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    LA PEN SEE146 . ru e du fgPoisslWl~reIP A R I S mto e t e l. 2 8 0 . 5 2 . 2 5

    POSITION SYNDICALEET PRISE DE PARTIDANS LES SCIENCES .~~HUMAINES ET SOCIALES

    par Michel PECHE UX ,~BEAUCOUP de discussions portent actuellernent sur le role des sciences

    dans Ie developpernent de la lutte des classes. On parle ainsi des sciencesen general, et rneme parfois de " La Science" en voulant designer par la reo-semble du processus cornplexe d'approprlation conceptuelle du reel. toutesdisciplines etant confondues. Cependant, certains groupes de disciplines pre-sentent des caracteres suffisarnrnent specifiques pour justifier I'essai d'uneanalyse marxiste-Ieniniste a leur propos.

    C'est d'une telle tentative qu'il s'agit ici, a propos des sciences socialeset hurnaines.

    Cette contribution a la discussion vise done a eclairer les conditions spe-cifiques de la lutte syndicale et politique dans les couches intellectuelles uni-versitaires travaillant a linter ieur du secteur qu'on appelait naguere les Lettres et Sciences Hurnaines et qui regroupe aujourdhui (dans les uni-vex-shes et au C.N.R.S.) I'ensernble des "Sciences Humaines et Sociales (S.H.S.), done de Ia philosophic a la psychologie en passant par I'econornie,I'histoire, la Iinguistique, la sociologic, I'ethnologie, la geographie, etc ...

    Ces couches font dans leur ensemble partie de la petite bourgeoisie intel-lectuelle et presentent it ce titre certaines caracteristiques de la fraction declasse petite-bourgeoise: si, contrairernent a d'autres secteurs non-salariesde Ia petite bourgeoisie, ces couches ant generalernent abandonne Ie reve de

    * L'aut eur 'ella redaction de La Pensee proposent ce tex te comrne une direction derecherches dans un champ qui reste ouvert t't au lis invitcnt it's lecteurs a apportcr leur contri-butiun.

    -,f , .- ,.' .\," ;\

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    I.E POSSl BW EN H ~STOI RE 53

    me que celie d'un panachage de possible erde reel, et dont Ie mouvement. dialectique de l'histoire reelle exhibe puissamment la vanite.

    Politiquemenr, que signifie une histoire " capable de ce a quoi elle nepeut parvenir et s'adapter ? La merne forme vide que signifie aussi theor i-quernent ce sophisme : un programme reforrniste de pure facade, alleguantpour sa defense que jarnais les interets du Peuple ne sont defendus avecplus de noblesse. de moderation, et moins de danger pour la tranquillite pu-blique, que lorsqu'Ils ont ere confies a des hornrnes d'une classe su-perieure 16.

    16. Condorcet : Sur les [onctions des Etats g e n e raux et autres Assemblees nationales, 1789(B.N., Lb 39 1299).

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    C I O . ? I

    EUSlTfON SYNDICALE EI PRISE DE PARTl 55

    ID"indepem:lance economique lie aux ideaux de la libre-entreprise, il n'en vapas de meme Stlli Ie terrain politique et ideologique ou elles conservent denorabreuses illusions. II y a a cela des raisons historiques qu'il est bon derappeler rapedement :

    I) A partir de I'Immediat apres-guerre, jusques et y compris pendant lesannees 60, Ie secteur de travail salarie des intellectuels eeuvrant dans lesS.H.S. a connu un -developpernent rapide dans l'Enseignernent Superieur etau C.N_RS_ Ce developpernent a eu lieu dans un contexte specifique a laFrance. caracter ise a la fois par les transformations sociales apparues apres~aLiberation, dans les perspectives ouvertes par le Front Populaire, et par Ie"climat anti-comrnuniste de la guerre froide des annees 50. Deux elementscoatradictoires intervenaient ainsi dans ce developpernent :

    - Ie premier element est constitue par I'ideologie individualiste de la li-bre-entreprise qui trouve un relais tout naturel dans les positions ideolo-giques des S.H.S. qui, a I'epoque justement, traversent I'Atlantique dans Iecadre du Plan Marshall et viennent s'irnplanter en Europe. La position declasse des intellectuels non-cornmunistes coincide alors globalernent avec lesideaux vehicules par les S.H.S. made in U.S.A. Il aurait ete bien etonnant,dans ces conditions, que ces couches ne conservent pas dans leur masse l'il-lusion de pouvoir se mettre a leur propre compte politiquement et ideolo-giquernent parlant, et elks cornpensaient ainsi leur renonciation aux ideauxeconomiques de la libre-entreprise.

    - Ie deuxierne element est constitue par I'effet politique des consequen-ces de la Resistance et de l'imrnedlat apres-guer re, caracterise par l'amorced'une politique dans laquelle certaines positions de la c1asse ouvriere (parexernple concernant I'Appareil scolaire) se trouvent concreternent engageesdans la voie des realisations pratiques (par exernple le C.N.R.S. et I'Universi-te), avec une position de force dans la lut te ideologique (par exernple, a l'epo-que, le projet Langevin-Wallen). Dans cet te mesure, les batailles politiques etideologiques mcnees alors par la classe ouvr iere et son parti avaient indirec-tement des retentissements positifs sur les S.H.S. en les prenant a partie, enmettant en evidence certains prejuges de classe, et en developpant sousdes formes variees la critique du gaspillage des res sources economiques (labataille pour la Production) et des ressources humaines (la bataille pour l'E-cole democr atique).

    Or la contradiction entre ces deux elements evoluera tres vite sous l'ef-ret d'ensernble des determinations politiques et ideologiques de la lutte desclasses en Europe occidentale: les themes de la lutte centre les inegalites entre les individus, pour le developpement de l'homrne, etc ... I non etayeessur un travail theorique et ideologique rnene par la classe ouvriere (avait-elle, a l'epoque, les moyens de Ie mener ?) vont se trouver progressivernent

    l , L'Ecole cs t un des lieux pr incipaux de cet te lutte. Cc point n'est pas negligeable, elan!donne que I'Eeole constituait a l'epoque et reste encore largernent aujourd'hui, un bastion dela social-democratic (ef. la F.E.N.).

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    contournes et debordes par les themes de l'individualisrne petit-bourgeois, ettourner it Iavantage de la bourgeoisie dans le contexte general de la guerrefroide, avec l'exclusion des cornrnunistes du gouvernement en 1947, la fasci-nation ideologique pour les U.S.A., pays de la Liberte, etc ...

    II serait done errone de penser que les S.H.S., par leur developpernentpro pre garanti par la neutralite scientifique , auraient a l'epoque rendu in-differernrnent des services aux deux classes antagonistes du mode de produc-tion capitaliste (M.P.C.). Dans le travail concret des S.H.S., la lutte centre les inegalites de toutes sortes inherentes au M.P.C. allait en eHet se trouverprogressivement subordonnee a la preparation des conditions du CapitalismeMonopoliste (planification-rationalisation des choix en economic, analysede l'expansion dernographique et de I'implantation urbaine, etc ...).

    Mais de tout cela, les couches intellectuelles travaillant dans les S.H.S.n'en avaient, dans leur ensemble, pas clairernent conscience: on peut direqu'elles avaient au contraire politiquement bonne conscience, tout en dispo-sant, tant au niveau des salaires qu'a celui des moyens de travail, d'un pou-voir d'achat relativernent conforme it leurs exigences. Done: un certainconfort, dans tous les sens du terrne, joint a l'irnpression non dernentie d'e-tre globalement maitre chez soi ,

    2) La pol itique de la Ve Republique, essentiellernent caracterisee par l'ac-ces direct des monopoles capitalistes au pouvoir d'Etat, allait changer toutcela, progressivement. du gaullisme de 1958 au giscardisme d'aujourd'hui : ils'agissait a la fois de demanteler politiquement Ie secteur public de I'Ensei-gnement Superieur et de la Recherche, en tant qu'heritage du Front Populai-re et de la Liberation. et de l'asservir economiquement en tant que dispositifde travail intellectuel recuperable du point de vue des interets de la bour-geoisie monopol iste. La realisation de ces objectifs necessitait done de trans-former radicalernent l'organisation et Ie fonctionnement de ces secteurs ; les besoins du Capital monopol iste se faisaient tenement imperieux que l'Uni-versite devenait economiquernent trop inefficace et politiquernent trop incer-taine pour pouvoir y repondre par elle-rnerne,

    Aussi toute la politique du capital monopoliste (de la creation d'organis-mes technocratiques comme la D.G.R.S.T. jusqu'a l'accord Rhone-Poulencavec le C.N.R.S.) repose-t-elle sur une seule et merne idee, progressivementaffirmee, a savoir que le developpement de l'universite et de la recherche estdevenu une affaire trop ser ieuse pour etre confie aux universitaires et auxchercheurs, ce qui d'une cer taine maniere est vrai, d'un autre point de vueque celui du capital monopoliste, et d'une toute autre maniere, mais n'antici-pons pas ...

    Aujourd'hui done:- it travers la politique des Actions thernatiques prograrnmees et autres

    Actions-programme finalisees,- avec le decloisonnernent " des commissions du Cornite National du

    C.N.R.S. en Comites sectoriels,

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    - avec des pratiques nouvelles telles que la notation des formations de~e et I'attribution de postes en consequence,

    - avec des projets de reorganisation de I'Enseignement superreur tels~e ~>au.ribution de bourses, D.G.R.S.T. pour les etudiants du 3e ey-rie..Ie poesvosr rente d'appliquer une politique remarquablernent coherente~.sanl a imposer directernent des missions aux S.H.S. Sur ce point, lesdenllcrs documents ernanant des spheres gouvernernentales montrent ouver-:emen~ qu'iiBs'agit en fait de contraindre les S.H.S. a contribuer, dans touteLa mesure de. leurs moyens, a I'aggravation de la surexploitation capitaliste)m parle d'ameiiorer la productivite) et a I'asservissernent ideologique et po-Iitique a u peuple dans Ie cadre de I'appareil d'Etat de la societe liberalearancee '"' (on parle d'arneliorer les liens entre les citoyens et les diverses ad-ministrations) .

    Pour parvenir a imposer ces :, missions" au S.H.S., le pouvoir est pret atouI. y compr is a manipuler la masse des universltaires et des chercheurs at r a1 iI ,ei"$ Ie spectre de la cr ise , de l' austerite et de la croissance-zero,.; H organise !a penurie pour susciter I'inquietude et la docilite des per-sonnels, et developper la concurrence entre les formations de rnaniere a ceque survivent e t se developpent les plus aptes ... a servir Ie capitalisrne dansson stade actuel, -Ainsi cette americanisation des conditions de la recherche en S.H.S. con-amt-eUe paradoxalernent a reactiver au niveau des universltes et des forma-~ons de recherche le fantasme du libre jeu de Ia concurrence et de res-prit de libre-entrepr ise. au moment rnerne OU la liberte de recherche est enrealite directement menacee, a travers le dernantelernent et I'asservissernentd'u secteur public. Et tout aussi paradoxalement, c'est au moment O U I'onparle ~e plus d' ouvrir l'universite et la recherche sur I'exterieur (c'est-a-dire sur les interets des monopoles et du C.N.P.F., pour appeler Ies chosespar leur veritable nom) que la recherche universttaire se trouve etranglee Fi-mmderement et enferrnee dans scs missions , On ne saurait irnaginer meil-feure illustration du liber-aiis me giscardien.

    C'est dire que la contradiction principale dans Ie domaine des S.H.S. entanz qu'effet direct de la lut te des classes, oppose economiquement et politi-quement des interets inconciliables :

    - d'un cote, la bourgeoisie monopoliste Iutte pour imposer (par le sys-r e m e generalise des contrats, par I'insecurite d'emploi et la deprofessionnali-sation de la recherche universitaire) le dispos itif anti-dernocratique dont diea besoin ;

    - de I'autre, les couches intellectuelles universi taires Iuttent avec leurspropres forces syndicales et poliriques, essentiellement pour preserver lessurvivances democratiques de la periode precedente et Faire obstacle a l'of-fensive du pouvoir.

    II est done extremernent important de rassernbler ces luttes et de lescoordonner dans Ies univer si tes, au C.N.R.S., a I'E.H.E.S.S., etc ... sur lesmots d'ordre conjoints de:

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    defense de l'universite et du secteur public de recherche;- defense des chercheurs, des enseignants-chercheurs et de tous les

    personnels intervenant dans le proces de travail intellectuel de la recher-che en S.H.S. sans dissocier ni opposer defense de la recherche et defen-se des personnels .

    Avec les insuffisances et les contradictions inherentes a la situation syn-dicale dans Ia Federation de I'Education nationale, ces luttes dirigees contrele pouvoir convergent avec les perspectives politiques de !'union de la gau-che, qui envisage dans son Programme commun de gouvernement certainesperspectives d'ensemble concernant l'universite et la recherche. Ces luttesconvergent et se developpent, mais d'une maniere qu'on doit, sans aucune-ment ceder au defaitisrne , caracteriser comme encore {res insujiisant e,compte tenu de l'enjeu a long terme de la contradiction principale que nousvenons de deer ire,

    II est done urgent de reflechir sur nos points faibles pour developper en-core davantage la capacite de lutte de l'ensernble du secteur des S.H.S. Pourdiverses raisons, I'urgence de cette reflex ion n'apparait pas encore claire-ment a tous. merne si chacun constate plus ou moins I'existence de . bloca-ges et de butoirs dans le developpernent de la lutte: aussi bien, la pre-sente intervention ne pretend-die qu'a preparer et a susciter la discussioncollective qui sirnpose.

    Une rernarque d'abord, qui a nos yeux commande tout le reste: c'est laconstatation que, parmi les mots d'ordre de defense des personnels et de de-fense de l'univer site et de la recherche, le second mot d'ordre se trouve enfait le plus souvent subordonne au premier; le mot d'ordre de defense despersonnels a I'avantage de s'appuyer sur d'innornbrables situations concretesdans lesquelles les couches intellectuelles universitaires touchent pour ainsidire du-doigt le sort qui leur est fait (chornage des jeunes intellectuels, inse-curite d'ernploi pour ceux qui ont eu la chance de trouver un travail, si-non un poste, restriction draconienne des moyens de toute nature, etc ...). Lemot d'ordre de defense de l'universite et de la recherche, quant a lui, resteabstrait et renvoie a des realites insaisissables, parce qu'elles ont en partiecesse d'exister, ou parce qu'elles n'existentpas encore.

    Pourtant, a long terrne, le second mot d'ordre dornine politiquement lepremier; et merne a court terrne, les insuffisances d'elaboration syndic ale etpolitique d'une politique de fa recherche en S.H.S. dans l'universite et auC.N.R.S. commence a produire d'inquietants effets, car, de son cote, le pou-voir a une politique (on a vu laquelle) et s'efforce de I'appliquer : cette fai-blesse Facih te largemen t, reconnaissons-le, I'effacernen t progressif du Comi teNational du C.N.R.S. et des differentes instances universitaires dans l'elabo-ration de la conjoncture scientijique, si bien que I'ensernble coherent des me-sures gouvernementales ne rencpntre guere, en la matiere, que l'mertie et la resistance au changement. r ; e f pouvoir giscardien ne se fait pas faute au-jourd'hui d'exploiter cette situation, par exernple en Jecloisonnant a son pro-

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    fit Ies disciplines de S.H.S. pour en regrouper les personnels (contractuels ethors-statut) sur des themes explicitement politiques, - dans le sens politi-que qui lui convient, cela va de soi.

    Tel parait etre le principal point faible de Ia lutte des couches intellec-melEes universitaires en S.H.S. Mais il ne suffit pas de Ie designer; encorefaut-il essayer de I'analyser pour determiner comment y rernedier. Nousavancerons ici I'hypothese que ce point faible provient, a I'interieur merne deI 1 a contradiction principale que nous venons d'exposer, de l'existence d'unecomradiction secondaire qui, si die devait rester non-traitee ou etre mal trai-tee, risquerait a terrne de bouleverser cornpleternent le rapport de forces cdans Ia contradiction principale elle-rneme, a I'irnmense avantage du pouvoirdes Monopoles: pour le dire en un mot, cette contradiction secondaire con-cerne le rapport que les couches intellectuelles universitaires en S.H.S. entre-siennent avec fa politique.

    Precisons :Toute la fraction de classe de la petite bourgeoisie entretient un rapport

    ambigu avec la poiitique dans la rnesure ou, tout en conservant envers eteontre tout i'illusion de pouvoir se rnettre a son compte politiquement par-J!anit:lt comme nous disions au debut, cette fraction de classe eprouve cepen-dan! dans la pratique I'irnpossibrlite concrete d'acceder a un point de vue po-ii;Jique d'ensemble lui per met tant d'organiser strategiquernent vses luttescomme peuvent le faire chacune a leur maniere les deux classes antagonistesdn M..P_C.,dans la lutte qu'elles menent I'une centre I'autre,

    Bien entendu, les differentes couches constituant aujourd'hui la petitebourgeoisie ont objec tivement interet a s'allier a !a classe ouvriere contreIa dasse capiraliste (et, bon an mal an, le rapprochement se consol ide sur le[:arrai:n syndical et parfois pol itique), rnais il reste que la bourgeoisie peutencore compte. sur une base de masse dans ce secteur, tant que l'emprise defldOOiogie dorninante s'y mainriendra SOUlS diverses formes. conservatr icesS ' I o l J l l - C reacaionnaires), reforrnistes et gauchistes.

    Ceate situation generale de la fraction petite-bourgeoise se reproduit evi-rlernment parmi les couches intellectuelles, en particulier universitaires, maism-ec des accentuations specifiques tenant essentiellement au redoublementde nllusioll d'autonomie qui les conduit a adopter spontanernent en politi-que Ie c point de vue de Sirius" com me substitut du point de vue d'ensern-hIe qui leur fait defaut : un journal comme Le Monde est a cet egardesempfaire.

    Qua"iI. aux couches intellectuelles universitaires travaillant dans lesS.H.S., rien He les preserve d'une telle illusion, bien au contraire, puisqueIeur activite professionnelle elle-rneme constitue l'apparente garantie qu'ellesabsrdent les problernes de Yhomme et de la societe d'une maniere scientiii-~: Ie .. point de vue de Sirius en poli tique prend ainsi dans les S.H.S. lafonne e:iaboree du point de vue de la Science", face auquel les autres""points de vue ce , y compris et avant tout celui de la classe ouvriere, appa-

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    raissent comme etroits, mesquins et depasses. II ne fautpas chercher ail-leurs la source de I'arrogance politique qui se manifeste parfois des que lesS.H.S. rencontrcnt la pol itique proletarienne ...

    Nous pouvons desorrnais preciser la nature de la contradiction secondai-re, specifique, des S.H.S., sur laquelle vient buter le developpement de la con-tradiction principale : il s'agit en definitive de la contradiction entre la poli-tique spontanee que le point de vue des S.H.S. met en oeuvre et Iapoli tique proletarienne de la classe ouvriere. Sans rappeler les conditionshistoriques d'apparition de ce point de vue des S.H.S. , rernarquons seule-ment que ces conditions coincident historiquement avec la for-mation de lac1asse ouvriere, "apparition du marxisme-leninisrne et de la politique proleta-rienne; soulignons aussi, com me s'Il en etait besoin, que cette coincidenceporte massivement non pas la marque de l'alliance, mais celle de l'antagonis-me (explicite) ou du refoulement et de I' ignorance" (irnplicites).

    Cela est vrai pour le regime de croisiere des annees de calme developpe-ment, pendant lesquelles I'appareil universitaire et de recherche en S.H.S.s'est const itue et renf orce,

    Cela est encore vrai aujourdhui, au moment OU les S.H.S. sont ouverte-ment en crise , comme routes les couches intellectuelles 'universitaires,mais avec leur propre specificite.

    II serait trop long d'etudier ici les variations de l'ideologie politique desS.H.S., OU se cornbinent diversernent l'acadernisme conservateur ou reaction-naire, l'iIlusion reforrniste et l'oppor tunisme gauchiste, avec les variationsqui leur sont liees dans l'ideologie theorique : contentons-nous de constaterque c'est de plus en plus l'illusion rejormiste qui prend Ie dessus (tout aumoins aujourd'hui en France) en assurant I'apparente cohesion d'ensernbledes S.H.S., menageant vaille que vaille la cohabitation avec les positionsreactionnaires ou gauchistes, qui restent globalernent subordonnees au refor-misme, m e me sidies peuvent ca et la, dans l'universite ou au C.N.R.S., exis-ter ouverternent com me des bastions ou des ghettos.

    s'u est vrai que les S.H.S. sont dans l'element du reforrnisme commepoissons dans l'eau, est-ce a dire pour autant qu'elles sont aujourd'hui enmesure de servir indifferernrnent les deux classes antagonistes com me ellesont pu donner I'apparence de le Iaire au cours des annees 50, abritees derrie-re le paravent de la neutralite scientifique ? Rien n'est moins sur dans Iecadre actuel du capitalisme monopoliste, compte tenu du developpernent desluttes de la classe ouvriere alliee aux couches non rnonopolistcs pour conque-fir le pouvoir d'Etat: I'ideologie reforrniste qui dornine encore largernent cescouches a depuis longternps cesse d'etre le juste milieu" illusoire, la troi-sierne voie " des annees 50, pour devenir purernent et sirnplement la derriiereroue de sec ours du pouvoir giscardien, le dernier moyen de lutte dont cepouvoir dispose pour rornpre l'alliance politique entre la classe ouvriere etses allies. Le retour en arriere vers une autonornie politique et ideologiquequi, au reste, n'a jarnais reellernent existe, est done, aujourd'hui plus que ja-rnais, radicalement impensable, pour les couches des S.H.S. comme pour l'en-semble des couches non-monopolistes dont elles font partie.

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    l'OSlTION SYNDICALE ET PRISE DE PART! 61

    L'anaIyse de la contradiction secondaire que nous venons d'exarniner de-bouclre ainsi sur un mot d'ordre de hate contre l'ideologie reiormiste dansbs S-H.S_ pour le developpement d'une position de classe proletarienne. C'esta oeste seu~e condition que la contradiction secondaire pourra etre traiteecorrecrement en perrnettant l'acces au point de vue d'ensernble de la classel O U . i7 r i e r e en matiere de politique de la recherche en S,H.S. . en rendant dumeme coup possible un nouveau developpernent de ce que nous avons appeleIa contradiction pr incipale, au profit de I'ensemble des travallleurs, y com-pris des inteHectuels travaillant dans les S.H.S.

    II reste a savoir concreternent ce que veut dire Iutter contre l'ideologiereformiste dans les S.H.S. et developper une position de classe proleta-rienne "'_

    Nous repondrons de rnaniere resumee en disant : cela signifie au-jourd!1mi tenir une position leniniste sur et dans les S.H.S. , et nous ajoute-rons : tenir une position leniniste. c'est se placer du point de vue politiquea'ensemble de la classe ouvriere .

    C'est evidernrnent " mettre les pieds dans le plat que rappeler aux cou-ches intellectueiles universitaires travaillant dans les S.H.S. l'existence d'unautre monde exterieur ", celui de la classe ouvriere, avec ses organisationssyndicales et politiques : c'est mettre les pieds dans le plat que rappeler auxS.H.S. une caracteristique essentielle de ce monde exter ieur . a savoir lafusion progressive du mouvernent ouvrier et de la theorie marxiste-leniniste,car cette caracterlstique touche (negativement) les S.H.S. de tres pres.

    Mais qui d'autre aujourd'hui que Ies rnernbres du parti de la classe ou-mere pourrait rnettre les pieds dans ce plat? C'est aux revolutionnaires des'expliquer sur le lien necessaire entre politique syndicale de defense de farecherche en S.H.S. et prise de parti politique contre le reior misme desS.H_S. en rappelant que le marxisme-leninisme n'est pas un point de vuesur ce que les S.H.S. persistent a appeler " I'homme et la societe , mais quilest la connaissance (toujours inachevee. car en developpernent) de la realitehistorique des formations sociales et de leur transformation, done la con-naissance (toujours inachevee, car en developpernent) des conditions concre-tes d'existence de l'hornme et la societe . connaissance indispensable a latransformation de ces conditions concretes.

    Certains diront sans doute : Mais il y a eu dans le passe, et iI y a au-jourd'hui des revolutionnaires qui travaillent dans les S.H.S.; done les posi-tions du marxisme-Ieninisme y sont representees. De quoi se plaignent doneIes communistes ? Ne serait-ce pas par hasard qu'ils visent a lancer uneO.P.A. sur les S.H.S. pour y imposer leur hegemonic ? ,

    Ce serait une Faute politique extrernement grave de ne pas repondre tresclairernent a de telles interrogations, car le silence en la matiere serait inter-prete comme la pire des menaces. Essayons done d'eclaircir un peu la situa-tion:

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