Play and burn - Tome 5 (Diamant Noir) (French...

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Transcript of Play and burn - Tome 5 (Diamant Noir) (French...

Fanny Cooper

Play & Burn

Tome 5

Nisha Editions

Copyright couverture : Irina PuseppISBN 978-2-37413-309-6

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@NishaEditions

Nisha Éditions & Fanny Cooper

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TABLE DES MATIERES

Présentation

1. Sauvage

2. Belle matinée

3. Les visites surprises

4. Le langage des signes

5. Cadeau de Noël

6. Pool party

7. Star Wars

À paraître

À mes chamallows, et à mon modèle numéro un toutes galaxies confondues : ma mère.

« It is only when the mind is free from the old thatit meets everything anew, and in that there is joy. »

Jiddu Krishnamurti.

1. Sauvage

GASPARD

Après le sexe, une femme est un rayon de soleil aux multiples facettes, chaleureuses et colorées.Elle peut être douce, tendre, coquine, taquine… Ou bien, dans un tout autre registre, elle peut êtrecomme Dylan : meurtrière.

– Dis-moi que tu plaisantes ! crie-t-elle.

Je secoue la tête sans la quitter des yeux, dans l’espoir qu’elle y lise ma franchise.

– Bordel de merde, Gaspard ! T’es vraiment trop con ! Comment as-tu pu me cacher ça ? T’esqu’un enfoiré, putain ! continue-t-elle de hurler.

Elle me fout son poing dans les hanches et profite du moment où je me les tiens pour s’échapper dela douche.

Ma sœur n’avait pas tort… Dylan cogne comme un mec. Je ferme le robinet d’eau, enfile en vitessemon caleçon et retourne dans le salon. Les lieux étant étroits, je n’ai aucun mal à trouver Dylan. Elleporte un de ses tee-shirts de métal. Celui-ci colle à sa peau encore humide et ses jolies petites fessessont à présent couvertes d’une culotte en dentelle qui me rend fou.

– Qu’est-ce que tu fais ? lui demandé-je, suspicieux et sur mes gardes.

Son silence et ses grands gestes traduisent sa colère.

– Je ne pouvais pas te le dire, soupiré-je. Émilie me trompait avec mon père. Juste avant qu’il nemeure, elle est tombée enceinte. Paul-Antoine était bien sûr au courant de toute l’affaire. Il savaitqu’elle souhaitait mettre un terme à sa grossesse, mais il y a vu un moyen d’éloigner le nom de monpère de MC, donc il l’a aidée financièrement. J’ai réellement cru qu’il s’agissait de mon fils,Dylan… Mais Émilie, ayant vite compris qu’elle pourrait toucher plus, m’a avoué qu’il s’agit en faitde mon petit frère. Le dernier du clan Maréchal.

Elle croise les bras, très calme. La fureur agite moins ses membres, mais son regard est toujoursaussi noir. Le sentimental ne fonctionne pas…

– Je comptais te le dire, mais Émilie a dans son sac des éléments contre mon oncle, qui me serontutiles pour reprendre l’entreprise. Et elle m’a menacé de ne pas m’aider si tu faisais partie del’équation.

Ses paupières papillonnent. Je semble avoir réussi à la toucher.

– Et pourquoi me l’avouer finalement ?

La réponse me paraît évidente après ce qui nous est arrivé. Cependant, elle essaie de me tester, dedéterminer si je mérite sa confiance ou non.

– Car, ce soir, lorsque cette fusillade a eu lieu… Je me suis rendu compte que tout ce quej’entreprends pour récupérer mon héritage, n’a aucune importance si tu n’en fais pas partie, Dylan.

Un long silence tombe entre nous. Je résiste à l’envie de la prendre contre moi et de ne plus jamaisla lâcher. Dylan semble perdue. Elle tente de réfléchir, de remettre en contexte mes aveux, d’établirson propre jugement. Son ventre se creuse, elle resserre ses bras autour d’elle et secoue légèrementla tête, se refusant de plonger facilement. Je prends une grande inspiration. La rage dont elle faitpreuve, l’assurance qui la définit, tout cela fait d’elle une femme incroyable et hors du commun. Elleme rappelle ma mère, qui ne cédait jamais face aux plus grandes difficultés.

– Dylan…

Maréchal, enchaîné-je dans ma tête. Je ferme les yeux un court instant pour savourer la beauté etl’évidence avec laquelle ces deux mots sonnent. Mais lorsque je les ouvre à nouveau, c’est pourrecevoir un oreiller en pleine tronche.

– Mais qu’est-ce qui te prend ? m’écrié-je.

– Oh, pardon ! ironise-t-elle. Tu es surpris, peut-être ? Sur le cul ? Complètement perdu ? Nonparce que ça voudrait dire qu’au moins tu partages un dixième de mes sentiments actuels !

Ses bras se soulèvent et elle jette un deuxième oreiller. Je l’évite de justesse et m’avance vers elle.Je m’empare de sa taille et la bascule sur le lit pour l’immobiliser. Elle me fout un coup dans lescôtes, m’attrape les cheveux et tire dessus en poussant un grognement comme la femme sauvagequ’elle est. Ses ongles m’arrachent la peau, ses genoux s’enfoncent dans ma chair, et elle se débat dumieux qu’elle peut, m’injuriant de toutes les insultes qu’elle trouve entre chaque morsure sur lesparties de mon corps que je ne protège pas. Je la plaque sur le lit en grimaçant, emprisonne sespoignets au-dessus de sa tête et maîtrise ses hanches contre le matelas. Elle rugit, remue sous moi afinde se libérer de mon emprise, tente des coups de crocs dans le vide et manifeste sa colère entre ses

dents serrées.

Putain, c’est trop sexy !

Ma lionne est de retour et, sachant que je le mérite amplement, je la laisse se défouler sur moi,évacuer sa colère à sa manière. Une bonne minute doit s’écouler avant qu’elle n’arrête de s’agiter,son combat ne menant qu’à deux choses : son épuisement et mon érection.

– Fini ?

Elle grogne, effectue un mouvement brusque et revient au-dessus. Ses poignets m’échappent desmains et elle enroule les siennes autour de ma gorge. Je sens ses ongles me griffer, la moiteur ardentede son sexe qui se frotte contre ma queue dure. Elle est aussi excitée que moi.

– La prochaine fois que tu me mens, je t’arrache les couilles, Gaspard. À mains nues.

Même sous la menace, tout ce qui sort de cette bouche anime le désir que j’ai pour elle. Elle lesent, relâche mon cou et écrase ses lèvres sur les miennes. Je remonte son tee-shirt sur ses hanchesavec précipitation. Je ne pense qu’à la baiser, fort, mais elle n’est pas du même avis. Elle reprendmes mains et les remonte brutalement au-dessus de ma tête. Je n’ai jamais laissé de filles au-dessuset, pour la première fois, je suis dans tous mes états à l’idée que Dylan prenne les commandes.

– Ma lionne.

Elle mord sa lèvre, agite de plus en plus vite son bassin pour prendre son plaisir tout en m’endonnant un visuel que je n’ai jamais connu jusqu’à aujourd’hui. La pointe de ses seins tend son tee-shirt, ses lèvres gonflées sont arrondies par les soupirs d’aise qu’elle lâche, et sa culotte est simouillée qu’elle colle à ses lèvres comme une seconde peau de dentelle. Ma queue durcit et elle latransforme en objet de son propre plaisir.

– Redis-le, gémit-elle en posant ses mains sur mon ventre.– Ma lionne. Ma lionne à moi.

Elle grogne, ondule langoureusement, ses doigts se crispent sur mes abdominaux, son regard voilépar le désir disparaît derrière ses paupières et elle atteint le point de non-retour avec un crivigoureux. Vibrante et chaude, elle s’effondre sur mon torse. Comme j’aime l’avoir contre moi. Elleme tamponne de doux baisers dans le cou, sur la mâchoire, sur le visage.

– Tu m’as manqué, me confie-t-elle.

Je passe mon doigt sur les traits de son visage adorable et, mes yeux rivés aux siens, lui murmure :« Toi aussi ». Ses joues prennent une jolie teinte rose, ses baisers poursuivent leur chemin vers le sudet je me prépare à passer un excellent moment.

***

– Est-ce que Stéphanie sait ? Pour Cyrus ?

La voiture descend sous un tunnel et la radio que mon chauffeur a allumée à la demande de Dylanse brouille. Ses mains jouent avec la mienne, posée sur ses genoux, et elle lève ses yeux de chatonvers moi.

– Non. Tu penses que je fais une erreur ?

Elle secoue la tête pour dire non puis l’appuie sur mon épaule. La tempête est passée et, à présent,je suis prêt à mener notre histoire jusqu’au bout. Fini les prises de risques.

– Je comprends tes réticences. Depuis quelques mois, elle est heureuse et…

À nouveau, son regard trouve le mien et elle presse ma main.

– Ce que ton père a fait avec cette pétasse me rend malade.– J’ai tourné la page, lui murmuré-je à l’oreille.

Elle frémit et son corps s’emboîte contre le mien, là où est sa place. Nous nous arrêtons en cheminpour que je puisse troquer mes vêtements de la veille contre quelque chose de potable et je notesoigneusement le sourire approbateur de Dylan quand elle me voit débarquer en jeans et veste encuir.

Nous arrivons enfin à l’hôpital, où mon oncle s’est réveillé quelques heures plus tôt. Je ne suis pasenchanté de le retrouver mais Fafa et grand-mère Ninon sont à son chevet, inquiètes pour lui. Pourelles et notre famille, j’ai décidé de prendre sur moi, ce qu’il ne faudra pas oublier le jour où lavérité éclatera.

Devant la chambre, les membres les plus proches de Paul-Antoine occupent les fauteuils ducouloir.

– Oncle Paul-Antoine souhaite s’entretenir avec toi, m’informe grand-mère Nini.

Je noue mes doigts à ceux de Dylan, refusant qu’elle m’échappe et puisant dans la force quil’habite pour affronter mon oncle. Nous entrons dans la chambre. C’est une démarche très solennelle,qui me donne l’impression de rencontrer sa majesté sur son lit de mort.

À ma grande surprise, Laurent, l’ex petit-ami et journaliste de potins est présent lui aussi. Cethomme au look démentiel a toujours voué un amour sans condition à mon oncle, malgré le fait qu’iln’ait jamais assumé leur relation. Dans le silence des lieux, je l’entends sangloter, la tête posée sur lebras de Paul-Antoine. Il semble dévasté, par l’état de l’homme qu’il aime, et comme moi avec Dylan,il s’est rendu compte avec ce tragique évènement qu’il n’était plus capable de vivre sans lui à sescôtés.

À travers un coup d’œil inquiet, Dylan me demande si nous ne ferions pas mieux de les laisserseuls, quand mon oncle nous remarque. Encore pâle à cause de ses blessures, il tourne la tête dansnotre direction et tente de s’asseoir pour se donner un peu de contenance.

– Gaspard, me salue Laurent en se levant.

Tout comme grand-mère Ninon et Fafa, il passe en revue ma lionne. Ses lèvres sont encoregonflées pour m’avoir sucé avec bien trop d’enthousiasme, ses cheveux, rassemblés en une queue decheval, sont bordéliques et elle porte encore son tee-shirt de la veille, par-dessus un leggings noir derunning. Le look-attitude qui ne cache pas que l’appel de l’hôpital nous a interrompus en pleineaction.

– Laurent, réponds-je en lui serrant la main. Voici Dyla…– Dylan Savage, sourit-il, le contour de ses yeux rouge.

Nous le regardons sans comprendre.

– Venez avec moi. Laissons-les un instant…

Il passe un bras autour des épaules de Dylan. Nos mains se détachent et je la suis du regard jusqu’àce qu’elle quitte la chambre avec Laurent.

Je me dirige ensuite vers mon oncle, marquant volontairement une distance entre nous.

– Si tu avoues maintenant ton crime, je te promets de faire en sorte que la justice soit clémente avecla prison où ils te placeront.

Il secoue la tête en rigolant.

– Tu es comme ton père. Toujours en train de fouiner là où il ne faut pas, me crache-t-il, amer. Tucrois être plus malin que tout le monde ?

– Je crois surtout que tu es prêt à tout pour garder la tête de Maréchal Community, attaqué-je.Quitte à tuer ton propre frère.

Il ne dit rien, me regarde longuement. Il ne nie même pas… La colère afflue dans mon sang, vientse loger dans mes poings. Inconsciemment, je cherche Dylan des yeux. Mon regard se pose sur elle,de l’autre côté du couloir où Laurent lui parle. Elle me fixe, me sourit, et cela suffit à m’apaiser, àéteindre la flamme vindicative qui brûle en moi.

– Une fusillade pour te débarrasser de moi… Heureusement, elle a échoué. Tu es tombé dans tonpropre piège. Cela prouve bien qu’il y a un Dieu quelque part.

– C’est pour cette raison-là que Stéphanie et toi avez quittés Florenza ? murmure-t-il. Parce que tupenses que j’ai tué ton père…

Ses prunelles accrochent le vide.

– Qu’est-ce que tu attends pour m’arrêter alors ?– Mon avocat est en train de rassembler les preuves.– Quelles preuves ?– Le pilote de papa est vivant. Et bientôt, il témoignera contre tout ce qu’il sait sur toi. Tu devras

répondre de tes actes et tu paieras pour ce crime.

Il serre les dents et me lance un regard furieux.

– Je n’ai pas tué Léonard, pauvre imbécile ! Mais celui qui a fait ça…

Il manifeste son degré de nervosité et de colère avec un rire despotique.

– Quand il apprendra tout ce que tu trafiques… Il te tuera. Toi, moi et tous ceux que tu aimes !

2. Belle matinée

DYLAN

Les grands doigts rugueux et chauds de Gaspard enveloppent ma cheville et il me tire vers lui d’uncoup sec. Les plis du drap griffent mon dos et je lâche un marmonnement grognon.

– Debout, la marmotte, murmure-t-il en se penchant au-dessus de moi.

Son souffle frais et mentholé caresse mes lèvres et j’ouvre les paupières pour regarder mon belamant. Il porte un costard noir qui tombe merveilleusement bien sur son corps élancé et musclé.Dieu, qu’il est sexy, et horriblement sexuel.

– Je me suis levée à six heures, mais tu ronflais alors je me suis recouchée. Et maintenant tum’embêtes, râlé-je en lui balançant mon pied.

Il a le réflexe de s’emparer de ma cheville et de la bloquer. Profitant de mon centième de seconded’arrêt, il fait monter mon pied sur sa braguette et en plus de sentir les coutures de son pantalon, unebosse dure se forme sous mes orteils.

Seigneur, cet homme est une machine ! Il veut ma mort. Comment fait-il pour être paré à toutmoment, et aussi vite ?

– Je vous embête, miss Savage ?

Pas du tout. Je pense même que je vais devenir fan des matinées avec mon directeur préféré.

– Oui, minaudé-je.

Sans me prévenir, il m’attrape par la taille et me tourne sur le ventre. Ses doigts chauds glissentsous mon tee-shirt pour le retrousser autour de ma taille. L’air frais qui entre par ma fenêtre frôle mapeau nue et, quelques secondes plus tard, ce sont ses lèvres brûlantes qui me réchauffent.

Maintenant, je suis complètement éveillée.

– Peut-être que je devrais te laisser dormir encore… susurre-t-il contre la courbe de mes fesses.Qu’est-ce que tu en dis ?

Il souffle du feu entre mes cuisses et je me tords sur le matelas, serrant le drap entre mes mains.Mon pouls tambourine, l’anticipation progressive me noue le bas-ventre. Ne pas le voir, ne pascontrôler, mais le sentir et ressentir : c’est une sensation tellement différente, tellement plaisante.C’est comme se jeter dans le vide en attendant qu’une personne de confiance nous rattrape.

– Je n’entends pas ta réponse, Pépita.

Sa langue glisse le long de l’intérieur de ma cuisse, dressant les poils sur ma peau. Mon bassin sesoulève pour quémander et il le plaque brutalement contre le matelas, enfonçant ses doigts dans machair. Mon souffle saccadé se coupe sous l’effet de la surprise et je m’embrase. J’aime quand ilprend mon contrôle et perd le sien au moment où je m’y attends le moins, quand son désir de torturerle mien est plus fort que tout.

– Ne bouge pas, m’ordonne-t-il d’une voix autoritaire et délicieusement sensuelle.

Mes cuisses se referment automatiquement en réponse, avides de ce qu’il va m’offrir. Sa mainm’emprisonne les poignets dans le dos et il me mord, me lèche, me pétrit les fesses, s’amuse à merendre folle. Il resserre mes poignets l’un contre l’autre, et sa langue fond en moi. Sa bouche, douceet impatiente, me dévore. J’ai l’impression que mon cœur est directement relié au point avec lequel iljoue, que lui aussi va exploser sous l’expertise de ce muscle qu’il manie avec brio. Je termine parpousser un long gémissement.

– C’est ça… Laisse-moi t’entendre.

Ses doigts remplacent très vite sa bouche et je pars à la dérive. Mon univers se recentre sur cequ’il m’inflige. Tout est balayé, mon cerveau est en ébullition, mon corps n’est que lave et plaisir. Jerésiste aussi longtemps que je peux mais, quand il touche cette zone sensible au plus profond de moidu bout des doigts, qu’il comprend qu’il tient mon salut et qu’il ne le quitte plus. Je me mets à jouir sifort que mon monde en tremble. Ses aller-retour s’interrompent et j’étouffe un cri de frustration contrele matelas. Il suçote longuement chacune de mes fesses, grogne comme un homme des cavernes, etreplonge ses doigts de maestro en moi. Le cognement dans ma poitrine reprend de plus belle et lapression remonte soudainement. Encore et encore. Le lit se creuse des deux côtés de mes cuisses, ils’est mis à califourchon. Il tire sur mes bras et accélère le rythme. Je m’envole loin, haut, plane dansun autre univers où le plaisir est mot d’ordre. Mes dents attrapent le drap, je me débats encorequelques secondes et c’est l’explosion dans toute sa brutalité.

Satisfait par sa prouesse, Gaspard libère mes bras le long de mon corps et je redescends lentementsur Terre. Il s’étale à côté de moi, en appuie sur un coude. Il arbore un sourire arrogant alors qu’ilsuce ses doigts de magicien du sexe.

– Tu es le premier à avoir atteint mon point G, murmuré-je, encore essoufflée.– À ton avis, pourquoi le nomme-t-on le point « G » ?

Je m’esclaffe haut et fort et me décale pour me blottir dans ses bras. Ses doigts passent dans mescheveux et je joue avec le col de sa chemise.

– Tu es obligé d’aller travailler ?– Paul-Antoine est à l’hôpital et il m’a désigné en tant que remplaçant, marmonne-t-il en remuant

l’épaule sur laquelle je ne repose pas.

Je sens la colère monter en lui. Au sortir de la chambre de son oncle il y a deux jours, quelquechose en lui s’est métamorphosée. Comme s’il avait pris conscience d’un danger inconnu de tous,qu’il allait devoir assumer dans les heures à venir, et qu’il n’était pas du tout préparé pour ça. Je suispersuadée qu’il en est capable, mais je me demande simplement si c’est ce qu’il souhaite réellementou bien s’il s’agit d’un devoir familial qu’il s’est mis en tête d’accomplir.

– Tu vas gérer.– Je vais gérer, répète-t-il en souriant timidement, apparemment peu habitué à cette expression.

Je grimpe sur lui, croise mes bras sur son torse et le regarde curieusement. Il ne montre aucun signede faiblesse. C’est un mur de pierre qui croit toujours que son silence est d’or. Nous sommes deuxopposés sur ce point. Alors que j’ai tendance à tout extérioriser – et souvent sous forme de tornade –,Gaspard garde tout pour lui.

– Il faut que j’y aille, Pépita.

Je le retiens alors qu’il essaie de se lever.

– Encore cinq petites minutes. Et tu demanderas à ton chauffeur de gruger par les voies de bus.

Il éclate d’un rire franc.

– T’es une sacrée coquine, toi.

Je glousse et enfouis ma tête dans son cou. Il m’enveloppe de ses grands bras et presse ma têtecontre lui, massant mon cuir chevelu et fourrant son nez dans mes cheveux. Nous restons durant lesquelques minutes que j’ai demandé dans un silence paisible et appréciable. Mes paupièress’alourdissent et j’entends :

– Qu’est-ce que ma rockeuse préférée fait de ses journées ?– La grasse matinée, plaisanté-je avant d’énumérer mon nouveau quotidien. Je compose avec le

groupe. On écrit avec notre parolier. On travaille et retravaille les pistes…– Les pistes ? m’interrompt-il. Qu’est-ce que c’est ?

Je tripote les boutons de sa chemise et lui explique qu’un enregistrement de musique ne sort pastout beau, tout parfait, comme un bébé.

– Il faut que chaque élément soit enregistré en fonction des cinq « A », dis-je avant de lever sesdoigts : aparté, amélioré, approfondi, arrangé et ajusté. Ensuite, Thibault s’occupe des différentespistes pour équaliser, mettre de l’écho, du flanger… Chaque détail a son importance et doit être « passé au peigne fin », comme Thibault aime le dire. Ça va des silences aux notes les plus lointaines.Il finit par mettre les pistes les unes sur les autres pour qu’au final l’ensemble soit parfait, conclus-jeen regardant nos mains emboîtées l’une dans l’autre.

Gaspard suit mon regard et comprend que mes derniers mots ne concernent plus la musique. Nosyeux se croisent, s’accrochent un long moment et, en deux millièmes de seconde, il me fait basculer surle dos et sa langue force le passage de ma bouche. Il m’embrasse durement, sauvagement, pour memarquer, mais surtout pour me punir de la seule chose qu’il a retenue sur toute mon explication.

– Qui est Thibault ?

Je fixe le contour de ses lèvres, rougies par nos baisers, et ses yeux bleus. À la lumière du jour, ils sontcomme la mer au soleil. Écaillés par des reflets blancs et noirs. C’est hypnotisant.

– L’ingénieur son en chef, souris-je.

Il me contemple longuement, se rapproche de mes lèvres comme pour m’embrasser et murmure :

– Qu’il garde ses mains dans ses poches ou je me charge de lui ! Il faut que j’y aille, ma grande,ajoute-t-il en me claquant les fesses.

Je boude et m’accroche à lui. Je refuse de le voir m’échapper à nouveau. Ce weekend étaitmerveilleux. Il n’y avait plus de secrets, plus de mante religieuse du nom d’Émilie, plus de Razmoketnommé Cyrus, plus de Maréchal Community… Juste Gaspard et Dylan, dans un cocon de dix-huitmètres carrés.

– Encore cinq minutes !

Il me fait rouler sur le côté et se lève malgré mes plaintes et mes mains qui lui pincent le bout desdoigts. Il revient sur moi, me gratifie d’un baiser fougueux et plein de promesses, qui me fait perdrele fil de l’espace-temps. Au moment où je baisse ma garde, il se dérobe avec finesse de mes bras etcours prendre son téléphone, sa mallette et son manteau.

– Je t’appelle dès que j’ai un moment.– Tu ne petit-déjeunes pas ?

Je sais que je fais tout pour le retenir. Moi, Dylan Savage, l’enfant sauvage qui ne croit ni auxrelations durables ni à la vie de couple… Comment est-ce arrivé ?

– J’ai déjà petit-déjeuné, me lance-t-il, les yeux pétillants et le sourire pervers. Et c’était délicieux,ajoute-t-il en me faisant un clin d’œil.

Pour toute réponse, je ronronne comme une lionne et il s’en va en me laissant l’écho de son rire etl’image de sa belle bouille sexy en tête.

Heureuse, je me laisse tomber en arrière et contemple le plafond de mon appartement. Hum, il estplutôt haut mais avec une échelle et l’aide de Charlie, je pourrais accrocher des étoiles fluorescentes.Je prends mon portable pour lui envoyer un message quand on sonne à la porte. Mes yeux scrutentl’état de mon appartement pour voir ce que Gaspard aurait pu oublier.

Mais, quand j’ouvre la porte, c’est loin d’être mon Pépito qui se trouve derrière… Et cettejournée, qui avait si bien commencée, change brutalement de bord.

3. Les visites surprises

GASPARD

– Monsieur Maréchal ? Approuvez-vous ce plan ?

Je regarde la présentation numérique sur le rétroprojecteur en face de moi. À ses côtés, le directeurde l’une de nos principales stations de radio le commente et, comme toutes les personnes présentes àla table, il me fixe, en attente d’une réponse. Ignorant complètement de quoi il en résulte, je sors laréponse bateau de tous P.-D.G. :

– Je ne suis pas convaincu que ce soit l’idée du siècle, mais j’y réfléchirai et vous donnerai maréponse dans les jours à venir.

Je clos mon dossier et la petite assemblée convoquée comprend que la réunion l’est aussi.

Sur la table basse du salon de mon bureau, un stock de magazine est disposé. « Le gala gâché », « L’oncle entre la vie est la mort », « L’héritier maudit a encore frappé », tout ça fait la une desmédias. Je savais que je n’y échapperais pas longtemps. Rien n’est jamais suffisant.

Mes mains tremblent et je replie mes doigts pour arrêter ça. Un mouvement me fait redresser la têteet ma mâchoire durcit sous la fermeté de mes dents.

– Émilie…

L’interpellée se tient debout à l’entrée de mon bureau et lève son regard noir sur moi en entendantson prénom. Elle arrange son manteau chic sur elle et, la tête haute, gagne le bord de mon bureau prèsde mon siège et croise ses longues jambes.

– Bonjour, mon cher et tendre.

Son sourire hypocrite est de retour et il me semble, par avance, que je vais regretter cettediscussion.

– Qu’est-ce que tu fiches ici ?– Je m’inquiétais pour toi, Gaspard. Ton portable était éteint ! Il y a eu une fusillade et tu as disparu

tout un weekend, sans me donner de nouvelles !

J’arrange ma veste et retrouve ma place à mon bureau, là où je suis maître des choses.

– L’ex de mon oncle, c’est toi qui l’as appelé ?– Mon plan ne te plaît pas ? demande-t-elle en tripotant mon portable. Bien sûr, la fusillade a

légèrement volé la vedette…– Et aussi dangereuse qu’elle a pu être, la coupé-je, elle me sera bénéfique pour au moins une

chose.

Elle secoue la tête pour m’obliger à accoucher et je lui lance un sourire victorieux.

– Eh bien ne vois-tu pas, Émilie ? Je suis arrivé à la tête de MC sans ton aide machiavélique.

Petit à petit, les coins de sa bouche s’abaissent et je jubile intérieurement.

– Je crois que le terme exact de notre accord est obsolète, Émilie.

À travers mes yeux plissés, je tente de deviner son état psychologique, jusqu’à ce que je merappelle d’une chose : je n’en ai rien à cirer.

– Tu es directeur général temporairement, Gaspard, réplique-t-elle glaciale. Moi, je t’offre leposte pour une durée définitive.

– J’ai fait l’erreur une fois, pas deux. Et même si j’étais assez fou pour te suivre… en quoi Laurentpeut-il faire partir Paul-Antoine ?

Un sourire confiant réapparaît sur son visage, pensant sûrement que je vais céder à ses désirs.

–  Cite-moi le nom d’un milliardaire gay, Gaspard, roucoule-t-elle. Ton oncle n’a jamais fait soncoming-out pour la simple raison que le monde du business alimente quotidiennement celui del’homophobie. Maréchal Community a besoin d’un dirigeant avec toute la virilité et la puissance qui vaavec.

Son discours, lui-même à la frontière de l’homophobie, me donne des remontées acides. Ellen’aurait pas pu être plus détestable qu’à cet instant. Se servir de l’homosexualité de mon onclecomme arme, c’est vraiment dégueulasse. Quel genre de personne – de monstre – est-elle ?

– Tu es ce dirigeant, Gaspard, ajoute-t-elle, le regard brillant d’une lueur admirative et sensuelle.

Par la faute de notre bien trop longue et inutile fréquentation, je reconnais immédiatement saposture en tant que sexuellement offensive. Sa main suit un chemin jusqu’à mon visage, sa poitrineressort tout en se penchant vers moi et elle murmure en faisant onduler sa langue :

– Un leader, dominant et impartial.

Dès que ses doigts transpercent la limite de mon espace intime, je l’arrête en la retenant par lepoignet. Je m’apprête à répliquer lorsque j’entends le son familier des bottines de Dylan contre lesol. Surpris par sa présence, je me lève d’un bond. Ce qui n’est pas une excellente idée puisque jepasse à présent pour l’énorme con qui a quelque chose à se reprocher.

Elle s’arrête sur le pas de la porte et ses yeux verts détaillent et évaluent la scène qui se jouedevant elle.

– Dylan, commencé-je avant que mon souffle ne soit balayé par un vent électrique.– On peut vous aider, peut-être ? l’attaque Émilie, mauvaise jusqu’au bout.

Dylan cesse d’analyser, me foudroie violemment du regard, et l’interprétation qu’elle se fait de lasituation me paralyse. Elle pivote sur elle-même et se dirige vers les ascenseurs. Je ne vais pas laperdre à nouveau à cause d’Émilie, ça non. Je me lève et l’aperçois qui revient.

– En fait, si, vous pouvez m’aider, lance-t-elle.

Sa colère refroidit les lieux instantanément et sa menace de m’arracher les couilles prend vie aufur et à mesure de son approche bestiale. Elle plante fermement ses deux pieds entre Émilie et moi,me communique, d’un regard obscur, toute sa fureur. Trois secondes de silence défilent, elle hoche latête et pivote sur Émilie, qui écarquille imperceptiblement les yeux. Je n’ai pas le temps d’ouvrir labouche que la claque que Dylan lui flanque s’envole dans les airs.

4. Le langage des signes

DYLAN

Quelques heures plus tôt.

Maman sort de ma salle de bains et pousse un sifflement admiratif. Je fourre mes mains dans mondos pour lui dissimuler les emballages de capotes vides que Gaspard a pour manie de balancern’importe où dans le feu de l’action.

– Ça a l’air de rouler pour toi avec…

Gaspard ? Plutôt, oui.

– Major Music, lui rappelé-je.

Elle acquiesce au ralenti et, quand elle fait un petit pas vers la cuisine où je conserve quelquesbouteilles d’alcool pour les soirées, je lui barre le chemin. La connaissant, elle serait capable deme voler en douce.

– Major Music, répète-t-elle sans vraiment avoir l’air de savoir ce que c’est.

Je la regarde déambuler dans mon appartement comme si elle visitait un musée, tout en luirestreignant l’accès à mes placards de cuisine. Son parfum habituel d’alcool a disparu, ne laissantplus que l’irritante odeur du tabac. À chaque mouvement, il fouette l’air que je respire.

– Comment vas-tu ? questionné-je.

On est loin, tellement loin, de mon délicieux réveil avec Gaspard, que j’ai l’impression qu’ils’agissait d’un rêve et que ma vraie matinée débute avec maman.

– Je fais aller, marmonne-t-elle.

Elle fait aller. Quelle ironie. Je suis prête à mettre ma main à couper qu’elle n’est pas ici pour mevoir.

– Ils m’ont virée, m’apprend-elle dans un reniflement affreux.

Qu’est-ce que je disais ?

– Alors, j’ai perdu l’appartement aussi, tu sais. J’ai plus rien, Dylan. Enfin, tu es tout ce qui mereste. Ma petite fille.

Il y a bien longtemps que je n’attends plus d’affection de sa part.

– Est-ce que tu as essayé Pôle Emploi ?

Elle fait rapidement non de la tête et se défile à travers une autre excuse.

– Je me soigne, Dylan. Tu sais, comme une cure de désintoxication que je ne paierais pas.

Je secoue la tête, ne préférant pas croire qu’il existe un monde où ma mère cherche à aller mieux.Elle n’a jamais fait d’efforts ; elle aime sa vie d’alcoolique, avec ou sans argent.

– J’ai vu ton copain en entrant dans l’immeuble.

Gaspard.

Ma tête se redresse brusquement et mon corps s’élance sur ma mère, pris d’un instinct deprotection maternelle qui ne m’avait jamais traversée auparavant. Le même que je ressens pourStéphanie.

– Qu’est-ce que tu lui as dit ?

Forcément elle m’a discréditée. Elle a été lui dire que je suis une insolente, une fille facile, uneinsubordonnée qui ne lui apportera que des ennuis.

– Rien, rien.– Tu ne lui as rien dit ? grincé-je entre mes dents et mes poings serrés.

Elle et sa grande gueule à l’haleine alcoolisée ? Impossible. S’il a fui à cause d’elle, je jure que jene réponds pas de ce que mes mains feront.

– Il montait dans sa voiture et je voulais rentrer avant que la porte de l’immeuble ne se ferme.

N’oublie pas, Dylan. Tu es quelqu’un d’ambitieux et avoir réussi sa vie ne lui donne aucun droit surla tienne.

– Il y a longtemps que tu as cessé de savoir qui ou quoi est bon pour moi, maman.– Il est comme ton père, me crache-t-elle. Ce que j’essaie de te dire, c’est que tu auras à peine le

temps de t’attacher, qu’il se sera enfui. Et il ira chercher ce dont il a besoin. Une fille plus belle, plusriche, plus… docile, prête à exécuter toute forme de soumission, prête à vendre son âme pour avoirle corps de ton chéri. Tout – absolument tout – ce dont toi tu es incapable.

Elle s’approche de moi et l’odeur de tabac froid me répugne.

– Je t’ai fait Dylan, je te connais.

Sa main sèche passe sur ma joue, l’autre s’enroule autour de mon tatouage et je frissonne d’horreur,la gorge crispée par son approche indésirable.

– Tout ce que je souhaite, c’est ton bonheur. Mais si tu décides que ce garçon est bon pour toi, alorsd’accord.

Je hoche la tête sans savoir à quoi je réponds réellement. Son beau discours m’interpelle-t-il oubien suis-je en train de chercher à défendre ma relation avec Gaspard ? Maman est définitivementdouée pour ça : semer le doute dans ma tête. Malgré mon envie de prendre mes distances avec elle,elle réussit toujours à s’immiscer d’une manière ou d’une autre et, contre ma volonté, je finis toujourspar lui accorder le bénéfice du doute.

– Ce n’est pas très grand, mais tu peux rester si tu le désires.

M’abaissant aux pieds de mon placard, je m’empare des quatre bouteilles à demi-pleines et lesvides dans l’évier. Maman louche vivement dessus avant de me lancer un sourire rassurant.

***

Charlie ouvre grand les bras lorsqu’il m’aperçoit devant l’immeuble du studio d’enregistrement cetaprès-midi.

– La plus belle !

Il me serre contre lui, puis me tend un sac de viennoiseries.

– J’ai pensé à toi, je t’ai pris des chouquettes.

Je le remercie et me jette dessus. Ce week-end m’a épuisée et j’ai besoin de réconfort.

– Ça te dérange si on passe chez le disquaire, d’abord ?

Je suce le sucre des chouquettes sur mon pouce tout en le regardant et mon cœur fait un triple sautdans ma poitrine. La panique envahit mon corps et j’agrippe la doudoune de Charlie de toutes mesforces.

L’homme que j’ai aperçu le soir de la fusillade est de nouveau dans mon champ de vision. Assis auvolant d’une voiture noir et le look aussi sombre et inquiétant que la dernière fois, il regarde quelquechose sur son portable, l’air impassible. Une vraie bête. Je suis complètement figée par la peur.

– Qui c’est ? demande Charlie, qui a suivi mon regard.– J’en sais rien ! Mais le soir de la fusillade, il était devant chez moi, Charlie. Tu crois que je

devrais appeler les flics ?

Il secoue vigoureusement la tête, m’intime à rester où je suis et, en trois secondes, il est déjà prèsde l’homme en question. Je retiens mon souffle alors qu’il cogne contre sa vitre pour l’interpeller. Ilquitte sa voiture en me lançant un regard noir. Charlie en profite alors pour le frapper. Coup qui estrapidement stoppé par l’homme dans un réflexe impressionnant. Il maîtrise Charlie contre sa voitureen un rien de temps. Une vague de folie me propulse vers eux. Je lâche sachet de gourmandises et étuià guitare, saute sur le barbare et plante mes ongles dans son visage.

– Lâchez-le, sale brute !

Il grogne comme un monstre et tourne pour que je cesse de lui foutre des coups de poings sur lecrâne et des coups de griffes sur le visage.

Chacune de mes attaques est bloquée et, avec une finesse et une intelligence remarquable, lebonhomme réussit à me faire descendre de son dos. Charlie s’empresse de me ramener derrière luilorsqu’il sort quelque chose de sa poche. Cependant, ce n’est pas une arme : il s’agit d’une carteavec sa photo et trois grosses lettres en gras, « S.P.P. ». Il tapote du doigt son prénom et nous inviteà nous pencher dessus.

– Rony Lefèvre, « Service de Protection des Particuliers », énonce Charlie à voix haute.

Ledit Rony acquiesce vivement, et je prends la carte des mains de mon ami.

– Je sais que ça ne se fait plus trop mais… Est-ce que c’est une caméra cachée ?

Rony commence à faire non de la tête, s’interrompt, pousse un grognement de frustration et inspireprofondément, comme s’il s’apprêtait à faire un sketch sur scène. Puis ses doigts s’agitent et dansentlentement sous nos yeux.

– Il est sourd, murmure Charlie.

Rony remue l’index de gauche à droite puis tapote sa bouche.

– Muet ?

Il serre ses lèvres d’un air professionnel et lève son pouce.

Mais il n’a pas besoin de parler pour que j’assimile la raison de sa présence.

C’est un garde du corps. Mon garde du corps.

– Gaspard, grogné-je.

Cette fois, Rony hoche fièrement la tête.

***

Maréchal Community et sa belle façade haussmannienne ne m’avait pas tant manqué que ça,finalement. C’est sûrement parce que chaque fois que j’y mets les pieds, peu importe si j’y travailleou non, je suis toujours dans un état de colère différent.

– Bonjour, Mademoiselle Savage ! s’exclame le réceptionniste alors que je débarque dans le hall,Rony dans les pattes.

Je m’arrête et me tourne vers le jeune homme qui m’a snobée et ignorée tout au long de mon stage.Quand il croise mon regard et qu’il lit toutes les pensées rancunières que je formule à son attention, ilredevient sérieux.

– Monsieur Maréchal a anticipé votre venue et pour la faciliter à l’avenir, il vous a fait faire unpass.

Il me glisse la carte sur le comptoir. Je ne me rappelle pas de cette photo. Puis je reconnais le pullque je portais pour aller à New-York. Il l’a prise dans l’avion ! Mon cœur se gonfle d’un sentimentchaud, un tourbillon de frétillements se forme dans mon ventre et je…

Non ! Je suis énervée contre Gaspard ! Énervée, et rien d’autre. Dans l’ascenseur, je me concentresur ce sentiment négatif. M’assigner un garde du corps, non mais à quelle époque vit-on ?

– Bonjour Elizabeth ! Gaspard est-il dans son bureau ? Ne le prévenez pas, enchainé-je.

La Britannique qui est au service de Maréchal Community depuis des années maintenant seprécipite, me devance et fait barrage de son corps.

– Non ! Monsieur Maréchal est très occupé, vous savez, avec le remplacement de son oncle…

Je fronce les sourcils. Elizabeth est le genre d’assistante dévouée à son patron, mais surtout, elleest au courant de tous ses petits secrets. Si elle se jette ainsi pour garder cette porte fermée, c’estqu’elle sait que l’un d’entre nous ne sera pas heureux de découvrir l’autre.

– Qui est là-dedans ?

Pitié, pas Émilie…

– La femme de Monsieur Maréchal, je le crains, grimace Elizabeth.

De toute évidence, elle sait que je fricote avec son patron et elle est désolée d’être celle quim’apprend que je suis sa « maîtresse ». Mais seulement parce qu’elle ignore que la mante religieusen’est pas et n’a jamais été la femme de mon Gaspard. Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaulepour constater que Rony s’est adapté à l’environnement. Debout près de l’ascenseur, il adoptel’attitude caméléon en se tenant aussi droit que le mur.

Je contourne Elizabeth, ouvre la porte et me fige lorsque je découvre leur proximité.

L’espace confiné et intime du bureau de Gaspard, la chose  qui a couché avec son père, sa positionde prostituée face à mon homme. Tout ça, c’est bien trop. Et je me rappelle les mots de ma mère : « Une fille plus belle, plus riche, plus docile. »

Je fais demi-tour, ne souhaitant pas assister à cette scène une seconde de plus. 

Mais très vite, je me rends compte que mon attitude est bien trop puérile. Gaspard mérite que je me

batte pour lui, que je prenne les armes quand il les oublie, et que je fasse souffrir cette pétasse qui aprofité de sa famille.

Je crois que je marmonne quelque chose en revenant dans le bureau, mon esprit bouillonnantcomme de la lave. De mon petit corps, je défends mon territoire en me plaçant entre mon petit ami etson ex saloperie de copine. C’est une image, pour lui dire clairement qu’il faudra qu’elle me passesur le corps pour l’obtenir.

Je pivote vers Émilie et, ni une ni deux, je fouette sa joue de ma puissante main gauche.

– Mais vous êtes dingue ! hurle-t-elle le visage rouge, non à cause de la douleur mais del’humiliation.

Dingue ? Elle a baisé le père de Gaspard dans le dos de ce dernier ; elle a eu un enfant de lui et alaissé Gaspard croire que c’était le sien ; elle m’a menacée et a été à l’origine de notre séparation ; etaujourd’hui elle ose se pointer dans son bureau pour poser ses mains sales de pétasse sur mon Pépito.Je fulmine. Je boue. Je brûle. Et j’explose !

Saisissant Émilie par les épaules, j’enfonce mes ongles dans sa chair et la plaque brutalementcontre le premier mur. Gaspard répond immédiatement à l’appel au meurtre qu’elle m’inspire. Songrand bras m’attrape le tour de taille et tente de me tirer en arrière mais, ancrée au sol comme je lesuis, c’est un geste inutile.

– La prochaine fois que vous touchez à Gaspard ou à sa famille, je vous ferai subir millesouffrances.

– Eh ma grande, lâche-la.

La seconde main de Gaspard attrape la mienne, posée sur l’épaule d’Émilie. Sa voix me parvient deloin, mais réussit à percer les nuages noirs au-dessus de ma tête. Je reprends possession de mon bonsens et le brouillard devant mes yeux s’estompe pour laisser place à une Émilie apeurée et clairementen état de choc. Mon cœur martèle dans ma poitrine, désirant lui aussi se battre à mes côtés contre cettegarce.

Peu à peu, le calme revient et je lâche enfin prise.

– Émilie, je crois que tu connais le chemin de la sortie.

La jeune femme ne crache pas sur l’opportunité de s’enfuir et vire son cul du bureau. Mais avant depasser la porte, elle se retourne, hargneuse et me foudroie du regard :

– Je n’arrive pas à croire que vous puissiez accepter un monstre pareil dans votre vie !– C’est toi le monstre, pétasse !

Mon corps repart vers elle mais est retenu par le grand bras de Gaspard. Il me fait reculer d’ungeste fluide et se retourne sur moi. Ses yeux bleus me transpercent, m’obligent à me calmer sur-le-champ. Dès que la porte se ferme derrière elle, la tension qu’elle a provoquée en moi s’évacue sousla forme d’un long souffle. Mes yeux se posent sur le plat de mes doigts tordus par la crispation.Gênée d’avoir eu un tel comportement barbare devant Gaspard, l’homme classe et maître de lui-même, je rougis de honte et recule d’un pas. Sa main se referme autour de mon poignet et il meramène contre lui. Le bout de ses doigts frôle ma paume qui me démange encore.

– Si cette Émilie…– C’est la chose la plus sexy qu’on ait faite pour moi, murmure-t-il tout en déposant un baiser au

creux de ma main.

Ses prunelles accrochent les miennes alors que ses lèvres rejoignent mon tatouage au creux de monpoignet.

– Tellement, tellement sexy.

Il se penche par-dessus son bureau, prend le téléphone et compose du bout de l’index un numéro.Sans me quitter du regard, il porte le combiné à l’oreille et demande :

– Elizabeth, qu’est-ce que j’ai de prévu dans l’heure qui vient ? Très bien, déplacez le groupeLaurody à dix-sept heures et confiez la conférence de presse à Yann et Nathalie. Merci.

Il raccroche en souriant et se focalise à nouveau sur moi, plantant son regard sensuel dans le mien.

– Ma lionne sexy, murmure-t-il contre mes lèvres avant de m’embrasser.

Je me perds un instant dans son baiser, repousse à des kilomètres les mauvaises énergies et ne meconcentre plus que sur mon amant endiablé. La surface de mes joues commence à picoter, puis commebranchée à un défibrillateur, je me remémore la raison de ma venue et repousse Gaspard.

– Ne crois pas que tu vas t’en tirer comme ça !– Tu étais beaucoup plus docile que ça ce matin, me taquine-t-il.

« Docile ». Encore ce mot…

– Un garde du corps, Gaspard ? Est-ce que tu plaisantes ?

Son sourire badin s’évanouit brusquement et ses traits durcissent, ses épaules se tendent et tout soncorps s’immobilise.

– Oui. On peut négocier sur tout ce que tu désires, Dylan, mais pas sur ce qui concerne ta sécurité.– Ma sécurité ? Tu ne peux pas prendre de décision comme ça à ma place ! Je gère ma vie très

bien, j’ai pas besoin de l’aide d’un milliardaire paranoïaque.

À présent, il boue littéralement de rage à son tour. Bien ! Comme ça on est deux, encore mieux.

– Il y a eu une fusillade, bordel de merde, Dylan ! hurle-t-il. Comment peux-tu comparer cela à dela paranoïa ?

– Et pour quelle raison serai-je la cible d’un mec taré avec un flingue ?– Parce que je suis pris pour cible ! Parce que tu es ma petite amie ! Parce que je t… je tiens à toi,

rajoute-t-il plus calmement. Énormément.– Moi, ta petite amie ? Je viens à l’instant de te surprendre avec celle que ton assistante appelle ta

« femme ». Dis plutôt que je suis ta « petite à lit ».

Sa main essaie de reprendre la mienne et, quand je l’évite, le muscle nerveux de sa joue tressaute.

– Ne fais pas ça : te convaincre que tu n’es rien pour moi. C’est aberrant.– Tu sais ce qui est aberrant ? Toi qui prends des décisions sans me consulter, qui contrôles chaque

aspect de ma vie comme si tu savais ce qui est meilleur pour moi mieux que quiconque.

Et ça me tue de l’avouer, mais maman avait raison. Sous prétexte qu’il a le pouvoir sur tout cequ’il touche, il pense pouvoir faire de même avec ma propre personne.

Ses yeux bleus se plissent et ne forment plus qu’une ligne de longs cils noirs.

– Je te répète que je discuterai de tout, absolument tout ce que tu veux, mais je ne céderai pas pourça.

– Tu ne céderas pas ? Parce que tu penses que je te fais un caprice ? m’écrié-je.– Je ne te contrôle pas, Dylan. La preuve, tu es bien parvenue à quitter Maréchal Community,

raille-t-il. – Parce que tes mensonges m’y ont poussée ! contré-je, choquée qu’il puisse m’en tenir rigueur

après tout ce temps.

Quand je sens un liquide chaud faire irruption dans mes yeux, je pince mes lèvres pour le ravaler etme force à tenir.

– L’entretien, le voyage à New York, ton avocat et Jérémy…

Qu’est-ce que j’ai pu être con. J’ai laissé tout passer, le laissant croire que ça ne me dérangeait pasalors que j’aurais dû poser mes limites dès le début. Et au final je termine comme cette fille qu’adécrite ma mère : prête à toute sorte de soumission, même celle qu’elle ne voit pas ; donnant soncorps pour obtenir l’âme inaccessible de cet homme.

– Jérémy ? s’égosille-t-il. Je t’en prie, comment peux-tu encore le défendre ?– Il était mon seul ami ici, murmuré-je, à bout de force à cause de notre dispute. Et par la faute

de…– Il ne voulait pas t’embaucher Dylan ! articule méchamment Gaspard. Jérémy, ton « ami », refusait

qu’une petite blondinette inapprivoisable et sans « éducation » mette les pieds à MaréchalCommunity. Ce sont ses mots.

– Je ne te crois pas, soufflé-je.– Demande-lui. Vas-y. Mais étant donné que c’est toujours une enflure et un menteur, tu perdras

plus ton temps qu’autre chose.

Je serre les dents et expire un bon coup.

– Va te faire voir, Gaspard !

Je lui adresse un doigt d’honneur et quitte son bureau sans me retourner.

5. Cadeau de Noël

DYLAN

Quand le vigile de Major Music hoche la tête à l’attention de Rony après avoir vérifié sa carte,je pousse un grognement d’exaspération. Malgré ma dispute avec Gaspard, il a pour ordre de mesuivre et ça commence à bien faire.

– Votre carte-là, ça vous donne accès à tout ? C’est comme… Passe-Partout dans Fort Boyard ?

Sa moue s’accentue, son épaule se soulève et il semble répondre : « Si on veut. »

– Hum, ronronne Parisse qui sort du studio avec une démarche féline.

Ses yeux détaillent Rony de la tête aux pieds alors qu’elle enroule ses cheveux rouges autourde son doigt et passe sa langue sur ses lèvres.

– J’aimerais bien savoir, moi, si votre « carte » passe vraiment « partout ».

Je grimace et secoue la tête, refusant d’approfondir les sous-entendus de ma meilleure amie.

– Rony, voici Parisse, une accro au sexe que j’ai recueillie pour faire baisser son taux d’hormones.Mais, comme vous le voyez, j’ai lamentablement échoué.

Parisse me donne un mauvais coup de coude dans les côtes et profite de ma douleur pour seprésenter à Rony en lui tendant sa main.

– Enchantée de faire votre connaissance, Rony.

Il lui prend la main et la secoue de façon trop professionnelle pour le vagin ambulant qu’estParisse. Troublée par le détachement de leur présentation, elle en remet une couche.

– J’espère que vous êtes plus bavard en privé qu’actuellement.– Il est muet, Parisse…

Et en voilà un cas intéressant. Deux opposés complets se croisant. Une qui ne sait pas garder sans

langue dans sa bouche (dans tous les sens du terme) et un qui, de par son boulot, fait preuve deretenue et de sérieux.

– Oh ! Oh, pardon ! s’écrie-t-elle en parlant subitement très lentement. Je ne savais pas.– T’es con ou tu le fais exprès ? Il est muet, pas sourd.– Alors… Vous signez ?

Le poing fermé, il toque dans le vide avant de se rappeler que nous ne comprenons pas. Alors illève le pouce et nous sourions.

– Je vois. Donc vous devez être vraiment très, très habile de vos doigts… sous-entend-elle en lereluquant à nouveau.

Je lève les yeux au ciel et la tire vers le studio avant d’avoir une réaction de la part de Rony.

– Lui, est doué de ses doigts, moi, avec la langue. Je crois que ça pourrait très bien le faire…

J’entre dans le studio, sans écouter la suite de son raisonnement.

Depuis la cabine, Maya travaille avec le coach vocal notre titre phare Nuit Brune. Celui qui nous feraconnaître auprès du grand public. Public qui ignorera que cette chanson n’est pas un éloge à une brunecroisée sur les quais de Seine, mais à un bon litre de bière brune, descendu par Charlie un soird’Halloween.

Thibault est aux commandes sur la table de mixage et, à ses côtés, Charlie papote avec lasecrétaire. Bizarrement, cette fille n’a jamais de travail en attente quand nous sommes dans lesparages.

– T’es arrivée ! s’exclame Thibault. Franck t’attendait.

Avec ses cheveux longs et sa petite barbichette tressée, Thibault est le membre du staff avec qui jem’entends le mieux. Il n’est pas très beau, mais il a un goût pour le métal, le rock et les fringues quivont avec, que je partage et admire. C’est mon « moi » masculin.

– C’est qui le mec qui te suit comme ton ombre ?– Son garde du corps, répond Parisse.– Tu loues un appartement de bonne et tu as un garde du corps ? J’ai loupé quelque chose ?– Tu veux dire, à part une fusillade au gala de Maréchal Community ? rétorque Parisse.

– Certes, mais vous, dit-il en désignant le reste du groupe, vous ne vous baladez pas avec un gardedu corps.

– Disons que j’ai un copain aux tendances paranoïaques, coupé-je.

Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je constate que Rony nous surveille et nous écoute. Cen’est pas parce qu’il signe que je dois oublier qu’il peut m’entendre dénigrer son employeur.

– Un copain aux tendances gros portefeuille aussi, commente Thibault.– Et y’a pas que le portefeuille qui est gros, si je me reporte à un certain récit sur une virée new-

yorkaise ! en rajoute Parisse en appuyant ses propos d’un clin d’œil exagéré. En tout cas, moi, sij’avais un garde du corps, je serais plus occupée à faire la version pour adulte de Body Guard qu’àm’en plaindre constamment.

Cette enfant est irrécupérable…

Maya quitte la cabine avec le coach qui agite sa main pour signaler que c’est à retravailler.Encore. Pour la millionième fois.

– Ah ! Les No Limits, vous êtes au complet !

Franck pénètre dans le studio. Il tient dans une main un dossier rouge vif et de l’autre sontéléphone.

– J’ai eu Maréchal Community, cet après-midi. Et pas n’importe qui ! Leur nouveau P.-D.G.,Gaspard Maréchal, annonce-t-il, comme s’il avait gagné au loto.

Mes poils se hérissent à nouveau. Gaspard s’incruste encore dans ma vie ! Je croise les bras,prétendant ne pas voir le regard de mes amis tournés vers moi, et me concentre pour ne pas fairedéraper ma colère à nouveau.

– Il a été impressionné par votre prestation, le soir du gala, et voulait s’excuser pour la fusillade.– Je croyais que vous n’aviez pas eu le temps de jouer, s’étonne Thibault en regardant Maya.

Cette dernière nous fusille du regard et devient écarlate.

– Vous avez chanté sans moi ?

Je me prépare à nier, quand Charlie me devance. Il fait un pas annonciateur de sa prise de parole etdéballe à toute vitesse :

– On ne devait pas passer, mais l’organisatrice nous a trouvé un créneau à la dernière minute.

Mais oui… Le plan « renvoyer Maya ». Franck tourne son regard confus sur les trois traîtres quenous sommes.

– Nous n’avons fait qu’honorer notre accord avec Maréchal Community, Franck, renchérit Parisse,faussement innocente.

Notre manager passe sa langue sur ses dents en réfléchissant et Thibault murmure :

– Qui a chanté si Maya n’était pas là ? Vous n’avez fait que de l’instru’ ?– Non, s’empresse de dire Charlie. Dylan était au chant, comme au début du groupe.

Le visage de Maya se décompose alors qu’elle comprend le plan dont elle est la victime.

– Donc c’est toi qui a fait de l’effet à Gaspard Maréchal ? s’enquit Franck.– Absolument, acquiesce avec sérieux Parisse.

Pour une fois qu’elle ne trouve pas de tournure déplacée, je ne peux que me taire et l’en féliciter.Thibault pivote vers moi et me lance un sourire un peu étrange.

– Ça te dirait d’enregistrer une version de Nuit Brune ? m’interroge-t-il.

Je me force à ne pas observer Maya, malgré l’énergie meurtrière qu’elle dégage. Je devrais mesentir coupable, mais la perspective de mettre sur une piste ma voix et non pas ma guitare m’excite, sibien que je ne refuse pas.

Dans la cabine, le coach vocal échauffe ma voix, me colle quelques exercices ridicules, maisutiles. Mon ventre frémit d’enthousiasme et de peur, comme la première fois que je suis montée surscène. Mes deux amis m’encouragent derrière la vitre. Quand le coach me quitte, j’enfile le casque etun silence redoutable pèse dans la cabine. Thibault donne le top départ et quelques secondes après,j’entends le son de la guitare s’élever dans mes oreilles. Le rythme de la batterie suit et me galvanise.Le piano vient se mêler à tout ça. Je ressens très vite chaque percussion, chaque poésie derrière lamélodie qui m’emporte. La chanson que j’ai vu Charlie écrire dans un état d’ébriété à en faire pâlirde crainte les fabricants de bière brune, coulent entre mes lèvres. Les mots dansent sur ma langue,s’accordent à ma voix, m’enveloppent dans leur monde. C’est comme une histoire dont chaque pause,chaque intonation, chaque phrase, a son propre univers à construire et à transmettre. Et le mien tournesubitement autour de Nuit Brune.

La musique s’arrête et, de l’autre côté, Thibault lève ses mains au-dessus de lui et les croisederrière sa tête, époustouflé. Maya gobe des mouches au goût amer. Charlie et Parisse mecontemplent comme s’ils avaient toujours su que cela arriverait un jour ou l’autre.

C’est dingue comme chanter m’avait manqué.

Alors, Franck établit le contact entre la cabine et la régie pour déclarer :

On boucle cette version, et on l’envoie aux radios !

***

Charlie passe son bras autour de mes épaules et me secoue.

– Ma belle Dylan, dans quelques jours on sera sur toutes les radios de France, et après, celles dumonde entier. Te rends-tu compte ?

Je rigole haut et fort, la pression redescendant d’un coup. Les secousses du métro contre les railsfont vibrer mon rire et Charlie m’accompagne.

– On sort fêter ça ce soir, c’est certain.– La secrétaire de Major sera là ? le taquiné-je en le voyant répondre à un texto.– La secrétaire de Major s’appelle Charlotte. Elle n’est pas super canon comme mes ex, mais elle

est plutôt rigolote, tu sais.– Ah, mais notre tombeur a le béguin !

Utilisant mes deux index comme arme, je me mets à le tamponner sur les zones chatouilleuses. Il sedéhanche pour m’éviter et pouffe.

– Comment allons-nous nous vendre, si notre beau gosse est en couple ?– Il nous reste toujours Parisse, s’amuse-t-il.– Je parle de vendre notre image, pas notre corps.

Nous rions tous les deux.

– Tu devrais inviter Gaspard à notre petite fête. Après tout, il nous a donné un bon coup de pouceavec Maya, sans même s’en rendre compte.

La note de culpabilité qui résonne à mon oreille est trop aiguë pour que je la supporte.

– Je sais pas trop. On s’est disputé assez violemment tout à l’heure.– Pour quelle raison ?

Je secoue la tête avec évidence.

– Euh… Peut-être à cause du Big Brother qu’il a collé sous mon nez ?

Je montre du pouce Rony qui, à quelques mètres de nous, vient de céder sa place à une belledemoiselle enceinte.

– Ne sois pas trop dure avec lui, Dylan.

Dixit l’homme qui était prêt à lui foutre son poing dans la gueule. Je suis en train de rêver ! Dansquel monde mon ami défend-il mon petit ami ?

– Ne me regarde pas comme ça, soupire-t-il. Gaspard est loin d’être mon meilleur ami mais c’estclair qu’il essaie de faire de son mieux. Avec toi comme avec Stéph. N’oublie pas que nous les mecs,on ne pense pas vraiment de la même façon. Ce qui vous paraît insignifiant nous semble gros et viceversa. Je te connais depuis toujours, Dy. Tu as un caractère de cochon, sourit-il. Grâce auquelcertaines personnes te suivent et à cause duquel les autres te détestent. En plus de ça, tu pensestoujours avoir raison.

– C’est bon ! râlé-je en roulant des yeux. J’ai compris que je n’étais pas un cadeau du ciel !

Il relève le menton pour regarder à quelle station nous sommes puis baisse les yeux sur moi. Sesmèches de cheveux blancs tombent sur ses yeux, qui se plissent sous son sourire.

– Te rappelles-tu notre chanson Cadeau de Noël ?

Je me retiens de grogner. Me prendre par les sentiments, c’est rageant.

– Ce n’est pas parce qu’il n’était pas sur ta liste qu’il ne peut pas être meilleur que les autres. 

***

En arrivant chez moi, quelques minutes plus tard, j’ai la surprise de trouver ma mère derrière lecomptoir de la cuisine. Un instant, je panique à l’idée de lui avoir laissé une bouteille d’alcool.

– J’ai pris vingt euros qui traînaient pour faire quelques courses, j’espère que ça ne te dérange pas.

C’est un rêve : ma mère, sobre, qui cuisine. Il y a anguille sous roche. Elle constate que je ne bougeplus et son sourire s’élargit.

– Ne dis rien, je sais. Je ne resterai pas ici longtemps, promis. C’est juste pour…– Non, l’interromps-je. Prends le temps qu’il faudra. On peut partager le lit, ça me convient. Par

contre, je n’ai qu’une clé.– Eh bien, ça me forcera à chercher du travail quand tu seras sortie !– Je vais courir, lui réponds-je.

Courir me change les idées, me relaxe. Dans des moments comme celui-ci, où j’ai du mal à faire lapart des choses, j’ai besoin de m’aérer, de me déconnecter. Je me change en vitesse dans la salle debains, enfile mes vêtements de sport et quitte la maison laissant mes pas décider de la direction.

J’aimerais qu’elle voie Gaspard de la même façon que moi. Non pas qu’elle le compare à l’hommequi lui a brisé le cœur, j’ai nommé : mon père.

Au bout de trois quarts d’heure, je suis perdue dans mes pensées et je m’arrête brusquement decourir en plein milieu d’un pont. La voiture de Rony, qui me suit de près, ralentit et, quand je regardeà travers son pare-brise, je me rends compte à quel point je suis insensible. Gaspard a perdu sesparents. S’il est aussi surprotecteur, c’est parce que leur mort brutale et subite l’a rendu ainsi. Jem’approche de la voiture, ouvre la portière et m’installe aux côtés de Rony.

– Je sais que vous n’êtes pas mon chauffeur attitré, mais est-ce qu’on peut aller à MaréchalCommunity ?

Il mime un geste de la main.

– Ça veut dire « oui », ça ?

Il acquiesce et je souris.

La circulation étant plutôt mauvaise, nous arrivons devant Maréchal Community vers dix-huitheures. Pressée de retrouver mon beau et tout nouveau P.-D.G., je bondis de la voiture sans attendrequ’elle soit complètement à l’arrêt et cours rapidement dans l’entrée marbrée. Je monte dans l’un des

ascenseurs dans un état de surexcitation incroyable. Les étages défilent sur l’écran numérique àvitesse d’escargot. Enfin ! Le dernier étage sonne et Elizabeth écarquille les yeux en me découvrantdans une tenue pareille.

– Heu, monsieur Maréchal est en salle de réunion, murmure-t-elle alors que je me dirige vers sonbureau.

Je change immédiatement de direction, sans prendre en compte le fait que, si Gaspard est en sallede réunion, c’est parce qu’il est en réunion.

Voilà pourquoi, une fois les portes poussées, je me retrouve devant une vingtaine de têtesd’inconnus me fixant avec stupéfaction.

– Oh, merde. Je veux dire, pardon.

Je fixe Gaspard en espérant que mes yeux expriment à quel point je suis désolée. Assis en bout detable, il se redresse sur son siège et ses pupilles d’un noir dangereux glissent sur toutes les courbesde mon corps, s’assombrissent, et sa bouche insolente se crispe.

Oh, merde.

– Mesdames et messieurs, voici Dylan Savage, ma… Quel est le terme que tu as employé déjà ? mequestionne-t-il, l’air songeur.

Hors de question que je le laisse me démonter sans me battre.

– Ta petite amie, corrigé-je en posant les mains sur les hanches.

Ses sourcils s’arquent et je mords ma joue pour me réprimander de le trouver, malgré moi,incroyablement sexy en patron arrogant et joueur.

– Non, ce ne sont pas les mots justes.

Sa voix fouette la distance qui nous sépare, et je frissonne sous son regard imperturbable, ancré aumien.

– Puisque vous semblez avoir réponse à tout, Monsieur Maréchal, devinez ce que je suis sur lepoint de faire.

– Dylan.

Son ton rude me prévient de ne pas mettre à exécution ce que j’ai en tête.

Je tourne pourtant les talons et m’apprête à partir.

– La réunion est finie, gronde-t-il.

Alors que je passe la porte, j’aperçois le visage catastrophé d’Elizabeth qui me souffle « courage ». La main de Gaspard se referme fermement autour de mon bras et il me transporte dansson bureau en signalant qu’il ne doit pas être dérangé.

– Où est Rony ?– Quelque part, entre l’immeuble et dehors. C’est lui qui m’a accompagnée, si ça peut te rassurer.

Il me détaille à nouveau dans ma tenue moulante, les cheveux en bataille après ma course à pieds.La honte. Ses collègues – mes anciens supérieurs – m’ont vue dans un état pitoyable.

– Je ne suis pas certain que ça me plaise qu’il t’ait vu ainsi.

C’est une blague ?

– Il est muet, pas aveugle, répond-il en lisant sur mon visage.

Je mords ma lèvre inférieure et deviens tout à coup timide. Il fait durer le moment mais noussavons tous les deux que la raison de ma venue sera mise sur la table.

– Tu es mon cadeau de Noël, Gaspard, murmuré-je du bout des lèvres.

Il me regarde, comme si je délirais, et j’explique :

– Tu n’étais pas prévu, encore moins voulu, et pourtant quand je t’ai vu… Bon sang, on dirait unegosse…

– Continue, commande-t-il d’une voix rauque.– Personne n’a jamais pris autant soin de moi que toi. Sur tous les aspects, tu es là. Et c’est intense,

inhabituel. Ce qu’il y a entre nous, ça me dépasse.– Parle moins vite, ma grande. Respire.

Jusqu’à ce qu’il me coupe, je n’avais pas conscience que je retenais carrément ma respiration. Je

le regarde dans les yeux, plonge dans cette mer bleue et brillante, m’y noie et reprends, pluslentement :

– Tout est arrivé si vite, si fort, la puissance de mes sentiments m’effraie. J’ignore comment gérer.C’est comme si je chantais une chanson et que je perdais le fil des paroles et de la musique. Jepanique, j’ai envie de fuir la scène, et je ne me rends pas compte que le concert se poursuit toujoursparce que tu as continué la musique à ma place. Parce que tu couvres mes arrières. Parce que tu es là,avec moi. Alors merci. Merci de ne pas me permettre de tout gâcher.

Il inspire profondément, approche lentement, et je dois m’y reprendre à deux fois pour ne pasm’évanouir.

– Tu dis toujours que je suis ta pépite d’or. Mais c’est seulement parce que tu ignores que, sans toi,je ne brille pas. Sans toi, je ne suis qu’un caillou comme un autre.

Ses mains chaudes et douces emprisonnent mon visage et ses yeux communiquent tout ce que jeressens, dans les moindres détails. Je suis certaine que si j’avais fait un peu plus attention, j’auraiscompris bien plus tôt.

– Dylan Savage, murmure-t-il, le front contre le mien. Je ferme les yeux et il poursuit comme s’ilpensait à voix haute. J’espère pour moi que vous n’êtes pas farouchement attachée à votre nom defamille.

6. Pool party

GASPARD

Dès que ma bouche se ferme, je sais que mes mots auront des conséquences irréversibles. Écartantmon front de celui de Dylan, je l’observe écarquiller ses grands yeux verts et arrondir sa bouchepulpeuse sous l’effet de la surprise.

Est-ce que je viens réellement de…

Merde…

– Dylan, soufflé-je.

Dylan quoi ? « Je regrette » ? Ce serait mentir.

À vingt-sept ans, il est normal que je pense à l’engagement sous un angle plus officiel… Dylan estdevenue, comme elle le dit, vite et fort, tout pour moi. La passion qui nous lie est si intense que jen’arriverais pas à m’en séparer, même si je le voulais. Elle me colle à la peau, elle me fait vibrer,elle me suffit et ce, chaque jour davantage.

– Je dois y aller, de toute façon, me dit-elle en s’arrachant à mes mains.

Elle ne peut pas me laisser ainsi, j’ai besoin d’elle.

– Ma mère a préparé à manger, elle doit se demander où j’ai bien pu passer.

Ça, c’est le prétexte le plus naze et le plus absurde que j’ai pu entendre. Même si je voulais lacroire, je ne le pourrais pas. Il est clair que l’un d’entre nous est en train d’éviter l’autre.

– Dylan, répété-je.

Elle agite sa main, l’air de rien.

– Ça va aller ! Elle est là juste pour un petit moment. Le temps qu’elle trouve du boulot et unnouvel…

– Attends une minute, l’intercepté-je en attrapant le bout de ses doigts, et je m’accroche à ceminuscule espoir pour ne pas céder au désespoir de ma bourde. Ta mère est chez toi ? Vraiment ?

Mauvaise approche. Il me fallait un sujet de conversation qui me permettrait de l’empêcher de fuirencore plus vite, et je trouve quoi ? Sa mère alcoolique.

– Oui. Et elle m’attend. Je file.

Elle plaque un bécot sur ma joue. Pas un baiser ni un bisou. Un « bécot ». Le genre qui prouve quej’ai à nouveau merdé…

Mes fesses rejoignent à peine mon siège qu’Elizabeth me sonne.

– Le pôle sécurité sur la ligne 3, monsieur. Ils disent que c’est important.– Bonsoir, monsieur, entends-je subitement à l’autre bout du fil. Un homme à l’accueil prétend vous

connaître et désire vous voir, mais il refuse de décliner son identité. Nous vous avons envoyé sonportrait par mail.

Quand j’ouvre le message et que je découvre le portrait de l’inconnu, la surprise me coupe lesouffle.

– Faites-le monter.

***

– Monsieur Maréchal ?

Elizabeth me tire de mes pensées et fait entrer l’homme que je ne pensais jamais voir. Encoremoins vivant : le pilote de mon père.

– Monsieur Maréchal, me salue-t-il.

Je chancelle légèrement en me levant, surpris de rencontrer un homme présumé mort.

– Je crois que c’est moi que vous cherchez.

Il me tend la main par-dessus mon bureau et, stupéfait, je lui rends une poignée molle.

– Maxime Gutt, se présente-t-il.

Je secoue la tête, sous le choc, et me rends compte que je le dévisage avec trop d’insistance. J’aiépluché de fond en comble le dossier de la police et, pas une seule fois, il ne me semble être tombésur ce nom. Sa femme, qu’il a laissée veuve, ne porte d’ailleurs plus le nom Gutt, mais LeBreton.

– C’est ma nouvelle identité, précise-t-il.

Je l’invite à s’asseoir et ouvre finalement la bouche après avoir encaissé la surprise.

– Vous avez changé de nom ?– On m’y a aidé, oui. J’ignore les raisons qui vont ont poussé à enquêter sur les circonstances de la

mort de votre père…– Je désire seulement découvrir la vérité, l’interromps-je froidement.– Monsieur Maréchal, dit-il en parlant de mon père, n’a jamais voulu étaler ses problèmes

personnels. Il était du genre à tout garder pour lui et à penser que c’était mieux ainsi. Par conséquent,je n’ai jamais réellement su ce qui se passait. Jusqu’au jour de sa mort.

Maxime crispe son visage et remue sur son siège, mal à l’aise.

– Je mets ma vie en danger pour vous apporter ces informations. Il vous surveille, tout comme il l’afait pour votre père.

– Qui est « il » ?– Je l’ignore. Je ne l’ai vu qu’une seule fois…– S’agit-il de cet homme ? demandé-je d’un ton sec.

Je lui montre la photo de mon oncle sur mon portable. Il fronce longuement les sourcils avant desecouer la tête.

– Votre oncle ? Seigneur, non ! Il devait voyager avec votre père ce soir-là, mais Monsieur –comme s’il avait pressenti ce qui allait se passer cette nuit – l’a empêché de venir…

Paul-Antoine est innocent… La donne change à nouveau, pour l’enquête comme pour moi. D’uncôté il y a mon oncle qui s’avère ne pas être le meurtrier que je pensais qu’il était, de l’autre lafusillade qui a eu lieu. D’un côté, il y a la vérité, de l’autre, la sécurité de ceux que j’aime. J’ignoresi j’ai la force de continuer sans parvenir à les dissocier.

Si cette fusillade n’était pas un coup monté ni un « one shot », alors il recommencera, tant que je

serai toujours sur cette affaire.

Je ne sais pas si mener cette enquête jusqu’à son terme est conseillé. Tout cela va beaucoup plusloin.

Quand je pense que ma sœur ou Dylan aurait pu être touchées, j’en ai la nausée. Ne pasinterrompre cette histoire risque de me forcer à redoubler de vigilance, en plus de tout ce qui vaavec.

– Pourquoi n’êtes-vous pas monté dans l’avion ?– Chaque fois que nous voyagions à l’étranger, je préparais tout à l’avance. Monsieur aimait que

tout soit propre, que tout soit vérifié en amont. Quand je suis arrivé ce soir-là, mon chef-pilote m’asignalé que je ne volerais pas cette nuit, et que je devais rentrer chez moi. Je trouvais ce changementde dernière minute étrange de la part de Monsieur, si consciencieux et routinier. Alors j’ai cherché àcomprendre… tout était flou au début, puis son regard m’a tout révélé. Je n’avais aucune idée de quiétait dans la voiture, mais il aurait mieux valu pour moi que je ne la vois jamais. Je savais qu’il allaitse passer quelque chose dont je ne devais pas être témoin. Et pourtant je suis resté sur le tarmac.L’avion a décollé et, une fois dans les airs, sa trajectoire a changé, fonçant tout droit vers le sol.

Au fur et à mesure de son récit, les images de la scène se dessinent dans ma tête. Une peuridentique à celle qui me saisit chaque fois que je prends l’avion fait son apparition au creux de monventre.

– Dès que l’explosion a eu lieu, je suis parti voir l’avocat de votre père. Maître Gesbert.

Le père de Quentin est donc au courant. Et, soit le fils m’a délibérément caché des éléments, soit,comme moi, il a un père cachottier.

– Il a changé la totalité de mon identité et m’a dit que, si je voulais vivre, je devais partir et toutlaisser derrière moi. Ma femme, mon fils, ma vie…

Son visage, à l’image de sa douleur, se décompose et je peux ressentir l’intensité de sa peine.

– Votre femme et votre fils ? murmuré-je.

Il vit, depuis tout ce temps, en retrait de ceux qu’il aime ? Sans jamais les voir ni leur parler ?C’est de la torture. Comment une histoire entre des hommes si malsains et ma famille peut-elle faireautant de dégâts dans la vie des autres ?

– C’était la seule chose à faire. M’éloigner permettait d’écarter le danger. Je préfère vivre loind’eux que vivre sans eux.

« Vivre loin d’eux plutôt que vivre sans eux », pour protéger sa famille, passer pour mort. C’esttragiquement poétique. Je prends une profonde inspiration et lui déclare avec tout le sérieux dumonde :

– Je l’arrêterai, Maxime. Je vous promets de tout faire pour qu’un jour, vous, votre femme et votrefils, soyez à nouveau réunis.

Il se lève de façon solennelle et je me dresse automatiquement sur mes pieds.

– Prudence est mère de sûreté, Monsieur Maréchal.

Je hoche fermement la tête et, tout en lui serrant énergiquement la main, à la fois pour lui dire merciet au revoir, je lui tends ma carte.

– Si vous vous souvenez de quoi que ce soit à propos de cette nuit-là, n’hésitez pas, Maxime.

Une fois qu’il passe la porte, je me charge d’informer le poste de sécurité en leur demandantd’escorter soigneusement cet homme, qui m’a apporté tant de réponses, mais aussi de nouvellesinterrogations.

***

Il est près de vingt-et-une heures lorsque mon premier jour en tant que président directeur généralde Maréchal Community et ses emmerdes prend fin. Tant bien que mal, je lutte pour ne pas envoyerde message à Dylan. Je ne veux lui mettre aucune forme de pression par rapport à ce qui m’a échappétout à l’heure. Malgré cela, j’ai besoin de savoir que tout va bien pour elle et moi. Aujourd’hui estvraiment important. Après le week-end mouvementé auquel nous avons eu droit, nous avons tous lesdeux besoin de surmonter cette journée. Autant pour nous que pour notre couple.

Mon portable tremble sur le bureau et mon état m’amène à penser à ma belle lionne. Sauf que c’estle nom de l’hôtel qui s’affiche et l’espoir retombe.

– Monsieur Maréchal, ici la sécurité de l’hôtel. Nous avons un léger problème, vous devriez venir.

***

La piscine de l’hôtel est un espace où les arts gréco-romain et contemporain se mélangent. Lelong des murs s’élèvent des fresques incroyables peintes à la main, et le sol est recouvert deminuscules mosaïques qui forment un parterre élégant. À la fois très luxueux et très décalé, c’est unpetit paradis aquatique réservé uniquement aux clients de l’hôtel.

Je sors sur la terrasse qui surplombe la piscine et découvre en bas Dylan et Stéphanie, quitempêtent contre les deux gaillards de la sécurité. Mes prunelles sont irrémédiablement attirées parma pépite et ses sous-vêtements mouillés de la marque Jolie Mômes, qu’elle expose devant ceshommes. Au moins, ma sœur a eu la décence de mettre un maillot de bain une pièce qui couvre bienson corps. Mais la différence, c’est que son corps ne m’appartient pas. Savoir que les parties que malionne m’offre dans l’intimité sont visibles… j’en perds la raison et ne tarde pas à rejoindre le petitgroupe. Non sans attraper une serviette au passage.

– Je connais mes droits, s’insurge Dylan. Et si vous voulez me traîner de force à l’extérieur devotre hôtel en or, j’exige que ce soit une femme qui me touche.

Stéphanie acquiesce fermement.

Je n’apprécie pas vraiment cette proposition. Je suis le seul à pouvoir la toucher. Absolument riend’autre, si ce n’est cet ensemble de dessous coquins. Elle pose ses mains sur ses hanches et je drapela serviette sur ses épaules. Elle sursaute en même temps que les employés de l’hôtel et Fafa.

– Gaspard ? s’étonne ma sœur.– Monsieur Maréchal ! s’écrie l’homme en costume noir. J’étais justement en train d’expliquer à

votre sœur qu’elle était en droit d’user de l’espace baignade…

L’écoutant vaguement, je fronce les sourcils à l’attention de Dylan en l’enveloppant dans laserviette imprimée de l’hôtel.

– Puisqu’elle est cliente de notre hôtel et membre exclusif de notre club.

Dylan pince les lèvres, outrée par mon attitude presque maladive, mais elle ne bronche pas et jeme tourne vers les hommes en prenant soin que mon corps la dissimule à leurs regards.

– Mais cette jeune fille…– … Est ma petite amie, poursuis-je sans me laisser démonter, ce qui semble surprendre Stéphanie.

Ne sachant pas quoi rajouter, l’homme en costume noir bégaie et je lui décoche un sourire en coin.

– Considérez cela comme du parrainage.– Bien entendu, Monsieur Maréchal.

Je le verrais presque me faire une révérence alors qu’il recule d’un pas, armé de son vigile.

– Même en ce qui concerne les autres individus, monsieur ?

Il regarde par-dessus mon épaule et je me tourne pour voir une dizaine de personnes entassées auniveau du bar. Je reconnais vaguement l’ami aux cheveux blanc et Parisse dans le lot. Alors commeça, ils étaient en train de faire la fête dans la piscine de mon hôtel.

Dylan mord sa lèvre, coupable, et ce geste involontaire, si sensuelle et sexy me fait baisser lesarmes.

Je suis un homme faible.

– Mettez tout sur ma note, soupiré-je.

Une explosion de joie retentit alors dans toute la piscine et je surprends Stéphanie qui lève lespouces en l’air en direction de ses amis. Deux secondes plus tard, tout le monde se jette à l’eau et lafête reprend ses droits.

– Merci « Mister gros zizi », lâche Parisse en passant à côté de moi avec une bouteille de vodkadans les mains.

Stéphanie grimace et secoue la tête.

– Je ne veux rien savoir, s’empresse-t-elle de dire. Mais je suis contente que vous soyezofficiellement ensemble, vous deux ! Il était temps.

– C’est pas comme si tu ne nous avais pas mis de bâtons dans les roues, ne peut s’empêcher derailler Dylan.

Ma sœur lui tire la langue et part s’occuper de ses quelques invités, me laissant finalement seulavec ma belle insubordonnée.

– On peut parler ?

Elle passe la pointe de sa langue sur le coin de ses lèvres et retire la serviette, qui tombe au sol

avec le même air coquet qu’elle adopte quand elle se déshabille pour moi.

– Tu sais où me trouver, lâche-t-elle en me tournant le dos, se laissant tomber dans l’eau enbouchant son nez.

Voilà des années à présent que je n’ai plus mis les pieds dans une piscine. Ni l’amusement nil’intérêt n’étaient là. Et, en deux secondes, Dylan est parvenue à raviver ces deux sentiments. Elle arendu un trou rempli d’eau et de clore attractif, rien qu’en y plongeant un orteil. Cette fille est unesorcière.

Elle nage comme une déesse de l’autre côté du bassin, se détourne délibérément du reste de sesamis dans le but que je la suive. Tel Ulysse qui était attiré par le chant des sirènes, je me surprends àretirer mes vêtements couche par couche, mon corps ne désirant rien d’autre que retrouver la chaleuret la douceur du sien dans l’eau. Elle se cale dans le coin de la piscine. Seule sa tête émerge de l’eau,le reste de son corps effectuant de grands mouvements pour flotter sur place. Ses pupilles vertes etbrillantes à cause de l’eau de la piscine s’assombrissent tandis qu’elle observe intensément mesdoigts ouvrir ma braguette.

Je sens que je vais vite regretter de ne pas avoir viré tout le monde…

Mon pantalon rejoint mes vêtements et elle remonte légèrement pour me laisser entrevoir sa bouchepulpeuse. Sa langue glisse sur les courbes de sa lèvre supérieure, déjà humide, et les imagesérotiques qu’elle m’inspire enflamment mon esprit. Je n’irai pas me coucher sans avoir baisé cettebouche insolente.

Quand mon érection commence à tirer sur le tissu de mon caleçon, je plonge dans l’eau de lapiscine chauffée, la tête la première, en direction de ma belle. Je reviens à la surface pour la repéreret note l’inspiration vive qui la saisit lorsque nos regards se croisent ; elle aussi est complètementexcitée. Je nage à nouveau et, les yeux fixés sur elle, me dirige vers son petit espace. Ma main est lapremière à l’atteindre, puis mon bras l’enveloppe et je la tourne, le dos contre mon torse et ses fessescontre ma queue.

Quelle délicieuse sensation !

– Cessez de me mater ainsi, Miss Savage. Ou je me verrai dans l’obligation de vous traîner deforce à l’intérieur de ma chambre.

Elle rit contre moi et le sourire qui m’affecte est planant. Je nage à reculons, ma tête contre lasienne, l’emporte doucement avec moi et, enivrée par la légèreté de ce moment, elle laisse aller sesbras et ses jambes.

– J’ai chanté aujourd’hui. Le premier single de notre album, celui qui passera à la radio, aura mavoix, chuchote-t-elle.

– Je suis fier de toi, Pépita. Tu le mérites.

Elle se tourne avec un sourire béat sur les lèvres. Bordel, elle est si belle à cet instant que ça metue.

– Moi aussi, je suis fière de moi. Maintenant, lance-t-elle en me prenant par les épaules pourlaisser ses jambes flotter, il va falloir que j’essaie de ne pas me transformer en diva. Tu sais, à forced’entendre ma voix à la radio, ça peut me monter à la tête ce genre de truc, plaisante-t-elle.

Amusé par sa vision des choses, j’agite la tête de gauche à droite. Elle me contemple et, voyantqu’elle n’arrive pas à s’exprimer, je prends sa main dans la mienne.

– Je t’attendrai, Dylan. Que cela prenne un, dix ou cent ans. Je t’attendrai.

Je repense à ma conversation avec Maxime, à son désir de rester loin de celle qu’il aime, et jerajoute :

– J’ai essayé de t’éloigner de moi et de mes erreurs. J’ai passé deux ans à fuir, Dylan. Jusqu’à ceque je tombe sur une chose à laquelle on ne peut pas se dérober : le Destin. Jusqu’à ce que jecomprenne que je ne peux pas éviter ce que tu me fais ressentir. Tu me donnes envie de rester, de mebattre pour ce que j’ai. Tu me fais prendre conscience de la valeur de la vie, de la liberté, del’amour… J’attendrai que tu sois prête à porter mon nom et mes enfants. Peu importe le temps que çate prendra, je sais qu’il n’y aura pas d’autres issues possibles pour nous que l’union.

Ses yeux s’écarquillent légèrement de surprise et, émue par la sincérité avec laquelle j’ai prononcémes mots, elle plonge droit sur mes lèvres. Ses mains agrippent ma nuque et sa langue partimmédiatement à la recherche de la mienne.

Passionné, notre baiser monte en température. Ses jambes se nouent autour de moi, elle fait ondulerson corps contre le mien et, en pauvre homme que je suis, je ne peux me retenir de bander comme unfou. Mes muscles se tendent par anticipation et mon membre se met à rêver de son doux cocon, où ilrêve d’être englouti jusqu’à la jouissance ultime que seule cette femme est capable de lui arracher.

– Je vais jouir dans mon caleçon si tu continues, Pépita.

Sa langue moite danse contre la mienne à un rythme de plus en plus effréné et sa main glisse entrenous, vers le centre de notre désir. Je la sens se caresser un court instant, frémir violemment et gémir

entre mes lèvres. Rien sur terre n’est plus sexy qu’une Dylan qui cherche son point de non-retour.

Je serre les dents, grogne et attrape son poignet pour contrecarrer ce plan qui ne m’inclut pasvraiment, bien qu’il soit cruellement déclencheur d’orgasme lui-même. Elle pousse un geignementanimal et frustré, qui relève les coins de ma bouche. Ma prise se raffermit et, sans la quitter des yeux,j’amène ses doigts vers mes lèvres afin de les lécher, de les sucer, de prendre son goût et de lemélanger au mien. Étant donné l’eau de la piscine, c’est purement symbolique. Mais vu le rose quimonte aux joues de ma lionne, ça suffit à faire crépiter l’instant.

– Maintenant, touche-toi et imagine que ce sont mes doigts qui te font jouir.

Je guide sa main à nouveau sous l’eau, mêle nos doigts et les glisse dans sa culotte. Dès que notrebut est atteint, elle ferme les yeux et gémit de plaisir. Même dans la piscine, au milieu de tout ce beaumonde, elle est brûlante et moite. Il n’y a aucune barrière à son plaisir et j’adore ça. Beaucoup trop.

Nous changeons de position de façon à ce que je tourne le dos à tout le monde et qu’on puissepenser que nous ne faisons que nous peloter. Alors qu’en réalité, je vais la faire jouir en public sansque personne ne s’en doute.

– Tu me sens, Dylan ? Titiller ton bouton avec mon pouce, taquiner l’entrée de ton vagin avec mesdoigts ?

Sa respiration se bloque un petit moment, un spasme la fait trembler et elle se reprend.

– Oui, souffle-t-elle. Oui, je te sens…

Ne résistant pas à l’appel, mes lèvres partent suçoter la peau de sa mâchoire à son cou, je la goûteet m’en délecte, lui soutirant des soupirs d’extases accordés à la montée en puissance de l’orgasmequ’elle s’offre. À la hauteur de ses hanches, mes doigts s’enfoncent dans sa chair et j’attrape seslèvres entre les miennes, pour constater qu’elle est encore plus chaude que tout à l’heure.Discrètement, elle jouit contre moi, dans ma bouche, vibre contre mon corps. Ses ongles viennent seplanter en haut de ma nuque et elle se serre encore plus contre moi.

– Gas… !

C’est tout ce qu’elle réussit à prononcer, car l’orgasme la percute de plein fouet et la happeviolemment, s’empare de tous ses moyens et la capture avec une férocité redoutable. Le début d’unhurlement animal franchit ses lèvres et je me précipite pour l’embrasser avant de l’entraînerbrusquement sous l’eau.

Hors de question que l’un de ses copains assiste à ça !

La suite et fin se passe dans le monde sous-marin. Telle une bombe de plaisir, elle explose dansmes bras sous forme de vagues qui, petit à petit, perdent de leur intensité alors que ma lionneretrouve son état normal. Ses bras enlacent fortement mon cou, ses baisers n’en finissent pas et, sousl’eau, nous tournoyons et festoyons comme les deux amants espiègles et libertins que nous sommes.

Nous remontons à la surface et continuons de nous bécoter. De vrais adolescents aux hormones enébullition. Elle me griffe le visage, repousse mes lèvres et m’adresse un regard plein de sauvagerie,presque possessif.

– Merci.

Je mords ses doigts et elle gémit. Seigneur, elle pourrait jouir une nouvelle fois sans aucunedifficulté.

– Merci d’être patient avec moi.

Je me rapproche de ses lèvres et murmure contre elles :

– Merci d’avoir débarqué dans ma cuisine pour me voler des Pépito.

Ses yeux me sourient au moment où un garçon en short hawaïen m’interpelle.

– Eh mec ! Le portable dans ta poche n’arrête pas de sonner.

Juste avant de la laisser, Dylan me mordille l’oreille, et c’est avec un sourire niais que je décrochesans regarder l’interlocuteur.

– Gaspard ! s’écrie grand-mère Ninon avec, en fond, un Cyrus qui pleure. Elle est partie ! Elle a ditque tu m’expliquerais et elle est partie en le laissant là !

Les infos qu’elle me présente sont un vrai foutoir et n’arrivent pas à trouver de lien logique dansma tête.

– Quoi ?– La mère de Cyrus ! s’égosille grand-mère. Elle est partie, Gaspard ! Et elle l’a laissé là ! Elle a

abandonné Cyrus !

Prudence est mère de sûreté, c’est certain.

Émilie, par contre…

7. Star Wars

DYLAN

D’après certains docteurs, quitter le lit au petit matin est l’équivalent émotionnel d’un nourrissonquittant le ventre de sa mère. C’est la raison pour laquelle il chiale.

Mais quand on quitte Gaspard Maréchal, l’arrachement est multiplié par cent. Un Gaspardcomplètement nu ? Multiplié par deux cents. Un Gaspard complètement nu aux abdominaux saillantssous la faible lumière du jour qui se lève ? C’est un acte suicidaire.

Je contemple mon beau mâle endormi et me penche sur son visage. Reposé, il est adorable. Il n’y ani entreprise ni malade mental qui tente de tuer sa famille ni ex-copine-mère-de-son-petit-frère portéedisparue. Juste lui, et la paix.

– Bonne journée, Pépito, murmuré-je en déposant un tendre baiser sur le bord de ses lèvres.

Mon P.-D.G. a besoin de toutes ses minutes de sommeil, c’est pourquoi je ne le réveille pas etdécide que je lui enverrai un message dans la matinée. Mon pied tente une excursion en dehors dudrap mais, brusquement, mon corps est rapatrié sur le lit. Je me retrouve séquestrée entre les bras demon petit ami et le matelas plus que confortable de sa chambre présidentielle.

– Je peux savoir où vous vous rendez ainsi, Miss Savage ?

Ses yeux bleus aux traits fatigués me dévisagent avec amusement tandis qu’un sourire espiègle naîtsur son visage.

– J’allais prendre une douche, dis-je.– Ne prends pas de douche, marmonne-t-il en effleurant mes lèvres des siennes.

Son nez chatouille mon cou, il inspire longuement et ses doigts pincent le bas du sweat-shirt qu’ilm’a prêté pour la nuit.

– Tu sens le sexe d’hier soir, ronronne-t-il en me renvoyant des images torrides de nos corpsondulant sous la douche puis sous la couette. Tu sens moi. Tu sens bon.

– J’allais rentrer chez moi, continué-je.

Sa langue me lèche le long du cou, jusqu’à ma joue, me faisant frissonner de plaisir. Il termine enm’infligeant ses « mords-bisous » dont lui seul a le secret, et je gémis sans aucune retenue.

– Ce lit, c’est chez toi, dorénavant, grogne-t-il avec ce ton possessif qui me rend niaise.

Sa langue folle plonge dans ma bouche, se déchaîne et m’enchaîne. Je réponds à ce baiser par desondulations suggestives, involontaires de ma part. C’est juste la logique des choses. J’appartiensphysiquement à cet homme et, que je le souhaite ou non, je suis esclave, abrutie par sa « sexpertise ».C’est donc le corps en feu et la respiration fébrile que nous nous détachons l’un de l’autre. Il s’étalesur le dos et love ma tête dans le creux de son grand bras sécurisant et robuste.

– Qu’est-ce que ma lionne fait généralement lorsqu’elle se lève ?

Il capture des mèches de mes cheveux et les dégage de mon visage une à une.

– Hum, eh bien, j’aime allumer la radio à fond et écouter du métal et de l’indie.

C’est un paradoxe musical, je conçois, mais ce sont les deux genres qui m’attirent et m’inspirent leplus. À la fois doux et sauvage, la recette du succès des No Limits.

Il sourit. Sa main se faufile sous mon sweat et il caresse mes cuisses du bout des doigts.

– Ensuite ?– Je me douche, je me prépare, et puis je prends le petit-déjeuner devant la télé.– Devant la télé, répète-t-il, distrait par les caresses qu’il m’inflige. C’est déconseillé, Miss

Savage, vous le savez, n’est-ce pas ?– C’est la seule qui me tient compagnie, murmuré-je, mes doigts se perdant sur les bosses formées

par ses abdos.

Il ne fallait pas compter sur ma mère pour me préparer le petit-déjeuner, ou même pour êtreréveillée à l’heure. La télévision me permettait de me sentir moins seule et au fil du temps, j’ai prisl’habitude de me lever avec.

– Et qu’est-ce que ma lionne aime prendre au petit-déjeuner ?

Dire que j’aime ses petites questions matinales est un euphémisme.

Je les adore.

Il essaie de grappiller où il peut, quand il le peut, sans jamais être trop intrusif ou trop indifférent.C’est exactement à l’image de notre nouvelle relation : en douceur.

– J’aime bien les Miel Pops avec du chocolat chaud, pouffé-je, me sentant incroyablement gamineauprès de mon beau P.-D.G.

– Reste pour le petit-déjeuner.

Il ronronne dans mon cou comme un gros matou content et je lutte pour ne pas fondre.

– Non ! m’écrié-je. Toi et ta famille, vous avez besoin de parler.

Il a surtout besoin de leur dire la vérité. Hier soir, après avoir découvert la chambre vided’Émilie, Madame Maréchal a simplement regardé Gaspard et décidé qu’ils mettraient les chosesau clair le lendemain.

D’un côté, je brûle d’envie de rester là pour lui et Stéphanie mais, de l’autre, je suis convaincueque je n’ai pas ma place à cette réunion.

– Ne bouge pas, me dit-il tout simplement.

Il m’enserre dans ses bras pour s’en assurer et attrape le téléphone de l’hôtel sur la table de nuit.

– Bonjour, Ernst, commence-t-il après avoir composé un court numéro. Vous pouvez aller mechercher des Miel Pops et les rajouter au plateau, s’il vous plaît ? Merci.

Il raccroche et me regarde, les yeux pétillants de malice.

– Gaspard ! Et puis, je n’ai même pas de vêtements présentables ! Ta grand-mère va me détesterencore plus !

Rien que d’imaginer le jugement qu’elle portera sur moi lorsqu’elle me verra avec lui, dans desvêtements de premier prix – et ceux de la veille, en plus – me donne des crampes à l’estomac. Si j’ail’intention de faire partie de la vie de ses petits-enfants, je dois lui prouver que je le mérite.

– Depuis quand Dylan Savage utilise-t-elle le mot « présentable » ?– Depuis qu’aux yeux de Dylan Savage nous deux c’est important ! lui avoué-je en haussant la voix.

Ma bouche reste ouverte, choquée d’avoir laissé échapper des propos aussi officiels pour unepersonne d’aussi désillusionnée que moi. Je pique un fard et me mords la lèvre avant de me ressaisir.Lui et moi, c’est sérieux, et il va falloir assumer notre relation au grand jour. Je suis prête pour ça.

Je suis prête pour lui.

Gaspard fixe mes lèvres comme si ma déclaration était inscrite dessus.

– Tu es plus que présentable. Et grand-mère Nini ne te déteste pas. Elle te teste.

Il mordille le bout de mon nez, sort sous la couette et, nu comme un ver, se dirige vers la salle debains privée de la chambre. Je pivote et me mets en appuie sur mon coude pour le mater à volonté.Les lignes de son dos, la peau tendue de ses fesses, le jeu de ses muscles qui se relaient, quis’accordent et qui dansent sous ses mouvements.

Que mon homme est sexy…

– Tu me rejoins ou je lance un appel d’offre pour savoir qui veut passer sous la douche avec moi ?

Quand il se retourne, mes yeux sont immédiatement attirés par son érection. Mon corps s’enflammeet ma bouche s’assèche. Une chaleur familière s’empare de moi et se répand délicatement entre mescuisses. Je dois me faire violence pour qu’il ne remarque pas à quel point il me rend pantelante.

– Il faudra que quelqu’un m’explique comment c’est possible qu’on ait tout le temps envie l’un del’autre.

Je glousse comme une grande enfant, me mets debout sur le lit et bondis dans ses bras. Il merattrape avec facilité et nous enferme à double tour dans la salle de bains. 

– Tu fais du sport ?

D’un geste de la main, Gaspard efface la buée sur le miroir, à la fois créée par nos jouissances etpar l’eau chaude de la douche que nous avons partagée. Ici, il y a deux lavabos, une baignoire assezgrande pour être appelée « piscine », une douche à l’italienne fabuleuse, des surfaces en marbre, deslumières éclatantes, des produits chers… C’est un excès de luxe auquel je ne suis vraiment pascoutumière. Cependant, aux côtés de Gaspard, la décoration ne m’intimide pas. Je me sentiraispresque à l’aise si nous n’étions pas dans un hôtel au nombre d’étoiles concurrent à celui de lagalaxie.

– De temps à autre. Une à deux heures par semaine, quand le boulot me le permet.

Je retire de ma bouche la brosse à dents qu’il m’a gentiment prêtée et replace correctement laserviette qui retient mes cheveux.

– En salle ?– J’ai un coach sportif, Dylan.

Il déclare cela avec une évidence foudroyante. Comme si à la naissance, on ne nous attribuait pasun prénom mais un coach sportif. « Félicitations, vous avez une fille, quel coach avez-vous finalementchoisi ? »

– Et il te fait faire des abdos ?

Avec un sourire insolent, que j’aimerais pouvoir capturer, il me répond :

– Un peu. Sinon, il me confie des exercices à faire quotidiennement. Mais, dernièrement, jecompense avec le sport en chambre. Dans ce domaine, je suis plutôt du genre maître Yoda, si tu voisce que je veux dire, alors je n’ai pas besoin de lui. Juste d’une excellente et jeune padawan.

Son clin d’œil à travers le miroir me fait éclater de rire et je manque de m’étouffer avec la moussedu dentifrice. Je me dépêche de rincer ma bouche et me redresse toujours en riant.

– Monsieur Maréchal ! Vous venez de citer Star Wars ou je rêve ?– Vous ne rêvez pas, Miss Savage.

Il rassemble ses mains et plissant les yeux, il rétorque :

– Un très grand fan, vous avez là. Les six épisodes, par cœur je connais.

Son utilisation du dialecte à la maître Yoda est un pur bonheur. J’explose de rire et me rapprochede lui en effleurant ses abdos.

– En princesse Leia, voudrais-tu me voir déguisée ? l’imité-je.

Il grimace et lâche :

– Je ne suis pas certain que la coupe « casque audio » des années 1980 t’aille à ravir.

Je me dresse sur la pointe de mes pieds et me rapproche de ces alléchantes lèvres ourlées.

– Hum, et que dis-tu d’une cape de Jedi, sans rien en dessous ?– Là, on peut négocier.

***

Les vêtements commandés par Gaspard m’attendent sagement sur le lit et j’esquisse un sourire.

Je lève, à hauteur de mon visage, une jolie robe pourpre. Mes yeux tombent sur l’étiquette, surlaquelle est inscrit « Yves Saint Laurent » et je retiens involontairement mon souffle. C’est démesuré.Je me serais contentée d’une robe dans mes moyens et, sincèrement, je m’y serais sentie plus à l’aise.

Mais quand Gaspard et moi nous présentons dans la salle à manger, je note immédiatement lesourire émerveillé de Ninon Maréchal.

– Yves Saint Laurent, Dylan ! J’approuve ! Venez-vous asseoir pour manger.

Gaspard me presse la hanche et, comme si nous étions au restaurant, il tire ma chaise. Un petit-déjeuner chez les Maréchal se transforme en dîner de prestige.

Enfin, pendant un court instant…

– Tête de vache !

Cyrus, qui est en bout de table dans une chaise haute, me pointe du doigt et me regarde avec toutela haine dont son petit corps est capable. Je tente de ne pas y prêter attention même si j’aimerais luirépliquer qu’il a une sale tronche, mais ce serait mentir. C’est un joli petit garçon qui a les yeux deson grand frère. Je me demande bien si c’est un trait génétique auquel on ne peut échapper.

– C’est toi, la tête de vache ! rétorque Stéphanie en prenant place aux côtés de sa grand-mère.

La présence de ma meilleure amie me rassure et je me sens un peu moins étrangère à cette tablée.Elle me sourit de toutes ses dents et tire la langue au bambin.

Les yeux de Cyrus s’agrandissent comme des soucoupes et il observe silencieusement sa grandesœur s’asseoir.

– Gaspard, commence Madame Maréchal. Elle soulève le bol de Miel Pops et grimace. Qu’est-ceque c’est que ça ? Ils se sont trompés dans la commande.

– C’est à moi, lancé-je. Ce sont des céréales.– Ça n’en a pas l’air, commente Madame Maréchal en reposant le bol. Vous ne devriez pas manger

ça, Dylan.

En compagnie de n’importe qui d’autre, j’aurais haussé les épaules avant de me servir. MaisMadame Maréchal refrène mon effronterie innée. C’est pourquoi je me contente d’un pain au chocolaten promettant de me venger dès que je serai de retour chez moi.

– Moi, je prends le risque !

Gaspard verse les Miel Pops dans son lait, devant les yeux horrifiés de sa grand-mère et ceux,amusés, de Stéph. Je me retiens de rire quand il prend une bouchée et qu’il cherche le goûtexceptionnel que j’y trouve.

– Délicieux, déclare-t-il en me lançant un clin d’œil.

Je sais qu’il ne le pense pas mais, comme pour les présents, c’est le geste qui compte.

La grand-mère Maréchal soupire bruyamment et se tourne vers moi en regardant ma tenue avecenthousiasme.

– Gaspard devrait vous emmener au prochain match de son ami Tommy Cavalier ! Vous seriezravissante dans une robe en soie de mousseline à son bras, et les journalistes cesseraient de spéculerà tout va !

J’ai bien peur que cette apparition publique soit plus qu’une sortie entre tourtereaux mais plutôt unsubterfuge pour l’officialisation du mariage que je n’ai pas accepté. Et puis, Gaspard est ami avecTommy Cavalier ? Quand comptait-il m’informer qu’il fréquente le joueur de tennis le plus célèbre etle plus performant de France ? Parisse et Charlie vont être dingues lorsqu’ils l’apprendront. Ils nemanquent jamais un match du joueur préféré des Français.

– Grand-mère, soupire Gaspard.– Tu connais Tommy Cavalier ?– Nous avons fait du tennis ensemble, m’apprend-il.– Ils étaient au lycée ensemble, précise Madame Maréchal.

Je devine Gaspard rouler des yeux et il grogne à nouveau « Grand-mère », afin qu’elle cesse de

vanter ses mérites.

– Comment va oncle Paul-Antoine ?

Un coup d’œil dans sa direction m’indique qu’il est apeuré à l’idée de devoir s’expliquer au sujetde Cyrus.

– Aucune idée. Il est sorti de l’hôpital hier et, tout ce que j’ai eu, c’est un message de son amiLaurent, qui disait de ne pas s’inquiéter.

– Grand-mère Nini, marmonne Stéph. Tu sais que Laurent n’est pas qu’un simple ami d’oncle Paul-Antoine.

Madame Maréchal étire ses lèvres et évite le sujet en le remplaçant immédiatement par un autre.

– Gaspard, tu devrais penser à inscrire Cyrus dès maintenant à l’école. Les places pour le privépartent très vite !

Mon amie lève les yeux au ciel et se tourne vers Gaspard.

– Sap, la première chose que tu devrais faire, c’est apprendre à ton fils comment s’adresserproprement à une femme.

Elle me lance un clin d’œil et je ris doucement. Soudain, ma nourriture passe de travers quandj’entends Gaspard lâcher :

– Je ne suis pas le père de Cyrus.

Madame Maréchal secoue la tête en souriant.

– Quoi ? C’est la chose la plus ridicule que j’ai entendu. Cyrus est le portrait craché de ton pèrequand il était petit.

– C’est parce que papa est le père de Cyrus.

Les couverts s’arrêtent brusquement dans les plats. Un silence de plomb tombe dans la salle àmanger et sur nos épaules. Gaspard fixe les deux femmes Maréchal avant d’entamer l’histoire. Alorsque les mots ont du mal à passer ses lèvres, je me rends compte que c’est la raison pour laquelle ilvoulait que je sois là. Sans moi, il se serait senti emprisonné sur un terrain où personne n’est dansson camp et le moment se serait avéré encore plus difficile pour lui. Sa peur bleue de perdre lesderniers membres de sa famille n’aide en rien.

Mes doigts viennent alors timidement s’entremêler aux siens et, même s’il est focalisé sur sesparoles, je lui envoie tout mon soutien. Le contraste entre nos deux mains m’étonnera toujours ; lamienne est si petite, comparée à la sienne. Ce contact est juste… parfait.

Ses doigts se referment autour des miens en exerçant une pression légèrement tremblante, ilsramènent nos mains sur sa cuisse.

Le temps de quelques longues minutes, tout le monde l’écoute, même le môme qui ne doit comprendrequ’un mot sur dix.

Quand l’histoire se termine, le sang a déserté ma main tant Gaspard la serre fort. Les lèvres pincéeset les épaules voutées, il attend une réaction quelconque, se forge une armure et se prépare à recevoirles coups qu’il ne mérite pas. Un instinct de protection me bouleverse et me pousse à emprisonner samain, prête à me battre pour lui.

– Est-ce que tu as fait un test de paternité ? demande Stéph d’un ton bourru.– Stéphanie ! s’indigne sa grand-mère.

Mes yeux se plissent pour réprimander mon amie de son manque de finesse. Mais, trop absorbée parla colère qu’elle voue à son frère, elle ne me lance pas un seul regard. Comme s’il avait pu déciderque Cyrus soit leur frère…

– Qu’est-ce que tu insinues ? rétorque Gaspard, sur un ton qui m’indique que la réflexion de sa sœurle blesse plus qu’il ne le pensait.

Oui, qu’est-ce qu’elle sous-entend ?

Que, par son attitude, Gaspard a poussé Émilie à le tromper avec son père ? Comment peut-elle seliguer contre son propre frère après tout le récit qu’il vient de déballer ?

– Je ne peux pas croire que papa t’ait fait ça.– Tu ne le veux pas, rectifié-je, horripilée par son comportement.

Stéphanie me foudroie du regard. Madame Maréchal cligne des yeux, surprise par ma véhémence. Jecarre les épaules et fronce les sourcils.

– Tu ne connaissais pas notre père. Tu ne sais même pas ce que c’est d’en avoir un. Alors…– Stéphanie, articule froidement Gaspard.

Cyrus a un hoquet de surprise. L’effet « Gaspard en colère » est universel.

Il baisse le ton et ordonne :

– Retire ça immédiatement.

Stéphanie inspire comme un taureau au sang chaud. C’est ce qu’elle est, d’ailleurs, et si je l’adore,je ne supporte jamais quand ma petite luciole laisse parler la peste des beaux quartiers. Parce que sielle a bien quelque chose, c’est du répondant. Mélangé à sa malice, cela nous donne une harpie quiutilise les faiblesses des autres pour faire du mal.

– Tu as raison, dis-je. Je n’ai pas connu mon père, mais, grâce à son acte passé, je peux en déduirequ’il n’est qu’un lâche.

Stéphanie jette violemment sa serviette sur la table avant de nous quitter, dans un raclement dechaise théâtral. Énervée, je me lève à mon tour pour la poursuivre et ignore l’appel de Gaspard. Monamie s’enfuit dans le couloir qui mène à l’ascenseur.

– Stéphanie !– Quoi ? hurle-t-elle.

Elle fait un demi-tour sur ses talons et ses boucles brunes balaient l’air.

– Tu n’en as pas marre, à la fin, de te faire constamment passer pour la victime ?

Elle hausse le menton et, au vu de sa démarche hautaine, je comprends qu’elle ne se laisseraembobiner par personne.

– C’est lui qui a été trahi ! C’est à lui que ton père a menti ! C’est lui qu’Émilie a manipulé et à luiqu’elle a aujourd’hui laissé Cyrus. Il gère une entreprise ; prend soin de votre héritage et de votrefamille ; paie tes robes griffées et ton toit ; et avec tout ça, tu réussis quand même à lui en vouloird’avoir été trompé ! Alors je te le répète : cela te fatigue pas de te faire passer pour la victime que tun’es pas ?

Les larmes montent aux yeux de Stéphanie et son nez prend une teinte rouge qui me pince le cœur.

– Tu es supposée être ma meilleure amie ! Tu es supposée me soutenir moi, pas mon frère ! Tu nevois pas ce qu’il fait ? Il te retourne contre moi !

– Personne ne se retourne contre personne, Stéphanie. Ton père a couché avec l’ex-copine de tonfrère et ils ont eu un gosse ! Fais avec et grandis un peu, merde !

Elle renifle et secoue la tête avec amertume.

– Il est parvenu à faire de toi un chien bien dressé, Dylan. Et, à l’inverse de vous, j’ai déjà comprisque votre couple ne tiendrait pas.

Quand elle dit « vous », un frisson me parcourt l’échine et je pivote pour découvrir Gaspard, quinous observe.

– Le jour où Dylan et moi nous aurons besoin d’un avis en ce qui concerne notre relation, nousdemanderons celui d’un professionnel. En attendant, nous pouvons nous passer de tes commentairesdésobligeants et purement fantasmagoriques.

Stéphanie tourne les talons et s’en va, sans un mot de plus. Une fois rentrée dans l’ascenseur, jecroise le regard impassible de Gaspard et devine qu’une partie de ma conversation avec sa sœur nelui a pas échappé.

– Je dois y aller, annonce-t-il. J’ai un rendez-vous important au bureau.

Je me précipite à sa suite et le rattrape dans sa chambre. Mes doigts essaient de le capturer mais ilm’évite et se concentre sur ses affaires de bureau, qu’il rassemble dans sa mallette. Je refuse qu’il seferme à moi juste avant de s’éclipser pour une journée entière. Ni lui ni moi ne parviendrons à bien lapasser si nous nous prenons la tête. Je prends donc sur moi, comme Charlie me l’a conseillé, et luilance :

– Si j’ai dit ou fait quelque chose qui aurait pu te froisser, je m’en excuse. Je ne voulais pas… Jene pouvais pas la laisser s’en prendre à toi sans réagir, soupiré-je.

– Je sais, souffle-t-il. Je n’apprécie simplement pas le fait que tu sois prise entre deux feux,s’énerve-t-il tout en tachant de conserver un minimum son sang-froid.

La veine au-dessus de sa mâchoire palpite. C’est plus fort que moi, je monte sur le lit, me plantedevant lui et l’attrape par les épaules pour l’arrêter. Mes bras l’emprisonnent, et mes mainsmaintiennent fermement sa tête. Je plonge mes yeux dans les siens et, contre toute attente, il ne romptpas le lien visuel.

– Il est hors de question que je choisisse entre ta sœur et toi, Gaspard, si c’est ce qui te tracasse. Jeroule avec vous deux à l’arrière ou je ne roule pas.

Il comprend que je suis sincère. Le soulagement que mes paroles lui procurent se lit sur son visage.Ses yeux retrouvent de leur brillance, ses épaules se détendent et ses bras me portent dans les airs. Salangue s’enfonce dans ma bouche, caresse la mienne, et réveille la boule de chaleur dans mon bas-ventre. Avec difficulté, je recule.

– Tu as déjà eu droit à ta séance de sexe matinal, Pépito. Deux fois sous la douche ! ajouté-je ensentant sa bouche s’ouvrir pour répliquer. Grâce à moi, tu seras de bonne humeur toute la journée !

Je passe mon pouce sur sa joue pour effacer la trace de mon baiser mouillé et souris. Il boude et secontente de me déposer au sol en grognant. Mon corps glisse le long du sien et la jupe de ma roberemonte entre nous. Je me sens soudainement minuscule contre lui, mais ridiculement belle dans sesbras. Si nous nous regardions dans la glace, nous y verrions un couple chic, avec un hommecharismatique en costume et une petite blonde bien sapée aux cheveux électriques. 

– Tu me déposes à Major Music, au passage ?

Il me claque durement les fesses et grogne à mon oreille :

– En route, coquine !

Je glousse, tout heureuse, et sautille en rassemblant mes affaires. Il secoue la tête, le regardétrangement doux, et se gratte la joue en murmurant :

– Qu’est-ce qu’on ne ferait pas, par amour !

Et mon monde cesse brusquement de tourner.

Amour.

Gaspard a prononcé le mot amour.

Découvrez le dernier tome dès le 26 août 2016 !

Disponible en format broché le 23 septembre !

Quelques titres de nos collections

Quelques extraits

La chute

Twiny B.

Prune Linan, vingt-sept ans, n'est pas une jeune femme au mode de vie conventionnel. Écorchée parun drame familial, alcool, sexe, drogue et rock'n'roll rythment ses journées. Qui pourrait la sauver sice n'est le mystérieux Adam Reed, rencontré lors d'une soirée branchée ? Prune découvre que le bruntatoué n'est nul autre que le leader du célèbre groupe The Rebels. Le chanteur réussira-t-il àapprivoiser la jolie blonde ? Prune parviendra-t-elle enfin à ouvrir son coeur ?

Par Twiny B.

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Extrait

Elle est toute mon opposée, mariée depuis bientôt huit ans avec Dominique, un puissant avocat ;obstétricienne, car elle adore les bébés. Vous savez, ces petites bêtes à quatre pattes qui ne font quepleurer et remplissent leurs couches d’une horrible chose nauséabonde. Elle en a d’ailleurs eu deux,un petit garçon de maintenant sept ans, Gabriel et une fillette de cinq ans, Ania. On ne s’entend pasvraiment, mais on s’aime. Notre enfance chaotique nous a beaucoup rapprochées. Je vis dans lamaison d’amis qui se trouve sur leur terrain. Pourquoi irais-je m’embêter à payer un loyer, alors quel’on m’offre le logis ?

Je travaille activement, mais je sors aussi beaucoup. « Abus » est le mot qui me définit le mieux. Jeme délecte de tous les péchés possibles. Alcool, drogue, sexe, séduction... la vie est tellement fadesans tout ça.

J’ai besoin de me sentir vivante.

J’ai une partenaire de soirée et de folie, Lilly, ma meilleure amie depuis nos douze ans. On aaccompli les quatre cents coups ensemble et on adore se rouler des pelles pour emmerder les groslourds de la night.

Côté professionnel, je ne ressemble pas au traditionnel agent immobilier de la Côte d’Azur. Je neconnais pas les parfaits petits tailleurs pour coincées du cul. Je suis blonde, j’adore les tatouages etles fringues sexy. La vie m’a donné un corps à rendre vertes de jalousie les femmes et aguicher leshommes. Marié ou pas, peu m’importe, si la personne me plaît, je fonce. Ce n’est que pour une nuit,alors qui le saura ?

Mon patron, lui, est assez cool. À la base, il ne voulait pas m’engager à cause de mon style, mais jelui ai ramené trois gros clients qu’il convoitait depuis des lustres. Les preuves l’ont décidé.L’essentiel, c’est d’augmenter le chiffre d’affaires. Il rêverait que j’écarte les cuisses pour lui. Il saitque je lui apprendrai toutes sortes de choses, comme aucune femme auparavant. Il suffit de voir legenre de cageots avec qui il sort : chignon parfait, bouche en cul de poule et j’en passe. Mais jepréfère garder cette tension électrique entre nous. Comme ça, les jours où j’arrive en retard ou leslendemains de grosse soirée, il me laisse tranquille. Je ne suis pas du genre pudique, ce qui horripilema très chère sœurette. Son mari me lance quelques œillades de temps en temps. Mais ce n’est pas unenfoiré, il l’aime et je le respecte pour ça.

Aujourd’hui, je suis en vacances pour plusieurs semaines. L’été bat son plein et les peopledébarquent à Saint-Tropez. Méga soirées et gueules de bois en perspective. Je suis au bord de lapiscine, en train de peaufiner mon bronzage. J’ai rendez-vous dans trois heures sur le port avec mapoupée, Lilly. Ce soir, nous sommes invitées à une boat party.

Alia, les voleurs de l’ombre

Sophie Auger

Vadim dérobe aux riches propriétaires des toiles de maîtres pour les rendre à leurs véritablespropriétaires moins fortunés. Hautain, méprisant, il enchaîne les filles et les soirées extrêmes.

Mais lorsqu'il rencontre à Saint Pétersbourg la douce et fragile Alia, sa vie bascule. Quatre ansplus tard, leurs chemins se croisent à nouveau et il risquera tout pour la sauver d'un destin brisé.

Par Sophie Auger.

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Extrait

« Je suis Vadim, voleur de l’ombre. Êtes-vous sûr de vouloir entrer dans ma vie ? »

Jeudi – 16h30 – Paris, chambre d’hôtel de Vadim.

Je suis réveillé par la lumière du jour qui inonde la suite à travers la fenêtre. Cinquante mètrescarré dans un des plus gros palace de la ville. Lit « kingsize », draps en soie, petit salon personnel, jene me prive de rien.

Je pousse un grognement et me recouvre la tête de la couette.

Qui est l’abruti qui a ouvert ce putain de rideau !

J’ai un mal de crâne digne d’un rouleau compresseur. Il m’écrase les tempes et ma bouche porteencore le goût de la vodka et de la clope froide.

– Vadim ! Oh Vadim ! Il est temps de te bouger !

La voix de mon ami raisonne dans ma tête comme un marteau piqueur.

– Putain Dimitri, pourquoi tu me réveilles ? Quelle heure est-il ?– Il est bientôt dix-sept heures… Et je te rappelle que ce soir, une grosse opération nous attend.– Et cela nécessite un réveil aussi violent ?– Tu te fous de moi ! C’est la quatrième fois que je me pointe dans ta chambre ! J’ai déjà viré les

deux minettes qui t’ont servi de petit-déjeuner et je suis revenu nettoyer les traces de ta saleté depoudre blanche dans la salle de bains.

– Oh Dimitri, tu devrais vraiment te lâcher un peu mon grand, ça te ferait du bien.– Mais c’est le cas Vadim, nous avons juste deux définitions différentes du lâcher-prise…

Dimitri est plus qu’un simple partenaire de « boulot ». C’est mon frère. Pas celui que le sang tedonne, celui que le cœur choisit. Nous avons grandi ensemble, nos parents ayant les « mêmesactivités ». Il est celui qui me raisonne et je suis celui qui le déraisonne.

Il a un côté grand rêveur qui m’amuse autant qu’il m’agace, mais il a toujours été là pour moi etm’a sorti plus d’une fois des merdes dans lesquelles je me suis fourré.

Lui et moi sommes radicalement opposés. Dimitri le grand blond aux yeux bleus et à la mâchoirecarrée ; moi le brun aux yeux noirs, aux traits fins et à l’air mauvais.

C’est la seule personne sur cette putain de Terre en qui j’ai une confiance totale. La seule à qui jepourrai confier ma foutue vie. Il est le seul qui me connaisse parfaitement. Du moins presqueparfaitement.

– Dim, ne t’inquiète pas, je serai prêt à temps. Une douche, un café, éventuellement une petite pipede la réceptionniste de l’hôtel et je suis ton homme.

Il me regarde en secouant la tête, mais je sais qu’au fond, je l’amuse un peu.

– À quelle heure est le top départ ?– Vingt-trois heures.– Et tu oses me réveiller à dix-sept heures ? Dis-moi que tu plaisantes !– J’aimerais revoir deux trois choses avec toi avant.– Tu es un homme beaucoup trop organisé Dim, tu devrais improviser un peu plus souvent.– Je préfère éviter.– Tu es d’un ennui…– Et toi tu joues avec le feu Vadim. Un jour tu finiras par te brûler.– Cette expression de merde ne peut-être que française.– Effectivement, mais tu devrais la considérer un peu plus.– Je te promets de la considérer. Un jour. Dans une autre vie.

Je me lève et balance mon oreiller sur la tête de mon ami. Il le saisi au vol et me le renvoie.

Nous avons vingt-six ans, nous sommes jeunes, nous sommes riches, nous sommes libres, nousavons la vie devant nous.

Du moins c’est ce que nous pensions.

Mais tout peut changer si vite…

À paraître

Collection Crush Story

Eva de Kerlan

Journal d’un gentleman saison 1, L’intégrale – août 2016

Déjà dans vos tablettes

Collection Diamant noir

La chute, saison 1 – Twiny B.

La chute, saison 2 – Twiny B.

Ne rougis pas – Lanabellia.

Ne ferme pas ta porte – Lanabellia.

Alia, les voleurs de l’ombre – Sophie Auger.

Betrayed – Sophie Auger.

Collection Crush Story

Le goût du thé, celui du vent, saisons 1 et 2 – Eve Borelli.

Journal d’un gentleman saisons 1 et 2 – Eva de Kerlan.

Hollywood en Irlande – Elisia Blade.

Séduire & Conquérir – Elisia Blade.

Love on process – Rachel.

Shine and Disgrace – Zoe Lenoir.

Auteure : Fanny Cooper

Suivi éditorial : Laëtitia Herbaut

Nisha Editions

Cognac la forêt

N° Siret 510 783 467 000 44

N°ISSN : 2491-8660