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Pour bien éduquer : Eduquer au ‘BIEN’ Ethique et Education … P. Edgard EL HAIBY USJ - FSR ISSR - [email protected] Article paru dans le revue de l‟ILE-USJ, 2002 En éducation, en sociologie, en gestion, en architecture, en médecine, en biologie, en politique, en économie, etc., bref, en tout et partout nous constatons un questionnement qui devient de plus en plus partagé. Ce questionnement est souvent traité sous la rubrique « ETHIQUE » : éthique professionnelle, éthique médicale, éthique politique, éthique sociale, éthique sexuelle, bioéthique, etc. Cependant, bien que cette « discipline » est devenue de plus en plus systématisée dans les formations humaines, que ça soit au niveau scientifique ou au niveau professionnel, ne nous-trompons pas, ce n‟est qu‟une nouveauté apparente. Existentiellement, l‟éthique aurait l‟âge de l‟humanité dans sa vocation profonde d‟autonomisation et de socialisation de chaque personne humaine. Historiquement, elle aurait l‟âge de l‟interrogation philosophique concernant le sens de l‟humain. Mais qu‟est -ce que l‟éthique et comment pourrait-elle illuminer une démarche éducative ? Pour répondre à cette question, nous proposons, dans ces quelques lignes, une précision systématique sur la définition de l‟éthique pour s‟interroger, en épilogue, sur les tâches de bases qui incombent à une éducation éthiquement justifiée. .1. L’éthique 1 : un chantier pas comme les autres ! La problématique de l‟éthique peut être concentrée dans l‟interrogation suivante : « Que faire pour bien faire ? » 2 Cette formule, malgré sa simplicité, a le mérite de nous introduire dans le monde si complexe de l‟éthique. Nous vous proposons de le visiter suivant trois sous- questions guides 3 : 1 Du point de vue étymologique, le mot « éthique », formé sur le grec ethos, constitue avec le mot « morale » , formé sur le latin mos, moris, un couple de synonymes que l‟usage a tendance à différencier. Dans cet article les termes „morale‟ et „éthique‟ sont utilisés sans distinction. Pour plus de précision sur cette différentiation, cf. Paul RICOEUR, Avant la morale, l’éthique, in Encyclopediae Universalis, Les enjeux*, 1993, p. 62-66 2 Titre du livre de Eric FUCHS : Comment faire pour bien faire ? Introduction à l’éthique, Coll. « Le champ éthique » : n° 28, Genève : Labor et Fides, 1995, 196 p. 3 Pour des présentations plus détaillées sur l‟éthique les références ne manquent pas. Nous nous limitons à : Robert MISRAHI : Qu'est-ce que l'éthique ? L'éthique et le bonheur, Paris : Armand Colin, 1997, 285 (Contient une bibliographie importante sur les oeuvres classiques et contemporaines) ; André LEONARD : Le fondement de la morale. Essai d’éthique philosophique, Paris : cerf, 1991, 383 p.

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Pour bien éduquer : Eduquer au ‘BIEN’

Ethique et Education …

P. Edgard EL HAIBY

USJ - FSR – ISSR - [email protected]

Article paru dans le revue de l‟ILE-USJ, 2002

En éducation, en sociologie, en gestion, en architecture, en médecine, en biologie, en

politique, en économie, etc., bref, en tout et partout nous constatons un questionnement qui

devient de plus en plus partagé. Ce questionnement est souvent traité sous la rubrique

« ETHIQUE » : éthique professionnelle, éthique médicale, éthique politique, éthique sociale,

éthique sexuelle, bioéthique, etc. Cependant, bien que cette « discipline » est devenue de plus

en plus systématisée dans les formations humaines, que ça soit au niveau scientifique ou au

niveau professionnel, ne nous-trompons pas, ce n‟est qu‟une nouveauté apparente.

Existentiellement, l‟éthique aurait l‟âge de l‟humanité dans sa vocation profonde

d‟autonomisation et de socialisation de chaque personne humaine. Historiquement, elle aurait

l‟âge de l‟interrogation philosophique concernant le sens de l‟humain. Mais qu‟est-ce que

l‟éthique et comment pourrait-elle illuminer une démarche éducative ?

Pour répondre à cette question, nous proposons, dans ces quelques lignes, une précision

systématique sur la définition de l‟éthique pour s‟interroger, en épilogue, sur les tâches de

bases qui incombent à une éducation éthiquement justifiée.

.1. L’éthique1: un chantier pas comme les autres ! La problématique de l‟éthique peut être concentrée dans l‟interrogation suivante : « Que

faire pour bien faire ? » 2 Cette formule, malgré sa simplicité, a le mérite de nous introduire

dans le monde si complexe de l‟éthique. Nous vous proposons de le visiter suivant trois sous-

questions guides3 :

1 Du point de vue étymologique, le mot « éthique », formé sur le grec ethos, constitue avec le mot « morale » ,

formé sur le latin mos, moris, un couple de synonymes que l‟usage a tendance à différencier. Dans cet article les

termes „morale‟ et „éthique‟ sont utilisés sans distinction. Pour plus de précision sur cette différentiation, cf. Paul

RICOEUR, Avant la morale, l’éthique, in Encyclopediae Universalis, Les enjeux*, 1993, p. 62-66 2 Titre du livre de Eric FUCHS : Comment faire pour bien faire ? Introduction à l’éthique, Coll. « Le champ

éthique » : n° 28, Genève : Labor et Fides, 1995, 196 p.

3 Pour des présentations plus détaillées sur l‟éthique les références ne manquent pas. Nous nous limitons à :

Robert MISRAHI : Qu'est-ce que l'éthique ? L'éthique et le bonheur, Paris : Armand Colin, 1997, 285

(Contient une bibliographie importante sur les oeuvres classiques et contemporaines) ; André LEONARD : Le

fondement de la morale. Essai d’éthique philosophique, Paris : cerf, 1991, 383 p.

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i. Comment faire pour discerner et faire le BIEN ?

ii. Pourquoi faudrait-il faire le BIEN ?

iii. Où se fait le discernement du BIEN ?

Vu la complexité du sujet, notre tâche ne serait pas facile. Surtout que si nous suivons la

méthode déductive, nous risquerions d‟amener le lecteur peu avisé de la problématique de

l‟éthique dans ses labyrinthes trop théoriques et lui occulter ainsi l‟objet direct qui l‟intéresse

d‟une manière spontanée et concrète, à savoir l‟acte moral. Par contre, si nous adoptons la

méthode inductive, nous manquerions probablement l‟intérêt que pourrait chercher le lecteur

suffisamment initié à la réflexion éthique en lui proposant une présentation peu critique par

rapport à son architectonie. Néanmoins, vu la nature introductive de ce chapitre, nous optons

pour la présentation inductive partant de l‟objet le plus immédiat de l‟éthique afin de rejoindre

ses autres éléments consécutifs.

Pour ce faire, un exemple pratique4 nous introduira dans les sentiers de la réflexion

éthique.

§ 1 En conseil pédagogique scolaire, entendons entre coordonnateurs et

responsables des cycles, une discussion s’engage à propos de la violence au sein de

l’Etablissement, ses expressions, ses causes et les moyens dont il faut disposer pour la

réduire et/ou la prévenir.

§ 2 Pour que l’équipe puisse élaborer une stratégie d’action, elle doit se mener

des outils théoriques et pratiques qui la guideront, tout d’abord, dans la définition

même de la violence (ce qui en relève et ce qui ne lui appartient pas), pour pouvoir,

ensuite, juger sa correspondance ou son aliénation par rapport au « bien », afin de

faire, enfin, tout le travail de discernement et d’encadrement des actes jugés violents.

§ 3 Pour ce faire, et après une description plus ou moins détaillée de la situation

à l’école, l’équipe pédagogique serait invitée à mettre au clair ses convictions de base : sens et respect de la dignité humaine, précision du rôle et de la vocation de l’éducation,

responsabilité partagée entre les différents partenaires dans une institution scolaire,

rapport entre la responsabilité d’une personne vis-à-vis de soi-même et sa

responsabilité vis-à-vis d’une appartenance communautaire (pays, nation, religion),

etc.

§ 4 Se fondant sur ces convictions adoptées, l’équipe précisera les valeurs

fondamentales qui régissent leur action éducative : l’intégrité physique, la santé, la

sécurité, la vie privée, la singularité de chaque personne, le bien commun, la liberté, la

vérité, la socialité, l’amour, la fraternité, l’égalité, etc.

§ 5 Pour promouvoir et défendre ces valeurs, l’équipe pédagogique se trouve

engagée dans la recherche et l’élaboration de quelques principes directeurs : ne pas

agresser, ne pas opprimer, ne pas aliéner la liberté, responsabiliser les élèves face aux

locaux, initier au respect mutuel, promouvoir le dialogue, sensibiliser tous les

partenaires de l’éducation (professeurs, animateurs-surveillants, parents), etc.

4 Cet exemple nous servira tout au long de cette partie. Il sera rappelé par le sigle « ex. §.1, 2, etc. » : i.e.

exemple, paragraphe 1, ou 2, etc.

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§ 6 Considérant ces principes, un long moment doit-être consacré à la recherche

de règles pratiques assorties de plusieurs sortes de sanctions (positives et/ou

négatives) : établir une liste plus ou moins détaillée des cas d’infraction possible ; inviter à une rencontre personnelle avec le responsable du cycle, avec le psychologue

scolaire ; faire un avertissement échelonné ; punir (physiquement !, matériellement

(travail de réflexion, expulsion momentanée ou définitive)), etc.

Dans cet exemple nous avons tracé les étapes de toute réflexion éthique sans pour autant cerner

toute sa problématique. Nous étions partis d‟un constat concernant une catégorie d‟actes « violents »

et nous étions invités à discerner deux options principales : i. Si la violence pouvait être considérée comme bien.

ii. Sinon, comment pourrait-on discerner les actes violents, les réduire et/ou les prévenir ?

Ces deux questions-clés peuvent être ramenées à une seule : « Comment discerner le Bien

pour le promouvoir ? » C‟est ce qu‟on essayera de traiter dans la première étape de la

réflexion éthique.

.2. Comment faire pour discerner et faire le bien ?

.2.1. Discernement pratique : premier niveau de l’éthique

Le « comment faire pour discerner et faire le bien » constitue l‟objet premier de la

réflexion éthique. Quel que soit le « moment adulte »5 de l‟histoire personnelle ou collective,

dans n‟importe quel champ6 de la responsabilité humaine, à chaque fois que nous cherchons à

discerner si un acte posé respecte et promeut le bien ou, au contraire, justifie et engendre le

5Nous parlons ici de « moment adulte », non pour exclure la responsabilité éthique des personnes « immatures »,

mais plutôt pour signifier l‟horizon vers lequel devrait tendre tout acte éducatif éthiquement bon. Par conséquent,

et puisqu‟il n‟y aura jamais des personnes « parfaitement adultes » l‟éthique reste une démarche jalonnée par des

discernements et des jugements portant sur des actes plus ou moins déterminés sans pour autant pouvoir atteindre

la personne dans son intériorité même. Sur le développement du sujet moral cf. André GUINDON : Le

développement moral, Paris – Otawa : Desclée – Novalis, 1989, 189 p.

6 Les champs d‟application de l‟éthique : Devoirs de l‟homme envers lui-même (comme réalité corporelle,

comme conscience réflexive) ; Devoirs de l‟homme envers autrui (comme personne, comme collectivité sociale) ; Devoirs de l‟homme envers son environnement (le vaste domaine de l’écologie et des devoirs qu’impose à l’être

humain son lien vital avec son environnement naturel) ; Ethique politique (les responsabilités éthiques de

l’Etat) ; Ethique économique ; Ethique de la culture ; Ethique médicale (éthique médicale, bioéthique, médecine

et société) ; Ethique de l‟information ; Ethique et droit ; Ethique de la science (la recherche scientifique est régie

par des règles éthiques précises ; les conséquences possibles d’une découverte peuvent amener à des

interrogations) ; Ethique de la famille (responsabilité de la société envers la famille, responsabilité de la

famille) ; Ethique de l‟éducation (fondée sur le respect de l’éduqué) ; etc.

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mal7, nous seront à plein pied dans la problématique éthique (ex. § 1 et 2). L‟objet explicite de

l‟éthique serait donc d‟identifier dans chaque acte humain la visée adoptée afin de promouvoir

le bien et d‟éviter le mal. Or, c‟est justement à partir de cette recherche explicite concernant

l‟acte à discerner que nous sommes menés à affronter deux genres de difficultés.

La première difficulté, d‟ordre instrumental, serait de savoir comment analyser l‟acte

humain et à partir de quels critères objectifs porter un jugement de moralité8 (ex. § 4, 5 et 6).

La deuxième difficulté, d‟ordre épistémologique, se situant à un niveau plus fondamental,

consisterait à préciser les fondements même de toute définition du bien et de son contraire : Il s‟agit d‟une argumentation de la définition du bien et de la justification de sa nécessité (ex. §

3).

.2.2. Les repères du discernement moral : deuxième niveau de l’éthique

Pour résoudre la difficulté instrumentale, la société humaine, à travers plusieurs traditions,

a élaboré une multitude de systèmes référentiels qui sont pour la plupart complémentaires,

quelquefois incompatibles, rarement autosuffisants. Ces systèmes auront pour nom commun : NORMES. Les normes

9 constituent alors un ensemble de références objectives qui détermine

l‟analyse de la moralité de l‟acte et qui, à son tour, est formé de trois niveaux

complémentaires (ex. § 4, 5 et 6).

.2.2.1. Les règles : particulières et concrètes

Le premier niveau des normes, que nous nommerons « système de références objectives

déterminées et concrètes », est reconnu pour sa précision explicite, directe et détaillée : on le

désigne par « règles ». Les règles guident l‟analyse éthique d‟une manière suffisamment

pratique. Elles sont toujours particulières et contextuelles. Les règles ont le mérite de jalonner

une action pour qu‟elle soit fidèle aux principes fondamentaux, tout en considérant la

catégorie, le temps et l‟espace où se réalise (ou ne se réalise pas) cette action. Cette catégorie

des normes est l‟incarnation de la dimension universelle de la loi dans un contexte particulier

spacio-temporellement déterminé10

(ex. § 6).

7 La philosophie distingue le mal ontique du mal moral. Le mal ontique est celui qui, sans considération ni de

l‟intention ni des circonstances, marque l‟absence ou l‟outrage d‟un bien que la droite raison estime nécessaire

pour l‟être concerné lui-même (ex. La vision pour l‟aveugle). Le mal moral, lui, engage l‟intention et les

circonstances pour faire le mal ontique (ex. ôter les yeux d‟un otage). Le mal qui nous concerne ici est moral. 8 Ou jugement de valeur. En effet, il faut distinguer entre le jugement de fait (qui renvoie à une sorte de constat,

fruit d‟une observation élémentaire ou d‟un travail technique élaboré) et le jugement de valeur (qui est celui qui

porte une appréciation qualitative sur la vérité d‟une affirmation, la beauté d‟une oeuvre d‟art, la moralité d‟un

acte ou d‟un agent). 9 Du grec nomos : loi

10 Exemples : Règlement d‟une école ; code hygiénique dans un milieu de santé ; code de route ; protocole d‟une

recherche scientifique ; règles des jeux sportifs ; listes des sanctions positives ou négatives assorties à un

ensemble de lois, etc.

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.2.2.2. Les principes : universels et abstraits

Le deuxième niveau des normes, que nous nommerons « système de références objectives

indéterminées et abstraites », est promulgué par le terme « principe » 11. Il désigne une sorte

d‟axiome – une orientation fondamentale – qui inspire l‟action sans la circonscrire dans sa

concrétude même. Les principes sont normalement vides d‟application et se jouent

essentiellement dans une portée universelle12

. Ils peuvent être systématisés, d‟une manière

proscriptive ou prescriptive13

(ex. § 5), sous forme de commandements (approche biblique du

décalogue), de droits fondamentaux (droits de l‟homme, droits de l‟enfant, droits de la femme,

etc.), de droits spéciaux (fondant les déontologies professionnelles) ou même sous forme de

« maximes populaires » (coutumes et sentences populaires). Ces principes sont catégorisés à

partir de leur nature convictionnelle où ils seront considérés comme divins, naturels ou

positifs14

.

Cependant, ce « système de références objectives indéterminées et abstraites » n‟est que le

côté déontologique15

d‟une réalité axiologique16

beaucoup plus complexe désignée par le

monde des valeurs.

.2.2.3. Les valeurs : au service du sens

Une valeur, dans le registre éthique, désigne du point de vue objectif , le caractère de ce

qui « mérite d‟être désiré ». Par conséquent, si le désir est l‟un des paramètres fondamentaux

de la réalisation d‟un acte et si le bien consiste à faire correspondre nos désirs (subjectifs) à ce

qui, objectivement, mérite d‟être désiré, la valeur s‟imposerait comme une nécessité

incontournable à la réalisation du bien. En d‟autres termes, une valeur est cette entité qui

11

Etymologie : Du latin principium-princeps : commencement, premier, à la racine de, au fondement de, etc. Il

désigne généralement la proposition initiale d‟un raisonnement d‟où l‟on tire d‟autres propositions. 12

Tels que les principes (impératifs) catégoriques formulés par Kant : (a) Agis toujours de telle façon que la

maxime de ton action puisse être universalisée. (b) Traite l‟humanité en ta personne et en celle d‟autrui jamais

seulement comme un moyen, mais toujours aussi comme une fin. La règle d’or : Fais toujours aux autres ce que

tu souhaites (ou acceptes) que les autres te fassent. 13

Est dite prescriptive toute loi formulée positivement dans le sens de l‟obligation d‟un devoir, i.e. « ce qu‟il faut

faire ». Elle est proscriptive lorsqu‟elle est formulée négativement dans le sens de l‟interdiction, i.e. « ce qu‟il ne

faut jamais faire ». 14

Principes (ou lois) divins : qui émanent d‟une certaine révélation divine reconnue par une société ou

communauté quelconque (religions). Principes naturels : qui se fondent sur la connaissance de la nature des

choses (sens étroit du terme nature) ou sur la nature rationnelle de l‟homme qui peut discerner entre le bien et le

mal (sens large du terme nature). Principes positifs : qui peuvent être fondés sur les autres principes (divins et

naturel) mais qui, par définition, relèvent surtout d‟un consensus socio-culturel « relatif » (il suffit qu‟on soit

d‟accord pour le considérer comme axiome pour le jugement moral sans chercher trop à le fonder). 15

Théorie des devoirs : ce qu‟il faut ou ne faut pas faire. La déontologie est à la jonction de l‟axiologie (cf. note

suivante) et la praxie (pratique morale). 16

Etude ou théorie (critique ou non) de telle ou telle notion de valeur.

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donne « sens » à tout ce qui entre en relation avec elle et qui ne prend sens que de soi-même

ou de sa similaire (une autre valeur ou un système de valeurs). Ainsi, l‟humanité, la vie, la

liberté, la vérité, la foi, l‟espérance, l‟amour, la solidarité, l‟humilité, le bien commun, la

socialité, l‟autonomie, etc., sont considérés comme des valeurs à promouvoir à travers chaque

acte humain pour que celui qui pose l‟acte ou le « subit » puisse correspondre à sa valeur

humaine primordiale : sa DIGNITE. La valeur serait enfin ce qui fonde les principes, leurs

donne un sens et justifie leurs nécessités impératives (ex. § 4).

Cependant, malgré qu‟elles s‟imposent comme nécessité incontournable, les valeurs

souffrent de deux ambiguïtés majeures : i. La première ambiguïté concerne la reconnaissance des valeurs par le sujet (une

personne, un groupe, une société, une communauté, une religion, etc.) : La vie

humaine, l‟autonomie, la liberté, la vérité, etc., sont-elles reconnues en tant que

valeurs toujours et par tout le monde ?

ii. La deuxième ambiguïté relève du système dans lequel s‟articulent ces valeurs. Y

aurait-il des valeurs plus importantes que d‟autres ? Qui le décident ? Comment les

discerner ?

Ces deux ambiguïtés constituent la deuxième difficulté à laquelle s‟affronte le

discernement moral que nous avons déjà annoncée comme difficulté d‟ordre épistémologique.

En principe, c‟est le même référentiel qui prendra la relève dans la résolution de ces

ambiguïtés. Cependant ce référentiel se situe aux frontières du subjectif (sujet reconnaissant

des valeurs et des vérités à défendre) et de l‟objectif (valeurs reconnues), nous le désignons

par CONVICTIONS. Il constitue le troisième niveau de l‟éthique.

.2.3. Les fondements du discernement moral : troisième niveau de

l’éthique

Les convictions jouent un double rôle dans la structuration du discernement éthique. Le

premier, d’ordre personnaliste, constitue le contexte socio-culturel dans et par lequel

s‟identifie le sujet agissant. Il s‟agit donc de l‟appartenance d‟une personne singulière à une

communauté de visions « plus ou moins » homogènes par rapport à la définition du Bien.

C‟est dans la reconnaissance de cette appartenance convictionnelle que le sujet va reconnaître

la précédence d‟un système de valeurs dans lequel il accepte « librement et consciemment » 17

d‟être formé et « humanisé » 18. Cette « homogénéité » foncière dans la définition du Bien

17

Cette liberté et cette conscience resteront inachevées tout en maintenant une démarche proportionnellement

évolutive. 18

Les convictions sont de plusieurs catégories : religieuses et théologiques (religions) et , philosophiques

(courants et écoles rationnalistes, humanistes, etc.), idéologiques (partis politiques, sectes, sociétés et

associations scientifiques, etc.), culturelles (régions, époques, etc.), ethniques, etc.. Bien entendu, ces convictions

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amène la personne à reconnaître, tout d‟abord, un ensemble de valeurs, et à se reconnaître,

ensuite, à partir de sa fidélité, théorique et pratique19

, dans leurs promotions et leur défense.

Mais il paraît que la reconnaissance d‟un ensemble bien déterminé des valeurs ne suffit

pas pour gérer l‟action morale. Surtout lorsqu‟un conflit de valeurs se pose dans l‟une ou

l‟autre situation ambiguë de notre histoire ; que ça soit au niveau personnel, institutionnel,

social, politique, spirituel, etc. Dans ce contexte conflictuel, les convictions interviennent dans

leur deuxième rôle, d’ordre strictement épistémologique, pour fonder un des critères

d‟articulation des valeurs entre elles. En effet, dans une situation conflictuelle, le vrai

problème consiste à pouvoir choisir les valeurs à promouvoir ou à sauver, quand l‟acte

humain, en assumant sa finitude et en reconnaissant les circonstances qui sont les siennes, ne

peut pas honorer, pratiquement20

, toutes les valeurs concernées. Autrement dit, c‟est le

passage du fait de « promouvoir telle ET telle valeur » AU « promouvoir telle OU telle

valeur » qui crée le conflit des valeurs et expose le sujet agissant à une difficulté inévitable.

Ce passage du « et » au « ou » accule le sujet à se référer à son système convictionnel

pour hiérarchiser les valeurs afin d‟en sauver les prioritaires. Cependant, toute hiérarchisation

des valeurs doit prendre en considération les différents contextes où se posent les conflits.

Raison pour laquelle elle ne peut se suffire à la production d‟une échelle uni-dimensionnelle

(descendante) mais elle doit veiller à l‟élaboration d‟un système constitué par une inter-

dépendance21

continue entre plusieurs échelles multi-directionnelles de valeurs. Ces dernières

prendront en charge les évolutions synchroniques et diachroniques des définitions du bien et

de leurs inscriptions dans les actes posés. Les convictions fonderont ainsi le choix du sujet

concernant les valeurs dans les situations conflictuelles.

pourront porter sur les mêmes sujets en se complétant ou en s‟excluant mutuellement : sens de la vie, sens de la

santé, la personne humaine, la science, la patrie, etc. 19

Il y aura toujours une distance entre, d‟une part, l‟option fondamentale concernant la reconnaissance du Bien et

la décision de lui être fidèle et, d‟autre part, la capacité pratique (rationnelle, psychique, sociale et spirituelle)

d‟exécuter et d‟incarner cette option fondamentale. C‟est ce qui fait toute la différence entre le statut de l‟erreur

et celui de la faute. L‟erreur serait la non-correspondance de l‟acte extérieur à la valeur visée (reconnue

intérieurement et voulue explicitement). Tandis que la faute est une non-correspondance entre l‟intention voulue

directement (acte intérieur) et la valeur qu‟il devrait promouvoir (dans ce cas la valeur est reconnue mais non

promue). Si nous partons donc d‟un présupposé que la valeur est consciemment connue et reconnue, la faute

serait de ne pas vouloir respecter la valeur (déficit dans la volonté du Bien), l‟erreur serait de ne pas pouvoir

respecter la valeur (déficit dans l‟exécution du Bien, que ça soit pour des raisons rationnelles, psychiques,

sociales, spirituelles, circonstantielles, etc.) 20

Le problème se pose par son acuité surtout au niveau pratique. Parce qu‟au niveau théorique, la valeur en

danger et qui ne va pas être respectée par l‟acte posé doit être toujours reconnue en soi. Exemple : dans le cas

d‟une interdiction faite à un élève de ne pas « écrire » ou « dessiner » ou « sculpter » sur sa table deux valeurs

sont en conflit : la liberté d‟expression et le bien commun. Théoriquement, les deux valeurs sont normalement

reconnues par l‟éducateur mais pratiquement une hiérarchie s‟impose pour mener l‟éduqué à une vraie liberté

d‟expression. 21

Edgar Morin nous offre une nouvelle vision concernant l‟interdépendance des éléments de la vie (biologique,

astronomique, sociale, personnelle, éthique, etc.). Cette interdépendance infiniment enchevêtrée est signifiée par

l‟imbrication « des systèmes de systèmes de systèmes ». Ce qui est désigné aujourd‟hui par la pensée

systémique : tout dépend de tout et tout interagit avec tout. Les valeurs n‟en sont pas indemnes. Cf. Edgar

MORIN : La méthode. T.1. La nature de la nature, Paris : Seuil, 1977, 400 p.

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Cette stratification (voir schéma 1), quoique hautement complexe, intervient dans tout acte

qui se veut humain22

. Son intervention devient explicite au fur et à mesure de l‟analyse ou de

la justification de cet acte. Cependant, ceci ne présente qu‟une dimension de l‟éthique, celle

qui, objectivée, rend possible le discernement de la moralité d‟un acte. Nous saurons à partir

de cette grille multi-référentielle approfondir les « comments » de tout discernement et de

toute critique concernant la définition du Bien ainsi que les critères théoriques et pratiques de

sa réalisation.

Néanmoins, une question encore plus lancinante obséderait la réflexion éthique : Pourquoi

faudrait-il faire le Bien et éviter le Mal ?

En effet, bien que le discernement moral nécessite tout un système objectivé afin de

définir le Bien (Convictions et Valeurs), le jalonner (Principes et Règles) et l‟incarner (l‟acte

en soi), nous sommes en droit de s‟interroger sur le profit que ceci pourrait avoir pour le sujet

agissant lui-même.

22

La philosophie classique distingue entre « acte de l‟homme » et « acte humain ». Le premier est un acte posé

ou subi par l‟homme mais qui lui est commun avec les animaux et même les végétaux : naître, vivre (sens

strictement biologique), digérer, grandir, etc. Tandis que le deuxième est un acte qui relève typiquement de

l‟homme en tant qu‟homme, c‟est-à-dire en tant que doué de subjectivité rationnelle et libre. Pour plus de détails,

cf. André LEONARD : op.cit., p. 33-35. Nous distinguons aussi entre « acte » et « action » : L‟ « action »

porterait plutôt sur le côté explicité et physique de l‟ « acte » qui, lui, englobe toute sorte d‟utilisation de la

volonté et de la décision : délibération, jugement, etc. Cf. Jean-François MALHERBE : « L‟essence de

l‟humain » , in Pour une éthique de la médecine, Coll. “Catalyses”, Bruxelles : Editions Ciaco, 1990 (2), pp. 27-

45

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Schéma 1 : Comment faire pour discerner le bien ?

L’axe objectif de l’éthique

Fondements du discernement éthique

De l‟ordre des convictions

Philosophiques

Théologiques

Idéologiques

Sens de la vie

Sens de la personne humaine

Sens de la croissance, sens de la transmission

Sens de l‟éducation, de la liberté, de la créativité, de la réussite

Sens de la vie

Sens de la personne humaine

Sens de la croissance, sens de la transmission

Sens de l‟éducation, de la liberté, de la créativité, de la réussite

Repères du discernement moral

Valeurs

Principes

Règles

Par les voies de : La déontologie

Les systèmes pédagogiques et disciplinaires

La loi (droit)

La mémoire

Les habitudes et les mœurs

Discernement pratique

Discerner l‟action

dans la visée

de faire le bien

et

d’éviter le mal

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.3. Pourquoi faudrait-il faire le BIEN ?

Nous venons de conclure que le sujet ne peut se contenter par le discernement objectif de

la moralité de ses actes mais il est acculé à s‟interroger sur la nécessité (ou le profit) du bien

pour lui. Nous formulerons cette interrogation ainsi : « En quoi le Bien m’intéresse-t-il

pour que je le promeuve ? »

Avant qu‟elle ne soit spécifiquement éthique, cette question se présente d‟emblée comme

profondément philosophique. L‟étymologie du mot « intéresser » nous introduit facilement à

cette réflexion. ESSE (en latin) signifie « être », INTER signifie « entre ». L‟ « inter-esse-

ment » serait la relation qui peut exister ENTRE une entité et une autre, i.e. entre la substance

de quelque chose et celle de l‟autre. Bref, l‟intéressement désigne la relation qui existe entre

un être et un autre23

. Une relation qui est primordialement portée par un désir profond,

intérieur et extérieur, qui lie la personne désirante (le sujet moral) avec l’objet désiré (le

Bien). Cette relation indiquerait obligatoirement le sens-direction24

d‟une interactivité entre le

sujet et le Bien, et ce sens-direction engendrerait un sens-signification à la relation elle-même.

Partant de ce méandre étymologique, la question « En quoi le Bien m‟intéresse-t-il pour

que je le promeuve ? » pourrait-être formulée : En quoi la visée du bien toucherait-elle mon

être ? Quand je réalise un acte dans le sens-direction du Bien, en quel sens-signification serait

affecté mon être humain ? Bref, en faisant, objectivement25

, le Bien, pourrais-je,

subjectivement, avancer dans la vocation de l‟être ? Autrement dit, pourrais-je « bien-être » si

je n‟assume pas et si je ne désire pas le sens (direction et signification) du « bien-faire » ?

Pour répondre à ces questions nous osons dire que faire le Bien est tout d‟abord au profit

du sujet agissant et désirant et non au profit de l‟acte posé (objet de l‟éthique). Le Bien

« intér-esse » le sujet parce qu‟il l‟invite inlassablement à instituer une relation autre entre soi

et soi-même. Le Bien suscite alors le désir du sujet moral et l’invite ainsi à correspondre à

soi dans une démarche humanisante jamais achevée.

Afin de cerner cette dimension subjective de l‟éthique, nous nous arrêtons sur les éléments

suivants : i. Le « sujet », ii. « L‟humain », iii. La « démarche », iv. « Correspondre ».

i. Ce n‟est pas le lieu où nous pouvons analyser les conflits existant entre plusieurs

courants sur la définition du sujet moral. Serait-il chaque personne humaine dans sa propre

individualité ? Serait-il la société humaine prise globalement dans son mouvement évolutif

ouvert ? Serait-il la seule personne adulte, capable d‟aimer la sagesse et de suivre ainsi le

chemin de la libération interne et externe ? Nous nous contentons tout simplement de préciser

notre position : le sujet moral est chaque être humain potentiellement capable de poser des

actes proportionnellement conscients et libres. Cette position aurait le mérite d‟intégrer dans

23

Sur une interprétation éthico-philosophique de l‟intéressement cf. Emmanuel LEVINAS : Autrement qu’être

ou au delà de l’essence, Biblio essais, n° 4121, Paris : Kluwer Academic, 1990, 287 p. 24

Ce paragraphe profite de deux parmi trois acceptations que peut admettre le mot sens (en français) :

signification, direction (orientation) et sensation (acceptation globale des cinq sens). 25

C‟est-à-dire en respectant toutes les règles et les principes qui jalonnent l‟acte que je pose dans une situation et

une culture bien déterminées (voir la première partie de cet article : l‟axe objectif de l‟éthique).

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la sphère de la responsabilité éthique toute personne singulière quel que soit son degré

d‟autonomie26

.

ii. Quant à l‟humain, il se caractérise par quatre dimensions étroitement interdépendantes :

organique, psychique, sociale et spirituelle. La promotion de l‟humain consiste à respecter la

singularité de chaque être dans son corps même, son histoire propre, ses relations avec les

autres et avec l‟Autre (symbole de toute transcendance).

Tout en précisant que ces définitions du « sujet » et de « l‟humain » émanent directement

de l‟ordre épistémologique des convictions que nous avons situées à la jonction du subjectif et

de l‟objectif, nous pouvons retenir jusqu‟ici que le sujet moral est un être humain qui oeuvre

d‟une manière à ne jamais oublier sa responsabilité vis-à-vis de soi-même (sa raison droite et

sa volonté libre) et vis-à-vis de l‟autre (société et transcendance).

iii. Par ailleurs, si « co(r)-respondre » veut dire « répondre à soi »27

, le sujet moral serait

celui qui aura la vocation fondamentale de répondre à l’humanité28

en tout ce qu’il est et par

tout ce qu’il fait. Cette invitation, toujours renouvelée, est adressée à chaque personne

humaine pour qu‟elle advienne en tant que sujet humain. Cependant, il ne faut pas se leurrer,

cette invitation n‟est pas extérieure à la personne. Elle n‟est que son désir le plus profond de

se réaliser en tant que « je » soumis au « jeu » de l‟être comme une épreuve jamais clôturée29

.

iv. Par conséquent, correspondre à soi serait le fait de se réaliser dans sa singularité même

en tant qu‟une personne humaine responsable pour soi et pour les autres. Néanmoins, cette

réalisation de soi ne peut aboutir que dans le temps et l‟espace de la personne et de

l‟humanité. C‟est ainsi qu‟elle se présente en tant qu‟une « démarche » jamais achevée. Une

démarche qui engage tout l‟être qui cherche le Bien pour qu‟il « soit bien » : c‟est-à-dire, pour

qu‟il vive des expériences de paix et de joie comme symboles immanents du vrai bonheur

(bon(ne)heur(e))30

.

.4. Où se fait le discernement du BIEN ? La conscience

Si l‟axe objectif nous guide sur le chemin du « Comment faire le Bien et éviter le Mal ? »,

et si l‟axe subjectif nous appuie dans la démarche du « Pourquoi faire le Bien ? », quelle serait

26

Cf. J.-F. MALHERBE : Idem.

27Il est intéressant de noter que les concepts « répondre « , « correspondre » et « responsabilité » sont construits à

partir de la même racine latine « respondeo » : qui met la personne en état d‟interrogation sur le sens de ce qu‟il

est (existentiellement) et de ce qu‟il fait (morale et droit). 28

Puisque l‟humanité est l‟essence même de son « soi » et de son « je ».

29Sujet, du latin subjectus, signifie « soumis à ».

30 Cf. Xavier THEVENOT ; Jean JONCHERAY; et al. : Pour une éthique de la pratique éducative,

Collection : Relais études, 9 , Paris : Desclée, 1991, 274-275. Sur l‟éthique comme invitation à la joie et à la

paix, cf. Robert BISRAHI : Les actes de la joie, Paris : PUF, 1987 et R. MISRAHI : La signification de

l’éthique, Coll. « Les empêcheurs de penser en rond », Synthélabo, 1995, 185 p.

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l‟instance qui articulerait ces deux axes dans l‟ici et le maintenant de chaque sujet moral dans

sa relation avec le fin fond de son être, d‟une part, et avec le référentiel qui le précède sur le

chemin de l‟humanisation, d‟autre part ? Autrement dit, « Où » est-ce que se rencontrent le

désir de faire le Bien et les normes objectives qui jalonnent ce dernier ? Nous désignerons cet

axe par le terme « communicatif » dans un double sens : D‟une part, la conscience est le lieu

où se communie le subjectif et l‟objectif, d‟autre part, elle est le lieu où se communique

(dialogue) le « dire » du sujet (sa parole) et le « dit » de la loi. Ce serait la conscience qui

accueillera la voix de l‟autre en moi-même. Elle est le lieu où s‟articulent l‟altérité de la loi et

l‟identité personnelle du sujet.

En réalité, pour qu‟il ait action morale, il faut qu‟il y ait, entre autre, délibération et

décision. Il faut donc un sujet capable de réflexion, de volonté et de critique. La conscience

morale est cette capacité d‟appréciation des enjeux, de décision et d‟évaluation des résultats

d‟un acte humain. Par conséquent, la conscience morale est inséparable de la conscience au

sens général.

La conscience (tout court) désigne la connaissance que le sujet a de lui-même. Elle est

cette capacité qui permet d‟être à la fois sujet connaissant et objet de connaissance. Elle

permet la délibération intérieure, l‟approbation ou la réprobation de soi-même. Cette

conscience de soi est inséparable de la conscience d‟autrui, elle est intrinsèquement liée à la

communication et au langage. Dans cette logique, la conscience de soi est une possibilité de se

dire et de convaincre, une découverte de la puissance du langage, mais aussi de ses limites.

Cette conscience de soi est toujours reconnaissance de règles. Une reconnaissance qui ne

prend pas ces règles comme objectif, mais qui invite à respecter ces règles afin d‟établir une

communication possible et d‟en tracer une histoire sensée, un récit.

Cette conscience de soi devient conscience morale quand elle doit se déterminer sur la

valeur des règles qui lui sont proposées, voire imposées par la famille, l‟école, la société, la

culture, etc. Ainsi la conscience apprend à formuler un jugement de valeur sur ce qui lui est

proposé, et à distinguer entre la tâche régulatrice de l‟éthique (normes (règles et principes) à

respecter) et sa tâche légitimatrice (valeurs, fondements (convictions) et sens de ces

normes)31

.

La conscience morale est donc le sujet en tant qu‟il est attentif à la valeur morale de ses

actes. Selon qu‟il s‟agit d‟actes à poser, d‟actes en cours d‟exécution ou d‟actes déjà posés,

cette conscience est alors antécédente, concomitante ou consécutive.

En bref, la conscience morale concerne l‟application de la norme morale (comme

médiation d‟une valeur promue) à un acte particulier. Une application qui se fait à travers un

jugement pratique : Si cet acte respecte et honore la direction du Bien, il est bon, et donc je

puis ou même je dois le poser ; si cet acte va à l‟encontre du Bien, il est mauvais, et donc je

dois m‟en abstenir ».

Mais il faut reconnaître que ce qui qualifie moralement la volonté, c‟est la valeur morale

de son objet telle que le sujet la perçoit, d‟où la conscience constitue la norme subjective

ultime de la moralité. Ce qui signifie que le sujet doit suivre sa conscience qui constitue le

vrai lieu où s‟articule sa connaissance du Bien et son désir de ce Bien. Il nous semble aussi

que cette conscience devrait être suivie, même si elle est erronée. Cependant ceci ne soustrait

31

Eric FUCHS : op. cit., pp. 15-40

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en rien la responsabilité du sujet vis-à-vis de l‟éducation de sa conscience. D‟où la nécessité

de l‟éducation de cette conscience morale, c'est-à-dire, la nécessité de la promotion d‟un

processus où serait possible l‟intégration des lois imposées. Un processus où chaque personne

est invitée à construire son autonomie morale. Le sujet moral est donc responsable de sa

conscience avant qu‟il ne soit responsable devant elle.

.5. Définition de l’éthique

Suite à cette présentation systématique de l‟éthique nous sommes en droit de proposer une

définition qui prendra en charge tous les éléments qui la constituent : L’éthique est cet ensemble de règles, d’interdits, de repères, de valeurs, qui permettent à

l’être humain de trouver peu à peu, et librement, des chemins d’humanisation et de bonheur.

La morale, ou l’éthique, c’est finalement ce à quoi le genre humain s’oblige quand il veut

donner sens à sa vie.

- L’individu refuse alors la violence,

- en conscience et en acte,

- n’acceptant ni de dévorer l’autre,

- ni de se laisser absorber par lui.

- Il renonce à s’enfermer dans l’isolement,

- et cherche à entrer dans le jeu de la communication.

Dès lors qu’il choisit

- ce renoncement à la violence mortifère,

- et qu’il veut donner sens à son existence,

- il ne peut plus faire n’importe quoi.

C’est là précisément que surgissent les interdits et les valeurs.32

L’éthique a donc pour but de maintenir ouverte, pour chaque personne vivant dans une

société donnée, la possibilité de poursuivre une histoire sensée pleinement reconnaissante de

l’altérité de toute autre personne ; cela malgré les expériences diverses de la violence et du

mal qui marquent le monde de l’homme.

32

Autrement dit : L‟éthique est une « science » (savoir organisé) de ce que l‟être humain doit faire ou éviter de

faire, en fonction de ce qu‟il est ici et maintenant, dans le devenir de la dialectique de l‟autre et du même, pour

accéder en société à la réalisation de lui-même comme être raisonnable et connaître ainsi des expériences de paix

et de joie comme une anticipation du vrai bonheur.

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Schéma 2

Ce schéma donne à réfléchir sur la relation qui existe entre les normes, les valeurs et les

convictions (axe objectif), d‟une part, et le sens et le désir que peut avoir un sujet dans son expérience

(démarche) personnelle (axe subjectif), d‟autre part.

En effet, nous remarquons que, du point de vue de l‟éducation de la personne, la conscience morale est

tributaire à la fois de la connaissance objective des valeurs et de l‟expérience subjective de leur sens.

a. Si nous proposons que :

« D » est le degré d‟imposition de la loi sans un effort d‟explication et de responsabilisation, son pôle positif

indique le « Directivisme », son pôle négatif est le « Nihilisme » (sans lois ni valeurs)

« t » est le temps d‟intégration de la loi par le sujet vers le sens-signification du Bien, son pôle positif est la

« Réalisation de soi » en tant qu‟être humain, son pôle négatif est le « Subjectivisme »

« C » est l‟état de maturité de la Conscience morale, et donc le degré de responsabilité qu‟aurait atteint à un

moment donné de son histoire, son pôle positif indique l‟ « Autonomie », son pôle négatif est l‟ « Aliénation »,

b. Et si nous considérons que la vraie autonomie est lorsque le sujet moral intègre plus profondément

les normes objectives et respecte ainsi plus librement les valeurs éthiques afin de mieux se réaliser en tant

qu’être humain,

L’état mature de l’autonomie serait lorsque le niveau objectif de l’éthique rejoint l’expérience subjective du

sujet agissant, c’est-à-dire lorsque C tend vers R

a + b : Alors le degré de L’AUTONOMIE de la personne humaine serait discerné selon la formule

suivante :

C = t / D

C‟est-à-dire que l‟autonomie du sujet moral est proportionnelle à son expérience personnelle du bien et

inversement proportionnelle au degré d‟imposition non intégrée de la loi.

Plus les normes sont imposées, sans effort d‟explication et d‟interprétation, moins l‟ « intér-esse-ment » du

sujet est promu, moins la conscience morale est autonome et responsable. Par contre, plus la marge de

l‟intégration des lois est respectée, plus l‟expérience personnelle est promue (intéressement), plus la conscience

est capable de responsabilité.

Axe subjectif

Axe objectif

Axe communicatif

D

N

S R

Au

Al

C C

t

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.6. Quand l’éthique interroge l’éducation ! En se plaçant du point de vue de l‟éthique telle que nous venons de la présenter suivant

ses trois axes fondamentaux, l‟objectif, le subjectif et le communicatif, il nous semble que

plusieurs questions peuvent être adressées à la tâche éducative. Ces questions auront pour

vocation de jalonner d‟une manière critique la démarche éducative, ses fondements et ses

méthodes. Comme nous l‟avons bien annoncé dès l‟introduction, nous ne traiterons pas ici les

tâches éthiques spécifiques à l‟éducation mais nous nous contentons de les stigmatiser sous

forme d‟interrogations ouvertes.

Proposons tout d‟abord une définition de l‟éducation : L‟éducation est une tâche menée

par un éducateur (une personne) qui, ayant figure d‟autorité, communique avec une autre

personne en vue de permettre une croissance de sa liberté et de lui ouvrir ainsi des expériences

encore plus importantes de paix et de joie. Cette communication se vit au cœur d‟une relation

(familiale, sociale, institutionnelle, etc.). Elle est jalonnée par un ensemble de moyens divers

(règlements, cours, dynamique de groupe, lectures de textes, apprentissages variés, etc.).33

A partir de cette approche éthique de l‟éducation, et si nous ne considérons que la

dimension institutionnelle34

de la tâche éducative, plusieurs sont les interrogations qui

mériteraient d‟être entretenues par l‟éducateur soucieux d‟être fidèle à ses fonctions d‟

« humanisation ».35

Serait-il suffisant qu‟un éducateur n‟exige que la correspondance extérieure entre un acte

posé par l‟ « éduqué » et la loi promulguée en classe ou à l‟Etablissement ? Ne serait-il pas

nécessaire de vérifier si le sens de cette loi a été bien compris par ce dernier ?36

Serait-il acceptable que les éduqués soient réduits à leurs actes et que l‟évaluation de

ceux-ci devienne un jugement sur leurs personnes ?37

Les règles utilisées dans un contexte bien déterminé, sont-elles transposables dans d‟autres

contextes différents sans qu‟elles n‟appellent un effort d‟actualisation qui prendra en compte

les particularités impliquées et sans une mise au clair des principes de base et des valeurs qui

sous-tendent ces règles et leurs donnent un sens ?

33

Cf. Xavier THEVENOT ; Jean JONCHERAY ; et al. : op. cit., p. 263 34

Dans cet épilogue, nous n‟envisageons pas l‟élargissement de notre angle critique concernant la tâche

éducative qui pourrait atteindre toutes les sphères éducatives de la société. Nous voudrions tout simplement

souligner quelques éléments de réflexion concernant les Institutions scolaires ou leurs similaires. Cependant, ceci

n‟enlève rien à la portée éthique que peut avoir chaque interrogation sur tous les champs de l‟action humaine. 35

La lecture des formulations interrogatives suivantes gagne à être croisée avec le schéma n° 2 . 36

Si l‟on éduque un enfant en ne prêtant attention qu‟à la rectitude du comportement objectif sans se soucier de la

droiture de ses intentions, on en fera un petit animal savant bien dressé, mais on passera à côté de l‟essentiel : l‟amour du bien voulu pour lui-même. 37

Lorsque nous sanctionnons ou réprimandons un acte, l‟objet de la sanction porte-t-il sur la dignité de l‟éduqué

ou bien sur le rapport avec le bien, la vérité, le travail à préparer, le respect dû, etc. ? Cette sanction aidera-t-elle

l‟éduqué à intégrer la loi et à respecter les valeurs promues ou bien risquera-t-elle de le mener dans un labyrinthe

de non sens et d‟agressivité ?

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L‟appartenance sociale est-elle promue et honorée dans la justification des choix

prioritaires entre les valeurs à défendre ou c‟est l‟arbitraire d‟une autorité quelconque qui

prend la relève ? Cette appartenance elle-même est-elle imposée à l‟éduqué ou se présente-t-

elle en tant qu‟une invitation à adopter et à adhérer à une matrice convictionnelle qui devient,

à son tour, le lieu où se tisse le sens de sa vie ?

Quelle serait l‟objectif final de l‟éducation, est-ce le maintien de la loi et la maîtrise des

actes de l‟homme, ou bien l‟intégration de la loi par un sujet capable d‟en comprendre le sens

afin qu‟il puisse gérer sa violence et devenir ainsi responsable devant soi-même et devant la

société, jusqu‟au point où il serait lui-même capable de produire des nouvelles lois adaptées à

des nouveaux contextes afin d‟honorer les mêmes valeurs ?

Qui peut accaparer le sens d‟une expérience singulière vécue par une personne bien

déterminée et quel est le prix de l‟imposition du sens de mon expérience sur l‟autre ? Ne

serais-je pas invité à entrer dans une relation de dialogue, d‟écoute et de découverte de l‟autre

avant que je ne soit entraîné dans les méandres des jugements et des taxations ?

Cependant, est-ce que l‟éduqué, surtout lorsque nous parlons des enfants et des mineurs,

est-il capable de comprendre toute la portée des normes, que ça soit sur le plan cognitif,

psychique, affectif, social, culturel, etc. ? Et quand nous sommes sûrs qu‟il ne l‟est pas

encore, quelle serait la meilleure position possible à adopter : imposer les normes – à la lettre

– sans aucun effort d‟explication et sans aucune confiance en la capacité de l‟éduqué, ou bien

proposer la loi – surtout en honorant et expliquant leurs objectifs (valeurs) – d‟une manière

proportionnelle à sa capacité de compréhension ?

Mais, ne serait-il pas aussi aliénant de ne pas structurer la conscience de l‟éduqué par la

loi en le laissant à ses propres expériences et ses propres interprétations ? Ne faudrait-il pas

imposer un seuil minimal de la loi en-deça duquel il personne n‟a le droit de descendre au

risque de perdre les éléments essentiels de son autonomie ?

D‟un autre côté, pourrait-on assurer un service « de décisions toutes faites » afin

d‟épargner l‟éduqué les conflits de la réalité ? Ce soi-disant service ne risquerait-il pas de

maintenir l‟éduqué dans un état d‟hétéronomie38

aberrante et de directivisme absolu qui

finissent par l‟aliéner contre toute autonomie souhaitable ? Et, par conséquent, une éducation

qui ne considère pas chaque personne dans sa singularité ne finit-elle pas au gommage de la

conscience morale de la personne et n‟entraîne-t-elle pas ainsi l‟anéantissement de la loi elle-

même ?

Et enfin, qui peut éduquer à l‟intégration de la loi et ainsi à l‟autonomie39

s‟il n‟a pas fait

lui-même l‟intégration de la loi ? Autrement dit, une personne qui n‟est pas autonome serait-

elle capable d‟éduquer ? Serait-elle éthiquement « adulte » ?

38

Le fait d‟être géré par des lois toujours imposées de l‟extérieur, par les lois de l‟autre (hétéros). 39

Auto-nomos : Se gérer par ses propres lois (intégrées après avoir été proposées, voire imposées, par

l‟éducation)

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Bref, une éducation qui n’initie pas le sujet au vrai discernement éthique, autonome,

conscient, libre et responsable, serait-elle moralement éducative ? ! !

Bibliographie

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