Polyphonies en classe de F.M.

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    Arts² - École supérieure des Arts

    Polyphonies en classe de F.M.Mémoire de fin d’études présenté par

    Jonathan-Jefferson Bridoux

    Promotrice : Mme Myriam Lorette

    Domaine de la Musique – Master didactiqueSection Écritures et Théorie Musicale

    Option Formation Musicale

    Année Académique 2014-2015

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    Remerciements

    Je voudrais adresser mes remerciements à tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, m’ontaidé et encouragé à progresser dans l’élaboration de ce travail de fin d’études.

    Tout d’abord, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance au Professeur Myriam Lorette,promotrice de ce mémoire, qui a m’a brillamment orienté dans mes recherches et accompagnéavec bienveillance dans ma rédaction , n’hésitant pas à sacrifier de son temps en période devacances scolaires... Qu’elle soit assurée de ma profonde reconnaissance.

    J’exprime également toute ma gratitude aux professeurs qui ont participé indirectement àl’enrichissement de mes connaissances, à travers leur enseignement de qualité ou lors de

    passionnantes discussions : en particulier, messieurs Xavier Carlier, Geoffrey François, GillesGobert et Denis Menier.

    Ces remerciements ne seraient pas complets sans mentionner le soutien et les encouragementsfournis tout au long de ces derniers mois par mes amis et mes proches. Merci à toi, Nathalie, pourtoute ton affection et tes encouragements quotidiens !

    À tous qui lisez ces lignes, permettez-moi de vous souhaiter une agréable lecture.

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    Table des matières

    Introduction : l a pratique de la polyphonie aujourd’hui ............................................................. 4

    I. La polyphonie : définitions et origines ..................................................................................... 7

    1. Définitions .......................................................................................................................... 7

    2. Formes polyphoniques ....................................................................................................... 7

    3. L’enseignement de la polyphonie du Moyen Age à nos jours ........................................... 17

    II. Apport de la polyphonie dans l’enseignement ...................................................................... 25

    III. Matériel et outils pédagogiques ............................................................................................ 28

    1. Dispositions corporelles ................................................................................................... 28

    2. Exercices préparatoires pour la qualité du chant polyphonique ........................................ 30

    2.1. Fusées et sirènes ................................................................................................. 30

    2.2. Maintien d’une longuenote .................................................................................. 31

    2.3. Vocalises .............................................................................................................. 31

    2.4. Comptines et autres chansons simples en alternance .......................................... 32

    3. Premières polyphonies ..................................................................................................... 33

    3.1 Bourdons, ostinatos et canons .............................................................................. 33

    3.2. Polyphonies simples à 2 et 3 voix ......................................................................... 36

    IV. Créativité ............................................................................................................................... 40

    V. Bilan de la mise en pratique ................................................................................................... 42

    VI. Conclusion ............................................................................................................................. 46

    Bibliographie ............................................................................................................................... 48

    N.B. : les annexes sont jointes dans un second cahier.

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    Introduction : la pratique de la polyphonie aujourd’hui

    Depuis le milieu du XXème siècle, la pratique du chant polyphonique, voir monodique, tend àdisparaître dans les classes francophones de l’enseignement de jour. D’autres activités, d’autresobjectifs lui sont privilégiés. Le phénomène n’est pas nouveau : en étudiant l’Histoire del’enseignement, on réalise que la place du chant est parfois très différente selon les périodes etselon les institutions scolaires. Nous en ferons résumé , qui je l’espère, pourra éclairer en lamatière.

    Mais, la raison principale, peut-être souvent inavouée, ne serait-elle pas que beaucoupd’enseignants des écoles du jour n’osent plus eux-mêmes chanter ? Faute de formation suffisante,ils se sentent « incapables d’animer un cours de musique, prétextant qu’ils chantent faux, qu’ils

    n’osent pas chanter ou qu’ils ne savent que faire. Ils aimeraient bien aimé intégrer la musique dansleur classe, mais ils n’en ont pas les moyens. » 1

    On constate aussi une rupture généralisée dans la transmission de la pratique du chant, et plusspécialement du chant choral, en dehors de l’école : la plupart des manécanteries se sontvolatilisées et le taux d’absentéisme, le manque de disciple par rapport aux horaires et auxengagements communs, met en péril tout projet de chorale d’enfants ou d’adolescents.

    À quelques rares exceptions, les chorales et autres ensembles vocaux ayant survécu sont peufréquentés par les jeunes . Force est de constater que la moyenne d’âge est assez élevée dans laplupart des ensembles du pays et que certains, faute de relève, jettent l’éponge.

    En famille,on ne chante d’ailleurs plus beaucoup : les moyens modernes de divertissement, pourla plupart individuels (multiplications des postes de télévision au domicile, consoles de jeu,ordinateurs portables, tablettes, smartphones, etc. ), ont pris le dessus sur les occupationscommunes qui animaient les réunions et les soirées d’antan.

    Autre mal du siècle : la connotation bien souvent religieuse des chants « anciens » dérangecertains milieux, comme en témoignent quelques collègues de nos académies de musique. Maisc’est là un autre débat, même s’il est intimement lié : celui de la transmission de la culturefrancophone, d’essence judéo -chrétienne. « En tous temps, en tous lieux, l’activité musicale a étésignificative, représentative d’une culture. [ … ] Le faitmusical n’a jamais été neutre. Donner à la pratique musicale une résonnance sociale, c’est dire aussi que cette fonction de la musiquedéterminera, pour une large part, l’intérêt que tel ou tel groupe social ou ethnique portera (ou non)à l’activité musicale et par là, l’importance et l’intensité de sa participation dans ce domaine. Cela

    1 M ARTENS Edith & V ANSULL Vincent, Osez la musique! , p. 8.

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    est vrai, au niveau d’une classe, mais aussi, au niveau d’un quartier, d’une ville, d’un pays ».2 Sil’œuvre n’est pas neutre, elle permet toutefois de « découvrir le plaisir de faire de la musiqueensemble car elle peut être source de joie intense et renforcer les liens entre les êtres au-delà deleurs différences apparentes. » 3

    L’apport de la pratique de la polyphonie semble ainsi largement sous-estimé et bien éloigné despréoccupations du monde moderne, favorisant l’épanouissement individuel plutôt que l’harmonied’une communauté. Nous tenterons d’énumérer les qualités du chant polyphonique afin d’enréaliser un plaidoyer convaincant au XXIème siècle. Citons ici Marcel Ley :

    « L’enfant qui agit musicalement, ou plus généralement dans le monde sonore, se

    crée « un outil de pensée » supplémentaire. Il se découvre des aptitudes nouvelles

    qu’il ne soupçonnait pas nécessairement et qu’il pourra mettre au se rvice de son

    exploration du monde. » 4

    La pratique de la polyphonie, activité de groupe, joue pourtant une « double fonction decommunication et de socialisation. Par la relation aux autres, au monde environnant, […] l’enfantse construit, il grandit, s’affirme. » 5

    Comme le dit encore Jean-Claude Clerc : « Si la musique nous est familière, tout à la fois et tropsouvent, elle reste mystérieusement étrangère. » 6

    Heureusement, on semble donner aujourd’hui une place relativement importante à la pratique dela polyphonie dans les classes de Formation Musicale de nos Académies de Musique. Il esttoutefois regrettable que cette pratique reste bien souvent isolée de ces murs.

    Mon intérêt personnel pour l’Histoire me pousse dès lors à investiguer la part consacrée jadis dansl’enseignement, à la maîtrise de la polyphonie. En tant qu’organiste, on manifeste naturellement unintérêt pour la musique ancienne, en particulier pour le développement de la polyphonie,intimement liéeau développement de l’orgue, un des premiers instruments capable de polyphonie.

    Aussi, situer des œuvres dans leur contexte initial, se mettre à la place d’un individu à un momentdonné de l’Histoire, permet d’apprécier à sa juste valeur l’œuvre ancienne étudiée. Cela en facilitebien entendu l’appropriation. Quelle plus noble mission que celle de susciter à travers diversespolyphonies, l’intérêtenvers un patrimoine et de transmettre sa passion pour ce qui autrefois, aanimé les passions de nos ancêtres ?

    2 LEY Marcel,Education musicale, réflexion préalable, p. 18.3 M ARTENSEdith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 7.4 LEY Marcel,Education musicale, réflexion préalable, p. 15.5 Id., p. 18.6 Id., p. 3.

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    Après avoir défini brièvement ce qu’est la polyphonie, nous remonterons jusqu’à ses originesconnues et étudierons par ordre chronologique, les diverses formes inventées. Cet inventaire durépertoire nous permettra d’y voir plus clair lors de l’abord de la polyphonie en classe. Nousétudierons ensuite dans ce même chapitre, ce que nous apprend l’Histoire de l’enseignement en

    ce qui concerne la polyphonie.

    Le second chapitre sera consacré à l’apport de la polyphonie : quelle est son utilité dans un coursde Formation Musicale ?

    Le troisième chapitre sera consacré à un inventaire du matériel et des outils pédagogiquespermettant d’aborder la polyphonie en classe, des formes les plus simples (bourdons, ostinatos etcanons) aux polyphonies plus complexes (contrepoint à plusieurs voix). On énoncera bien sûr lesdispositions corporelles préalables et on proposera quelques exercices préparatoires à la pratiquedu chant collectif.

    Dans le quatrième chapitre, nous évoquerons quelques pistes d’exploitation possible de lacréativité lors du travail de la polyphonieet quelques mises en œuvre .

    Je dresserai ensuite le bilan de la mise en pratique, c’est-à-dire les expérimentations que j’ai eul’occasion de mettre en œuvre au cours de cette année scolaire , au sein des différentsétablissements fréquentés.

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    I. La polyphonie : définitions et origines

    1. Définitions

    Petit Larousse Illustré, 1988 : n.f. (gr. polus, « nombreux », et phôné, « voix»). Art d’écrire musicalement à plusieursparties. || Musique contrapuntique.

    Encyclopédie Focus Bordas, 1974 : N .f., chez les Grecs, assemblage de voix ou d’instruments. Chez les modernes, on neparle de polyphonie que pour l’assemblage de parties différentes, et plus spécialement departies vocales, par opposition à la monodie. La polyphonie se développa particulièrementavec les motets de l’école de Notre-Dame et les acquisitions de l’Ars Nova au XIVe sièclepour aboutir, dans toute l’Europe, à un véritable « âge d’or » aux XVe et XVIe siècles(Josquin des Prés, Dufay, Lassus, Claude Le Jeune, Janequin).

    Claude ABROMONT, Guide de la Théorie de la Musique, Ed. Fayard, Clamecy, 2014 :Du grec polus, « nombreux, abondant » et phôné, « son », « voix » ; sens musical attestéen 1875, mais probablement plus ancien : voir contrepoint.

    Contrepoint (lat. médiéval punctus contra punctum, « note contre note », sens musical,1398 [avant, discantus]) : superposition de lignes mélodiques distinctes etinterdépendantes ; le mot désigne toute forme de polyphonie du XIVe jusqu’au XVIesiècle ; auparavant déchant […] ; le mot polyphonie s’impose peu à peu jusqu’au XVIIIesiècle ; contrepoint désigne alor s des techniques d’apprentissage de la composition.

    2. Formes polyphoniques

    Résumer l’évolution des formes polyphoniques est une lourde tâche qui n’est pas l’objet premierde ce mémoire. Toutefois, en proposer un résumé succinct – forcément incomplet – apportera unéclairage sur le répertoire et son évolution. Dans un souci de clarté, nous proposons une approchechronologique, siècle après siècle. Ces repères chronologiques doivent être considérés avecréserve : les limites temporelles de certains courants ont parfois été choisies arbitrairement, fauted’informations exhaustives.

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    IXème siècle : polyphonie primitive. Chant grégorien, hymnes, messes, séquence, trope.

    Organum originel ou parallèle / diaphonie (2 voix) à la quinte et à la quarte. Du grec« organum » : instrument, orgue. Le contrechant (vox organalis : voix organale) est adjointau-dessous du plain-chant.Les consonances parfaites autorisées sont l’unisson, la quarte, la quinte et l’octave.

    XIème siècle : Déchant. (2 voix). Conduits.

    Le déchant ou discantus consiste à adjoindre un contrechant au-dessus du plain-chant(cantus firmus ou ténor). Seules les consonances parfaites sont essentiellement employées :unisson, octave, quarte et quinte. Tierce et sixte peuvent être entendues à titre deconsonance imparfaite. Premières tentatives de mouvements contraires. Le déchant marquela naissance du contrepoint qui connaîtra son apogée à la Renaissance.

    XIIème siècle : Organum fleuri. École de Notre-Dame (~1160-1240),Léonin († c.1201). Pérotin.

    Naissance de la notation mensuraliste (aux environs de 1225-1260) 7 :apparition du rythme ternaire avec la notation modale (six modes rythmiques combinantdes longues et des brèves 8). La notation modale fut abandonnée au profit de la notation

    mensuraliste (4 figures de notes : la maxime, la longue, la brève et la semi-brève9

    ).

    Organum fleuri ou mélismatique (à vocalises).La voix principale, à la voix inférieure, devient « teneur » (voix qui tient le chant,pendant que la voix organale s’autorise de vocalises sur plusieurs notes).

    Organum polyphonique (2 à 4 voix) : duplum, triplum, quadruplum.

    Le déchant (voix organale) s’autorise des mouvements contraires , mêlant lesdissonances aux consonances : naissance du contrepoint.

    Conduit : chant latin, sur un texte à caractère généralement paraliturgique, ousimplement moralisateur, chant de procession (« conduite »). Il se distingue du déchantpar son cantus firmus qui est presque toujours une composition originale.

    Ouverture vers une plus grande inventivité.

    7 ABROMONT Claude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 272.8 Id., p. 266.9 Id., p. 272.

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    En Angleterre : le gymel (du latingemellus, jumeau) : polyphonie à deux voix à la tierceou à la sixte parallèle. Ce procédé s’adapte de façon simple et agréable à la mélodie deslaudes, carols, chansons et autres psaumes. Plus tard, le gymel pourra s’ornementerd’une troisième voix,le bassus , créant de nouvelles consonances. Le bassus évolue par

    mouvements contraires avec les voix supérieures.

    XIIIème siècle : « Ars antiqua » (~1210-1310). Conduit. Motet : École de Notre-Dame :Pérotin († c.1230), Ph. le Chancelier , Francon de Cologne .Rondeau : Troubadours et trouvères. A. de la Halle.

    Conduit : forme musicale paraliturgique (textes moralisateurs) dont lecantus firmus est

    composé pour l’occasion.

    Motet (diminutif de « mot ») :composition courte, dérivée de l’organum fleuri, écrite àpartir d’un texte religieux (latin) ou profane (français). La voix supérieure de l’organumdevient de plus en plus ornementée (contrepoint fleuri). Il existe différents types demotets :

    o Motet simple à 2 voix (tenor et duplum) ou motet avec texte (latin ou français).

    o Motet double à 3 voix (tenor , motetus et triplum). Les voix supérieures ont deuxtextes différents, le français et le latin étant mélangés. Le texte à la voix detriplumest plus fourni et donc plus rapide qu’au motetus.

    o Motet triple à 4 voix (avecquadruplum). Les voix supérieures ont trois textesdifférents en français ou sont mélangés avec le latin.

    o Motet conduit à 3 ou 4 voix dont letenor et les voix supérieures chantent lemême texte sur un rythme identique. Pérotin .

    La notation en parties superposées fait place à la notation en parties séparées sur lamême page 10.

    10 ABROMONT Claude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 274.

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    Rondeau (A. de la Halle) : forme alternant un refrain et plusieurs couplets. Libération de l’emprise de l’inspiration uniquement religieuse : on peut isoler le ténor

    d’une chanson et improviser 4 autres voix dessus pour en faire une pièce religieuse(par exemple, un Kyrie). La proximité du profane et du sacré n’est pas une tension mais

    bien un processus de création pour louer le Créateur.

    Premiers canons : forme musicale polyphonique basée sur l'imitation, dans lequel uneidée musicale s'énonce et se duplique en différé par l’entrée successive d’autres voix,produisant de cette façon une superposition de mélodies, c'est-à-dire, un contrepoint.

    Cantilena : chants d’origine monodique retravaillés pour en faire des compositions à 3voix.

    XIVème siècle : Ars nova (~1320-1377). Lai, virelai, ballade, messe, motet isorythmique :G. de Machaut .

    Ars nova (nouvel art), du nom du traité (c. 1320) de Philippe de Vitry .Le rythme se disloque les modulations se multiplient. La polyphonie se caractérise parl’utilisation des hoquets (brèves coupures dans la mélodie qui déhanchent le chant). Lerépertoire de l’Ars nova remplace peu à peu le chant grégorien. De par sa complexitémusicale, sa pratique est dès lors réservée aux professionnels. Il est courant qu’unepluralité de textes soit chantée simultanément.

    o Naissance de la pensée harmonique : utilisation progressive des tierces et dessixtes. Le passage entre l’harmonie modale (construction par superpositiond’intervalles harmoniques) et l’harmonie tonale (construction par accords) s’effectuelentement du XIVème au XVIème siècle11. Voir XVIème siècle .

    o Les divisions binaires sont mises au même plan que les divisions ternaires. Divisionde la semi-brève en minimes et semi-minimes12.

    En France , motet isorythmique :Le principe de l'isorythmie (fin du XIIIème siècle) consiste à découper dans la teneur desfragments rythmiquement semblables. À cette teneur (ou tenor ) au rythme normalisé

    11 ABROMONT Claude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 307.12 Id., p. 275

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    s'ajoutait souvent un contratenor , voix qui évolue autour du ténor tout en le complétant eten étoffant l’harmonie13.

    En Italie, à Florence : caccia (chasse : plusieurs voix entrent successivement en style

    canonique et donnent ainsi l’impression de se chasser l’une l’autre ), ballata (ballade),madrigal : Jean de Florence , F. Landini .

    XVème siècle : écoles franco-flamandes.

    Première génération (~1420-1450) : école bourguignonne : G. Dufay, G. Binchois , annoncée par l’anglais J. Dunstable .Rupture avec la musique médiévale. Aux successions de quartes, quintes et octaves, onprivilégie les superpositions de tierces et de sixtes. Développement vertical de la polyphonie.Le système de notation proportionnelle permet d’obtenir la diminution ou l’augmentationrythmique d’une phrase. G. Dufay, motet Nuper rosarum flores14.

    Deuxième génération (~1450-1485). J. Ockeghem , A. Busnois . Annoncée par l’Ars Subtilior (~1377-1417), complexe et raffiné, la seconde école franco-flamande porte la polyphonie à son apogée dans l’art du contrepoint, notamment dans leMotet. Abondance des voix : J. Ockeghem compose le canon Deo Gratias à 36 voix ; T. Tallis, le motet Spem in alium à 40 voix.

    Troisième génération (1480-1485). J. des Prés , J. Obrecht , P. de La Rue , J. Mouton , C. non Papa , H. Isaac .

    o Technique des canons ( J. des Prés ) permettant l’alternance de voix (deux à cinq)

    dans les messes.

    o Hymne en faux-bourdon : la mélodie d’une hymne est entonnée par un chantre quibrode en tournant autour des notes principales. Les deux autres chanteursimprovisent leurs voix en tierces, sixtes et quartes dans des mouvements parallèles.On distingue le faux-bourdon à l’anglaise (cantus firmus au soprano) du faux-bourdonà la française (cantus firmus au ténor).

    13 ABROMONT Claude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 274 ; Encyclopædia Universalis [en ligne],Motet. 14 Idem, p. 352

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    L’imprimerie généralise la « notation blanche » : valeurs évidées qui conviennent mieux aunouveau papier, plus fin que le parchemin et facilement transpercé par l’encre15.

    XVIème

    siècle : Renaissance. Le contratenor se scinde en contratenor altus (au-dessus du tenor ) et contratenor bassus

    (en-dessous du tenor ), donnant ainsi naissance au quatuor moderne : bassus, tenor, altuset soprano16 .

    En Italie : écoles romaines et vénitiennes. Chœurs a cappella : Palestrina , Allegri, Ingegneri . Influence de l’école bourguignonne : A. Willaert, A. et G. Gabrieli (Venise,St Marc). Ricercare vocal17 (étude vocale à 2 voix en contrepoint imitatif), psaumes etmotets à double-chœur.

    o La Frotolla(fin XVème siècle), chanson profane à 3 ou 4 voix laissant prédominer lavoix supérieure, est remplacée par la villanella napolitaine, la canzonetta et lesbaletti, formes traitées comme des musiques de danse et à l’origine du madrigalitalien (6 à 12 voix).

    o Pensée harmonique : G. Zarlino constate la plénitude obtenue en associant unenote avec sa tierce et sa quinte (1558) 18.

    En Allemagne: Choral. Compositeurs luthériens : H. L. Hassler , J. Walther .La Réforme protestante initiée par Martin Luther en 1517 donne naissance au choral. Audépart monodique, il évolue dès 1524 vers une polyphonie « simple » à 4 ou 5 voixd'écriture verticale (en accords) avec quelques éléments d'écriture contrapuntique. Lechoral est destiné à ê tre chanté en chœur par les fidèles durant le culte. Les paroles sontuniquement en allemand, langue vernaculaire.

    En France et Pays-Bas : Messes, motets, madrigaux, Passions : R. de Lassus (montois). Chanson française (4 voix) : souvent descriptive, garde son individualité. Elle peut êtrereligieuse, satirique ou galante. N. Gombert , J. Maduit, Costeley , C. Janequin(onomatopées), R. de Lassus .

    15 ABROMONTClaude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 280.16 Id., p. 274.17 STEINLeon, Anthology of Musical Forms: Structure & Style,p. 207.18 ABROMONTClaude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 307.

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    o Réforme protestante : psaumes huguenots (calvinistes). Les psaumes huguenotsne comportent qu’une seule voix dont le texte est en français (Clément Marot etThéodore de Bèze, Genève, 1562). Ils sont mis en musique par Goudimel etC. Lejeune . Ils pouvaient donner lieu à la maison, à des improvisations à plusieurs

    voix, selon le principe du Chant sur le Livre (voir chapitre suivant).

    o Chansonnier de Bayeux (c.1500) : contient des dizaines de mélodies avec textesdont seul est noté le ténor. Les autres voix (de une à trois, ou celles desinstruments) doivent manifestement être improvisées.

    En Angleterre : madrigaux. Byrd, Morley, Henri VIII.Le gymel peut s’exécuter avec adjonction d’une troisième voix de contreténor « mixte »,passant tantôt au-dessus ( altus), tantôt en dessous ( bassus ) du ténor.

    En Espagne : influences franco-flamande et italienne. Messes, motets, hymnes.F. Guerero, C. de Morales, Vittoria. Polyphonies (3 à 5 voix) chantées par le peuple, lesétudiants ou les gentilshommes : villancicos.

    L’imprimerie généralise l’usage des parties séparé es imprimées sur des cahiers différents :ce que l’on nomme aujourd’hui le matériel. L’usage des parties superposées ne sera rétabliqu’au XVIIe siècle19. La notation des ornements20 se précise en toutes notes.

    XVIIème siècle : Époque baroque. Seconda pratica. Opéra, oratorio, cantates, chorals, messes.

    Évolution du canon :

    o canons à la tierce, quarte, quinte ou septième : la seconde voix reprend la mélodie

    initiale mais à un intervalle plus aigu ou plus grave ;o canon cancrizans (en « crabe ») ou rétrograde : la mélodie est reprise à l’envers

    (sorte de « palindrome musical ») ;o canon par mouvement contraire : la mélodie est inversée (si la première voix

    effectue un intervalle de tierce ascendante, la seconde voix fera un intervalle detierce descendante) ;

    o canon par augmentation (ou par diminution) : la seconde voix joue sa mélodie surun rythme deux fois plus rapide (ou plus lent) ; la mélodie reste identique ;

    19 ABROMONTClaude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 274.20 Id., p. 356.

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    o canon par ton : à chaque reprise, les voix s’élèvent d’un ton.

    Pensée harmonique : Apparition vers 1600 de la basse continue chiffrée. Improviser enlisant les parties vocales séparées était devenu trop complexe : réduction de la polyphonie

    à ses éléments harmoniques essentiels 21. Lippius22 définit l’accord parfait et sesrenversements (1612) 23. Le traitement de la dissonance est remis en question par lespremiers compositeurs de l’époque baroque : pouvant maintenant être attaquées, ellesprennent une nouvelle dimension expressive 24.

    Italie : Monteverdi.

    France : école de Versailles (90 chanteurs). Lully, H. Du Mont, De Lalande , Charpentier . Ornementation sous-entendue : la pratique de l’ornementation (ouagréments ) fait partie duvocabulaire de base du langage musical.

    Allemagne : Schütz , Scheidt .

    Angleterre : Purcell .

    XVIIIème siècle : Classicisme. Opéra, oratorios, cantates, psaumes.

    Pensée harmonique : Premières théories de la tonalité. Rameau intègre les accords deseptième et leurs renversements parmi les accords essentiels, il introduit la notion debasse fondamentale ainsi que la spécificité des degrés (1722). La querelle des bouffons(1752), opposant l’opéra bouffe italien (fondé sur la mélodie, que défend Rousseau) à latragédie à la française (fondé sur l’harmonie) témoigne de ce changement de cap 25.

    France : Rameau.

    Italie :Scarlatti.

    Allemagne : Bach , Keiser.

    Angleterre :Haendel.

    21 Id., p. 298.22 Johannes Lippius est un théologien, philosophe et théoricien de la musique né le 24 juin 1585 à Strasbourg et mort le24 septembre 1612. Il a inventé l'accord parfait sous le terme « triade harmonique » dans son traité Synopsis musicaenovae publié en 161223 ABROMONTClaude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 298.24 Id., p. 308.25 ABROMONTClaude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 307-308.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologienhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_la_musiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/24_juinhttps://fr.wikipedia.org/wiki/1585_en_musique_classiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Strasbourghttps://fr.wikipedia.org/wiki/24_septembrehttps://fr.wikipedia.org/wiki/1612_en_musique_classiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_parfaithttps://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_parfaithttps://fr.wikipedia.org/wiki/1612_en_musique_classiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/24_septembrehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Strasbourghttps://fr.wikipedia.org/wiki/1585_en_musique_classiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/24_juinhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_la_musiquehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologien

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    XIXème siècle : Romantisme.

    Pensée harmonique :

    o Première apparition du mot tonalité dans un dictionnaire (Castil-Blaze, 1821)26.

    o Choc de l’opéra Tristan et Isolde de R. Wagner (1857) avec son célèbre premieraccord, posant un problème d’analyse harmonique et emboitant le pas vers lamusique atonale. Les avancées chromatiques de Wagner seront emboîtées parH. Berlioz, F. Liszt , G. Malher , R. Strauss , etc.

    De nombreuses pièces polyphoniques à sujet profane voient le jour : F. Mendelssohn ,J. Brahms , etc.

    XXème-XXIème siècles : Epoque moderne. Naissance de l’atonalité.

    Webern , A. Schoenberg , A. Berg .

    Pensée harmonique : Le chromatisme ayant été poussé à ses limites, un besoin de

    renouvellement musical se fait sentir. La tonalité est ainsi largement abandonnée.

    Invention de la série dodécaphonique par Schoenberg (1923).

    Polymodalité : superposition de plusieurs modes. Echelles tétraphoniques superposées :Stravinski . La polyphonie est remise à l’honneur.

    Jazz : la rythmique, les modes et quelques procédés caractéristiques de ce style sontrepris par de grands musiciens classiques. Ravel, Stravinsky . Gospel .

    Néoclassicisme : retour à la simplicité du classicisme. Diatonisme. E. Satie , Prokofiev , Milhaud, Rihm. Courant néo-tonal : T. Escaich , G. Connaison , A. Pärt, H. Gorecki,opéras de J. Adams et P. Glass .

    Polytonalité : superposition de tonalités distinctes.Charles Ives , Milhaud.

    Travail sur le timbre.Varèse , ionisation(1931). École spectrale : G. Grisey, T. Murail.

    26 Id., p.307.

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    Micro-polyphonie. Ligeti.

    Musique concrète : utilisation de bandes sons. P. Schaeffer (1948), P. Henry .

    Électro-acoustique. Compositeurs acousmatiques. MAO : musique assistée par ordinateur.Norme MIDI (1974).

    École de Darmstadt : mouvement sériel. Généralisation de la série. Messiaen (Mode devaleurs et d’intensité, 1949). Stockhausen , Berio , Ligeti , Nono , Boulez .

    Fondation de l’ IRCAM (lnstitut de recherche et coordination acoustique/musique) en 1977 parBoulez .

    Comédies musicales / Music Hall.

    Musique « pop ».

    (…)Diversité, ouverture des frontières entre les différents univers : il est impossible de toutciter ici.

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    3 . L’enseignement de la polyphonie du Moyen Age à nos jours

    Si la musique avait une place importante dans l’enseignement dès l’Antiquité, puisqu’elle étaitenseignée dans le cycle scientifique du quadrivium27 , c’est vers le Xème siècle qu’on notifieson

    véritable retour dans l’enseignement, alors chamboulé par la réforme liturgique grégorienne28

    . Laréforme liturgique a ainsi fortement encouragé la qualité du chant, formant de nombreuxchanteurs, principalement à travers les abbayes bénédictines. Cette réforme se base elle-mêmesur un modèle de chant liturgique antique : celui du rituel romain. Dès le IVème siècle, l'Eglisecatholique prit conscience de la nécessité d'organiser la musique des célébrations liturgiques, dontseuls les chanteurs étaient responsables. Au VIème siècle, Grégoire le Grand crée la premièreSchola à Rome. Dès ce moment, les papes ont entretenu un corps de chantres spécialementformés au chant des antiennes. Vers le milieu du VI ème siècle, Venance Fortunat, évêque de

    Poitiers et auteur de l'hymne « Vexilla Regis » signale dans ses écrits « le chant des enfants et lapureté de leurs voix », faisant ici hommage au clergé parisien29. A la fin du VIIIe siècle, sousCharlemagne, chaque église possède sa maîtrise paroissiale, chaque évêché son écoleépiscopale, et chaque monastère son institut abbatial 30.L’invention des neumes liée à la réforme grégorienne permit de fixer la hauteur des sons,engendrant ainsi la rédaction d’une théorie du contrepoint31 qui s’initie déjà vers le IXème siècle32.Bien que certains manuscrits anciens – plus pédagogiques que théoriques – traitent déjà du sujet,on ne trouve pas de traces écrites d’institutions pratiquant la polyphonie avant le XIIème siècle(École de Notre-Dame de Paris 33). Dans le traité carolingien Enchirias Musices (manuel demusique)34, datant de la fin du IXe siècle et sans doute rédigé par Ogier de Laon, on nous expliquecomment, à partir d’une phrase de plain-chant, transformer une monodie en organum paradjonction d’une seconde voix « organale ». Cette seconde voix use des intervalles consonants del’époque : octave, quinte ou quarte. Ainsi nait la pratique du « chant sur le Livre » qui connut sonapogée à la Renaissance 35. L’invention du livreimprimé par Gutenberg, arrivée en France en 1470

    27 Désigne les quatre sciences mathématiques dans la théorie antique : l’arithmétique, la musique, la géométrie et

    l’astronomie.Quadrivium et trivium(apparu durant l’Antiquité tardive et qui sera encore d’usage au Moyen Âge) formentles 7 arts libéraux. Le triviumquant à lui, se compose de la grammaire, de la rhétorique et de la logique.28 ROUCHEMichel,Histoire de l’éducation, volume I, p. 254.29 ENGUEGARDOlivier / IFAC,Les maîtrises, forme d’avenir d’enseignement musical ?, p.101.30 Id., p.102.31 Punctus contra punctus , désignant une musique constituée de deux sons divergeant, à distance de quarte ou dequinte, les deux voix commençant et finissant à l’unisson.32 PERNONGérard, Histoire de la musique, p. 27.33 Entre 1170 et 1240, l’École de Notre-Dame de Léonin et Pérotin pratique l’organum purum (mélodie imaginée par lechantre, sans contrainte rythmique particulière, le plain-chant issu du Graduel étant chanté en valeurs très longues),triplum et clausule (plain-chant chanté sur des formules rythmiques répétitives, les taleae , alors que deux autreschanteurs improvisent.34 Dans son article de 1985, Jacques Chailley précise que ce manuel est large ment connu sous l’appellation « MusicaEnchiriadis d’Hucbald ». Le titre complet étant en fait perdu. « Musica enchiriadis » ne semble pas correct car il se traduitpar « musique de manuel » en grec latinisé. De plus, ce traité aurait été hâtivement attribué à Hucbald par son premieréditeur, qui le publia avec un ensemble de traités d’auteurs différents. 35 On peut citer par exemple le traité de chant anonyme, rédigé vers 1550, que certains attribuent à Vicente Lucitano. Cetraité est conservé à la Bibliothèque Nationale de France sous la référence « manuscrit espagnol 219 ».

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    avec deux décennies de retard 36, aidera grandement à diffuser les premiers traités faisantréférence à cette pratique, se répandant ainsi à travers la France, l’Espagne et les Pays-Bas.

    Le « chant sur le Livre » consistait à ajouter une ou plusieurs voix improvisées à une mélodieécrite, le cantus firmus. Un contrepoint était ainsi créé sur le vif. Ce procédé était intimement lié àla musique religieuse : pour marquer les différents degrés de solennité des fêtes liturgiques, onajoutait jusqu’à quatre voix sur le cantus firmus (double canon). Des règles strictes rendaientpossible l’improvisation de cette polyphonie complexe. Ces règles sont énoncées dans l’ouvrage« Chanter sur le Livre », un manuel pratique rédigé récemment par Barnabé Janin, enseignant auC.N.S.M.D. de Lyon. Si la pratique du « chant sur le Livre » a connu son déclin en France à la findu XVIIIème siècle37, elle a effet été récemment renouvelée : Jean-Yves Haymoz (Fribourg) enpropose un enseignement depuis le début des années 1990. J’ai personnellement assisté à unconcert donné par l’ensemble Le Chant sur le Livre dont font partie Barnabé Janin et Jean-YvesHaymoz : j’en garde un merveilleux souvenir. Cette polyphonie improvisée saisit l’auditoire etprocure un plaisir indéniable. On relève aussi sans mal une véritable passion commune chez lesmusiciens, qu’un seul pupitre rassemble.

    Il est ainsi saisissant que l’improvisation puisse à ce point côtoyer la composition, alors que leXXème siècle les a si souvent opposées. En effet, le musicien de la Renaissance apprend lamusique sans la diviser en différentes disciplines. Dans sa pratique musicale, il jongle à la foisavec la lecture, la composition, l’exécution, l’organologie, l’ornementation et l’improvisation. L’art

    du contrepoint réunissait à la fois la pratique de la musique écrite et celle de la musiqueimprovisée. Il comportait deux facettes indispensables à la formation du musicien : le contrepointécrit (scripto) et le contrepoint imaginé (mente). Ces musiciens avaient également uneconnaissance étendue de la liturgie, du répertoire religieux et profane, ainsi que des différentsrituels. Ces compétences permettaient d’aborder la polyphonie avec aisance. Une anecdoterécemment révélée par David Mesquita, professeur à la Schola Cantorum Basiliensis, rapporteque lors d’un concours de recrutement pour un poste de maître de chapelle en Espagne au XVI ème siècle, on demanda aux candidats « d’improviser trois voix sur un plain-chant : la première voix

    chantée par le postulant, mais en prononçant les noms des notes d’une seconde voix que chantaitun autre chanteur et, finalement, en montrant sur sa main les notes que chantait un troisième ».

    L’anecdote ci-dessus révèle l’importance de la pratique de la main guidonienne à cette époque.Cette méthode développée par Gui d’Arezzo au premier quart du XIème siècle est basée sur le

    36 Des typographes allemands sortent le premier livre français en 1470, sur une presse installée dans le collège deSorbonne à Paris.37 Dans la préface de Chanter sur le Livre (B. J ANIN), Jean-Yves Haymoz évoque que des enfants de chœur continuaientà « chanter sur le Livre » dans certaines cathédrales et collégiales de France à la fin du XVIIIe siècle, comme entémoignent le traités de Louis-Joseph Marchand (Traité du contrepoint simple ou chant sur le Livre, ouvrage nécessaireà tous ceux qui aspirent à entrer dans la Musique de la plupart des Cathédrales et Collégiales, tant en France, que deFlandre et autres , 1739) et de Henri Madin (1742). En 1768, Jean-Jacques Rousseau décrit le chant sur le Livre commeune pratique contemporaine dans son Dictionnaire de musique.

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    comput digital38 et servait de moyen mnémotechnique à la pratique du chant, notamment pour lalecture à vue. Le système repose sur la visualisation des hexacordes sur les phalanges de la maingauche, basé sur une échelle de 21 degrés, la scala generalis qui découle du systema teleïon

    grec39 et comprend, à quelques rares exceptions, les seules notes employées dans la théorie

    médiévale. Cette échelle est aussi largement connue sous l’appellation musica recta40. Le supportde la main guidonienne permettait par exemple à un chef de chœur d’indiquer discrètemen t unenote à un chantre. Nous joignons en ANNEXE XXI, une illustration de la main guidonienne.

    Vers 1025, d’Arezzo proposait déjà des consignes pour improviser une seconde voix sur unemélodie grégorienne41. Ces consignes sont enseignées aujourd’hui sous la dénominationd’ « organum guidonien », notamment au C.N.S.M. de Paris dans la classe de « polyphoniesimprovisées » de Raphaël Picazos. Plusieurs ensembles, dont L’Obsidenne dirigé par EmmanuelBonnardot en propose des réalisations improvisées au concert. Dans ce type d’organum qued’Arezzo décrit commeorganum suspensum (organum flottant), la voix organale tend à s’installerdans le statisme d’un bourdon, pouvant ainsi se maintenir au-dessus du chant lorsque celui-cis’échappe quelques instants vers le grave . D’Arezzo qualifie de « doux » ce type de diaphonie quin’admet ni le demi-ton ni la quinte comme consonances mais bien : le ton (seconde majeure), lediton (tierce majeure), la tierce mineure et la quarte, cette dernière ayant un rôle prépondérant parrapport à la tierce mineure, dont le rôle est secondaire. La quarte constitue en outre l’intervallemaximal par rapport à la voix principale, révélant l’importance du tétracorde dans la structure

    mélodique. Pour nos oreilles contemporaines, l’usage de la seconde majeure dans ces premièrespolyphonies est étonnant. Toutefois, ces secondes majeures se « résolvent » toujours surl’unisson en fin de phrase.

    Exemple d’organum guidonien42 :

    Il est important de noter que l’on doit encore à d’Arezzo l’inventiondu nom des notes (solfège) etde la portée, qui facilita grandement la transmission de l’art musical et donc, de l’enseignement dela musique.

    38 La technique du comput digital remonte à l’Antiquité mais connut un grand succès dans les écoles au Moyen Âge. Àl’aide des doigts des deux mains, on pouvait à l’originecalculer les fêtes mobiles de la religion chrétienne. Cettetechnique s’étendit rapidement à toutes sortes de calculs. 39 ABROMONT Claude, Guide de la Théorie de la Musique, p. 255.40 Id., p. 258.41 MEYERChristian, « Polyphonies médiévales et tradition orale », p. 3.42 Id., p. 8.

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    Des écoles monastiques, cathédrales et collégiales où l’on pratiquait le chant sont mentionnéesdepuis le Xème siècle mais la première institution connue cultivant la polyphonie est la Psalette deNotre-Dame de Paris, active dès le XIIème siècle. La Psalette (chanter des « psaumes ») oumaîtrise, composée de clercs et de jeunes garçons (enfants de chœur), est placée sous la

    direction d’un chantre. La vie des élèves y est apparentée à celle vécue dans les monastères :tonsure dès l’arrivée, interdiction de quitter le cloître, de parler une autre langue que le latin, de jouer aux dés ou aux cartes. L’apprentissage pouvait durer jusqu’à la puberté (une dizained’années). On peut regretter le manque de littérature sur les écoles du X ème au XIIème siècle, quiont rarement été étudiées pour elles-mêmes 43.

    À Tournai, la Maîtrise de la cathédrale existerait depuis le Xème siècle. La pratique musicale estrapportée par divers historiens et c’est à Tournai que l’on retrouve la plus ancienne messe à troisvoix, diteMesse de Tournay , qui date de la fin du XIIIème siècle. Au XIIIème siècle est créé « l’institutdes Bons enfants » qui formera les choraux et primetiers (chœur d’enfants) pour l’office du chœuroù prévaut l’art du chant grégorien et des polyphonies. Ce n’est que vers 1960 que la Maîtrisedevient mixte.

    Vers la fin du XIIème siècle dans les villes, les écoles monastiques, cathédrales et collégiales sontprogressivement remplacées par des écoles dites « capitulaires » (dépendant d’un chapitre). Lesfuturs clercs côtoient alors de jeunes bourgeois et des enfants de la campagne alentour. La languevulgaire est y employée, plutôt que le latin. Le système féodal connaît son apogée en France.

    C’est à cette époque que fut fondée l’Université de Paris par Robert de Sorbon et que sont bâtiesles grandes cathédrales gothiques (Reims, Amiens, Notre- Dame de Paris…) auxquelles l’artpolyphonique accompagne l’architecture élancée. L’école de Notre-Dame, menée par Léonin etPérotin est évidemment l’une des institutions les plus célèbres où l’on enseigna la polyphonie .

    À Soignies, la collégiale fut achevée vers le milieu du XIIème siècle. Elle fut réputée pour lesmusiciens et les chantres qu'elle produisit. En 1534, Lessabæus 44 écrivit: « Je ne sais si leHainault tout entier possède collégiale plus généreuse et plus musicienne… Les musicienschantres y affluent de toute part, pareils à des abeilles dans une ruche. Pour y faire un large

    butin ». Lodovico Guicciardini45 explique dans sa description des Pays-Bas: « De Soignies sortent particulièrement de très bons musiciens ayant les meilleures et plus douces et harmonieuses voixqu'en autre endroit des Pays-Bas ; et c'est là où ordinairement le Roy appointe et récompense leschantres qui lui ont fait service. »

    43 L AMOP, Les écoles capitulaires du Xe au XIIe siècle. 44 Iacobus Lessabæus, Jacobus Lessaboeus ou Jacques de Leussach, souvent dit « Lessabée » est un prêtre etchroniqueur du XVIe siècle45 Lodovico Guicciardini, parfois appelé Guicciardin ou Louis Guichardin est un écrivain italien du XVIe siècle, historien,géographe et mathématicien, issu d'une famille d'écrivains et de marchands florentins, qui a principalement vécu à Anvers.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Leussachhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Leussachhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Leussach

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    À Mons,les travaux de la Collégiale débutèrent en 1450 et s’arrêtèrent en 1621 (le clocher de 190mètres ne fut jamais érigé). On ne connaît pas bien l’activité musicale du Chapitre de Sainte -Waudru46, dont la sécularisation aurait été acquise définitivement entre le XIIème et le XIIIème siècle.Le chapitre fut définitivement supprimépar l’administration française en 1794. On sait par contre

    que Roland de Lassus , à l’âge de 12 ans (c. 1544), était sopraniste à l’église Saint-Nicolas-en-Havré quand sa voix attira Ferdinand Ier de Gonzague, cadet de la maison ducale et général deCharles-Quint,qui l’emmena en Sicile.

    Au XVIème siècle, les écoles capitulaires ont presque disparu, il ne subsiste alors que des maîtrisesd’enfants de chœur dans les églises cathédrales ou collégiales. Le chapitre de ces églises secharge alors d’habiller, de nourrir, de loger et de fournir un maître assurant l’enseignement de lagrammaire et de la musique. À Rouen, à la fin du XVIème siècle, le maître des enfants de chœurfaisait lire Plutarque (en français) et saint Augustin47. Un beau témoignage du niveau d’instructionde l’époque, qui n’était pas seulement musical… A la Renaissance, il existe quatre grandeschapelles musicales : la chapelle du Pape, celle du roi de France, celle du Roi d'Angleterre et celledes Ducs de Bourgogne, comtes de Flandres. Y sont formés les célèbres compositeurs Josquindes Prés, Clément Janequin, Guillaume Costeley, Eustache du Caurroy ou le montois Roland deLassus. Selon Oliver Enguehard, voici le fonctionnement de ces chapelles :

    « Le recrutement des enfants s'effectuait par concours. La discipline était stricte, etl'emploi du temps chargé. Les enfants recevaient une instruction qui comprenait la

    musique vocale et instrumentale, la grammaire et le latin. De plus, les enfants devaientassurer le service du chœur et bien sûr participer à toutes les liturgies, quotidiennes ou

    festives. Placée sous l'autorité d'un directeur, [la chapelle musicale] vivait dans des

    locaux appartenant à l'Eglise, et son entretien était assuré par les revenusecclésiastiques. A la mue, les enfants fréquentaient souvent l'Université pour yapprendre la théologie et les mathématiques. Ils étaient ensuite suffisamment instruits

    pour être utilement employés, dans une chapelle ou dans une cour ; et si certains jeunes gens recevaient les ordres, tous ne se destinaient pas au clergé et nombred'entre eux faisaient une carrière profane. » 48

    A la fin du XVIème siècle, la jeune noblesse est formée dans des académies où sont dispenséesdes matières absentes des collèges : équitation, escrime, danse, dessin et musique 49. En 1669,est ainsi fondée à Paris l ’Académie Royale de Musique (Opéra de Paris), les abbés Perrin etRobert Cambert ayant obtenu de Louis XIV le privilège d'« Académie d'opéra ou représentationsen musique et en langue françoise ». L’Académie sera qualifiée de « royale, impériale ou

    46 Notons que le 11 octobre 2015, auront lieu des « vêpres grégoriennes en l’honneur de Sainte Waudru », suite auxrecherches effectuées par la musicologue Alicia Scarcez dans les archives de la Collégiale. Des partitions originales duXVIème siècle auraient été retrouvées… peut -être en apprendrons-nous bientôt plus !47 LEBRUNF., VENARDM. et QUÉNIARTJ., Histoire de l’enseignement et de l’éducation, volume II, p. 319.48 ENGUEHARD O. / IFAC,Les maîtrises, forme d’avenir d’enseignement musical ?, p. 102.49 LEBRUNF., VENARDM. et QUÉNIARTJ., Histoire de l’enseignement et de l’éducation, volume II, p. 493.

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    nationale » selon le contexte politique. Cette Académie possédait son école de chant, pour jeunesgens et jeunes filles. Des maîtres célèbres s’y succèdent : Lully (1672-1687)50, Rameau (1733-1760), Gluck (1733-1779) et à partir de 1807, Spontini et Cherubini quiinstaurent le style dugrand opéra à la française, qui atteindra son apogée au milieu du XIXe siècle avec Meyerbeeret Rossini. À noter qu’en août 1793, lors de la révolution française, la « Convention nationale »influencée par Marat, supprime toutes les Académies et sociétés savantes en France,accusées d’être des repaires d’aristocrates. Les anciennes Académies sont regroupées sousle nom d’Institut et de nouvelles institutions sont fondées : c’est la naissance du Conservatoirede Musique.

    En dehors de ces institutions plus élitistes que sont les psallettes et les académies , relevant d’unapprentissage plus professionnel, il est important de relever aussi la place du chant (non

    polyphonique) dans les petites écoles. Ainsi en témoigne un horaire des classes à Turckheim(Alsace), d’après des règlements rédigés de 1610 à 1621 51 : à 7 heures, on commençait parchanter en allemand ou en latin le Veni sancte Spiritus. En fin de journée, le maître gardait enclasse les enfants les plus habiles au chant, afin de préparer les différents offices de la paroisse.Cette pratique rituelle du chant en classe se prolongea jusqu’au milieu du XXème siècle, commepouvait encore en témoigner ma propre grand-mère.

    Au XVIIIème siècle, notons l’apparition d’un enseignement à but lucratif, celui des pensionnatspayants mais aussi des maîtres privés, dont font évidemment partie les maîtres de musique. Ces

    cours ne sont pas que particuliers : ils sont souvent ouverts à un petit groupe d’élèves 52. Citonscomme exemple local, le montois François Joseph Fétis qui proposait notamment des leçons desolfège et de chant à son domicile.

    Au XIXème siècle, ce sont les manécanteries qui font leur apparition. En 1907, Paul Berthier etRobert Martin fondent les « Petits Chanteurs à la Croix de Bois », un chœur con çu comme unemaîtrise ambulante parcourant la France, d’église en église. Dès 1931, ce chœur programme destournées à travers le monde entier.

    En 1946 : la Maîtrise de Radio-France est créée. Il s’agit d’un « chœur -école » destiné à alimenterle chœur adulte de la Radiotélévision. Les premiers chefs étaient des instituteurs.

    Des années 50 date la fédération des Pueri Cantores , celle-ci existe toujours aujourd’hui. Cesmanécanteries pour la plupart confessionnelles se développent généralement dans les collègesprivés et sont souvent liées à une église ou une cathédrale . Leur vocation première est l’animationliturgique. Cette tradition est perpétuée grâce notamment à la valorisation du bénévolat (parexemple, l’engagement des parents et des anciens maîtrisiens dans la vie du chœur) et à une

    50 Lully rachète ce privilège en 1672 suite à la faillite de ces prédécesseurs.51 LEBRUNF., VENARDM. et QUÉNIARTJ., Histoire de l’enseignement et de l’éducation, volume II, p. 295.52 Id., p. 413.

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    idéologie que l’on retrouve aussi dans le mouvement A Cœur Joie : édification d’un mondemeilleur, le chœur est vecteur de fraternité et symbole d’une société idéale. Idéologie que l’onretrouve également dans les gra nds mouvements d’éducation populaire de l’après-guerre. Lesmanécanteries des Pueri Cantores alimentent généralement un chœur d’hommes auquel elles

    sont liées, permettant ainsi le chant à 4 voix mixtes.

    Le chœur d’enfants de la Monnaie suit également le m ême principe : il alimente les chœurs del’Opéra.

    On se doit d’évoquer encore des pratiques moins scolaires de la polyphonie, peut-être plusanciennes, observées particulièrement par les ethnomusicologues. Citons par exemple, lapolyphonie spontanée dans l es chants corses (usage de la tierce inférieure et supérieure), d’usagenotamment dans les cantiques d’église. Lors de réunions festives avec une de mes chorales

    paroissiales, à l’occasion de la Sainte Cécile, il nous arrive de chanter quelques chants popu laires.Je reste étonné d’observer avec quelle facilité, les plus expérimentés (et habitués de ces réunionsfestives) peuvent alors chanter soudainement à la tierce inférieure ou supérieure. Dans cettemême chorale paroissiale, il n’est pas rare que lors d es répétitions, les dames chantentnaturellement à l’octave inférieure et parfois même « par accident », à la quarte ou à la quinteinférieure sans même s’en rendre compte. Jacques Chailley évoque des « phénomènes depolyphonie », auxquels « nul n’y prête attention, pas même ceux qui décriront la scène ». Il rajouteencore : « aucun document ne témoigne dans notre histoire d’une polyphonie antérieure à notre

    IXème

    siècle ; il serait téméraire d’en déduire qu’il n’en a jamais existé »53

    .

    53 CHAILLEY Jacques, « Comment naquit la polyphonique », article tiré du magazine Chant Floral n°45, 1985.

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    Quelques maîtrises célèbres :

    c.1000 : Arezzo, Ratisbonne, Einsiedeln (Suisse), Westminster, Aix-la-Chapelle, Poznan,Chapelle Sixtine, Paris : Notre-Dame, Lyon,Tournai .

    c. 1100 : St Paul (Londres), Chartres.

    c. 1200 : Troyes, Amiens, Dresde, Leipzig, Montserrat.

    c. 1250 : Soignies .

    c. 1300 : Altenburg (Autriche), Mayence, Haarlem.

    c. 1350 : Le Mans, Angers, Oxford.

    c. 1450 : Augsbourg, Cambridge, Vienne, Autun, Bordeaux.

    c. 1500 : Mons (St-Nicolas-en-Havré :R. de Lassus , Chapitre de Sainte-Waudru).

    c. 1550 : Bourges, Rome : St-Jean-de-Latran ( R. de Lassus ).

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    II. Apport de la polyphonie dans l’enseignement

    La pratique de la polyphonie forme l’élève à l’écoute delui-même et des autres, elle aiguise saréactivité, ainsi que sa capacité à interagir avec un groupe. Voici les principales actions et prises

    de conscience qu’elle suscite :

    Être à l’écoute

    L’activité d’écoute aide les élèves à prendre conscience de la forme polyphonique travaillée, àpercevoir sa structure dans sa globalité (conceptualisation). Par le niveau de concentration,par la qualité de l’écoute (favorisée par un environnement musical confortable), l’élèveapprend à s’ouvrir à la perception des sons et de la musique. Cette ouverture doit êtreintimement reliée à une notion de plaisir (dégagée de toute contrainte), qui deviendra unmoteur d’apprentissage, tant à travers l’écoute que dans la pratique du chant.

    Être autonome

    Se retrouver au milieu d’un groupe polyphonique oblige l’élève à « lutter », à résister àl’attirance d’une autre voix. Cela favorise le développement de son autonomie et plusparticulièrement des compétences suivantes :

    La maîtrise des intervalles ;

    L’intégration corporelle et mentale de la notion de pulsation et de métrique ; La reconnaissance à l’audition d’éléments de langage musical (modes, tensions et

    détentes, cadences, articulations, dynamiques …) ;

    Le développement de l’audition intérieure ; La mise en œuvre de stratégies de déchiffrage et le développement des réflexes de lecture

    à vue.

    La pratique de la polyphonie, et plus généralement du chant, renforce en outre ledéveloppement de la mémoire et d e l’expression orale.

    Être et faire ensemble

    La formation du futur citoyen passe par l’acquisition d’une autonomie suffisante pour s’adapterà toute sorte de situation. L’autonomie de l’élève vécue dans un cadre collectif n’a de sensque si elle est partagée solidairement : l ’élève écoute et coordonne son geste vocal avec celuides autres. La musique est un moment privilégié de sociabilité, de mise en valeur de soi et dugroupe, elle sert elle-même de moteur à l’unité de ce groupe. La peur de se produire devant

    les autres , d’être ridicule ou de chanter faux doit faire place progressivement à l’envie des’amélior er , d’écouter et de chanter librement pour le plaisir de tous. Être impliqué dans un

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    groupe choral engage à une certaine prise de responsabilité et forme en outre à lacitoyenneté. Dans l’intérêt du groupe, chacun est invité à coopérer et à s’approprier les règlescollectives. L’élève apprend ainsi à respecter l’expression de la sensibilité de chacun, chaqueélève étant appelé à trouver ses repères et sa place dans le groupe, comme chacun est

    d’ailleurs appelé à chercher sa place dans la société d’aujourd’hui.

    Développer l’oreille harmonique

    Le travail d’écoute amène petit à petit l’élève à acquérir une conscience contrapuntique etharmonique. S’habituer à distinguer des sons simultanés est un exercice indispensable autravail de l’oreille. Cet exercice affine l’ouïe, renforçant ainsi les exigences du jeune choristedans sa propre production vocale , notamment, en ce qui concerne la justesse d’émiss ion.

    Apprendre à chanter à plusieurs voix sensibilise lentement aux notions d’harmonie quipermettront plus tard à l’enfant d’imaginer spontanément une deuxième ou une troisième voix« contre » une mélodie. Cette découverte démontre que lorsqu’on chante une deuxième voix,celle-ci n’est pas isolée mais bien étroitement liée à la première : « nous sommes différents etnous faisons partie d’un tout ». Pratiquer la polyphonie, c’est d’abord se laisser aller au plaisirde l’harmonie des sons. 54

    Le travail des intervalles est indispensable au développement de l’oreille harmonique (et

    contrapuntique). On travaille l’intervalle sous ses deux aspects :

    horizontal / mélodique : production de seconde, tierce, quarte, etc. ;

    vertical / harmonique : octave, quinte, tierce, septième, etc. (lecture et constructiond’accords).

    Enrichir sa culture

    La pratique du chant d’ensemble permet de constituer progressivement et d’ entretenir unrépertoire de pièces de tous genres et styles : comptines et chansons populaires, œuvre s dupassé, langages actuels, musiques extra-européennes, etc. Elle développe en outre desconnaissances théoriques et des capacités analytiques :

    pouvoir identifier des époques et des genres musicaux divers ;

    appréhender divers langages musicaux (tonal, modaux, contemporains, extra-européens,etc. ) ;

    54 M ARTENS Edith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 50.

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    connaître et utiliser la terminologie ainsi que les principes de fonctionnement et decohérence des langages musicaux abordés.

    Ces pièces de tous genres et styles sont intimement liées à un Patrimoine, qu’il soit religieux,

    folklorique, rural (par exemple,l’évocation d’un métierancien) ou historique. S’intéresser autexte que l’on chante nous amène alors directement à s’intéresser à ce Patrimoine.

    La pratique de la polyphonie sollicite en outre la construction d’une culture personnelle. Lerépertoire choral, par son large panel culturel, enrichit très largement la personnalité de l’élève.Ce dernier aiguise peu à peu son sens critique : il est amené à apprécier l’Art en fonction de sapropre sensibilité, à participer activement à la culture qui l’entoure au lieu d’en être un simpleconsommateur. 55

    55 M ARTENS Edith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 37.

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    III. Matériel et outils pédagogiques

    1. Dispositions corporelles

    Avant de commencer l’activité, il n’est nécessaire de passer par une mise en condition installantl’harmonie dans le groupe et créant un climat de cohésion favorable et agréable pour le chant.Quelques exercices rythmiques corporels lancés sans dire un seul mot peuvent donnerd’étonnants résultats (par exemple, une cellule répétée en decrescendo ). On peut aussi inviter àune activité par de simples gestes, des dessins ou par le mime. 56

    Pour le travail du chant polyphonie, l’idéal est de disposer d’une salle dépourvue de tables ou danslaquelle on dispose d’un bel espace vide. Les enfants sont debout en un grand demi -cercle,

    l’enseignant étant au centre. Si l’école ne possède pas de salle adéquate, les enfants seront assisdroits sur leur chaise, le dos décollé du dossier, sans raideur, face au chef.

    Les quelques dispositions corporelles qui suivent aideront à apaiser les plus agités et à stimulerles timides. Adopter une posture appropriée à la pratique du chant facilite la circulation de l’airdans le corps du chanteur. Les poumons sont un organe indispensable de l’instrument vocal, il estdonc nécessaire d’insister sur la nécessité d’une bonne posture. Afin d’encourager la souplesse del’élève, on attirera l’attention sur les différentes parties du corps :

    on se tient debout, les pieds légèrement espacés ; le dos est droit mais sans rigidité musculaire ;

    la tête est redressée (sans lever le menton) afin de ne pas écraser la trachée,on peut imaginer un fil qui étire la colonne vertébrale vers le haut et qui nous grandit ;

    les genoux sont souples ; les épaules sont relâchées ; les mains tombent le long du corps ou peuvent éventuellement s’appuyer sur les côtés :

    cela renforce l’ouverturede la cage thoracique ; la mâchoire est détendue, les dents desserrées afin de laisser le son sortir avec tout son

    éclat.

    À son signal, le professeur invite la classe à inspirer lentement et profondément par la bouche.Chacun vérifie que le ventre se gonfle bien et que le diaphragme descend sans hausser lesépaules ni bomber le torse. Les élèves prennent ainsi conscience du volume des poumons.L’élève peut s’aider de ses mains afin de ressentir l’ouverture des côtes flottantes , assurant ainsiune respiration bien ancrée au niveau du diaphragme. Faire l’exercice inverse en expirant : le

    56 M ARTENS Edith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 17.

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    ventre se dégonfle, le diaphragme monte. Cette « exercice respiratoire » permet en outre au corpsde se détendre et d’évacuer le stress accumulé avant le cours.

    On peut stimuler le diaphragme avec les exercices suivants :

    imiter la locomotive :tch tch tch tch …

    éteindre une bougie d’un souffle bref : ffff !

    dire chut plusieurs fois de suite : chut chut chut chut… rire : ah ah ah ah …

    Quand on chante, si les côtes flottantes sont maintenues écartées pendant la sortie de l’air, c’estque l’on soutient bien. On n’hésitera pas à utiliser des images parlantes : par exemple, celle d’unarbre majestueux qui étend ses racines 57. Il est important d’éveiller à ces sensations, qui diff èrent

    d’un individu à l’autre. On peut également faire ces exercices les yeux fermés, afin d’éveiller cesperceptions. Pour imager le soutien du son, on peut, à l’aide d’un élastique tendu horizontalement,laisser échapper un filet d’air tout en relâchant lentement l’élastique.

    Quelques mouvements des bras, de la tête et du tronc indiqués par le professeur peuvent à la foisdétendre certains muscles et tonifier les parties du corps plus endormies. Il faut être conscient quebien souvent, les élèves arrivent au cours sans n’avoir exercé aucune activité physique de la journée. Il faut également garder à l’esprit que l’on ne peut imposer à tous une posture parfaite :

    certains enfants ont des déformations corporelles ou des tensions musculaires qui les empêchentd’adopter une position idéale.

    La préparation de la posture et le travail de la respiration doivent se faire systématiquement et àl’aide d’exercices adaptés.

    Pour la détente des nombreux muscles faciaux, les fusées (voir 2.2) sont utiles : on peutsimplement se contenter de bâiller bruyamment ou utiliser différentes onomatopées qui font vibrerles lèvres ( prrr…) ou la langue (zzz…). Cet exercice ce fait alors en imitation du professeur,

    aucune gestique n’étant nécessaire .

    57 M ARTENS Edith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 16.

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    En annexe, on trouvera une série d’exercices extraits du manuel de la Maîtrise de Seine -Maritime58. Ces vocalises sont classées par objectif :

    assouplir : cf. ANNEXE I;

    tonifier : cf.ANNEXE II; étendre (la tessiture) : cf. ANNEXE III ; articuler : cf.ANNEXE IV ; renforcer (la voix) : cf.ANNEXE V ;

    Si l’on dispose de suffisamment de temps, on peut aussi stimuler le corps par des « massages » :

    se frotter les mains, les poignets, les bras, le corps, les jambes, comme si on se lavait ;

    se masser légèrement le visage (pommettes, ailes du nez, sourcils, front, joues, tempes,cou) ;

    massage des trapèzes (par deux ou auto massage) ; se tapoter le corps, les jambes ;

    enrouler le corps vers l’avant : incliner le buste en arrondissant le dos, laisser pendre lesbras et terminer en laissant tomber la tête (pendant ce temps, un autre élève peut tapoterbuste, cuisses et mollets). On termine en déroulant le corps lentement à partir du bas dudos.

    2. Exercices préparatoires pour la qualité du chant

    2.1. Fusées et sirènes

    À l’aide du jeu de la fusée, on peut explorer la tessiture de la voix et initier les plus jeunesau maintien des sons. Sur un son choisi ( ou, e, a, u, o ), les élèves, debout, produisent unson continu dont ils font varier la hauteur en fonction du mouvement des mains duprofesseur.

    On peut rajouter des paroles sur les fusées. Par exemple : bon----jour !

    Pour aborder la polyphonie (2 voix), on peut attribuer à chaque main un groupe d’élèvesdifférent. Les mains indiquent alors des mouvements indépendants, qui débutent et seterminent à l’unisson. On peut aussi donner deux notes de départ différentes en faisantprendre la note à chaque groupe et donner pour consigne le retour à cette note.

    58 CHARTON Mathias / Maîtrise de Seine-Maritime, « L’Atelier du jeune chanteur », 2013.

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    Ces fusées peuvent aussi être réalisées avec les plus grands et les groupes d’adultes afinde détendre les muscles faciaux (voir point précédent), elles contribuent également àassouplir la voix (cordes vocales, palais mou, etc. ).

    En ANNEXE VI, nous joignons quelques exemples.

    2.2 . Maintien d’une longue note

    Avant de maintenir une note musicale, on peut s’exercer à maintenir des bruits :

    le son d’un rasoir électrique : zzz… le bourdonnement d’une abeille : bzz…

    souffler une bougie sans l’éteindre : fff… le serpent : sss…

    Sous forme de « concours », on peut inviter les élèves à maintenir une note ou un sonchoisi le plus longtemps possible sans interruption. Cet exercice se fait idéalement aprèstravail de la respiration (voir point 1). Après analyse, on déduit généralement qu’il estprimordial de ne pas commencer trop fort afin de ne pas gaspiller trop d’air. Cet exerciceaide aussi à canaliser le son et à apprendre à économiser son air.

    De même que pour les fusées à 2 voix, on peut introduire progressivement une deuxièmeconsonance : le professeur chante à l’octave ou à la quinte et invite par la suite un secondgroupe à maintenir cette deuxième voix. Il est intéressant de mettre cette pratique enparallèle avec l’organum primitif du Moyen Âge et d’y faire brièvement allusion (écoute d’unexemple sonore). Dans la même optique, on pourra par la suite adjoindre un texte sur lanote maintenue : le professeur devra alors indiquer le rythme du texte.

    2.3. Vocalises

    Les vocalises permettent de délier l’instrument vocal et préparent la voix au travail. Il estimportant d’en varier les exercices car chacun relève d’un objectif particulier et qui serachoisi en connaissance de cause par le professeur. Nous en proposons quelques exemplesen ANNEXE VII.

    Pendant ces vocalises, on peut adjoindre un mouvement de la tête : par exemple, dessinerdes ronds ou des spirales sur le mur avec son nez, dans un sens puis dans l’autre ; ou

    tourner sa tête lentement vers la droite et vers la gauche, en allant progressivement plus

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    loin et sans jamais forcer. On peut aussi « jouer avec ses yeux » : écarquiller, plisser,fermer, cligner, hausser ou froncer les sourcils ; suivre une mouche des yeux ; chanter en« riant » avec les yeux. L’idéal est de pouvoir désynchroniser ces mouvements par rapportau rythme de ce que l’on chante.

    On peut aussi rajouter quelques « grimaces » entre chaque vocalise : par exemple, tirer lalangue. Cela favorise l’articulation et la détente de l’arrière-gorge.

    2.4. Comptines et autres chansons simples en alternance

    De nombreux recueils proposent des comptines et autres chansons simples (enfantines etpopulaires) qui peuvent servir de support à diverses expérimentations.

    Le chant en alternance consiste à scinder la classe en deux groupes et à interagir sousforme de questions-répons es : un groupe chante la première phrase d’une chanson (ouune partie de celle-ci) tandis que l’autre se tait ; l’autre groupe poursuit alors tandis que lepremier groupe se tait à son tour. Cette pratique d’allure naïve est en réalité trèsformatrice : elle conditionne à l’écoute et à l’interaction avec une seconde voix ; elle exerceet structure la mémoire, les automatismes de cette dernière étant perturbés. C’est uneétape préparatoire au travail des voix séparées qui permet également de s’habituer à

    chanter dans un petit groupe.

    Afin de sortir des habitudes et se familiariser à des structures plus complexes, on peutégalement alterner plusieurs chansons préalablement bien connues (dans la même tonalitéou dans un ton voisin ou relatif)dans lesquelles s’alternent aussi les groupes .

    En ANNEXE VIII, nous proposons un extrait des Chansons et rondes enfantines avecnotice et accompagnement de piano de J.-B. WECKERLIN, Garnier Frères, Paris. Ce livredont l’ancienneté l’exempt de droits d’auteurs, est disponible sur la bibliothèque en ligne

    IMSLP (URL : http://imslp.org).

    http://imslp.org/http://imslp.org/

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    3. Premières polyphonies

    3.1 Bourdons, ostinatos et canons

    D’une seule voix naît une polyphonie : les bourdons, ostinatos et canons sont des procédésimmédiats qui procurent un effet prodigieux et permettent de goûter plus ou moinsfacilement au mélange des sons.

    Simple à mettre en place, le bourdon est un procédé évident, sans doute le plus ancien del’Histoire de la polyphonie. Il est dès lors logique de s’en servir comme approche de lapolyphonie. Le bourdon est facile à réaliser :

    Le professeur peut maintenir un bourdon sur une chanson simple, chantée par la

    classe. Par exemple : Frère Jacques (en fait un canon, cf. page suivante).

    Toute la classe maintien un son identique à volume modéré, de sorte que le

    professeur (voir un élève) improvise une mélodie chantée.

    Un petit groupe réalise un bourdon tandis que le reste de la classe chante unechanson connue.

    Les canons sont construits de façon à ce que chaque phrase puisse se chanter en mêmetemps. Proposition de procédé d’apprentissage 59 :

    Après avoir appris le chant en entier, la classe chante seule la chanson dans sonentièreté tandis que le professeur réalise un ostinato sur l’une des phrases (le plussouvent, la dernière phrase). On inverse ensuite les rôles. Pour arriver à créer deuxvéritables groupes, le professeur invite progressivement quelques enfants à se joindre à lui.

    59 M ARTENS Edith, V ANSULLVincent, Osez la musique! , p. 50.

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    Exemple d’ostinato sur la dernière phrase : Où sont mes petits souliers, Henri Dès.

    Chaque groupe entre à tour de rôle et chante le canon continuellement, tel qu’il estécrit.

    Suivant la méthode enseignée par Denis Menier , enseignant la direction de chœurau Conservatoire Royal de Mons, on peut apprendre un canon sans partition :

    découpage en petites sections (A, B, C, etc. : autant que nécessaire) etapprentissage par imitation ;

    consolidation des sections (A + B, B + C, A + B + C, etc. ) ;

    alternance des sections par groupes (ceux qui réaliseront les différentesentrées) ;

    travail séparé des voix (si des tessitures différentes sont employées pourl’exécution du canon, par exemple dans le cas d’un canon à la tierce ou à la quinte) ;

    mise en place des voix (entrées et conclusion du canon).

    Afin de s’assurer d’une bonne synchronisation des groupes, il est nécessaire de marquer lapulsation avec clarté et précision.

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    Le livre proposé ci-dessous contient quelques canons simples, abordables dès lespremières années de Formation :

    Chanson vole 1, Payot, Lausanne, 1988 :

    Viva la Musica(3 voix) de Praetorius ; Gens de la ville (3 voix) ; La pluie (3 voix) ; Dressons le mai (3 voix ou 8 voix avec percussions) ; Hine ma tow – Quand l’amitié nous rassemble (2 voix), chant israélien ; Flamme empor – En route ! (4 voix) de Praetorius ; Pauper sum ego (3 voix) ; Béni sois-tu, carillonneur – Le coq est mort (5 voix) ;

    Chanson de route (5 voix) ; Minun kultani kaunis on(4 voix), finlandais ; Vent frais (3 voix) ; Inmitten der Nacht – Marchons dans la nuit (2 fois 2 voix) ;

    Ubi sunt gaudia ? – Où sont nos joies ? (2 à 8 voix) ; Dona nobis pacem – Donne-nous la paix (3 voix).

    Nous proposons deux de ces canons en ANNEXE IX. L’ouvrage contient aussiquelques petites polyphonies simples en tierces parallèles.

    Frère Jacques , un illustre canon, récemment attribué à Jean-Philippe Rameau 60 :

    60 D’après les travaux récents de la musicologue Sylvie Bouissou, spécialiste du compositeur.

    (Wikipédia)

    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:YB4001Canon_Frere_Jacques.png

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    On trouvera quelques références de canons de difficultés variées au point suivant (3.2.).

    3.2. Polyphonies simples à 2 et 3 voix

    Face à une nouvelle partition, il est important d’élaborer un plan d’apprentissage adapté auniveau de la classe et à la difficulté de la polyphonie abordée. Ci-dessous, nous proposonsun plan succinct. On jugera de l’utilité de chaque étape et on s’attardera plus ou moins surl’une ou l’autre:

    présentation, écoute et brève analyse de la partition ;

    échauffement vocal et réveil corporel (voir point 2 dans le même Chapitre) ; exercices associés (imitation, lecture, reconnaissance) 61 dans la tonalité de

    l’œuvre ; lecture sur le nom des notes, voix par voix ;

    travail des difficultés rythmiques ; lecture du texte avec les accents propres à la langue et au phrasé, s uivie d’une

    mise en place rythmique ; mise en place de la polyphonie (travail par sections, cf. p. 34) ;

    travail isolé des passages complexes : intervalles, rythmes, harmonies ;

    élaboration d’une interprétation musicale ; planification des répétitions et d’une présentation publique (motivation).

    Quelques propositions de répertoire :

    Formation 2 Qualification 1 / Transition 1

    Zoltán KODÁLY, Let us sing correctly ! , Bossey & Co, 1952.

    Ce manuel propose des exercices d’intonation à 2 voix, note contre note, sousforme d’organum. Les exercices sont progressifs et suivent une approchehistorique : bourdons avec consonances parfaites (unissons, octave, quinte) ;introduction de la tierce et de la quarte ; recours à différents modes ; etc.Deux extraits sont joints en ANNEXE X.

    61 D’après la pédagogie Montessori.

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    Formation 3 Qualification 1 / Transition 1

    Odette G ARTENLAUB , Lectures d’auteurs à chanter pour le Préparatoire 62, Hamelle,Paris.

    Ce recueil comprend quelques transcriptions à 2 voix de compositeurs célèbres :Haendel, Purcell (3), Pergolèse, Mozart, Mendelssohn, Fauré, Brahms (2),Moussorgsky.Nous proposons un extrait d’une œuvre de Brahms en ANNEXE XI.

    Formation 4 Qualification 1 / Transition

    Jean-Paul J OLY, Polyphonies vocales en F.M., Lemoine, Frouard, 2010

    Ce recueil contient : quelques canons à 3 voix de Boyce, Hilton, Telemann et Schubert ; des canons à la seconde, à la tierce et à la sixte de Mozart ;

    des chants traditionnels de France, USA et Irlande arrangés à 2 et 3 voix ; quelques spirituals à 2 et 3 voix ; quelques polyphonies à 2 et 3 voix :

    - du XVIe siècle : Aichinger, Arcadelt, You[e]ll, Morley ;- du XVIIIe siècle : Boismortier (2), Rameau (2), Mozart ;- du XIXe siècle : Brahms(2), Schubert, Dvořák ;- du XXe siècle : Bartók, Kodály (3), Debussy (2) et Poulenc ;

    des chansons du XXe siècle de Duteil, Daniel, Lapointe, Aznavour, Ellingtonarrangées à 2 voix ;

    Nous proposons un extrait de la Flûte enchantée de Mozart en ANNEXE XII.

    Jean ABSIL, L’album à colorier, Cantate en huit parties sur des poèmes d’Étienne de

    Sadeleer pour Chœurs d’enfants à deux voix, Op. 68, Lemoine, Paris, 1958.Les harmonisations sont intéressantes et variées : contrepoint ; tierces, quartes etsixtes parallèles ; quintes à vide ; quelques dissonances (secondes majeures ouaugmentées). Les pièces assez courtes, permette nt une mise en œuvre rapidedans le cadre d’un cours de Formation Musicale. L’accompagnement au piano , trèsélaboré, sera préparé avec soin.Voir extrait en ANNEXE XIII.

    62 Pour la correspondance des niveaux entre la France et la Belgique, voir l’Annexe XX.

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    Mathias CHARTON, Maîtrise de Seine-Maritime,Répertoire pour voix égales,Volume 1, 2013 Nous joignons en ANNEXE XIV, l’index de ce répertoire, disponible en version PDFà l’URL suivante :http://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfSur le même site, on trouvera également d’autres partitions à cette URL :http://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/LAtelier.html

    Aux éditions Fuzeau : la collectionChantador (12 volumes, 1985-2000), proposant

    des arrangements à 2 ou 3 voix égales de chansons de variétés (Gainsbourg,Brassens, etc…). Ces recueils sont proposés pour un public de « 8 ans à 15 ans etplus ».

    Aux éditions À Cœur Joie, on trouve également plusieurs publicationsintéressantes :

    Le Jardin des chansons enfantines , 2013

    17 chansons enfantines célèbres harmonisées pour la plupart à 2 voix, avecun accompagnement de piano simple. On y trouve entre autres : Alouette, Arlequin tient sa boutique, Compagnons de la marjolaine, Dansons lacapucine, Gentil coquelicot, Il était un’ bergère, Il était un p’tit homme, Lebon roi Dagobert, Savez-vous planter les choux ?, Sur le pont d’Avignon,Trois jeunes tambours...

    Florilège à voix égales, 1982, qui contient :

    - des polyphonies à 2 ou 3 voix du Moyen Âge à nos jours : A. de laHalle, (…), Morley, Monteverdi, Rameau, Mozart, Schubert,Mendelssohn, Brahms, Poulenc ;

    - des polyphonies plus contemporaines à 3 ou 4 voix : C. Geoffray,M. Cornelou, E. Daniel, etc. ;

    - des chansons populaires de France, du Canada, de la Martinique,du Mexique, etc. ;

    - quelques negro spirituals arrangés à 3 voix ;

    http://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/LAtelier.htmlhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/LAtelier.htmlhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdfhttp://www.chartonmathias.fr/Charton_Mathias/LAtelier/Entrees/2013/9/9_Les_indispensables_de_la_Maitrise_de_Seine-Maritime_files/MSM_LesEssentiels_Vol1%28email%29.pdf

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    - quelques chansons de variétés arrangées à 3 voix : G. Moustaki,The Beatles, etc. ;

    - quelques canons de tous les temps de 2 à 4 voix.

    Florilège, 3 voix mixtes,Réed. 2007.Bel ouvrage que l’on m’a prêté cette année mais dont je ne dispose plus del’index.

    Divers recueils classés par époque ou par genre cf . catalogues :- Voix égales : http://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixegales.pdf- voix mixtes : http://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixmixtes.pdf

    Un syllabus manuscrit, produit en 1988 en Belgique par Françoise Renaud,Régine Decoux et Marie-Claude Remy, lors d’un weekend organisé à LaMarlagne (Wépion), a été largement diffusé au sein du mouvement « ÀCœur Joie ». Il a pour avantage de proposer une sélection orientée pourl’ancienne structure des c lasses de « solfège » : Moyen, Supérieur,Excellence et Perfectionnement. On y trouve :

    - des canons ;

    - des polyphonies à de tous styles et époques à 2, 3 et 4 voix ;- des propositions et orientations du répertoire pour servir à laFormation Musicale ;

    - une bibliographie musicale, classée par degrés.

    Les recueils Cantourel (9 volumes) pour voix égales [non consultés],proposés pour un public à partir de 5 ans.

    http://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixegales.pdfhttp://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixmixtes.pdfhttp://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixmixtes.pdfhttp://edacj.musicanet.org/pdf/catalogvoixegales.pdf

  • 8/18/2019 Polyphonies en classe de F.M.

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    IV. Créativité

    Dans le but d’encourager le développement et le respect de la personnalité de chacun, ce qui estl’un des objectifs recherchés en travaillant de la polyphonie, il est souvent utile de faire appel à

    l’exercice de la créativité. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que cette créativités’expérimentait naturellement quand s’exerçaient les premiers polyphonistes connus au Moyen Âge, dont la plupart étaient encore des enfants. L’exercice de la créativité était sans doute le plusabsent vers la fin du XIXe siècle, à l’époque où les compositeurs laissaient peu de choix àl’interprète, face à une partition dont la surabondance d’informations ne laissait place à aucundoute (les partitions les plus parlantes sont sans doute celles de Gustave Mahler). La liberté biensouvent donnée à l’interprète dans les partitions de la musique du XXe siècle arrive-t-elle sansdoute en contreréaction aux prédécesseurs et dans un souci de regagner cette liberté perdue du

    musicien-interprète.

    Dans la plupart des exercices préparatoires et des premières polyphonies, on peut inviter lesélèves à chercher eux- mêmes les sons correspondant à l’effet recherché. Par exemple :

    sons qui font vibrer les cordes vocales (a, o, z…) ;

    sons qui ne font pas vibrer les cordes vocales ( f, s, t …) ; sons que l’on peut produire bouche fermée.

    Dans cet exemple, on peut mettre la main sur la gorge pour sentir s’il y a vibration ou pas. L’appelà la créativité donnera bien souvent l’occasion d’introduire uneinformation théorique. Dans le casprésent, on peut parler plus en détail des cordes vocales.

    Comme formation à l’oreille polyphonique, on peut aussi introduire enostinato dans les chansons,une seconde voix imitant des sons de la nature, d’animaux ou de la vie quotidienne. On peut ainsiinv