Plan cancer 3 et pathologie moléculaire : serendipité en anatomie pathologique ?

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Annales de pathologie (2014) 34, 253—254 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ÉDITORIAL Plan cancer 3 et pathologie moléculaire : serendipité en anatomie pathologique ? Cancer Plan 3 and molecular pathology: Serendipity in pathology? Le 4 février 2014 lors du lancement du troisième plan cancer, le Président de la République a annoncé l’objectif de séquencer, par techniques à haut débit, 60 000 tumeurs à l’horizon 2018 (Action 6,4 : soutenir la mise en œuvre et la réalisation du séquenc ¸age à haut débit de l’ensemble des cancers à la fin du plan). Ces dernières années, le développement des nanotechnologies a permis l’émergence du séquenc ¸age à haut débit, encore appelé séquenc ¸age de nouvelle génération (next generation sequencing/NGS). Le NGS permet le séquenc ¸age en parallèle de millions de molécules d’ADN, ce qui autorise le séquenc ¸age de l’exome, voire de l’ensemble du génome d’un individu. En pathologie tumorale et en situation de routine, seul un panel de gènes « actionnables » sera utile à séquencer pour la prise en charge des patients. En effet, les techniques classiques d’identification des mutations (SNaPshot ® , PCR en temps réel, séquenc ¸age de Sanger. . .) sont aujourd’hui arrivées à leur limite pour le diagnostic quotidien. En prenant l’exemple des adénocarcinomes pulmonaires, il y a maintenant 7 gènes (EGFR, KRAS, BRAF, HER2, ALK, ROS1, cMET) à analyser pour la recherche de muta- tions/translocations/amplification. Même avec le multiplexage, les techniques usuelles ne nous permettraient pas d’augmenter le panel des gènes à « screener » et le développement de nouveaux inhibiteurs va forcement nous contraindre à cette inflation salutaire pour le bénéfice des patients ! La France, par sa stratégie pilotée par l’Institut National du Cancer (INCa) assure une accessibilité à ces tests moléculaires pour l’ensemble des patients concernés (60 000 en 2013). En effet, les 28 plateformes de génétique somatique des tumeurs per- mettent une couverture de la totalité du territoire national en réalisant gratuitement 1 les tests avec un travail de proximité propice aux échanges et interactions avec les prati- ciens. Cette organisation originale est très efficace : en quelques mois, les différents tests peuvent être implémentés, validés et disponibles pour la routine diagnostique (l’exemple récent du passage du « screening » KRAS à RAS en est la preuve). Cette organisation est unique au monde et est remarquée, voire enviée par un grand nombre d’autres pays l’accessibilité des patients aux tests innovants est plus difficile voire impossible. . . 1 Gratuité apparente, car ces tests sont financés par les enveloppes MIGAC grâce au travail et au suivi coordonnés de l’INCa, du ministère de la Santé (Direction Générale de l’offre de soin) et des agences régionales de santé. http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.07.001 0242-6498/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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Annales de pathologie (2014) 34, 253—254

Disponible en ligne sur

ScienceDirect

www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

Plan cancer 3 et pathologie moléculaire :serendipité en anatomie pathologique ?

Cancer Plan 3 and molecular pathology: Serendipity in pathology?

Le 4 février 2014 lors du lancement du troisième plan cancer, le Président de laRépublique a annoncé l’objectif de séquencer, par techniques à haut débit, 60 000 tumeursà l’horizon 2018 (Action 6,4 : soutenir la mise en œuvre et la réalisation du séquencage à

haut débit de l’ensemble des cancers à la fin du plan).

Ces dernières années, le développement des nanotechnologies a permis l’émergencedu séquencage à haut débit, encore appelé séquencage de nouvelle génération (nextgeneration sequencing/NGS). Le NGS permet le séquencage en parallèle de millions demolécules d’ADN, ce qui autorise le séquencage de l’exome, voire de l’ensemble dugénome d’un individu. En pathologie tumorale et en situation de routine, seul un panelde gènes « actionnables » sera utile à séquencer pour la prise en charge des patients. Eneffet, les techniques classiques d’identification des mutations (SNaPshot®, PCR en tempsréel, séquencage de Sanger. . .) sont aujourd’hui arrivées à leur limite pour le diagnosticquotidien. En prenant l’exemple des adénocarcinomes pulmonaires, il y a maintenant7 gènes (EGFR, KRAS, BRAF, HER2, ALK, ROS1, cMET) à analyser pour la recherche de muta-tions/translocations/amplification. Même avec le multiplexage, les techniques usuelles nenous permettraient pas d’augmenter le panel des gènes à « screener » et le développementde nouveaux inhibiteurs va forcement nous contraindre à cette inflation salutaire pour lebénéfice des patients !

La France, par sa stratégie pilotée par l’Institut National du Cancer (INCa) assureune accessibilité à ces tests moléculaires pour l’ensemble des patients concernés(60 000 en 2013). En effet, les 28 plateformes de génétique somatique des tumeurs per-mettent une couverture de la totalité du territoire national en réalisant gratuitement1

les tests avec un travail de proximité propice aux échanges et interactions avec les prati-ciens. Cette organisation originale est très efficace : en quelques mois, les différents testspeuvent être implémentés, validés et disponibles pour la routine diagnostique (l’exemplerécent du passage du « screening » KRAS à RAS en est la preuve). Cette organisation estunique au monde et est remarquée, voire enviée par un grand nombre d’autres pays oùl’accessibilité des patients aux tests innovants est plus difficile voire impossible. . .

1 Gratuité apparente, car ces tests sont financés par les enveloppes MIGAC grâce au travail et au suivi coordonnés de l’INCa, duministère de la Santé (Direction Générale de l’offre de soin) et des agences régionales de santé.

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.07.0010242-6498/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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Au démarrage de cette structuration territoriale, cer-ains pathologistes ont regretté de ne pas avoir réalisémmédiatement eux-mêmes ces tests moléculaires. Maisomme toute nouvelle technique, la pathologie moléculaireoit s’apprendre. Il est en effet capital d’en acquérir lesases, d’en effectuer un apprentissage dans un environ-ement expert avant de la pratiquer de facon autonomevec toutes les garanties de qualité. C’est égalementne des orientations du plan cancer. L’action 4,6 stipule :

introduire, au sein du DES d’anatomie et cytologie patho-ogiques (ACP), une formation théorique et pratique (stagee six mois sur une plateforme de biologie/génétique molé-ulaire) en biologie moléculaire sous la coresponsabilité deiologistes moléculaires ou de généticiens et du respon-able du DES. Assurer la qualité de la formation au sein duES d’ACP en veillant que les stages en ACP prévus dans laaquette du DES soient réalisés ».L’une des missions des plateformes régionales est de per-

ettre cette formation aux pathologistes et aux internes duES et se trouve ainsi renforcée par le Plan cancer. Il est donc

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Éditorial

rimordial que nos internes puissent rapidement se formerans les plateformes de génétique somatique labellisées etnancées par l’INCa.

Aussi, comme les trois Princes de Serendip, notre disci-line trouve sur son chemin, tracé par le plan cancer 3 et’INCa, la légitimation d’enseigner et de pratiquer la patho-ogie moléculaire. Espérons que cette heureuse rencontreermette de replacer notre discipline au centre de la prisen charge du patient atteint d’un cancer en réalisant à trèsourt terme l’intégralité des analyses tissulaires morpholo-iques et moléculaires. Cela ne dépend plus que de nous. . .

Jean-Christophe SabourinService de pathologie, pôle de

biologie-pathologie-physiologie, plateformerégionale d’oncologie moléculaire, CHU de Rouen,

1, rue de Germont, 76000 Rouen, France

Adresse e-mail :[email protected]