PIONNIERS CANADIENS : William Frederick Grant

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PIONNIERS CANADIENS v © 2008 CNRC Canada William Frederick Grant, FRSC Au Canada, à l’époque de la découverte de l’ADN, la re- cherche formelle était financée en grande partie dans trois secteurs : les écoles de médecine, certains hôpitaux et les ministères de l’Agriculture du fédéral et des provinces. Dans les écoles de médecine et les hôpitaux, des analyses de prélèvements sanguins ou d’autres liquides organiques, suivies de l’examen de populations et de généalogies, ont conduit à la publication de plusieurs articles classiques canadiens. De la même façon, la pollinisation contrôlée d’espèces végétales d’importance sur le plan agronomique, suivie du dépistage des traits recherchés sur la descendance au moyen de tech- niques biométriques et d’autres méthodes d’analyse, a donné lieu à d’importantes améliorations dans le domaine de l’agriculture végétale au Canada. Il convient également de souligner que l’utilisation de techniques similaires (croisements contrôlés, analyses de descendance et analyses des liquides organiques) a conduit à des progrès importants dans le domaine de l’agriculture animale. En plus des techniques chromatographiques utilisées pour isoler et identifier des molécules, l’outil de recherche le plus courant était le micro- scope optique, utilisé avant tout pour étudier les chromo- somes. Le microscope a permis également d’étendre les études en génétique vers l’utilisation d’organismes modèles, dont beaucoup d’entre eux convenaient particulièrement bien à certains travaux de recherche (p. ex. Drosophila), alors que la recherche prenait de l’ampleur dans les universités. Telle était l’étendue de la recherche en génétique au Can- ada lorsque William F. Grant, Ph.D., s’est joint au corps professoral du Département de génétique de l’Université McGill, en 1955. Diplômé de l’Université McMaster, Bill Grant a obtenu son doctorat en cytogénétique et biosystématique végétales de l’Université de la Virginie (1953). Au cours des 54 années passées à l’Université McGill, Bill Grant s’est fait connaître à l’échelle internationale, grâce à plusieurs contri- butions à la phytogénétique, et à l’échelle canadienne, pour ses nombreuses contributions à la Société de génétique du Canada et à certains organismes fédéraux et provinciaux. Je devrais peut-être me dévoiler. Je connais Bill depuis le milieu des années 1960, ayant siégé avec lui à divers comités et commissions, et ayant agi à titre d’examinateur externe pour certains de ses étudiants au doctorat. De plus, l’un de ses étudiants diplômés a poursuivi des études postdoctorales au sein de mon laboratoire. Le premier rapport de recherche de Bill Grant a été publié en 1951 dans la revue Virginia Journal of Science. Tout au long de sa carrière, il a publié 128 rapports dans des revues prestigieuses qui touchent la cytogénétique, la mutagenèse et la biosystématique. De plus, Bill est auteur ou coauteur de plusieurs chapitres rédigés sur invitation, et a produit 87 résumés, 41 collaborations à des bulletins et une centaine d’autres écrits divers. Entre 1959 et 1993, 36 étudiants ont obtenu leur diplôme d’études supérieures sous la direction de Bill, dont treize doctorats. Manifestement, ces chiffres montrent la contribution importante du laboratoire de Bill Grant au Canada au moment où l’« ère de la génétique » était en pleine ébullition. L’intérêt double de Bill se reflète dans son programme de recherche, qui comporte deux thèmes principaux. D’abord, ses étudiants et lui ont été les premiers à utiliser des espèces végétales supérieures (notamment Allium cepa, Hordeum vulgare, Tradescantia spp. et Vicia faba) pour effectuer des essais biologiques expérimentaux visant à évaluer ou à suivre les dommages génétiques possibles à la suite d’une exposi- tion à des agents polluants (environnementaux ou industriels). Un certain nombre d’articles, s’échelonnant du milieu des années 1960 aux années 1970, dont beaucoup ont été rédigés en collaboration avec des étudiants diplômés, ont étudié l’induction d’anomalies somatiques et méiotiques, principalement chez la plante agricole Hordeum vulgare, à la suite d’une exposition à des pesticides et à des herbicides particuliers. Ces études, effectuées par Bill et ses étudiants, l’ont amené à siéger à plusieurs commissions nationales et internationales chargées d’étudier les effets des agents polluants sur divers écosystèmes. Bien que de nos jours, les technologies qui visent la détection des dommages environnementaux soient beaucoup plus perfectionnées et très spécifiques pour une molécule donnée, les contributions de Bill, soit la mise en valeur de la capacité d’observer et d’évaluer les dommages à l’aide du microscope optique, demeurent une contribution internationale importante et con- stituent l’un des premiers chapitres de l’histoire des nou- veaux domaines de l’époque, la mutagenèse et la cytotoxicité chez les organismes supérieurs. Le second thème du laboratoire de Bill Grant, qui s’est poursuivi tout au long de sa carrière, consiste en des études biosystématiques de plusieurs genres végétaux. Des rapports représentatifs comprennent des observations sur des genres aussi variés qu’Ameranthus, Betula, Celosia, Lotus, Impatiens et Manihot. Des études cytogénétiques fondamentales de la méiose, des irrégularités méiotiques et du nombre de chromosomes ont mené à l’examen de la répartition de molécules précises à l’intérieur de chaque genre. De plus, des hybrides inter- spécifiques, produits de manière expérimentale, sont venus consolider plusieurs de ces études. La culture de protoplastes, de tissus et d’organes a offert des possibilités de sélection in vitro. Bill a également adapté diverses tech- niques chromatographiques et la RAPD (amplification aléatoire d’ADN polymorphe) pour étudier les relations génomiques chez plusieurs genres. Grâce à plus de 40 ans de recherche descriptive et expérimentale sur le genre Lotus, Bill Grant est devenu une sommité pour ce qui concerne ce genre. La rédactrice en chef de la série d’articles sur les pionniers canadiens est Edyta Marcon, Département de recherche médicale Banting et Best, Université de Toronto.

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© 2008 CNRC Canada

William Frederick Grant, FRSC

Au Canada, à l’époque de la découverte de l’ADN, la re-cherche formelle était financée en grande partie dans troissecteurs : les écoles de médecine, certains hôpitaux et lesministères de l’Agriculture du fédéral et des provinces. Dansles écoles de médecine et les hôpitaux, des analyses deprélèvements sanguins ou d’autres liquides organiques, suiviesde l’examen de populations et de généalogies, ont conduit à lapublication de plusieurs articles classiques canadiens. De lamême façon, la pollinisation contrôlée d’espèces végétalesd’importance sur le plan agronomique, suivie du dépistagedes traits recherchés sur la descendance au moyen de tech-niques biométriques et d’autres méthodes d’analyse, a donnélieu à d’importantes améliorations dans le domaine del’agriculture végétale au Canada. Il convient également desouligner que l’utilisation de techniques similaires (croisementscontrôlés, analyses de descendance et analyses des liquidesorganiques) a conduit à des progrès importants dans ledomaine de l’agriculture animale. En plus des techniqueschromatographiques utilisées pour isoler et identifier desmolécules, l’outil de recherche le plus courant était le micro-scope optique, utilisé avant tout pour étudier les chromo-somes. Le microscope a permis également d’étendre lesétudes en génétique vers l’utilisation d’organismes modèles,dont beaucoup d’entre eux convenaient particulièrement bienà certains travaux de recherche (p. ex. Drosophila), alors quela recherche prenait de l’ampleur dans les universités.

Telle était l’étendue de la recherche en génétique au Can-ada lorsque William F. Grant, Ph.D., s’est joint au corpsprofessoral du Département de génétique de l’UniversitéMcGill, en 1955. Diplômé de l’Université McMaster, Bill Granta obtenu son doctorat en cytogénétique et biosystématiquevégétales de l’Université de la Virginie (1953). Au cours des54 années passées à l’Université McGill, Bill Grant s’est faitconnaître à l’échelle internationale, grâce à plusieurs contri-butions à la phytogénétique, et à l’échelle canadienne, pourses nombreuses contributions à la Société de génétique duCanada et à certains organismes fédéraux et provinciaux.

Je devrais peut-être me dévoiler. Je connais Bill depuis lemilieu des années 1960, ayant siégé avec lui à diverscomités et commissions, et ayant agi à titre d’examinateurexterne pour certains de ses étudiants au doctorat. De plus,l’un de ses étudiants diplômés a poursuivi des étudespostdoctorales au sein de mon laboratoire.

Le premier rapport de recherche de Bill Grant a été publiéen 1951 dans la revue Virginia Journal of Science. Tout aulong de sa carrière, il a publié 128 rapports dans des revuesprestigieuses qui touchent la cytogénétique, la mutagenèseet la biosystématique. De plus, Bill est auteur ou coauteur deplusieurs chapitres rédigés sur invitation, et a produit 87résumés, 41 collaborations à des bulletins et une centaine

d’autres écrits divers. Entre 1959 et 1993, 36 étudiants ontobtenu leur diplôme d’études supérieures sous la directionde Bill, dont treize doctorats. Manifestement, ces chiffresmontrent la contribution importante du laboratoire de BillGrant au Canada au moment où l’« ère de la génétique »était en pleine ébullition.

L’intérêt double de Bill se reflète dans son programme derecherche, qui comporte deux thèmes principaux. D’abord,ses étudiants et lui ont été les premiers à utiliser des espècesvégétales supérieures (notamment Allium cepa, Hordeumvulgare, Tradescantia spp. et Vicia faba) pour effectuer desessais biologiques expérimentaux visant à évaluer ou à suivreles dommages génétiques possibles à la suite d’une exposi-tion à des agents polluants (environnementaux ou industriels).Un certain nombre d’articles, s’échelonnant du milieu desannées 1960 aux années 1970, dont beaucoup ont étérédigés en collaboration avec des étudiants diplômés, ontétudié l’induction d’anomalies somatiques et méiotiques,principalement chez la plante agricole Hordeum vulgare, à lasuite d’une exposition à des pesticides et à des herbicidesparticuliers. Ces études, effectuées par Bill et ses étudiants,l’ont amené à siéger à plusieurs commissions nationales etinternationales chargées d’étudier les effets des agentspolluants sur divers écosystèmes. Bien que de nos jours, lestechnologies qui visent la détection des dommagesenvironnementaux soient beaucoup plus perfectionnées ettrès spécifiques pour une molécule donnée, les contributionsde Bill, soit la mise en valeur de la capacité d’observer etd’évaluer les dommages à l’aide du microscope optique,demeurent une contribution internationale importante et con-stituent l’un des premiers chapitres de l’histoire des nou-veaux domaines de l’époque, la mutagenèse et lacytotoxicité chez les organismes supérieurs. Le secondthème du laboratoire de Bill Grant, qui s’est poursuivi tout aulong de sa carrière, consiste en des études biosystématiquesde plusieurs genres végétaux. Des rapports représentatifscomprennent des observations sur des genres aussi variésqu’Ameranthus, Betula, Celosia, Lotus, Impatiens et Manihot.Des études cytogénétiques fondamentales de la méiose, desirrégularités méiotiques et du nombre de chromosomes ontmené à l’examen de la répartition de molécules précises àl’intérieur de chaque genre. De plus, des hybrides inter-spécifiques, produits de manière expérimentale, sont venusconsolider plusieurs de ces études. La culture deprotoplastes, de tissus et d’organes a offert des possibilitésde sélection in vitro. Bill a également adapté diverses tech-niques chromatographiques et la RAPD (amplificationaléatoire d’ADN polymorphe) pour étudier les relationsgénomiques chez plusieurs genres. Grâce à plus de 40 ansde recherche descriptive et expérimentale sur le genre Lotus,Bill Grant est devenu une sommité pour ce qui concerne cegenre.

La rédactrice en chef de la série d’articles sur les pionniers canadiens est Edyta Marcon, Département de recherche médicale Banting et Best,Université de Toronto.

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vi Génome vol. 51, 2008

Un hommage à Bill Grant ne saurait être complet sansmentionner ses traits les plus attachants qui le caractérisent.Dans tous les sens du terme, Bill est un « homme d’action ».Ses engagements en matière de recherche, résumés ci-dessus,sont consignés par écrit, que ce soit dans les bulletins, résumés,rapports, comptes rendus et revues scientifiques. Ce n’esttoutefois pas le cas pour ce qui concerne une facette tout aussiimportante de la personnalité de Bill, soit son engagementindéfectible envers la Société de génétique du Canada etplusieurs commissions fédérales et provinciales, ou sa par-ticipation exemplaire à des forums internationaux et à desprogrammes officiels, quel que soit l’organisateur; c’étaitaussi un « incontournable » pour tout un chacun. Bill a fait desa présence à ces réunions sa priorité. Ceux qui siégeaientavec lui respectaient sa participation discrète et réfléchie.Ses contributions exceptionnelles à titre de président de laSGC (1974–1975), de rédacteur en chef du Journal canadien

de génétique et de cytologie (1974–1982) et de trésorier duConseil canadien de biologie (1974–1978) ne sont surpasséesque par ses services à titre d’archiviste à la SGC, depuis1983, et ses articles portant sur l’histoire de la Société degénétique. De tous les éloges et les honneurs qu’il a reçus,je soupçonne que c’est le doctorat honorifique ès sciencesque lui a décerné son alma mater, l’Université McMaster, en2000, qui l’a le plus ému.

Bill, félicitations et merci pour tout ce que vous avezaccompli!

David B. WaldenDépartement de biologie, Université Western OntarioLondon (Ontario), Canada