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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE Étude 2016

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POURPLUS DE JUSTICEFISCALE

Étude 2016

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Avant-propos 5

Partie I - L’impôt : Pourquoi ? C’est quoi ? 6

1. Les objectifs et caractéristiques de l’impôt 61.1. L’impôt : Pourquoi ? 61.2. L’impôt : C’est quoi ? 111.3. Les recettes fiscales et parafiscales en Belgique 12

2. L’impôt sur les personnes physiques 152.1. Un système progressif 152.2. Les revenus du capital 18

3. L’impôt des sociétés 213.1. Quel taux d’imposition ? 213.2. Les déductions fiscales 21

4. L’évasion fiscale 234.1. Définitions 234.2. Les paradis fiscaux 234.3. L’optimisation fiscale des multinationales 24

5. En guise de conclusion 27

Partie II - Un bon impôt, c’est quoi ? 28

1. Un objectif de bien commun 28

2. Quelles dépenses publiques ? 292.1. Les biens non-exclusifs 302.2. Les biens avec effets externes 322.3. L’accès au marché pour les plus précarisés 33

Sommaire

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L a Commission Justice et Paix s’est donné pour objectif d’étudier le rôle de l’impôt et de la justice fiscale en Belgique. C’est sans prétention technique mais avec pleine prétention politique qu’elle soumet aux citoyens ces

quelques pages sur les enjeux de la fiscalité.

Cette démarche, qui s’inscrit dans sa mission de service d’éducation permanente, a un triple objectif : “comprendre, critiquer, agir”, objectifs qui correspondent aux trois parties de cette étude sur la justice fiscale.

La première partie de l’étude “L’impôt : Pourquoi ? C’est quoi ?” introduit les caractéristiques et enjeux principaux de la fiscalité belge et internationale. Son objectif est d’aider le citoyen à comprendre la nature et le fonctionnement du système fiscal belge.

La deuxième partie a pour objectif d’amener le citoyen à critiquer, dans une logique d’éthique et de service du bien commun, la fiscalité belge et internationale. Plus précisément, elle tente d’identifier les conditions qu’un système fiscal doit remplir afin qu’il engendre une contribution juste et efficace de tous les contribuables et tous leurs revenus, et garantisse un meilleur bien-être de la société dans son ensemble, et de chacun de ses membres individuellement. Autrement dit, cette partie essaye de répondre à la question suivante : “Un bon impôt, c’est quoi ?”.

La troisième et dernière partie propose dix recommandations qui permettraient d’agir en vue d’une plus grande justice fiscale en Belgique et en Europe. L’objectif est de les promouvoir afin de modifier les dispositions en vigueur via des initiatives de plaidoyer au sein de la société civile et du monde politique.

Bonne lecture !

Elise Kervyn, le groupe de travail “Éthique dans l’Économie et la Politique“(Ignace Berten, Guy Cossée de Maulde, Ferdinand d’Oultremont, Marcel Gérard,

Edouard Herr, Jean Hinnekens, Paul Löwenthal, Vincent Marchand, Alick Sytor, Baudouin Van Male), Alexandra Culin et Géraldine Duquenne.

Avant-propos3. Un bon impôt : Des critères à remplir 353.1. Un bon impôt doit être équitable 353.2. Un bon impôt doit être efficace 403.3. Un bon impôt doit être régulateur 403.4. L’impôt doit avoir une visée démocratique 413.5. Un bon impôt doit respecter le principe de subsidiarité 41

4. En guise de conclusion 43

Partie III - Dix recommandations 44

1. Une justice fiscale pour les citoyens 44 1. Une globalisation réelle des revenus 44 2. Évaluation adéquate des revenus 45 3. Inclusion de tous les revenus 45 4. Une imposition équitable 46 5. Simplification du système fiscal 46 6. Informer et motiver la population 47

2. Une justice fiscale pour les sociétés 47 7. Révision des déductions fiscales excessives 47 8. Instauration d’une imposition supplémentaire pour

les institutions financières 48 9. Coordonner les politiques fiscales au niveau européen 49 10. Lutter contre l’évasion fiscale 50

Conclusion 52

Références – Aller plus loin 53

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1.1. L’impôt : Pourquoi ?

L’impôt remplit quatre rôles pour la société : un rôle financier, un rôle social, un rôle économique et un rôle démocratique.

Le premier rôle de l’impôt est financier. Historiquement, l’impôt existait en vue de subvenir aux besoins du pouvoir en place et de financer quelques services de base comme l’armée et la justice. Au fil du temps, la gamme de biens et services financés par l’impôt s’est élargie. À présent, les recettes générées par l’impôt permettent aux pouvoirs publics de fournir non seule-ment les services régaliens (c’est-à-dire la police, la justice, les affaires étrangères, la

PARTIE IL’IMPÔT : POURQUOI ? C’EST QUOI ?

défense, la monnaie) mais également une série de services publics comme la santé, l’enseignement, les transports publics ou la sécurité sociale.

L’impôt remplit également un rôle so-cial car il est capable de redistribuer les revenus entre les différents groupes d’une société ; comme par exemple des riches vers les pauvres, des bien portants vers les malades, ou des travailleurs vers les chercheurs d’emploi.

L’impôt a un rôle économique car il est capable d’inciter les comportements des citoyens et des sociétés dans la poursuite d’un certain objectif, comme par exemple

taxer les cigarettes pour décourager la consommation de tabac préjudiciable à la santé, subventionner les entreprises vertes pour encourager la protection de l’environnement, déduire de l’imposable les coûts ou les revenus de certaines activités économiques pour attirer des entreprises multinationales sur son territoire, etc.

Enfin, l’impôt a un rôle démocratique. En incluant les citoyens dans le processus de financement des biens publics, l’impôt oblige le gouvernement à rendre des comptes aux citoyens. Via ce contrôle par le citoyen, le processus démocratique se voit renforcé.

Les dépenses publiques en Belgique

Via son rôle financier, l’impôt sert donc à fournir un ensemble de services qui contri-buent à la qualité de la vie des citoyens. L’en-semble des dépenses faites par un État dans ce but sont appelées dépenses publiques.

En Belgique, les dépenses publiques ont atteint plus de 220 milliards d’euros en 2014 1. Comparé aux autres pays européens, ce montant est important. En effet, la Bel-

La première partie de cette étude a pour objectif de situer la fiscalité dans son contexte afin d’aider le citoyen à comprendre la nature et le fonctionnement du système fiscal belge.

Cette partie commence par identifier les caractéristiques principales de l’impôt : de quoi il s’agit, pourquoi l’impôt existe, qui y contribue, com-ment on en est arrivé à la situation présente et comment la Belgique se compare avec les autres pays européens. Ensuite, cette partie présente les différents enjeux auxquels fait face la fiscalité belge notamment en matière d’évasion fiscale.

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1. Les objectifs et caractéristiques de l’impôt

1- Sauf mention du contraire, l’ensemble des données de cette étude provient de la base de données d’Eurostat.

Dépenses publiques totales (2014, en % du PIB)

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Qui est l´État ?

Dans cette étude, le mot “État” fait référence aux pouvoirs pu-blics en général.

Habituellement il s’agira des pou-voirs publics d’un pays : ainsi, en Belgique, l’État fédéral. Mais il peut éventuellement aussi in-clure les entités fédérées (régions, communautés, etc.), divisions administratives (communes, etc.), voire l’Union européenne.PO

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gique est proportionnellement (c’est-à-dire par rapport au PIB – voir encadré de la page suivante) le quatrième pays qui dépense le plus en Europe avec des dépenses publiques atteignant 55% de son PIB derrière la Fin-lande (58%), la France (57%) et le Danemark (56%), ce qui est significativement plus que la moyenne européenne (46%).

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Partie I

Structure des dépenses publiques (2014, en % du Total)

Structure des dépenses publiques (2014, en % du PIB)

Sécurité Sociale Service généraux Affaires économiques,

Enseignement Défense, Ordre, Sécurité Autres (Environnement, Logement, Culture

Moyenne européenne Belgique

Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la structure des dépenses publiques. Au cours des dernières années, la crise écono-mique a eu une influence importante sur les dépenses publiques belges. Néanmoins, la hausse du ratio des dépenses publiques (en % du PIB) à partir de 2009 s’explique principalement par le ralentissement éco-nomique (baisse du PIB).

Le graphe en camembert ci-contre permet de comprendre la situation d’aujourd’hui. Attention, contrairement au graphe précé-dant, les données sont en pourcentage du total des dépenses publiques et non du PIB. Les données en pourcentage du PIB sont fournies dans le graphe de la page suivante.

La sécurité sociale constitue le poste le plus important ; elle inclut les pensions, les allocations-maladie, les allocations de chômage, les allocations familiales et le financement des soins de santé. Le but de ce poste est de permettre à tous les citoyens d’avoir un niveau de vie décent et d’avoir accès aux droits élémentaires.

Le financement des services généraux des administrations publiques constitue le deu-xième poste. Ce poste inclut notamment le fonctionnement des institutions (parlements, chambre des députés, sénat, cabinet du gouvernement général, cabinet du roi, etc.), l’aide extérieure, les opérations liées à la dette publique et la recherche et le développement. Les postes suivants sont les affaires écono-miques (transport, soutien à l’économie, etc.), l’enseignement et la défense.

Le système belge fournit davantage de biens publics que d’autres pays d’Europe – notamment en termes de sécurité sociale puisque 28% du PIB y sont consacrés, contre 23% de moyenne européenne.

La Belgique : Un enfer fiscal ?

À l’heure actuelle, les Belges se voient répéter qu’ils sont parmi les plus taxés dans l’Union européenne. Telle quelle, cette affirmation n’est pas fausse, la Belgique est en effet un pays fortement taxé puisque son ratio recettes fiscales/PIB est important. Néan-moins, il s’agit de contextualiser ce propos.

Premièrement, être un pays fortement taxé est un signe de prospérité et de développe-ment économique. En effet, selon un rapport

de la Banque Mondiale (2011), augmenter le ratio des recettes fiscales/PIB serait un signal de développement économique et social.

Ensuite, un pays plus taxé peut vouloir dire un pays où davantage de services sont fournis par le gouvernement (voir plus haut le gra-phique “structure des dépenses publiques” donnant la part des dépenses publiques dans le PIB). C’est le cas de la Belgique qui accorde 28% de son PIB à la sécurité sociale, contre 23% de moyenne européenne.

Dans le système américain, par exemple, l’essentiel du secteur de la santé n’est pas contrôlé par les États mais par des assurances privées. Il y a donc moins d’impôts et de cotisations sociales mais plus de dépenses privées. Au final, ce système s’avère plus coûteux puisque la somme des dépenses faites par les ménages américains en matière de santé atteint près de 16,4% du PIB en 2013 - contre 10% chez les ménages belges (OCDE 2, base de données). Par ailleurs, ce système est peu équitable en matière d’ac-cès aux soins puisque 15% des citoyens ne sont pas assurés (US Census Bureau, 2008).

Évolution de la structure des dépenses publiques (1995-2014, en % du PIB)

Total des dépenses Sécurité Sociale Services généraux Affaires économiques

Enseignement Défense, Ordre, Sécurité Autres (Environnement, Culture, etc.)So

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Source : Base de données d’Eurostat

51%

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13%

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2- Organisation de coopération et de développement économiques.

Le produit intérieur brut (PIB)

Le PIB mesure la production éco-nomique réalisée à l’intérieur d’un pays. Il s’agit de la valeur monétaire de l’ensemble des biens et services nouvellement produits (et recensés) dans un pays au cours d’une année.

Le PIB est en quelque sorte le thermomètre qui sert à mesurer la création de richesse, permet d’évaluer la situation écono-mique d’un pays dans le temps (une variation positive du PIB d’une période à l’autre reflétant une croissance économique) et d’établir des comparaisons entre pays.

Pour plus d’infos, lire l’étude “Et si l’économie nous parlait du bonheur ?” de la Commission Justice et Paix.PO

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Quelques définitions

Le contribuable correspond à toute per-sonne physique (le citoyen), tout ménage de personnes physiques (les personnes physiques habitant sous le même toit) ou toute personne morale (la société) qui doit payer les impôts.

La base imposable correspond au montant sur lequel est appliqué le taux de l’impôt.

Les déductions fiscales sont des avantages fiscaux qui sont accordés au contribuable avant le calcul de l’impôt. Ils permettent de réduire la base imposable.

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Enfin, en élisant démocratiquement un gouvernement qui le taxe plus, le ci-toyen belge choisit que son pays, plus que d’autres, fournisse à ses habitants un grand nombre de services publics à charge de la collectivité. Ainsi, être un pays fortement taxé n’est pas l’aveu d’un

pays inefficace devenu un enfer fiscal, c’est un choix politique pour une plus grande solidarité. Néanmoins, des taxes élevées peuvent également cacher des poches d’inefficacité ignorées des électeurs.

Au sens large, la fiscalité inclut les im-pôts directs, les impôts indirects et les cotisations sociales. Les points suivants reprennent leurs caractéristiques en bref – les impôts directs sont abordés plus en profondeur par la suite car ils sont au centre de cette étude.

L’impôt direct

L’impôt direct correspond aux contribu-tions financières qui sont dues par tout contribuable (définition dans l’encadré jaune). C’est un impôt qui s’ajuste à la situation du contribuable. Il y en a deux grandes catégories :

L’impôt des personnes physiques (IPP) est un impôt sur les revenus (générés en Belgique ou à l’étranger) des résidents en Belgique et sur les revenus (générés en Belgique) des non-résidents, diminués d’une série de déductions fiscales.

L’impôt des sociétés (Isoc) est un impôt sur les bénéfices (générés en Belgique ou à l’étranger) des sociétés résidentes en Belgique, diminués d’une série de dé-ductions fiscales.

L’impôt indirect

L’impôt indirect est associé à une opé-ration, indépendamment de la situation (niveau de revenu, charges de famille, etc.) des contribuables. Ainsi, le taux de la taxe dépend uniquement de l’objet de la transaction et pas des caractéristiques des contribuables impliqués.

En plus des impôts indirects divers comme les droits de douane, l’impôt indirect se décline en deux grandes catégories : la taxe sur la valeur ajoutée et les accises.

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) consti-tue la principale taxe sur la consommation de biens et services. Il s’agit d’une taxe qui porte sur la valeur d’un bien ou d’un service (un pourcentage de son prix). Le taux de la TVA dépend uniquement de l’objet de la transaction et ne dépend donc pas des caractéristiques des personnes physiques et morales impliquées dans la transaction. Quels taux sont appliqués ?

◗ Biens de première nécessité (médica-ments, journaux, fruits, légumes, etc.) et services à caractère social (établissements handicapés, transports, etc.) : 6%

◗ Biens (margarine, chambres à air, etc.) et services (logement dans le cadre d’une politique sociale, etc.) importants d’un point de vue économique ou social : 12%

◗ Opérations se rapportant à des biens ou à des services non dénommés ailleurs (voitures neuves, appareils ménagers électriques, etc.) : 21%

Partie I

Le système fiscal est le résultat d’un choix politique ! Le gouvernement soutenu par une majorité parlementaire, elle-même émanant des citoyens électeurs et contri-buables, décide de :

◗ L’ampleur des recettes de l’impôt ◗ La manière de constituer l’impôt : type

d’impôt (IPP, Isoc, etc.), secteur taxé (agri-cole, manufacturier, etc.), etc.

◗ Les rôles de l’impôt à privilégier : finan-

cier, social, économique tout en assurant le rôle démocratique.

Normalement, ces décisions doivent d’une part dépendre des besoins et des capacités de financement des citoyens et d’autre part tenir compte des préférences de ceux- ci. Le citoyen doit donc s’informer sur les décisions et actions de son gouvernement, et s’assurer qu’il est en accord avec ces dernières.

Le “tax freedom day”, “jour de la libération de l’impôt” est un concept médiatique qui dé-signe le jour de l’année à partir duquel les ci-toyens d’une nation ont théoriquement payé l’entièreté de leurs impôts et commencent à travailler pour leur propre compte. Le tableau ci-dessous donne quelques exemples dont la Belgique qui aurait été libérée de l’impôt le 5 août en 2012.

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NLe système fiscal est le résultat d’un choix politique !

Le T-Day: Tax freedom day

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Pays T-Day Jour de l’annéeMalte 11 Avril 101e jour

Grèce 31 Mai 151e jour

Allemagne 12 juillet 193e jour

France 26 Juillet 207e jour

Belgique 5 Août 217e jour

1.2. L’impôt : C’est quoi ?

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Source : Belgium.be - Informations et services officiel

Bien qu’intuitif, ce concept n’est pas per-tinent. Premièrement, il ignore qu’avant le jour du “tax freedom day”, le citoyen travaille déjà en partie pour son propre compte puisqu’il bénéficie d’un ensemble de services (enseignement, santé, chômage, etc.). Ensuite, il ne prend pas en compte la quantité et la qualité des services fournis par un État. Il n’est donc pas possible d’arriver à une quelconque conclusion en comparant le “tax freedom day” de deux États.

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Les accises constituent une autre taxe sur la consommation de biens et services. Alors que la TVA porte sur la valeur d’un bien ou d’un service (un pourcentage de son prix), le montant des accises porte sur une quantité : par exemple X euros sur un paquet de cigarettes, sur un litre de carburant, sur un litre de boisson alcoolisée (selon le degré), etc. Les taux pour les droits d’accises varient en fonction du produit concerné (tabac, alcool, énergie).

Les cotisations sociales

Les cotisations sociales sont des prélève-ments sur les salaires. Elles sont associées au financement de prestations sociales.

Alors que les impôts doivent respecter la “généralité de l’impôt”, ce qui implique qu’ils ne financent pas une contrepartie précisément définie mais qu’ils doivent contribuer de façon générale aux dépenses de l’État, les cotisations sociales donnent droit à une contrepartie relativement pré-cise et importante : une sécurité sociale.

En effet, les cotisations sociales sont in-tégralement reversées aux salariés, soit sous forme de salaire différé (pension et

prépension), soit sous forme de redistri-bution entre salariés (chômage, soins de santé, allocations familiales, indemnités pour maladies professionnelles, etc.).

Néanmoins, bien que les recettes des cotisations sociales soient exclusivement dédiées à la sécurité sociale, elles ne suf-fisent pas à la financer entièrement. L’État puise donc également dans les impôts pour subvenir à ces dépenses.

Dans le jargon des experts, les cotisa-tions sociales sont qualifiées de “recettes parafiscales” tandis que les impôts sont qualifiés de “recettes fiscales”.

1.3. Les recettes fiscales et parafiscales en Belgique

Les recettes fiscales et parafiscales belges ont atteint plus de 190 milliards d’eu-ros en 2014 – ce qui représente environ 47,9% du PIB belge. La Belgique tient donc la troisième place en Europe der-rière le Danemark et la France, ce qui est significativement plus que la moyenne européenne (36,9%).

Partie I

Évolution de la structure des recettes fiscales et parafiscales (1965-2014, en % du PIB)

Cotisations sociales TVA, accises et impôts indirects

IPP ISOC Autres impôts directs

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Recettes fiscales et parafiscales totales (2014, en % du PIB)

Source : Base de données d’Eurostat

IPP ISOC Cotisations sociales

TVA et autres impôts indirects

Source : Base de données de l’OCDE

Source : Base de données d’Eurostat

Structure des recettes fiscales et parafiscales (2014, en % du total)

Le graphique ci-dessus montre l’évolu-tion de la structure des recettes fiscales et parafiscales de la Belgique depuis les années 1965. Son analyse est riche en enseignements. Les recettes provenant des cotisations sociales connaissent une croissance presque ininterrompue de 1965 à 1981. Leur hausse durant les années 70 s’explique par la politique menée par le gouvernement centre-droit Martens-Gol afin de lutter contre les difficultés éco-nomiques du moment. La part de l’IPP augmente également sur cette période, et diminue après 1985. Ce déclin illustre le rôle de la réforme Grootjans qui a mis, entre autres, fin au régime du cumul des époux (voir point suivant). L’évolution, plutôt à la hausse, de l’Isoc à partir de 1990 traduit la réforme nettoyant les avantages fiscaux, la reprise économique et le développement “en société” d’activités qui auparavant étaient “en personne physique”. La baisse de l’Isoc en 2008 s’explique par la crise financière.

La situation d’aujourd’hui est représentée dans le camembert ci-dessous : l’ensemble des recettes se compte à hauteur de 35% de cotisations sociales, 30% d’impôts indirects, 27% d’IPP et 7% d’Isoc. Comparée à la moyenne européenne (voir graphique page suivante), une grande part des recettes belges repose sur les cotisations sociales et les revenus du travail – l’IPP.

35%

30%

27%

7% 2%

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Partie I2. L’impôt sur les personnes physiques

◗ L’endettement. S’endetter permet à l’État de financer ses dépenses non couvertes par ses recettes. S’endetter peut tout à fait être bénéfique si, par exemple, il s’agit d’investissements rentables ou qui permettent de stimuler une économie en récession.

Néanmoins, trop de dette peut déclencher un cercle vicieux : plus de dette, plus d’intérêts à payer, éventuellement à un taux plus élevé, et donc encore plus de dette (la “boule de neige” des intérêts).

La Belgique, depuis plusieurs années, connait un problème de surendette-ment. Les causes sont diverses : mauvaise conjoncture économique, sauvetage des banques, excès de déductions et avantages fiscaux.

◗ L’aide financière extérieure. Pour cer-tains pays, l’aide extérieure permet de financer les dépenses publiques. C’est

principalement le cas pour des pays en voie de développement ou en crise (comme la Grèce).

◗ La création monétaire. Créer de la mon-naie, en faisant “tourner la planche à billets”, permet également de financer les dépenses publiques et de stimuler l’économie en cas de crise. Néanmoins, la Belgique ne peut créer de la monnaie puisqu’elle est membre de la zone euro. À présent, c’est la Banque centrale euro-péenne qui a la capacité d’augmenter le nombre d’euros en circulation.

◗ Générer des recettes non fiscales et non parafiscales. Ces recettes proviennent des activités effectuées par les pouvoirs publics. À titre d’exemples, citons les ventes de bois de forêts communales, la prestation de services (délivrance de documents comme les passeports, etc.), les dividendes d’ac-tions détenues par les pouvoirs publics, des ventes d’immeubles, etc.

Avant 1962, les impôts étaient cédulaires en Belgique. Cela impliquait que chaque catégorie de revenu était imposée séparé-ment. Autrement dit, il existait un impôt pour chaque type de revenus : la contribu-tion foncière pour les revenus immobiliers (revenus de location, etc.), la taxe mobilière pour les revenus du capital et la taxe pro-fessionnelle pour les revenus du travail.

En 1962, le gouvernement a voulu instaurer un système globalisé, c’est-à-dire un système où un seul impôt frappe l’ensemble des revenus. Ce système aurait permis une cer-taine équité entre les contribuables puisque 100 euros gagnés au travail auraient été taxés autant que 100 euros gagnés grâce à un loyer ou au payement d’un intérêt.

Néanmoins, ce système n’a jamais été vraiment appliqué et, de plus, il s’est pro-

gressivement heurté à la mondialisation. Puisque le capital devenait de plus en plus mobile et que le secret bancaire empêchait l’échange d’informations entre banques et gouvernements, il devenait de plus en plus difficile d’inclure les revenus du capital dans le calcul de l’impôt. En plus, chaque pays tentait d’attirer les épargnants de son voisin et de lui fournir des opportunités lui permettant d’éluder l’impôt.

C’est pourquoi la Belgique a officiellement renoncé à la globalisation des revenus en 1983. Aujourd’hui, l’impôt n’est pas calculé sur base du total des revenus, mais de ma-nière différenciée. Les revenus professionnels et immobiliers sont soumis à un premier régime d’impôt, un régime progressif, tandis que les revenus du capital sont soumis à un second régime, un régime proportionnel.

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Quels autres moyens pour financer les dépenses publiques ?

Une absence de globalisation

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La Belgique a officiellement renoncé à la globalisation des revenus (voir encadré ci-dessous). L’impôt n’est pas calculé sur base du total des revenus, mais de manière différenciée. Les revenus professionnels

2.1. Un système progressif

L’impôt des personnes physiques (IPP) est un impôt sur les revenus (générés en Bel-gique ou à l’étranger) des résidents en Belgique et sur les revenus (générés en Belgique) des non-résidents. L’ensemble des revenus professionnels et immobiliers, diminués d’une série de déductions fiscales,

Structure des recettes fiscales et parafiscales (2014, en % du PIB)

Belgique Moyenne européenne

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ce : B

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et immobiliers sont soumis à un premier régime d’impôt, un régime progressif, tandis que les revenus du capital sont soumis à un second régime, un régime proportionnel.

constitue la base imposable – montant sur lequel l’impôt sera calculé. L’impôt sur les revenus du capital est perçu séparément (voir point suivant).

Les revenus professionnels reprennent l’ensemble des revenus du travail c’est-à-dire les revenus du travailleur salarié ou du travailleur indépendant, les revenus de

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remplacement (allocations de chômage, pensions, etc.) et les revenus professionnels d’origine étrangère (des traités fiscaux existent afin d’éviter une double imposition).

Les revenus immobiliers incluent les reve-nus annuels qui proviennent d’immeubles (terrains ou bâtiments incluant maisons, appartements, etc.) loués à autrui 3. L’éva-luation du revenu dépend de l’utilisation faite de cette location. Si la location est pour une activité professionnelle, le propriétaire sera taxé sur le loyer réel. Si la location est pour une utilisation privée, le propriétaire sera taxé sur le revenu cadastral indexé (voir encadré ci-dessous) majoré de 40%.

Les citoyens belges payent un impôt calculé sur leur base imposable. Par souci d’équi-té, le système fiscal belge fait contribuer davantage les individus ayant une capacité contributive plus importante : il s’agit d’un système progressif. L’encadré bleu de la page suivante explicite le fonctionnement de l’impôt progressif.

Les barèmes fiscaux

En principe, les barèmes fiscaux varient automatiquement avec la valeur de la monnaie, ils augmentent typiquement en période d’inflation (hausse généralisée des prix). C’est ce qu’on appelle l’indexation des barèmes fiscaux, contrepartie logique de l’indexation des salaires et des alloca-tions sociales.

Néanmoins, bien qu’automatique, cette indexation des seuils d’imposition n’a pas toujours été respectée. Dès lors, si les salaires et autres allocations sociales sont indexés sans que les barèmes fiscaux le soient, les contri-buables passent automatiquement dans des tranches d’impôts supérieures, ce qui revient à imposer les revenus plus lourdement, sauf lorsqu’ils atteignaient déjà le taux maximal. Dès lors, ce seront essentiellement les classes moyennes qui seront affectées.

Partie I

Le revenu cadastral

Le revenu cadastral correspond au revenu moyen qu’un bien immobilier rapporterait à son propriétaire en un an – charges et coûts d’entretiens déduits. Il est calculé en fonction du marché de la location à un moment de référence.

En Belgique, la dernière révision du revenu cadastral remonte à 1975. Depuis, il a été indexé mais pas systématiquement revu.

Cela implique que le revenu cadastral d’un immeuble est très largement sous-évalué puisque un bâtiment a généralement pris de la valeur en 40 ans (amélioration du quartier en termes d’accessibilité, espaces verts, etc.).

Dès lors, pour un propriétaire, il est fis-calement plus avantageux de louer à un particulier (selon un revenu cadastral sous-évalué) plutôt qu’à un professionnel (selon le loyer réel).PO

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de l’IPP =

Revenus professionnels et immobiliers (générés en Belgique ou à l’étranger) du résident en Belgique

+Revenus professionnels et immobiliers (générés en

Belgique) du non-résident -

Déductions fiscales.

Remarque : La base imposable ainsi pré-sentée est une simplification de la réalité. Certains aménagements devraient y être apportés afin de correspondre à la réalité (notamment en ce qui concerne les revenus immobiliers étrangers qui ne sont que peu souvent soumis à l’impôt belge). Pour plus d’informations : consultez le site belgium.be/fr/impotsEN

RÉS

UMÉ

Quelle progressivité pour l’impôt ?

De À % Exemple 0 7.070 0% 0 €

7.070 8.710 25% 410 €

8.710 12.400 30% 1107 €

12.400 20.660 40% 3040 €

20.660 37.870 45% -

37.870 infini 50% -

Source : Filo-Fisc (2015)

L’impôt belge est basé sur des tranches progressives – appelées barèmes fiscaux. Les premiers euros du revenu sont exemp-tés d’impôt, les tranches suivantes sont

chacune imposées à un taux fixe mais de plus en plus élevé. Voici un exemple selon les barèmes fiscaux de l’année 2015.

Si un citoyen isolé dispose de revenus an-nuels de 20.000 euros formant sa base imposable, selon les barèmes fiscaux de 2015, il devra payer :

◗ 0 % d’impôt pour la tranche de ses revenus allant jusque 7.070

◗ 25 % pour la tranche de ses revenus allant de 7.070 à 8.710

◗ 30 % pour la tranche de ses revenus allant 8.710 à 12.400

◗ 40 % la tranche de ses revenus allant de 12.400 à 20.000

Soit un total de (0 + 410 + 1107 + 3040) = 4.557€. Ce qui représente globalement 22,8% de l’ensemble de ses revenus.

Remarque : Plusieurs réformes belges ont supprimé les tranches barémiques supérieures de sorte que le taux maximal est à présent de 50% provoquant une diminution de la progressivité chez les hauts revenus. Par ailleurs, la législation fiscale relative au “tax shift” (décembre 2015) supprime le taux d’imposition de 30%, les revenus de 8.710 à 12.400 euros seront dorénavant taxés à 25% (comme le sont les revenus de 7.070 à 8.710).

3- Depuis 2006, le contribuable qui occupe sa propre habitation est exempté d’impôt - avant il devait payer un impôt calculé sur base du revenu cadastral. Il doit néanmoins toujours s’acquitter du précompte immobilier (un impôt régional sur les biens immobiliers).

EXEM

PLE

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18

Le “gouvernement Michel” a décidé de réaliser un “tax shift”, un glissement de la fiscalité, qui a pour principal objectif d’améliorer la compétitivité des entreprises (notamment en vue d’augmenter l’emploi) et de renforcer le pouvoir d’achat tout en tentant de maintenir l’équilibre budgétaire (c’est-à-dire une égalité entre recettes et dépenses publiques).

La loi (26.12.2015), parmi les mesures prises, a notamment abaissé les charges fiscales et parafiscales des entreprises (ainsi le taux des cotisations patronales passe de 33 à 25%) et prévu des mesures qui permettent une réduction de l’impôt des personnes physiques (ainsi la tranche fiscale au taux de 30% passe au taux de 25%)

Pour compenser ces diminutions de re-cettes pour l’État, la loi établit une hausse des accises sur certains produits, certaines hausses du taux de TVA, une hausse du taux du précompte mobilier (passant de 25

à 27%), une taxe dite Caïman qui concerne les revenus de constructions juridiques à l’étranger et une taxe de spéculation sur les plus-values.

Avant 2016, les plus-values du capital – c’est-à-dire le bénéfice réalisé lors de la vente d’une action ou d’une obligation (la différence entre son prix d’acquisition et son prix de vente) – n’étaient souvent pas taxées en Belgique, alors que ces plus-values sont taxées à 30% en France. Néanmoins, depuis le 1er janvier 2016, une taxe sur la spéculation a été instaurée. Les personnes physiques doivent à présent s’acquitter d’une taxe de 33% lors de plus-values réalisées au moment de la vente mais uniquement pour des actions cotées en bourses dont la vente a eu lieu dans les six mois après l’achat. En tant que telle, il ne s’agit pas réellement d’une taxe sur la plus-value du capital puisqu’aucune taxation n’est prévue si la vente a lieu après six mois. PO

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19

Qui est le contribuable ?

Déterminer “qui est le contribuable” est un enjeu majeur. Avant 1989, le ménage était considéré comme une seule unité de contribution. Dès lors, la somme des revenus des personnes habitant sous le même toit formait la base imposable cu-mulée ; en pratique c’est ce qu’on appelle le “cumul des revenus des époux”.

Néanmoins, en cumulant les revenus, le ménage pouvait potentiellement en-trer dans une tranche supérieure où ils étaient taxés davantage. Cette politique revenait en réalité à taxer le mariage, et plus précisément les ménages où il y avait deux sources de revenus. Cette politique devenait donc d’autant moins équitable que la participation féminine au marché du travail se répandait. Ainsi donc, depuis 1989 et avec des modifications dans les années 2000, le système combine “im-position séparée” et “quotient conjugal”.

Dans le cas des couples mariés et co-habitants légaux, l’impôt est calculé sé-parément en fonction des revenus de chacun. Néanmoins, il leur est possible de transférer fictivement, grâce au “quotient conjugal”, 30% des revenus au conjoint qui dispose d’un revenu bas voire inexistant. Ce quotient conjugal est souvent critiqué par les différents acteurs sociaux car il bénéficie aux familles où il y a une seule source revenu. Dans les faits, cela favorise les familles à haut revenu.

2.2. Les revenus du capital

Les revenus du capital, appelés également revenus mobiliers, correspondent aux re-venus annuels provenant des placements financiers comme les comptes bancaires, les actions, les obligations ou les assu-rances-vie. Ils reprennent donc les intérêts, les dividendes, certaines plus-values, les rentes, etc. en Belgique et à l’étranger.

La plupart des revenus du capital ne doivent pas être déclarés dans la feuille d’impôt. C’est l’organisme de payement, comme la banque par exemple, qui retient au moment du paiement un “précompte mobilier” qu’il verse à l’État. Dans le cas de revenus du capital gagnés à l’étran-ger, c’est au contribuable de déclarer ces revenus (au sein de l’Union européenne, la banque peut s’en charger).

Ainsi donc, les revenus du capital ne sont ni globalisés avec les autres revenus des personnes physiques ni soumis à la pro-gressivité de l’impôt. Ils sont taxés sépa-rément selon un système proportionnel. Le taux du précompte mobilier est en général de 27%, bien qu’il existe des taux réduits et des exceptions.

Partie IAT

TENT

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Revenus de l’épargne ≠ épargne

Attention ! Seuls les revenus du capital, c’est-à-dire les revenus des placements financiers (intérêts, actions, obligations, etc.) sont soumis à l’impôt en Belgique. Le capital en tant que tel n’y est pas soumis. Par exemple :

◗ Un individu possédant 10.000 euros sur son compte d’épargne ne sera pas imposé sur cette épargne.

◗ Néanmoins, si grâce à un taux d’intérêt d’1% par an, cette épargne génère 100 euros de revenus, ces revenus seront taxés.

◗ En supposant que le précompte mobilier est de 27%, la banque versera 73 euros à l’individu et 27 euros à l’État au moment du payement des intérêts.

Le tax shift

POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE

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Partie I

L’impôt dual

L’impôt dual sur les revenus est princi-palement utilisé dans les pays nordiques comme la Finlande, la Norvège ou la Suède. Ce système consiste à appliquer un taux proportionnel faible sur le revenu du ca-pital et une taxation progressive pour les revenus du travail. D’autres pays que les pays nordiques utilisent ce système mais avec des variantes, comme la Belgique notamment.

La “flat tax” – l’impôt à taux unique

Un certain nombre de pays, essentiellement d’anciens États membres de l’URSS ou du bloc socialiste, ont adopté un système d’imposition proportionnelle, connu sous le nom de “flat tax” ou d’impôt à taux unique. Par exemple, le système fiscal russe est basé sur un unique impôt de 13%, qui est indépendant de la hauteur des revenus des personnes physiques.

L’impôt sur le patrimoine

Il existe dans plusieurs pays une imposi-tion annuelle du patrimoine. En France, par exemple, un impôt sur les grandes fortunes a été mis en place et a provoqué l’arrivée en Belgique de nombreux Français fortunés.

Le livre de l’économiste Thomas Piketty, “Le capital au 21ème siècle”, a fait du bruit dans la littérature car il défend la thèse que le rendement du capital restera toujours supérieur à la croissance économique, ce qui implique une concentration toujours plus grande du capital. Dès lors, selon lui, un impôt sur la fortune (en plus d’un impôt réellement progressif) permet plus de justice fiscale car il empêcherait la per-pétuation des inégalités.

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D’autres systèmes d’imposition3. L’impôt des sociétés

L’impôt des sociétés (Isoc) est un impôt sur les bénéfices (générés en Belgique ou à l’étranger) des sociétés résidentes en Bel-gique diminués d’une série de déductions fiscales. La loi belge ou des conventions bi- ou multilatérales viennent protéger les sociétés de la double imposition – c’est-à-dire du risque qu’un même bénéfice soit taxé en Belgique et à l’étranger.

3.1. Quel taux d’imposition ?

Le taux de l’impôt des sociétés a plusieurs facettes :

◗ Le taux facial, ou nominal, est le taux défini par la loi. Il est de 33,99% en Bel-gique. Cela implique que les entreprises belges doivent payer 33,99% de leur base imposable d’impôt chaque année.

◗ Le taux d’imposition implicite reflète la charge réelle pesant sur les entreprises. Il était de 23,5% en 2011 selon Valenduc (2011). Ce taux 4 correspond au rapport entre le total des recettes fiscales venant de l’Isoc divisé par la somme des bases imposables des sociétés.

◗ Le taux d’imposition effectif, ou taux réel, est un indicateur théorique qui évalue le réel pourcentage taxé des bénéfices positifs d’une entreprise. C’est la mesure la plus correcte pour estimer le coût fiscal d’un projet d’investissement. Selon l’Institut Itinera, ce taux était en moyenne de 9,8% en 2011 (contre 20% en 2001) – une évaluation du taux qui n’est pas unanime chez les experts.

Un taux plus faible du taux d’imposition implicite, ou effectif, implique qu’en moyenne les entreprises ne payent pas 33,99% mais un taux inférieur. Ce sont les différentes déductions fiscales dont bénéficient les entreprises qui expliquent cette différence.

Base imposable de l’Isoc

=

Bénéfices (générés en Belgique ou à l’étranger) des sociétés résidentes

en Belgique

-

Déductions fiscales. EN R

ÉSUM

É

4- Néanmoins, ce taux ne permet pas d’évaluer de manière exacte le taux réel car son montant va dépendre des circonstances économiques. Par exemple, si la situation économique est mauvaise, plus de sociétés seront en perte et les bases impo-sables vont diminuer, tandis que les impôts vont diminuer mais de façon moins importante car il n’y a pas d’impôts sur les sociétés en perte. Dès lors, en situation de mauvaise conjoncture économique ce taux sera surévalué.

3.2. Les déductions fiscales

Les déductions fiscales, appelées également niches fiscales, correspondent à une déro-gation fiscale qui permet de payer moins d’impôts lorsque certaines conditions sont réunies dont il s’agit d’apprécier la légitimité.

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En 2011, le coût des déductions fiscales et autres exemptions et réductions d’impôts de l’impôt des sociétés s’élevait à près de 16 milliards d’euros (SPF Finance, 2012). Les régimes en cause sont principalement les intérêts notionnels (coût : 6,16 milliards en 2011) et les revenus définitivement taxés (coût : 8,6 milliards en 2011).

Les régimes des intérêts notionnels et des revenus définitivement taxés sont présentés ci-dessous car ce sont deux niches fiscales importantes en Belgique. D’autres existent comme le “patent box” ou le “tax shelter” mais ne sont pas développées ici.

Les intérêts notionnels

Le régime des “intérêts notionnels”, éga-lement appelé “déduction pour capital à risque”, a été mis en place en 2006. Son but initial était de réduire la différence de traitement fiscal entre un financement par emprunt ou par fonds propres, c’est-à-dire via le réinvestissement d’une partie des bénéfices ou via l’émission d’actions. En effet, sans cette mesure, il était fiscale-ment plus avantageux de se financer par emprunt (puisque les intérêts que devait payer l’entreprise étaient déductibles) que sur fonds propres (pour lesquels les divi-dendes et les mises en réserves n’étaient pas déductibles). Depuis la mise en place du régime des intérêts notionnels, une société peut déduire un intérêt “théorique” lors d’un financement sur fonds propres.

Le pari de cette mesure était que, en attirant les grandes entreprises étrangères en Bel-gique, des investissements potentiellement porteurs d’activités et d’emplois s’ensuivraient inévitablement. En effet, cette mesure a per-mis d’attirer des multinationales, telles que Microsoft ou Google (La Libre, 2010), qui ont

exploité cette niche fiscale afin de financer leurs opérations bancaires intra-groupes.

Néanmoins, au niveau global, aucun réel impact positif n’a pu être constaté sur la croissance économique, l’investissement ou l’emploi. Ce régime préférentiel s’est surtout révélé inéquitable dans la mesure où il ne met pas toutes les sociétés sur le même pied.

Certaines multinationales y recourent dans des proportions telles que leur taux d’impo-sition effectif est quasiment nul, tandis que de nombreuses PME paient un taux moyen avoisinant les 22% (Ruol, 2014). Dans les faits, cette mesure a surtout conduit à des abus qui ont soustrait des sommes impor-tantes au trésor public. Les pertes fiscales liées aux intérêts notionnels ont été évaluées à 1,85 milliard dès la première année, en 2006. Elles ont culminé, en 2011, à 6,16 milliards soit la moitié des recettes de l’Isoc cette année-là (SPF Finance, 2011).

Valenduc (2011) explique que la baisse de l’imposition implicite des sociétés constatée entre 2006 (28,5%) et 2010 (23,5) peut être attribuable à la réforme de 2006 qui a introduit les intérêts notionnels.

Les revenus définitivement taxés

Le régime des revenus définitivement taxés (RDT), mis en place par une directive eu-ropéenne, permet d’éviter que les mêmes dividendes d’une société ne soient taxés plusieurs fois. Ce cas est applicable aux si-tuations où les actionnaires qui reçoivent des dividendes d’une société sont eux-mêmes des sociétés qui rémunèrent leurs propres actionnaires. Grâce à ce régime des RDT, une fois qu’un dividende a été imposé à la base, il passera à travers toutes les autres sociétés sans quasiment subir de taxation.

Partie I

4.1. Définitions

L’évasion fiscale, qui concerne tant les sociétés que les particuliers, relève à la fois de l’optimisation fiscale et de la fraude fiscale.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (2007) qualifie d’évasion fiscale “l’ensemble des comportements du contribuable qui visent à réduire le montant des prélèvements dont il doit normalement s’acquitter. S’il a recours à des moyens légaux, l’évasion entre alors dans la catégorie de l’optimi-sation fiscale. À l’inverse, s’il s’appuie sur des techniques illégales ou dissimule la portée véritable de ses opérations, l’évasion s’apparentera à la fraude fiscale”.

L’optimisation fiscale consiste donc à contourner ou diminuer l’impôt en jouant sur les règles fiscales (niches fiscales, acquisition d’une autre nationalité, etc.) ou en transfé-rant son argent à l’étranger (essentiellement dans des paradis fiscaux).

Contrairement à l’optimisation fiscale légale, la fraude fiscale qui consiste à ne pas déclarer une partie ou l’ensemble de ses revenus est une infraction à la loi fiscale qui peut entraîner pour son auteur une amende ou une peine de prison.

4.2. Les paradis fiscaux

De nombreuses fuites (leaks, en anglais) médiatisées ont permis de mettre en avant l’évasion fiscale d’entreprises ou de per-sonnalités qui profitent des paradis fiscaux. Pensons notamment à Cablegate en 2010, Offshore Leaks en 2013, Luxembourg Leaks en 2014, Swiss Leaks en 2015 et les Panama Papers en 2016.

Les paradis fiscaux existent sous toutes les formes et toutes les tailles, des petites îles des Caraïbes ou des Antilles aux vieilles principautés européennes. Ils peuvent être définis comme des États ayant les caractéristiques suivantes :

◗ Impôts inexistants ou très bas ;

◗ Lois très sévères en matière de protection du secret bancaire ;

◗ Manque de transparence du régime fiscal ;

◗ Coopération internationale limitée en matière judiciaire et d’échange d’in-formations.

4. L’évasion fiscale

Durant les années 2000, les États-Unis ont négocié avec les banques à l’étranger un accord qui les obligeait à informer le fisc américain, l’IRS (Internal Revenue Ser-vice), des revenus de source américaine encaissés chez elles par un contribuable américain.

Des Américains ont trouvé une parade à cette politique – utilisée notamment par le héros de BD Largo Winch –, qui consis-tait à créer dans le pays une entreprise locale qui encaissait leurs revenus et les leur redistribuait comme revenus locaux et non plus comme revenus américains.

Le législateur américain a alors étendu l’obligation de transmission d’infor-mations aux revenus encaissés via des entreprises locales dont les actionnaires étaient des contribuables américains. UN

CAS

CON

CRET

L’évasion fiscale de fortunes privées

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 2524

Le problème des paradis fiscaux est double. Premièrement, il s’agit d’un énorme manque à gagner (la différence entre l’impôt exigible et le montant effectivement perçu) pour les autres États. L´évasion fiscale prive les États d’énormes recettes qui sont estimées à des montants annuels de 1.000 milliards d’euros pour les pays de l’UE selon la Commission européenne (2012). Ensuite, l’opacité en vigueur dans les juridictions des paradis fiscaux cache bien souvent le financement d’activités criminelles, allant du blanchiment d’argent sale au trafic de drogue.

Le secret bancaire renforce les paradis fis-caux et l’évasion fiscale à l’étranger. En effet, de nombreux paradis fiscaux appliquent des lois de confidentialité sévères ou ne conservent pas de dossiers. Néanmoins, l’Union européenne s’est mise d’accord sur une directive européenne qui va lever le secret bancaire en Europe. Dès 2017, les États membres de l’Union (et aussi la Suisse) s’échangeront, sur une base automatique, des informations sur les comptes et produits de ventes d’actifs financiers détenus par des épargnants résidents d’un autre État de l’Union européenne.

4.3. L’optimisation fiscale des multinationales

Les multinationales utilisent couramment des formes diverses d’optimisation fiscale. Comme la plupart des États taxent les béné-fices de la filiale localisée sur leur territoire et non les bénéfices de la multinationale dans son ensemble, la multinationale peut effectuer des transferts entre ses filiales afin de minimiser sa facture d’impôt. L’OCDE qualifie ces transferts de profit shifting (déplacement du profit).

On peut distinguer trois méthodes d’op-timisation fiscale.

◗ Les manipulations portant sur les dettes consistent à diminuer les bé-néfices des filiales localisées dans des pays à haute fiscalité, via la déduction d’intérêts payés à des filiales localisées dans des pays à fiscalité réduite, où les bénéfices sont augmentés d’autant.

◗ Les manipulations portant sur la propriété intellectuelle qui consistent à faire payer aux filiales localisées dans des pays à haute fiscalité des redevances (droit d’utilisation de propriété intellec-tuelle) aux filiales situées dans des pays à fiscalité réduite.

◗ Les manipulations portant sur le prix d’achat ou de vente de biens et de services, qui consistent à vendre plus cher à des entreprises du groupe localisées dans des pays à fiscalité lourde afin d’y réduire le bénéfice, et à acheter plus cher à des entreprises localisées dans des pays à fiscalité légère pour y augmenter le bénéfice.

Afin de mettre en place de telles pratiques, les multinationales vont parfois créer des fi-liales “fictives”, à savoir des sociétés écrans. Les sociétés écrans, qualifiées également de sociétés “offshore”, sont des sociétés qui n’existent pas réellement. Si la création d’une société écran n’est pas illégale en soi, son utilisation se fait généralement dans le but soit de faire de l’évasion fiscale soit de blanchir de l’argent sale. Pour avoir une idée de l’ampleur du phénomène, les îles Vierges britanniques accueilleraient plus de 600.000 sociétés pour 28.000 habitants selon le site “ Paradis Fiscaux 2.0”.

Partie I◗ Illustration de l’utilisation des socié-

tés écrans : La société A est établie dans un pays avec une haute fiscalité, elle va créer anonymement une société B, une société écran, dans un paradis fiscal vers laquelle elle va transférer des bénéfices (généralement via un transfert de dette ou de royalties) qui seront peu taxés.

Afin de lutter contre la prolifération de sociétés écrans dans l’Union, la Commission européenne a voté une loi anti-blanchi-ment qui instaure des registres permettant d’identifier les bénéficiaires de sociétés écrans dans l’Union européenne. Ces re-gistres sont accessibles aux citoyens euro-péens ayant justifié un “intérêt légitime” de les consulter, comme les journalistes d’investigation par exemple.

Google : Manipulations portant sur la propriété intellectuelle

Selon l’agence Bloomberg (2010), le groupe Google ne paye que 2,4% d’im-pôts sur les bénéfices produits en dehors du territoire des États-Unis. En effet, selon l’agence, le groupe joue notamment sur la manipulation des droits de propriété intellectuelle.

L’optimisation fiscale mise en place par Google consiste à créer trois entreprises en des lieux différents : en Irlande, aux Pays-Bas et aux Bermudes.

Google a son siège européen en Irlande (Google Ireland Limited). Cette société reçoit toutes les redevances (droits d’utili-sation de brevets et autres propriétés intel-lectuelles) de la part des filiales d’Europe,

d’Afrique et du Moyen-Orient (le Monde, 2014). Cette société réalise 88% des ventes du groupe hors États-Unis. Pourtant, elle ne paye qu’un impôt infime. Comment ?

Car cette société irlandaise transfère l’en-tièreté de ses bénéfices (après un passage par les Pays-Bas) en paiement de redevances à une deuxième société, Google Ireland Holdings, dont la résidence est au Ber-mudes où l’impôt sur les sociétés est nul.

Pourquoi un passage par les Pays-Bas ? Car l’Irlande applique un prélèvement sur les paiements dirigés vers les îles Bermudes. La société irlandaise dirige donc ses paie-ments de redevances aux Pays-Bas avant le transfert final vers les îles Bermudes. UN

CAS

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CRET

En plus de profiter des pays à faible taux d’imposition, les multinationales peuvent également profiter des dispositions uni-, bi- ou multilatérales qui existaient initialement pour les protéger de la double imposition d’un même revenu. L’exemple de la page suivante est révélateur de l’usage que les sociétés multinationales font de ces

dispositions. Le scénario 3 de l’exemple montre que, grâce à certaines dispositions et contournements fiscaux – notamment la localisation artificielle des profits dans des pays à fiscalité réduite, le pays où la valeur a été créée n’est pas nécessairement celui qui bénéficie de l’impôt sur cette valeur.

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 2726

L’optimisation fiscale d’une multinationale

Une société belge crée une filiale en France. Elle réalise annuellement un bénéfice de 1.000 €. Le montant va varier selon qu’il existe ou non une convention fiscale entre les deux États.

SCENARIO 1 : Sans convention

Si aucune convention ou autre disposition n’est mise en place, les bénéfices de la société sont imposés deux fois – une première fois en France (qui pratique un taux de 33,33%) et une deuxième fois en Belgique (qui pratique un taux de 33,99%). Dès lors, sur 1.000 euros de bénéfices :

◗ La France prélève 333,3 € (33,33% de 1.000 €). Revenu restant : 666,7 €◗ La Belgique prélève 226,6 € (33,99% de 666,7 €). ◗ Revenu restant : 440,1 € ◗ Total de l’impôt payé : 559,9 €

SCENARIO 2 : Avec convention

Si des conventions existent entre la France et la Belgique, cette double imposition dis-parait. Dans le cas de ces pays, la règle est la suivante : la société est imposée là où elle crée de la valeur (en France) et ensuite 95% de ces bénéfices seront exonérés d’impôt en Belgique. Dès lors, sur 1.000 euros de bénéfices :

◗ La France prélève 333,3 € (33,33% de 1.000 €). Revenu restant : 666,7 €◗ La Belgique prélève 11,33 € (33,99% sur 5% de 666,7 €) ◗ Le revenu restant : 655,4 € ◗ Total de l’impôt payé : 344,6 €

SCENARIO 3 : Avec convention et détour par l’Irlande

La société belge peut faire de l’ingénierie fiscale en provoquant artificiellement des dettes entre des filiales établies dans divers pays étrangers. Imaginons qu’elle crée une filiale en Irlande (qui pratique un taux d’Isoc de 12,5%) qui à son tour prête à la filiale française de telle sorte que, en payant les intérêts, la filiale française ne fasse plus aucun bénéfice et donc ne paie aucun impôt en France. Dès lors, sur 1.000 euros de bénéfices :

◗ L’Irlande prélève 125 € (12,5% sur 1.000). Revenu restant : 875 €◗ La France ne prélève rien car la filiale française ne génère pas de bénéfices◗ La Belgique prélève 14,87 euros (33,99% sur 5% de 875 €)◗ Revenu restant : 860,1 € ◗ Total de l’impôt payé : 139,9 €

Partie I

EXEM

PLE

5. En guise de conclusion

La première partie de cette étude avait pour objectif de situer la fiscalité dans son contexte afin d’aider le citoyen à com-prendre la nature et le fonctionnement du système fiscal belge.

Ce parcours à travers la fiscalité belge a permis de comprendre quelques as-pects élémentaires de ce système fiscal. Il a expliqué comment le financement des dépenses publiques était l’objectif principal des impôts et qu’il y avait diverses manières de lever l’impôt : impôt sur les personnes physiques, impôt des sociétés, impôt sur la consommation, etc. Enfin, il a abordé la problématique de l’évasion fiscale.

Cette première partie sert donc d’intro-duction à la suivante qui veut offrir une lecture critique du système fiscal belge.

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 2928

Agir en vue du “bien commun” est selon la Commission Justice et Paix un objectif et un principe essentiel afin de concevoir et mettre en œuvre ce qu’est un bon impôt. Le bien commun peut être défini comme “l’ensemble des conditions sociales permet-tant à une personne d’atteindre mieux et

PARTIE IIUN BON IMPÔT, C’EST QUOI ?

plus facilement son plein épanouissement” (Mater et Magistra, 1961). Avant d’appli-quer cette notion comme outil éthique pour analyser le système fiscal, il faut effectuer quelques clarifications conceptuelles.

Cette deuxième partie tente d’identifier les conditions qu’un système fiscal doit remplir afin qu’il engendre une contribution juste et efficace de tous les contribuables et tous leurs revenus, et garantisse le meilleur bien-être de la société dans son ensemble, et de chacun de ses membres individuellement. Autrement dit, elle essaye de répondre à la question suivante : “Un bon impôt, c’est quoi ?”.

Selon la Commission Justice et Paix, le “bien commun” doit être l’objectif de tout système fiscal. Les conditions pour y parvenir comportent deux versants interdépendants et indissociables.

Premièrement, il s’agit de choisir quelles dépenses publiques financer, en gardant à l’esprit que cette affectation doit être faite au profit de toutes les personnes qui résident dans cet État ou qui, à l’étranger, ont besoin d’une aide au développement.

Deuxièmement, il s’agit de choisir où et comment puiser les recettes fiscales et parafiscales nécessaires. C’est dans cette logique que ce chapitre identifie les caractéristiques d’un bon impôt: équité, efficacité, régulation, démocratie et respect du principe de subsidiarité.

28

1. Un objectif de bien commun

Le bien commun est une notion qui exclut l’absolutisation de l’individu au mépris de la communauté. Ce concept est un contre-poids aux égoïsmes, donc à la rentabilité économique comme unique critère, à la prédominance du pouvoir financier, aux privilèges que s’octroient des groupes particuliers. Le critère du bien commun permet donc de discerner le caractère moral ou non de l’organisation d’une société, y compris dans son système fiscal.

En tant que tel, le bien commun n’offre aucune solution et n’est pas non plus un paramètre concret à partir duquel discerner immédiatement le caractère moral d’un ordre juridique ou social. Il est plutôt une clé de lecture qui permet à la société de questionner son État, et de questionner la société elle-même. Par exemple, il permet de se demander en quoi telle décision d’un gouvernement contribue au développe-ment de tout Homme et de tout l’Homme (Laudato si’, 2015). Comme on le voit, le bien commun ne touche pas seulement la justice économique, ou les droits po-litiques, mais également des dimensions culturelles, morales, et spirituelles.

En assimilant la notion du bien commun à “une vie pleinement épanouie pour tous”, plusieurs difficultés objectives se présentent.

◗ Les intérêts économiques tendent à être privilégiés par rapport au bien commun.

◗ Nos pays sont habités par des différences idéologiques et éthiques qui portent sur la conception de la vie bonne, tant au niveau personnel, qu’au niveau collectif.

◗ À quel niveau s’arrête le bien commun d’une société ? Celui-ci se limite-t-il à la région, au pays, au monde ? Comment gérer les incompatibilités entre deux entités ayant chacune leur conception du bien commun – comme potentiellement la Wallonie et la Flandre ?

Face à ces difficultés, il convient d’identifier une manière d’effectuer un choix entre les différentes conceptions d’une vie “bonne”. Selon la Commission Justice et Paix, puisque la notion de bien commun tend à inclure tous les hommes, les personnes les plus précarisées, généralement les plus exclues, deviennent prioritaires.

Comme rappelé dans la première partie, historiquement, le souverain levait l’impôt pour financer principalement des services régaliens. Aujourd’hui, en démocratie, c’est le peuple qui est “souverain” et qui dicte, au travers des mandataires de l’État, les mis-sions - à présent élargies - qu’il doit financer.

Au regard de cette étude, et de la vision de la Commission Justice et Paix, il est im-portant de réfléchir à ce que l’État devrait

2. Quelles dépenses publiques ?

financer en vue de répondre au principe du bien commun.

Selon la Commission Justice et Paix, les dépenses publiques doivent d’une part assurer le financement des biens et services que le marché n’est pas à même de fournir efficacement ou équitablement - c’est-à-dire essentiellement les biens non-exclusifs ou les biens avec effets externes - et d’autre part garantir l’accès des plus précarisés à

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3130 POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE

Partie IItous les marchés de biens essentiels. Les points suivants passent en revue ces trois types de situations qui, signalons-le, ne sont pas incompatibles : un bien peut être non-exclusif tout en générant des effets externes et ne pas être accessible aux plus précarisés. La vision de la Commission Justice et Paix est que l’intervention de l’État est nécessaire quand la société est en présence d’au moins une de ces situations.

Les biens privés correspondent aux biens les plus classiques. Par exemple, si un in-dividu ne paye pas le prix pour un pain, il n’en n’aura pas (exclusion). S’il achète ce pain, l’autre ne l’aura pas (rivalité).

Dans le cas des biens de club, comme l’ac-cès au câble TV, si un individu ne paye pas le prix pour son accès au câble, il ne l’aura pas (exclusion). S’il a son accès, l’accès de l’autre ne sera pas réduit (non-rivalité).

Les biens communs 5 correspondent typiquement aux ressources naturelles comme par exemple la pêche : au plus un pêcheur pêche, au moins il restera de

poissons pour les autres (rivalité). Néan-moins, chaque pêcheur peut aller pêcher librement (non-exclusion).

Un exemple typique de bien public est le feu d’artifice le jour du Nouvel An. Si un individu bénéficie du feu d’artifice, l’autre n’en est pas privé (non-rivalité), de même que l’accès à la vue du feu d’artifice est disponible pour tous (non-exclusion).

Quelle intervention de l’État ?

De manière générale, les biens privés et les biens de club ne demandent à priori pas d’intervention de l’État car le marché parvient à s’autoréguler grâce à sa capacité d’exclusion. Néanmoins, si le marché exclut systématiquement les plus précarisés ou si les biens génèrent certains effets externes, l’État devra intervenir.

La “Tragédie des Communs” est une ex-pression qui fait référence au fait que les biens communs sont surexploités parce que les individus peuvent les utiliser libre-ment et gratuitement. Ce qui induit des phénomènes tels que la déforestation, la pêche excessive, etc. Le rôle de l’État est ici d’intervenir pour limiter l’utilisation de ces ressources en mettant en place soit des restrictions administratives (droit de pêche) soit des restrictions fiscales (impôt sur le bénéfice des pêcheurs) afin d’imposer une sorte d’exclusion.

Similairement aux biens communs, les biens publics doivent également être régulés par l’État à cause du problème qualifié en économie de “problème du passager clandestin”. En effet, qui va financer le feu d’artifice présenté pré-cédemment comme exemple typique de bien public ? Effectivement, chacun

peut en bénéficier gratuitement tout en espérant que les autres contribueront à sa production. Ce problème du passager clandestin qui se retrouve dans d’autres cas (la recherche, l’éclairage public, la défense nationale, etc.) rend l’intervention publique nécessaire. Deux solutions sont ouvertes à l’État.

Premièrement, l’État peut décider de pro-duire lui-même le bien public en finançant sa production par l’impôt – c’est typique-ment ce que la Belgique fait pour le feu d’artifice au nouvel an, la défense nationale, etc. Néanmoins, les pays pauvres qui ne parviennent à prélever que peu d’impôts (car les revenus du pays sont faibles et, en outre, une grande partie de l’économie est informelle) ne peuvent fournir que peu de biens publics. Il s’agit d’une impasse du sous-développement.

Deuxièmement, l’État peut mettre en place des institutions afin de rendre exclusif un bien qui ne l’était pas à l’origine - en instaurant des droits à la propriété intel-lectuelle comme des brevets dans le cas de la recherche.

L’encadré bleu de la page suivante reprend ces deux possibilités avec l’exemple des transports publics.

L’universalité des recettes fiscales

Cette étude ne s’attarde pas sur ce point, mais il convient d’insister sur l’importance de l’”universalité” des recettes fiscales : l’État est libre de les affecter là où elles sont les plus utiles à ses yeux.

L’opacité est ici un avantage : il est sain que chacun ne puisse pas suivre le sort fait à ses propres contributions, sans quoi aucune redistribution ou réallocation ne serait possible. Et il n’est pas correct que certains (comme le secteur automobile par exemple) confrontent les recettes produites par leur secteur aux dépenses qui profitent à celui-ci.AT

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Exclusif Non-Exclusif

Rival Biens privés

> Les biens plus “classiques” (nourriture, vêtements, etc.)

Biens communs

> Typiquement les ressources naturelles (mines, forêts, poissons, etc.)

Non-Rival Biens de club

> Les biens avec un droit d’entrée (TV câble, club de Sport)

Bien publics

> Feu d’artifice, éclairage public, défense nationale, recherche fondamentale

5- À ne pas confondre avec “bien commun” au singulier, qui est la notion éthique présentée plus haut et qui constitue l’objectif à atteindre d’un système fiscal.

2.1. Les biens non-exclusifs

La typologie des biens et services publics dans une économie peut être établie en fonction de deux critères :

◗ Exclusion : Est-il possible d’exclure (à coût nul ou très faible) une personne de l’usage de ce bien ?

◗ Rivalité : L’utilisation du bien par une personne diminue-t-elle les possibilités d’utilisation de ce bien par une autre personne ?

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 3332

2.2. Les biens avec effets externes

En plus des biens non-exclusifs, la Com-mission Justice et Paix estime que les biens avec effets externes nécessitent également l’intervention de l’État. Les biens avec ef-fets externes sont des biens qui ne sont pas neutres pour l’environnement qui les entoure. Certains ont des effets externes positifs et d’autres négatifs. Les biens avec effets externes positifs – comme l’ensei-gnement, la culture, le transport justifient l’aide de la collectivité. C’est pourquoi on les soutient financièrement via des subventions

publiques ou la cotisation des riverains. Les biens avec effets externes défavorables – comme la consommation du carburant ou la production de produits chimiques – ont des coûts sociaux, ils sont plus enclins à être taxés au nom du bien commun.

Néanmoins, il n’est pas toujours évident d’identifier qui est bénéficiaire/victime d’un bien à effet positif/négatif et donc de déterminer la nécessité de subventionner/taxer un bien. L’exemple de l’enseignement supérieur, explicité ci-contre, le montre adéquatement.

L’enseignement : Quel financement ? L’enseignement supérieur bénéficie tant à la collectivité dans son ensemble qu’au diplômé. En effet, il pourvoit d’une part la collectivité de travailleurs qualifiés et d’autre part permet de réduire certains coûts sociaux – car les diplômés sont notamment moins exposés au chô-mage. Mais l’enseignement bénéficie également au diplômé lui-même qui bénéficie notamment d’un travail mieux rémunéré, plus valorisant et l’exposant moins aux risques du chômage.

On pourrait imaginer que l’État finance une partie de l’enseignement par l’impôt, puisque la collectivité profite en partie de l’enseignement, et fasse reposer l’autre partie sur l’étudiant. Sans doute est-ce déjà la réalité : mieux rémunéré, le diplômé payera davantage d’impôts, et par ce moyen rembourse à l’État le coût de ses études.

Cependant, avec la mobilité internatio-nale des étudiants et des diplômés, on peut à présent distinguer pour chaque étudiant un pays d’origine, un pays d’études et un pays de travail. Quel modèle de financement alors envisager ? On peut imaginer que le coût des études fasse l’objet d’un prêt à l’étudiant (de la part de son pays d’origine ou du pays d’études) et que, quel que soit le pays où il travaille, il lui rembourse une fois diplômé, au prorata de ses revenus. On peut considérer – au contraire – que l’éducation supérieure est un bien élémentaire qui doit être accessible pour tous, indépendamment du pays d’origine, du pays d’études ou du pays de travail.

2.3. L’accès au marché pour les plus précarisés

En plus des biens non-exclusifs et des biens à effet externes, la Commission Justice et Paix estime que l’État doit également intervenir lorsque l’accès aux marchés de biens essentiels n’est pas garanti à tous, essentiellement aux plus précarisés.

En effet, tous les individus n’ont pas les moyens – tant financiers que sociaux – de se présenter sur tous les marchés. Certains citoyens sont complètement démunis, même pour acquérir des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau po-table, un logement, du chauffage, etc. Ce phénomène d’exclusion sociale est présent tant dans les pays en voie de développe-ment que dans les pays développés. En Belgique, les phénomènes d’exclusion sociale sont nombreux ; le droit au loge-ment en fait partie.

Selon le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale (2011), avoir un logement est un droit essentiel non seulement “en tant que tel” mais également parce qu’il permet d’avoir une influence positive sur la santé, la vie de famille, la recherche d’emploi, etc. Les personnes précarisées ne sont que peu en mesure d’être propriétaires, ce sont donc des personnes qui se retrouveront typiquement sur le marché locatif. Or, sur ce marché, elles sont confrontées à de nombreux obstacles notamment la pénurie de logements privés abordables.

Face à cette situation, l’État intervient pour proposer des logements sociaux ou des aides financières pour les locataires. Néan-moins, ces mesures ne permettent pas de faire face aux besoins réels notamment pour

Les transports publics : Quel financement ?

Personne ne met en doute la nécessité d’un système de transports publics au sein d’une ville ou d’un pays. Mais il y a débat non seulement quant à la nature du fournisseur – des entreprises privées ou des entreprises publiques – mais également quant au finan-cement du service – par un prix à charge des usagers ou par l’impôt. Ce point se limitera à aborder cette deuxième question.

Deux cas extrêmes sont possibles : un fi-nancement exclusivement par les usagers d’une part, et un financement exclusivement par l’impôt d’autre part.

◗ Financement exclusif par les usagers : Les usagers pourraient supporter entiè-rement le coût du transport. Ce système n’exclurait pas systématiquement l’équité puisqu’il est possible d’instaurer un prix réduit pour des groupes spécifiques – comme pour les personnes de plus de 65 ans utilisant la STIB, le TEC ou de Lijn.

◗ Financement exclusif par l’impôt : À l’autre extrême, les transports publics pourraient être entièrement financés par l’impôt. Ils apparaitraient alors comme gratuits aux yeux des usagers, au risque de créer une demande excessive de leur part et de peu motiver les transporteurs à contenir leurs coûts.

Le choix d’une combinaison de ces solu-tions extrêmes dépendra de la vision du bien commun de la collectivité. La décision pourra être influencée par des arguments d’efficacité ou d’équilibre budgétaire global mais aussi d’identité ou non entre usagers et contribuables. Dans une ville comme Bruxelles, par exemple, où nombre d’usagers des transports en commun ne sont pas des résidents de la région, on peut difficilement imaginer que ces derniers soient enclins à assumer par leurs impôts la totalité du coût de ce service.

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Partie II

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 35

La mise en place d’une allocation universelle permettrait de fournir à chacun un système d’assurance et de solidarité. Son objectif ? Lutter simultanément contre chômage et pauvreté ainsi que changer l’organisation actuelle du travail.

L’allocation universelle consiste à octroyer à chaque citoyen un revenu de base, sans conditions. Ce concept a pris de plus en plus de place dans les débats politiques actuels. D’ailleurs, une initiative européenne a été lancée en 2014 afin que la Commission européenne explore la faisabilité de son instauration au niveau européen. Près de 300.000 individus ont signé cette initiative, mais ce ne fut pas suffisant pour bénéficier de l’examen de la Commission européenne.

Selon l’Initiative Citoyenne Européenne, l’allocation universelle doit disposer des quatre caractéristiques suivantes :

◗ Elle est universelle. Elle est accordée à tous les citoyens, indépendamment de l’âge, du sexe, du statut professionnel, etc.

◗ Elle est strictement individuelle, elle est octroyée à un seul citoyen. Elle ne prend pas en compte la composition du mé-nage – comme c’est le cas du chômage par exemple.

◗ Elle est inconditionnelle, elle ne de-mande aucune contrepartie (recherche d’un emploi, conditions à remplir, etc.).

◗ Elle est suffisante, elle doit permettre au citoyen l’accès à un niveau de vie décent.

De manière générale, les partisans de l’al-location universelle ne sont pas spécifiques à une famille politique particulière, on y retrouve les partis de gauche et de droite.

Le principal argument des sceptiques : quelle sera la motivation des personnes à continuer à travailler s’ils disposent d’un revenu de base ? Les sondages expliquent que le principal effet d’un revenu de base serait une diminution du temps de travail et non l’arrêt du travail. Or, cette diminution du temps de travail est une des solutions proposées par certaines politiques pour faire face à la problématique du chômage.

Néanmoins, cette allocation universelle doit être adéquatement articulée avec la sécurité sociale actuelle afin de garantir une certaine redistribution et le maintien des droits des citoyens. Par ailleurs, il faut souligner les risques d’une trop grande emprise des gouvernements successifs sur le levier que l’allocation universelle constituerait et prévoir des dispositions de quorum nécessaire (nombre minimal de voix en cas de vote) en cas de modification.

Pour plus d’informations sur l’allocation : Voir l’analyse du Centre Avec “L’allocation universelle : garantir du temps pour prendre du recul”.PO

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L’allocation universelle

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des raisons budgétaires mais également pour des raisons logistiques telles que des démarches administratives trop complexes ou des demandes d’informations impos-sibles à remplir (précédent lieu d’habitation pour les sans-abris par exemple).

Le logement n’est qu’un exemple de marché excluant les plus précarisés. La Commission Justice et Paix estime indis-pensable que l’accès des plus précarisés à tous les marchés de biens essentiels soit garanti par l’État.

Selon la Commission Justice et Paix, un bon impôt doit avant tout être un impôt juste, c’est-à-dire un impôt équitable. En plus de cet aspect essentiel, ce point met en avant d’autres exigences– efficacité, ré-gulation, démocratie et respect du principe de subsidiarité – pour la mise en place d’un bon impôt. C’est sur base d’un arbitrage entre ces différents critères et en vue du bien commun qu’on peut juger un impôt et évaluer la justice d’un système fiscal.

3.1. Un bon impôt doit être équitable

Parler d’équité implique des comparaisons entre les contribuables, et deux points de vue sont possibles à ce propos.

◗ Les contribuables sont semblables en bénéfices : deux individus sont sem-blables s’ils bénéficient semblablement des dépenses publiques. Par exemple, deux familles ayant chacune un enfant seront considérées semblables car elles font face aux mêmes coûts d’éducation, de scolarité, etc. Elles doivent donc être imposées de la même manière, même si elles disposent de revenus différents.

◗ Les contribuables sont semblables en ca-pacité contributive : deux contribuables sont semblables s’ils ont la capacité de contribuer de la même manière. Par exemple, deux familles ayant les mêmes revenus financiers seront considérées comme semblables.

De même, tout le monde ne partage pas le même point de vue à propos de l’équité :

◗ L’équité horizontale considère que deux contribuables semblables (en bénéfices ou en capacité contributive) doivent être traités de manière semblable par le système fiscal.

◗ L’équité verticale considère qu’il faut faire contribuer davantage (plus que proportionnellement) ceux qui ont plus (en bénéfices ou en capacité contribu-tive). L’équité verticale implique donc une progressivité de l’impôt.

La Commission Justice et Paix défend une justice fiscale qui vise tant l’équité verticale

3. Un bon impôt : Des critères à remplir

Partie II

La première ministre britannique (1979-1990), Margaret Thatcher a mis en place une “poll tax” en 1990. Il s’agissait d’un impôt locatif forfaitaire par tête – qui remplaçait la taxe sur l’habitation.

En termes d’équité horizontale, cet impôt considère comme sem-blables les individus semblables en bénéfices. En effet, il frappait de manière identique chaque individu, indépendamment de son revenu. La “poll tax” fut très impopulaire et une des raisons qui poussèrent Thatcher à sa chute.UN

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La “poll tax” de Margaret Thatcher

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 37

Un revenu adéquat ?

Beaucoup se demandent si taxer le revenu global d’une personne ne viole pas son droit de jouir du fruit de son travail, et même de son épargne. Mais qu’est-ce qu’un salaire juste ? Est-ce que chacun mérite réellement le salaire qu’il gagne ?

Il faut comprendre qu’il y a deux forces qui déterminent le salaire d’un individu : le marché d’une part et le type de tra-vail, déterminé en grande partie par les conditions socio-économiques de l’individu (groupe social des parents, etc.), d’autre part.

Or, on ne peut confier au marché la tâche d’évaluer ce qu’est un salaire juste. En effet, en fonction du contexte, des discri-minations en place, des imperfections du marché, et des circonstances politiques, les salaires d’une même efficacité au tra-vail peuvent différer. L’exemple classique est bien entendu la différence entre le salaire des femmes et des hommes pour un même travail.

Par contre, ce que chacun mérite c’est un salaire décent, et ce bien sûr en tenant compte des heures de travail prestées.

36

que l’équité horizontale basée sur le prin-cipe de la capacité contributive.

L’équité horizontale basée sur le principe de la capacité contributive implique que deux contribuables doivent être considérés comme semblables et imposés de la même manière s’ils ont le même revenu global.

L’équité verticale implique que les revenus les plus importants doivent contribuer davantage, d’une manière qui croisse plus que proportionnellement avec leurs

revenus. Cette vision est conforme à la poursuite d’un bien commun avec une op-tion préférentielle pour les plus précarisés.

À ces égards, la fiscalité belge connait des manquements tant au niveau de l’évalua-tion de la capacité contributive que des conditions d’équité verticale.

Une réelle évaluation de la capacité contributive ?

Évaluer la capacité contributive réelle des contribuables en Belgique est difficile.

Premièrement, parce que les contribuables ne sont pas imposés sur leurs revenus globaux puisqu’ils bénéficient d’un en-semble de déductions fiscales (légitimes ou non) et que les revenus du capital sont imposés séparément et donc pas inclus dans l’imposable global.

Ensuite, parce que certains contribuables ne déclarent pas l’entièreté de leurs revenus ou trouvent des manières d’éluder l’impôt.

Si à l’époque le roi exerçait peut-être une autorité tyrannique, ne pas payer ses im-pôts pouvait prétendre être légitime. Au-jourd’hui, éluder l’impôt comme moyen de désobéissance civile – montrant son mécontentement contre une inefficacité ou une injustice – n’est que peu justifiable. Cela revient plutôt à resquiller c’est-à-dire à bénéficier des services collectifs fournis grâce à l’argent de tous sans apporter sa part à la cagnotte commune.

Ainsi donc, l’évasion fiscale pose un grave problème d’inégalité entre contribuables, au profit de ceux qui disposent des moyens de se payer des experts en fiscalité d’une part et au profit de ceux dont le déménagement pour raison fiscale est relativement moins coûteux d’autre part.

Une réelle équité verticale ?

La progressivité de l’impôt sur les revenus du travail est très rapide en Belgique. En effet, les moins nantis payent vite beaucoup d’impôts. Comme on peut le voir dans le graphe ci-contre : un salaire de 1.500 euros (soit le revenu minimum) sera taxé en moyenne à 21%.

Néanmoins, déterminer ce qu’est une bonne progressivité n’est pas évident. Comme dit précédemment, la Commission Justice et Paix vise l’équité verticale selon une règle de progressivité et l’équité horizontale selon la capacité contributive, un objectif conforme avec un bien commun marqué par une option préférentielle pour les plus précarisés. Or, en Belgique ces précarisés sont nombreux puisque selon une étude récente (Lahaye, 2016), près de 15% des Belges vivraient sous le seuil de pauvreté

en 2016 – seuil qui est fixé à 1.074 euros par mois pour un isolé et 2.256 pour un ménage avec deux enfants.

Selon certains économistes, une bonne progressivité provoquerait la même “dou-leur”, le même “impact” chez tous les contribuables. L’encadré ci-dessous explicite ce concept avec la TVA.

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Taux d’imposition moyen (selon les données fiscales de 2015)

La TVA est, on l’a vu, un système non pro-gressif, il s’inscrit donc plus dans une logique d’équité exclusivement horizontale. En effet, un système de TVA – sur les produits alimentaires de base (pain, lait, etc.) par exemple – traite de manière semblable deux acheteurs de pain ou de lait, quel que soit leur niveau de revenu.

Bien que d’apparence égalitaire, cette poli-tique fait contribuer davantage les individus avec la capacité contributive la plus faible pour deux raisons. D’une part, parce que les plus riches épargnent une plus grande fraction de leurs revenus, fraction qui n’est pas exposée à la taxe. De sorte que, en

pourcentage de leurs revenus, les riches paient moins de TVA que les moins riches.

D’autre part, parce que les produits ali-mentaires de base représentent une part plus importante des revenus des personnes les plus précarisées. L’impact du coût de la taxe, son “poids” ou la “douleur” qu’elle provoque sera donc plus élevé pour ces derniers. En effet, si le prix du pain, initiale-ment de 1€, monte à 1,5 € (à cause d’une TVA hypothétique sur le pain de 50%), cette augmentation de coût représentera un poids proportionnellement plus important pour l’individu gagnant 10 euros par jour que pour celui qui en gagne 100. PO

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La TVA : Un système équitable ?

Partie II

Salaires bruts mensuels - en Euros

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 3938

Comment mesurer l’inégalité ?

L’indice de Gini est une des mesures sta-tistiques les plus connues pour mesurer l’inégalité – notamment parce qu’elle est simple à comprendre.

L’indice de Gini indique dans quelle me-sure la répartition des revenus entre les individus au sein d’un pays s’écarte de l’égalité parfaite. Le coefficient de Gini est compris entre 0 et 1. Plus le coefficient est élevé, plus grandes sont les inégalités entre les revenus. Dans le cas d’une éga-

lité parfaite – le revenu est le même pour tous – le coefficient de Gini est égal à 0. À l’opposé, il sera égal à 1, lorsqu’une seule personne possède la totalité des revenus.

La carte ci-dessous présente les coefficients de Gini pour l’ensemble du monde fin des années 2000. Comme on peut le constater l’inégalité est plus prononcée dans les pays du tiers-monde. Malgré leur niveau de développement, les États-Unis sont un très mauvais élève tandis que l’Europe affiche les meilleurs résultats.

Le graphique indique également que les transferts (prestations sociales et impôts

sur les revenus) font diminuer l’inégalité de 25% en moyenne en Belgique.

Source : OCDE, voir “Les inégalités de revenu selon l’OCDE” sur http://annotations.blog.free.fr/

L’indice de Gini de la Belgique est plus faible que la moyenne de l’Union européenne - ce qui implique que la Belgique est moins inégalitaire en termes de revenus.

Le graphique de la page suivante montre l’évolution de l’indice de Gini. Au cours de la période 2006 - 2014, ni augmentation, ni diminution notable de l’inégalité de revenus n’a été enregistrée.

À l’impôt de se soucier des précarisés d’aujourd’hui… et de demain

Cette étude insiste plusieurs fois sur la prise en compte du sort des personnes précarisées comme critère d’un impôt juste au service du bien commun. La Commission Justice et Paix défend ainsi que le poids de l’impôt doit reposer davantage sur celles et ceux qui ont les épaules les plus larges, c’est-à-dire la capacité contributive la plus élevée, qu’il s’agisse d’individus ou de sociétés.

Les personnes précarisées dont il s’agit ne sont pas seulement les pauvres d’au-jourd’hui, ce sont aussi les pauvres de demain.

Si la prise en compte du sort des précari-sés d’aujourd’hui appelle une fiscalité qui pèse plus sur les riches que sur les pauvres, le souci des pauvres de demain oblige à

intégrer une dimension écologique dans la fiscalité. Toute activité qui détériore la planète aujourd’hui, compromet la qualité de vie à laquelle les générations futures pourront prétendre.

La fiscalité est un moyen puissant pour changer dès aujourd’hui les habitudes de consommation et de production, donc d’exploitation des ressources de la Terre : décourager l’usage des carburants et combustibles fossiles, les rejets dans la nature de C02 ou d’eaux usagées, ou en-core l’abandon d’équipements usés plutôt que leur recyclage, fait aussi partie d’une fiscalité qui voit dans le sort des personnes précarisées un critère majeur d’un impôt juste au service du bien commun.

Partie II

Indice de Gini [0,24 ; 0,31[ [0,31 ; 0,36[ [0,36 ; 0,39[ [0,39 ; 0,46[ [0,40 ; 0,70[

Indice de Gini (Belgique et UE, 2006-2014)

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UE (avant transferts)

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UE (après transferts)

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POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE 4140

3.2. Un bon impôt doit être efficace

Juger de l’efficacité de l’impôt, c’est juger de son efficacité tant dans la gestion des dépenses publiques que dans le prélève-ment de recettes fiscales et parafiscales.

Au niveau de la gestion des dépenses publiques, être efficace, c’est utiliser au mieux les moyens dont on dispose pour poursuivre des objectifs définis. En Bel-gique, force est de constater que ce ne sont souvent pas les moyens qui manquent pour réaliser les missions fondamentales mais que c’est l’utilisation de ces moyens qui présente parfois des inefficacités.

Au niveau du prélèvement des recettes fiscales et parafiscales, un impôt n’est efficace que lorsqu’il finance sans susciter ni rejet ni distorsion sociale. Néanmoins, l’efficacité ne peut être poursuivie comme seul objectif, sous peine de mettre en place des politiques aberrantes d’un point de vue social comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous qui souligne notam-ment l’importance de mettre en place un système fiscal qui propose un bon arbitrage entre efficacité et équité.

◗ Exemple de politique efficace mais inéquitable : Selon la notion d’effica-cité citée ci-dessus, il est préférable de perturber le moins possible les décisions des citoyens. Dès lors, les individus les plus mobiles ne devraient surtout pas être les cibles de la taxation puisque la taxe les inciterait à se rendre sur un autre marché (ou pays). Au contraire, la taxe devrait cibler les personnes les moins mobiles qui ont le moins de possibilités de changer de marché (ou de pays). Or, ces personnes sont essentiellement celles

avec les revenus les plus faibles car elles ne disposent pas de moyens financiers et logistiques pour éluder l’impôt.

En Belgique, le prélèvement des recettes fiscales et parafiscales souffre d’importants problèmes d’inefficacité puisque l’évasion fiscale y est importante. Comme mentionné dans le premier chapitre, la Commission eu-ropéenne évalue les pertes liées à l’évasion fiscale à plus de 1.000 milliards d’euros chaque année dans l’Union européenne - ce qui représente 20% du PIB de l’Union européenne. Bien entendu, l’ampleur de cette évasion fiscale est difficile à évaluer.

3.3. Un bon impôt doit être régulateur

Juger l’impôt ne peut se limiter à un juge-ment de ses caractéristiques et de ses mo-dalités. Il est important d’évaluer également sa capacité à réguler les agents et les forces du marché. En effet, un bon système fiscal doit être capable d’influencer, en ayant en vue le bien commun, le comportement des agents économiques face aux événements.

Essentiellement, lorsque que le marché est en crise, les régimes d’imposition sont des instruments par lesquels l’État peut agir sur la conjoncture. Réduire les impôts permet de soutenir une conjoncture déprimée ; les alourdir permet, au contraire, de freiner une activité surchauffée. Pour pouvoir être un incitant efficace, ce système doit être flexible afin d’être capable de répondre rapidement aux changements des circons-tances économiques.

Face à des besoins immédiats, les actions doivent être pensées à court terme. Les impôts directs ne sont donc pas adéquats

car ils ne sont effectifs que pour l’année qui suit. On agira donc par les taxes in-directes, comme la TVA ou les accises, qui peuvent être mises en œuvre instan-tanément. Néanmoins, à long terme, il s’agit de privilégier les impôts directs, plus équitables puisqu’ils prennent en compte le revenu global du contribuable.

3.4. L’impôt doit avoir une visée démocratique

Un bon impôt doit être simple adminis-trativement, transparent et en conformité avec les préférences des citoyens.

Un impôt avec ces caractéristiques permet au citoyen de se sentir concerné par l’impôt, de comprendre son intérêt et ses objectifs et d’être sensibilisé aux conséquences de l’évasion fiscale. Un tel impôt permet également que le citoyen soit capable d’effectuer un contrôle démocratique sur la manière dont les recettes sont prélevées et les dépenses effectuées.

3.5. Un bon impôt doit respecter le principe de subsidiarité

Avec le processus de fédéralisation de la Belgique, débuté en 1970, tant les autorités fédérales que régionales, provinciales et communales peuvent prélever l’impôt. Aujourd’hui, le fédéral s’occupe seul de l’impôt des sociétés, de la TVA et des ac-cises, tandis que les régions se chargent du précompte immobilier et des droits de succession. Le fédéral et les entités fédérées se partagent la détermination du taux et des recettes de l’impôt des personnes physiques – les régions peuvent prélever

des centimes additionnels sur une partie de l’IPP. Les communautés, par contre, n’ont aucune autonomie fiscale.

En plus des institutions fédérales et fé-dérées, les instances supranationales dé-tiennent dans certains cas le pouvoir de décider et prélever des impôts – comme les droits de douane – et de celui d’éta-blir des normes, comme par exemple en matière de TVA et d’accises, d’imposition des revenus de l’épargne ou encore des sociétés. Ainsi, depuis qu’elle est une Union Douanière, l’Union européenne prélève directement les droits de douane. Dans les pays du tiers monde, ces droits de douane sont des sources importantes de financement mais sont fréquemment attaqués par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) car considérés comme une atteinte au libre-échange.

Pour que l’impôt soit levé de manière juste, efficace et en vue du bien commun, il est important d’en donner la compétence à un niveau de pouvoir adéquat. Le test fonctionnel de subsidiarité permet de déterminer le niveau de pouvoir compétent.

Le principe de subsidiarité stipule qu’une compétence en matière fiscale (prélever l’impôt ou en déterminer la base) doit être assurée par le niveau de pouvoir le plus proche du citoyen sauf si un niveau de pouvoir plus élevé est capable de l’assumer plus efficacement.

Dans le contexte belge, le principe de subsidiarité implique que les compétences doivent être exercées au niveau des entités fédérées (régional, communal, provincial) sauf si le niveau fédéral peut les assumer plus efficacement. Afin d’identifier si un impôt est efficace, il faut analyser l’aptitude

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des entités fédérées à contrer la capacité des individus d’esquiver l’impôt. Or, une des manières d’esquiver l’impôt est le déménagement pour raison fiscale.

L’impôt des régions

Dans le cas de l’impôt des régions, il s’agit de se demander si une diminution des impôts dans une région inciterait les ré-sidents des autres régions à y déménager pour esquiver l’impôt.

En matière d’impôts sur le revenu des personnes physiques, c’est peu probable : la plupart des citoyens compareront le gain fiscal avec le coût du déménagement, y compris en termes de liens sociaux à aban-donner d’un côté et à retisser ailleurs, et décideront de ne pas déménager. On peut dès lors soutenir que l’IPP est suffisamment efficace au niveau des entités fédérées.

Cependant, il est important de faire at-tention aux effets que cette autonomie régionale peut avoir sur le bien-être de la région voisine et de s’assurer d’une cohérence d’ensemble. C’est pourquoi l’État reste, en Belgique, responsable en termes de normes et de lignes de conduite commune tant en recettes qu’en dépenses.

L’impôt du fédéral

La responsabilité de l’impôt des sociétés, de la TVA et des accises est au niveau fédéral.

Selon le principe de subsidiarité, il est adéquat d’octroyer la responsabilité de l’impôt des sociétés à l’État fédéral, car les entreprises sont tout à fait susceptibles de déménager d’une région vers une autre pour des raisons fiscales. De même, au niveau de la TVA et des accises, régionaliser la responsabilité de l’impôt entrainerait

probablement un déplacement du com-merce d’une région vers une autre.

Ces cas renvoient à une notion abordée dans le premier chapitre : au plus la base d’un impôt est mobile, au plus la modifi-cation du taux d’imposition est de nature à provoquer des effets externes ; les régions voisines risquent alors de se lancer dans une spirale de concurrence fiscale. Plus mobile encore que l’entreprise ou les biens, on citera l’épargne, et donc le patrimoine, et les droits de propriété intellectuelle comme les brevets ou la protection des marques et des noms de domaine. Leur imposition devrait demeurer fédérale selon le principe de subsidiarité.

L’impôt de l’Europe

Dans le débat européen, le principe de subsidiarité implique que les compétences doivent être dans les mains des États membres sauf si l’Union européenne est capable de les assurer plus efficacement.

Il s’agit notamment de se demander si confier seulement l’établissement des normes au niveau européen est suffisant ou s’il y a lieu de mettre en place une ad-ministration fiscale européenne chargée de prélever au moins la partie de l’impôt qui reviendrait à l’Europe, à la manière de ce qui se passe au Canada et aux États-Unis où impôt fédéral et impôt provincial se superposent.

4. En guise de conclusion

La teneur de cette partie se fonde d’abord sur le fait que la Commission Justice et Paix considère que le bien commun est un principe essentiel afin de concevoir et mettre en œuvre une politique fiscale. Sur base de ce principe, la Commission Justice et Paix considère que la fiscalité doit notamment respecter le principe d’équi-té verticale, et donc être progressive et dessinée d’une manière qui privilégie les plus précarisés, d’une part, et le principe d’équité horizontale, qui privilégie le re-venu global comme signe de capacité contributive, d’autre part.

Dès lors, la Commission Justice et Paix a identifié les types de biens à financer. Selon elle, les dépenses publiques doivent d’une part assurer le financement des biens et services que le marché n’est pas à même de fournir efficacement ou équitablement (essentiellement les biens non-exclusifs et les biens avec effets externes) et d’autre part garantir l’accès des plus précarisés au marché.

Par ailleurs, la Commission Justice et Paix considère comme un système fiscal juste, celui qui fait reposer la plus grande partie de la charge fiscale sur les contribuables dont les épaules sont proportionnellement les plus larges : les personnes physiques qui ont le plus de moyens en termes de revenus du travail et du capital, en termes de patri-moine ou encore d’accès à la consomma-tion, de même que les personnes morales, principalement les sociétés et parmi elles les entreprises multinationales. En plus de cet aspect essentiel, ce chapitre a mis en avant d’autre exigences – efficacité, régu-lation, démocratie et respect du principe de subsidiarité – pour la mise en place d’un bon impôt.

En partant de ces exigences, cette étude peut maintenant aborder sa troisième partie “agir” qui propose une série de re-commandations pour plus de justice fiscale.

Partie II

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La Commission Justice et Paix souhaite que les contribuables ayant la même capacité contributive participent de manière iden-tique à l’impôt belge. Or, dans le système actuel, les revenus du capital et, dans une moindre mesure, les revenus immobiliers sont favorisés par rapport aux revenus du travail.

Il s’agit d’en arriver, à terme et dans les meilleurs délais possibles, à inclure dans la base imposable les revenus de toute origine – revenus professionnels, revenus du capital, revenus immobiliers, revenus de solidarité.

PARTIE IIIDIX RECOMMANDATIONS

Ce sont particulièrement les revenus du capital qu’il s’agit d’inclure dans la base imposable. Il faut, en particulier, mettre en place un système de taxation des plus-values applicable à tout type de capital indépendamment de ses caracté-ristiques internes (actions, obligations, etc.) et des modalités d’achat et de vente (temporalité de la vente, localisation de l’investissement, etc.).

Même les revenus les plus restreints, y compris les revenus de solidarité, doivent être inclus dans la base imposable. Cela devrait permettre à chaque citoyen de

Ce troisième chapitre présente dix recommandations qui permettraient d’évoluer vers une plus grande justice fiscale en Belgique et en Europe. Ces recommandations veulent être moralement soutenables, socialement équitables, motivantes pour les contribuables aujourd’hui réticents, et compatibles avec les équilibres des entreprises et des pouvoirs publics.

Ces recommandations présentent d’abord les solutions pour l’imposition des citoyens et ensuite pour l’imposition des sociétés. Elles n’excluent pas d’autres réformes, notamment celles qui visent un meilleur équilibre entre taxation des revenus et de la consommation (TVA) et une fiscalité qui intègre davantage les préoccupations écologiques. Par ailleurs, elles n’ignorent pas les réformes qui doivent être faites au niveau international afin de donner la voix aux pays en voie de développement.

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1. Une justice fiscale pour les citoyens

1. Une globalisation réelle des revenus

prendre conscience qu’il contribue à un vivre ensemble. La mise en place d’une allocation universelle, adéquatement conçue ou pensée, pourrait constituer le fondement même de ce système.

Pour plus de justice fiscale, il est nécessaire que les revenus qui constituent la base imposable soient correctement évalués (re-commandation 2) et que cette base impo-sable inclue effectivement tous les revenus (recommandation 3). Ensuite, au départ

de cette base imposable, doit être mis en place un système équitable (recommanda-tion 4) et simplifié (recommandation 5). Enfin, il est essentiel en parallèle de pro-céder à une sensibilisation du citoyen afin qu’il exerce un contrôle démocratique sur l’utilisation de ses contributions et prenne conscience de sa participation au bien commun de l’ensemble de la société (recommandation 6).

En plus d’intégrer dans la base imposable l’ensemble des revenus globaux du citoyen, la Commission Justice et Paix insiste pour que le montant de ces revenus soit évalué correctement.

Dans cette perspective, il s’agit notamment de taxer les biens immobiliers selon les re-venus qu’ils génèrent réellement (loyer réel sous certaines déductions économiquement justifiées, par exemple pour des travaux de rénovation) et non sur une réalité tout à fait obsolète (revenu cadastral).

2. Évaluation adéquate des revenus

3. Inclusion de tous les revenus

Afin d’inclure tous les revenus des citoyens dans le calcul de la base imposable, il est nécessaire de recenser l’ensemble des oc-cupations lucratives et des biens procurant des revenus en Belgique et à l’étranger.

Il faut pour cela organiser un système international efficace d’échange d’informa-tions entre les institutions financières et les administrations fiscales, et également entre les administrations fiscales des différents pays, avec un mécanisme de sanctions à l’égard des institutions financières et des États insuffisamment coopératifs.

Il s’agit dès lors de lever progressivement le secret bancaire tant pour les résidents que les non-résidents. Des mesures pourraient

être instaurées à l’instar de celles prises par les États-Unis vis-à-vis des banques où les citoyens fiscaux américains détiennent des avoirs.

Bien que la levée du secret bancaire et l’échange systématique d’informations soient des outils utiles pour la lutte contre l’évasion fiscale, ils ne suffisent pas sans sanctions efficaces. En effet, une justice fiscale requiert une “justice tout court”. C’est pourquoi la Commission Justice et Paix estime essentiel un système de sanctions adéquat avec adaptations correspondantes des moyens humains et légaux de l’admi-nistration et de la justice.

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Partie III

Il faut appliquer à cette base imposable globalisée une imposition équitable.

En réaction au constat des inégalités présentes en Belgique, la Commission Justice et Paix demande la mise en place d’un système qui fasse reposer une plus grande partie de la charge fiscale sur les contribuables dont les épaules sont les plus larges.

C’est pourquoi elle souhaite que la pro-gressivité de l’impôt soit plus forte et qu’au moins deux tranches d’impositions à des taux plus élevés soient ajoutées. À terme, il s’agirait d’arriver à une imposition plus progressive et moins grossière que l’impo-sition par tranche, par exemple en utilisant une fonction continue : les nouvelles tech-nologies permettent en effet d’effectuer des calculs de taux d’imposition plus en

accord avec la capacité contributive de chacun. Similairement, la Commission Justice et Paix estime qu’il faut mettre en place une taxe sur les grandes fortunes afin de diminuer les inégalités.

Par ailleurs, les personnes précarisées dont il s’agit ne sont pas seulement les pauvres d’aujourd’hui, ce sont aussi les pauvres de demain. Si la prise en compte du sort des précarisés d’aujourd’hui appelle une fiscalité qui pèse plus sur les riches que sur les pauvres, le souci des pauvres de demain oblige à intégrer une dimension écologique dans la fiscalité. La Commission Justice et Paix trouve indispensable de donner au bien commun une dimension qui traverse les générations.

La Commission Justice et Paix souhaite que la population soit informée sur le pourquoi et le comment de l’impôt. L’objectif d’une telle pratique est double.

Premièrement, elle permet au citoyen d’exercer un contrôle démocratique sur l’utilisation de ses contributions. Ensuite, elle favorise chez lui une meilleure prise de conscience de sa participation au bien de l’ensemble de la société. En ef-fet, l’évasion fiscale est souvent banalisée dans la conscience collective. Or, il faut rappeler que la fraude n’est pas seule-ment une violation expresse de la loi : tout comme l’optimisation fiscale légale, elle permet de bénéficier des services col-lectifs fournis grâce à l’argent de tous sans apporter sa part à la cagnotte commune.

Une manière simple d’assurer cette informa-tion au citoyen, est d’inclure, lors de l’envoi

des déclarations d’impôts, un document qui communique, de façon claire et simple, les données relatives aux recettes et dépenses des pouvoirs publics de l’année précédente. En plus de ce document, un deuxième plus détaillé devrait être mis à disposition de toute personne qui le souhaite, afin d’effectuer un décodage affiné des politiques menées.

Par ailleurs, la Commission Justice et Paix pense qu’une reformulation du langage fiscal permettrait de renforcer la motiva-tion des citoyens à participer à l’impôt – comme en remplaçant le terme “impôts” par “contributions» par exemple. L’objectif, bien au-delà des mots, est de faire prendre conscience à l’ensemble de la population que cette “caisse commune” que constituent les recettes fiscales n’est pas la “propriété” des politiques, mais les moyens financiers qui leur sont confiés pour gérer la “copropriété commune” des citoyens.

4. Une imposition équitable 6. Informer et motiver la population

7. Révision des déductions fiscales excessives

5. Simplification du système fiscal

La Commission Justice et Paix trouve in-dispensable de clarifier et simplifier les lois fiscales, notamment en nettoyant l’“accu-mulation” des exonérations et réductions d’impôts non légitimes.

Elle souhaite que les déductions fiscales qui sont mises en place le soient en ayant le bien commun comme objec-tif. Actuellement, les déductions fiscales (épargne-pension, travaux de rénovation, titres-services, etc.) et les avantages fiscaux de toute nature (voitures de société, etc.) bénéficient principalement aux moyens et hauts revenus.

Par ailleurs, la Commission Justice et Paix souhaite que le système procède à l’indi-vidualisation complète des contributions afin que le système ne favorise pas un système familial par rapport à un autre – comme c’est censément le cas avec le “quotient conjugal”. Un système fiscal juste doit prendre en compte la pluralité des types de famille.

Une telle simplification du système est d’autant plus souhaitable que la complexité de la législation fiscale accroît la percep-tion du contribuable que l’impôt n’est pas équitable, notamment parce qu’elle incite certains à rechercher et exploiter systématiquement les failles de la législation.

Différentes niches fiscales ou exonérations ont été cumulées au cours du temps, tant en Belgique qu’à l’étranger, sous l’effet du lobbying d’intérêts privés. En rendant l’imposition fiscale incompréhensible pour les non-experts, ces niches fiscales favorisent les plus grands – au détriment des petites et moyennes entreprises. La Commission Justice et Paix recommande qu’il y ait une révision des niches fiscales dont bénéficient les en-treprises en Belgique, et ce principalement en ce qui concerne les intérêts notionnels. La Commission Justice et Paix considère

2. Une justice fiscale pour les sociétés

que les déductions fiscales ne peuvent se justifier que si elles sont en faveur du bien commun et concernent des domaines tels que l’écologie, l’emploi, la recherche et le développement, etc.

La révision de ces niches fiscales doit être accompagnée par une diminution du taux de l’impôt des sociétés pour que ce taux s’ac-corde à la moyenne européenne, et ce, sans tomber dans une politique de concurrence fiscale mais en ayant en vue une politique de bien commun qui tienne compte de la réalité socio-économique du pays.

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Partie III

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Un système fiscal juste doit faire reposer une plus grande partie de la charge fiscale sur les contribuables dont les épaules sont les plus larges. Il s’agit notamment des institutions financières, et principa-lement les banques, d’autant plus que ces dernières ont largement bénéficié du soutien des autorités publiques lorsque leur situation a appelé des mesures de sauvetage de la part de ces autorités. Ce sauvetage s’est fait avec de l’argent public, donc des contribuables, et il est juste que ces institutions contribuent maintenant à leur tour au financement des États.

Comme les plus grandes parmi ces insti-tutions financières ont une place centrale dans le fonctionnement de l’économie qui les rend too big to fail – c’est-à-dire que leurs déboires, dus le plus souvent à des prises de risque excessives mais juteuses, sont générateurs de risques pour l’ensemble de l’économie, que la collectivité est bien obligée de couvrir – il est juste qu’elles soient contraintes à plus de prudence.

Dans cette perspective, la Commission Justice et Paix propose de soumettre les institutions financières à une imposition supplémentaire portant sur l’une au moins des bases imposables ci-dessous :

◗ Les transactions sur titres : une taxe sur les transactions entre opérateurs agissant entre États membres de l’Union européenne, dite “taxe sur les transac-tions financières” également appelée “taxe Tobin” (voir encadré ci-dessous), est envisagée par l’Union européenne. Elle doit être instaurée, même s’il faut surmonter les difficultés auxquelles sa mise en pratique semble se heurter.

◗ Les rémunérations variables : il peut s’agir d’imposer les rémunérations variables comme les bonus, et ce via un prélèvement juridiquement à la charge de l’institution financière ; cette taxe est de nature à freiner la prise de risque excessive et à compenser l’absence de TVA dans ce secteur.

◗ Le volume du bilan : en soumettant les banques à un impôt proportionnel ou progressif sur leur volume ou leur valeur de bilan (la situation patrimoniale d’une

une fiscalité européenne qui permet une certaine pluralité des fiscalités. Celle qui, basée sur le principe de subsidiarité, permet à chaque pays de se doter du système fiscal en phase avec ses préférences politiques qui auraient en vue le bien commun.

La Commission européenne, dans son Plan d’action pour une fiscalité équitable et efficace, propose une telle coordination avec le plan ACCIS (voir ci-dessous) qui

8. Instauration d’une imposition supplémentaire pour les institutions financières

9. Coordonner les politiques fiscales au niveau européen

Dix pays membres de l’Union européenne (dont la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France, etc.) se sont engagés à mettre en place une taxe sur les transactions fi-nancières. C’est la fameuse “taxe Tobin”, également appelée “Taxe sur les Transactions Financières (TTF)”. Le but de cette taxe est notamment de lutter contre la spéculation financière et de faire entrer des recettes dans les caisses de l’État. Bien que le taux de la taxe (0,10% pour les actions et obli-

gations) soit faible, l’impact de la taxe serait réel car les tradings algorithmiques (spéculation financière à haute fréquence via des ordinateurs) font des transactions qui ont parfois des marges très faibles.

Néanmoins, la mise en pratique de cette TTF semble se heurter à des difficultés notamment au niveau de la Belgique qui pourrait revenir sur ses engagements.

Depuis le début des années 2000, la Com-mission européenne tente de faire aboutir un projet ambitieux, celui de proposer une manière commune de calculer la base imposable des grandes sociétés de l’Union européenne. C’est le projet ACCIS, acro-nyme d’Assiette Commune Consolidée à l’Impôt des Sociétés. La Commission européenne a récemment relancé ce plan.

Le projet ACCIS consiste à identifier une “assiette commune” (la définition de la base imposable), ensuite à consolider les bénéfices des sociétés (additionner l’en-semble des bénéfices des filiales au niveau européen) et enfin à répartir l’impôt entre chaque pays (selon une formule dépendant des ventes, de la main-d’œuvre et des

actifs tangibles dans chacun des États). Cette formule permettrait à chaque État membre de prélever sur la part qui lui re-vient des bénéfices consolidés des sociétés multinationales un impôt calculé à son propre taux d’imposition.

Avec ce système, le contribuable redevable de l’impôt des sociétés est la multinationale, et non plus chaque entité juridiquement autonome membre de la multinationale comme c’est encore le cas.

La consolidation mettrait fin aux détours ju-teux comme le passage par l’Irlande (exemple de la partie 1), et aux tentations de création de dettes intra-groupes pour faire glisser la base imposable d’un pays à l’autre.

POUR

PLUS

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POUR

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PLIC

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La taxe sur les transactions financières

Le projet ACCIS

Une contribution optimale des sociétés ne peut être déterminée sans une coordination des régimes fiscaux entre les différents États. Une coordination au niveau euro-péen a pour objectif d’éviter l’ingénierie fiscale qui conduit à des délocalisations réelles ou fictives des entreprises, en vue d’échapper aux contributions dues.

Au lieu d’une harmonisation complète, la Commission Justice et Paix préconise

banque), on peut prévenir la tentation d’être too big to fail, et donc éviter de générer des risques injustifiables du point de vue du bien commun.

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Partie III

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souhaite mettre en place une consolidation des bénéfices des filiales des multinationales qui obligerait les entreprises à payer leurs impôts là où leur activité économique a

lieu. Néanmoins, il manque encore de volonté politique pour mettre ce plan d’action en place.

10. Lutter contre l’évasion fiscale

La Commission Justice et Paix encou-rage les différentes initiatives prises par l’Union européenne et l’OCDE en matière d’échange automatique d’informations des données fiscales des entreprises puisqu’il s’agit d’un moyen efficace de lutter contre l’évasion fiscale.

La Commission Justice et Paix préconise une lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales. À cause des traités mis en place pour éviter la double imposition, les multinationales profitent souvent d’une double “non-imposition” notamment en manipulant les opérations entre filiales afin de localiser les profits dans les pays à faible taxation. Afin de lutter active-ment contre cette optimisation fiscale, la Commission Justice et Paix s’accorde avec différentes ONG pour qu’on impose aux multinationales un reporting CBCR, c’est-à-dire la publication d’un rapport des activités, chiffre d’affaires, salariés, profits et impôts sur chacune de ses filiales et que ce rapport soit public.

C’est pourquoi la Commission Justice et Paix soutient le plan BEPS (voir encadré page suivante), car ce système obligera les multinationales à publier toute une série d’informations sur leurs activités dans chaque pays où elles sont présentes.

Néanmoins, le plan BEPS de l’OCDE mérite d’être étendu (aux multinationales réalisant moins de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel) et perfectionné dans l’échange d’informations avec les pays en voie de développement. Par ailleurs, pour rendre le plan BEPS efficace, la Commission Justice et Paix souhaite que ces informations soient publiques, de manière à mettre sur les sociétés une pression suffisante en termes de réputation.

Cet échange automatique d’informations n’aura malheureusement qu’une efficacité limitée dans la lutte contre les sociétés écrans puisque ces dernières permettent précisément de dissimuler l’identité des fraudeurs. Dès lors, la Commission Justice et Paix se joint aux demandes de différentes ONG et exige la mise en place d’un re-gistre public des bénéficiaires des sociétés écrans. De telles dispositions sont de mise au niveau européen, mais elles doivent être étendues.

L’OCDE a lancé en juillet 2013, à la demande du G20, un plan d’action BEPS (pour “Base Erosion and Profit Shifting”, ou “érosion de la base imposable et déplacement des profits”) qui recense 15 actions spécifiques à engager afin de donner aux pouvoirs publics les instruments nationaux et internationaux permettant de faire face à l’érosion de la base d’imposition. Ce projet a été mis en place en partant du constat que la fiscalité internationale n’avait pas pris en compte l’évolution de l’économie et notamment la capacité de certaines entreprises à déplacer leurs bénéfices dans les paradis fiscaux.

Ces 15 règles visent à augmenter la trans-parence et à combattre l’évasion fiscale des multinationales. Elles veulent notamment éliminer le problème de la double “non-im-

position” des bénéfices. Ce projet propose notamment la mise en place d’un rappor-tage pays par pays (country by country reporting - CBCR) qui consiste à imposer aux multinationales la publication d’un ensemble d’informations factuelles (localisation, type d’activités, profit, nombre d’employés, etc.) pour chacune de leurs filiales. Un tel rapport public permettrait d’influencer le comportement des multinationales en jouant sur leur image.

L’ambition du plan BEPS est proche de celle du projet européen de l’ACCIS pré-senté précédemment, mais la couverture géographique est plus large : les pays de l’OCDE et un certain nombre de pays en voie de développement sont invités à se joindre au projet. PO

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Le plan BEPS

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Conclusion finale

53POUR PLUS DE JUSTICE FISCALE

Apporter des améliorations au système actuel est bien entendu un ouvrage qui sera toujours en construction et à remettre cent fois sur le tapis en fonction de l’évolution des contextes. Par ailleurs, faire des recommanda-

tions pour plus de justice fiscale n’est pas affirmer que tout est immédiatement et intégralement possible. Un changement ne peut être que progressivement mis en œuvre en tenant compte, d’une part des contraintes internes imposées par une transition nécessaire des dispositions en vigueur et, d’autre part, des contraintes extérieures venant des pays tiers ayant des opinions politiques différentes

La coordination internationale est essentielle, particulièrement en ce qui concerne l’imposition des sociétés. En plus de priver les gouvernements de montants colossaux qui pourraient bénéficier au bien commun, l’optimisation fiscale des multinationales entretient une légitimation de l’évasion fiscale qu’il faut combattre.

Pour que l’amélioration des lois et des réglementations porte ses fruits, il est essen-tiel que les citoyens soutiennent ceux et celles qui prônent les mesures politiques adéquates. Il est également indispensable qu’ils aient conscience du rôle positif qu’ils jouent dans la société : en s’acquittant de l’impôt, ils contribuent au bien de l’ensemble de la société comme à leur bien propre.

Il s’agit d’un défi important qui concerne un changement de mentalité, auquel tous doivent contribuer : responsables politiques, économiques, sociaux, éducateurs, associations,… Un défi à relever, si nous voulons un monde plus juste.

Références – Aller plus loin

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RemerciementsLa Commission Justice et Paix souhaite remercier l’ensemble des personnes qui ont activement participé à l’élaboration de cette étude : les membres du groupe de travail ÉthÉcopol, Marie-Anne Clairembourg, volontaire chez Justice et Paix, ainsi que les aides extérieures d’Antonio Gambini et Christian Valenduc.

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La Commission Justice et Paix fait partie des organisations de la société civile qui rassemblent, informent et interpellent ses concitoyens. C’est sans prétention technique mais avec pleine prétention politique qu’elle soumet ces pages sur les enjeux de la fiscalité. Cette étude, qui s’inscrit dans sa mission de service d’éducation permanente, suit la démarche suivante.

Elle donne d’abord des éléments pour comprendre. Les régimes fiscaux belge et européen ont bien changé en un de-mi-siècle. Les contributions sont de plus en plus lourdes, et de moins en moins progres-sives. Les dépenses publiques n’ont cessé d’être mises sous pression. Alors que les majorités gouvernementales ont mis à leur programme la lutte contre la l’évasion fiscale, celle-ci n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Cela ne va pas. Mais où réside le mal ? L’étude continue son cheminement en critiquant le système fiscal actuel, et ce avec le “bien commun” pour clé de lecture, principe que la Commission Justice et Paix juge essentiel à la mise en œuvre d’une politique fiscale juste.

La Commission Justice et Paix aurait pu se limiter à dénoncer les inefficacités et injustices que nourrissent les régimes actuels tout en laissant les spécialistes et politiques s’emparer des défis à relever. Elle a toutefois achevé son parcours par un agir et se risque d’énoncer dix recommandations pour plus de justice fiscale. Elles représentent un défi important qui implique un changement de mentalité, auquel tous doivent contribuer.

Un défi à relever, si nous voulons un monde plus juste.

La Commission Justice et Paix Belgique francophone

Avec le soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles