Politique énergétique russe à l'Est : le casse-tête chinois de Rosneft

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    Politique nergtiquerusse lEst : le casse-tte

    chinois de Rosneft

    Nina Poussenkova

    Avril 2013

    Centre Russie/NEI

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    N. Poussenkova / Rosneft et Chine

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    Auteur

    Nina Poussenkova est chercheur l'Institut de lconomie mondiale et desrelations internationales (IMEMO) de l'Acadmie des sciences de Russie.Dans les annes 1990, elle a travaill au Centre pour les investissementstrangers et la privatisation et aprs aux dpartements de recherche desbanques d'investissement Salomon Brothers et Lazard Frres. Entre 2006 et2008, elle a t directrice du Programme nergtique du Centre Carnegie deMoscou. Elle dirige actuellement, au sein de l'IMEMO, le Oil and Gas

    Dialogue qui organise rgulirement des confrences sur l'nergie.Nina Poussenkova a plus de 70 publications sur le ptrole et le gaz

    russes son actif. Parmi ses rcents travaux : Russia's Future Customers:Asia and Beyond dans J . Perovic, R. W. Orttung, A. Wenger (eds),Russian Energy Power and Foreign Relations: Implications for Conflict andCooperation, Routledge, 2009, et They Went East, They Went West: TheGlobal Expansion of Russian Oil Companies, dans P. Aalto (eds), RussiasEnergy Policies: National, Interregional and Global Levels, Edward ElgarPublishers, 2012.

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    Sommaire

    RSUM ...................................................................................................... 4INTRODUCTION............................................................................................. 5LA CHINE, NOUVEAU PARTENAIRE DE LA RUSSIE DANS LE SECTEURNERGTIQUE ? ........................................................................................... 7

    PERCE VERS L 'EST ......................................................................... 7LA STRATGIE CHINOISE DE IOUKOS .................................................. 9

    ROSNEFT, MOTEUR DE LA COOPRATION PTROLIRE SINO-RUSSE............... 11LA MONTE DE ROSNEFT................................................................. 11

    AU COMMENCEMENT TAIT L'ARGENT ........................................... 12

    PUIS VINRENT LES OLODUCS.......................................................... 12

    L'UPSTREAM RUSSE ........................................................................ 15

    LE DOWNSTREAM CHINOIS ............................................................... 17

    DE NOUVEAU L'ARGENT ............................................................... 18

    CONCLUSION ............................................................................................. 22

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    Rsum

    Au cours des dix dernires annes, la Russie s'est fix pour objectifstratgique de dvelopper sa politique nergtique l'Est et de renforcer sesliens ptroliers et gaziers avec la rgion Asie-Pacifique. Si les relations avecla Chine sont pour l'instant au point mort dans le domaine du gaz, elles ontmarqu un net progrs dans celui du ptrole grce aux efforts de Rosneft,premire compagnie ptrolire russe, qui occupe une position privilgiegrce aux immenses rserves de Sibrie orientale.

    Rosneft a bnfici de prts octroys par des banques chinoisespour garantir l'approvisionnement de la Chine en ptrole russe et a plaid enfaveur d'une drivation vers la Chine de l'oloduc Sibrie-Pacifique. Elle alargement contribu l'augmentation des exportations de ptrole russe versla Chine et a permis la China National Petroleum Corporation (CNPC) et Sinopec de prendre part aux activits d'exploration et de production(upstream) en Russie. En outre, elle coopre avec ces entreprises l'tranger et a vendu une partie de ses actions la CNPC. Enfin, elleparticipe aux activits de raffinage et de distribution (downstream) du ptroleen Chine.

    Rosneft sert ainsi les ambitions stratgiques du gouvernement, quientend diversifier ses marchs d'exportation d'hydrocarbures et dvelopperl'exploitation de l'Est du pays, tout en pesant sur la politique nergtique del'tat. En qute d'un statut de multinationale, elle poursuit aussi ses propresobjectifs long terme par le dveloppement de ses activits l'international,et notamment vers les marchs de la zone Asie-Pacifique. La Chine permetgalement Rosneft de dgager des bnfices commerciaux court terme :les deux premiers prts chinois ont permis de financer le rachat de Ioukos, etRosneft envisage maintenant de lever des fonds pour l'acquisition de TNK-BP. Les ambitions commerciales de Rosneft sont-elles compatibles avec lesobjectifs long terme de la Russie, alors qu'elles placent le pays sous ladpendance de la Chine?

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    Introduction

    Les rcentes volutions dans le domaine de l'nergie montrent que desdcisions stratgiques peuvent ne pas aboutir mme si elles concernentles compagnies ptrolires et gazires dtat si elles contrarient desadversaires puissants ou si elles ne bnficient pas du soutien d'allisinfluents. Prsente dans d'autres pays, cette tendance est particulirementforte en Russie, o les intrts conomiques et commerciaux long termese heurtent aux considrations politiques de court terme et o le secteur estsoumis aux fortes pressions de groupes privs troitement lis auxresponsables politiques et poursuivant des intrts divergents. Il arrive doncque ces groupes, opposs aux projets gouvernementaux, les torpillent ou lesfassent chouer.

    Cette situation s'est souvent produite dans les annes 2000, mme sile pouvoir des autorits tait en voie de consolidation par rapport ladcennie prcdente. En 2003 par exemple, le gouvernement russe faitRosneft le principal bnficiaire des accords de partage de production (APP).Si le prsident Poutine semblait approuver l'ide, il na rien entrepris poursoutenir la compagnie ptrolire et laider amliorer son positionnement,alors modeste, sur le march ptrolier russe. Le PDG de Ioukos, Mikhal

    Khodorkovski, a men une campagne extrmement efficace contre les APPet s'est impos face Sergue Bogdantchikov, PDG de Rosneft, mettant unterme la pratique des APP. Un autre exemple a t lincorporation deRosneft au sein de Gazprom, dcide en 2004 par le gouvernement, quiaurait permis l'tat de devenir actionnaire majoritaire de Gazprom. Lacompagnie ptrolire a russi cependant conserver son indpendancegrce l'influence politique d'Igor Setchine, alors prsident du conseild'administration de Rosneft, et la resistance de Sergue Bogdantchikov.Enfin, les projets gouvernementaux du milieu des annes 2000, quiprvoyaient de passer de l'exportation de ptrole brut celle de produitsptroliers et de construire des raffineries au bout de chaque oloducd'exportation, sont rests lettre morte. En 2006, conformment aux directivesgouvernementales, Rosneft avait prvu la construction d'une raffineriedestine transformer le ptrole destin lexportation au bout de l'oloducSibrie-Pacifique. Cette raffinerie, d'une capacit prvue de 20 millions detonnes par an, aurait d tre livre en 2012. Le projet a pourtant t reportsine die en raison d'une conjoncture dfavorable et parce que Rosneft aprivilgi la ralisation d'autres objectifs.

    Cette tendance est toujours actuellement visible. En 2011, parexemple, les actionnaires russes de TNK-BP avaient fait chouer un projetde partenariat entre Rosneft et BP, pourtant approuv par Vladimir Poutine,alors Premier ministre.

    Traduit du russe par Anne-Marie Giudicelli.

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    l'inverse, l'intense lobbying de Rosneft a contribu audveloppement de la politique ptrolire de Moscou lEst. Ces derniresannes, Rosneft est devenu le fleuron de l'industrie ptrolire russe etambitionne aujourd'hui de se transformer en multinationale et de devenir leleader mondial des compagnies ptrolires publiques (ce qui est dj le casen ce qui concerne ses rserves d'hydrocarbures liquides). En 2011, Rosnefta produit 114 millions de tonnes de ptrole, soit 22 % de la production totalede la Russie (511 millions de tonnes). Aprs absorption complte de TNK-BP, elle sera en mesure de produire 185 millions de tonnes par an, soit 36 %de la production totale russe de ptrole en 2011. L'tat russe souhaite crerdans le secteur ptrolier un gant sur le modle de Gazprom et amnagedes conditions bien plus favorables pour Rosneft que celles rserves auxgroupes privs et contraires toutes les rgles de concurrence. Tout commeGazprom, Rosneft bnficie ainsi d'un accs exclusif aux gisements offshoreet fait partie des entreprises considres comme stratgiques, ce qui, en casde faillite, lui garantit de bnficier de mesures spciales . Un oprateur

    de cette envergure dispose bien videmment d'un fort pouvoir d'influencepour orienter les dcisions stratgiques qui lui seront les plus favorables,mais en contrepartie de cette proximit avec le pouvoir, il doit parfoisaccepter des mesures gouvernementales dsavantageuses sur le plancommercial.

    Rosneft a t le principal moteur de la coopration ptrolire sino-russe. D'une part, il est logique que la compagnie ptrolire nationale servede courroie de transmission de la politique du gouvernement l'gard d'unpartenaire stratgique aussi important que la Chine, dans un domaine aussistratgique que la coopration nergtique. D'autre part, les derniersvnements montrent qu'outre des intrts nationaux long terme (dialogueconomique et nergtique avec les pays d'Asie-Pacifique) et des intrtscommerciaux long terme (diversification des marchs et transformation enmultinationale), Rosneft poursuit galement des intrts court termeprincipalement lis son ambition de profiter de l'argent chinois pouratteindre ses objectifs, parmi lesquels l'absorption d'autres entreprisesrusses du secteur. Cela met en question une coopration quitable etmutuellement profitable avec la Chine, car Rosneft se met ainsi (etindirectement l'tat russe) la merci des financements chinois.

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    La Chine, nouveau partenairenergtique ?

    Perce vers l'Est

    Fin 2009, la Russie a adopt une nouvelle stratgie nergtique pour lapriode allant jusqu'en 2030 :

    "[] la part du march europen dans le total des exportations deressources nergtiques russes diminuera de faon constantegrce la diversification des marchs d'exportation vers l'Asie(Chine, J apon, Core du Sud, Asie-Pacifique). [] la fin de latroisime phase de mise en uvre de cette stratgie, la part desexportations (ptrole et produits ptroliers) vers les pays d'Orientpassera de 6 % du total aujourd'hui 22-25 % pour leshydrocarbures liquides, et de 0 % 19-20 % pour le gaz naturel"1

    Il est vident que le dveloppement des relations commercialesavec la rgion Asie-Pacifique et la rorientation vers l'Est, notamment vers

    un march chinois en forte expansion, de flux de ptrole et de gazauparavant destins une Europe dont la demande stagne, sont deslments majeurs de la stratgie nergtique de la Russie. L'attentioncroissante que l'tat russe accorde sa politique nergtique orientalesexplique aussi par la ncessit d'assurer un dveloppement industriel etconomique rapide de la Sibrie orientale et de l'Extrme-Orient russe (ycompris du secteur des hydrocarbures), l'amlioration du niveau de vie deshabitants de ces rgions pour stopper lexode de la population, devenu uneproccupation nationale majeure. En outre, afin de conserver son statut depuissance nergtique, la Russie poursuit l'objectif long terme dedvelopper de nouveaux sites nergtiques en Sibrie orientale et enExtrme-Orient afin de pallier l'puisement des gisements de Sibrie

    occidentale

    .

    2

    Trois ans plus tard, il faut constater que la coopration gazire avecla Chine est au point mort car, manifestement, Gazprom n'est ni vraimentintresse ni en mesure de la lancer. l'inverse, mme si ellesconnaissent quelques problmes et conflits, les relations sont en pleindveloppement dans le domaine ptrolier, grce Rosneft.

    .

    1 Stratgie nergtique de la Russie l'horizon 2030, Moscou, 2009..2 Pour plus de details, voir N. Poussenkova, Russias Future Customers: Asia and

    Beyond dans J . Perovic, R. W. Orttung, A. Wenger (dir.), Russian Energy Power andForeign Relations: Implications for Conflict and Cooperation, Londres,Routledge. 2009.

    http://minenergo.gov.ru/aboutminen/energostrategy/http://minenergo.gov.ru/aboutminen/energostrategy/http://minenergo.gov.ru/aboutminen/energostrategy/http://minenergo.gov.ru/aboutminen/energostrategy/
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    Au premier abord, la Russie et la Chine semblent parfaitementcomplmentaires dans le domaine du ptrole et du gaz. En effet, la Russieest un exportateur qui dtient des rserves importantes, tandis que laChine est un pays en pleine expansion dont les besoins en nergie sontconsidrables. Cependant, lEurope reste le principal client de la Russie3

    Il faut reconnatre que les relations nergtiques sino-russes n'ontjamais t simples. La Russie a commenc concevoir des projets deconstruction d'oloducs et de gazoducs vers la Chine la fin desannes 1980, peu aprs la normalisation des relations entre les deux pays.Mais avec un baril en dessous des 20 dollars et une offre varie, Pkin napas manifest beaucoup dintrt pour ces projets. Par ailleurs, tant

    donn les difficults conomiques et politiques de la Russie dans lesannes 1990, les groupes ptroliers et gaziers russes se montraient peuenclins partir la conqute de nouveaux marchs. La situation a changdans les annes 2000, lorsque les prix du ptrole ont augment et que larecherche de nouvelles sources d'nergie l'tranger est devenue lapriorit de la stratgie nergtique de la Chine, importatrice nette deptrole depuis 1993. L'ouverture l'tranger de la Chine date officiellementde 2001. Dans le secteur ptrolier, cette nouvelle dmarche s'articuleautour de quatre axes : l'achat d'actifs et d'entreprises, la conclusiond'alliances, et les transactions de type ressources contre accs aumarch et crdits contre ptrole

    .L'intgralit du rseau de gazoducs russes est oriente sur l'Europe et lespays de la CEI, et seules de petites quantits de gaz naturel liqufiproduites sur l'le de Sakhaline partent vers le J apon, la Chine, la Core duSud, la Thalande et Tawan. Pour l'instant, la Chine entretient des rapportsplus troits avec d'autres pays producteurs de ptrole.

    4

    Au dbut des annes 2000, la Chine a engag des discussions surla cration de l'oloduc Angarsk-Datsin avec Ioukos et sur la constructionde gazoducs par Gazprom. Cette fois, Moscou freinait le projet. La Russiene cherchait pas tant pntrer de nouveaux marchs qu' jouer la cartechinoise dans ses ngociations avec les clients europens de Gazprom etdes ptroliers russes. En mars 2006, alors que Gazprom entretenait desrelations tendues avec ses clients europens dans le contexte du premierconflit gazier avec la Bilorussie, Vladimir Poutine sest rendu en Chine. l'issue de cette visite, des protocoles d'accords ont t signs quiprvoyaient la construction de gazoducs et d'une drivation vers la Chinede l'oloduc Sibrie-Pacifique. Aux termes de ces accords, la Russie devaitcommencer livrer du gaz la Chine en 2011 pour un volume devant

    atteindre 68 milliards de m3 par an. Inquiets, les clients europens ontrengoci leurs contrats long terme avec la Russie, ce qui tait justementl'objectif vis par Moscou. Mais ce jour, malgr des tractations longues etdifficiles, les parties ne sont toujours pas parvenues s'accorder sur lesprix et les exportations de gaz naturel vers la Chine n'ont toujours pascommenc

    .

    5

    3 En 2011, l'Europe a absorb 78 % des exportations russes de ptrole, l'Asie 16 % et lecontinent amricain 6 %. U.S. Energy Information Administration ENERGY (EIA), Rapportd'analyse pays. Russie. Dernire mise jour : 18 septembre 2012.

    . tant donn l'immensit et le taux de croissance du march

    4 X. Xu, Chinese NOCs Overseas Strategies: Background, Comparisons and Remarks ,dans The Changing Role of National Oil Companies in International Energy Markets ,

    J ames Baker Institute for Public Policy, mars 2007.5Kommersant, 17 juin 2011.

    http://www.kommersant.ru/daily/61095http://www.kommersant.ru/daily/61095http://www.kommersant.ru/daily/61095http://www.kommersant.ru/daily/61095
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    chinois, il est vident qu' long terme la Russie a tout intrt dvelopperses relations nergtiques avec la Chine, comme lindique la Stratgienergtique jusqu'en 2030. Toutefois, cette poque et dans ce domaineprcis, les intrts court terme prvalaient : en dmontrant l'existenced'alternatives intressantes pour ses exportations, la Russie est parvenue faire cder les Europens. Cependant, elle n'a pas su exploiter cettevictoire tactique et a compltement chou sur le plan stratgique : enperdant du temps et en laissant passer l'occasion de s'implanter en Chine,elle s'est laisse devancer par d'autres oprateurs. Persuade que laRussie ne finaliserait pas les accords, la Chine a commenc chercheractivement d'autres fournisseurs en Asie centrale, au Moyen-Orient, enAfrique et en Amrique latine et pour finir, c'est au Turkmnistan que Pkina pass ses commandes de gaz naturel6

    Si l'enlisement est avr en ce qui concerne le gaz, la cooprationptrolire a, quant elle, a connu une perce, malgr les dbats sur lesprix qui n'ont pas toujours tourn l'avantage de la Russie.

    .

    La stratgie chinoise de Ioukos

    La coopration ptrolire avec la Chine a rellement t lance sousl'impulsion de Mikhal Khodorkovski. la fin des annes 1990, Ioukos estdevenue l'une des premires compagnies ptrolires russes s'intresseraux rserves de Sibrie orientale et entrevoir l'immense potentiel dumarch chinois. Ioukos, qui jusqu'en 2004 est reste le principal

    exportateur de ptrole russe vers la Chine, a commenc sa cooprationavec ce pays en 1999 par une premire livraison de 12 milles tonnes deptrole, achemines par chemin de fer. Ses exportations par voieferroviaire vers la Chine se dveloppant rapidement, Ioukos a dcid alorsde construire un oloduc entre Angarsk et Daqing.

    En 1999, Ioukos, Transneft et la CNPC avaient entrepris desdmarches pour construire un oloduc entre la Russie et la Chine. l't2002, la CNPC s'est engage financer 50 % du cot de la construction et acheter la totalit du ptrole transitant par cette voie. En mai 2003, Ioukos etla CNPC ont conclu un accord long terme de pompage du ptrole dans cenouvel oloduc : soit 20 millions de tonnes par an au cours des cinqpremires annes et 30 millions de tonnes par an aprs 2010.

    Le projet d'un oloduc Angarsk-Daqing (1,7 milliard de dollars pour2 247 km) dfendu par Ioukos a un temps rivalis avec celui dAngarsk-Nakhodka (5,2 milliards de dollars pour 3 765 km) propose par Transneft.Angarsk-Datsin aurait t rentable partir de 20 millions de tonnes par an, etAngarsk-Nakhodka partir de 50 millions. l'poque, on ignorait si la Sibrieorientale possdait les rserves suffisantes pour justifier la capacit prvuedu trac Angarsk-Nakhodka, l'oloduc de Transneft, mais considrant quel'acheminement d'hydrocarbures jusqu'au port de Nakhodka permettait dediversifier les marchs et que la solution Angarsk-Datsin mettait la Russie

    6Kommersant, 14 juin 2011.

    http://www.kommersant.ru/daily/61092http://www.kommersant.ru/daily/61092http://www.kommersant.ru/daily/61092http://www.kommersant.ru/daily/61092
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    sous la dpendance d'un acheteur unique, le choix du trac a t dterminpar des considrations politiques7

    Au printemps 2003, le litige sest sold par un compromis : unoloduc serait construit entre Angarsk et Nakhodka avec un raccordement

    permettant d'atteindre Daqing. Pour finir, ce projet a t rejet par leMinistre des ressources naturelles pour des raisons environnementales.Avec le dbut de l'affaire Ioukos , Mikhal Kassianov, alors Premierministre et partisan du trac Angarsk-Datsin, a t cart du gouvernementet le projet a t pour un temps oubli.

    .

    7Neftegazova vertikal, n 12, 2002, p. 40-42.

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    Rosneft, moteur de la cooprationsino-russe

    La monte de Rosneft

    Cependant, le projet est rapidement revenu sur le devant de la scne, car unnouvel entrant s'est intress au vecteur oriental de la politique ptrolire.Entreprise ptrolire de second plan dans les annes 1990, incapable derivaliser avec des concurrents privs plus puissants, Rosneft s'estprogressibement renforce dans les annes 2000. Cette volution avait djcommenc en 1998, avec la nomination de Sergue Bogdantchikov au postede prsident, mais c'est en 2000, alors que Vladimir Poutine, nouveauprsident de la Russie, orientait sa politique sur les nationalisations et lacration de champions nationaux , notamment dans les secteurs duptrole et du gaz, que Rosneft a lanc une offensive pour conqurir denouvelles parts de march dans lindustrie ptrolire nationale avec lesoutien actif de l'tat8

    Les choses se sont acclres en juillet 2004 lorsque Igor Setchine,premier adjoint de l'administration prsidentielle, a t nomm prsident duconseil d'administration de Rosneft

    .

    9. Setchine tait alors (et reste encoreaujourd'hui) figure centrale du secteur de l'nergie. En 2008, il a t nommvice-premier ministre en charge de l'ensemble du secteur. Le conflitd'intrts devint alors manifeste, dans la mesure o le poste que Setchineoccupait au sein du gouvernement faisait de lui l'arbitre des relationsentre l'tat et les compagnies ptrolires, dont Rosneft, quil dirigeait. Lesexperts ont interprt la nomination de Setchine au gouvernement commeun soutien explicite apport Rosneft. Aprs les lections prsidentielles de2012, Igor Setchine devint d'ailleurs PDG de Rosneft. Depuis lors, la positionde Rosneft ne cesse de se renforcer10

    Devenue la premire compagnie ptrolire du pays grce au rachatdes principaux actifs de Ioukos, Rosneft a pris le relais pour dvelopper lacoopration ptrolire avec la Chine autour de plusieurs axesinterdpendants : attirer les financements chinois, mener campagne pour laconstruction de l'oloduc Sibrie-Pacifique avec une drivation vers la Chine,favoriser l'accs des entreprises chinoises l'upstream russe (exploration etproduction) et accder au downstream chinois (raffinage et distribution).

    avec la signature du contrat dusicle que constitue l'acquisition de TNK-BP.

    8 N. Poussenkova, Lord of the Rigs: Rosneft as a Mirror of Russias Evolution dans TheChanging Role of National Oil Companies in International Energy Markets, op. cit. [4].9

    Vedomosti, 28 juillet 2004.10 Sondage de Neftegazova vertikal, n12, 2012, p 12-38.

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    Au commencement tait l'argent

    De fait, la coopration ptrolire sino-russe a connu une perce fin 2004 lorsdu rachat de Iouganskneftegaz par Rosneft. Cette acquisition a t financepar un emprunt de 1,8 milliard de dollars contract auprs de plusieursbanques dtat et par l'mission de titres ordre pour une valeur totale de6,1 milliards de dollars, dont six milliards refinancs par les Chinois titred'avance sur le paiement des futures livraisons de ptrole brut11

    En contrepartie de ce prt, Rosneft s'est engage livrer48,8 millions de tonnes de ptrole la Chine d'ici fin 2010. Les termes ducontrat n'ayant pas t dvoils, des rumeurs ont circul sur une certainesous-valuation. Presse dobtenir l'argent chinois, Rosneft aurait acceptdes conditions assez peu favorables : en effet, le prix du ptrole a d'abordt fix sur celui du Brent moins trois dollars. En novembre 2007, la Chine aaccept de ramener cette dduction 2,325 dollars. Rosneft a de nouveautent d'obtenir une revalorisation en fvrier 2008, mais les ngociations sesont enlises

    . C'tait lapremire fois que des fonds chinois finanaient une transaction dans unsecteur stratgique de l'conomie russe.

    12

    En fait, le prix convenu pour le ptrole russe tait lgrementsuprieur celui du march car entre 2005 et 2007, le baril de brut russedUrals cotait en moyenne 3,8 dollars de moins que le baril de Brent.Cependant, selon les analystes, il est possible qu'en raison des cots detransport, il ait t moins rentable pour Rosneft de livrer en Chine qu'enEurope. Mme en tenant compte de la revalorisation accepte par les

    Chinois, Rosneft a longtemps enregistr des pertes de bnfices et l'accordpass avec la CNPC a continu de poser problme, surtout aprs le reportdu chantier Sibrie-Pacifique. Quoi qu'il en soit, tant donn son besoinpressant de fonds pour financer l'acquisition de Iouganskneftegaz, Rosneftaurait pu se voir imposer des conditions encore moins favorables

    .

    13

    Puis vinrent les oloducs

    .

    Le 31 dcembre 2004, le dcret sur la construction de l'oloduc Sibrie-Pacifique pour la priode 2005-2020 a t sign par Mikhal Fradkov, lpoque Premier ministre14

    11Vedomosti, 5 juillet 2005.

    . Officiellement, selon V. Poutine, ce projet devait ouvrir une fentre vers lEst. Officieusement, il s'agissait de mettre la

    12Vedomosti, 11 avril 2008.13Vedomosti, 29 janvier 2008.14 Sur la construction de l'oloduc Sibrie-Pacifique, voir S. Tabata, X. Xu Liu, RussiasEnergy Policy in the Far East and East Siberia dans Russias Energy Policies: National,

    Interregional and Global Levels, P. Aalto (dir.), Northampton (MA), Edward Elgar PublishingInc., 2012.

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    pression sur l'Europe, que la Russie avait, selon Semion Veinstock, lpoque prsident de Transneft, gave de ptrole 15

    La partie orientale de la Russie est longtemps reste enferme dansun cercle vicieux : les gisements ntaient pas exploits, faute d'oloducs

    pour transporter le ptrole. On ne construisait pas d'oloducs, car il n'y avaitpas de ptrole transporter. L'oloduc Sibrie-Pacifique a permis de mettreun terme cette logique. Rosneft et plus prcisment SergueBogdantchikov, son prsident l'poque, ont notablement contribu cettevolution par un lobbying actif en faveur de la construction d'un oloduc etpar le lancement de lexploitation de gisements en Sibrie orientale. C'estainsi qu'aujourd'hui Rosneft possde les gisements les plus importants de largion (Vankor, Verkhnechonskoye et Iouroubcheno-Tokhomskoe).

    .

    Au milieu des annes 2000, Rosneft avait envisag deux optionspour transporter le ptrole de l'immense gisement de Vankor qu'ellecherchait exploiter dans le nord de la rgion de Krasnoarsk. L'option

    nord consistait pour Rosneft construire son propre oloduc de Vankor Port Dickson dans l'ocan Arctique, ce qui lui permettait de diversifier sesmarchs en utilisant des ptroliers. La variante sud consistait construireun oloduc jusqu' Purpe et le connecter au rseau principal de pipelinesde Transneft pour transporter le ptrole de Vankor vers l'Est du pays. Si lepassage par le nord semblait commercialement plus avantageux, c'estfinalement le trac sud qui a t retenu par S. Bogdantchikov, car il fallaitalimenter l'oloduc Sibrie-Pacifique dont la construction avait t dcideau niveau politique, mais qui manquait de ptrole transporter16

    Rosneft a non seulement permis d'acclrer la construction del'oloduc Sibrie-Pacifique dans son ensemble, mais a aussi contribuindirectement rgler la question longtemps irrsolue de l'embranchementvers la Chine dont le premier tronon devait acheminer 15 millions de tonnesde ptrole par an.

    . Leprsident de Rosneft est intervenu ensuite plusieurs reprises pouracclrer la construction de l'oloduc Sibrie-Pacifique et a obtenu queV. Poutine charge le Premier ministre, M. Fradkov, d'acclrer le projet.

    Aprs avoir t repousse plusieurs reprises, la construction de l'oloducSibrie-Pacifique a enfin t lance en 2009, avec un an de retard sur lecalendrier initial.

    Ds 2006, Transneft et la CNPC avaient sign un protocole d'accordsur la construction d'un oloduc entre Skovorodino et la frontire chinoise. Lechantier devait tre lanc en 2007 et durer jusqu' fin 2008, ce qui concidait

    avec le lancement du premier tronon du trac Sibrie-Pacifique. Mais ceprojet a de nouveau t frein, principalement en raison de diffrends sur leprix du ptrole. Vladimir Yakounine, l'influent patron de la Compagnie desChemins de fer russes, s'opposait par ailleurs au projet : en l'absenced'oloduc, le ptrole aurait t livr la Chine par voie ferroviaire. Il craignaitpar consquent de devoir terme cder une partie du transportd'hydrocarbures Transneft17

    En mars 2008, Nikola Tokarev, prsident de Transneft, a demandau vice-premier ministre Sergue Narychkine de statuer sur l'embranchement

    .

    15Vedomosti, 29 dcembre 2009.16

    Neftegazova vertikal, n14, 2005. p. 62-63.17Neft i kapital, n11, 2008, p. 21.

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    vers la Chine. Sa proccupation tait comprhensible car de cetembranchement dpendaient le lancement du deuxime tronon del'oloduc Sibrie-Pacifique et la capacit du port de Kozmino18

    Ce n'est qu'en octobre 2008 que les choses ont progress avec la

    signature dun mmorandum bilatral prvoyant un prt de la Chine laRussie pour financer la construction de l'oloduc contre les futures livraisonsde ptrole. L'accord devait tre dfinitivement conclu fin novembre 2008mais les ngociations se sont enlises

    .

    19

    Par la suite, les vnements se sont enchans trs rapidement.Dbut avril, le Premier ministre V. Poutine a dclar la Douma que le projetde l'oloduc russo-chinois tait entr dans sa dernire ligne droite. Quelques

    jours plus tard, Rosneft et Transneft ont sign un accord bilatral prvoyantque Transneft achterait Rosneft six millions de tonnes de ptrole par anpour les revendre la Chine, tandis que Rosneft fournirait elle-mme les

    neuf autres millions de tonnes. Fin avril, Igor Setchine et Wang Qishan, sonhomologue chinois, ont sign un accord intergouvernemental de cooprationptrolire sur 23 ans. Une semaine plus tard a t inaugur en prsence desvice-Premiers ministres des deux pays, des prsidents de Transneft et deRosneft et du gouverneur de la rgion de l'Amour, le premier tronon, d'unelongueur de 64 kilomtres, de la branche Skovorodino-Mokhe, drivation del'oloduc Sibrie-Pacifique vers la Chine

    . Cest en fvrier 2009, lorsque levice-premier ministre Igor Setchine s'est rendu en Chine, que les dsaccordsqui susbsistaient ont pu tre compltement levs. Il ne fait aucun doute quela crise et les besoins financiers croissants de Rosneft et de Transneft ontfortement contribu cette avance. cette occasion, quatre documents ontt signs : deux accords prvoyant un prt long terme de 25 milliards dedollars accord par la China Development Bank des entreprises russes, uncontrat de livraison de ptrole conclu entre la CNPC et Rosneft pour unedure de vingt ans et un accord CNPC-Transneft sur la construction et

    l'exploitation de l'oloduc Skovorodino-Mokhe. Ainsi, la Russie a prvu delivrer du ptrole de Sibrie occidentale la Chine pour un volume de15 millions de tonnes par an, pouvant aller jusqu' 30 millions plus longterme en fonction de la capacit de Rosneft developper les gisements deSibrie orientale.

    20

    La construction de l'oloduc Skovorodino-Daqing s'est acheve enseptembre 2010 et les livraisons ont commenc en janvier 2011. L'article 13

    de l'accord intergouvernemental russo-chinois sur la coopration ptrolirestipulait que Transneft et Rosneft bnficiaient d'un droit d'accs exclusif l'oloduc pour fournir du ptrole la Chine sur une dure de 20 ans

    , ce qui confirme une nouvelle foisqu'en Russie, les grands projets avancent plus vite s'ils bnficient dusoutien actif d'acteurs influents.

    21

    18Vedomosti, 11 avril 2008.

    . Cetteclause confrait Rosneft un avantage concurrentiel indniable sur sesconcurrents privs oprant l'Est, devant, quant eux, emprunter la routede Kozmino, plus longue de 2 000 km. Les experts gouvernementaux

    19Neft i kapital, n3. 2009, p. 42.20Neft i capital, n5, 2009, p. 41.21

    Accord intergouvernemental entre la Russie et la Chine sur la coopration dans le secteurptrolier, Pkin, 2009.

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    estimaient que Rosneft pouvait ainsi conomiser 20 dollars par tonne deptrole transport par rapport aux autres oprateurs22

    Par consquent, les exportations de Rosneft vers lAsie-Pacifique necessent de crotre, ce qui correspond aux objectifs de la stratgie

    nergtique de la Russie jusqu'en 2030. Elles sont passes de10,53 millions de tonnes en 2009 16,9 millions en 2010 et 18,9 millionsen 2011 (dont 15 pour la Chine), soit 27 % du total des exportations quis'levaient pour cette anne-l 69,9 millions de tonnes

    .

    23

    Cependant, si la Chine s'efforce de rduire sa dpendancenergtique l'gard du Moyen-Orient, elle n'entend pas pour autantdpendre de la Russie qui est loin de reprsenter une priorit dans sastratgie nergtique. Ses sources d'approvisionnement sont plutt biendiversifis (Moyen-Orient, Afrique, Amrique latine) et le ptrole russereprsente 8 % de ses importations totales de brut. En 2010, la Russie tait

    le cinquime fournisseur de la Chine derrire l'Arabie saoudite, l'Angola,l'Iran et Oman

    , ce qui dpassemme les objectifs fixs par la stratgie.

    24

    L'upstream russe

    et s'il est vrai qu'elle a russi a occuper la quatrime placeen 2011 devant Oman, il est vident que les jeux politiques internes ontretard son positionnement sur le march chinois .

    Grce aux financements chinois qui ont aid Rosneft acqurirIouganskneftegaz, les entreprises chinoises ont pris pied dans lindustrie

    ptrolire russe25 : en 2005, Rosneft a offert la compagnie ptrolirechinoise Sinopec (son partenaire au Kazakhstan sur la zone Aday) uneparticipation de 25,1 % aux blocs de Venin de Sakhaline-3, sur lesquels elledtenait une licence gologique d'une dure de cinq ans depuis 2003. Enchange, Sinopec s'est engage assumer une partie des cotsd'exploration gologique la place de Rosneft et garantir un certainmontant de financement en phase de dveloppement26

    En aot 2006, Sinopec a acquis une participation de 96,86 % dansOudmourtneft, filiale de TNK-BP, par l'intermdiaire de la compagniePromleasing et pour une somme de 3,5 milliards de dollars

    .

    27

    22Neftegazova vertikal, n15-16, 2009, p. 21.

    . Cette filiale aextrait 6,4 millions de tonnes de ptrole en 2011. En dcembre de la mme

    anne, Rosneft a acquis 51 % des parts de Promleasing Sinopec. Il est noter qu'outre Sinopec, l'entreprise ptrolire et gazire hongroise MOL, leconsortium Itera-ONGC et Gazpromneft avaient eux aussi des vues surOurdmourneft. Le reprsentant du ministre de l'nergie avait l'poqueexpliqu qu'en Russie les relations avec les entreprises trangresobissaient deux schmas diffrents : soit l'change d'actifs nationaux

    23 Rosneft, rapport annuel 2011, /.24 U.S. Energy Information Administration. Rapport d'analyse pays. Chine. Dernire mise

    jour : 4 septembre 2012.25 Les Chinois ont tent de profiter de la privatisation de Slavneft, de prendre part la venteaux enchres de Iouganskneftgaz et d'acqurir Stimul, une compagnie d'Orenbourg.26

    .27.

    http://www.rosneft.com/Downstream/crude_oil_sales%3e/http://www.rosneft.com/Downstream/crude_oil_sales%3e/http://www.rosneft.com/Upstream/Exploration/russia_far_east/sakhalin-3/http://www.rosneft.com/Upstream/Exploration/russia_far_east/sakhalin-3/http://www.rosneft.com/Upstream/Exploration/russia_far_east/sakhalin-3/http://www.rosneft.com/Upstream/ProductionAndDevelopment/central_russia/udmurtneft/http://www.rosneft.com/Upstream/ProductionAndDevelopment/central_russia/udmurtneft/http://www.rosneft.com/Upstream/ProductionAndDevelopment/central_russia/udmurtneft/http://www.rosneft.com/Upstream/Exploration/russia_far_east/sakhalin-3/http://www.rosneft.com/Downstream/crude_oil_sales%3e/
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    contre des actifs trangers, mais sous contrle russe, solution mise enuvre par Gazprom ; soit la vente d'actifs, toujours sous le contrle russe,stratgie retenue par Rosneft28

    Par ailleurs, lors de la visite de Vladimir Poutine Pkin en juin 2006,

    un accord de coopration avait t sign entre la Russie et la Chine ainsique l'accord portant cration de la co-entreprise Vostok Energy (dtenue 51 % par Rosneft et 49 % par la CNPC) charge de procder l'exploration et la production dhydrocarbures en Russie. Rosneft, quilorgnait alors sur les grands gisements non encore attribus, manquaitd'argent, c'est pourquoi il lui fallait un partenaire solvable. Cela convenait auxentreprises chinoises, qui ne pouvaient obtenir seules l'accs auximportantes rserves russes en raison des restrictions la participation destrangers aux gisements stratgiques russes.

    .

    l't 2007, Vostok Energy a remport la bataille l'opposant Sourgoutneftegaz et la United Oil Group, place sous le contrle de la

    holding Basic Element d'Oleg Deripaska, pour l'acquisition de deux petitsgisements situs proximit de l'oloduc Sibrie-Pacifique dans la rgiond'Irkoutsk29

    Par la suite, les Chinois ont encore renforc leurs liens avecRosneft en entrant dans son capital. Avec l'introduction en bourse deRosneft, la CNPC a acquis 0,6 % des actions de la socit nationale russepour un montant de 500 millions de dollars

    . On peut comprendre l'intrt des Chinois vis--vis de la Sibrieorientale puisque c'est par l que passe l'oloduc qui les approvisionne.

    30. la suite de lacquisition deTNK-BP par Rosneft, les compagnies chinoises auront certainementlopportunit de consolider davantage leurs positions dans lupstreamrusse : Rosneft prvoit de les inviter participer des projets dedveloppement du plateau continental31

    Pourtant, mme avec l'aide de Rosneft, il est plus difficile pour lescompagnies ptrolires chinoises d'avoir accs au secteur ptrolier russequ' celui d'autres pays producteurs

    .

    32

    28Vedomosti, 21 juin 2006.

    . Il est clair que les entrepriseschinoises sont trs attires par l'upstream russe (exploration et production)et laccs equity oil, mais, une fois de plus, la Russie est loin d'tre poureux la seule option intressante, surtout si lon tient compte delpuisement des gisements, des conditions climatiques et gologiquesdifficiles et des cots levs de production.

    29 Verneicherski : 50 millions de tonnes de ptrole et 90 milliards de m3 de gaz de catgorieD1; Zapadnochonski : 30 millions de tonnes de ptrole et 15 milliards de m3 de gaz naturelde catgorie D1. Vedomosti, 1er aot 2007.30 Neftegazova vertikal, n13, 2006.31Vedomosti, 19 fvrier 2013.32 Les compagnies ptrolires chinoises oprent aujourd'hui dans 31 pays et participent laproduction dans 20 d'entre eux. Elles sont le mieux implantes au Kazakhstan, au Soudan,au Venezuela et en Angola. La part de ptrole de concession qui leur revient est passe de140 000 barils/jour en 2000 1,5 millions en 2011. Les compagnies ptrolires chinoisespoursuivent des objectifs commerciaux l'tranger et parviennent fort bien les atteindre,notamment lorsqu'ils correspondent aux ambitions gopolitiques du gouvernement chinois.

    S. Lewis, Chinese NOCs and World Energy Markets: CNPC, Sinopec and CNOOC dansThe Changing Role of National Oil Companies in International Energy Markets, op. cit. [4].

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    Le downstream chinois

    La coopration ptrolire entre la Russie et la Chine aurait d se fonder surun principe d'change upstream russe contre downstream chinois .Fin 2007, est cre la Compagnie orientale de ptrochimie sino-russe, co-entreprise associant Rosneft (49 %) et la CNPC (51 %) ayant pour objectif laconstruction dune raffinerie chinoise et la cration d'un rseau de 300 500 stations-service. Le cot de la raffinerie devait s'lever environ troismilliards de dollars et elle devait tre mise en service en 201133

    Cependant, Rosneft a eu des difficults s'implanter dans le secteurdu raffinage en Chine. l'automne 2009, elle devait signer un accord sur laconstruction d'une raffinerie d'une capacit de 15 millions de tonnes

    Tianjin. Les ngociations avaient t lances en 2006 avec la CNPC, maisles deux parties n'avaient jusqu'ici pas russi se mettre d'accord,notamment sur le financement. Il a d'abord t propos que la Compagnieorientale de ptrochimie sino-susse finance une partie de la construction(35 %) et les banques chinoises le reste, puis la Chine a proposd'augmenter la contribution de la co-entreprise. D'autres diffrends portaientsur la capacit de la raffinerie et les sources de matires premires. En finde compte, la Chine tait insatisfaite de lavancement du projet commund'extraction des matires premires en Russie : Vostok Energy n'a pu obtenirque deux sites dans la rgion d'Irkoutsk

    .

    34

    Un autre problme est apparu en fvrier 2010, lorsque la Chine aexig que la Russie double le volume de ses livraisons de ptrole. Onpouvait supposer qu'il s'agissait d'alimenter la raffinerie de Tianjin, mais les

    reprsentants de la CNPC ont dclar qu'en raison de la croissance de lademande de ptrole en Chine, la raffinerie devait recourir d'autres sourcesd'approvisionnement que celles rentrant dans le cadre des 15 millions detonnes par an prvus par l'accord. Le lancement de la construction de laraffinerie en 2010 tait conditionn cette augmentation des exportationsrusses ; autrement, si Rosneft ne disposait pas des volumes de brutncessaires, la CNPC menaait den chercher auprs dautres fournisseurs.

    .

    Aprs toutes ces difficults, c'est en 2010 qu'Igor Setchine et WangQishan, son homologue chinois, ont fini par lancer officiellement laconstruction de la raffinerie de Tianjin d'une capacit prvue de 13 millionsde tonnes par an. Le chantier doit coter cinq milliards dollars et durer

    jusqu'en 2015. Il est prvu que la Russie contribue pour neuf millions detonnes par an l'alimentation de la raffinerie, le reste tant fourni pard'autres pays. Edouard Khoudainatov, alors PDG de Rosneft, a prcis quele ptrole proviendrait des gisements de Sibrie orientale35. Un rseau de500 stations-service, pouvant aller jusqu' 1000 points de vente, sera ensuitecr dans le nord de la Chine. Mais Rosneft admet que la mise en oeuvre long terme du projet dpendra de la conclusion de l'accord final entre lesparties 36

    33Vedomosti, 22 septembre 2010.

    .

    34Vedomosti,12 octobre 2009.35

    Neft i capital, n11, 2010, p. 21.36.

    http://www.rosneft.com/Downstream/refining/Construction/http://www.rosneft.com/Downstream/refining/Construction/http://www.rosneft.com/Downstream/refining/Construction/
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    Rosneft aura beaucoup de difficult s'tablir en Chine, mme si cemarch est vaste et en pleine expansion. Le prix des produits ptroliers y estrglement et les rglements changent frquemment. En outre, les seulesentreprises munies d'une autorisation d'import-export des produits ptrolierssont Sinopec et PetroChina. La Chine prvoit par ailleurs d'accrotre elle-mme fortement sa capacit de raffinage. Et sur le march chinois, Rosneftsera en concurrence avec des poids lourds du march international commeExxonMobil ou Saudi Aramco, qui disposent de technologies de raffinagetrs modernes37

    De nouveau l'argent

    . En fait, la Chine semble considrer la Russie comme unesimple source de matires premires (dans ce cas, le ptrole) qu'elle peuttraiter elle-mme selon ses besoins, et non comme un fournisseur deproduits forte valeur ajoute ou un acteur important sur son march duptrole.

    La Chine a tent de faire prolonger le contrat de fourniture de ptrole avecRosneft jusqu'en 2030. Lors de sa visite Moscou en octobre 2008, lePremier ministre chinois, Wen J iabao, a voqu la possibilit d'un prtchinois de 20 25 milliards de dollars contre un approvisionnement d'unedure de 20 ans. En raison de la crise financire, il tait en principeimpossible Rosneft de mobiliser une telle somme sur les marchsmondiaux et le crdit chinois lui aurait singulirement facilit les choses, caraprs le rachat des actifs de Ioukos, son endettement net s'tablissait 21,4 milliards de dollars en juillet 2008, dont 13,4 milliards de dollars

    remboursables court terme38

    Rosneft s'est donc retrouve en position de demandeur, car il taitbeaucoup plus important pour elle d'obtenir ce prt que pour les Chinois dese faire livrer 15 millions de tonnes de ptrole russe par an. Et c'est bien lque rside la principale faiblesse de Rosneft dans le cadre de cesngociations.

    .

    Il tait dj prvu qu en 2008, Rosneft et la CNPC concluraient uncontrat long terme de livraison de ptrole russe la Chine, que les deuxparties parviendraient un accord sur une drivation de l'oloduc Sibrie-Pacifique vers la Chine et que des crdits chinois seraient accords auxcompagnies russes. Or, la mi-novembre, les discussions surl'approvisionnement russe et les crdits chinois ont t suspendues. Moscoureprochait Pkin de tenter d'imposer des conditions de crdit inacceptables( taux variable plutt qu' taux fixe) et d'exiger cinq types de garantiesdiffrentes, alors que l'tat russe devait au dpart se porter garant, leslivraisons de Rosneft et les infrastructures de Transneft lui servant decaution39

    37 A. Troner, Chinas Oil Sector : Trends and Uncertainties dans The Rise of China andits Energy Implications, J ames Baker Institute for Public Policy, dcembre 2011.

    . La construction de l'oloduc Sibrie-Pacifique ayant en outre treporte d'un an, la question d'une drivation vers la Chine n'tait plus

    38

    Vedomosti, 7 novembre 2008.39Neft i capital, n11, 2008. p. 20.

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    d'actualit. Enfin, le fait que Rosneft et la CNPC narrivaient pas s'entendresur le prix du brut a longtemps pos problme.

    Ce n'est qu'en fvrier 2009, aprs de difficiles tractations, que laChine a accord un prt de 15 milliards de dollars Rosneft. Dans le mme

    temps, les Chinois ont allou 10 milliards de dollars Transneft,principalement pour la construction de l'oloduc Sibrie-Pacifique et sadrivation vers la Chine. Igor Setchine, qui conduisait la dlgation Pkin,a dclar que la Russie allait fournir 15 millions de tonnes de ptrole par an la Chine pendant 20 ans des conditions de financement satisfaisantespour les deux parties. Et en juillet 2009, le prsident russe a sign la loi sur laratification de l'Accord intergouvernemental de coopration ptrolire entreles gouvernements russe et chinois.

    Par son montant et ses dlais, ce prt constitue un record pour laRussie, mme si les termes exacts n'en ont pas t dvoils. Peter O'Brien,alors vice-prsident de Rosneft, a simplement annonc que le prt s'levait

    15 milliards de dollars, qu'il tait remboursable sur 20 ans et que pendant lescinq premires annes, seuls les intrts seraient dus et que le taux taitexceptionnellement bas40. Le ministre de l'nergie a confirm qu'avec untaux d'intrt plus de deux fois infrieur celui en vigueur sur les marchsinternationaux, le prt tait intressant pour la Russie41

    Le contrat chinois est en bton arm, il est agr par les deuxparties et conforme aux rglementions internationales , a soulign IgorSetchine. Il a dclar que la coopration entre Rosneft et la CNPC sedroulait de faon satisfaisante et que la compagnie russe envisagait dengocier une augmentation de ses importations pour renforcer l'activit de laraffinerie de Tianjin. Cependant, ds le dbut des livraisons en janvier 2011,le contrat en bton arm s'est heurt aux difficults. La Chine acommenc par contester le montant du coefficient T, reprsentant les cotsde transport de Transneft dans le calcul de la tarification. La CNPC a dcidalors de s'appliquer unilatralement une rduction de 13 dollars sur chaquebaril, car le ptrole autrefois transport par voie ferroviaire transitaitdsormais par un embranchement de l'oloduc Sibrie-Pacifique, sur unedistance deux fois plus courte

    .

    42

    Les deux parties ne parvenant pas rgler leur litige, la dette de laCNPC a atteint 200 millions de dollars l't 2011. Mme au niveaugouvernemental, les tentatives de rgler le problme sont restes vaines.

    Finalement, lors d'un nouveau cycle de ngociations sur l'nergie dirig parIgor Setchine

    . Sur la dure du contrat, la perte financirequi dcoulait de cette dcision pouvait reprsenter un manque gagner de30 milliards de dollars pour les compagnies russes.

    43

    40Neftegazova vertikal, n17, 2010, p. 36.

    , la CNPC a fini par accepter de rgler la plus grande partiede sa dette et de rduire le taux du coefficient T 3 dollars le baril. Cela apermis I. Setchine de dclarer que tous les diffrends taient dsormaisrgls. Cependant, Transneft a menac la CNPC de mettre un terme lacoopration et de saisir les instances internationales.

    41.42Neftegazova vertikal, n22, 2011, p. 49.43 Le dialogue nergtique sino-russe a t lanc par le prsident russe Dmitri Medvedev

    lors de sa visite Pkin en 2008. Il est second par les vice-Premiers ministresresponsables du secteur nergtique des deux pays.

    http://minenergo.gov.ru/press/min_news/421.html?print=Yhttp://minenergo.gov.ru/press/min_news/421.html?print=Yhttp://minenergo.gov.ru/press/min_news/421.html?print=Y
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    N. Poussenkova / Rosneft et Chine

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    En octobre, les tractations ont repris dans le cadre du dialoguenergtique. Une nouvelle fois, I. Setchine a dclar que les deux partiestaient parvenues trouver un terrain dentente, en surmontant tous leursdiffrends. Mais les choses se sont de nouveau enlises, bien que le vice-Premier ministre ait assur que tout serait rgl en quelques semaines. Cen'est que dbut 2012 que Rosneft, Transneft et la CNPC sont parvenues s'entendre sur de nouvelles modalits de livraison. Aux termes de cenouveau contrat, Rosneft et Transneft acceptaient de rduire le prix dutransport de 1,5 dollars par baril pour la CNPC. Cette dernire devaitentirement rgler sa dette accumule depuis dbut 2011, qui se chiffrait 134 millions de dollars. Ce rglement pacifique du diffrend avec la Chineaura cot trois milliards de dollars Rosneft.

    Rosneft considre les modifications du contrat comme une victoire . Ils ont essay d'obtenir une rduction de 13,5 dollars par barilmais nous avons russi les faire descendre 1,5 dollar , a dclar lereprsentant de Rosneft. La compagnie nationale russe assure que les

    livraisons de ptrole en Chine sont aujourd'hui les plus rentables de toutes 44

    Quoi qu'il en soit, les responsables russes ne remettent pas en causela stratgie adopte l'gard de la Chine. la question du journalKommersant sur la raison pour laquelle la Russie construisait la drivationd'oloduc en Chine au lieu d'utiliser des ptroliers, Igor Setchine a rponduque cela rduisait tout simplement les dlais de livraison et que ce mode detranport tait aussi sr que la voie maritime

    .Il semble nanmoins que la CNPC en sort gagnante. Et il fallait s'y attendrecar aprs tout, la drivation de l'oloduc Sibrie-Pacifique a t construitepour la Chine, seule consommatrice, avec des crdits chinois garantis parles futures livraisons de ptrole russe.

    45

    Puis c'est le bureau du Procureur gnral qui sintresse au contrat en bton arm : en mars 2012, celui-ci a commenc vrifier largularit des modifications introduites. Nikola Kolometsev, dputcommuniste la Douma, avait prcdemment demand au prsident DmitriMedvedev et au procureur gnral, Iouri Tchaka, de vrifier la lgalit desnouveaux contrats entre les compagnies russes et la Chine et d'valuer leurincidence sur l'conomie russe. Kolomeitsev n'est pas le premier tenter depercer le dtail des contrats chinois de Rosneft et Transneft. Le ministredes Finances, le ministre de l'nergie et le leader de l'opposition, AlexeNavalny, avaient dj essay de le faire. La raction rapide du bureau duProcureur gnral la requte du dput est sans doute lie la valse des

    hauts fonctionnaires qui se jouerait alors au sein du gouvernement russe

    .

    46

    Nanmoins, Rosneft poursuit sa pratique de leve de fonds chinois :il est prvu que la Chine soit de nouveau crditrice de la compagnie russepour financer, cette fois-ci, lacquisition de TNK-BP

    .

    47

    Dans le contexte de la crise financire, la Chine tait pour Rosneftle seul moyen d'obtenir de l'argent en 2009. La Chine, en revanche, auraitpu avoir d'autres pays comme rcipiendaires de son prt. Rien qu'en 2009,Pkin avait dj accord contre des livraisons de ptrole huit milliards de

    .

    44Kommersant, 28 fvrier 2012.45Kommersant, 14 juin 2011.46

    Vedomosti, 12 avril 2012.47Vedomosti, 14 February 2013.

    http://www.kommersant.ru/daily/67154http://www.kommersant.ru/daily/67154http://www.kommersant.ru/daily/67154http://www.kommersant.ru/daily/67154
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    dollars au Venezuela, dix milliards au Brsil, dix milliards au Kazakhstan etun milliard de dollars l'quateur48

    48

    U.S. Energy Information Administration, Rapport d'analyse pays, Chine, Dernire mise jour: novembre 2009.

    .

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    N. Poussenkova / Rosneft et Chine

    Conclusion

    Comme nombre d'autres compagnies ptrolires de pays mergents,Rosneft contribue promouvoir la politique trangre de la Russie et, dansce cas prcis, son volet oriental. En parallle, la politique trangre de laRussie porte les intrts commerciaux des grandes entreprises russes, et lesresponsables politiques ont souvent aid Rosneft mettre sa stratgiechinoise en uvre. Si la coopration nergtique sino-russe progresse,c'est principalement grce aux efforts dploys par Rosneft. Le temps dira si

    cette coopration sert davantage les intrts commerciaux de Rosneft ou lesintrts stratgiques de la Russie.

    Le fait est que, dans le domaine ptrolier, les relations entre la Russieet la Chine ne sont gure quilibres. Avant tout, le secteur ptrolier russeest handicap par le vieillissement de sa base de ressources et ses cots deproduction levs par rapport d'autres producteurs. La Chine disposecertes d'un march ptrolier trs vaste, mais elle entretient des relationstroites avec d'autres pays exportateurs, plus comptitifs en termes de cots,pouvant rduire lavantage comparatif dont bnficie la Russie du fait de saproximit gographique.

    Sur le long terme, la Chine entend effectivement dvelopper sacoopration nergtique avec la Russie, mais Moscou n'est pas sa seuleoption. En outre, il n'y a pas de pnurie de ptrole l'heure actuelle dans lemonde et la Russie (notamment Rosneft) a un besoin pressant dargentchinois faute de sources alternatives. Un autre problme est que Moscou atard tablir une coopration avec la Chine, qui a plus de fournisseursfiables que la Russie na de marchs pour ses exportations. Enfin, la Chinese dveloppe aujourd'hui de faon bien plus dynamique que la Russie et sacroissance est bien plus forte. La Russie devra, par consquent, prendreconscience que l'acheteur (et crancier) a davantage de pouvoir dengociation que le vendeur (et emprunteur). En dfinitive, c'est Pkin quidictera les termes de la coopration nergtique entre la Russie et la Chine,

    et cette tendance devrait se confirmer au fur et mesure de la dtriorationde la situation dans l'industrie ptrolire russe, dont les rserves s'puisent.