Poiré (2013). pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de clientèles...
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Pistes d’intervention en counseling de carrière auprès de
clientèles diagnostiquées du trouble de personnalité limite
(TPL)
RAPPORT D’ACTIVITÉ DIRIGÉE PRÉSENTÉ À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE
L’ÉDUCATION EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE EN
CARRIÉROLOGIE DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
PAR
© MARIE-SOLEIL POIRÉ
SEPTEMBRE 2013
2
Sommaire
Grâce à l’adoption de la Loi 21, les conseillers et les conseillères d’orientation sont
maintenant reconnus comme des professionnels qui notamment ont pour activité réservée
d’évaluer, dans le cadre du champ d’expertise qui leur est propre, des individus atteints du
trouble de la personnalité limite (TPL) lorsqu’attesté d’un diagnostique. En raison de la
symptomatologie qui leur est propre, ces derniers sont nombreux à utiliser les services
d’aide de toutes sortes. De croire qu’ils sont nombreux à obtenir les services des
conseillers d’orientation s’avère judicieux en raison de cette même symptomatologie.
Pourtant, la littérature scientifique sur le sujet est faible. Par conséquent, de déterminer
différentes pistes d’intervention en counseling de carrière à effectuer auprès de cette
clientèle serait souhaitable.
Afin de démontrer la pertinence de ce sujet, il sera d’abord question d’établir
l’épidémiologie relative au trouble afin de permettre de saisir l’ampleur du sujet posé
ainsi que sa pertinence. Par la suite, de déterminer l’étiologie qui y est liée tendra à mettre
en lumière les causes du trouble afin de mieux le comprendre dans son contexte
développemental. Puis, il sera question des conséquences qui y sont associées, tant au
plan individuel, relationnel, organisationnel et sociétal. Différentes perspectives relatives
au trouble seront subséquemment présentées, soit d’un point vue médical, légal,
institutionnel, thérapeutique et carriérologique. De tel sorte qu’il sera aisé de saisir la
pertinence du sujet posé.
La conceptualisation de l’évaluation de la personnalité limite en orientation pourra ensuite
être amorcée. Dans un premier temps, la description de l’évaluation en orientation comme
tel sera effectuée. Deux perspectives associées au fonctionnement psychologique seront
ensuite présentées afin de permettre des parallèles du TPL comme tel lors des résultats.
Dans un deuxième temps, il sera question du trouble de la personnalité limite lui-même.
3
Des descriptions détaillées du trouble s’ensuivront et se termineront par différents
traitement offerts à cette clientèle d’un point de vue psychologique.
Les résultats de cette recherche seront finalement présentés, soit différentes pistes
d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la
personnalité limite fondée sur les informations recueillies au cours de cet ouvrage.
4
Remerciements
La rédaction de cet ouvrage fut une grande source d’apprentissages avec pour seule égale
les difficultés engendrées. Ce rapport n’aurait pu être mené à terme par son auteure sans
l’apport significatif de nombres de personnes. De les remercier aujourd’hui s’avère être
un des petits plaisir de la vie.
Louis. Tu m’as vue dans ma douleur, me battre contre moi-même. Je te remercie de
m’avoir écoutée et accueillie, même à l’improviste. Cela, tout comme tes débats
socratiques et tes encouragements, ont certes contribués à l’atteinte de cet ultime objectif,
finir ce rapport.
Diane, Robert, Sébastien, Kim et Jocelyne. Vos encouragements tout comme vos
incessantes demandes quant à ma progression m’ont poussé à en finir. Je vous en remercie
tous. Ma mère, je me rappellerai toujours ta réaction lorsque je t’ai annoncé que j’avais
décidé d’aller l’université. En rétrospective, tu m’as mise au défi et je t’en remercie
profondément. Ta force de caractère et ta volonté sans fin sont certes ce qui m’est le plus
précieux en toi, tout comme ton amour. Ma vie en sera teintée jusqu’à la fin. Sans oublier
Geneviève et Valéry. Combien d’heures avons-nous étudié ensemble ma chère Geneviève
et nous sommes confiées l’une à l’autre dans notre découragement, tout comme motivées
mutuellement? Combien de fois ta force intérieure Valéry m’a été d’un grand secours,
tout comme ta conviction que dans la vie, de vouloir, c’est pouvoir? Pierre, source
d’amour puis d’amitié, je te remercie de m’avoir appuyée.
Et sans l’ombre d’un doute, cette période de ma vie que je chérirai toujours, mes études
universitaires, n’aurait été aussi agréable, positive, constructive, drôle (et combien
interminable à d’autres moments!) sans les liens significatifs qui se sont tissés entre
Virginie, Valérie et moi-même. Certes, ce trio infernal est loin d’être dissous.
5
Table des matières
Sommaire .............................................................................................................................2
Table des matières ................................................................................................................5
Liste des tableaux .................................................................................................................7
Liste des figures ....................................................................................................................8
Introduction ..........................................................................................................................9
1. Problématique : le trouble de la personnalité limite ........................................................ 11
1.1 L’épidémiologie ................................................................................................................... 11
1.2 Des notions cliniques et controverses ................................................................................... 16
1.3 L’étiologie ............................................................................................................................ 18
1.3.1 Facteurs biogénétiques .................................................................................................. 19
1.3.2 Facteurs psychologiques et environnementaux ............................................................. 20
1.3.3 Facteurs sociaux et culturels .......................................................................................... 23
1.4 Les conséquences ................................................................................................................. 24
1.4.1 Au plan individuel ......................................................................................................... 25
1.4.2 Au plan relationnel et organisationnel ........................................................................... 28
1.4.3 Au plan social ................................................................................................................ 31
1.5 L’intervention ....................................................................................................................... 33
1.5.1 Perspective médico-légale et institutionnelle ................................................................ 33
1.5.2 Perspective thérapeutique .............................................................................................. 37
1.5.3 Perspective carriérologique ........................................................................................... 38
1.5.4 Orientation et trouble de la personnalité limite : absence relative de littérature
scientifique ............................................................................................................................. 41
1.6 Question de recherche .......................................................................................................... 43
6
2. Conceptualisation de l’évaluation du trouble de la personnalité limite en contexte
d’orientation ....................................................................................................................... 45
2.1 Approches de counseling de carrière centré sur le fonctionnement psychologique ............. 46
2.1.1 L’évaluation en orientation ............................................................................................ 46
2.1.2 Le bilan de compétence ................................................................................................. 54
2.1.3 Approche centrée sur les schémas ................................................................................. 57
2.2 Le trouble de la personnalité limite ...................................................................................... 61
2.2.1 Définitions et notions essentielles ................................................................................. 62
2.2.2 Controverses associées .................................................................................................. 69
2.2 Le traitement du trouble de la personnalité limite ................................................................ 71
2.2.1 Modèle psychodynamique ............................................................................................. 72
2.2.2 Thérapie dialectique-comportementale ......................................................................... 74
2.2.3 Thérapie centrée sur les schémas................................................................................... 78
5. Résultats ......................................................................................................................... 83
6. Conclusion ...................................................................................................................... 87
Bibliographie ...................................................................................................................... 90
7
Liste des tableaux
Tableau 1 Quelques indicateurs des trois éléments d’évaluation
Tableau 2 Le processus d’intervention pour l’évaluation en orientation
Tableau 3 Les schémas précoces inadaptés et leur domaine
Tableau 4 Modes d’adaptation
Tableau 5 Différences entre les symptômes qui peuvent aider à distinguer le
trouble de la personnalité limite d’autres diagnostics
Tableau 6 Tableau descriptif des critères diagnostiques du trouble de la
personnalité limite
Tableau 7 Stratégies d’interventions dialectiques
Tableau 8 Quatre modes de la thérapie des schémas appliqués au TPL
8
Liste des figures
Figure 1 Taux de suicide normalisé selon l’âge de 100 000 personnes et le sexe,
de 1950-2009
Figure 2 Modèle neurocomportemental du trouble de la personnalité limite
Figure 3 Hospitalisations pour troubles de la personnalité dans les hôpitaux
généraux pour 100 000 par groupe d’âge, Canada, 1999-2000
Figure 4 Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour troubles de
la personnalité, Canada, 1987-1988-1999-2000
Figure 5 Une approche « générique » en counseling de carrière
Figure 6 Le continuum d’intervention exploratoire / de support en
psychothérapie d’orientation psychodynamique
9
Introduction
D’un point de vue social, les coûts inhérents aux soins offerts aux personnes atteintes de
maladies mentales s’avèrent importants (Santé Canada, 2002). De tous les troubles de la
personnalité, le trouble de la personnalité limite (TPL) s’avère être le plus fréquemment
rencontré en contexte clinique. La symptomatologie qui y est propre augmenterait les
chances que l’individu atteint recherche de l’aide selon l’Americain Psychiatric
Association (APA, 2001). Malgré tout, tant pour les cliniciens que pour les différents
professionnels œuvrant auprès de cette clientèle, ce trouble apparaît être une
problématique d’intervention complexe (Bouchard, Lemelin, Dubé et Giguère, 2010). À
l’instar de ces derniers, les conseiller(ère)s d’orientation (c.o.) de différents secteurs
d’activités sont susceptibles d’accueillir ces clients et de les accompagner au plan
carriérologique. Bien que de nombreuses recherches soient disponibles, aucune ne traite à
notre connaissance de la spécificité des pratiques professionnelles des c.o. Cet ouvrage
visera à concevoir certaines notions d’importance quant à l’intervention en counseling de
carrière auprès de cette clientèle.
Lors du premier chapitre, un aperçu épidémiologique du trouble sera présenté afin de
permettre au lecteur de se positionner quant à l’importance qu’il revêt au sein de la
population ainsi que dans les pratiques professionnelles des c.o. Une mise en contexte de
ses manifestations sera amenée. Puis, une description générale ainsi que son étiologie
faciliteront une compréhension du trouble comme tel ainsi que de ses origines. Les
conséquences associées au plan individuel et relationnel, de même qu’au plan
organisationnel et sociétal permettront par la suite d’évaluer son impact à plusieurs
niveaux. Différentes perspectives associées au trouble seront subséquemment présentées
et permettront au final de constater le manque de littérature de nature carriérologique. La
pertinence pour les c.o. de mieux saisir cette problématique ainsi démontrée, la question
de recherche en découlant sera apportée, soit: comment les conseillers d’orientation
œuvrant auprès d’une clientèle jeune adulte âge de 18 à 35 ans diagnostiquée du trouble
de la personnalité limite évaluent-ils? S’ensuivra le second chapitre. Pour éclaircir
10
davantage cette question, l’évaluation en contexte carriérologique sera d’abord abordée,
suivi de …. Ensuite, le trouble comme tel sera conceptualisé. Il s’agira donc d’établir les
caractéristiques propres au TPL ainsi que le contexte dans lequel ces caractéristiques ont
été définies, en plus de certaines notions d’importance à l’égard de la compréhension du
trouble. S’ensuivra alors différentes approches utilisées pour le traitement de ce trouble.
Quant au troisième chapitre, il dressera les objectifs spécifiques de recherche. La
méthodologie utilisée dans le cadre de cet ouvrage sera subséquemment présentée. Une
analyse conceptuelle visant à faire ressortir les principaux points à retenir concernant
l’intervention en counseling de carrière auprès des TPL sera par la suite présentée. Les
derniers chapitres en seront, dans l’ordre, un de discussion à l’égard de cette recherche et
le second, un de conclusions qui y sont liées.
11
1. Problématique : le trouble de la personnalité limite
Sans contredit, il est reconnu que les conseillers et conseillères d’orientation du Québec
œuvrent auprès d’une vaste clientèle (Office des professions du Québec, 2012). L’Ordre
professionnel précise que la modification du Code des professions, adoptée sous la Loi 21
en juin 2009, a permis d’établir le champ d’expertise de ces professionnels à l’égard de la
santé mentale (2010). Dans le cadre du champ d’expertise ciblé, l’évaluation des troubles
mentaux (avec ou sans diagnostic) fait notamment partie des activités qui leurs sont
réservées selon des conditions spécifiques (voir section 1.5.3). À l’égard du présent
ouvrage, il s’avère essentiel de déterminer la fréquence à laquelle ces derniers sont
susceptibles d’entrer en contact avec des individus atteints du TPL, tous secteurs
d’activités confondus. Cela permettra de saisir l’ampleur de ce phénomène et d’évaluer la
nécessité de mieux le comprendre.
1.1 L’épidémiologie
Selon des données américaines rendues publiques par l’Agence de la santé publique du
Canada (2002), une proportion de 6 % à 9 % de la population souffre d'un trouble de la
personnalité. Quant au trouble de la personnalité limite, il s’avère qu’aucune étude
statistique réalisée par le Canada ou encore le Québec ne soit disponible à ce sujet.
Toutefois, l’outil de classification Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders,
4e édition, (DSM-IV-TR) indique quant à lui un taux de 2% (APA, 2001) et ce,
indépendamment du contexte culturel associé. Son incidence pourrait être en constante
augmentation selon des preuves indirectes soulevées par Millon (1993) et également par
Paris (1992) (cités par Paris, 1994). Tel que le rapporte Doucet (2006);
... la prévalence du trouble de la personnalité limite atteindrait 10% chez
les individus suivis en clinique externe de psychiatrie et 20% chez les
patients hospitalisés dans les services de psychiatrie. De plus, dans les
populations suivies en clinique externe pour des troubles de la personnalité,
12
la proportion d’individus ayant un trouble de la personnalité limite s’élève
entre 30 et 60% (APA, 2000). (p. 5)
De manière plus spécifique, le trouble survient généralement au début de l’âge adulte
(APA, 2000). Une étude de Paris et Zweig-Frank (2001) rapporte l’évolution du
diagnostic d’individus aux prises avec un TPL sur une période de 27 ans, démontrant que
le trouble se stabilise avec l’âge. Ces derniers constatent que le tiers des personnes
diagnostiquées retrouveront un niveau de fonctionnement s’apparentant à la normale au
milieu de l’âge adulte, soit vers 35 à 40 ans, tandis qu’approximativement 90% seront
rétablis à l’âge de 50 ans et ce, indépendamment du genre. Cette diminution des
symptômes avec l’âge dénote de la présence davantage marquée du trouble auprès des
populations jeunes adultes, la prévalence étant ainsi d’autant plus grande que dans la
population en générale.
En outre, Paris (1994) précise que ce diagnostic est très commun chez les jeunes femmes
et l’Association Américaine de Psychiatrie (APA, 2001) stipule que les trois quarts des
diagnostics seraient émis à des femmes. Toutefois, l’APA ajoute à ce propos que des
diagnostics de trouble de la personnalité antisociale ou narcissique seraient possiblement
attribués à tord à des hommes qui présentent en fait un TPL. Non seulement cela, l’Institut
de la Statistique du Québec (2010) rapporte que, peu importe le motif de consultation
associé, les femmes utilisent davantage les services de professionnels que les hommes,
respectivement de 13% contre 6%. Ces derniers seraient en conséquence moins
représentés en contexte clinique et qui plus est, sous-diagnostiqués. Des caractéristiques
tempéramentales pourraient expliquer ce constat selon Gunderson (2006), en raison du
besoin d’affiliation plus grand des femmes. Torgersen et al. (2001) abondent dans le
même sens. Ils ajoutent qu’il n’y aurait pas de distinctions de sexe quant à la prévalence
du trouble au sein de la population générale, ce que les recherches de Zimmerman et
Coryell (1989; 1990) appuient (cités par Torgersen et al., 2001). En d’autres termes,
l’attribution plus fréquente du diagnostic à des femmes pose en soi un questionnement au
plan de sa prévalence en fonction du genre.
13
Dans un autre ordre d’idées, au plan des risques associés à ce trouble de santé mentale, le
TPL s’accompagne généralement de comportements à risques et autodestructeurs, tels la
conduite dangereuse et les dépenses excessives, le vol à l’étalage, la boulimie, l’abus de
substances, les comportements sexuels à risque, l’automutilation et les tentatives de
suicide (APA, 2001). Une comorbidité, consistant en la présence de troubles secondaires
au trouble principal, est observée dans 60% des cas selon Kernberg (2009). L’Institut
National de Santé Mentale (NIMH) élève ce pourcentage à 80% (2010). Ce phénomène
est associé tant à l’Axe I (troubles majeurs cliniques) qu’à l’Axe II (troubles de la
personnalité et retard mental) de la classification du DSM-IV-TR dans le cas des TPL. De
sorte qu’il est commun que des troubles de l’humeur, de toxicomanie, de l’alimentation,
de stress post-traumatique, de panique et de déficit de l’attention avec hyperactivité (Axe
I) tout comme de trouble antisocial, évitant, histrionique, narcissique et schizotypique
(Axe II) soient ajoutés au diagnostic de TPL (APA, 2001). Insel (2010) rapporte les
résultats d’une étude réalisée par le NIMH établissant les fréquences relatives à la
présence de comorbidité généralement relevée lorsqu’il s’agit de TPL;
o 61% ont au moins un trouble anxieux (communément phobie spécifique ou
sociale),
o 49% ont un trouble obsessionnel-compulsif (communément lié à un trouble
explosif intermittent),
o 38% présentent une toxicomanie ou une addiction (communément l’abus ou la
dépendance à l’alcool),
o 34% ont un trouble de l’humeur (communément la dysthymie (moyenne,
dépression chronique) ou dépression majeure).
La détresse psychologique auquel il a été fait référence précédemment est par conséquent
d’autant plus grande lorsque ce phénomène est observé, tout comme le risque de suicide
(Institut de la Statistique du Québec, 2010). D’ailleurs, les actes parasuicidaires sont
présents dans 75% des cas, ce pourcentage augmentant chez les personnes ayant été
hospitalisées (Gunderson, 2006). Le suicide « réussi » ou « complété » est
14
particulièrement élevé chez les individus atteint du trouble de la personnalité limite. « ...
Le TPL est un problème de santé mentale aux conséquences dramatiques, puisqu’il est
caractérisé par un taux de suicide important, celui-ci variant entre 8 et 15% selon les
études » (Doucet, 2006, p. 5). Majoritairement, les études rapportent qu’une personne aux
prises avec un TPL sur dix parviendra à un suicide complété. Selon Hoeppli (2010), ce
taux est 50 fois plus élevé que dans la population en générale. Le tableau suivant fait état
de la variation du taux de suicide au sein de la population normale selon le groupe d’âge
et le sexe au Canada de 1950 à 2009.
Figure 1
Taux de suicide normalisé selon l’âge de 100 000 personnes et le sexe, de 1950-2009
Source : Statistique Canada (2012). Statistiques de l'état civil du Canada - Base de données sur
les décès. Tableau 051-001—Estimations de la population, selon le groupe d'âge et le sexe au 1er
juillet, Canada, provinces et territoires. Ottawa : Statistique Canada.
Statistique Canada (2012) rapporte que le suicide est parmi les principales causes de décès
indépendamment de l’âge. L’Institut précise que chez les personnes âgées de 15 à 34 ans,
le suicide est la deuxième cause de décès la plus commune. La prévalence du suicide
complété parmi les individus atteints du TPL étant nettement supérieure à celle de la
population générale et les symptômes propres au trouble ayant tendance à diminuer avec
15
l’âge, il est judicieux de croire en une prévalence marquée du taux de suicide parmi les
jeunes adultes atteints. La figure 1 permet également de constater que le taux de suicide
est plus élevé chez les hommes que chez les femmes au sein de la population canadienne.
Ces dernières étant plus portées à demander de l’aide et le diagnostic de TPL étant
possiblement attribué à tord majoritairement à des femmes, la possibilité que davantage
d’hommes atteints se suicident sans qu’aucun diagnostic n’est été émis apparaît
significative.
Selon quatre études portant sur les diagnostics psychiatriques de suicide
chez les jeunes, dont la plupart étaient mâles (Lesages et al., sous presse;
Runeson et Beskow, 1991; Rich et al., 1992; Martunnen et al., 1992)
environ le tiers de ces jeunes répondaient aux critères de la PL. Mais
comme les hommes sont moins susceptibles que les femmes de recourir à
des soins psychiatriques (Robins et Regier, 1991), les études sur les taux de
suicide dans les populations cliniques sous-estiment peut-être le risque
global associé à la PL. (Paris, 1994, p.2)
Différents facteurs peuvent intervenir lorsqu’il s’agit de suicide. Paris a publié plusieurs
parutions à cet égard. Dans un texte portant sur le suicide chez les patients présentant un
trouble de la personnalité limite (1994), il cite une étude montréalaise (Paris et al., 1988)
dans laquelle les patients atteints de TPL présentant un niveau plus élevé d’éducation
étaient plus susceptibles de réussir leur suicide. Il cite également Flavin et al. (1990),
rapportant que Stone a démontré qu’un usage comorbide de substances toxiques
augmentait le risque de suicide complété chez cette clientèle, tout comme dans la
population en générale. Une autre étude de 1989, réalisée par Paris et ses collaborateurs, a
démontré que les tentatives de suicides antérieures prédisent le suicide complété. Par
ailleurs, pour les individus qui obtiennent un traitement, le suicide se produit au cours des
cinq premières années de suivi et ce, généralement lorsqu’ils ne sont plus en traitement
actif (Paris, 1994). Il demeure que, tel que le précise l’auteur, 90% des patients ne se
suicident pas. Il propose différentes explications face à ce constat, tel que le fait que
l’impulsivité, contribuant au désir de suicide, décroît lorsqu’ils gagnent en âge.
L’expérience de vie qui l’accompagne permettrait de mieux gérer les problèmes
16
existentiels rencontrés ou encore, d’éviter des situations pouvant contribuer à leurs
tendances suicidaires, notamment les relations intimes.
À la lumière de l’épidémiologie, la prévalence du TPL apparaît significative au sein de la
population ainsi que des services d’aide. De tous les troubles de la personnalité et ce,
indépendamment des origines ethniques, le TPL est le plus fréquemment rencontré en
contexte clinique (APA, 2001), probablement en raison de la symptomatologie qui lui est
propre. Bien qu’aucune donnée à cet effet n’ait pu être répertoriée, ce constat indique
qu’il est judicieux de croire que ce trouble présente une prévalence plus élevée que dans
la population en générale dans les services d’aide tel l’orientation. De considérer que
certains milieux de travail où œuvrent les conseiller(ère)s d’orientation sont plus propices
à recevoir cette clientèle apparaît également éclairé. Une présence davantage marquée au
sein de la clientèle jeune adulte amène à penser que les conseiller(ère)s d’orientation
œuvrant auprès de ce groupe d’âge sont plus susceptibles de les rencontrer. Les tendances
suicidaires et le taux de suicide associés à ce trouble sont très élevés et très présents au
sein de ce groupe d’âge. Les conseillers et conseillères d’orientation ont donc à leur égard
un rôle important à jouer considérant leur champ d’expertise et les activités qui leurs sont
réservées ainsi qu’assurément, en regard de la finalité dramatique de ce trouble aux plans
déontologique, éthique et moral. Il s’avère par conséquent nécessaire pour ces derniers
d’en posséder une compréhension permettant d’élaborer des interventions judicieuses.
1.2 Des notions cliniques et controverses
Bien que le trouble jouît d’une grande popularité scientifique depuis les années 1980, les
chercheurs ainsi que les cliniciens ont remis inlassablement en question sa définition et
même son entité diagnostic selon les approches préconisées (Hoeppli, 2010). Cette réalité
demeure entière aujourd’hui. D’emblée, elle est représentée comme; « un diagnostic
caractérisé par l’impulsivité, l’instabilité affective et les relations instables (APA,
1987). Ses symptômes les plus communs sont les gestes et les menaces suicidaires
(Zanarini et al., 1989a) » (Paris, 1994, p.1). Pour Kernberg et Michels (2009), deux
17
notions cliniques sont généralement associées au diagnostic de trouble de la personnalité
limite.
La vision la plus ancienne est issue de l’approche psychanalytique, le TPL étant une; «
... catégorie de patients dont la structure psychologique sous-jacente n'a pas seulement le
chaos, la désorganisation, ou un défaut dans l'épreuve de réalité associée avec les patients
psychotiques, mais a aussi un manque dans l'intégration, la stabilité des relations, et la
régulation de l'affect associé à des patients névrotiques »1 (p. 505). Le TPL est ainsi
représenté aux frontières du névrotisme et de la psychose tels que l’avait identifié Stern en
1938. Selon cette approche, le trouble n’est pas un problème phénoménologique tel que la
définition subséquente le présentera, mais plutôt celui d’une structure psychologique
sous-jacente (Kernberg et Michels, 2009).
L’APA, dans la version révisée en 2000 du DSM-IV, présente une définition du trouble
s’attardant davantage aux phénomènes associés. D’emblée, il s’agit d’un trouble de la
personnalité (Axe II) du groupe B. La définition retenue renvoie à « un schéma
envahissant d'instabilité dans les relations interpersonnelles, l'image de soi et les affects,
également marqué par l'impulsivité commençant chez le jeune adulte et présent dans un
grand nombre de contexte »2 (p. 292). Elle est accompagnée de critères ou symptômes
diagnostiques (pour une description complète, voir la section 2.2). Pour Kernberg et
Michels (2009), une critique adressée à l’approche psychanalytique est la profondeur que
celle-ci nécessite, tandis que l’utilisation clinique du DSM-IV-TR ne permet qu’une
évaluation en surface de la complexité de la personnalité étudiée.
Le phénomène de comorbidité, les problèmes de faux diagnostics, la complexité de ses
symptômes ainsi que de ses causes, le manque de démonstration de la validité et de
fidélité du diagnostic, le besoin de développer une approche multidimensionnelle, la
1 Traduction libre
2 Ibid.
18
difficulté relationnelle au plan du traitement ainsi que les faibles preuves de
rétablissement clinique selon les approches préconisées ont certes contribués aux
désaccords ainsi qu’à la difficulté de conceptualisation de ce trouble. Sa complexité
dénote de l’importance pour les conseiller(ère)s d’orientation de posséder des
connaissances et des outils permettant de travailler adéquatement auprès de cette clientèle.
L’amélioration des connaissances à l’égard de l’étiologie associée à ce trouble permettra
donc de mieux en saisir la nature, l’information demeurant par ailleurs la meilleure arme
contre la stigmatisation et l’exclusion sociale.
1.3 L’étiologie
En ce qui concerne les facteurs de risques associés à l’établissement du TPL, de
nombreuses études ont été menées. Bien que thèmes récurant seront présentés
subséquemment en raison notamment de leur prévalence au sein des individus atteints, il
demeure que la relation de cause à effet entre ces facteurs n’est pas encore clairement
identifiée (Distel et al., 2009). L’élaboration d’une approche permettant leur intégration et
la clarification des connaissances à cet égard s’avérait nécessaire et non disponible à ce
jour, bien que des tentatives aient été réalisées (Trull, J. Sher, Minks-Brown, Durbin et
Burr, 2000). Somme toute, le trouble de la personnalité limite est d’origine
neurodéveloppementale (Bouchard et al., 2010). Une compréhension des facteurs
biogénétiques est conséquemment souhaitable, tout comme des facteurs d’ordres
développementaux. Trois thèmes principaux sont associés aux risques de développer le
trouble de la personnalité limite, soit les traits de personnalité, l’historique familial ainsi
que des épisodes traumatisants vécus durant l’enfance (Trull, 2001).
19
1.3.1 Facteurs biogénétiques
En raison des nouvelles percées technologiques ainsi que de la multiplication des
recherches, la part innée du trouble de la personnalité limite s’avère être supportée
seulement depuis peu par les études faites auprès de jumeaux ainsi que de familles
jumeaux (Distel et al., 2009). Une étude réalisée par Torgersen et al. (2000) auprès de
jumeaux indiquait que 69% de la variance est expliquée par des facteurs génétiques (cités
par Bandelow et Schmahl, 2010). Selon Distel et al. (2009); « Les études auprès de
jumeaux ainsi que de familles de jumeaux ont démontrées que la génétique explique
environ 35 à 50% (dont la part est indépendante) de la variance entre le trouble de la
personnalité limite et les caractéristiques du TPL »3 (p. 20). Toujours selon ces auteurs, le
chromosome 9 aurait une influence génétique sur le développement du TPL. Il aurait un
impact sur certains acteurs du système nerveux, soit la sérotonine, la dopamine et la
monoamine oxydase-A.
Afin de mieux saisir ces interactions et de pouvoir allier la compréhension
neurobiologique et psychologique du trouble, quatre principaux courants de recherches
neuroscientifiques s’attardent depuis peu au développement du TPL. Selon Bouchard et
ses collaborateurs (2010), il s’agit d’étudier; « ... les similitudes entre les effets de
lésions aux aires préfrontales cérébrales et certaines manifestations du TPL, la présence de
déficits frontaux chez les personnes souffrant d’un TPL, le développement cérébral des
enfants ayant souffert d’abus et la négligence parentale et les implications des études
d’imagerie cérébrale des mécanismes cognitifs relatifs à la théorie de l’esprit chez le
TPL » (p. 228). Dans l’ensemble, le fonctionnement neurobiologique normal est requis
afin de permettre une régulation adéquate des différentes zones du cerveau inhérentes au
mécanisme de régulation des émotions, du contrôle des impulsions ainsi que de la
perception des signes sociaux. Il semble que la réaction de certaines zones du cerveau
3 Ibid.
20
permettant la régulation normale des émotions et du traitement de l’information est
réduite chez les personnes atteintes du TPL (Gunderson, 2006).
À ce jour, des études supplémentaires doivent être réalisées afin d’allier les facteurs
psychologiques et environnementaux (lesquels seront abordés subséquemment) à une
compréhension neurodéveloppementale du trouble (Bouchard et al., 2010). Il apparaît
néanmoins qu’un pourcentage somme toute important de prédispositions génétiques
contribue au développement d’un TPL. Gunderson (2006) abonde dans le même sens,
expliquant que le trouble de la personnalité limite nécessite une base héréditaire pour se
développer; le tempérament. Il précise que trois phénomènes attribuables au tempérament
semblent être associés aux traits caractéristiques du TPL; le dérèglement de l’affect
(critères 6 et 8 du DSM-IV-TR), l’impulsivité (critères 4 et 5) ainsi que la perturbation de
l’attachement (critères 1, 2 et 6). Il s’avère que seule l’une de ses prédispositions est
nécessaire au plan génétique afin de développer le trouble selon cet auteur. Ce
développement s’effectuerait soit en limitant les bases tempéramentales, soit en les
exacerbant.
1.3.2 Facteurs psychologiques et environnementaux
La considération héréditaire appuie l’idée d’une origine génétique et ainsi familiale
contribuant aux risques de développer le TPL. Les parents eux-mêmes sont
conséquemment susceptibles d’être atteints de psychopathologies. Selon Trull et ses
collaborateurs (2000), des recherches démontrent que la prévalence du TPL et/ou de la
dépression majeure combinée à l’usage abusif de substances illicites chez les parents des
individus présentant un TPL est suffisamment significative pour ne pas être simplement
attribuée à la chance. Ces données portent à croire que la psychopathologie parentale
constitue un second facteur de risque au développement du trouble, bien qu’elle n’ait pas
été démontrée indispensable. En effet, que les parents présentent ou non une pathologie,
une relation parent-enfant dysfonctionnelle peut engendrer le trouble. Une étude (Laporte,
Paris, Guttman et Russell, 2011) appuie l’idée selon laquelle le tempérament propre au
21
TPL sera davantage affecté par une telle relation. D’autant plus que certaines personnes
évolueront sans développer le trouble comme tel bien qu’elles auront grandi dans un
environnement propice à son établissement (négligence ou anomalie dans les rapports
parentaux). Un autre facteur, soit la perte ou la séparation (deuil, divorce ou maladie) de
l’enfant avec les personnes significatives dans son développement psychologique
subséquent, s’avère également un risque au développement du TPL (Paris, 1996).
S’ajoutant à cela, Laporte et al. (2011), tout comme Paris (1996) et de nombreux autres
auteurs, ont contribué à démontrer l’importance des traumatismes vécus durant l’enfance
(agression sexuelle et/ou physique) chez les individus diagnostiqués TPL. En
comparaison des autres troubles de la personnalité ainsi que par rapport à la population
dite normale, le TPL se démarque quant à la prévalence de cet historique particulier.
Également, la gravité de ses agressions les distinguent (Paris, 1996). Une récente étude
(McGowan, King, Frankenbrug, Fitzmaurice et Zanarini, 2012) démontre la prévalence
des agressions physiques et des abus sexuels à l’âge adulte, en y ajoutant également la
présence de violence verbale et/ou émotionnelle. En comparaison des autres troubles de
l’Axe II, les patients TPL auraient plus fréquemment subit ces quatre types d’abus. Il est
toutefois judicieux de préciser à cet effet qu’aucune étude n’a pu démontrer que toutes les
personnes atteintes du TPL ont nécessairement un tel historique. Encore une fois, les
recherches de Browne et Finkelhor (1986) ainsi que de Malinovsy-Rummel et Hanen
(1993) démontrent que 80% des enfants ayant vécus des expériences d’agressions
physiques ou d’abus sexuels ne développeront pas de psychopathologie à l’âge adulte
(cités par Paris, 1996). C’est donc dire que bien que les traumatismes sont fréquemment
relatés dans l’historique des personnes atteintes du TPL, la plupart des individus ayant
vécu de tels évènements n’en développeront pas pour autant le trouble en question.
Les enfants déjà biologiquement fragiles sont les plus susceptibles de
développer une pathologie à l’âge adulte lorsqu’ils sont exposés à des
facteurs de stress psychosociaux (Rutter, 1987, 1989). De plus, les
expériences d’agression ne surviennent généralement pas de façon isolée;
elles s’intègrent en effet parfois au contexte plus global d’une famille
dysfonctionnelle (Nash et al., 1992). En général, la psychopathologie tend
22
davantage à découler d’une suite d’expériences traumatiques subies à
répétition que d’expériences ponctuelles et isolées (Rutter, 1988, 1989). De
plus, certains facteurs de résilience confèrent une protection aux enfants
contre les expériences traumatiques et contribuent à expliquer la variabilité
des réactions manifestées suite à des traumatismes subis durant l’enfance.
(Paris, 1996, p. 3)
Rutter (2006) stipule que la résilience peut être définie : « comme une réduction de la
vulnérabilité aux expériences environnementales à risques, le dépassement d'une
contrainte ou de l'adversité, ou un résultat relativement bon malgré les expériences à
risques »4 (cité par Rutter, 2012, p. 336). La résilience dans un environnement
pathologique peut permettre à l’enfant de détecter l’anomalie des relations parentales.
Ainsi, il sera à même de rechercher de nouveaux modèles parentaux ainsi que de combler
son besoin d’attachement. Il n’en demeure pas moins qu’un individu ayant vécu ce type
d’évènement traumatique pourrait être désavantagé dans son développement et engendrer
le TPL. Fonagy (2000) précise à ce chapitre quatre causes développementales possibles.
D’abord, les capacités de mentalisation ne sont pas développées dans une relation
d’attachement sécuritaire avec le parent ou la figure parentale, ce qui engendre une
certaine vulnérabilité. Ils présenteraient également une tendance émotionnelle propice à
prendre la perspective de l’autre, qu’il soit hostile ou encore agresseur, la résilience étant
d’autant moins présente. De surcroît, les relations interpersonnelles subséquentes seraient
compromises par cette vulnérabilité et par ce manque de résilience. Ils pourront par la
suite éprouver une difficulté à effectuer la séparation entre leur monde intérieur et
l’environnement, devenant ainsi à la fois hypervigilant à l’égard des autres tout en étant
critique à l’égard d’eux-mêmes. Au final, il n’en demeure pas moins que les traumatismes
ne sont pas une condition nécessaire ou suffisante pour le développement du trouble de la
personnalité limite (Paris, 1996).
4 Ibid.
23
1.3.3 Facteurs sociaux et culturels
Bien que les diverses études s’attardent principalement aux facteurs de risques
susmentionnés, Gunderson (2006) note que des facteurs sociaux et culturels sont
susceptibles de contribuer à la fluctuation de la prévalence du trouble au sein de la
population. « Vivre dans une société où le rythme de vie est rapide et stressant, où il y a
une grande mobilité et où les situations familiales ont tendance à être instables à cause du
divorce, de facteurs économiques ou d’autres pressions sur les parents/tuteurs, pourrait
favoriser le développement de ce trouble » (p. 7). Paris (1997), rapportant les propos de
Rutter (1987), stipule que les traits de personnalité sont la combinaison du tempérament
(génétique) et de l’apprentissage social. Il ajoute à ce chapitre que la perte de liens solides
avec la famille élargie, la perte du sens de la communauté, la perte de valeur consensuel
au plan sociétal, la difficulté de développer des rôles sociaux tout comme de choisir une
carrière ou un partenaire de vie ainsi que la fragilité du réseau social sont susceptibles de
constituer des facteurs de stress importants. L’éducation pourrait également s’ajouter à ses
facteurs (Paris, 2001). Dans le cas d’une personne prédisposée génétiquement et évoluant
dans une famille dysfonctionnelle, ces facteurs supplémentaires de stress peuvent ainsi
contribuer au développement du trouble (Paris, 1997). Le tableau suivant fait été des
principales causes inhérentes au développement du trouble de la personnalité limite, outre
les facteurs sociaux ci-haut nommés.
24
Figure 2
Modèle neurocomportemental du trouble de la personnalité limite
Source : Lied, Zanari, Schmahl, Linehan et Bohus, 2004, p. 454
1.4 Les conséquences
Malgré la prolifération des recherches sur le trouble de la personnalité limite, plusieurs
mystères concernant l’interaction entre les différents facteurs susceptibles d’y contribuer
perdurent. Cette relation permettant de saisir le trouble afin d’en arriver à mieux adapter
l’intervention et le traitement aux particularités de l’individu, des recherches
supplémentaires s’avèrent nécessaires. Car en effet, ce trouble est le plus répandu des
troubles de la personnalité ainsi que le plus dévastateur (suicide). Ainsi, les enjeux tant au
plan des individus affectés que de leurs familles, des professionnels qui les côtoient, des
organisations qu’au plan sociétal sont indéniables.
Facteurs génétiques
Comportements mésadaptés,
autodestructeurs, suicide
conflit et déficit psychosociaux
Difficultés ou
traumatismes
vécues à l’enfance
Dérèglement
de l’affect
Impulsivité
25
1.4.1 Au plan individuel
Les conséquences relatives au trouble de la personnalité limite sont nombreuses pour
l’individu qui en souffre en raison de l’instabilité qui les caractérise (APA, 2000). Malgré
tout, tel que le rapporte Nehls (1999), peu d’études ont été réalisées sur ce
qu’expérimentent au quotidien les individus atteints suite à l’obtention d’un diagnostic.
En effet, une majorité d’écrits portent sur la prévalence, le traitement et la gestion des
soins offerts à ces derniers. Ou encore, les principaux ouvrages recensés émettent le point
de vue des professionnels quant aux conséquences du trouble, lesquels seront détaillés
plus loin. Nehls (1999) a toutefois réalisé une étude qualitative auprès de 30 patientes
bénéficiaires de services de psychiatrie répondant aux critères diagnostiques émis par
l’APA et étant en situation économique précaire. Lors de son étude, trois thèmes
principaux sont ressortis lors des entrevues semi-dirigées.
Premièrement, selon les participantes, les gens tout comme les professionnels ont
généralement une opinion défavorable du TPL. Le diagnostic revêt donc pour elles une
étiquette sociale à connotation négative. De ce fait même, la crainte d’être potentiellement
maltraitée et le sentiment d’être davantage marginalisé augmentent. Deuxièmement, elles
encouragent les professionnels à ne pas percevoir leurs gestes d’automutilation et leurs
tendances suicidaires comme une forme de manipulation et de contrôle, mais bien comme
un moyen de gérer leur souffrance émotionnelle intense. Et troisièmement, elles estiment
que l’accès aux services d’aide ainsi qu’aux professionnels est limitée en termes de temps
et manque d’opportunité de dialogues significatifs. Les conséquences perçues au plan
individuel par ces femmes permettent de comprendre que de leur point de vue, le
diagnostic de TPL a des impacts négatifs sur la perception des autres à leur égard,
augmentant ainsi leur sentiment de mal-être. La stigmatisation sociale à laquelle il a été
fait référence auparavant semble ainsi être confirmée par ces dernières. Cela renforce la
croyance d’une nécessité de véhiculer une information juste à propos du trouble de la
personnalité limite afin que les professionnels eux-mêmes ne renforcent pas ce sentiment.
26
En effet, ces conséquences ne sont pas indifférentes de la détresse émotionnelle élevée
chez les individus atteints. Au plan identitaire, ce trouble est caractérisé entre autre par
une relative incapacité à se définir soi-même. Ils peuvent ainsi présenter une difficulté à
se rappeler de leur passé tout comme à se projeter dans le futur. Leur souffrance
psychologique n’y est pas indifférente, la détresse émotionnelle étant intense en raison du
grand vide intérieur que ces gens ressentent. « Ils ont fréquemment le sentiment de ne
pouvoir s’en sortir et cela se reflète par des sentiments d’angoisse, de découragement,
jusqu’à présenter fréquemment des idées et des gestes suicidaires » (Boucher, Drolet et
Villeneuve, 2005, p. 2). Le taux de suicide (d’environ une personne sur dix) observé chez
les personnes atteintes du TPL dénote sans contredit de ce que vivent ces gens au plan
émotionnel. S’ajoutant à cela, la coprésence d’autres troubles de santé mentale dans la
majorité des cas (Kernberg et Michels, 2009) rend davantage malade l’individu atteint et
complexifie le traitement. Également, ces derniers présentant une tendance à adopter des
comportements autodestructeurs, plusieurs abuseront de l’alcool, de drogues ou de
médicaments, s’engageront dans des dépenses majeures impulsivement, auront une
alimentation inadéquate, pourront commettre des vols, avoir des comportements sexuels à
risque, avoir une conduite dangereuse, etc. (Boucher et al., 2005).
Puisqu’une instabilité généralisée est caractéristique des TPL, les différents sphères de la
vie de l’individu en sont affectées. De même, Reed (2001) précise que la productivité, les
loisirs, les interactions sociales, les activités de la vie quotidienne et domestique sont
perturbés, bien qu’en surface la personne atteinte puisse paraître fonctionnelle (cité par
Doucet, 2006). Une attitude de « tout » ou « rien », de « noir » ou « blanc », de clivage
selon les psychanalystes (Delaney, Yeomans, Stone et Haran, 2008) ou encore de pensée
dichotomique pour les cognitivistes (Kaplan et Sadock, 1998) (cités par Doucet, 2006) est
communément observée chez les personnes ayant ce trouble. Ce fonctionnement les
amènera à pouvoir vivre hostilité et dépendance à l’égard des autres, de telle sorte que le
fonctionnement « normal » ou « adéquat » en société est compromis. « Les patients aux
prises avec un trouble de personnalité limite ont par définition une personnalité non
27
fonctionnelle sujette à réagir aux changements et aux stress psychosociaux par des états
de crise récurrents. » (Renaud, 2004, p. 241). Leur difficulté à être en contact avec l’autre
tout comme eux-mêmes ne seraient pas indifférente également de leur capacité réflexive,
laquelle serait compromise dans le développement de leur lien d’attachement durant
l’enfance (Fonagy, 2000). « Cette «capacité réflexive» ou «mentalisation» réfère à la
conscience de l’individu vis-à-vis ses propres pensées, sentiments et comportements, ainsi
qu’à sa conscience face à ceux des autres (Cyr et David, 2001a ; Fonagy et al., 2000 ) »
(Doucet, 2006, p. 10).
Qui plus est, selon l’APA (2000), les individus atteints du TPL présentent une propension
à mettre en échec leurs réussites potentielles. Selon les propos de Doucet
(2006); « Dawson (1988) constate également que les personnes présentant un TPL
n’arrivent pas à se définir comme compétentes, responsables ou ayant une valeur au sein
de la société. Cette difficulté à se définir peut les pousser à multiplier les gestes
suicidaires » (p. 9). Ainsi, l’accumulation d’expériences négatives pour l’individu dénote
entre autre de sa difficulté à fonctionner au quotidien de manière adéquate. La souffrance
émotionnelle est ainsi d’autant plus grande et augmente en elle-même le risque d’échec ou
d’abandon réel ou perçu, tout comme la possibilité de passage à l’acte.
Dans l’ensemble, les conséquences vécues par les individus atteints du trouble de la
personnalité limite sont nombreuses. Leur difficulté à entrer en contact avec autrui et eux-
mêmes de manière adaptée découle tant de leur propension à vivre des émotions
démesurément contrastées, leur peur d’être abandonnés tout comme de leur capacité
réflexive réduite. Plusieurs personnes atteintes en viendront même à ne plus avoir de
réseau social (Koekkoek, Van Meijel, Schene et Hutschemaekers, 2009), à l’exception
probable des services d’aide. Cette difficulté s’ajoute à leur tendance à l’échec, à la
coprésence d’autres troubles de santé mentale, aux comportements autodestructeurs ainsi
qu’au risque suicidaire qui les caractérisent. Devant sa prévalence dans la population et au
sein des services de relation d’aide ainsi qu’en regard de le dessein dramatique associé au
28
trouble, il y a tout lieu de considérer que ce trouble nécessite une attention particulière par
les professionnels.
1.4.2 Au plan relationnel et organisationnel
L’APA (2001) précise que « le trouble de la personnalité limite provoque une détresse
ainsi qu’une détérioration sur le plan social, occupationnel ainsi que dans les différents
rôles qu’occupe la personne atteinte, en plus d’être associé à des comportements
autodestructeurs (par exemple, des tentatives de suicide) ainsi que des suicides
complétés »5 (p.7). Une instabilité marquée dans différents domaines de vie (relations
interpersonnelles, émotions, image de soi, impulsivité) est communément observée (APA,
2001). Les relations familiales, amoureuses ou d’amitiés, la sexualité, tout comme le
travail sont susceptibles d’être affectés. Le découragement, l’impuissance, la colère,
l’angoisse tout comme la peur sont vécues par l’entourage des individus diagnostiqués,
que ce soit au plan de la famille ou du couple (Boucher et al., 2005). L’instabilité de
l’humeur caractéristique chez ses individus compromet sérieusement les relations sociales
qu’ils entretiennent, le tout n’étant pas indifférent de la complexité pour la famille et les
proches de venir en aide à ces derniers. L’anxiété que leurs comportements
autodestructeurs génèrent est également certes difficile à gérer pour leurs proches. Pour
Oldham (2004), leur entourage tout comme les professionnels qui les rencontrent en
viennent à les trouver pénibles et épuisants (cité par Doucet, 2006).
En effet, les professionnels de la relation d’aide et ainsi les c.o. qui les côtoient sont
également susceptibles de vivre ces conséquences au plan émotionnel. Selon Bouchard
(2010), les intervenants en santé mentale seront confrontés à un sentiment d’impasse au
contact de cette clientèle. Tel que le rapporte Cousineau (1997), les patients limites sont
susceptibles d’adopter deux attitudes extrêmes à l’égard de leur thérapeute. Tantôt ils les
idéaliseront et s’y accrocheront de façon démesurée, tantôt ils les dévaloriseront et les
5 Ibid.
29
détesteront à l’excès. Une réputation de « patients difficiles », notamment pour la relation
thérapeutique qui les caractérisent, mais également en raison de leur propension au
suicide, leur est attribuée à tord ou à raison. Masterson (conférence à l’Institut Philippe
Pinel de Montréal, le 22 novembre 1996) exprime l’idée selon laquelle une partie de la
littérature présenteraient davantage les réactions des thérapeutes que des patients eux-
mêmes. En effet, le contre-transfert est fréquemment vécu avec cette clientèle (cité par
Cousineau, 1997). « On peut y retrouver le fantasme du «sauveur», la réaction de mépris
pur et simple (en écho au mépris du patient pour lui-même), le sentiment de colère, la
peur des poursuites judiciaires, etc. » (Cousineau, 1997, p. 5).
Selon une étude réalisée par Koekkoek et al. (2009) auprès d’experts de cette clientèle, la
difficulté majeure se situe au niveau de leur lien d’attachement. Ces derniers ont besoin
d’établir ce lien avec le professionnel afin de bénéficier du traitement. Par contre, ils
peuvent également développer un lien tel qu’ils deviendront des utilisateurs à long terme
des services. Les rechutes sont également difficiles à gérer pour les professionnels devant
s’y adapter (c’est-à-dire annuler leurs rendez-vous, être présents lors d’une crise qui peut
survenir à tout moment, etc.). Le fait que ces individus n’ont souvent pas d’emploi,
d’argent, de réseau social ou encore de maison s’ajoute aux difficultés, complexifiant le
traitement et augmentant la fréquence de la demande d’aide. Les professionnels qui ne
sont pas attitrés spécifiquement à cette clientèle en viennent également à devenir
pessimistes quant aux chances de guérison du patient, n’étant pas fréquemment présents
lors de réussites vécues. Tel que le rapporte l’auteur « Les patients sont perçus comme
imprévisibles et avec lesquels ont ne peut établir de lien. À ce point, il s’agit d’un petit
pas vers « blâmer » le patient »6 (Koekkoek et al., 2009, p. 511). En effet, selon Betan,
Heim, Conklin et Westen (2005) des attitudes et des sentiments contre-transférentiels
négatifs sont fortement associés aux professionnels qui œuvrent auprès de cette clientèle
(cités par Bouchard, 2010). Certains professionnels en arriveront à développer des
stratégies afin de ne pas traiter le patient.
6 Ibid.
30
Au plan organisationnel, selon le Ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec
(Gouvernement du Québec, 2013); « les problèmes de santé mentale au travail ont un
impact négatif sur les organisations, que ce soit en termes d’absentéisme, de présentéisme
et des coûts qui en découlent, de baisse de productivité et de rotation de personnel. […]
La santé mentale est tributaire, en bonne partie, des relations qu’une personne entretient
avec son entourage ». De tous les troubles de la personnalité, le TPL s’avère être le plus
fréquemment rencontré en contexte de travail. Le travail étant un lien favorisant les
relations interpersonnelles, ce trouble peut compromettre sérieusement ses relations, tant
pour lui que pour l’environnement de travail.
En outre, étant notamment caractérisé par une peur réelle ou imaginé d’abandon, ce
trouble peut amener les individus qui en souffrent à pouvoir accuser les autres de mal
faire le travail lorsqu’ils sont sur le point d’obtenir une réussite potentielle (tendance à
l’auto-sabotage). Ils peuvent également prétendre que leur milieu de travail les amènent à
vouloir se suicider (Mc Donald, 1996). Mc Donald (2003) explique qu’il est commun
d’observer chez les gens présentant un trouble de la personnalité une tendance à la
victimisation, à l’irritabilité, au perfectionnisme, à la manipulation, à des propositions
sexuelles, etc. Toujours selon l’auteur, il en résulte ainsi qu’ils seront plus portés à se
déclarer victime d’une injustice, d’agression ou de discrimination, ce qui augmente la
probabilité de poursuite judiciaire contre un employeur. Par exemple, ils pourront
idéaliser un superviseur, puis le critiquer et réagir avec des émotions ou une conduite
inadaptée. Leur perception des évènements étant altérée, il est possible qu’ils s’imaginent
des évènements qui ne sont pas survenus et s’en déclarer victime. Parfois, ils en arriveront
à créer eux-mêmes les situations imaginées (autoprophétie). En cour, le fait que leurs
tendances naturelles à engendrer de tels comportements proviennent de leur enfance et
qu’ils sont présents bien avant l’arrivée en emploi diminue la valeur de leur témoignage.
Dès qu’un employé est reconnu comme présentant un diagnostic de trouble de la
personnalité, ses revendications au plan de la loi peuvent perdre de la crédibilité pour ces
raisons. La stigmatisation sociale apparaît ainsi être sanctionnée.
31
1.4.3 Au plan social
7,331 milliards de dollars représentait en 1993 le coût estimé inhérent aux maladies
mentales au Canada (Santé Canada, 2002). En dépit des difficultés éprouvées au plan de
l’intervention auprès du trouble de la personnalité limite, les gens affectés sont les plus
nombreux à demander de l’aide de tous les troubles de personnalité (APA, 2001).
Zanarini, Frankenbrug, Henne et leurs collaborateurs (2004) rapportent que « près de 95%
des patients souffrant d’un TPL ont tenté de profiter d’une psychothérapie individuelle,
72% ont déjà été hospitalisés et près de 70% ont une prescription pour trois médications
psychotropes ou plus » (cités par Bouchard, 2010). De surcroît, le fait de demander cette
aide n’est pas en soi garant du traitement. Tel que le rapporte Delaney et al. (2008);
« Avec tous les soutiens existants et accessibles aux patients, il s’avère souvent
«avantageux» de rester assez malade pour y rester admissible. Michael Stone
(communication personnelle) a calculé qu’il faudrait que le patient gagne une fois et demi
le montant d’argent qu’il reçoit des prestations sociales pour qu’un retour au travail en
vaille la peine » (p.19).
Pour Morissette et Parisien (1996), les nombreuses consultations aux urgences ainsi que
les hospitalisations répétées sont directement liées aux symptômes propres au TPL (cités
par Doucet, 20006). Plusieurs auteurs (APA, 2000; Bender et al., 2001; Cyr et David,
2001a; Dawson, 1988; Hull, Yeomans, Clarkin, Li et Goodman, 1996; Swarts et al., 1990;
Zanarini, 2000) s’accordent pour dire que ces individus sont les plus grands utilisateurs
des services de santé (cités par Doucet, 2006). De même, selon Powers et Thomas (2012),
des études (Bender et al., 2001; Frankenburg et Zanarini, 2006; Powers et Oltmanns, sous
presse) ont montré que des problèmes de santé physique (perception de l’état de santé ou
problèmes réels) sont associés au TPL. Des problèmes de santé chroniques (maladies
cardiaques, arthrite, obésité, etc.) semblent y être liés (Powers et Thomas, 2012). Leurs
traitements s’ajoutent donc aux coûts relatifs au trouble.
32
Figure 3
Hospitalisations pour troubles de la personnalité* dans les hôpitaux généraux pour
100 000 par groupe d’âge, Canada, 1999-2000
Source : Agence de la Santé publique du Canada (2012). Les troubles de personnalité. Rapport
sur les maladies mentales au Canada. Ottawa : Institut canadien d’information sur la santé.
La figure 3 dresse un portrait des taux d’hospitalisation attribuables aux troubles de la
personnalité au Canada de 1999 à 2000 en fonction du sexe et de l’âge des patients.
Toutefois, tel que le rapporte l’Agence de la santé publique du Canada (2002), à ces
données doivent être prise en compte l’importance statistique des comportements
suicidaires relatifs à ces hospitalisations. En effet, une majorité de femmes souffrant d’un
TPL sont reflétées dans ces données en raison des symptômes associés et de
l’épidémiologie précédemment définie. Par le fait même, de considérer que le trouble
apporte des coûts majeurs à la société s’avère exact. Les difficultés d’intégration
socioprofessionnelle vécues par les personnes atteintes tout comme la perte de
nombreuses vies humaines s’ajoutent également au déficit collectif relatif au trouble.
33
1.5 L’intervention
Les conséquences du TPL ne se limitent pas à l’individu qui en souffre et s’inscrivent
dans un système complexe de relations avec les autres et l’environnement. Bien que cette
clientèle semble être fréquemment relatée comme «difficile» par les professionnels et que
le traitement s’avère complexe, la recherche d’aide et de support quant à leur détresse
émotionnelle est commune. D’emblée, lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de cette
clientèle, une conscience des services qui leurs sont accessibles, la structure pour y
accéder ainsi que le respect des aspects légaux et déontologiques sont d’importances, tout
comme les traitements disponibles. Étant donné la fréquence à laquelle elle est susceptible
d’entrer spécifiquement en contact avec des conseillers d’orientation, de bien saisir le rôle
de ces derniers à son égard ainsi que de connaître les concepts inhérents à cette pratique
s’avèrent nécessaires.
1.5.1 Perspective médico-légale et institutionnelle
Différents professionnels gravitent autour de cette clientèle et peuvent être habiletés à
effectuer l’évaluation du trouble ou encore, s’ils sont titulaires du permis, offrir des
services de psychothérapie (conseiller(ère)s d’orientation, psychologues,
psychothérapeutes, travailleurs sociaux, infirmiers, ergothérapeutes) (OCCOQ, 2011). Il
n’en demeure pas moins que les médecins psychiatres sont les seuls à pouvoir
émettre « un diagnostic basé sur une évaluation complète incluant un examen mental et
physique, des analyses de laboratoires, de l’imagerie médicale et une histoire
psychosociale détaillée » (Association des Médecins Psychiatres du Québec, 2012). Ces
médecins spécialistes en maladies mentales abordent l’individu selon une approche
biopsychosociale, permettant d’établir tant le diagnostic que le traitement ainsi que la
prescription pharmacologique. Ces derniers se retrouvent en cabinets privés ainsi qu’à
l’hôpital en services de psychiatrie. Au Québec, la référence à ceux-ci doit être faite par
un médecin de famille et leurs frais sont entérinés par la Régie de l’Assurance Maladie du
Québec (RAMQ).
34
De plus, les Centres de Santé et des Services Sociaux (CSSS) sont responsables d’offrir
l’accès aux services en matière de santé mentale au Québec, de l’enfance à l’âge adulte
(http://santemontreal.qc.ca). Ils ont pour mandat de procéder à l’évaluation de la situation
de l’individu et déterminent l’aide à lui offrir en conséquence. Cette évaluation se fait
notamment par les Centres Locaux de Services Communautaires (CLSC), les cliniques
médicales et les hôpitaux de soins généraux et spécialisés. Selon les besoins ciblés, ils
peuvent faire appel aux centres de crise, aux urgences psychiatriques, à des professionnels
de la santé mentale (équipe multidisciplinaire œuvrant au CSSS), des centres de
réadaptation, des organismes communautaires, etc. Lorsque la sécurité de l’individu
présentant un trouble de santé mental est compromise, ce dernier est référé à l’urgence
psychiatrique. Rattachée à un hôpital psychiatrique ou à un hôpital de soins généraux, ce
service procède à l’accueil et au triage, à l’évaluation médicale et psychiatrique, au
traitement et à l’hospitalisation de l’individu au besoin (http://santemontreal.qc.ca). Tant
les centres de crise que le service d’urgence simple ou d’urgence psychiatrique sont
ouverts en tout temps. Selon l’Agence de la santé publique du Canada (2002), les
individus souffrant d’un TPL sont, de tous les troubles de la personnalité, les plus souvent
hospitalisés. Le taux élevé de comportements suicidaires explique ce constat.
L’évaluation du risque suicidaire est ainsi primordiale dans l’intervention auprès de ces
individus et peut entraîner l’hospitalisation. En matière de loi, tel que le stipule la Charte
des Droits et Liberté de la personne, chapitre 1, article 2; « […] Tout être humain dont la
vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie
est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique
nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou d'un autre motif
raisonnable ». Ainsi, une première évaluation à effectuer est de déterminer le niveau de
dangerosité (APA, 2001). Selon cette évaluation, l’hospitalisation peut être obligatoire.
Lors d’une hospitalisation, l’évaluation initiale recommandée par l’APA (2001) afin de
déterminer la mise en place du traitement offert à l’individu détermine à prime abord trois
35
types d’hospitalisation; partielle ou de courte durée lorsque ceux-ci ne sont pas
disponibles, de courte durée ou brève ainsi que de longue durée ou à long terme. Selon
l’Éclusier du Haut-Richelieu, dans un guide à l’intention des familles touchées par la
maladie mentale (cité par www.ffapamm.com), l’hospitalisation est recommandée
lorsqu’une période de crise ou de désorganisation sévère chez la personne est observée.
Toujours selon cette source, l’entrée à l’hôpital peut mener à trois types de gardes
(préventives, provisoires ou prolongées).
D’abord, le médecin du service d’urgence peut demander une garde préventive durant un
maximum de trois jours, avec ou sans le consentement du malade. Un psychiatre évaluera
son état, lui donnant congé s’il ne présente plus de danger. Des services de traitement lui
seront offerts. Si le psychiatre juge que l’individu présente toujours un danger, une garde
préventive sera recommandée au patient afin de procéder à des évaluations psychiatriques.
Ce dernier peut toutefois refuser et dans ce contexte, seul un tribunal peut légiférer en
faveur d’une garde prolongée en établissement. La figure suivante dresse un portrait de la
durée moyenne des hospitalisations au Canada de 1987 à 2000 pour des personnes
atteintes de trouble de la personnalité.
36
Figure 4
Durée moyenne du séjour dans les hôpitaux généraux pour troubles de la
personnalité*, Canada, 1987-1988-1999-2000
Source : Agence de la Santé publique du Canada (2012). Rapport sur les maladies mentales au
Canada – Chapitre 5 troubles de la personnalité; figure 5-6. Centre de prévention et de contrôle
des maladies chroniques. Base de données sur la morbidité hospitalière utilisée par Santé Canada.
Institut canadien d’information sur la santé
Santé Canada (2002), dans un rapport sur les maladies mentales au Canada, rapporte que
depuis 1991, la durée moyenne d’hospitalisation d’individus présentant un trouble de la
personnalité avait diminué de 50% en 1999. Ce dernier indique que davantage d’études
devraient être réalisées pour y associer clairement des causes. Des hypothèses selon
lesquelles la diminution du nombre de lits disponibles ou encore des améliorations aux
soins apportées sont toutefois soulevées dans le rapport. Selon Cousineau (1997), la
résolution de la crise est actuellement favorisée pour une majorité de patients au Québec.
Il cite à cet effet Morissette et Parisien (1997), expliquant que le retour à la communauté
passera par le biais de la normalisation rapide des comportements.
37
1.5.2 Perspective thérapeutique
Au cours de leur vie, 97% des patients atteints de TPL se présenteront pour
obtenir un traitement en services externes aux États-Unis, pour une
moyenne de six thérapeutes, 95% recevront une thérapie individuelle, 56%
une thérapie de groupe, 42% une psychothérapie familiale ou de couple,
37% un traitement d’un jour, 72% une hospitalisation en soins
psychiatriques et 24% un traitement en maison de transition. 9-40% de ces
utilisateurs réguliers des services d’hospitalisation en soins psychiatriques
sont diagnostiqués du trouble.7 (Lieb, Zanarini, Schmahl, Linehan et
Bohus, 2004, p.455)
Bien qu’une controverse subsiste quant aux traitements à favoriser auprès des individus
atteints de TPL, certains obtiennent somme toute l’accord d’une majorité de
professionnels. L’hospitalisation, la psychothérapie et la pharmacothérapie sont les trois
principales méthodes d’interventions préconisées auprès de cette clientèle (Kaplan et
Sadock, 1998) (cités par Doucet, 2006). Selon l’APA (2001), bien qu’aucune approche
n’ait été établie comme plus efficace qu’une autre, l’expérience a démontré que les gens
atteints de TPL nécessitent généralement une psychothérapie de longue durée pour que les
progrès effectués se maintiennent dans le temps. Des modèles d’interventions
d’orientations psychodynamiques/psychanalytiques et cognitive-comportementales
(thérapie dialectique comportementale) sont néanmoins présentés en tant que références
reconnues par l’APA (2001).
Somme toute, le traitement s’étant avéré le plus efficace auprès des individus atteints de
TPL demeure la psychothérapie, tandis que la pharmacothérapie peut permettre de
supporter le traitement par son intervention sur des symptômes spécifiques (APA, 2001;
Oldham, 2005). Une médication adéquate permettrait en effet de diminuer l’instabilité
affective, l’impulsivité, les symptômes de types psychotiques ainsi que les comportements
autodestructeurs; « La pharmacothérapie est utilisée pour traiter les états symptomatiques
durant des périodes de décompensations aiguës aussi bien qu’en présence de traits
vulnérables » (APA, 2001, p.12). Étant donné que les recommandations émises par l’APA
7 Ibid.
38
sont appuyées d’études réalisées avant 1998, Lieb, Võllm, Rücker, Timmer et Stoffers ont
réalisé une étude parue en 2010 recensant également les recherches effectuées depuis
2009. Là encore, aucun médicament n’a été démontré comme efficace quant au TPL
comme tel, les résultats appuyant plutôt la nécessité d’une utilisation ciblée de la
médication quant à des symptômes spécifiques, la psychothérapie demeurant encore une
fois centrale au plan du traitement. Pour les auteurs, un suivi continuel durant trois mois
devrait permettre d’observer une amélioration des symptômes ciblés par la médication,
sans quoi ce traitement médicamenteux devrait être avorté. Les risques d’effets
secondaires sont également à tenir en considération (dépendance au médicament, gain de
poids, niveau élevé de cholestérol, fatigue, problèmes de mémoire et de concentration)
(Lieb et al., 2010). Dans le même ordre d’idées, Renaud (2004) apporte certaines mises en
garde à l’égard de la pharmacothérapie. Le risque de transmettre un message de
déresponsabilisation ainsi que de favoriser le désinvestissement de l’individu dans sa
guérison est d’autant plus grand plus cette technique est utilisée. Selon lui, des psychiatres
d’expériences savent que l’apport de la médication est mitigé.
Dawson et MacMillan nous mettent beaucoup en garde contre la
déresponsabilisation, l’invalidation et la prise en charge du patient atteint
d’un trouble de la personnalité limite. Le médecin doit éviter de prendre la
responsabilité de la vie du patient à sa place. De plus, ces patients sont
extrêmement sensibles au regard des autres. Par conséquent, si le médecin
juge que son patient est responsable et capable de prendre en main la
gestion de sa détresse, c’est ce message que le patient recevra et il se
mobilisera possiblement davantage. (Gamache, 2010, p.71)
1.5.3 Perspective carriérologique
Tel qu’apporter précédemment, le TPL s’avère être le trouble de personnalité le plus
fréquemment rencontré dans un contexte clinique et ce, indépendamment du contexte
culturel associé selon l’APA (2001). Pour Torgersen, Kringlen et Cramer (2001), la
symptomatologie propre au TPL augmenterait la probabilité que ces derniers consultent.
Au plan de l’orientation, un questionnement demeure quant à savoir si la prévalence du
39
trouble s’apparente davantage aux statistiques cliniques qu’à celles de la population
générale, en raison de la relation d’aide qui est associée à leur champ d’exercice. D’un
point de vue hypothétique, de considérer sa présence comme plus fréquente que dans la
population générale en raison de sa symptomatologie apparaît avisé. Par ailleurs, après
consultation du site Internet de l’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du
Québec (OCCOQ) (http://www.orientation.qc.ca), il s’avère possible d’identifier 81
membres enregistrés dont une part de leur expertise se situe au niveau de l’intervention
auprès de personnes présentant des problèmes de santé mentale ainsi que 57 au plan de
l’intervention en situation de crise et ce, uniquement en cabinet privé. Bien que ces
données ne soient pas attribuées spécifiquement au trouble de la personnalité limite, il
demeure que ces expertises y sont étroitement liées. Qui plus est, parmi les 2400 membres
de l’Ordre professionnel, il est certes possible de retrouver ces expertises au sein d’autres
milieux de travail, tel l’éducation, l’employabilité, la réadaptation, la santé et les services
sociaux, le communautaire, etc.
Il est par conséquent judicieux de croire que les conseillers et les conseillères
d’orientation du Québec sont appelés à travailler auprès d’individus présentant un trouble
de la personnalité limite et ce, tant en raison de leur milieu de pratique qu’à l’aide qu’ils
fournissent grâce à leur champ d’exercice. Sur ce point, la récente modification du Code
des professions a d’ailleurs permis d’établir le champ d’expertise de ces derniers ainsi que
les activités qui leurs sont réservées. En effet, depuis l’adoption de la Loi 21 (Article
187.1), l’évaluation « d’une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique
attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité »
(Office des professions du Québec, 2012, p.44) est une activité réservée aux c.o. en
contexte d’orientation. Ainsi, il en revient à ces derniers de porter un jugement clinique
sur l’individu présentant un diagnostic de trouble de la personnalité limite dans le cadre
de leur champ d’expertise (lequel n’est pas toutefois pas réservé exclusivement aux c.o.
outre les actes réservés par la Loi 21).
40
Toujours au regard de la Loi 21, d’autres aspects de la pratique professionnelle du c.o.
sont sanctionnés et peuvent être appliqués au TPL lorsqu’une formation supplémentaire
est effectuée ou encore si les acquis sont reconnus. En outre, une seconde activité a été
sanctionnée. Le conseiller d’orientation peut; « évaluer les troubles mentaux, lorsqu’une
attestation de formation lui est délivrée par l’Ordre dans le cadre d’un règlement pris en
application du paragraphe o de l’article 94 » (Office des professions du Québec, 2012,
p.33). Évidemment, cette évaluation doit toutefois être distinguée du diagnostic, les
médecins étant les seuls professionnels habiletés à poser l’acte médical qu’est le
diagnostic. Finalement, la pratique de la psychothérapie, soit le traitement notamment
d’un trouble mental et ainsi le TPL dans le cas présent, est dorénavant attestée comme
faisant partie de la pratique du c.o. qui possède un permis délivré par l’Ordre des
psychologues du Québec (http://www.orientation.qc.ca).
Néanmoins, devant l’épidémiologie, les symptômes, l’étiologie, les conséquences et la
complexité de l’intervention auprès de cette clientèle, il est possible de se questionner
quant à la pertinence du champ d’expertise du c.o. face à ce trouble. Notamment, leurs
propres difficultés à se définir eux-mêmes indépendamment de leur environnement, à
faire preuve d’introspection et de résilience, à se rappeler du passé tout comme de se
projeter dans l’avenir, à se considérer comme compétents ainsi qu’à ne pas saboter leurs
réussites potentielles, à maintenir des relations interpersonnelles saines avec les proches
tout comme avec l’aidant ainsi que la comorbidité qui leurs est commune et la prévalence
des tentatives de suicide ou des menaces associées peuvent faire douter de l’apport du c.o.
En effet, l’évaluation visant à prime abord tant à permettre des choix personnels et
professionnels tout au long de la vie qu’à rétablir l’autonomie socioprofessionnelle ainsi
que de réaliser des projets de carrière (OCCOQ, 2010), ces éléments peuvent se présenter
comme d’autant d’obstacles à l’atteindre de ces objectifs. Toutefois, Lacharité (2011)
rapporte que, selon un Aide-mémoire de l’Ordre;
Le travail est une sphère de l’activité humaine dans laquelle les problèmes
de santé mentale apparaissent. Soit que le travail en soit la cause, soit que
ces problèmes aient un impact sur la capacité à travailler.
41
Le conseiller d’orientation est le spécialiste de la relation individu-travail.
Cette relation entre santé mentale et travail a maintes fois été démontrée.
La relation avec le travail ou l’influence de ce dernier dans la vie des
personnes sur les plans cognitif, affectif, social et comportemental, est à
même de s’avérer un révélateur d’un trouble mental. Évaluer le trouble
mental peut être nécessaire pour s’assurer que la personne a les ressources
pour faire face aux exigences de l’insertion au travail. Autrement, une
tentative de retour présente un risque potentiel pour la santé mentale de la
personne. (OCCOQ, 2011, p.5)
Au bout du compte, le trouble de la personnalité limite peut compromettre la réussite d’un
projet professionnel particulier, le tout ayant potentiellement des impacts majeurs pour
l’individu. L’évaluation du c.o. à cet égard est d’importance, notamment en raison de son
expertise de la relation individu-travail. À cela s’ajoute également ses devoirs
déontologiques (OCCOQ, 2010). Devant les impacts potentiels d’une telle évaluation
auprès d’une clientèle vulnérable (Office des professions, 2012), il se doit de bien saisir la
complexité de la personne qui se présente à lui, tant dans les subtilités propres au trouble
qu’à son fonctionnement psychologique, ses ressources personnelles et des conditions du
milieu de manière plus globale. Si l’Ordre professionnel le sanctionne, il peut notamment
s’avérer un acteur important dans le développement de l’autonomie socioprofessionnelle
de l’individu par l’évaluation du trouble comme tel ou encore par la pratique de la
psychothérapie.
1.5.4 Orientation et trouble de la personnalité limite : absence relative de
littérature scientifique
À la lumière de l’étiologie propre au TPL ainsi qu’aux activités qui sont réservées aux
conseiller(ère)s d’orientation en matière de troubles mentaux, il est somme toute
surprenant de constater une relative absence de textes provenant de ces derniers portant
sur le sujet. La littérature recensée provient en majeure partie des psychiatres ou encore
des psychologues et parfois, d’autres professionnels des services de santé, tels les
infirmiers, travailleurs sociaux, ergothérapeute, etc. Locas (2011), dans une édition
42
spéciale portant sur la Loi 21 du magazine L’orientation publié par l’Ordre, précise que;
« Pour certains c.o., une mise à jour des connaissances et des compétences sera sans doute
nécessaire. Par exemple, un c.o. qui n’a pas été en contact depuis plusieurs années avec
une clientèle atteinte de troubles mentaux devra sans doute réviser certaines notions de
l’incidence des troubles mentaux sur le cheminement vocationnel d’une personne »
(OCCOQ, 2011, p.7). Dans ce même magazine, Goyer (2011) propose différents ouvrages
à consulter afin d’appuyer la pratique professionnelle auprès d’une clientèle atteinte de
trouble mentaux. Ceux-ci font principalement référence à des ouvrages écrits de
psychiatres ou psychologues américains. Une exception faite, un texte de monsieur Alain
Dubois, c.o. (2010), abordant le thème de l’employabilité en matière de réhabilitation.
Des recherches effectuées dans le cadre de cet ouvrage, les conseillers d’orientation
apparaissent n’avoir écrit aucun ouvrage portant spécifiquement sur le lien entre le
cheminement vocationnel ou l’insertion professionnelle et les troubles de la personnalité.
De surcroît, tel que le rapporte Diane Kjos, psychologue (1995); « peu d’attention a été
accordée, par contre, au lien entre la personnalité dite «anormale», le développement de
carrière et l’intervention en counseling de carrière »8 (p.592). Toutefois, un fait intéressant
à l’égard du trouble retenu et de l’orientation est la part importante de littérature écrite à
l’égard des concepts de personnalité dite «normale» et de carrière. En dépit de cela,
l’importance grandissante que prend cette problématique au sein des services d’aide est
soutenue. En effet, en plus des conclusions hypothétiques précédemment apportées en
raison de l’étiologie et de la symptomatologie propre au trouble, l’essai de Maltais (2012)
rapporte que selon Cournoyer (2010);
[…] la clientèle présentant des troubles de santé mentale est en
augmentation dans les organismes en employabilité. Il mentionne par
exemple des problématiques de dépression, de troubles bipolaires et de
troubles de personnalité limite, comme faisant partie des problématiques
auxquelles les spécialistes du domaine de l’employabilité doivent de plus
en plus faire face. Il peut être ajouté à cela, des problèmes de
8 Ibid.
43
consommation de drogue, de lourde médication ou de la dépendance au
jeu. (http://www.orientationpourtous.blogspot.ca)
Ainsi, l’importance de bien saisir le trouble de la personnalité limite est palpable dans ce
secteur de pratique des c.o., bien qu’aucun auteur ne puisse à notre connaissance en
revendiquer l’étude spécifique au plan de la carriérologie. Le manque de littérature sur le
sujet renforce la pertinence de cette étude, tout secteur d’activité confondu.
1.6 Question de recherche
Devant l’ensemble des informations apportées à ce stade, différents constats s’imposent ;
1. Le trouble de la personnalité limite connaît une forte prévalence au sein de la
population et ses conséquences sont non seulement nombreuses, mais peuvent
également être dramatiques.
2. En raison de la diminution des symptômes avec l’âge, les jeunes adultes sont donc
les plus susceptibles d’être affectés directement par le trouble.
3. Ces mêmes symptômes augmentent la probabilité que ces derniers obtiennent des
services professionnels auprès de conseiller(ère)s d’orientation.
4. Dans le champ d’exercice décrit par la Loi 21, l’acte d’évaluation des troubles
mentaux, lorsqu’attestés d’un diagnostic, leur est réservé.
5. Cette expertise reconnue ne semble toutefois pas être appuyée par des ouvrages
scientifiques écrits par ces mêmes professionnels. De manière spécifique, aucun
ne porte sur le trouble de la personnalité limite comme tel.
Devant à la fois le rôle du c.o. et la symptomatologie propre au TPL, ces constats posent
problème. Cela questionne l’expertise pratique des c.o. sur ce sujet lorsqu’aucune assise
théorique de ce champ disciplinaire ne semble avoir été produite. Certes, des liens entre la
personnalité dite «normale», les théories du cheminement vocationnel et le TPL peuvent
faire partie du jugement clinique du professionnel et ce sens, lui conférer cette prétention
et avec raison. Il demeure néanmoins que cette absence de littérature apporte des
44
questionnements quant aux pratiques professionnelles des c.o. auprès de cette clientèle
tout autant complexe que vulnérable. Car en effet, aucune formation supplémentaire ne
s’avère nécessaire selon la Loi 21 et il en est de la responsabilité du c.o. de demeurer à
jour pour intervenir auprès de cette clientèle (Locas, 2011) (publié par l’OCCOQ, 2011).
Cet ouvrage pourrait permettre d’apporter certaines lignes à considérer à ce chapitre. Qui
plus est, la Loi 21 porte à croire que les c.o. pourraient dorénavant être davantage
sollicités face à cette expertise en raison de la reconnaissance sociale et légale qui y est
associée et ainsi, augmenter la probabilité de rencontrer cette clientèle dans le cadre de
leur pratique professionnelle. Par conséquent, l’objectif de cet ouvrage sera de mettre en
lumière différentes pistes d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus
diagnostiqués du trouble de la personnalité limite en orientation. Il tentera de répondre à
la question de recherche suivante : comment intervenir en counseling de carrière
auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la personnalité limite?
Pour y parvenir, il sera d’abord question de mettre en lumière ce qu’est l’évaluation en
orientation comme tel. Pour faciliter la compréhension de l’évaluation du fonctionnement
psychologique, essentiel auprès des TPL, deux approches seront également présentée.
Ensuite, le trouble de la personnalité limite comme tel sera décrit ainsi que différentes
notions essentielles associées. S’ensuivra trois modèles de traitement du trouble. Le tout
permettra d’en arriver à des résultats de recherche permettant d’établir des pistes
d’intervention en counseling de carrière auprès d’individus diagnostiqué du TPL.
45
2. Conceptualisation de l’évaluation du trouble de la
personnalité limite en contexte d’orientation
Les personnes aux prises avec une maladie mentale sont souvent victimes
de préjugés. Ces préjugés sont généralement le fait d’un manque de
connaissances et d’une prolifération d’idées fausses sur la santé mentale et
sur la maladie mentale. Cette stigmatisation s’ajoute aux souffrances et aux
contraintes qui pèsent sur la personne atteinte d’une maladie mentale et
peut conduire à son exclusion sociale. Les maladies mentales ne sont pas
des faiblesses personnelles. Le mot le dit : ce sont des maladies, et elles
peuvent être soignées. La meilleure arme contre les préjugés à l’égard de la
maladie mentale est l’information. (Ministère de la Santé et des Services
Sociaux du Québec, Santé mentale, para. 1)
Le trouble de la personnalité limite est somme toute récent dans la littérature scientifique.
Il présente aujourd’hui de nombreuses appellations et sa définition même a fait l’objet de
désaccords. Ces derniers ne sont pas indifférents de la complexité de cette entité clinique
dont l’existence fût remise en question par plusieurs. Face aux préjudices potentiels
pouvant survenir auprès des individus atteints (Office des professions du Québec, 2012),
il demeure néanmoins que de posséder une information juste à propos du trouble s’avère
essentielle afin de permettre une évaluation rigoureuse en contexte d’orientation.
Devant l’importance établie de mettre en évidence les pratiques professionnelles des c.o. à
l’égard notamment de ce trouble, ce chapitre visera d’abord à définir l’évaluation en
contexte d’orientation et d’en permettre le parallèle avec la problématique retenue. Il sera
ensuite question de présenter deux approches se rapportant au fonctionnement
psychologique de l’individu en lien avec l’évaluation. Il tendra par la suite à établir ce
qu’est le TPL ou plutôt sa conceptualisation à ce jour ainsi que certaines notions
d’importances associées, tout en le considérant dans le contexte macro-psycho-
systémique dans lequel il s’inscrit.
46
2.1 Approches de counseling de carrière centré sur le
fonctionnement psychologique
Au plan du développement vocationnel d’un individu, de nombreuses théories existent et
permettent aux conseiller(ère)s d’orientation de consolider leur discipline par des
connaissances théoriques (Bujold et Gingras, 2000). De surcroît, différentes approches et
outils leur permettent d’appuyer leur pratique professionnelle par des interventions
favorisant l’alliance de travail. Dans le cadre de leur champ disciplinaire, le tout facilite
l’adaptation des c.o. à la singularité des individus rencontrés, favorisant du même coup
l’atteinte des objectifs de la démarche d’orientation entreprise. C’est d’ailleurs grâce à
l’évaluation comme telle que cette pratique adaptée aux besoins de l’individu devient
possible.
2.1.1 L’évaluation en orientation
L’évaluation s’inscrit dans le cadre d’une pratique réglementée. En effet, un consensus
général est incontestable au sein de la communauté professionnelle, soit que la situation
doit être évaluée de manière rigoureuse, première compétence définie par le Profil des
compétences générales des conseillers d’orientation (OCCOQ, 2010). Afin d’appuyer
cette compétence, l’Ordre a publié le Guide d’évaluation en orientation en 2010.
L’évaluation au regard du champ d’exercice s’y décrit comme suit;
Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les
conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que développer et
maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des
choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir
l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez
l’être humain en interaction avec son environnement. (p.3)
Au regard du profil des compétences des conseiller(ère)s d’orientation, ce guide rapporte
qu’il s’agit d’évaluer les éléments suivants :
47
o La demande d’aide ou la situation problématique;
o Le fonctionnement psychologique des personnes, dont leurs intérêts,
leurs aptitudes et leurs fonctions cognitives et affectives, en tenant
compte de leur état de santé mentale, y compris les risques suicidaires
et homicidaires;
o Le fonctionnement normal et le fonctionnement pathologique, en
tenant compte des dimensions psychologiques, sociales et physiques;
o Les enjeux présents entre les personnes et leur environnement;
o Les ressources et les limites de l’environnement;
o La situation en s’appuyant sur les connaissances théoriques et
pratiques appropriées. (p.4)
Ainsi, l’évaluation du conseiller d’orientation se base sur le fonctionnement
psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu de l’individu,
éléments en interaction constante avec ce dernier. « À l’intérieur d’un environnement
donné (conditions du milieu), le fonctionnement psychologique de la personne lui permet
une mobilisation, de façon plus ou moins efficiente, de ses ressources personnelles »
(OCCOQ, 2010, p.6). Comme le rapporte le Guide d’évaluation en orientation (OCCOQ,
2010), l’évaluation du fonctionnement psychologique, soit des caractéristiques propres à
l’individu, de l’organisation dynamique de son expérience et des effets de ces derniers sur
la vie de l’individu, se rapporte directement aux troubles mentaux et par conséquent, au
TPL. À ce chapitre, le c.o. doit tenir compte des effets du trouble en se basant sur des
référentiels reconnus en santé mentale (dont le DSM-IV-TR et la CIM-10) ainsi que de
son l’étiologie, le fonctionnement psychologique étant basé sur des facteurs biologiques,
psychologiques et sociaux. Les ressources personnelles peuvent quant à elles être
attribuables aux connaissances et au niveau d’information que possède la personne, à ses
acquis et ses compétences, aux qualifications requises, à son état de santé physique et
psychologique, à des variables sociodémographiques, etc. En ce qui attrait des conditions
du milieu, il s’agit des possibilités et des contraintes de la situation de la personne, soit les
relations entre elle et son environnement. Devant les conséquences possibles du trouble
détaillées précédemment ainsi que l’inter-influence de ces trois dimensions, l’évaluation
des ressources personnelles et des conditions du milieu tient ainsi tout autant compte du
trouble comme tel. Le tableau suivant apporte des indicateurs étant susceptibles de
correspondre à ces éléments d’évaluation.
48
Tableau 1
Quelques indicateurs des trois éléments d’évaluation
Fonctionnement
psychologique
o Tempérament
o Intérêts et valeurs
o Croyances
o Personnalité
o Besoins fondamentaux
o Sensibilité
o Estime et confiance en soi
o Stratégies d’adaptation
o Motivation
o Lieu de contrôle
o Affirmation et expression de soi
o Projets et aspirations
o Initiative, autonomie et
responsabilité
o Rigueur et discipline, etc.
Ressources
personnelles
o Connaissance de soi
o Expériences de vie,
professionnelles et scolaires
o Connaissances
o Aptitudes, habiletés, capacités
o Compétences génériques,
humaines et techniques
o Acquis formels et informels
o Contacts et réseaux sociaux
o Soutien social
o Santé physique et mentale
o Sexe, âge, apparence, situation
de handicap
o Diplôme et spécialisation
o Qualification et certification
o Langues parlées
o Permis de conduire, transport
o Revenus et actifs financiers
o Connaissance du marché du
travail
o Connaissance en technologies
des communications et de
l’information, etc.
Conditions du
milieu
o Famille, groupes de pairs,
collègues de travail et d’études,
supérieurs, enseignants :
valeurs, normes, dynamique
relationnelle, influence diverses
o Possibilités d’emploi et de
formation
o Contexte socioculturel,
institutionnel et organisationnel
o Conditions économiques
o Politiques sociales, éducatives et
du travail
o Autres lois et réglementation du
travail, etc.
Source : OCCOQ, 2010, p.8
Toujours selon le Guide d’évaluation en orientation, cette évaluation se fait
habituellement dans le cadre d’un processus d’intervention. Il est néanmoins possible
qu’une seule intervention d’évaluation soit effectuée sans que cette dernière ne soit suivie
d’un processus d’intervention, c’est-à-dire, avant que ce dernier ne débute. Comme le
guide le rapporte, cela pourrait être le cas notamment lors d’entrevue de sélection pour un
emploi ou une formation. Outre ces considérations, « le processus d’intervention pour
l’évaluation en orientation peut se développer […] à différents moments, soit avant, au
début, à la fin ou encore après un processus d’intervention en orientation » (OCCOQ,
2010, p.9). Le tableau suivant propose, à titre indicatif, différents objectifs d’intervention
susceptibles d’être rencontrés avant et durant ce processus.
49
Tableau 2
Le processus d’intervention pour l’évaluation en orientation
Avant Début Milieu Fin Après Outils
d’évaluation
selon
l’objectif de
l’intervention
(test psycho-
métrique,
entrevue
d’évaluation,
etc.)
Sélectionner
pour
l’emploi ou
la formation
Dresser la
liste des
ressources
et des
limites pour
offrir un
service
adapté, etc.
Faciliter
l’exploration
de soi
Faciliter la
connaissance
de soi
Faciliter
l’exploration
professionnelle,
etc.
Organiser
les éléments de
connaissance de soi
Organiser des
caractéristiques
personnelles pour
découvrir des
professions ou des
pistes d’emploi
Faire un suivi
de l’évolution de
l’intervention
(mesure de
l’indécision, de la
motivation, de
l’estime
de soi, etc.)
Valider le
choix
Valider la
capacité
à réaliser le
projet
retenu
Valider la
capacité
à réaliser le
plan
d’action,
etc.
Évaluer l’effet
de la démarche
Évaluer
l’effet sur le
fonctionnement
psychologique
Évaluer les
ressources
développées,
etc.
Mise en œuvre systématique du processus d’évaluation selon l’objectif poursuivi Source : OCCOQ, 2010, p.9
Ce processus permettant l’évaluation de la situation de l’individu au regard de
l’orientation est constitué de quatre phases qui surviennent de façon non-linéaire
(OCCOQ, 2010) dans l’esprit du c.o. En effet, le tout s’effectue de manière continue et
non-systématique, c’est-à-dire que ces phases se produisent conjointement avec la
pratique de ce dernier. Selon la demande ainsi que le contexte de service, il s’agit de;
o Recueillir consiste à obtenir des informations pertinentes
relativement à la situation de la personne.
o Décoder consiste à traduire les informations dans un langage clair
et spécifique à l’orientation.
o Analyser consiste en un examen systématique et méthodique des
informations recueillies et décodées dans le but d’en dégager une
compréhension suffisante de la situation de la personne.
50
o Communiquer consiste à transmettre sous forme écrite ou verbale
les informations issues du jugement professionnel à l’égard de la
situation de la personne. (OCCOQ, 2010, p.10)
En effet, selon le Guide d’évaluation en orientation (2010), la cueillette d’information
effectuée par le conseiller d’orientation tout au long du processus d’intervention présente
de nombreuses possibilités en ce qui concerne les outils auxquels ce dernier peut faire
appel. Les tests psychométriques, fréquemment associés à la pratique professionnelle des
c.o., s’avèrent être uniquement l’un des nombreux moyens pour ces derniers de recueillir
de l’information à propos de la situation de l’individu. Tant au plan de ces derniers que
des autres moyens disponibles, le c.o. se doit de considérer les enjeux positifs et négatifs
inhérents à cette collecte d’information, tout comme à la communication de son jugement
professionnel ultérieur. Au fil de cette collecte d’information, le c.o. la décode, pouvant
ainsi la traduire à l’intérieur de référentiels d’interprétation théoriques ou conceptuels
issus de son champs disciplinaire, la recadrer à l’intérieur de la demande de service ou
encore il peut tenir compte du contexte socioculturel associé. Ce faisant, il tend à
favoriser une évaluation à la fois rigoureuse et objective de la situation de la personne en
l’allégeant notamment de ses propres biais personnels. Son analyse subséquente permettra
de lier ensemble les informations et de les interpréter, le tout permettant de donner un
sens à l’intervention. « Cette analyse permet d’anticiper les répercussions possibles,
favorables ou défavorables, de divulguer ou d’intervenir sur certaines dimensions
relatives au fonctionnement psychologique, aux ressources personnelles ou aux conditions
du milieu » (OCCOQ, 2010, p.15). Dès lors, il sera en mesure de communiquer son
jugement professionnel sur la situation de la personne tout en l’adaptant aux enjeux
inhérents à cette dernière.
Devant ces balises reconnues par la communauté professionnelles comme faisant partie
intégrante de la pratique professionnelle des c.o., l’acte réservé d’évaluation en contexte
d’orientation vis-à-vis d’un individu diagnostiqué du TPL nécessite certaines précisions.
En 2011, Bastien indiquait que la Loi 21 laisse un questionnement quant au rôle du c.o. à
ce chapitre. En effet, dans un magazine publié par l’OCCOQ cette année-là, l’auteure
indique que rien ne permet d’affirmer avec certitude que cet acte réservé ne réserve en lui-
51
même l’ensemble de la démarche d’orientation aux c.o. auprès de cette clientèle. Elle
laisserait plutôt croire qu’il s’agit d’une évaluation effectuée au «début» de la démarche.
Pourtant, telle qu’elle le souligne, l’évaluation en orientation s’inscrit dans un processus
d’intervention qui débute «avant» la démarche et se poursuit même «après». « Donc, en
fait, c’est toute la démarche d’orientation qui devrait être réservée aux c.o. et non
seulement une évaluation qui serait faite en début de processus » (p.11). Toutefois, dans le
Guide d’évaluation en orientation, cette précision est apportée: « il est important de ne
pas le confondre le guide interprétatif de la Loi modifiant le code des professions et
d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations
humaines » (OCCOQ, 2010, p.2).
Plus récemment, dans le Guide explicatif du projet de Loi 21 publié par l’Office des
professions en août 2012, le champ d’exercice des c.o. précédemment cité est soutenu par
la description de ce qu’est l’évaluation et la pratique contemporaine de ces derniers.
Évaluer, dans un contexte d’orientation professionnelle, consiste à porter
un jugement clinique dans le cadre d’un processus permettant
d’apprécier la situation d’une personne au regard de son cheminement
vocationnel ou de son insertion socioprofessionnelle. Le conseiller
d’orientation détermine, par la suite, un plan d’intervention permettant
de développer chez la personne sa capacité à s’orienter, à faire des choix
personnels et professionnels et à réaliser des projets d’études ou de
carrière. Ainsi, le conseiller d’orientation doit considérer les trois aspects,
soit le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les
conditions du milieu dans l’évaluation de la situation de la personne.
Il intervient également pour que la personne maintienne des stratégies
actives d’adaptation lorsqu’elle est confrontée à des choix ayant des
impacts sur l’ensemble de sa vie, principalement sur le plan des études et
du travail.
C’est dans ce contexte que le conseiller d’orientation intervient sur des
aspects problématiques liés à l’identité et au développement de la personne,
ainsi qu’aux processus psychologiques sous-jacents.
[…] La pratique du conseiller d’orientation consiste à outiller la personne
afin qu’elle puisse développer et affirmer son autonomie professionnelle.
52
Ses interventions visent le développement de la personne en portant une
attention particulière à la dimension professionnelle. (p.17)
Bien que l’évaluation et la pratique des conseiller(ère)s d’orientation soient définies de la
sorte, le champ d’exercice du c.o. tout comme les actes réservés par la Loi 21 présentent
des explications spécifiques. D’abord, le guide rapporte que le champ d’exercice ciblé
n’est pas exclusif aux c.o. et ne leur est donc pas réservé. Toutefois, l’acte d’évaluation
des troubles mentaux (ou neuropsychologiques) attestés d’un diagnostic au regard de ce
dernier l’est. Cet acte se définit comme suit; « évaluer le fonctionnement psychologique,
les ressources personnelles et les conditions du milieu d’une personne atteinte d’un
trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation
effectuée par un professionnel habilité » (p.44). Cette spécification de l’évaluation du c.o.
au regard de cet acte réservé laisse place à une certaine ambiguïté. En effet, aucune
référence au processus «d’intervention» en orientation ni est faite comme le mentionnait
Lacharité (2011). Ailleurs dans ce même guide (p.29), il est précisé qu’un plan
d’intervention n’est pas inclus dans une activité réservée (à l’exception d’une autre
activité en vigueur pour les centres de réadaptation). Le tout laisse un questionnement
quant aux balises régissant l’évaluation réalisée par les c.o. (les objectifs de l’évaluation et
ainsi, les outils d’évaluation associés, les interventions réservées ou non, etc.).
En ce qui concerne la pratique spécifique des conseiller(ère)s d’orientation œuvrant dans
le développement de l’employabilité et cautionnées par des ententes contractuelles avec
Emploi-Québec, certains exemples sont présentés quant aux activités réservées.
« L’évaluation de l’autonomie socioprofessionnelle dans le cadre d’une référence par
Emploi-Québec; l’évaluation reposant sur un jugement clinique effectuée par les services
spécialisés de main-d’œuvre auprès de personnes handicapées; l’évaluation spécialisée de
clientèles, dans le cadre d’une référence par Emploi-Québec » (Office des professions,
2012, p.45) sont réservées aux différents professionnels visés par la Loi 21 (psychologue,
thérapeute conjugal et familial, c.o., psychoéducateur, ergothérapeute). Également, des
précisions quant aux interventions qui ne présentent aucune réserve sont apportées:
53
[…] Toute autre intervention effectuée auprès de cette clientèle
particulièrement vulnérable qui n’est pas de même nature que l’évaluation
réservée par le PL n0
21 et par le PL n0
90 peut être réalisée par tout
intervenant, notamment le soutien, l’accompagnement ou le suivi qui ne
sont pas de la nature d’un traitement médical, infirmier ou
psychothérapeutique au sens de la Loi. Des exemples d’interventions qui
peuvent être accomplies par tout intervenant, que la personne qui le
requiert soit ou non atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique
attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un
professionnel habilité :
o L’évaluation de la capacité à entreprendre une démarche vers l’emploi
réalisée par les agents d’aide à l’emploi;
o La fixation d’objectifs dans le cadre d’un programme de
préemployabilité et l’évaluation quant à l’atteinte de ces objectifs (par
exemple, l’amélioration d’aptitudes sociales, la ponctualité, l’hygiène
personnelle, l’autonomie, la capacité de s’exprimer correctement, etc.;
o L’évaluation des compétences liées à la recherche d’emploi (rédiger un
curriculum vitæ, passer une entrevue d’emploi, etc.);
o L’évaluation du potentiel d’une personne dans le cadre d’un processus
de sélection et de recrutement pour un emploi;
o L’analyse initiale des besoins d’une personne (accueil, analyse,
orientation, référence – AAOR);
o L’analyse du dossier scolaire en vue de l’inscription à l’éducation des
adultes;
o L’évaluation du rendement scolaire;
o L’utilisation de l’outil d’évaluation multiclientèle du MSSS dans le
cadre d’une demande de service de soutien à domicile;
o Les interventions destinées à la mise en œuvre des plans
d’intervention. (Office des professions, 2012, p.47-48)
Ainsi, d’autres intervenants peuvent effectuer des évaluations spécifiques comme par
exemple, l’évaluation de la capacité à entreprendre une démarche vers l’emploi. Il est
toutefois reconnu par la Loi 21 qu’ils ne possèdent pas l’expertise suffisante pour tenir
compte de l’interaction entre le fonctionnement psychologique, les ressources
personnelles et les conditions du milieu attribuables au champ d’exercice des
conseiller(ère)s d’orientation.
54
Peu importe les limites conceptuelles de l’évaluation du c.o. à l’égard de la Loi 21, la
symptomatologie propre au TPL amène un questionnement quant à ces balises permettant
à bons nombres d’intervenants de travailler auprès de ceux-ci. En effet, la difficulté de
maintenir des relations interpersonnelles stables communément associée à ce trouble
questionne la pertinence qu’autant d’intervenants puissent collaborer au mieux-être de
l’individu atteint. En ce sens, l’idée selon laquelle l’ensemble d’une démarche
d’orientation devrait être réservée aux c.o. (Lacharité, 2011) apparaît préférable pour
favoriser l’autonomie socioprofessionnelle de cette clientèle. S’agirait-il là une ambiguïté
de la Loi 21, laissant aux conseiller(ère)s d’orientation la possibilité d’exercer leur
jugement professionnel lors de l’évaluation du fonctionnement psychologique afin de
déterminer si l’ensemble de la démarche d’orientation devrait être réservé dans le cas d’un
individu en particulier? Puisqu’en effet, l’objectif de la Loi 21 est de protéger les
clientèles vulnérables et cette vulnérabilité chez les individus atteints du TPL peut
notamment passez par l’instabilité des relations interpersonnelles.
2.1.2 Le bilan de compétence
Lecomte et Savard (2004) propose un processus de bilan de compétences comportant trois
phases via l’entretien conseil. Ils abordent d’abord l’importance pour le conseiller de tenir
compte des tensions que le changement peut opérer tant cognitivement qu’affectivement
chez l’individu. Ce processus de changement génère différentes tension chez le client,
vacillant entre son désir de continuité et son obligation de changer. Ce processus vient
modifier les caractéristiques dynamiques de l’organisation de l’expérience subjective. Le
soi interne tente de se conserver (assimilation) tout en intégrant de nouvelles données
(accommodation). Il s’autorégule (mécanisme d’autoprotection) également, c’est-à-dire
que cet ajustement est progressif. Les émotions provoquées par le changement « jouent un
rôle central dans l’autorégulation et l’action » (Lecomte et Savard, 2004, p.193).
Les auteurs abordent également la dynamique des ressources personnelles et
environnementales. Le soi précédemment apporté se régule (autorégulation) et s’auto-
55
protège (maintien vs ouverture) dans un ensemble multidimensionnel. Dans cet ensemble,
à l’extérieur du soi se retrouve l’environnement physique et social, tout comme le soutien
social. Des informations facilement accessibles (formation, âge, santé, etc.) se retrouvent
également à l’extérieur de soi. À l’intérieur de cet ensemble, l’organisation de
l’expérience subjective et intersubjective (aux plans affectif, cognitif, somatique,
comportemental, relationnel et contextuel) s’y retrouve, en plus de la dynamique des
intérêts, aptitudes et valeurs. Cette expérience subjective tant à s’autoréguler en dépit des
interventions de l’environnement. Elle peut être entravée par des émotions intenses.
L’individu fait un effort supplémentaire pour se réguler dans cet ensemble
multidimensionnel. En effet, la résolution de problème implique « souvent une
réorganisation de l’expérience subjective de soi et des autres, donc un changement »
(Lecomte et Savard, 2004, p.196).
Toujours selon ses auteurs, les schémas et les croyances de l’individu sont au centre de
cet ensemble multidimensionnel. Selon Storolow et Orange (1998), les schémas sont des
conclusions émotives provenant d’interaction et de régulation intersubjectives (cités par
Lecomte et Savard, 2004). Ils débutent à l’enfance. « Ainsi, lorsqu’une personne a été
abandonnée, critiquée, surprotégée, victime d’abus, de rejet de son entourage ou victime
de privations, cela va inévitablement influencer sa façon de penser et d’agir et avoir un
impact sur ses relations avec soi et les autres » (Lecomte et Savard, 2004, p.195). Les
auteurs précisent que ces schémas sont centraux notamment parce qu’ils sont au cœur du
traitement de l’information que fera l’individu. En effet, « les individus résistent à
l’information incongruente avec les éléments contenus dans la structure du soi qui se
compose aussi des croyances et des schémas » (Lecomte et Savard, 2004, p.196).
En lien avec le bilan de compétences, les auteurs abordent la dynamique des compétences.
Ces dernières sont le fruit d’une dynamique entre les intérêts, les aptitudes, les valeurs et
les croyances qu’entretient l’individu à propos de celle-ci. L’histoire développementale de
l’individu l’amènera à croire ou non en certaines compétences selon les réponses reçues
par l’environnement. En ce qui concerne les intérêts, il est également possible de
56
participer à une activité sans que cela ne soit un intérêt. Il peut s’agir d’un mécanisme
d’autoprotection développé par l’individu. En ce sens, l’exploration des intérêts du client
est essentielle afin de savoir comment ces derniers se sont développés. Quant aux valeurs,
« elles peuvent avoir pris naissance à partir de besoins auxquels il n’a pas été répondu
(carence) ou à partir de besoins qui ont été satisfaits (réponse optimale) dans son
environnement » (Lecomte et Savard, 2004, p.199). Lorsqu’il y a carence, la valeur se
manifeste souvent avec rigidité. Une valeur est constructive lorsqu’elle participe à la
croissance de l’individu et non constructive lorsqu’elle devient un obstacle au
développement. À l’égard des aptitudes, elles peuvent avoir été développées par choix ou
par obligation. Elles ne correspondent pas systématiquement à un intérêt. Face aux
croyances, les auteurs indiquent qu’elles se construisent au « fur et à mesure du
développement des intérêts, des valeurs et des aptitudes » (Lecomte et Savard, 2004,
p.200). Ces croyances peuvent être limitatives lorsqu’elles sont irrationnels, tant à propos
de soi que les autres ou encore le système social.
En lien avec ces différents concepts, les auteurs proposent d’utiliser l’entretien conseil en
bilan de compétences. Elle y est décrite comme un processus d’’influence
interpersonnelle et intersubjective, dont l’influence est déterminante.
Dans l’organisation et la dynamique de l’expérience subjective et
intersubjective, la mobilisation d’un sens de compétence et d’efficacité
personnelle est déterminante pour en arriver à des prises de décision. De
plus, la compréhension empathique de l’expérience subjective et
intersubjective est déterminante pour mobiliser les ressources de la
personne qui consulte, et « alliance de travail » constitue un des facteurs les
plus fondamentaux du changement. (Lecomte et Savard, 2004, p.200)
Il s’agit d’un processus en trois phases. Dans la première phase (exploration), le conseiller
reconnaît et valide par l’exploration de l’expérience subjective et intersubjective. Il s’agit
de reconnaître et de valider la dynamique observée chez le client. Souvent lors de cette
phase, les tensions entre le maintien et l’ouverture au changement sont visibles. « De plus,
cette phase vise à reconnaître et valider la perception subjective et intersubjective du
57
travailleur quant à la dynamique vécue qui se manifeste souvent par un besoin de
maintenir et un espoir de changement qui semble difficile, voire impossible » (Lecomte et
Savard, 2004, p.202). De cette dynamique, il s’agit de créer l’alliance de travail. Le
conseiller et le client fixe des objectifs et se mettent en accord sur les tâches à accomplir.
Lors de la deuxième phase (compréhension), le conseiller comprend et intègre par la
clarification de l’expérience subjective et intersubjective. Cela permet de « reconnaître ses
ressources et limites personnelles et environnementales par l’identification de ses intérêts,
aptitudes, valeurs, besoins, croyances et d’autre part, la dynamique de leur tensions »
(Lecomte et Savard, 2004, p.202). La dernière phase (action) vise à identifier les enjeux et
les risques relatifs au changement. La compréhension se remplace par des options
tolérables et tangibles. Le conseiller et le client pèse les pours et les contres quant aux
options retenues pour en arriver à établir un plan d’action. Ces trois phases ne sont pas
linéaires, elles doivent être prise comme un processus hélicoïdal, c’est-à-dire qu’il y aura
durant le processus des allers-retours entre ces différentes phases. En fait, à chaque phase
se retrouvent les deux autres de façon moindre.
2.1.3 Approche centrée sur les schémas
[…] à ce jour, la pratique et les diverses conceptions de l’orientation
s’intéressent particulièrement à l’identification des ressources personnelles
et des conditions du milieu de l’individu, mais de façon moindre au
fonctionnement psychologique de celui-ci. (Cournoyer, 2012, p.5)
Le fonctionnement psychologique est central dans l’évaluation que fait le conseiller
d’orientation. L’approche centrée sur les schémas s’attarde à cette dimension de
l’individu. Young en est le précurseur. D’un point de vue théorique, l’approche a été
influencé par quatre courants : humaniste-existentiel, systémique et interactionniste,
cognitif-comportemental et psychodynamique (Cournoyer, 2012). Elle comporte 18
schémas attribuables au fonctionnement psychologique. Selon Young, Klosko et
Weishaar (2009), les schémas sont précoces et inadaptés, en ce sens qu’ils présentent des
modèles ou des thèmes importants et envahissants pour l’individu. Souvenirs, émotions,
58
pensées et sensations corporelles constituent les schémas. Ils sont présents dans la relation
entre la personne et les autres. Ils tirent leur source lors de l’enfance ou de l’adolescence.
Voici un tableau résumant les 18 schémas précoces inadaptés.
Tableau 3
Les schémas précoces inadaptés et leur domaine
DOMAINES ET SCHÉMAS DESCRIPTIONS
Domaine I Séparation rejet - Typiquement associé à une famille d’origine instable.
- Difficulté à former des liens,
Schéma Abandon/Instabilité - Peur d’être abandonné.
- Perception du manque de stabilité ou de fiabilité dans le lien
relationnel qui existe entre le sujet et des personnes importantes.
Schéma Méfiance/Abus - S’attend à ce que les autres le maltraite, lui mentent, profitent de lui.
Schéma de Manque Affectif - Perception que les autres ne lui donneront pas le soutien affectif.
- Manque d’apports affectifs, d’empathie ou de protection.
Schéma Imperfection/Honte - Se juge incapable, présente une gêne à se comparer.
- Manque de confiance en soi.
Schéma Isolement Social - Se sent différent des autres.
- Se sent coupé, isolé du reste du monde.
Domaine II Manque,
autonomie et performance
- Les parents faisaient tout à leur place ou encore, ne s’occupait
pas d’eux.
Schéma
Dépendance/Incompétence
- Incapable de faire face aux responsabilités journalière sans l’aide des
autres.
- « Je suis incapable de… ».
Schéma Peur du danger ou de
la Maladie
- Peur exagérée d’une catastrophe éventuelle.
- Trois types : santé (par ex., contracter le sida), émotions (par ex.,
peur de perdre la tête) et catastrophe naturelle ou phobie.
Schéma
Fusionnement/Personnalité
Atrophiée
- Attachement émotionnel excessif.
- Ne peut être heureux sans l’autre.
- Sentiment d’être vide.
Schéma Échec - Croyance selon laquelle on a échoué, on échouera inévitablement et
qu’on est incapable de réussir.
Domaine III Manque de limites - Les limites en matière de réciprocité et d’autocontrôle n’ont pas
été développées.
- Égoïste, narcissique, irresponsable, incapacité à soutenir des
buts à long terme.
Schéma Droits personnels
exagérés/Grandeur
- Se croit supérieur aux autres, pouvoir.
- Exigeants, dominateurs, manque d’empathie.
Schéma Contrôle de
soi/Autodiscipline insuffisants
- Ne peut supporter d’être frustré, incapable de modérer l’expression
des émotions et des impulsions.
Domaine IV Orientation vers
les autres
- Accorde une importance excessive aux besoins des autres.
Schéma Assujettissement - Soumission excessive au contrôle des autres.
- Docilité excessive et empressement à faire plaisir.
Schéma Abnégation - Souci de combler les besoins des autres au détriment des leurs.
Schéma Recherche
d’approbation et de
reconnaissance
- Besoin excessif d’attention, d’estime.
Domaine V Sur-vigilance et
inhibition
- Répriment l’expression spontanée des sentiments et des pulsions.
59
Schéma Négativité/Pessimisme - Centré sur le négatif et minimise les aspects positifs de la vie.
Schéma Surcontrôle émotionnel - Inhibition de la colère et de l’agressivité, contrôle des impulsions.
- Importance accordée à la raison.
Schéma Idéaux
Exigeant/Critique excessive
- Perfectionnisme, règles rigides, préoccupe du temps et de
l’efficacité.
Schéma Punition - Critique, impatient, enclin à punir les autres et lui-même.
Adaptation : Young et al., 2009, p.41-49
De ces schémas, différents modes d’adaptation peuvent survenir chez les clients.
D’ailleurs, le concept de mode/schéma est né du travail avec des individus atteints du
trouble de la personnalité limite (Young et al, 2009). « Un mode de schéma représente
ceux des schémas et des réponses d’adaptation – adaptés ou dysfonctionnels – qui sont
actifs à un moment donné pour un individu » (Young et al., 2009, p.71). Il y a le mode de
l’enfant, les modes des styles adaptatifs dysfonctionnels, le mode du parent
dysfonctionnel et le mode de l’Adulte Sain. Ce dernier est favorisé en thérapie. En voici le
résumé.
Tableau 4
Modes d’adaptation
Modes de l’enfant Enfant vulnérable Abandonné, abusé, rejeté, oublié.
Enfant colérique Furieux, insatisfait, inconséquent.
Enfant impulsif Agit selon ses désirs, tendance du moment,
insouciant (soi, autres).
Enfant heureux Besoins affectifs fondamentaux comblés.
Modes des styles
adaptatifs
dysfonctionnels
Soumis obéissant Passif, impuissant, soumis aux autres.
Protecteur détaché Retiré, détaché, évitement de l’intimité.
Compensateur Veut se prouver, comportements extrêmes, inadapté,
maltraite les autres.
Modes du parent
dysfonctionnel
Parent punitif Punit un des modes d’enfant, condamne son
comportement : vulnérable, colérique, impulsif,
heureux.
60
Parent exigeant Met de la pression et punit en permanence les modes
de l’enfant par des normes excessivement élevées.
Adulte sain Qui apprend à s’apprécier, se reconnaître.
Source : Cournoyer, 2012, p.28
Cournoyer (2012) propose d’utiliser le modèle de la thérapie des schémas à l’orientation.
« L’intention en counseling de carrière n’est pas de traiter le schéma, mais d’accompagner
la personne vers la capacité d’opérer un changement de façon (plus) autonome par
différentes stratégies d’adaptation » (Cournoyer, 2012, p.32). Toujours selon l’auteur, le
modèle de la thérapie des schémas permet d’identifier chez le client sa dynamique
personnelle et d’ainsi adapter l’intervention en conséquence, sans toutefois nommer le
schéma au client comme tel. Ainsi, il s’agit d’un cadre de référence pour les conseiller
d’orientation en ce qui attrait au fonctionnement psychologique des clients. Cournoyer
(2012) émet une application du modèle de Lecomte et Savard combiné à celui de
l’OCCOQ.
Figure 5
Une approche « générique » en counseling de carrière
61
Source : Cournoyer, 2012, p.36
Selon Cournoyer (2012), lors de la première phase, soit l’exploration, le conseiller
d’orientation accompagne le client à travers son parcours personnel, ses enjeux, ses
problèmes, dans l’écoute de ses croyances, ses valeurs, ses besoins. Lors de la phase
suivante, la compréhension, le conseiller s’attarde davantage au fonctionnement
psychologique. Il veille à le comprendre via les aspects cognitifs, affectifs,
comportementaux et somatiques. Le tout influençant le traitement de l’information du
client à propos de lui-même et du monde qui l’entoure. Lors de la dernière phase, la phase
d’action, le conseiller accompagne « le client vers une action éclairée, ce qui tient aussi
bien compte du contenu (c’est quoi je veux faire ? Pourquoi je veux le faire) que de la
dynamique (comment je vais le faire) afin de ne pas reproduire des comportements
(schémas) dysfonctionnels » (Cournoyer, 2012, p.35).
2.2 Le trouble de la personnalité limite
Au cours des siècles, différents auteurs ont décrit le trouble de la personnalité limite.
C’est toutefois en 1938 que le psychanalyste Stern reprit l’expression «borderline» ou
62
«limite». Le terme «limite» signalait ainsi sa position dans le continuum de la
personnalité, soit à la frontière de la névrose et de la psychose.
En 1972, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande de
standardiser la classification et l’épidémiologie des troubles de personnalité
en utilisant un système multiaxial ou multidimensionnel et de proposer une
méthode pour décrire la sévérité des troubles (de Girolamo et Reich, 1993).
Répondant à ce souhait, la formulation multiaxiale du troisième manuel
diagnostique de l’Americain Psychiatric Association (DSM-III) (APA,
1980) a l’effet d’un stimulant sur les cliniciens et les chercheurs. (Renaud
et Cloutier, 1999, p. 1)
De cette recommandation, la multiplication des recherches et la prise en compte des
critiques émises (Wetzler et Dubro, 1990, cités par Renaud et Cloutier, 1999) ont mené à
la description que propose aujourd’hui le DSM-IV-TR, lequel utilise le terme borderline
personnality disorder. La Classification Internationale des Maladie (CIM-10), régie par
l’OMS, utilise le terme; personnalité émotionnellement labile type borderline ou limite. À
l’époque, la Régie Régionale de la Santé et des Services Sociaux de Québec faisait état en
1999 (cité par Doucet, 2006) des différentes appellations utilisées couramment par les
professionnels; état limite, organisation limite de la personnalité, trouble de la
personnalité, borderline et trouble sévère de la personnalité. Somme toute, les différentes
appellations attribuées au trouble sont variées et dénotent déjà d’une certaine confusion
entourant ce dernier.
2.2.1 Définitions et notions essentielles
Deux définitions sont abondamment citées dans la littérature. D’abord, la définition
officielle présentée sur le site Internet de la CIM-10 regroupe le TPL sous les troubles de
la personnalité et du comportement chez l’adulte, à l’intérieur des troubles spécifiques de
la personnalité, à titre de personnalité émotionnellement labile (F60.3);
Trouble de la personnalité caractérisé par une tendance nette à agir de
façon impulsive et sans considération pour les conséquences possibles, une
63
humeur imprévisible et capricieuse, une tendance aux explosions
émotionnelles et une difficulté à contrôler les comportements impulsifs,
une tendance à adopter un comportement querelleur et à entrer en conflit
avec les autres, particulièrement lorsque les actes impulsifs sont contrariés
ou empêchés. Deux types peuvent être distingués: le type impulsif,
caractérisé principalement par une instabilité émotionnelle et un manque de
contrôle des impulsions, et le type borderline, caractérisé en outre par des
perturbations de l'image de soi, de l'établissement de projets et des
préférences personnelles, par un sentiment chronique de vide intérieur, par
des relations interpersonnelles intenses et instables et par une tendance à
adopter un comportement auto-destructeur, comprenant des tentatives de
suicide et des gestes suicidaires.
Inclus: Personnalité: agressive, borderline, explosive
Exclus: Personnalité: dyssociale (F60.2)
La seconde, soit celle de l’APA, permet de diagnostiquer le trouble par la présence ou
l’absence des critères spécifiques aux cinq axes du DSM-IV-TR (APA, 2000), lesquels
sont présentés subséquemment.
o Axe I : Troubles cliniques
Autres situations qui peuvent faire l’objet d’un examen clinique
o Axe II : Troubles de la personnalité
Retard mental
o Axe III : Affections médicales générales
o Axe IV : Problèmes psychosociaux et environnementaux
o Axe V : Évaluation globale du fonctionnement
Positionné à l’axe II du DSM-IV-TR, le TPL se retrouve parmi les troubles de la
personnalité du groupe B. Selon Renaud et Cloutier (1999), rapportant les propos de Tyrer
(1985), les deux axes du DSM ont permis d’identifier l’opposition entre trait caractériel et
état psychopathologique. L’axe I permet d’identifier certaine pathologie et l’axe II apporte
un niveau de fonctionnement sans ses pathologies. « Un état dépressif ou anxieux à l’axe I
augmente la sévérité des troubles de personnalité et certains traits fluctuent selon la
psychopathologie. ... ». (p.11). En effet, tel que mentionné précédemment, la souffrance
64
chez l’individu atteint le TPL augmente lorsqu’il y a présence d’un autre trouble, d’une
comorbidité. Le tableau suivant apporte certaines pistes à considérer pour différencier le
TPL d’autres diagnostics.
Tableau 5
Différences entre les symptômes qui peuvent aider à distinguer le trouble de la
personnalité limite d’autres diagnostics
Symptômes TPL Autres diagnostics Dépression Humeur déprimée qui est vécue sur une
courte période ou cliniquement
intermittente
Épisode dépressif majeur: humeur
déprimée de longue durée et continue
Sautes d’humeurs Changements rapides de l’humeur allant de
la dépression à la colère, durant
généralement seulement des heures ou
quelques jours et qui sont précipités par
des évènements environnementaux
Trouble bipolaire: changement de
l’humeur allant de la dépression à la
manie, pouvant durer des semaines à
des mois et qui ne comportent
généralement aucun évènement
précipitant
Dysfonctions
cognitives
Hallucinations auditives intermittentes
liées au stress et qui sont reconnues comme
des hallucinations par le patient
Schizophrénie: Hallucinations, majori-
tairement auditives, continues et non
reconnues comme des hallucinations
par le patient
Idéation paranoïde Tendances, non-délirantes
Schizophrénie: idées délirantes
Dépersonnalisation Sentiment de perte de la réalité physique et
mentale, relié au stress
Schizophrénie: non-fréquent
Source : Paris, 2005, p.15819
9 Ibid.
65
Deux critères distincts doivent être rencontrés pour émettre le diagnostic. L’individu doit
à la fois présenter les critères généraux d’un trouble de la personnalité ainsi que ceux du
TPL (Hoeppli, 2010). Selon le DSM-IV (2000), un trouble de la personnalité se définit
comme « un mode durable des conduites et de l'expérience vécue qui dévie notablement
de ce qui est attendu dans la culture de l'individu, qui est envahissant et rigide, qui
apparaît à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, qui est stable dans le temps et qui est
source d'une souffrance ou d'une altération du fonctionnement ». Les critères propres au
TPL se rapportent comme suit ; « une instabilité omniprésente dans les relations
interpersonnelles, l’image de soi et les affects, ainsi qu’une impulsivité marquée
commençant à se manifester au début de l’âge adulte dans divers contextes, tel qu’ils se
présentent dans au moins cinq critères parmi les suivants:
1) Des efforts effrénés afin d’éviter un abandon réel ou imaginé. Remarque : Ne comprend par les comportements suicidaires ou autodestructeurs du 5
e critère.
2) Des relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par une
alternance entre les extrêmes de l’idéalisation et de la dévalorisation.
3) Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image de soi ou
de la notion de soi.
4) Impulsivité dans au moins deux domaines ayant un potentiel autodestructeur (ex.
dépenses, sexe, toxicomanie, conduite dangereuse, boulimie). Remarque : Ne comprennent pas les comportements suicidaires ou autodestructeurs du 5
e critère.
5) Comportements, gestes ou menaces suicidaires ou d’automutilations récurrents.
6) Instabilité affective causée par une réactivité marquée de l’humeur (ex. dysphorie
épisodique intense, irritabilité ou anxiété qui dure habituellement quelques heures
et rarement plus de quelques jours).
7) Sentiment chronique de vide.
8) Colères inappropriées et intenses ou de la difficulté à maîtriser sa colère (p. ex.,
sautes d’humeur fréquentes, colère constante, batailles récurrentes).
66
9) Idées passagères de persécution ou symptômes dissociatifs graves en situation de
stress. (p. 292-293)10
Tel que mentionné précédemment, seule la présence de cinq ou plus des critères du DSM-
IV est suffisante pour émettre un diagnostic de trouble de la personnalité limite. De
nombreuses combinaisons de ces derniers sont donc possibles. En effet, tel que le rapporte
l’APA, sur le site Internet du DSM-5 (http://dsm5.org), 256 possibilités de combinaisons
sont possibles à partir de ces critères. C’est donc dire que nombreuses sont les formes que
peuvent prendre le trouble de la personnalité limite.
Dans le même ordre d’idée, la difficulté de conceptualisation des troubles de la
personnalité et de trouver entente par le passé quant au TPL même n’est pas indifférente à
la complexité du concept de personnalité. Tel que cité par Saucier et Goldbreg (2006),
Allport effectua en 1937 une recension des différentes définitions attribuables au concept
de personnalité. En bout de ligne, il y constata 50 sens différents, le tout étant disposé sur
un continuum allant de façons d’être observables au moi intérieur. Il en vint à sa propre
définition d’une conception biophysique; « la personnalité, c’est l’organisation
dynamique, interne à l’individu, des systèmes psychophysiques qui déterminent son
adaptation particulière à l’environnement » (Allport, 1937, p.48) (cité par Saucier et
Goldberg, 2006, p.266). Encore aujourd’hui, plusieurs définitions sont attribuables à la
personnalité.
Selon l’OMS qui parraine la Classification Internationale des Maladies
(CIM, 1992) (de Girolameo et Reich, 1993), la personnalité consiste en un
style imbriqué de pensées, de sentiments et de comportements caractérisé
par un mode de vie et d’adaptation unique à chaque individu et résultant de
facteurs constitutionnels, développementaux et d’expériences sociales.
(Renaud et Cloutier, 1999, p. 3)
Boucher et al. (2005) précise qu’en ce qui concerne le TPL, les traits de personnalité sont
rigides, envahissants et persistants, éléments caractéristiques d’un trouble de la
personnalité. En effet, selon Renaud et Cloutier (1999), les comportements adoptés par les
10
Ibid.
67
personnes atteintes sont teintés de ces traits, produisant une réponse inflexible de
l’individu face à plusieurs situations personnelles et sociales. Une détresse subjective, un
trouble de fonctionnement social ou de performance sont ainsi vécus. Toujours selon ses
auteurs, la notion de mésadaptation dépasse en conséquence les symptômes seuls tels
qu’utilisés selon une approche catégorielle.
[…] La stabilité à travers les années et dans différentes situations est un
critère important pour le diagnostic d'un trouble de la personnalité. Les
traits de personnalité doivent ainsi être distingués des éléments qui
apparaissent pour une période limitée en réponse à des situations de stress
spécifiques. Ils doivent aussi être distingués des symptômes et réactions qui
sont dus à des états mentaux transitoires comme un trouble anxieux, un
épisode de dépression, un trouble psychotique, une intoxication par une
substance, etc. Enfin ils doivent être distingués des caractéristiques
associées à l'appartenance à une culture ou une religion.
(http://www.psychomedia.qc.ca/personnalite/dossier/les-troubles-de-la-
personnalite)
Également, « Un environnement exceptionnel ou générateur de traumatismes peut
influencer de façon déterminante la personnalité ou favoriser des manifestations
pathologiques qui modifieront la structure de la personnalité qui doit s’y adapter »
(Renaud et Cloutier, 1999, p.13). Selon Cousineau (1997), rapportant les propos de Paris
(1997), les différentes catégories de TPL sont rarement explicitées par les auteurs. Ces
dernières se situent sur le continuum de la personnalité. D’un côté, les patients
dysfonctionnels, lesquels répondent aux critères du DSM-IV (socialement inadaptés,
impulsifs, faible capacité de résolution de problème ou insight). À l’opposé, les patients
fonctionnels qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les critères du DSM-IV. Bien
que les relations intimes soient plus difficiles, il demeure qu’ils fonctionnent bien au plan
social. Ils sont moins impulsifs et ont de meilleures capacités d’insight. Entre ces
extrêmes, plusieurs variations sont possibles. Le tout influencerait la difficulté à trouver
un traitement. De même, cela relativise l’épidémiologie, l’étiologie et les conséquences
précédemment apportées, en ce sens que chaque individu diagnostiqué présentera ou non
(selon ses symptômes spécifiques), à un niveau relativement élevé ou non, ces difficultés
ou obstacles à son autonomie socioprofessionnelle. Également, selon le NIMH
68
(www.psychomedia.qc.ca), le TPL serait peut-être plus fréquent que la schizophrénie ou
le trouble bipolaire. Toutefois, « Un facteur de diagnostic inexact est la compensation
financière. Les patients reçoivent souvent un autre diagnostic officiellement, tel que le
trouble bipolaire, si leurs compagnies d'assurance ne remboursent pas pour le TPL »
(www.psychomedia.qc.ca).
Pour Gunderson (2006), des progrès importants ont été réalisés tant au plan des
connaissances que du traitement au cours des dernières décennies. Pour lui, le trouble
serait victime des symptômes qui lui sont propres ainsi que de la connotation négative
attribuable au terme «limite», amenant même certains professionnels à refuser d’émettre
le diagnostic comme tel. Selon les conclusions d’une étude réalisée par Biskin, Paris,
Renaud, Raz et Zelkowitz (2011), le trouble de la personnalité limite peut se présenter au
début de l’adolescence. Une rémission (c’est-à-dire, une atténuation des symptômes
propres au TPL) s’opèrera dans la majorité des cas au bout de quatre années. Il est en
conséquence préférable de diagnostiquer tôt le TPL et d’ainsi pouvoir favoriser le
traitement pour ces auteurs. Le tableau suivant permet une compréhension plus
approfondie des différents critères diagnostique du DSM-IV-TR.
Tableau 6
Tableau descriptif des critères diagnostiques du trouble de la personnalité limite
Critères Descriptions
1) Peur de
l’abandon
o Perception d’une séparation/rejet/perte pouvant provoquer des changements à
l’image de soi, l’affect, les perceptions ou les comportements.
o Peut ressentir une peur intense d’abandon et/ou une colère inappropriée devant
une séparation de durée limitée ou des changements imprévus.
o Incapacité à supporter la solitude et besoin d’être entouré de gens.
o Efforts effrénés pour éviter l’abandon pouvant se traduire en des comportements
suicidaires ou d’automutilation.
2) Relations
instables et
intenses
o Idéalisation ou dévalorisation des proches (sources potentielles de soins ou de
protection). Pensée dualiste « noir ou blanc » ou clivage.
o Résulte aussi d’une difficulté à contrôler les émotions et à gérer les impulsions,
d’une difficulté à tolérer la solitude et la peur du rejet.
3)
Perturbation
de l’identité
o Image de soi instable ou indistincte : les valeurs, les habitudes et les attitudes
proviennent souvent de l’environnement immédiat.
o Problèmes d’identité amplifiés en contexte de relations interpersonnelles en
raison des lacunes au niveau de l’apprentissage de l’identification de leurs
propres émotions ainsi qu’à décoder les motifs et intentions de leurs actions.
4) o Effets autodestructeurs ou du moins des intentions.
69
L’impulsivité o Abus d’alcool, toxicomanie, boulimie, sexualité à risques, conduite dangereuse.
o Diffère de l’impulsivité d’une maniaco-dépression ou du trouble antisocial.
5) Comporte-
ments
suicidaires ou
auto-
destructeurs
o Caractéristiques du trouble limite. Le diagnostic de TPL vient à l’esprit en
présence de comportements autodestructeurs récurrents.
o Peuvent se manifester à l’adolescence et être déclenchés par des menaces de
séparation, de rejet ou de responsabilités imposées.
o Ce critère permet d’établir le diagnostic de TPL chez les patients qui présentent
des symptômes de dépression ou d’anxiété
6) Instabilité
affective
o Associée au départ à la dépression et trouble bipolaire (troubles de l’humeur).
o Distinction: changements d’humeur ne durent que quelques heures (dépression
épisodique intense, agitation, colère, panique ou désespoir). Humeur
dysphorique sous-jacente est rarement soulagée.
o Réactivité extrême au stress, en particulier lié aux relations interpersonnelles.
7) Vide o Sentiment chronique de vide, décrit comme un sentiment viscéral intérieur.
o Ni un sentiment d’ennui ni d’angoisse existentielle.
o Associé à la solitude et à un grand besoin affectif.
o «Vide», «manque», «aucun sentiment, aucune pensée, aucun rêve».
8) Colère o Pourrait découler d’un tempérament excessif (cause génétique) ou de la réponse
du nourrisson à une très grande frustration (cause environnementale).
o Ressentent la colère la plupart du temps (exprimée ou non).
o Peut être provoquée par leur perception qu’une personne significative pour eux
les néglige, les prive, les abandonne ou ne se soucie pas d’eux.
o L’exprimer amène honte et culpabilité, renforçant le sentiment d’être méchant.
9) Distorsion
de la réalité
o Symptômes de dissociation : sentiment d’être dépersonnalisé ou monde irréel.
o Généralement de courte durée, ne dépassent pas quelques jours et se produisent
souvent pendant des situations extrêmement stressantes.
o Conscience d’eux-mêmes irréaliste parfois (les gens jugent ou parlent d’eux).
o Doivent être distinguées d’autres pathologies car en général, au moyen de
«feedbacks», ils sont capables d’apporter des correctifs à leurs distorsions.
Adaptation de : Gunderson, 2006, p.4-5.
2.2.2 Controverses associées
Une vision juste du TPL nécessite la compréhension de l’outil de travail qu’est le DSM-
IV-TR en tant qu’ouvrage de référence largement utilisé quant au diagnostic posé. Renaud
et Cloutier (1999), dans un texte portant sur les troubles de la personnalité et leur
difficulté conceptuelle, amènent des points de vigilance à l’égard de l’utilisation du DSM-
IV-TR en tant que modèle diagnostique. En effet, ce dernier a été publié sans que
l’étiologie, la validité et la consistance de la position théorique ne soient démontrés.
S’ajoutant à cela, étant basé sur une approche strictement catégorielle et ne tenant pas
compte de l’approche dimensionnelle (l’une nominale et la seconde ordinale), cet outil ne
tient pas compte du continuum entre trait de personnalité, trouble de la personnalité et
psychopathologie. Ils citent par exemple le continuum attentif, vigilant, hypervigilant,
méfiant et paranoïde. De même, cela a pour effet de compromettre la classification des
70
patients qui sont à la limite des catégories, n’ayant pas d’indicateurs clairs quant au
continuum. À cet égard, Morey (1988) précise que l’approche dimensionnelle
nécessiterait toutefois des tests psychométriques rarement disponibles (cité par Renaud et
Cloutier, 1999). Trull, Distel et Carpenter (2011) expriment l’idée selon laquelle
l’approche catégorielle du DSM-IV-TR est malgré tout souvent retenue en raison du fait
que le diagnostic en soit consiste en une décision catégorielle, soit de diagnostiquer ou
non, ou encore de traiter ou non le patient.
Les théories neurobiologiques, psychodynamiques, cognitives ou sociales
offrent des explications étiologiques de ces troubles et la recherche
permettra éventuellement de mieux circonscrire leur contribution
respective. Lenzenweger et Clarkin (1996, 1-36) insistent sur la nécessité
de formuler des modèles autres que simplement descriptifs, capables de
mettre en évidence l’étiologie, le mode de développement et les séquelles
développementales à long terme de ces pathologies. À l’approche
multiaxiale devrait se greffer une compréhension multisystémique qui
permettrait d’enrichir la compréhension psychodynamique classique ... .
(Renaud et Cloutier, 1999, p.2)
De nombreux autres auteurs et professionnels ont formulé des limites claires à propos du
DSM-IV-TR. L’Association Américaine de Psychiatrie, sur le site Internet du DSM-5
(http://dsm5.org) fait état des principales raisons l’ayant amenée à modifier le DSM-IV-
TR dont voici un résumé;
o Nécessité d’une approche dimensionnelle plutôt que catégorielle
o Prévalence marquée du phénomène de comorbidité au sein des troubles de la
personnalité (partant du principe d’un individu possède une seule personnalité, il
devrait en conséquence n’avoir qu’un seul trouble de la personnalité)
o Hétérogénéité extrême entre les patients ayant reçu le même diagnostic (par
exemple, dans le cas du TPL, la combinaison des critères permet 256 possibilités)
o Manque de synchronisme avec la médecine moderne (cette dernière précisant le
degré de sévérité des symptômes, contrairement au DSM-IV-TR qui présente une
évaluation dichotomique)
71
o Instabilité du diagnostic dans le temps (les traits de personnalité étant relativement
stables dans le temps, un diagnostic devrait somme toute être relativement stable
également lorsqu’il est question de troubles de la personnalité)
o Faible couverture de l’ensemble des psychopathologies (le tout créant de
nombreux diagnostics d'un trouble omniprésent de la personnalité, non spécifié
ailleurs, créant une variété de trouble de la personnalité)
o Faible validité convergente des études (l’utilisation de différentes méthodes de
mesure combinée à la grande variation au sein des caractéristiques propres aux
participants ne permettant pas de connaître à quel degré ses études diffèrent).
L’APA prévoit lancer une nouvelle édition du manuel en mai 2013, soit le DSM-5. À la
lumière de ces constations ainsi que de la collaboration à différents degrés de milliers de
professionnels, ce manuel proposera une approche hybride entre catégorie et dimension. Il
demeure néanmoins qu’à ce jour, les diagnostics de TPL sont basés sur le DSM-IV-TR. À
la lumière de cet état de fait, de questionner le professionnel ayant émis le diagnostic de
trouble de la personnalité limite apparaît être une source importante d’information pour le
conseiller ou la conseillère d’orientation cherchant à comprendre le fonctionnement
psychologique de l’individu.
2.2 Le traitement du trouble de la personnalité limite
En raison de la symptomatologie qui lui est propre, le traitement du trouble de la
personnalité limite s’avère complexe. Certains atouts de personnalité peuvent également
contribuer au traitement. « Ces traits peuvent être liés au monde extérieur : le courage, la
curiosité et la flexibilité ; d’autres sont plutôt liés à l’investissement dans le travail et les
relations humaines : l’engagement, la persévérance et la responsabilité, et, enfin, les traits
qui facilitent les relations interpersonnelles : l’humour, l’empathie et la confiance »
(Delaney, Yeomans, Stone et Haran, 1998, p.18-19). Selon Stone (1990), l’intelligence, la
beauté, la position sociale, la richesse et le talent s’ajoutent à cette liste (cité par Delaney
et al., 1998). Comme ce fut mentionné précédemment, la psychothérapie de longue durée
s’avère reconnue comme essentielle. Les modèles d’intervention psychodynamique et
72
cognitive-comportementale sont reconnues par l’APA (2001) et seront présentés
subséquemment. En raison de sa portée pratique en orientation, le modèle de la thérapie
des schémas de Young sera également présenté.
2.2.1 Modèle psychodynamique
Kernberg (1996) explique que le trouble de la personnalité limite présente un
développement carencé et une organisation primitive de la personnalité selon les auteurs
d’orientation psychodynamique (cité par Renaud et Cloutier, 1999). « Pour les troubles de
personnalité avec une composante psychodynamique, la maturation du système
neuropsychologique ou la psychothérapie peuvent améliorer les capacités d’adaptation en
favorisant la disparition progressive des symptômes avec l’acquisition de l’introspection »
(Renaud et Cloutier, 1999, p.9). Ainsi, l’amélioration des capacités d’introspection chez
l’individu atteint du trouble de la personnalité limite est importante au plan du traitement
selon cette approche. Comme ce fut apporté précédemment, les individus atteints du TPL
présentent une tendance au clivage. Ce concept freudien est défini ainsi par Kernberg
(1976);
[…] L’identité diffuse qui découle du recours dominant à la défense
primitive qu’est le «clivage» constitue la pathologie de base commune à
tous les troubles sévères de la personnalité. Le clivage est la dissociation
active de segments d’expériences, chargés positivement ou négativement,
qui survient à la suite de l’activation excessive d’affects négatifs par
rapport aux affects positifs, conséquences de dispositions génétiques et
constitutionnelles. (Delaney et al., 1998, p.15)
Pour Delaney et al. (1998), le système de valeur interne chez la personnalité limite
présente une structure pathologique. Les relations avec soi-même et autrui seront « tout
bon » (idéalisée) ou « tout mauvais » (persécutrice).
Selon l’APA (2001), la psychothérapie d’orientation psychodynamique se définit comme
suit; « la psychothérapie d’orientation psychodynamique est généralement conceptualisée
73
comme agissant sur un continuum d’intervention exploratoire et de support (aussi appelé
expressif et de soutien) » (APA, 2001, p.45)11
. L’objectif de l’intervention du côté
exploratoire du continuum est de rendre les « pattern » du patient davantage conscient, le
tout favorisant notamment la tolérance, diminuant l’impulsivité, augmentant la capacité
d’ « insight » dans les relations interpersonnelles ainsi qu’une capacité réflexive (APA,
2001). Dans les interventions de support, il s’agit de renforcer les défenses, d’augmenter
l’estime de soi, valider les sentiments, favoriser la relation thérapeutique et d’améliorer
les capacités à faire face à des émotions difficiles (APA, 2001). Le tableau suivant en
dresse le portrait du continuum d’intervention.
Figure 6
Le continuum d’intervention exploratoire/de support en psychothérapie
d’orientation psychodynamique
Interprétation Faire le lien
entre les
émotions,
pensées,
comportements
ou symptômes
avec leur sens
inconscient ou
leur origines
Confrontation Aborder des
problématiques
que le patient
ne veut
accepter ou
souhaite éviter
Clarification Reformuler
les propos du
patient dans
une vision
plus
cohérente de
ce qu’il
cherche à
dire
Encourager
à élaborer Demander
davantage
d’information
au patient
Validation
empathique Démontrer
de
l’empathie à
l’égard des
états
intérieurs du
patient
Conseil et
approbation Prescrire et
renforcer
certaines
activités qui
procurent
des
bénéfices au
patient
Affirmation Supporter
le patient
dans ses
observations
ou ses
comportements
EXPLORATOIRE
DE SUPPORT
Source : APA, 2001, p.4612
11
Ibid.
12 Ibid.
74
Deux manières d’être en intervention sont amenées par les auteurs quant il s’agit
d’intervenir auprès d’un individu atteint du trouble de la personnalité limite selon Renaud
(2004). Elle cite d’abord Gunderson (1997), lequel préconise chaleur et empathie auprès
de cette clientèle. Toujours cité par l’auteure, Galloway et Brodsky (2003) soutiennent
que certains individus atteints du TPL sont inconfortables dans cette proximité affective.
Ils recommandent une position détachée (Renaud, 2004).
2.2.2 Thérapie dialectique-comportementale
Tel que le rapporte Bégin et Lefebvre (1997), cette approche est issue des travaux du Dr.
Marsha Linehan, lesquels ont débutés vers le milieu des années 80. Cousineau et Young
(1997) rapportent que ses recherches sont les seules concluantes dans le traitement du
trouble.
La philosophie de base de l'approche de Linehan s'inspire de la notion de
dialectique de Karl Marx et d'Hegel. La réalité est un tout complexe,
chargée d'oppositions et dont les composantes sont constamment en
relation, c'est-à-dire qu'elles s'inter-influencent. L'adoption d'une
perspective dialectique suggère que dans chaque dysfonction, on retrouve
une fonction ; que dans chaque distorsion, il y a une part de vérité. La
vérité est paradoxale et ainsi des vérités qui semblent contradictoires ne
doivent pas nécessairement s'annuler l'une l'autre, ni se dominer. Par
exemple, la vérité n'est plus ceci ou cela mais bien ceci et cela. (Bégin et
Lefebvre, 1997, p.48)
Toujours selon les mêmes auteurs (1997), la dialectique signifie qu’il y a une synthèse des
deux pôles pour Linehan. Cela permet à la tendance au « noir » ou « blanc » (pensée
dichotomique) d’être intégrée par l’individu atteint du TPL. Pour Linehan, la difficulté
présentée par les individus atteints du TPL se présente au niveau des émotions. Ils
présentent une incapacité à les gérer ainsi que les comportements qui en découlent (Bégin
et Lefebvre, 1997). Les tentatives de suicides répétées seraient une manière de gérer leur
souffrance émotionnelle.
75
Afin de guider l’intervention, Linehan présente trois outils cliniques; « Il s'agit donc de
trois outils permettant de mieux comprendre l'étiologie (théorie biosociale) et le
développement du comportement problématique (principes béhavioraux) ainsi qu'un
guide pratique présentant la hiérarchie des cibles comportementales (Koerner et Linehan,
1996) » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.50). La théorie biosociale est une manière de
représenter le patient dans sa réalité. Il s’agit de la comprendre tant par ses facteurs
biologiques (grande vulnérabilité émotionnelle) qu’environnementaux (environnement
invalidant) (voir étiologie section 1.3). Quant à l’approche béhaviorale, elle consiste à
observer les comportements du patient. « Par comportement, Linehan se réfère à tout
comportement public et observable (les actions) de même qu’à tout comportement privé
et observable (les pensées, les sentiments, les souvenirs et les valeurs) » (Bégin et
Lefebvre, 1997, p.52). Concernant le guide pratique, il présente une hiérarchie des cibles
comportementales à atteindre lors du traitement. Elle comporte cinq grandes étapes, soit
le pré-traitement ainsi que les phases un à quatre.
Toujours selon le texte de Bégin et Lefebvre (1997), lors du pré-traitement, il s’agit
d’établir la décision de travailler ou non ensemble à l’atteinte des objectifs ciblés. Ils
décident alors des modalités de traitement et des objectifs à atteindre sur une période de
un an. S’ensuivra alors la phase un, nommée stabilité, sécurité et alliance thérapeutique. Il
s’agira, de manière séquentielle, de diminuer la fréquence des comportements suicidaires
et parasuicidaires, de diminuer la fréquence des comportements qui interfèrent avec la
thérapie ou qui menacent le traitement, de diminuer la fréquence des comportements qui
interfère avec la qualité de vie et d’enrichir le répertoire d’habiletés comportementales. La
phase deux, nommée exposition et examen des émotions liées au passé et aux évènements
traumatiques, a pour objectif de diminuer le stress lié aux traumatismes vécus par
l’individu.
Lors de cette étape, les objectifs principaux sont (1) reconnaître et accepter
la réalité de l'abus et du trauma, (2) réduire la part de blâme que l'individu
s'attribue, le sentiment de stigmatisation, et la fréquence des
comportements d'invalidation de soi, (3) diminuer les réponses de stress
extrêmes observées en présence d'indices associés au trauma et (4)
76
effectuer la synthèse des représentations dichotomiques de l'abus. (Bégin et
Lefebvre, 1997, p.56).
Les phases trois et quatre se nomment synthèse, respect de soi, objectifs personnels. La
phase trois « consiste à faire une synthèse des apprentissages, augmenter l’estime de soi
de la personne et travailler à l’accomplissement et à l’atteinte d’objectif personnels
choisis par la cliente » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.57). La phase quatre est une phase qui
fut ajouté récemment. Il s’agit d’aider la personne à ressentir de la joie sur une période
prolongée, en intégrant « le passé, le présent et le futur, les visions contradictoires de soi
et d’autrui et d’accepter la réalité telle qu’elle est » (Bégin et Lefebvre, 1997, p.57). Voici
un tableau représentant les différentes stratégies d’interventions dialectiques, lesquelles
peuvent permettre de valider des sentiments, expériences, pensées ou encore promouvoir
le changement.
Tableau 7
Stratégies d’interventions dialectiques
Stratégies dialectiques Description
Entrer dans le paradoxe Mettre en évidence les comportements et les pensées du client qui semble
contradictoires dans le but de montrer que deux propositions peuvent être
parfois incompatibles et parfois compatibles (ex. « Jeu veux devenir plus
autonome et je dois appeler si j’ai besoin d’aide).
Métaphores Proposer un cadre de référence différent qui lui permet de mieux
comprendre ses pensées, ses sentiments et ses comportements (ex. les
pissenlits, le tremblement de terre, le naufrage, l’échelle brûlante).
Extrapolation Consiste à prendre plus au sérieux les propos du client qu’il ne le fait lui-
même (ex. « Mon ami ne m’appelle pas ce soir, je vais me tuer ». Réponse :
« Tu veux te tuer, on va regarder cela ensemble »).
Faire de la limonade
avec des citrons
Consiste à voir les comportements problématiques du client comme un outil
ou une opportunité de pratiquer ses habiletés dans le quotidien (ex. « Tu as
un souper de famille et ça te rend excessivement anxieuse ? Parfait !
Ce sera une occasion de pratiquer tes nouvelles habiletés d'assertion
! Discutons-en davantage. »).
77
L’avocat du diable Utilisé fréquemment en phase de pré-traitement. L'objectif est d'arriver à
une synthèse entre l'argumentation et la contre-argumentation
comme par exemple : « Je sais que m'engager dans une thérapie va
me demander beaucoup d'énergie, mais j'ai vraiment besoin d'aide. »
Permettre le
changement naturel
Consiste à « permettre le changement naturel » dans l'environnement
thérapeutique (placer différemment le mobilier de la salle d'entrevue,
non pour habituer la cliente au changement mais pour ne pas
s'empêcher de le faire si on en a envie).
Wise wind (sagesse
intérieure)
consiste à aider la cliente à intégrer à la fois la raison et les émotions,
à avoir accès à des réponses plus intuitives et spontanées. La cliente
apprend à prendre des décisions non pas seulement parce que « il le
faut absolument » ou parce que « j'en ai drôlement envie » mais
parce que « c'est efficace de le faire » compte tenu des facteurs de
réalité et des émotions ressenties.
Évaluation dialectique L'intervenant et le client recherchent les éléments valides des
explications du comportement ou des événements qui sont rapportés
lors des séances.
Adaptation : Bégin et Lefebvre, 1997, p.60-61
D’autres stratégies d’intervention sont à la base de l’approche comportementale-
dialectique. D’abord, un équilibre est recherché entre la validation (acceptation) et la
résolution de problème (changement).
Selon Linehan, il y a six degrés de validation : (1) observer et écouter de
façon non biaisée la cliente ; (2) refléter ses propos ; (3) faire des
hypothèses sur les pensées et les sentiments non exprimés (lecture de
pensée) ; (4) valider le discours en se référant à des apprentissages passés
ou à des facteurs biologiques et (5) valider les propos de la patiente en
référant à des événements actuels tout en faisant ressortir la partie adaptée
du comportement adopté et identifier les facteurs environnementaux qui
semblent avoir une influence négative sur le comportement de la cliente.
Les stratégies de validation réfèrent également à l'authenticité du
thérapeute. Ceci constitue le sixième degré de validation. (Bégin et
Lefebvre, 1997, p.62)
Deux étapes existent quant à la résolution de problème. Il s’agit d’abord de définir le
problème ou les patrons comportementaux dysfonctionnels en analysant les
comportements, puis d’utiliser le brainstorming pour générer des solutions qui seront
chacune évaluées par la suite. Le thérapeute peut lui-même proposer des solutions au
client si ce dernier en est incapable (modeling). Une mise en application de la solution
78
retenue peut être ensuite faite via l’enseignement des habiletés et les jeux de rôle. Il est
important de viser un équilibre entre la validation et la résolution de problème.
Il existe également des stratégies dites stylistiques ainsi que des stratégies de gestion de
cas. En ce qui concerne les premières, elles concernent le style de communication
employé (le ton de voix du thérapeute, la vitesse de son discours et l’intensité des propos).
Deux types existent, soit la communication réciproque et la communication
irrévérencieuse. La chaleur du thérapeute (se montrer disponible, à l’écoute, utiliser le
dévoilement de soi) est préconisée lors d’une communication réciproque. Lors d’une
impasse, le thérapeute utilisera la communication irrévérencieuse. « Cette stratégie de
communication a pour but d'obtenir l'attention de la cliente, d'aider cette dernière à
comprendre la situation (événement interne ou externe) sous un angle complètement
différent et de modifier la réponse affective perçue (le thérapeute confronte la patiente, la
surprend avec un brin d'humour, etc.) » (Bégin et Lefebvre, 1997 , p.63). Quant aux
stratégies de gestion de cas, il en existe trois types, soit les stratégies de consultation
auprès du client, l’intervention environnementale et la consultation des thérapeutes. Dans
le premier cas, il s’agit d’outiller la cliente pour faire face à son environnement. Dans le
second, le thérapeute intervient lui-même dans l’environnement (lorsque le client est
mineur, par exemple). Dans le troisième cas, le thérapeute fait appel à son équipe de
supervision pour obtenir du support.
2.2.3 Thérapie centrée sur les schémas
Young et al. (2009) ont définis comment la thérapie des schémas devait s’opérer auprès
de personnes atteintes du trouble de la personnalité limite. D’abord, ils ont constaté que
ces individus présentent généralement les 18 schémas de la théorie précédemment
présentée. De plus, une propension à changer d’état affectif à un autre tel qu’il est
fréquemment observé chez les TPL ne peut être expliquée par les schémas, ces derniers se
rapportant davantage à des traits. De ces observations, les auteurs ont bonifié cette
thérapie par le concept de mode.
79
Cinq modes principaux sont présents chez les individus atteints du trouble de la
personnalité limite : L’Enfant Abandonné, L’Enfant Coléreux ou Impulsif, Le Parent
Punitif, Le Protecteur Détaché et l’Adulte Sain. Le but du traitement vise essentiellement
à favoriser ce dernier. Le thérapeute peut identifier ces modes entre autre par le ton de
voix employé par l’individu. Il pourra en conséquence fournir une réponse adapté au
mode exprimé. Voici un tableau présentant les modes dans le détail.
Tableau 8
Quatre modes de la thérapie des schémas appliqués au TPL
Modes Signes et symptômes Stratégies
Enfant
Abandonné
- Fragile, naïf, triste, agité, effrayé, mal-aimé.
- Obsédé par l’idée de trouver quelqu’un qui
s’occupera d’eux.
- Ressemble à un jeune enfant, innocent et
dépendant.
- Idéalisation de l’autre.
- Efforts désespérés pour éviter l’abandon.
- Émotions pures et intenses, non modérées.
- Consoler
- Re-maternage partiel
- Identifier, accepter et
satisfaire les besoins affectifs
fondamentaux en matière de
sécurité de la relation,
amour, empathie authentique
de soi et de spontanéité.
Enfant
Coléreux et
Impulsif
- Colère exprimée de façon inappropriée.
- Furieux, exigeant, dévalorisateur, contrôleur ou
abuseur.
- Agit de manière impulsive, peut être
manipulateur ou insouciant.
- Menaces suicidaires.
- Exigences de droits particuliers.
- Fixer des limites.
- Amener à apprendre des
moyens plus appropriés
d’exprimer la colère et de
satisfaire les besoins
fondamentaux.
Parent
Punitif
- Dégoût, critique, déni de soi.
- Automutilation, intentions suicidaires,
comportements auto-destructeurs.
- Colère envers lui-même.
- Se punit lui-même, se reprochant des besoins
normaux.
- Aider à rejeter les messages
du parent punitif et à
construire l’estime de soi.
- Soutenir l’Enfant
Abandonné dans ses besoins.
- Essayer de refouler et de
80
- Parle de lui-même de façon dure. supplanter le Parent Punitif.
Protecteur
Détaché
- Sauf dans les cas sévères, les TPL passent la
plupart de leur temps dans ce mode.
- Permet de se détacher des émotions, de
s’éloigner des autres et à avoir un comportement
soumis pour éviter la punition.
- « Bon patient », apparence normale.
- Se comporte de façon adaptée, par ex. est à
l’heure au rendez-vous.
- Dépersonnalisation, sensation de vide, ennui,
abus de drogues, boulimie, automutilation,
absence de pensée, plaintes psychosomatiques,
réponses d’obéissances automatiques.
- C’est une erreur de
renforcer ce mode, car
l’individu est détaché de ses
besoins.
- Aider à faire l’expérience
de ses émotions sans les
bloquer lorsqu’elles
apparaissent
- Le faire se relier aux autres
- Lui faire exprimer ses
besoins.
Adaptation : Young et al. (2009), p.386-389
La personnalité limite peut se promener entre ces différents modes. En effet, un mode
peut en activer un autre. « Un patient peut, par exemple, exprimer un besoin dans le mode
Enfant Abandonné, osciller vers le mode Parent Punitif pour se punir de l’expression de
ce besoin, et passer ensuite en mode Protecteur Détaché pour échapper à la douleur de la
punition » (Young et al., 2009, p.389).
Dans le traitement, Young et al. (2009) invitent dans un premier temps les thérapeutes à
percevoir les individus atteints du trouble de la personnalité limite comme des enfants
vulnérables, des enfants abandonnés à la recherche de leurs parents. En effet, leur
environnement familial était bien souvent déficient et personne n’était là pour combler
leur besoin fondamentaux. Deuxièmement, ils proposent de viser un équilibre entre les
droits du thérapeute ainsi que ceux du patient. « Les thérapeutes ont le droit de se
conserver une vie privée, d’être traités avec respect, et de fixer des limites lorsque les
patients enfreignent ces droits » (Young et al., 2009, p.402). Pour sa part, l’individu
atteint du trouble de la personnalité limite a le droit d’être un très jeune enfant. Les
besoins de ce dernier seront supérieurs à ce que le thérapeute pourra répondre par le re-
maternage partiel et cela créera un conflit dans leur relation. Les limites professionnelles
peuvent être considérée comme froides par l’individu, souhaitant un parent qui soit
toujours disponible. Il faut néanmoins tendre vers un équilibre entre les droits des deux
parties. Troisièmement, il s’agit d’opérer un re-maternage partiel de l’individu, ce dernier
81
passant du jeune enfant à progressivement l’Adulte Sain via cette technique. Voici un
aperçu général des étapes de traitement :
1) Première étape : le lien et la régulation émotionnelle
- Le thérapeute crée un lien avec le patient, il contourne le Protecteur Détaché,
et il devient une base éducative stable et attentionnée.
- Au cours des séances, le thérapeute incite à l’expression des besoins et des
émotions.
- Le thérapeute apprend au patient des techniques adaptatives pour gérer son
humeur et pour apaiser la détresse liée à l’abandon.
- Le thérapeute et le patient négocient des limitent en matière de disponibilité du
thérapeute, en fonction de la sévérité des symptômes, et des droits personnels
du thérapeute.
- Le thérapeute gère les crises et fixe des limites aux comportements auto
destructeurs.
- Le thérapeute commence le travail émotionnel en s’intéressant à l’enfance du
patient.
2) Deuxième étape : la modification des modes de schémas
- Le thérapeute façonne le mode Adulte Sain grâce au re-maternage du patient.
- L’Adulte Sain agit pour apaiser et protéger l’Enfant Abandonné, pour fixer des
limites à l’Enfant Coléreux, pour remplacer le Protecteur Détaché et pour
éliminer le Parent Punitif.
3) Troisième étape : l’autonomie
- Le thérapeute conseille le patient dans ses choix de partenaires appropriés et il
l’aide à généraliser aux relations extérieures à la thérapie les changements
survenus en séance.
82
- Le thérapeute aide le patient à découvrir ses tendances spontanées et à les
suivre dans les situations de tous les jours et dans les décisions importantes de
la vie.
- Le thérapeute sèvre progressivement le patient de sa thérapie en réduisant la
fréquence des séances. (Young et al., 2009, p.405-410)
Le trouble de la personnalité limite s’avère être une problématique complexe et pour
laquelle le fonctionnement psychologique est au cœur de l’intervention. À cet égard, dans
l’évaluation en orientation, les ressources personnelles, les conditions du milieu et le
fonctionnement psychologique sont au centre de l’intervention. Le bilan de compétences
présente un modèle qui tient compte du fonctionnement psychologique de l’individu. Ce
modèle en trois phases est repris par Cournoyer (2012) à la lumière de l’évaluation selon
l’OCCOQ. Il s’agit d’amener l’individu à traverser trois phases, soit l’exploration, la
compréhension et l’action, tout en tenant compte des ressources personnelles, des
conditions du milieu, du fonctionnement psychologique ainsi que du plan relationnel,
comportemental, contextuel, cognitif, affectif et somatique. Quant à l’approche par les
schémas, force est de constater que les individus atteints du TPL présentent la plupart des
schémas de cette théorie. Dans l’intervention, de s’attarder davantage aux modes présents
chez l’individu est davantage adéquat. Dans l’approche psychodynamique, l’intervention
utilise les interventions d’exploration et de support pour amener la personne aux prises
avec le TPL à diminuer l’impact de ses symptômes dans son fonctionnement au quotidien.
Il s’agit encore là d’agir sur le fonctionnement psychologique de l’individu. Quant à la
thérapie dialectique comportementale, le fonctionnement psychologique se retrouve dans
le concept de pensée dichotomique.
83
5. Résultats
Une analyse conceptuelle de cette recherche permet de retirer différents constats et
notions à retenir dans un contexte d’intervention auprès d’individus atteints du trouble de
la personnalité limite, lesquels sont présentés ici.
Risque suicidaire. Selon Gunderson, les actes parasuicidaires sont présents chez 75% des
individus atteints du TPL. Doucet rapporte que le suicide complété est réussi dans 8% à
15% des cas. Une évaluation primordiale a effectué auprès de cette clientèle est donc le
risque suicidaire, tant aux plans déontologique, éthique et moral. Comme il est commun
d’observer chez les individus atteints du trouble de la personnalité limite des menaces et
des gestes suicidaires, le conseiller d’orientation se doit d’évaluer cette facette chez le
client tout au long du processus. Étant donné que, comme le stipulait Linehan (2004),
certains TPL ont besoin d’être suicidaire pour gérer leur souffrance émotionnelle intense,
84
il est important d’évaluer le risque réel de suicide associé. S’agit-il de menaces suicidaires
ou d’intentions réelles de passage à l’acte? Sait-il où, quand, comment et pourquoi il
souhaite se suicider?
Alliance de travail. Tel que le stipulait Bastien (2011), l’acte d’évaluation en orientation
s’effectue dans un processus continu allant d’avant la démarche jusqu’à après. Bien que la
Loi 21 n’oblige pas que le conseiller d’orientation soit le seul acteur d’une démarche
d’orientation lorsqu’il s’agit d’individu atteint d’un diagnostic de trouble mental
(OCCOQ, 2010), les caractéristiques propres au TPL laisse croire qu’il vaudrait mieux
qu’il n’y ait qu’un seul acteur dans cette démarche. En effet, l’alliance de travail est
difficile à établir avec cette clientèle en raison de sa symptomatologie. L’instabilité des
relations leur étant commune, il est judicieux de croire qu’il est préférable de n’avoir
qu’un seul acteur dans le cadre de leur démarche d’orientation.
Médication. Il est important de rappeler qu’aucun médicament n’est donné pour le
trouble de la personnalité limite comme tel (APA, 2001). Évidemment, ce ne sont pas tous
les individus atteints de TPL qui prennent une médication. Elle est recommandée dans le
cas où l’individu présente un trouble secondaire au trouble principal, c’est-à-dire une
comorbidité (APA, 2001). Selon Kernberg (2009), la comorbidité est observée dans 60%
des cas. Dans cette alternative, le conseiller d’orientation doit s’assurer de connaître le
second trouble ainsi que de saisir le rôle de la médication qui y est associé. Le client
prend-t-il sa médication de façon continue? Peut-elle avoir des impacts son
comportement? Quels sont-ils?
Comportements à risques. L’individu atteint de TPL peut présenter des comportements
à risques. De questionner le client sur ses comportements s’avère essentiel. Il peut
présenter différents comportements, tel la conduite dangereuse, les dépenses excessives,
le vol à l’étalage, la boulimie, l’abus de substance, les comportements sexuels à risque,
l’automutilation et les tentatives suicidaires (APA, 2001). Le conseiller ne
recommanderait pas, par exemple, à une personne ayant des antécédents de conduite
85
dangereuse au volant de viser une formation de camionneur. Ou encore, le client a-t-il des
dépenses excessives? Si tel est le cas, un retour en formation pourrait être compromis.
Une planification financière détaillée serait alors de mise.
S’entourer. Bouchard (2010) expliquait que les intervenants auprès de cette clientèle sont
fréquemment confrontés à un sentiment d’impasse. Souvent, les individus atteints du TPL
vont adopter deux attitudes à l’égard des intervenants selon Cousineau (1997). Soit ils les
idéaliseront, soit ils les dévaloriseront. Ainsi, le conseiller d’orientation vivra
inévitablement différentes frustrations au contact d’individus atteints du TPL. De parler
avec d’autres conseillers d’orientation des difficultés vécues avec cette clientèle permettra
au conseiller de conserver son objectivité durant l’intervention.
Re-maternage de l’enfant. Comme le stipulait Young et al. (2009), l’individu atteint du
TPL est un enfant vulnérable. « Lorsque les thérapeutes sont en difficulté pour traiter les
borderlines, nous leur proposons de superposer mentalement l’image d’un petit enfant sur
celle du patient : cette méthode les aide à mieux comprendre le patient et à s’imaginer ce
qu’ils doivent faire » (Young et al., 2009, p.401). Bien qu’il ne s’agisse pas de traiter le
trouble comme tel, cette technique permet au conseiller d’orientation de se détacher des
difficultés vécues lors de l’intervention pour se ramener à la douleur que vivent les TPL.
Clivage ou pensée dichotomique. Selon les propos de Linehan rapportés par Bégin et
Lefebvre (1997), les individus atteints du TPL présentent une nette tendance au « noir »
ou « blanc ». De les aider à faire une synthèse des deux pôles, c’est-à-dire d’opter pour le
« noir » et « blanc, leur permet de relativiser leurs pensées. Puisqu’il ne s’agit pas d’une
thérapie de longue durée où le thérapeute et patient ont de nombreuses séances pour
construire la relation, le conseiller d’orientation en début de processus n’interfère que peu
avec ces pensées. Plus l’alliance de travail se construit, plus il peut refléter au client la
part extrême de ses deux pôles et amener le client à relativiser ses positions.
Réseau. Il est commun d’observer une instabilité des relations chez les individus atteints
du TPL (DSM-IV, 2000). Le conseiller d’orientation, lors de l’évaluation, explore les
86
conditions du milieu du client à ce chapitre (OCCOQ, 2010). Le client possèdera-t-il le
support nécessaire à l’atteinte de son objectif? Peut-il rechercher dans son réseau
d’entraide le support adéquat? Doit-il se créer un nouveau réseau?
Émotions. Pour Linehan, la difficulté présentée par les individus atteints du TPL se
présente au niveau des émotions. Ils présentent une incapacité à les gérer ainsi que les
comportements qui en découlent (Bégin et Lefebvre, 1997). La détresse émotionnelle que
vivent ces individus est intense en raison du grand vide intérieur qu’ils ressentent. Selon
Boucher et al. (2005), ils présentent souvent une peur de ne pouvoir s’en sortir, ce qui se
reflète par de l’angoisse et du découragement. Leurs tentatives suicidaires n’y sont pas
indifférentes. D’explorer les émotions avec eux lors de l’intervention s’avère nécessaire
pour faciliter le processus de changement. L’approche Gestalt pourrait être utile auprès de
cette clientèle.
Fixer des limites claires. Lors du pré-traitement selon l’approche dialectique, il s’agit
d’établir la décision de travailler ou non ensemble à l’atteinte des objectifs ciblés (Bégin
et Lefebvre (1997). Les modalités de traitement sont alors décidées. C’est par la suite que
s’ensuivra la phase un, laquelle se nomme stabilité, sécurité et alliance thérapeutique.
Ainsi, avant même d’amorcer le traitement, des limites claires à l’intervention sont
définies. Il en va de même en orientation. En début de processus, il est important de fixer
des limites claires à la relation et à bien déterminer ce qui est attendu du client tout
comme du conseiller. Ces clients tenteront inévitablement de déjouer ses limites, arrivant
en retard à un rendez-vous ou oubliant d’avoir effectuer les exercices demandés. De
pouvoir rappeler avec une certaine fermeté ce qui est attendu du client sera plus facile si
les limites ont bien été définies au début du processus.
Instabilité professionnelle. Tel que le rapporte l’APA (2001), il est commun d’observer
chez l’individu atteint du TPL de nombreux emplois. L’instabilité caractéristique chez les
TPL s’étant jusqu’au travail et il en va de même pour leur choix de carrière. D’explorer
87
les constantes parmi l’historique de travail s’avère essentiel pour permettre au client d’y
retrouver une certaine stabilité.
6. Conclusion
Une définition abondamment recensée dans la littérature définit le trouble de la
personnalité limite comme « un diagnostic caractérisé par l’impulsivité, l’instabilité
affective et les relations instables (APA, 1987). Différents éléments s’ajoutant à cette
définition ont pu être apportés dans cet ouvrage à propos des TPL. D’abord, il a été
question de son épidémiologie. En effet, le trouble est présent dans une faible proportion
de 2% de la population (APA, 2001). Toutefois, en raison de leur symptomatologie, les
individus atteints du TPL sont nombreux à recourir à des services d’aide de toutes sortes
et il est pertinent de croire que les conseillers d’orientation œuvrent auprès de cette
clientèle représentée majoritairement par des femmes. Ces individus sont également sujets
à présenter une comorbidité, ce qui augmentent la détresse émotionnelle qu’ils vivent au
quotidien et complexifie davantage l’intervention. Le taux de suicide d’une personne sur
88
dix dépeint cette douleur intense. Par ailleurs, plusieurs causes du trouble ont également
été présentées. D’abord, il y aurait une part génétique au trouble, bien qu’aucun modèle
neurodéveloppementale ne soit disponible à ce jour. Différentes facteurs supplémentaires
s’ajoutent au développement possible du trouble. D’abord, il y a la famille, souvent
dysfonctionnelle, qui contribue au développement du trouble. Des traumatismes vécus
dans l’enfance peuvent également y contribuer. Les conséquences associées au trouble
sont nombreuses, tant au plan individuel que relationnel, organisationnel et social. Au
plan de l’intervention, plusieurs perspectives ont été présentées, permettant de
comprendre le TPL selon un point de vue médico-légal et institutionnel, thérapeutique et
carriérologique.
Sur ce dernier point, un manque flagrant de littérature a été constaté. Avec la Loi 21, les
conseillers d’orientation ont maintenant comme activité réservée, dans le cadre de leur
champ d’exercice, l’évaluation des troubles mentaux lorsqu’attestés d’un diagnostique et
ainsi, celle du trouble de la personnalité limite. Devant le manque de littérature sur le
sujet, ce constat pose problème étant donné notamment qu’aucune formation
supplémentaire n’est requise pour œuvrer auprès de cette clientèle complexe. Ainsi s’est
posée la question de recherche suivante : comment intervenir en counseling de carrière
auprès d’individus diagnostiqués du trouble de la personnalité limite?
Pour répondre à cela, il a été question de présenter différentes approches en counseling de
carrière pouvant permettre de conceptualiser l’intervention auprès des individus atteints
de TPL. L’évaluation en orientation a d’abord été présentée comme une marche à suivre
générale en orientation, puis deux modèles attribuables au fonctionnement psychologique
ont été apportés. Ensuite, le trouble de la personnalité limite comme tel a été
conceptualisé en tenant compte des controverses qui y sont associées. Le tout s’est conclu
par trois modèles utilisés dans le traitement des TPL.
En réponse à cette question de recherche, différents résultats en sont ressortis.
L’évaluation du risque suicidaire est apparue comme primordiale auprès de cette clientèle
89
en raison des taux de suicide précédemment apportés. Par ailleurs, bien que dans le cadre
de la Loi 21 le processus d’orientation ne soit pas attribué uniquement aux conseillers
d’orientation, il est judicieux de croire qu’il vaut mieux qu’il n’y ait qu’un seul acteur de
cette démarche pour favoriser l’alliance de travail en raison de l’instabilité relationnelle
qui caractérise les TPL. Au plan de la médication, il est judicieux de soulevé qu’il n’existe
aucun médicament associé au trouble comme tel. Il est important de valider à quoi sert la
médication du client, laquelle est attribuée dans le cas de comorbidité. De même, il faut
questionner le client quant à ses comportements, lesquels peuvent être à risque et peuvent
avoir des impacts au plan carriérologique. Une autre recommandation soulevée se situe au
niveau du conseiller d’orientation lui-même. Ce dernier est encouragé à bien s’entourer de
collègue, en raison des frustrations qu’il sera susceptible de vivre au plan de l’intervention
auprès de cette clientèle. Une seconde recommandation est d’envisager le client comme
un enfant vulnérable afin de se détacher des comportements difficiles que pourrait
présenter le client. Dans un autre ordre d’idée, le client présentera une pensée
dichotomique, traduite par une tendance au « noir » ou « blanc ». Une recommandation a
été de permettre au client en début de processus cette pensée et plus la relation évolue,
plus il se permettra d’aider le client à faire la synthèse des deux pôles. Puis, de
questionner le client quant à son réseau d’entraide personnel est apparu judicieux en
raison de l’instabilité qui caractérise les TPL. D’explorer les émotions avec eux s’avère
également essentiel dans le cadre d’un processus de changement. De fixer des limites
claires dès le début de la démarche favorisera le processus subséquent. Finalement, en
raison de l’instabilité qui les caractérise, il est possible de croire que cette dernière est
également vécue au plan professionnel. D’explorer les constantes dans le parcours du
client s’avère judicieux.
Différentes limites à cette recherche sont à soulever. D’abord, le fait que les pistes
d’intervention soulevées n’aient pas été appliquées à des individus atteints de TPL
présente un manque d’application terrain. Il en va de même pour le fait qu’aucun
conseiller d’orientation n’ait participé à cette recherche. Elle apporte toutefois première
évaluation des interventions à favoriser auprès des TPL les résultats étant basés sur les
90
écrits scientifiques relevés. Au plan de la formation et de la recherche en carriérologie,
elle soulève les grandes lignes à connaître auprès des TPL. Une piste de recherche
subséquente pourrait être d’appliquer les résultats obtenus auprès d’individu atteints du
trouble de la personnalité limite.
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