Pneumopathie infiltrante diffuse (PID) de la sclérodermie. Analyse de la sémiologie radioclinique...

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Revue de Pneumologie clinique (2013) 69, 132—138 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Pneumopathie infiltrante diffuse (PID) de la sclérodermie. Analyse de la sémiologie radioclinique et fonctionnelle Diffuse infiltrative lung disease in scleroderma. Analysis of radio-clinical and functional semiology W. El Khattabi a,, H. Afif a , N. Moussali b , A. Aichane a , A. Abdelouafi b , Z. Bouayad a a Service des maladies respiratoires, hôpital du 20-Août, Casablanca, Maroc b Service de radiologie, hôpital du 20-Août, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc Disponible sur Internet le 12 avril 2013 MOTS CLÉS Sclérodermie ; Pneumopathie infiltrante diffuse ; Scanner ; Immunologie ; Corticothérapie Résumé La sclérodermie (SD) est une maladie systémique qui touche avec prédilection la peau. La pneumopathie infiltrante diffuse (PID) est rare et apparaît le plus souvent dans l’évolution de la maladie. Nous avons analysé sept cas de PID dans le cadre de la SD recen- sés entre 2003 et 2010 parmi 196 PID (3,6 %). Les signes fonctionnels respiratoires se résumaient à la dyspnée, celle-ci était associée à la dysphagie dans six cas, à un syndrome sec oculaire dans cinq cas et à un phénomène de Raynaud dans quatre cas. L’examen clinique a retrouvé des râles crépitants basithoraciques bilatéraux dans tous les cas et des signes cutanés spéci- fiques dans six cas. La radiographie thoracique a montré une atteinte interstitielle prédominant au niveau des bases pulmonaires dans tous les cas avec un aspect de grosses artères pulmo- naires dans deux cas. Le scanner thoracique a confirmé la prédominance de l’atteinte basale et périphérique avec des signes de fibrose dans six cas. L’exploration fonctionnelle respiratoire a objectivé un trouble ventilatoire restrictif sévère et une capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) abaissée dans tous les cas. La bronchoscopie a montré un aspect macroscopique normal dans tous les cas, le lavage broncho-alvéolaire était fait d’un liquide à prédominance neutrophile dans quatre cas. Les anticorps anti-SCL 70 étaient positifs dans quatre cas. Tous les patients ont été mis sous corticothérapie avec amélioration de la dyspnée et stabilisa- tion des images scanographiques, une patiente était décédée dans un tableau d’insuffisance Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (W. El Khattabi). 0761-8417/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.02.003

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Disponible en ligne sur

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neumopathie infiltrante diffuse (PID) dea sclérodermie. Analyse de la sémiologieadioclinique et fonctionnelle

iffuse infiltrative lung disease in scleroderma. Analysis of radio-clinical andunctional semiology

W. El Khattabia,∗, H. Afifa, N. Moussali b, A. Aichanea,A. Abdelouafib, Z. Bouayada

a Service des maladies respiratoires, hôpital du 20-Août, Casablanca, Marocb Service de radiologie, hôpital du 20-Août, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

Disponible sur Internet le 12 avril 2013

MOTS CLÉSSclérodermie ;Pneumopathieinfiltrante diffuse ;Scanner ;Immunologie ;Corticothérapie

Résumé La sclérodermie (SD) est une maladie systémique qui touche avec prédilection lapeau. La pneumopathie infiltrante diffuse (PID) est rare et apparaît le plus souvent dansl’évolution de la maladie. Nous avons analysé sept cas de PID dans le cadre de la SD recen-sés entre 2003 et 2010 parmi 196 PID (3,6 %). Les signes fonctionnels respiratoires se résumaientà la dyspnée, celle-ci était associée à la dysphagie dans six cas, à un syndrome sec oculairedans cinq cas et à un phénomène de Raynaud dans quatre cas. L’examen clinique a retrouvédes râles crépitants basithoraciques bilatéraux dans tous les cas et des signes cutanés spéci-fiques dans six cas. La radiographie thoracique a montré une atteinte interstitielle prédominantau niveau des bases pulmonaires dans tous les cas avec un aspect de grosses artères pulmo-naires dans deux cas. Le scanner thoracique a confirmé la prédominance de l’atteinte basale etpériphérique avec des signes de fibrose dans six cas. L’exploration fonctionnelle respiratoire aobjectivé un trouble ventilatoire restrictif sévère et une capacité de diffusion du monoxyde de

carbone (DLCO) abaissée dans tous les cas. La bronchoscopie a montré un aspect macroscopiquenormal dans tous les cas, le lavage broncho-alvéolaire était fait d’un liquide à prédominanceneutrophile dans quatre cas. Les anticorps anti-SCL 70 étaient positifs dans quatre cas. Tous

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les patients ont été mis so tion des images scanographiques, une patiente était décédée dans un tableau d’insuffisance

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (W. El Khattabi).

761-8417/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.02.003

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respiratoire aiguë et une patiente a été perdue de vue. La PID dans le cas de la sclérodermie estrare et révèle rarement la maladie, elle conditionne le pronostic du patient surtout lorsqu’elles’associe à une HTAP.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSScleroderma;Diffuse infiltrativelung disease;CT;Immunology;Steroids

Summary Scleroderma (SD) is a systemic disease that predominantly affects the skin. Diffuseinfiltrative lung disease (DILD) is rare and occurs most often in the course of the disease. Weanalyzed seven cases of DILO of SD recorded between 2003 and 2010 among 196 PID (3.6%).Functional signs were limited to respiratory dyspnea, it was associated to dysphagia in six cases,dry syndrome in five cases and Raynaud’s phenomenon in four cases. Clinical examination foundcrackles in the bases of the thorax in all cases and specific cutaneous signs in six cases. Thechest radiograph showed that interstitial disease predominates at the lung bases in all caseswith a large aspect of the pulmonary arteries in two cases. The chest CT scan confirmed thepredominance of basal and peripheral damage with signs of fibrosis in six cases. The pulmonaryfunction objectified a severe restrictive ventilatory defect in all cases. Bronchoscopy showed anormal macroscopic appearance in all cases, the broncho-alveolar lavage was predominated byneutrophilic formula in four cases. SCL 70 antibodies were positive in four cases. All patientswere treated by steroids with improvement of dyspnea and stabilization of radiographs. Apatient had died in an array of acute respiratory failure and one patient was lost to follow-up.DILD in scleroderma is rare and seldom reveals the disease, it affects the patient’s prognosisespecially when associated with arterial pulmonary hypertension.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ndans trois cas. L’atteinte cutanée, préexistante, a pré-cédé l’atteinte respiratoire de sept ans en moyenne. Dansles quatre autres cas, la PID était révélatrice d’une ScS.

Tableau 1 Critères diagnostiques de la sclérodermie.

Critère majeurSclérodermie proximale : modification typique de lapeau qui est tendue, épaissie, indurée, ne prenantpas le godet, touchant le cou, la face, le tronc ou laracine des membres

Critères mineursCicatrice déprimée d’un doigt ou ulcération del’extrémité d’un doigtFibrose pulmonaire touchant les basesSclérodactylie

Introduction

La classification de la sclérodermie (SD) oppose les formeslocalisées et systémiques. Les sclérodermies localiséessont circonscrites, respectent en règle générale les mainset ne s’accompagnent ni de phénomène de Raynaud nid’atteintes viscérales sauf de voisinage immédiat. Ellesposent des problèmes essentiellement esthétiques, maisparfois fonctionnels. Les sclérodermies systémiques (ScS)sont symétriques, touchent prioritairement les mains, avecun phénomène de Raynaud sévère [1]. Elles peuvent êtretrès invalidantes. Le pronostic vital dépend essentiellementde la présence d’atteintes viscérales et particulièrementles pneumopathies infiltrantes diffuses (PID). Ces dernièresconstituent une des causes de décès au cours de la SD, d’oùl’intérêt de les dépister à un stade précoce [2].

Matériel et méthodes

Nous avons analysé tous les cas de sclérodermie colligés auCHU Ibn Rochd, au service des maladies respiratoires et auservice de radiologie de l’hôpital du 20-Août-1953. Cetteétude rétrospective a été menée en huit ans, de 2003 à 2010.L’analyse a intéressé les caractéristiques cliniques, fonc-tionnelles et radiologiques (radiographie standard de faceet tomodensitométrie) des patients inclus.

Résultats

Il s’agit d’une étude descriptive, intéressant sept cas deScS, parmi 196 cas de PID recensées dans la même période(3,6 %).

Il s’agit de quatre femmes et trois hommes d’uneoyenne d’âge de 47 ans avec des extrêmes allant de 32 à

5 ans. Il n’y avait pas d’antécédents toxiques, notammentas de tabagisme.

La sclérodermie a été retenue devant le critère majeurTableau 1) et en l’absence de celui-ci dans un seul casevant deux critères mineurs qui étaient la PID au stade debrose et la sclérodactylie. Il s’y associait d’autres atteintesystémiques évocatrices de ScS au niveau d’au moins deuxutres organes que le poumon dans tous les cas.

La ScS a été initialement révélée par une atteinte cuta-ée spécifique avec une indication à la corticothérapie

American College of Rheumatology, 1981.Diagnostic retenu sur le seul critère majeur ou sur deux critèresmineurs.

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134 W. El Khattabi et al.

Tableau 2 Atteintes cutanées spécifiques de lasclérodermie.

Signes cutanés n

Peau scléreuse tronc + membres (Fig. 1) 5Sclérodactylie (Fig. 2) 5Faciès figé disparition des rides 5Nez effilé 5Limitation de l’ouverture de la bouche

(microstomie) (Fig. 3)4

Accentuation des plis radiés péribuccaux 2

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Figure 3. Microstomie.

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igure 1. Peau infiltrée et scléreuse du tronc et des racines desembres supérieurs.

es atteintes cutanées spécifiques sont résumées dans leableau 2 (Fig. 1—3).

Le début de la symptomatologie remontait à six moisvant l’hospitalisation en moyenne et les symptômes res-iratoires étaient faits de dyspnée d’effort isolée dans touses cas. La dysphagie était présente chez six patients. Unyndrome sec était présent dans cinq cas.

L’examen clinique a retrouvé des râles crépitants basi-horaciques bilatéraux dans tous les cas. L’hippocratismeigital était présent chez un seul patient.

igure 2. Sclérodactylie.

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igure 4. Syndrome interstitiel à prédominance basale et sous-leurale avec dilatation des artères pulmonaires.

La radiographie thoracique a montré une atteinte inter-titielle prédominant au niveau des bases pulmonaires dansous les cas avec un aspect de grosses artères pulmonairesans deux cas (Fig. 4).

Le scanner thoracique a confirmé la prédominance de’atteinte basale et périphérique sans respect du liseré sous-leural dans tous les cas (Tableau 3) (Fig. 5—9).

L’association des différentes lésions au scanner était sug-estive de pneumopathie interstitielle non spécifique (PINS)ans cinq cas où l’atteinte était à prédominance basale et

Tableau 3 Résultats du scanner thoracique.

Lésion scanographique n (cas)

Rayon de miel (Fig. 5) 6Verre dépoli (Fig. 6) 5Réticulations (Fig. 7) 3Dilatation de l’artère pulmonaire (Fig. 8) 3Réduction du volume pulmonaire 1Dilatation de l’œsophage (Fig. 9) 1Nodules 1

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Figure 5. TDM thoracique en fenêtre parenchymateuse (aspect en rayon de miel sous-pleural postérieur et antérieur avec distorsionbronchique signant la fibrose pulmonaire).

Figure 6. Radiographie thoracique de face (image de droite) révélant un syndrome interstitiel diffus avec diminution de la transparencepulmonaire notamment en médio-thoracique droit faisant suspecter un verre dépoli, confirmé au scanner étudié en fenêtre parenchyma-teuse. À noter les zones de piégeage d’air associées prédominant en culminal.

Figure 7. TDM thoracique en fenêtre parenchymateuse, à des niveaux différents chez le même patient, objectivant de multiples foyersde réticulations sous-pleuraux, à petites mailles, bilatéraux (avec des intervalles libres) et à prédominance basale (flèches noires). Il s’yassocie du verre dépoli surtout en distal (image de gauche) et des distorsions bronchiques signant la fibrose (flèche blanche).

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Figure 8. TDM thoracique en fenêtre médiastinale avec injectionip

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ntraveineuse de produit de contraste iodé : dilatation de l’artèreulmonaire et de ses branches principales.

ériphérique avec des intervalles de parenchyme sain, asso-iée à du verre dépoli dans cinq cas et des nodules dans unas. Le diagnostic de pneumopathie interstitielle communePIC) secondaire à la sclérodermie a été retenu dans deuxas : le rayon de miel était au premier plan des signes scano-raphiques plus diffus que dans les cas de PINS associé dansn cas à une réduction du volume pulmonaire.

L’échographie cardiaque, réalisée chez tous les patients, objectivé une hypertension artérielle pulmonaire dansrois cas. Le cathétérisme cardiaque, non disponible dansotre formation, n’a pas été réalisé.

L’exploration fonctionnelle respiratoire a objectivé unrouble ventilatoire restrictif (TVR) sévère dans six cas. Il n’yvait pas de corrélation entre l’étendue des lésions cutanéesu thorax et la sévérité du TVR. La diffusion du monoxyde

e carbone (DLCO) était abaissée (< 80 % de la théorique)ans tous les cas. La gazométrie a montré une hypoxie dansuatre cas sans hypercapnie.

igure 9. TDM thoracique en fenêtre médiastinale avec injectionntraveineuse de produit de contraste : dilatation œsophagienne.

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W. El Khattabi et al.

La bronchoscopie a montré un aspect macroscopiqueormal dans tous les cas, les biopsies bronchiques étaientégatives et le lavage broncho-alvéolaire était fait d’uniquide à prédominance neutrophile (> 10 %) dans quatre cas.

L’atteinte digestive était représentée par la dysphagie,résente dans cinq cas, associée à un reflux gastro-sophagien (RGO) avec des fausses routes dans deux cas.

a fibroscopie digestive a objectivé un endobrachyœsophageans trois cas et une gastropathie en mosaïque (un cas) rap-ortée à la sclérodermie vu le contexte global. Au scannerhoracique, les répartitions postérobasale et bilatérale desésions de fibrose peuvent être dues en partie à un RGOorsqu’il est associé.

Le syndrome sec oculaire était confirmé dans trois cas.es anticorps anti-SSA et anti-SSB ont été recherchés chezous nos patients et étaient négatifs. Dans deux cas il exis-ait un syndrome sec buccal mais la biopsie labiale n’a pasontré d’infiltrats lymphoplasmocytaires. Le syndrome deougeröt n’a pu être retenu dans ces cas.

Les atteintes systémiques associées à la PID sont résu-ées dans le Tableau 4.Les anticorps anti-centromères et les anticorps anti-

ucléaires étaient négatifs dans tous les cas. La recherchees anticorps anti-SCL 70 par immunofluorescence indirectetait positive dans quatre cas (Tableau 4). Dans ces cas, lehénomène de Raynaud était constant et l’atteinte digestivetait présente dans trois cas sur quatre.

La décision thérapeutique émane d’une décision col-égiale. Il n’existe pas de consensus thérapeutique.ous les patients ont été mis sous corticothérapie

la dose de 0,5 mg/kg par jour avec surveillancee la fonction rénale. Le traitement était basé sur’association corticothérapie—cyclophosphamide chez troisatients ayant une fibrose pulmonaire avec altération pro-onde de la DLCO (moins de 50 %). Le cyclophosphamide étaitdministré en bolus toutes les quatre semaines. L’évolution

été marquée par l’amélioration subjective de la dyspnéeans aggravation des lésions radiologiques. Les paramètresonctionnels respiratoires sont restés stables par la mesuree la capacité vitale forcée (CVF) dans quatre cas eta capacité pulmonaire totale (CPT) avec DLCO chez uneeule patiente). Une patiente est décédée dans un tableau’insuffisance respiratoire aiguë compliquant une surinfec-ion bronchique sur PID avec fibrose évoluée et une patiente

été perdue de vue après un suivi de trois mois.

iscussion

a sclérodermie est une maladie systémique caractériséevant tout par le durcissement de la peau. Elle touche avecrédilection le sexe féminin entre 45 et 64 ans. Sa préva-ence est encore mal connue. La prévalence des PID dans leadre de la ScS est difficile à préciser et peut varier selones études de 16 à 100 % des cas [3]. La faible prévalencee la sclérodermie dans notre série de PID (3,6 %) est duerobablement à l’absence de collaboration directe avec des

ervices spécialisés en maladies systémiques et qui a étéécemment mise en place au vu de ces résultats. Le but deotre étude est de souligner les particularités de la PID de lacS dans notre contexte, des atteintes viscérales qui y sont
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Tableau 4 Les atteintes spécifiques ou évocatrices de sclérodermie systémique associées à la pneumopathie infiltrantediffuse et résultats des anticorps anti-SCL 70.

Cas Anticorpsanti-SCL 70

Atteintecutanée

Atteintedigestive

Atteinteneurologique

HTAP Raynaud Syndrome secoculaire confirmé

1 − Oui Oui Oui − − −2 + Oui Oui − − Oui Oui3 − − Oui − Oui − Oui4 + Oui − − − Oui −5 + Oui Oui − − Oui −6 − Oui − − Oui − −7 + Oui Oui − Oui Oui Oui

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HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.

associées sans prétendre pouvoir extrapoler nos résultats àla population marocaine.

La PID avec signes de fibrose pulmonaire à prédominancebasale constitue un des critères mineurs pour le diagnosticde la maladie (Tableau 1). C’est une cause fréquente dedécès dans la ScS [4]. La PID complique le plus souventles formes cutanées diffuses. Elle apparaît alors plus pré-cocement dans les trois premières années. Dans notre série,l’intervalle était un peu plus long (sept ans) et l’atteinteétait souvent d’emblée sévère. Les signes de fibrose étaientprésents dans six cas sur sept au moment du diagnostic.

Les symptômes révélateurs de la PID, quand ils sont pré-sents, ne sont pas spécifiques à type de toux sèche et/oudyspnée d’effort, cette dernière était l’unique symptômerévélateur chez tous nos patients. L’examen physique trouvesouvent des râles crépitants des bases. L’hippocratisme digi-tal est exceptionnel, il était présent chez un seul de nospatients.

Les anticorps anti-topo-isomérase 1 (anti-SCL 70), retrou-vés chez 20 à 40 % des malades (quatre cas dans notre sériesoit 57 %), sont plus fréquemment positifs dans les formesdiffuses de la maladie et en association à une PID, tandisque les anticorps anti-centromères sont plus fréquemmentpositifs dans les formes cutanées limitées. Les anticorpsanti-nucléaires sont fréquemment positifs, ils étaient néga-tifs chez tous nos patients [5].

Le scanner thoracique haute résolution (TDM-HR) est unexamen très sensible et spécifique pour détecter la PID dansle cadre de la ScS avant l’apparition des signes cutanés.Les lésions sont bilatérales et symétriques, prédominant auniveau des bases, des régions postérieures et sous-pleurales.Le liseré sous-pleural n’était pas respecté dans tous les casdans notre série.

Les lésions sont à type de verre dépoli isolé, ce quidoit également faire discuter une origine cardiaque gauche(c’était le cas d’un de nos patients dont l’explorationcardiovasculaire était normale). Le plus souvent, il s’yassocie des opacités réticulées, avec parfois des bron-chectasies par traction devant faire discuter d’autresétiologies, notamment le RGO [6]. Le RGO découvertchez nos patients a été un facteur aggravant. La décou-

verte des lésions au stade de fibrose ne permet pas defaire la part entre les lésions dues à un RGO ou à uneatteinte spécifique de la ScS. D’autres atteintes peuventêtre associées telle la distension œsophagienne qui est très

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vocatrice de ScS, celle-ci était présente chez un de nosatients.

Les PID idiopathiques observées au cours de la ScS sonte plus souvent, comme dans notre série, à type de PINSuivie de la pneumopathie interstitielle commune ou usuelleUIP) [7,8]. Les autres atteintes possibles sont le dommagelvéolaire diffus (DAD), la pneumopathie organisée (PO) eta pneumopathie interstitielle lymphoïde (PIL) [9—11].

La plèvre peut être également concernée sous formee pleurésie d’abondance variable, associée parfois à despaississements pleuraux [11].

L’EFR et l’étude de la diffusion du monoxyde de carboneDLCO) devront être pratiquées systématiquement dans unut diagnostique mais également pronostique [12]. Le syn-rome restrictif est variable mais souvent présent [7]. LaLCO est précocement altérée, elle était abaissée chez tousos patients.

Peu de biopsies pulmonaires chirurgicales sont réaliséesu cours des PID de SD, du fait de leur caractère invasif, ete l’absence de conséquences pratiques d’un diagnostic his-ologique précis. Dans l’étude de Bouros et al., qui a inclus0 patients ayant une PID de ScS avec biopsie pulmonairehirurgicale, il n’y avait pas de corrélation entre la sévéritées lésions histologiques et l’évolutivité de la PID. La biopsieulmonaire chirurgicale trouve son intérêt en cas de dis-ordance entre l’évolution clinique et l’imagerie thoracique13].

Le lavage broncho-alvéolaire (LBA) montre une alvéolitenflammatoire à neutrophiles et/ou éosinophiles. Dans notreérie, quatre patients avaient une alvéolite à neutrophilesssociée à une PID au stade de fibrose [14,15]. Le traite-ent de la PID de la ScS est d’abord basé sur les corticoïdes à

aible dose [16]. Les immunosuppresseurs peuvent être asso-iés. Le cyclophosphamide en bolus semble le plus efficace,’azathioprine pourrait être proposé en relais [17]. La greffeulmonaire peut être proposée en dernier recours en cas deID sévère progressant sous cyclophosphamide en l’absence’atteinte viscérale et d’ulcères digitaux [7].

Il est important de mentionner qu’il n’existe pas deonsensus thérapeutique qui fait l’unanimité. Dans notreormation, la décision thérapeutique émane d’une décision

ollégiale impliquant une concertation avec les méde-ins internistes. Celle-ci est basée sur la corticothérapieans tous les cas, associée aux immunosuppresseurs enas d’altération profonde des paramètres fonctionnels
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espiratoires ou d’atteintes extrapulmonaires menacant leronostic vital ou fonctionnel du patient.

Le pronostic des PID de la ScS est meilleur que celuie la fibrose pulmonaire idiopathique [2,8]. Les principauxléments permettant de définir le pronostic sont cliniquesdyspnée), fonctionnels (DLCO et/ou CVF abaissées), scano-raphiques et évolutifs [7,18].

Le suivi de la progression de la PID se basera sur la cli-ique et la réalisation d’EFR régulièrement.

onclusion

a PID dans le cas de la sclérodermie est rare et rare-ent révélatrice de la maladie. Le diagnostic positif est

isé en présence d’autres atteintes systémiques, souventrésentes. Dans notre série, la PID était révélée par uneyspnée isolée révélant un syndrome interstitiel au stade debrose. Au moins deux atteintes viscérales y étaient asso-iées. Le dosage des anticorps anti-SCL 70 était positif chezuatre patients porteurs d’un phénomène de Raynaud. LaID conditionne le pronostic d’où l’intérêt du diagnostic pré-oce grâce à la TDM-HR et les EFR. Le traitement corticoïdet/ou immunosuppresseur permet de ralentir l’évolution dea maladie.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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