcequ’elleafait,déclaraSarahBurns.

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Si Rose Clarring avait un amant, Marie Hoppleworth se demanda à quoi il pouvait bienressembler.

—Commentlesavez-vous?lança-t-elleàladoctoresse.C’estMmeHartquivousl’adit?Ils étaient tous là à la demande de FrancesHart, qui leur avait révélé queRoseClarring avait

quitté son mari le jour du procès, qu’elle avait été enlevée cinq jours plus tard et qu’elle étaitdésormais séquestrée. Il n’y avait aucune raison de penser qu’elle en avait dit davantage aux unsqu’auxautres.

—Jel’aivueavecJackLodoundevantlepalaisdejustice,affirmaSarahBurns.—Vousvoustrompezforcément,ditMarie.—Jenecroispas,mademoiselleHoppleworth,rétorquaSarah.C’étaientbieneux.Etilsavaient

l’airderoucoulercommedeuxtourtereaux.Soudain, le reporter duGlobe se mit à courir. Deux hommes le suivirent. Parmi eux, Marie

HoppleworthreconnutlejournalisteduDailyHerald.—Ilfautquej’yaille,décrétaJohnNickols,quin’avaitpasoubliéqu’ilétaitégalementreporter.

Écartez-vous,s’ilvousplaît,jeneveuxblesserpersonne.Ilouvritsonparapluieetlefixaaudossierdesonfauteuilroulant.Puisils’éloigna,l’eaufreinant

sesroues.Auloin,lebronzed’uncarillonrésonna.Uneheureavaitpassé.Ilétaitquatreheures.—Toutestprêt,annonçaMlleFredericks.EllesetenaitderrièreThomasPierce.Elleavaitl’airaussilugubrequeletemps.—Qu’est-cequiestprêt?demandaMarie.—Denouvellesamiesvontarriver.Desfillescourageuses,vousverrez.Nousallonsnousrelayer

toutesleshuitheuresafinqu’ilyaitdesgensicinuitetjour.—Vousavezfaitdubeautravail,mademoiselleFredericks,lafélicitaM.Pierce.—Jemedemandepourquoic’estsilong,maugréaArdelleDennison.Aumêmemoment,laportedelamaisons’ouvritetl’onvitd’abordunparapluie.Lasilhouettequeceparapluiesurmontaitétaitcelled’unhomme.Uncriretentit.—LibérezRose!JaneFredericksyavaitmistoutsoncœur.—LibérezRose!criaàsontourMarieHoppleworth.—LibérezRose ! scandèrent en chœur lesmilitantes pour le droit de vote des femmes et les

membresduclubdesMessieursetdesDames.LibérezRose!LibérezRose!Ils avaient attendu pour voir si le policier allait repartir avec Rose Clarring. Ils avaient leur

réponse.

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Jackn’avaitpus’empêcherdevenir.Assisaufonddelasalle,ilessayaitdeparaîtreimpassible.C’estlejugeauxgrosfavorisblancsetauxjouesrougesquisechargeadelalecturedujugement.—Cematin,commença-t-il,MeWhitcoxestvenunousdemanderdeciteràcomparaîtredevant

nous Mme Rose Clarring, afin d’établir si son mari, M. Jonathan Clarring, a commis des actesrépréhensiblesqui le rendent indigned’être le tuteur légaldesa femme.Uneordonnanced’habeascorpus est une arme puissante, qu’il ne faut pas utiliser à la légère. Elle doit servir à défendre lalibertéindividuellecontrel’arbitrairedel’État.Ellenedoitpasserviràs’interposerentredesépoux.Les liens du mariage sont sacrés. Le mari fait serment de protéger sa femme et d’empêcher laprofanationdeleurunion.Lestribunauxluigarantissentl’autoritépourcefaire.

»MeWhitcox a prétendu queM. Clarring détenait illégalement sa femme et que nous étionsdevantuncasdeséquestration.ÀlaquestiondesavoirsicetteaccusationestfondéeetsiM.Clarringestcoupablededétentionarbitraire,nousrépondons«non».Selonlesloisanglaises,lemaridominesur sa femmeet la femmeest soumiseaumari– et cela, sans équivoquepossible.C’estpourquoi,tandis que la séquestration d’un sujet par un autre est a priori contraire à la loi, s’il s’agit d’unefemmeenferméeparsonmari,lestribunaux,danstouslescas,ontstipuléqu’iln’yariend’illégalnid’illégitime.Unmari qui contraint sa femme à demeurer au domicile conjugal est dans son droit,pourvuqu’ilnefassepasmontredecruauté,qu’iln’imposeaucunmauvaistraitementetnefassepasun usage immodéré de la force. SiM. Clarring avait fait preuve de violence, nous l’accuserionsd’agression.MaisM.Clarringestrestédansleslimitesdelaloiens’emparantdeMmeClarring.

»LaditeMmeClarringestmembred’unsoi-disantclubdesMessieursetdesDamesquiadéfrayélachroniquerécemment.Cesgens l’ontencouragéeàcommettredesactescontrairesà la foi juréeentre époux, et il y a des raisons de croire que c’est à leur instigationqu’elle a quitté le domicileconjugal.Puisqu’on luiavaitenlevésafemme,M.Clarringavait ledroitde la récupérer,demêmequ’ilaledroitdelasoustraireàl’influencedeceuxquisèmentlazizaniedanssonménage.

»M.Clarringaprissoindesafemme.Ilaembauchéuneinfirmièrediplôméepourveillersurelle. Il l’a fait examiner par unmédecin de renom, lequelmédecin a attesté qu’elle était en bonnesanté. En conséquence, nous ne délivrerons pas un mandat d’habeas corpus, qui ne pourrait queperturber l’équilibre deMme Clarring en l’incitant à penser que la cour s’apprête à faire ce quejustementlacournes’apprêtepasàfaire,àsavoirlasoustraireàl’autoritédesonmari,auseulmotifqu’elleneseplaîtpasaveclui.

»Ainsi,conclutlejuge,MmeClarringsetrouvelàoùlaloiditqu’elledoitsetrouver,etelleyresteraaussilongtempsqu’ilplairaàsonmaridel’ygarder.

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Lestroisjugesselevèrent–leursrobesécarlatesparurentrougefoncé,couleurdesang.Delasoienoirebrilladanslalumièredeslampes:JamesWhitcoxvenaitdeseleveràsontour.Jackrestaassis,assomméparlasentence.JamesWhitcoxpivotaverslui.Saperruqueblancheencadraitsonvisage–levisaged’unhomme

quiafaittoutcequ’ilpouvait.«Jesuisavocatauconseildelareine,eut-ill’airdeluidire.C’estvousquisiégezauParlement.»Puisiltournalestalons.

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Rose,couchéesurlecôté,regardaittomberlapluie.Ellen’entendaitquedesbribesdecequelesgenscriaientdanslarue.Unofficierdepoliceétaitvenu.Elleluiavaitditqu’elleétaitretenuedanscettemaisoncontreson

gré.Ensortant,ilavaitrefermélui-mêmelaporteàclé!Jackl’avaitprévenue:Sivousvoulezdelapassion,ilfautquevoussoyezprêteàenpayerleprix.—CombienJonathanvousdonne-t-ilpourespionnersafemme,madameWilliams?lança-t-elle

d’unevoixmorne.Enplusdugîteetducouvert?—M.Clarringestgénéreux,réponditsimplementl’infirmière.Jonathan,généreux?Rosel’avaitpenséaussi,autrefois.Elleseredressabrusquement.L’infirmière,quiétaitentraindetricoter,s’arrêta.—Quefaites-vous?—Jevaismesoulager,madameWilliams.Çavousintéressederegarder?L’infirmièrebaissalesyeux;lesaiguillesàtricoters’agitèrentdenouveau.Roseallas’enfermerdanslasalledebains.Ellecraquauneallumetteetallumaunelampe.Auloin,lesgrossesclochesdebronzedeBigBensonnèrentcinqfois.Rose ouvrit le tiroir de la table de toilette, où se trouvait ce qu’elle était venue chercher : un

flacondelaudanumquelemédecindefamilleluiavaitprescritpoursoulagerquelquesdouleurs.Elle tira la chasse pour donner le change, se lava les mains et ressortit, le flacon de teinture

d’opiumcachédans lesplisdesa jupe.Elle futaccueillieparunebonneodeurdecuisine.Pendantqu’elleétaitdanslasalledebains,uneservanteavaitapportéledîner.

L’infirmières’assitd’uncôtéde la table ;Rose,enface.L’infirmière,mains jointes, têtebasse,marmonnalebénédicité.Rose,nevoyantaucuneraisonspécialederendregrâceàDieu,s’abstintdel’imiter.

L’infirmièresesaisitdesafourchette.—Jecroyaisquelapropretéallaitdepairaveclapiété,ditRose.MmeWilliamss’immobilisa.Roselaregardadanslesyeux.L’infirmièreavaitl’aird’unenfant

prisenfaute.Roseexpliqua:—Jevousprie,madameWilliams,d’allervouslaverlesmainsavantdemangeràlamêmetable

quemoi.Levisagedel’infirmièresecouvritdepetitspointsrouges.L’espaced’uninstant,Rosecrutqu’ellen’obéiraitjamais.

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Enfin, penaude et visiblement à contrecœur,MmeWilliams se leva et disparut dans la salle debains.

Lelaudanumcontenaitdel’alcool.Sasaveurneseraitpaspasséeinaperçuedansunverred’eau.Rosevidadonclepetitflaconsurlemorceaudeviandeetdanslasauce.

Lesbruitsd’eaudanslasalledebainscessèrentbrusquement,etMmeWilliamsrevint.Roseavaitàpeineeuletempsdereboucherleflaconetdelecacher.

L’infirmière s’assit de nouveau, le visage toujours rouge, s’empara de sa fourchette et de soncouteau,ets’attaquaàlaviande.

—Çaaundrôledegoût,dit-elleaprèslapremièrebouchée.—C’estdubœufbourguignon;audébut,çasurprend,commentaRose.—C’estfrançais?s’enquitMmeWilliamsavecunmélangedecuriositéetdedégoût.—Oui.—Iln’yapourtantriendemeilleurquelebœufanglais,décrétal’infirmièreavantd’avalerun

autremorceaudeviande.—Lebœufestanglais,précisacalmementRose.C’estlarecettequiestfrançaise.Elleexpliquacommentl’onpréparaitlebœufbourguignontandisque,unebouchéeaprèsl’autre,

MmeWilliamsvidaitsonassiette,quinecontenaitpourtantriendetrèsinsolite.Saufpeut-êtrelateintured’opium.Uningrédientqu’uneinfirmièreauraitdûconnaître.—Je suis fatiguée,déclaraRose lorsqueMmeWilliamseut finide saucer sonassiette. Jevais

m’allonger.Cinqminutesnes’étaientpasécouléesquel’infirmières’effondraitdanslegrandfauteuil.Aussitôt,Rosevintfouillerdanslapochedesontablier,oùellegardaitsesclés.L’infirmièrerouvritpéniblementlesyeux.—Vousm’avezdroguée,dit-elleavecl’élocutionlenteetlaborieused’univrogne.—Oui,admitRose.—Vousm’aveztuée?Rosecraignitd’avoirunpeuforcéladose.— Franchement, je n’en sais rien, répliqua-t-elle avant d’ouvrir la porte et de sortir dans le

couloir.Auboutducouloir,ilyavaitl’escalier.Cramponnéeàlarampe,ellecommençaàdescendre.Elle

connaissaitlamaisonparcœur,ellesavaitquelatroisièmeetladixièmemarchecraquaient.Detoutefaçon,iln’yavaitpersonnepourl’entendre.Desriresretentissaientdanslacuisine–lesdomestiquesétaiententraindedînerets’endonnaient

àcœurjoie.Unjour,peut-être,ellesouffriraitenconsidérantl’ingratitudedecesgensquin’avaientpaslevé

lepetitdoigtpourl’aider.Maispasmaintenant.Maintenant,elleallaitaffronterl’hommequ’elleauraitdûaffronterdouzeansplustôt.Sansbruit,ellepoussalaportedubureaudeJonathan.Ilétaitlà,assisdansungrandfauteuilàoreilles.Devantlui,surunetable,setrouvaientunecarafe

decognac,unverre,ungroscendrier,unjournal…Etunpistoletd’ungrismat.Calmement,Rosedemanda:—T’apprêtes-tuàmetuer,Jonathan?

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Ilrelevalatête.Lasouffranceassombrissaitsesyeuxetdéformaitsestraits.Cethomme,jadis,l’avaitfaitrire,l’avaitmêmerendueheureuse.Àprésent,iln’yavaitplusnibonheurnirire.Aussicalmementqu’elle,ilrépondit:—Noussouffronstrop.Ilvabienfalloirquecelacesse.

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Lecoupdecloche résonnadans lesonzecentsetquelquespiècesduParlement. Jackavaithuitminutespourentrerdans l’enceintede laChambredes lordsavantque leshuissiersne ferment lesportesàclé.

—Qu’allez-vous faire par là, Lodoun ? lui demandèrentmoqueusement les collègues députésqu’ilcroisaenchemin.LaChambredescommunes,c’estdel’autrecôté.

AuxabordsdelaChambredeslords,deshuissiersencostumed’apparatmontaientlagarde.—Voussavezoùjepeuxtrouverlegrandchancelier?demanda-t-ilaupremierqu’ilvit.—Sivousnelesavezpas,cen’estpasàmoidevousledire,réponditl’huissieravecarrogance.Jacksefaufilaentredesbancsdecuir rouge.LaChambredes lordsétaitaussi fastueuseque la

Chambredescommunesétaitaustère.Ilpassadevantletrôneimmense,surmontéd’undaisdeboisdorérichementouvragé.Enfin, il arriva devant la porte qu’il cherchait.Cette portemarquait la limite entre les simples

mortelsetlahautenoblesse.Jackentra.Deshommessetrouvaientlà,vêtusderougeetemperruqués.Ilsconversaientàmi-voixetriaient

doucementderrièreleurmain.—Monsieur,vousn’avezpasledroitd’entrerici!criaunhuissierenseprécipitantversJack.Jackesquival’huissier,quin’osapasletoucher.—Monsieurlegrandchancelier?L’interpelléseretourna.C’étaitunancienjugeetàprésentavocatgénéralàlaCourdecassation–

autrement dit, le plus puissant magistrat de la plus puissante cour d’Angleterre. Il détestait lesincidents.AyantreconnulenotoireJackLodoun,illeregardaavecdédain.

—Commentosez-vous,monsieur,pénétrerdanscetteenceinte?Jackécartad’unebourradelesdeuxhuissiersquicherchaientàluibarrerlepassageetcontinua

hardimentd’avancer.Lesconversationsetlesrirescessèrent.—J’aiunequestionàvousposer,milord.Jackparlaitd’unevoixincroyablementénergique:l’énergiedudésespoir!—Cen’estnilelieunil’heure,répliquasèchementlegrandchancelier.—Je crois le contraire, affirma Jack.Quelqu’unest endanger, le tempspresse etvous êtes le

seul,milord,àquijepuissedemanderdel’aide.Celapiqualacuriositédulord.—Dequoiparlez-vous,monsieur?

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—Troismagistratsde lahautecourde justiceontdécidécematinqu’unAnglaisavait ledroitd’enleveretdeséquestrerunautreAnglais,pourvuquecederniersoitunefemmeetqu’ellesetrouveêtrelalégitimeépousedupremier.Milord,sij’aiindûmentforcélaportedecesanctuaire,c’estafindevousdemanderdetrancherunequestioncrucialepourlestreizemillionstroiscenttrente-quatremillecinqcentdix-septpersonnesdesexefémininquecompteaujourd’huil’Angleterre.

—Jevousécoute.—AupaysdelaGrandeCharte,unmaria-t-ildavantagededroitssursafemmequelareinen’en

asurleplushumbledesessujets?

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—Jet’aiaiméedèslapremièreseconde,Rose,murmuraJonathan.Tescheveuxbrillaientcommedel’orenfusion.Tuétaissiadorable,simaternelleavectespetitsfrères!J’ai toutdesuitesuquec’étaittoiquejevoulaispourêtrelamèredemesenfants.

Rosesesouvintque le soleilavaitbrillé sur leurbonheur–comme ilpleuvaitaujourd’hui surleurmisère.

—Tuvoulaisdemoipourêtrelamèredetesfils,rectifiaRose.Unedemi-douzainedechenapanscommesespetitsfrères.—J’avaisquatresœurs,ditJonathan.Ça,Roselesavaitdéjà.—Etj’aieucinqfrères.Ça,parcontre,Rosel’avaitignoré.—Tousmort-nés,ajoutaJonathan.Mamèrevenaitd’unefamilledefemmes.Ellen’ajamaisété

fichuedemettreaumondeungarçonvivant.—Sauftoi?fitobserverRose.—Moi?Maisjesuisnéàsixmoisetdemi,toutviolet,toutracorni,plusmortquevif…Sij’ai

survécu,c’estparmiracle.Roseavaitsouffertdenepascomprendre.Maintenantqu’ellecomprenait,c’étaitpire.—Etc’estpour çaque tum’aschoisie,murmura-t-elle.Parceque,dansma famille,on faisait

surtoutdesgarçons.—As-tupleuréquelquefoissurlesenfantsquenousn’avonspaseus?—Sij’aipleuré,c’estparcequetunem’aimaispas.Jonathanpoussaunsoupiretbutunegorgéedecognac.—Ohsi,jet’aimais!Tun’imaginespascequej’aipusouffrir,seuldansmonlit,duranttoutes

cesannées.—Tupouvaismerejoindredanslemien,repartitRose.Pourquoinel’as-tupasfait?Jonathanneréponditrien.Inutile.Elleavaitcompris.—Tum’asdélibérémentprivéedetonamourpourquejeprenneunamant,c’estça?—Oui.—Unamantquimeferaitunenfant?—Oui.—Unenfantquejeramèneraisàlamaisonpourquenousl’élevionsensemble?Unefoisencore,Jonathannecherchapasànier.

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—Ettuappellesçadel’amour?s’emportaRose.UnéclairdedouleurpassadanslesyeuxdeJonathan,lesyeuxvitreuxd’unhommeàdemiivre.—Tucroisqueçameplaisaitdet’imaginerdanslesbrasdetonamant?Rosebaissalesyeux.—Pireencore! repritJonathan.Tucroisqueçameplaisaitde t’imaginerdans lesbrasde ton

amantalorsquetunerisquaismêmepasd’êtreenceinte?—Quoi?—Jesavaisquetuportaisundispositifpouréviterça.Roserestabouchebée.Àlaréflexion,iln’avaitpaseul’airétonnéquandleDrWeinbergeravaitretirélediaphragme.—Commentl’as-tusu?demanda-t-ellelorsqu’elleeutrecouvrél’usagedelaparole.—Tuaslaissétropd’argentaumédecin,expliquaJonathan.Ilm’arenvoyéletrop-perçuàmon

bureau,assortidelafacture.Rose revit la scène.Le chiffre gribouillé avait donc bien été un 3 – comme l’avait supposé la

femmedugynécologue–etnonun8.Elleavaitpayéenespècesetn’avaitpaslaisséd’adresse.Mais,dansleGlobe,sesouvint-elle,ilsavaientditqueJonathantravaillaitàlaBourse.—Quandas-tureçucecourrier?—Hiermatin.—Etc’estcequit’adécidéàagir?—Oui.Jen’allaispascontinueràendurerlesaffresdelajalousiedèslorsquejen’avaisaucun

bénéficeàescompter.Ilparlaitbiencommeunagentdechange!—Oùas-tuputeprocurerdeuxhommesdemainensipeudetemps?demandaRose.—Dansleservicedesécuritédelafirme.—Et,lorsquetulesasengagés,tuavaislesentimentdem’aimer?Jonathandétournalatête.—Tulesasregardésm’enlever!—Jeleuravaisditdenepastefairelemoindremal.—J’aidesbleuspleinlesbras,dit-elleenexagérantunpeu.Jonathanattrapalacarafedecognacetseresservit.Généreusement.—J’aibiencruquetuallaismefaireenfermerdansunemaisondefous.—Jeneteferaijamaisça,Rose,voyons!—Tuas faitbienpire.Tum’asconsidéréedès ledébutcommeunmonceaud’organesdont tu

pouvaisespérersortirdesfils!—Tusavaisquejevoulaisdesenfants,Rose.—Jevoulaisjusteêtreaimée.Enfin,iltrouvalecouragedelaregarderdenouveau.Ilavaitl’airaussitorturéqu’elle.—Accorde-moiledivorce,Jonathan.Elleseretintd’ajouter:«Jet’enprie!»Jamais plus elle ne s’abaisserait à supplier cet homme qui l’avait trahie de toutes les façons

possibles et imaginables. Il lui avait fait dire par son frère qu’il lui pardonnait. Elle, elle ne luipardonneraitjamais.

—C’estimpossible,ditJonathand’unevoixlugubre.—Pourquoi?

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—Parcequetuvascontinueràprendredesamants,etlesdiaphragmesnesontpassûrs.Unjourou l’autre, tu tomberas enceinte et, tant que tu seras ma femme, tes enfants seront légalement lesmiens.Laloiestclairelà-dessus.Quandunefemmemariéeaccouche,lepère,c’estlemari.

Rosemesural’abîmequilesséparait.—Tun’aurais pas peur que tes collègues semoquent de toi ?Unhommeobligé d’enlever sa

femme?Unefemmeenceinted’unautrehomme,par-dessuslemarché?ajouta-t-elleavecunepointedecruauté.

—Ilssemoquentdéjàdemoi,répliquaJonathand’unevoixterne.Mariédepuisdouzeans,etpasd’enfant!

RosesesouvintdujouroùJackavaitdit:C’estunecurieusemaniedevouloiràtoutprixuneprogéniture.—Vois-tu, Jonathan, certaines nuits j’ai haï la maladie qui t’a rendu stérile…mais, certaines

nuits,c’esttoiquejehaïssais.—Tusaiscequ’ondit?rétorquamollementJonathan.Lahaine,c’estl’enversdel’amour.—Onatort.Lahaine,c’estdelahaine,desdeuxcôtés.Jonathandevintblanccommeunlinge.—Alors, finissons-en, dit-il, au comble de la détresse. Prends ce pistolet, braque-le sur moi,

tiens-lefermementetappuiesurladétente.Pournotrebienàtouslesdeux,fais-le.Ellesesouvintd’uneautrechosequeJackavaitdite:Aucunavocatnevousobtiendrajamaisledivorce.Pourvousdébarrasserdevotremari,jenevois

pasd’autresolutionquedel’assassiner.Maisilavaitplaisanté.Ellerepensaauxmomentsd’intimitépartagésavecJack.EtàJonathan,quinelarejoignaitplus

danssonlitdepuisdouzeans–toutcelaparcequ’aucunefemmenepeuttomberenceinted’unhommestérile!

Jonathanluiavaitinfligédouzeannéesdesolitude,pourdesraisonsquinepouvaientavoirgerméquedansunespritdérangé.

Jonathanl’avaitfaitenleverpardesbrutes.Jonathanl’avaitfaitviolerparlespéculumd’unvieuxmédecin.D’unemainquinetremblaitpas,ellepritlepistolet,empoignasolidementlacrossedécoréede

plaquettesd’ivoireetglissal’indexdanslepontet.—Jenet’accorderaijamaisledivorce,déclaraJonathanavecdétermination.Jetesuivraipartout

oùtuiras.Quandtuserasenceinte, jelesaurai.Jeteferaienleveraumomentoùtut’yattendraslemoins.J’élèveraitonenfantcommesic’étaitlemien.Parcequejet’aime.

—Etlaloitedonneraitencoreunefoisraison?gronda-t-elle.—Oui.C’est pourquoi tu n’as pas trente-six façons d’être libre,Rose,mais une seule.Vise le

cœur,machérie!RosesesouvintdesparolesdesamèredanslefiacreenallantchezWhiteley:L’essentielestdefairecequ’ondoitfaire,quoiqu’ilpuisseencoûter.Etelleappuyasurladétente.

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Aupremiercoupdefeu,lecœurdeJackcessadebattre.Audeuxième,ilrepoussalemajordomequibouchaitlaporte.Autroisièmecoupdefeu,ilentraencourantdanslamaison.

Auquatrièmecoupdefeu,ilouvritlaportedubureau.Aucinquièmecoupdefeu,ilsefigea.Delafumées’échappaitparlecanond’unpetitpistolet.LepetitpistoletquisetrouvaitdanslamaindeRose.—Lafillequetuasaimée,Jonathan,tul’astuée,ditcalmementRose,commesicen’étaitpaselle

quitenaitlepistolet.JonathanClarringétaitblanccommeunmort.Raidecommeunmort.Maisvivant.—J’auraitoujourslanostalgiedubonheurquenousaurionspuconnaître,repritRose,maissitu

souffres,cen’estpasmafaute.Lesolétaitjonchéd’éclatsdeverre.Jackserenditcomptequ’elleavaittirédanslemiroir,danslavitrinedelabibliothèque,dansla

fenêtre–partoutoùelleavaitvulerefletdesonmari.—Jenetepardonneraijamais,ajouta-t-elleenreposantlepistoletàl’endroitoùellel’avaitpris.

Àpartirdemaintenant,tuesmortpourmoi,Jonathan.Jamaisplustunemeferassouffrir.Jackdoutaquecefûtvrai.Rosesouffrirait toujourspourJonathan,demêmequelui-mêmenecesserait jamaisdesouffrir

pourCynthiaWhitcox.Ils’approcha,pritlajeunefemmedanssesbrasetluiembrassalescheveux.Ilavaitfaillilaperdre.Lesyeuxfermés, ilhumasonparfum–cemélangesubtil,àmoitiésuave,àmoitiépoivré,qui

n’appartenaitqu’àelle.—Ramenez-moi,s’ilvousplaît.Pendantcetemps,surlevisagedeJonathanClarring,sepeignaitlastupeur.Ilprenaitlamesure

du désastre qu’il avait provoqué. Il avait tout perdu.Rose l’avait aimé, l’aimait peut-être encore –maiscen’étaitpasluiqu’ellechoisissait.

—Lejugementdelahautecouraétécassé,annonçaJack,assezfortpourqueJonathanClarringl’entende. Plus aucun homme n’aura le droit d’enfermer sa femme, nimême d’entraver sa libertéd’alleretvenir.

Clarringrestasansréaction.

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JackembrassaRosesurlatempe,avantdelalâcher.—Partonsd’ici,dit-elle.Lamainaucreuxdesesreins,Jacklaguidahorsdelapièce.Unefoisdanslecouloir,Roses’arrêta,l’incitantàs’arrêteraussi.—VousvenezdedirequeJonathann’aplus ledroitdemecontraindreàhabiter ici,c’estbien

ça?—C’est bien ça, confirma-t-il en lui caressant la joued’unemainqui tremblait unpeu.La loi

n’estpasunfossile.Elleestvivante.Ellepeutchanger.Etc’estprécisémentcequivientd’arriver.—Grâceàvous,ditRose.—EtàJamesWhitcox,précisaJack.Lemaridesonanciennemaîtresse.—Maissurtoutgrâceàvous,conclut-il.Rosefermalesyeux.—Jevoulaisvraiment le tuer,avoua-t-elleenseblottissantcontre lui. J’ai l’impressionqu’ila

essayédemepousseràboutpourqueje lefasse.Iladitquelesdiaphragmesn’étaientpassûrs,etqu’un jour ou l’autre je finirais bien par tomber enceinte. Il a dit que c’était pour ça qu’il nedivorceraitjamais,pourêtrelégalementlepèredemesenfants.

Jacklaserrafortcontrelui.—Uneséparationdecorpsvousaffranchiradelatutelledevotremari,vous…etlesenfantsque

vouspourriezéventuellementavoir.—MaisleParlementnem’accorderajamaisledivorce?Sanss’enrendrecompte,elleenfonçasesonglesdanslapeaudesoncou.Jackignoraladouleur.—Tôtoutard,jevousobtiendrailedivorce,promit-il.—Quandilsaurontchangélaloi?—Oui.—Et,pourça,ilsattendrontqu’unmarienlèvesafemme,labatte,lamutile,latue…—C’estàcraindre,admitJack.RoseglissalesmainssouslemanteaudeJacketluicaressaledos.—J’aipeut-êtretuél’infirmière,dit-elle.—Comment?—Laudanum.—Oùest-elle?—Dansmachambre.Ausecondétage.Àgaucheaufondducouloir.—Nebougezpasd’ici.À regret, il lâcha Rose et monta l’escalier quatre à quatre. En entrant dans la chambre, il fut

accueilliparuneodeurdecuisine.L’infirmière,reconnaissableàsonbonnetblanc,étaitavachiedansunfauteuil.

Elleronflaitcommeunsonneur.Surmontantsondégoût,Jackluipalpalecou,cherchantlacarotide.Lepoulsétaitnormal.LageôlièredeRosen’étaitpasprèsdemourir.Jackpoussaunsoupirdesoulagementetredescenditl’escalieraussivitequ’ill’avaitgrimpé.Rosen’avaitpasbougédel’endroitoùill’avaitlaissée.Maisellen’étaitplusseule.Autourd’elle,

ilyavaitsonpère,samère,sescinqfrèresetquelques-unesdesesbelles-sœurs.FrancesHartetJamesWhitcoxétaientlàaussi,unpeuàl’écart.Toutcepetitmondeétaitemmitouflédansdesmanteauxsombresetdégoulinantsdepluie.

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JacketWhitcoxéchangèrentunregard.Entreeuxpassalefantômed’unefemmeenroberouge.Les parents de Rose s’écartèrent afin que Jack puisse prendre place auprès de la femme qu’il

aimait.