Pigé Magazine n°10

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Numéro 10 PIGÉpolitique 2012 : Hollande-Villepin, les outsiders Page 8 PIGÉtesté La pâtisserie en voit de toutes les couleurs Page 31 PIGÉenquêté La police ramène sa science Pages 4/5 Le monde est foot Pages 10 à 20 Le monde est foot Photo montage : Pigémagazine, FFF. É Le journal de l'IEPG PIG magazine Avril 2010 / www.pigemag. com

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Retrouvez le dixième numéro de "Pigé Magazine", le magazine semestriel des étudiants du Master en journalisme de Sciences Po Grenoble ! Au sommaire de ce numéro : un dossier spécial foot, une interview croisée François Hollande / Dominique de Villepin... Et bien d'autres choses encore !

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Numéro 10

PIGÉpolitique • 2012 : Hollande-Villepin, les outsiders Page 8

PIGÉtesté • La pâtisserie en voit de toutes les couleurs Page 31

PIGÉenquêté • La police ramène sa science Pages 4/5

Le monde est

foot Pages 10 à 20

Le monde est

footPhoto montage : Pigémagazine, FFF.

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine

A v r i l 2 0 1 0 / w w w . p i g e m a g . c o m

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Photoshop DisastersLe célèbre logiciel de retouche d’image,Photoshop, fête ses 20 ans. Ses outils révolu-tionnaires ont déjà séduit plus de 10 millionsd’utilisateurs dans le monde…pas toujours trèsinspirés ! Le site Photoshop Disasters rassembleles plus beaux ratés, comme ces créatures demagazine irréelles, aux membres manquantsou disproportionnés. Cherchez l’erreur…http://photoshopdisasters.blogspot.com/

L’autofictif, blog d’Eric Chevillard (écrivain)« N’est-ce pas dilater quelque peu la notion de devoir de mémoire que de commémorer quotidiennement sur les radios le répertoire de Daniel Balavoine ou de Claude François ? ». Eric Chevillard a des phrases cinglantes, des pensées fulgurantes,ou des lieux communs qui prétendent échapper à l’air du temps. À vous de juger. Tous les jours en tout cas, l’écrivain françaisposte trois courts paragraphes, phrases ou aphorisme. Et à en croire un habitué des lieux, « c’est toujours très, très juste ».Parole à la défense pour finir, E.Chevillard définit cette petite entreprise comme « la chronique nerveuse ou énervée d'une viedans la tension particulière de chaque jour ».http://l-autofictif.over-blog.com/

RocadesudNe vous fiez pas à l’impression d’austérité que peut donnerau premier abord ce site en vérité riche en couleurs. Lesfresques murales du marché de l’Estacade ? Ce sont eux.La façade en trompe l’œil de la rue des Arts ? Eux toujours.Pour ces amoureux des arts de la rue, graphistes,peintres, illustrateurs, « l'espace public devient notredomaine de création ». Une démarche qui s’explique et sedécouvre sur la toile et ensuite, bien sûr, au fil des baladesdans la ville. Probablement l’un des sites les plus vagabondsdu web grenoblois.www.rocadesud.com

KickofflabièreYou'll never Drink Alone ! Un slogan désaltérant en cestemps de répression du plaisir. Kickofflabière (KOLB)annonce la couleur. Le ton mêle la chaude camaraderiedes plateaux-pizza les soirs de Ligue des champions, àun regard espiègle sur le monde du futebol. À sesrubriques iconoclastes (la Buvette), des dossiersimprobables (D2 Roumaine) et des analyses en rouelibre sur l'histoire des maillots, KOLB associe des interviews impertinentes et nécessaires (L'homophobiedans le foot amateur). Ajoutez-y une galerie de grandshommes où Alain Bashung côtoie Guillaume Warmuz etvous saurez que vous surfez sur un digne petit frère deSo-Foot.www.kickofflabiere.com

Les DécodeursFAUX, PLUTÔT FAUX, VRAI, PLUTÔTVRAI… En pleine mode du buzz, le blogdu Monde.fr propose de démêler le vraidu faux des propos des hommes etfemmes politiques. L’enquête, ce sont lesinternautes et le journaliste Nabil Wakimqui la mènent ensemble. Le concept du« fact-checking » fonctionne PLUTÔTBIEN dans cette version participative dujournalisme. A noter que l’utilisation desources fiables et d’interlocuteurs deréférence est très fortement recommandéepour partir en quête de la vérité !http://decodeurs.blog.lemonde.fr

Sites sélectionnés par Quentin Pourbaix et Marion Payet

PIGÉweb Sur la toile...

The Falling TimesUne bombe pour un nouvel attentat commisen Afghanistan, le visage d’Obama pour sondiscours sur la réforme de la santé, un cœurpour la nouvelle conquête de Georges Clooney…Une pluie de pictogrammes animés déferlantsur un écran noir, c’est l’idée qu’ont eue lesconcepteurs de ce site pour dénoncer la pollution informationnelle qui envahit notrequotidien. Plus spectaculaire qu’exhaustif,l’internaute peut, tout de même, y retrouver enun clic les faits d’actualité en lien avec lesimages.www.fallingtimes.info

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Pigéweb Sur la toile... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2

PigéenquêtéLa police ramène sa science . . . . . . . . . . . . . . . .4/5

PigéreportageCaterpillar, les victimes collatérales . . . . . . . . . .6/7

Pigépolitique2012 : Hollande-Villepin, les outsiders . . . . . . . . . .8

PigérencontréPartir en Palestine, la paix en ligne de mire . . . . .9

DOSSIERLe monde est foot ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 à 20La Coupe du monde vaut-elle le coût ? . . . . .10/11La planète tourne Foot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12Comment ça marche ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13Politiquement foot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14/15Derby d’initiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16/17Quand le football se fait violence . . . . . . . . .18/19Philoso'foot ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

PigééconomieCircuits courts, idées longues . . . . . . . . . . . . . . . . .21Jeux d'argent en ligne :qui va remporter le jack-pot ? . . . . . . . . . . . .22/23

PigéopposéFaut-il se rendre en terre inconnue ? . . . . . . . .24/25

PigécultureAnne Queffélec : si Chopin m'était conté... . . . . . .26Les femmes entrent en scène . . . . . . . . . . . . . . . .27Au théâtre de l’imprévu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28Tiens, voilà du bouddhisme ! . . . . . . . . . . . . . . . .29

PigédécaléEntrez dans la ronde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

PigétestéLa pâtisserie en voit de toutes les couleurs . . . . .31

A écouter et lire aussi sur Pigemag.com . . . . . . . . . . .32« Treize à table »Le stade des Alpes dans la tourmenteFlorence Aubenas de passage à l’IEP

L’agenda pour sortir et pour réfléchir . . . . . . . . . . . . . .32

Sommaire

PIGÉ Magazine, journal d’information édité par Sciences Po Grenoble (IEPG).

Directeur de la publication : Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.

Rédacteur en chef : Laurent Rivet.

Comité éditorial : Yvan Avril, Gilles Bastin, Aurélie Billebault, Olivier Ihl, Séverine Perrier,

Laurent Rivet, Emmanuel Taïeb.

Coordination : Estelle Faure, Sandrine Andréi, Clémence Artur.

Secrétariat de rédaction : Juliette Briard, Sebastien Di Noia, Justine Lafon et Lucie de la Héronnière.

Relecture : Annie Rouyard.

Rédaction et photos : Sandrine Andréi, Clémence Artur, Augustin Bascoulergue, Leïla Boutaam,

Juliette Briard, Lucie De la Héronnière, Sébastien Di Noia, Estelle Faure, Pauline Gast,

Justine Lafon, Alexandre Majirus, Marion Payet, Quentin Pourbaix, Bertrand-Noël Roch.

Points de diffusion de Pigémagazine à Grenoble : Librairie Le Square, hôtel de ville.

Sur le campus universitaire de Saint-Martin-d'Hères : Bibliothèques Droit-Lettres et Sciences,

tabac du campus, Espace de Vie Etudiante (EVE).

Graphisme/mise en page : GAILLARD Infographie 06 09 87 66 69.

Tirage : 3000 exemplaires. Impression : Imprimerie du Pont-de-Claix.

N° ISSN 1777-71-6 X

IEP de Grenoble, BP 48 • 38040 Grenoble cedex 9 - www.iep-grenoble.fr

Prix de vente : 1€

Tel. 04 76 82 60 00 / Fax. 04 76 82 60 70 / [email protected]

Retrouvez Pigé Magazine sur www.pigemag.com, le site d’information du master

journalisme de l’IEP.

Edito

Les médias Ecole du master journalisme sont réalisés

avec le soutien du Conseil régional Rhône-Alpes.

« Les siècles ont passé. Après cinq milleannées de solitude, les Alakalufs (cesindiens qui habitaient jusqu’au XIXème sièclela Terre de feu, au sud de la Patagonie)avaient fini par s'imaginer qu'ils étaientseuls sur cette terre. On comprend alorsleur épouvante, et le traumatisme sansremède qui suivra, lorsqu'ils voient surgirde derrière le cap Froward, en 1520,les trois vaisseaux de Magellan. Cettedécouverte les terrifie, comme s'ils avaientdéjà compris que c'était leur mort quiarrivait avec la venue de ces étrangers. »Ces quelques lignes de Jean Raspail le disent : la rencontre de l’altérité a souvent été, dans l’histoire des hommes,synonyme de destruction et de violences.L’altérité (altus, l’autre) doit désigner,pour cette raison, la reconnaissance dece qui est autre, la prise en compte de ladifférence en l’autre. Non pas une vaguetolérance de ce qui m’est étrange ouétranger. L’altérité n’est ni l’altruisme, nila tolérance, ni la curiosité. Une parabolepermet de le faire comprendre. « Un vieilhomme évoque avec sa femme un souvenir. Le premier jour de leur rencontre,ils ont partagé le pain. C'est lui qui acoupé, sans y penser, comme il faisait àson habitude : la croûte d'un côté, la miede l'autre. Il a laissé le meilleur à sa

(future) femme, qui l'a pris avec joie. Ilsont continué à partager ainsi le pain. Etbien tu vois, dit l'homme, pendant tout cetemps ça m'a fait bien plaisir de mangerle morceau que je détestais, rien quepour le plaisir de te voir profiter de monmorceau préféré. Et la femme de sourireen pensant : je comprends, c'était lamême chose pour moi... ».En ces temps où l’on célèbre, en France,l’identité, qu’elle soit ou non nationale,c’est-à-dire l’identique, le similaire, com-ment considérer cette part d’altérité, cellequi est en chacun de nous comme cellequi naît des échanges et migrations.C’est le thème central chez Lévinas : « laresponsabilité est quelque chose quis'impose à moi à la vue du visage d'autrui. » Il suffit de voir un visage enl’autre pour se sentir « ligoté », se sentirappelé à la responsabilité. C’est toutel’invitation que devrait lancer notreépoque, sous le nom d’altérité, à l’engagement politique, pour qu’il ne soitpas à son tour, abandonné par le temps,comme ces Fueguinos du Détroit deMagellan, pauvres Alakalufs souverainsmais abattus, superbes mais disparus.

Olivier IhlDirecteur de l’IEPG

Le goût de l’altérité

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PIGÉenquêté

Avec dix millions de téléspectateurs, « Les Experts Manhattan » est une desséries les plus regardées en France. Ces nouveaux héros en blouse blanche suscitent bien des vocations. En 2009, en France, près de 6 000 candidats onttenté leur chance au concours de la Police technique et scientifique (PTS).Ces chiffres font sourire le brigadier Ludovic Cochat, recruteur et formateur aucommissariat de Grenoble : « Pour cette branche de la police, on n’a même pasbesoin de faire de publicité, les séries télé s’en chargent !». Victime de son succès,la police organise depuis deux ans les concours régionaux le même jour pour éviterl’afflux encore plus massif de candidats. Lorsque le brigadier se déplace sur desforums d’orientation ou intervient en milieu scolaire, la majorité des questionsporte sur la PTS : « On sent clairement l’influence des séries télé dans l’imaginairedes gens ». Une mode qui n’a pas échappé à Michelle Alliot-Marie, alors ministrede l’Intérieur. Elle voyait dans l’image « moderne » de la PTS un moyen « d’attirerles jeunes vers les métiers de la police et la gendarmerie » (Figaro Magazine du23 février 2008).Même au centre d’orientation et d’information (CIO) de Grenoble Grenette,« depuis quelques années, la police scientifique devient une demande habituelle »,constate Julie Levigne, conseillère d’orientation. Face à ce succès, les formationsen criminalistique se multiplient. A Nancy, l’université a ouvert en septembre2009 un master digne de la série télé « Bones ». La spécialité « Criminalistiqueet archéologie » met les techniques d’égyptologie à portée de la police scientifique.« On est les premiers en France à créer cette filière où l’archéologie s’exporte surune scène de crime », assure Francis Janot, instigateur du master et adepte deséries policières.

Serie : gare aux clichés

L'image du métier véhiculée par les séries est fausse. Premierécueil, l'impression de facilité. Dans la fiction, les traces sont récoltées puis analysées avec une simplicité et une rapidité déconcertantes. En réalité, le traitement des indices est très long etardu. Par exemple, la machine T2, utilisée par la police françaisepour analyser les empreintes digitales, affiche les résultats en trois-quarts d'heure minimum. On est loin du temps record d'analysedes séries. Seconde erreur, la confusion des métiers. A la télé, leshéros exercent trois tâches à la fois : enquête, prélèvement et analyse.Or, dans la police française, on distingue les agents et techniciens dePTS qui gèrent la scène d'infraction et assurent la signalisation etl’identification des personnes (service d'Identité judiciaire), les ingénieurs spécialisés de PTS qui analysent les indices (balistique,biologie, documents, etc.), et les enquêteurs qui interprètent et mettent en relation l'ensemble.

IIls s’appellent Gil Grissom, Gibbs ou Temperance

Brennan et sont les nouveaux flics à la mode.

Au placard « Starsky et Hutch », « Julie Lescaut » and co.

La télé a dépoussiéré un métier parfois méconnu.

Même les plus jeunes rêvent de travailler dans la police

scientifique. Décryptage d'une vocation (des)servie

par la fiction.

Gil Grissom, héros de la série originale Les Experts, rassemble

en France près de 10 millions de téléspectateurs.

(Crédits Photos : CBS)

Dans le sillage du succès des séries télé, lapolice scientifique française est en bonne voiepour rafler la palme des métiers préférés desjeunes. (Crédits Photos : SICoP)

La police

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Entrer dans la Police scientifique et technique

Métier Niveau d’études Salaire (brut)

BEP-CAP Agent spécialisé 1 200 à 1 745 €

DUT Technicien 1 326 à 2 220 €

Diplôme d’ingénieur Ingénieur 1 714 à 3 600 €

En France, deux structures sont en charge de la police scientifique: l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale(IRCGN) qui emploie environ 250 personnes et l’Institut national de la police scientifique (INPS) qui en compte près de 2 000.Pour l’INPS, qui dépend du ministère de l’intérieur, le recrutement se fait par concours régional selon le niveau de diplôme.Plusieurs épreuves sont au programme : questions de connaissances en sciences ou sur la spécialité choisie (chimie,balistique, etc.) et dissertation. S’il réussit, le candidat passe un entretien de 30 minutes. Les ingénieurs sont recrutés nationalement sur dossier et entretien.

Pour aller plus loin : Info recrutement au 0 800 220 800 (appel gratuit depuis un fixe)www.interieur.gouv.fr ou www.blog-police-recrutement.com

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PIGÉenquêté

Des écrans télé aux bancs de l'écoleChez les plus jeunes, le métier a aussi la cote. Les mômesne rêvent plus de Superman et ses pouvoirs, mais de flic enblouse blanche. Depuis plusieurs années, stages pourenfants et expositions fleurissent sur le thème de la policescientifique. La Cité des Sciences, à Paris, innove avec sa« Crim’Expo ». A Grenoble, c’est la Casemate qui s’y colle :« l’Ecole de l’ADN » forme ses propres experts en herbe.Organisé sur deux jours, un stage propose à douze enfantsd’enquêter sur un meurtre mystérieux. « L’atelier a eu tellementde succès qu’on a dû rajouter des dates en dehors desvacances scolaires », s’étonne Jules Charr, animateur de laCasemate. Il est souvent surpris par les connaissances desjeunes stagiaires : « Ils sont très sensibilisés aux méthodesd’enquête et au métier. Parmi eux, il y en a toujours un qui veutêtre policier. A mon époque, ça ne disait à rien personne ».Collecte de preuves, scène de crime barrée de jaune,indices numérotés, analyse au microscope, tout est réunicomme dans une bonne série télé. Avec son masque sur labouche et une charlotte sur la tête, Maxime, huit ans,est à l’aise dans ses baskets d’expert : « C’est un métier intéressant : chercher l’ADN et les preuves puis trouver letueur. Je m’y entraîne chaque fois que je regarde lesExperts à la télé. Et je n’ai même pas peur ! ».

Les sciences deviennent « sexy »Si l'attrait pour la police scientifique est indiscutablementlié aux séries, il n'est pas construit sur du sable. En vingtans, les procédés d'analyse de traces biologiques se sontperfectionnés. Le recours à l'identification génétique,autorisée depuis 1994, a transformé l’enquête. La policescientifique a alors pris de l’ampleur. Arnaud Lévy, journalisteet spécialiste des questions policières*, le confirme :« L'ADN a bouleversé l'approche de la scène de crime.On vit dans une société où la technologie prime et où lebesoin de preuve matérielle en matière pénale est plus fort.

Ces deux critères ont durablement fondé l'intérêt des institutions et du public pour la police scientifique ». A celas'ajoute la fascination pour un métier méconnu. « Lesséries ont fait découvrir les modalités d'une enquête, et çac'est visuellement nouveau », explique-t-il. Pour les jeunes,elles sont « un formidable outil pédagogique pour rendreplus sexy et vivantes des sciences un peu austères » souligne le journaliste.

Un faux eldorado des jeunesEntre prouesse scientifique et action coup de poing, lemétier fait fantasmer. En réalité, tout n'est pas aussi exaltant. Sur le terrain, les autopsies ou l'identification despersonnes plaisent beaucoup moins aux nouvelles recrues.« Je répète souvent aux jeunes que je rencontre : attentionce n'est pas ce que vous croyez » professe Ludovic Cochat,qui regrette que les élèves « posent des questions sur leconcours mais peu sur le métier ». « Elucider des crimes etdes délits grâce aux indices trouvés, c'est valorisant.Mais ce n'est jamais aussi trépidant que dans les sériesaméricaines », rappelle le brigadier. Et d’ajouter, en riant :« On n’est pas à New-York ici ! ».L'engouement autour de la police scientifique a « générédes vocations parfois abusives », pour Arnaud Lévy. Audécalage entre fiction et réalité s'ajoute celui du nombre decandidats au concours et l'offre de postes.En 2009, il y a eu environ 840 inscrits pour 8 admis et plusde 3000 inscrits pour 58 agents spécialisés recrutés. Avecun taux d'admission inférieur à 2% pour chaque branche,les places restent chères.

* Arnaud Lévy est l'auteur de l'ouvrage « La police scientifique,

La technologie de pointe au service des enquêteurs », Hachette, 2008.

Estelle Faure et Justine Lafon

Entre 2000 et 2005, soit cinq ansaprès la diffusion du premier épisodedes Experts, le nombre d’inscrits auconcours de technicien de la PTS aaugmenté de 22,6%. (Crédits Photos : SICoP)

Charlotte sur la tête, masque sur labouche et pincette à la main, les jeunesstagiaires de la Casemate à Grenoblepourraient presque se croire dans unesérie télé. (Crédits Photos : Pigémagazine)

Trouver des indices, ici un cheveu,un geste que les jeunes stagiairesconnaissent déjà par cœur.(Crédits Photos : Pigémagazine)

ramène sa science

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600Un an après le début de la crise,

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Caterpillar, les victimes collatéralesPIGÉreportage

600 licenciés chez Caterpillar... et les autres ?

Les sous-traitants ont été les victimes indirectes du plan de réduction d'activité des sites

industriels de Grenoble et Echirolles. Gros plan sur ces entreprises, un an après le cataclysme.

« Une année catastrophe ». C'est ainsique Marcel Hourmagne, sous-traitantde Caterpillar, définit la période quivient de s'écouler. Depuis un an, sonentreprise, Outillex, spécialisée dansla maintenance de machines, traverseune période d'importantes turbulences.Et pour Olivier Series, directeur de laCMI à St-Egrève, spécialisée dansl'assemblage et la peinture pourCaterpillar, l'année qui vient des'écouler était « inimaginable, incon-cevable, compte tenu des relationstrès étroites que nous avions avecCater depuis 25 ans ».Tout commence dès novembre 2008.La crise s'annonce, le nombre decommandes diminue. Puis vient 2009et l'annonce par Caterpillar de sonplan de réduction d'activité sur lessites d'Echirolles et de Grenoble.600 postes supprimés et l’arrêtpresque total des usines. Du jour au lendemain, l'entreprise américainen'a plus besoin des services des petitesentreprises participant indirectementà sa production.

Pertes financières et chômagetechniqueLes conséquences du plan de réductiond'activité ont été considérables sur lessous-traitants. « Du jour au lendemain,les commandes se sont arrêtées.C'était impossible d'anticiper. On nenous l'a pas annoncé, on l'a subi »,explique M.Hourmagne. Pour OlivierSeries, « le coup était attendu, on étaiten négociation avec eux pour redéfinirnotre partenariat. » La CMI a perduprès de 80 % de son chiffre d'affaires,passant d'un million d'euros en février

2008 à 112 000 euros en janvier2009. Son activité dépendait à 98 %de Caterpillar. Outillex, pour sa part,consacrait 20 % de son activité à l'entrepreneur américain. Elle passe àzéro presque immédiatement. Lecoup est rude. Les salariés pâtissentdirectement de cette chute brutale.

Le chômage technique devient lasolution de secours. Alors que l'usinetournait 24 heures sur 24 encore enaoût 2008 et pratiquait régulièrementles heures supplémentaires, les salariésde CMI ne travaillent plus en janvierque quatre jours par mois. « Pour sauverl'entreprise, c'était la seule solution,les salariés l'ont bien compris, mêmesi ça a été très difficile à vivre »,explique son Pdg. En mai, l'entreprisede St-Egrève cesse son activité, seulestrois personnes restent salariées afinde surveiller le matériel et la ventefuture des installations. Bilan : 47licenciements et une procédure desauvegarde. Du côté d'Outillex, le bilanest moins lourd, avec un licenciementet deux départs à la retraite non compensés, mais l'entreprise survit.Le transporteur Capecci, dont le seulclient était Caterpillar, met, lui, la clésous la porte, les 50 chauffeurs seretrouvent sur le carreau. Au total, unedizaine d'entreprises sont touchées,plus ou moins lourdement.

« Aujourd'hui on veille les morts »Les acteurs de la crise restent sous lechoc. « On est fort avant, pendant,après ça retombe. On croit toujoursdans le salut, comme un malade attendle miracle », déclare Olivier Series.

Salarié d'Outillex,entreprise de maintenance, à Echirolles

L'équipe d'Outillex avant la crise

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les sous-traitants souffrent encore

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PIGÉreportage

Malgré les mois écoulés, la blessurereste vive.Un an après, les choses ont peu évolué.Outillex s'est rapproché de ses autresclients, cherchant de nouveauxdébouchés pour ses services.Toutefois, le niveau d'activité est loinde celui connu avant le premiersemestre 2009. Les difficultés restentnombreuses. Les dettes se sontaccumulées. Le chiffre d'affaires réalisé aujourd'hui permet simplementle paiement des impôts. Les investis-sements sont de fait impossibles etles salariés ne bénéficieront pas detreizième mois. Toutefois, l'oeil ducyclone est passé, même si l'inquiétudeet l'angoisse de l'avenir persistent.« On vit un peu au jour le jour et onessaye de garder la tête hors de l'eau,les décisions prises ont été difficilesmais elles étaient nécessaires »,explique Marcel Hourmagne.

Du côté de CMI, le tableau est encoreplus sombre. « Aujourd'hui on veilleles morts. Je viens tous les jours aucimetière », annonce Olivier Series.Les sept bâtiments que comptait l'entreprise sont désertés. L'un d'euxa été détruit, un autre a été loué. Leparking est vide, plus de salariés, plusde marchandises. Seule reste uneinstallation entièrement dédiée àCaterpillar. Une usine fantôme. Sur lacinquantaine de salariés licenciés, la

moitié a pu retrouver un emploi, grâceà l'accompagnement des dirigeantsde la CMI, l'autre moitié est encore auchômage. Toutefois, les postes etleurs conditions de travail ne sont pasles mêmes, l'adaptation est difficile.« Les relations avec nos anciens salariés sont toujours bonnes. On serencontre tous les quatre mois icipour un pot et ils sont nombreux àvenir. » Une action judiciaire est menéepar les employés de CMI, l'objectifétant d'obtenir les mêmes conditionsde licenciement que les salariés deCaterpillar, au vu des relations étroitesqui liaient les deux entreprises. De lamême manière, Olivier Series mèneune action contre l'entrepreneuraméricain pour obtenir réparation des « préjudices subis ». Le jugement ne devrait pas intervenir avant de nombreuses années.

Mortelle dépendanceDu côté de Caterpillar, un plan derevitalisation a été mis en place, avecune enveloppe de trois millions d'euros,gérée par un bureau d'études parisien,le BPI. Il vise à recréer des emploissur les territoires touchées par la réduction d'activité. Les sous-traitantssont évidemment concernés. Peu decandidats se sont pour le momentmanifestés pour bénéficier de cetteaide. La dépendance a été le facteuressentiel de survie ou non des

entreprises. L'osmose avec Caterpillara souvent coûté cher. La baisse del'activité de l'un entraînait nécessai-rement le même phénomène chez lepartenaire. CMI en était l'exemple flagrant : cinq salariés de Caterpillardans les locaux mêmes de St-Egrève,le logo « CAT » à l'entrée, sur lesmurs, des installations construitespour les chenilles américaines,l'entreprise respirait Caterpillar 24heures sur 24. « A qui vouliez-vousque je vende des chenilles surGrenoble ? », demande Olivier Series.Depuis 25 ans, l'entreprise avait suivile développement de Caterpillar. Letransporteur Capecci avait fait lechoix de n'avoir qu'un seul client etde ne pas diversifier son activité. Tousdeux en ont fait les frais. De fait, ladéception a été considérable : « c'estépouvantable de voir disparaître toutce que l'on a créé », raconte le patronde CMI. « Le pire, c'est de constaterce divorce, notamment sur les valeursde rapports humains, c'est mon principal regret. »La reprise s'esquissant enfin, lesmois à venir seront décisifs pour lesentreprises qui ont survécu à la crise.Les relations avec Caterpillar ne seronttoutefois plus jamais les mêmes.

Sébastien Di Noia

Y a-t-il un problème avec lasous-traitance en France ?Il y a un vrai problème à causede la dépendance très forte vis-à-vis des donneurs d'ordre,avec la politique de zéro risqueet de flux tendu. Il faut plusd'éthique afin de stabiliser l'emploi, le carnet de commandeset la qualité de vie dans lespetites entreprises.

Quels sont les liens entre cesdonneurs d'ordre et lessous-traitants ?Une majorité de PME ont un carnetde commandes à quelquessemaines, des salariés inquiets,des tensions. Ces liens ne sontpas amicaux mais sont des liensd'utilisation. Ils sont pressurésen termes de prix et de conditionsde travail. Il faut montrer auxdonneurs d'ordre que la défensedes sous-traitants est aussidans leur intérêt pour la qualitéde leur production.

Quelles solutions pour limiterles risques ? Le système industriel est encrise profonde, avec 100 000emplois perdus en deux ans etdes conséquences évidentes surles sous-traitants. Il y a unmanque de régulation du marché.Les sous-traitants doivent êtremieux traités par les grandsgroupes pour se projeter àmoyen terme. C'est l'une desidées proposées par les Etatsgénéraux de l'industrie. Peut-être qu'une loi serait la solution.

Locaux de la CMI avant la criseCrédits photos : Outillex et CMI.

3 questions à... Laurent Labrot

Cadre CFDT,enseignant IEP de Grenoble

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PIGÉpolitique

Quels sont vos rapports avec Dominiquede Villepin ?D’abord, des rapports distants, au sens oùnous ne nous voyons que rarement, mais desrapports respectueux parce que je le connaisjustement depuis longtemps et je connais un

certain nombre de ses passions, de ses fidélités, de ses engagements, donc jeconnais qu’il n’est pas un homme de l’opportunisme, il n’est pas simplementun homme de l’immédiat. Il a de la profondeur de réflexion, même si nous noussommes opposés lorsqu’il était premier ministre, parfois vivement, notammentle débat sur le CPE qui était je crois pour lui et pour le gouvernement qu’il dirigeait, une erreur. On l’a toujours fait l’un comme l’autre avec le souci de nepas se blesser et de se comprendre.

Que pensez-vous du début de campagne de Dominique de Villepin ?Son début de campagne a été largement obéré par les procès qui ne devraientpas se confondre avec la vie politique. Je crois qu’il veut maintenant exister parses idées, par ses propositions dans sa famille politique mais, le connaissantau-delà, je crois qu’il a des convictions, on ne peut pas les lui retirer. Il a unevision de la France qui est élevée, il l’a montré. Il a aussi des engagements quine sont pas ceux du président de la République pour certains, donc il a vocationà être candidat et c’est légitime. Maintenant, dans nos itinéraires, on a pu secroiser à l‘ENA, ensuite dans la vie administrative puis dans la vie politique, etautant je respecte sa sincérité, ses choix, sa démarche, autant, je sais que nousne sommes pas sur certains points sur les mêmes positions, ça fait partie dela démocratie.

Une qualité ? Un défaut ? Vous savez, les défauts sont aussi des qualités et les qualités sont aussi desdéfauts. C’est le panache, il a du panache, ce qui est à la fois une qualité et undéfaut. Il a un côté Bonaparte sur le pont d’Arcole, ce qui est à la fois je croispour lui le plus beau des compliments mais ça finit parfois en Waterloo, ce quiest toujours un risque.

Un conseil ?Je crois que le meilleur conseil qu’on peut lui donner c’est d’être lui-même. Jele connais, et il me connaît, on a parfois des images qui ne correspondent pasà la réalité l’un comme l’autre donc qu’il aille son chemin en étant lui-même.C’est comme ça qu’il sera au rendez-vous.

Quels sont vos rapports avec François Hollande ?Ce sont de bons rapports, des rapports d’estime, de camaraderie. De camaraderieancienne même, puisque nous étions à l’Ecole nationale d’administration (ENA)ensemble, à la même période. C’est un homme que je connais bien et que jerespecte profondément. Nous avons, je pense, un engagement partagé au servicede l’Etat.

Que pensez-vous du début de campagne de François Hollande ?Je ne sais pas si on peut parler de début de campagne à ce stade, d’autant quela période est parasitée par les élections régionales. François Hollande chercheà affirmer ses idées et ses principes. C’est quelque chose qu’il a clairement faità travers son livre, qui est un livre de propositions, de réponses pour la France.De réponses pour cette période de crise, mais aussi pour l’après crise, notammentdans le domaine fiscal. Il s’est clairement exprimé en faveur d’une justice sociale,et il apporte des réponses concrètes. Je ne peux que saluer son engagementpour les meilleures solutions possibles.

Une qualité ? Un défaut ? Une qualité ? Il a le sens de l’intérêt général, on l’a vu notamment avec la prisedes otages en Irak. Il a une grande capacité à dépasser les intérêts partisans,à faire passer celui de la France avant tout. Pour ce qui est du défaut… Jepense que le principal problème de François Hollande est sa difficulté à se faireentendre aujourd’hui dans une famille politique divisée, à faire valoir sa visiondes choses. Mais c’est également contextuel, il y aura certainement une clarification après les régionales.

Un conseil ? Il a de grandes qualités humaines, une grande expérience politique, un engagement sérieux, qui est utile à la France. Alors il faut qu’ilcontinue, sans faiblir. C’est un homme d’une grande sincérité, et la France abesoin de cette sincérité.

Clémence Artur et Sandrine Andrei

2012 : Hollande-Villepin, les outsiders

Dominique de Villepin en 2006,alors Premier Ministre de Jacques Chirac.

Crédit Photo : Grégory YETCHMENIZA/Le Dauphiné Libéré

DDe candidatures proclamées en suppositions hasardeuses, les présidentielles réveillent les ambitions.

A gauche, François Hollande, ex premier secrétaire du parti socialiste, et à droite, Dominique de Villepin,

ancien Premier ministre, se lancent, d’ores et déjà, dans la campagne. Nous avons demandé à chacun

de faire le portrait de l’autre. Entre respect et différences, Hollande raconte Villepin, Villepin raconte Hollande.

François Hollande lors d’un « Grand Oral » à Sciences Po Grenoble.Crédits Photos : Pauline Gast

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MPartir en Palestine, la paix en ligne de mire

9

Rencontre avec 2 étudiantes de l'Institut d'Etudes Politiques de

Grenoble, parties dans les Territoires occupés et en Israël pour

se faire leur propre idée de la situation.

Morgane, intéressée par les OIG/ONG et par le monde arabo-musulman, était à la recherched'un stage professionnalisant. Elle a choisi l'association Faculty for Israeli-Palestinian Peace,engagée pour la paix entre les deux parties, pour partir durant l'été 2009. Laura était déjà trèsdocumentée sur le conflit israélo-palestinien, mais elle voulait se forger sa propre opinion, voirce qui se passait concrètement. Le projet Tous témoins, tous acteurs, a répondu à ses attentes.

PIGÉrencontré

Vous êtes avez décidé de partir en Israël et dans lesterritoires palestiniens. Dans quel état d'espritpart-on pour un tel voyage ?

Morgane : Je ne voulais pas partir dans un projet tropengagé : je voulais me laisser la possibilité de découvrir leconflit par moi-même... Pour l'avoir vécu, je vois un granddécalage entre ce qui est écrit, et ce qu'on ressent quandon passe les check-points, quand on vit le quotidien...Laura : Deux jours avant de partir, j'ai flippé. Je neconnaissais personne dans l'association et c'est vrai queles médias nous montrent la Palestine comme un endroitavec des roquettes partout, le Hamas, Gaza... J'avais cetteimage en tête.

Comment s'est passée l'arrivée là-bas ?

Morgane : En arrivant à l'aéroport Ben Gurion, à Tel Aviv,les voyageurs sont interrogés par la sécurité de l'aéroport,voire par les soldats de Tsahal. L’interrogatoire peut durerjusqu'à 5-6 heures. Pour nous y préparer, un week-endde formation a été organisé au préalable. C'est nécessaireparce qu'il y a des choses auxquelles on ne pense pasforcément : il faut éviter de dire que l’on vient avec FFIPP,ou qu’on parle arabe par exemple ! Finalement, à l'aller, jesuis passée comme une lettre à la poste. Il était 4h dumatin, c'est peut-être pour ça.Laura : Il fallait qu'on parte de manière anonyme nousaussi, en binôme généralement. On devait s'inventer unalibi, des vacances par exemple, dire qu'on restait en territoire israélien, etc. Il fallait être assez précis : la sécuritéde l'aéroport nous demandait le nom de l'hôtel où onallait, ce qu'on voulait visiter... Quand on est arrivé, ils nem'ont pas interrogée parce que je suis blanche. Mais ma binôme était française d'origine algérienne. Ils l'ontinterrogée, elle.

Et sur place comment s'est passé le séjour?

Morgane : La première semaine, nous étions encadréspar des coordinateurs pour un marathon de conférences.On a visité Hébron, Acre, Haïfa, Jérusalem, Ramallah.Et un petit village, Sahnin, où on est allés dormir chez l'habitant, des arabes israéliens. Nous avons rencontrédeux jeunes israéliennes qui ont fait deux ans de prisonparce qu'elles ont refusé de faire leur service militaire.Elles avaient écrit une lettre ouverte au président. Ça nousparaissait assez énorme que des gens de 18 ans prennentdes décisions de ce poids-là et viennent nous expliquerpourquoi, comment elles ont été reniées par leur famille...Après cette semaine, chaque participant rejoint son ONGet commence son stage. Moi, j'étais dans l'associationPalestinan Working Women Society for Development àRamallah.Laura : Là-bas, durant tout le séjour c'est la surprise ! On passe d'abord 5 jours très intenses en Israël et on rencontre des intervenants de tous bords, notammentassociatifs : des acteurs économiques, mais aussi culturelsou encore des mouvements de résistance pacifique commeAnarchist against the Wall, et bien sûr la population locale.Après, on part 10 jours en camp de réfugiés enCisjordanie. Moi j'étais au camp de Dheisheh, près deBethléem. Le phénomène qui m'a le plus choquée, et dontje n'avais pas du tout entendu parler, c'est l'expropriationdes Palestiniens à Jérusalem(1). Et puis le système de surveillance, le maintien de l'ordre israélien en général faitvraiment peur. Le cas le plus marquant, c'est Hébron. Ony est allé un jour, dans la vieille ville et là des check-pointstous les 20 mètres, des rues interdites aux Palestiniens…Et ça je ne l'ai pas rêvé, je l'ai vu !

Leila Boutaam et Quentin Pourbaix

(1) En 1967 l'ONU a partagé Jérusalem en deux, l'Ouest pour les

Israéliens, l'Est pour les Palestiniens. Depuis, Jérusalem est uniquement

administrée par Israël. Une politique d'implantation de colons israéliens

dans Jérusalem Est a été mise en place.

Partir vous intéresse ?

Créée après l’échec du processusd’Oslo, FFIPP est un réseau universitaireinternational réunissant professeurs,étudiants, chercheurs engagés pour une« paix juste » au Proche-Orient.L’association propose différents stagesdans des ONG. Mais les places sontcomptées : lettre de motivation et CV en anglais, entretiens. La sélection est plutôt drastique.Le projet Tous Témoins, Tous Acteursprovient d'une initiative de l'Union générale des étudiants palestiniens enFrance (GUPS), qui a constaté une fortedemande de jeunes européens pour uneinformation directement « made inPalestine ». Ils envoient une centaine dejeunes européens en juillet, un autregroupe en août, leur sélection est doncplus large.Les deux associations s'accordent sur lasolution de deux Etats dans les frontièresde 1967 reconnues par l’ONU.

www.ffipp-france.orgwww.generation-palestine.org/tous-témoins-tous-acteurs

De gauche à droite, Morgane et Laura.En arrière plan, un check-point israëlien.(photo montage Pigémagazine).

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La Coupe du monde vaut-elle le coût ?

Q

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Qui rassemble 3 milliards de consommateurs,

40 milliards de téléspectateurs et plus de

160 millions d’adeptes dans le monde ?

Le foot bien sûr ! Né en Angleterre au milieu du

19ème siècle, ce sport est aujourd’hui un enjeu

planétaire, qui dépasse largement le cadre des

performances sportives. Economie, géopolitique,

culture et lien social : le football est aujourd’hui

bien plus qu’un sport. C’est le dossier de la

rédaction à quelques mois de la Coupe du monde

en Afrique du Sud, une première sur ce continent.

Tous les quatre ans, la planète s’enflamme pour le ballon rond. Mais cette fois-ci,

l’événement est historique, puisqu’à partir de juin 2010, les 32 meilleures équipes

mondiales s’affronteront au son des vuvuzela, l’instrument fétiche des supporters

sud-africains. Quinze ans après avoir accueilli l’emblématique Coupe du monde de

rugby de 1995, le pays de Nelson Mandela espère que la Coupe du monde de football

lui rapportera gros.

Dossier

Le ballon rond serait-il devenu lapoule aux œufs d’or du 21ème siècle ?Patronné par la FIFA – une véritable « multinationale », selon les mots deJean-François Nys, chercheur auCentre de droit et d’économie dusport –, le monde du football estaujourd’hui totalement imbriqué dansle fonctionnement économique global.La fédération jongle même avec deschiffres de plus en plus conséquents :salaires faramineux des joueurs,coûts exorbitants des droits de diffusiondes matches, contrats à plus de neuf zéro avec de grandes firmesinternationales. La manne financièredu football est telle, que l’organisationd’une grande compétition sportivesuscite maintenant les attentes lesplus ambitieuses pour le développementéconomique des pays hôtes. Un catalyseur dont Pretoria compte bientirer parti.

Un investissement pour l’avenirAprès avoir été battu sur le fil parl’Allemagne en 2006, à douze voixcontre onze, l’Afrique du Sud tient sarevanche. Elu le 15 mai 2004 par leComité exécutif de la FIFA, face auMaroc et à l’Egypte, le pays deviendrala vitrine de tout un continent, enorganisant la Coupe du monde defootball du 11 juin au 11 juillet 2010.C’est sous l’impulsion de son présidentSepp Blatter – et pour faire mentir lasuspicion d’européanocentrisme –,que la FIFA avait pris l’engagementd’organiser la prochaine Coupe dumonde en Afrique. Officiellement, lafédération a dorénavant commeobjectif « d’améliorer constamment lefootball et de le diffuser dans lemonde en tenant compte de sonimpact universel, éducatif, culturel ethumanitaire et ce, en mettant enœuvre des programmes de jeunes etde développement ».

Si le choix de l’Afrique du Sud, premièrepuissance économique du continent,n’est pas du au hasard, la tenue de laCoupe du monde dans les neuf villeshôtes du pays n’en reste pas moinsun défi colossal. Le pari est de construiredes infrastructures sur tout le territoire,d’attirer les touristes et les investisseursétrangers sur le long terme. Pour parvenir à ses fins, le gouvernementdu Président Jacob Zuma a débloquéplus d’1 milliard de dollars pour laconstruction et la rénovation de dixstades – dont deux restent encore àlivrer – et près de 2,5 milliards de dollarspour les infrastructures aéroportuaires,routières et ferroviaires. Plus de150000 emplois seront créés. Destravaux d’une telle ampleur devraientgénérer un rapide retour sur investis-sement, pour permettre à Pretoria derelancer une économie moribonde depuisla crise. Pourtant, des incertitudespersistent, à moins de 100 jours du

lancement du match d’ouvertureentre le Mexique et l’Afrique du Sud.

Des prévisions trop optimistesDresser un tableau utopique desretombées économiques de la Coupedu monde 2010 serait comme essayerde saisir toute l’histoire de la « nationarc-en-ciel » à travers le film holly-woodien Invictus, de Clint Eastwood.Cela reviendrait à masquer certainesréalités. A commencer par les recettesprévisionnelles souvent surestiméeset les dépenses minorées.

Le ministre adjoint des Sports, GertOosthuizen, avait initialement annoncéque la Coupe du monde devait rapporterau pays 55,7 milliards de rands (soit7,5 milliards de dollars). Mais dès2008, les experts du cabinet deconseil Grant Thornton estimaientplutôt à 3 milliards de dollars les gainspotentiels.

Le quartier de Hillbrow, l’un des plus pauvres de Johannesbourg.

Le monde est foot !

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Dossier

Le coût total s’élèverait à près de 4 milliards de dollars, dix fois plus quele budget initialement alloué à l’événement. Le chiffre des 450 000touristes attendus devra être, quant àlui, revu à la baisse. Les frais du voyageet de l’hébergement seraient bien tropélevés pour attirer le million de touristesqui s’était déplacé en Allemagne,pour la Coupe du monde 2006. Uneétude menée à la Bank of AmericaMerrill Lynch pointe également le doigtsur les fuites de capitaux générés parl’événement. Pour faire face aux besoinsde construction et à la demande enbiens et services divers, l’Afrique duSud a fait appel à des entreprisesétrangères. Toujours selon l’étudeaméricaine, la part des importationss’élèverait à plus de 50 %, un manqueà gagner certain pour l’industrie locale.Il faut noter que le délai très courtentre l’obtention du droit à organiseret le déroulement de la compétitionlaisse en fait peu de temps au paysd’accueil pour revoir son urbanismeet ses équipements. Les conséquencessont souvent celles d’un développementpeu pertinent des infrastructures. Sepose, par exemple, le problème de lareconversion des dix stades, dans unpays où la pratique du football restel’apanage des amateurs.

Pas de miracleExclue du circuit par la FIFA en 1976pour discrimination raciale, ce n’estqu’en 1992 que l’équipe sud-africainede football réintègre la compétitioninternationale. L’équipe des Bafanasbafanas – « les petits gars » en Zoulou –est née avec la nouvelle démocratiepost-apartheid. Pourtant, la passiondu football reste surtout partagée parla population noire : le ballon rond futun instrument de lutte face au pouvoirraciste, à l’image des matchs organiséspar les détenus de Robben Island, laprison politique des opposants noirs aurégime de l’apartheid.

Interrogé par Stéphane Hervieux,journaliste indépendant basé àJohannesburg et correspondant pourLe Monde, le chercheur sud-africainau Center for Policy Studies, AubreyMatshiqi, n’attend pas grand chosede cet événement footballistique : « Pourla plupart des Blancs, le football localn’existe pas. Ils regardent surtout lesmatchs du championnat anglais.Même une victoire des Bafanas bafanasen Coupe du monde – ce qui est trèspeu probable – ne changera pas fondamentalement les choses. Il n’y a pas de solutions simples aux problèmes complexes ».

Si certains minimisent l’impact socialde cette Coupe du monde 2010,d’autres s’interrogent sur l’accès decette compétition au plus grandnombre, dans un pays où 43% de lapopulation vit encore sous le seuil depauvreté. Augustin, étudiant à l’IEP deGrenoble et actuellement en stage àJohannesburg pour préparer la Coupedu monde des Ecoles Françaises àl'Etranger, témoigne : « Sur place, lesmaillots des Bafanas bafanas se vendent 700 rands, soit environ 70euros. Quand on sait que le salairemensuel d’un ouvrier dans le bâtiments’élève à peine à 400 euros, on voitqu’il y a un problème. Et c’est pareilpour les billets !». Sur les trois millionsde billets mis en vente par la FIFA,700 000 n’ont pas encore trouvéacquéreurs, malgré des tarifs revus àla baisse pour les Sud-Africains. Sil’événement est historique, il ne faut donc pas espérer de miracle économique. Reste le symbole inestimable d’organiser la rencontreentre trente-deux nations différentes,vingt ans à peine après la chute dusystème ségrégationniste de l’apartheid.

Marion Payet

Transports : la grande inconnue

Roulera ? Roulera pas ? Lancé en2000, le projet du Gautrain, le trainexpress régional le plus rapided’Afrique, avec une vitesse de pointeà 160 km/h, devait être inaugurépour l’ouverture de la Coupe dumonde. Or, sur un trajet de 80 km delongueur reliant Johannesburg àPretoria et desservant l’aéroportTambo via une autre branche, seulela liaison de Sandton (le quartier d’affaires de Johannesburg) à l’aéroport devrait être prête à temps.A terme, les autorités espèrent quecette nouvelle ligne contribuera àdésengorger les routes encombrées,dans un pays où les transports encommun sont quasi inexistants. Sousle régime de l’apartheid, les moyensde transports collectifs avaient étélimités au minimum, pour cantonnernoirs et blancs dans leurs quartiersrespectifs.

La Coupe du monde en chiffres

• 9 villes hôtes

• 32 équipes

• 450 000 visiteurs attendus

• 3 000 000 de billets mis en vente

• 10 stades (5 stades construits 5 stades rénovés)

Le stade de Soccer City à Johannesburg, encore en travaux. C’est dans cette arènede 94 700 places que se déroulera la finale de cette Coupe du monde 2010.

A l’occasion de la prochaine Coupe du monde, l’immense tour de télécommunicationsa été parée d’un énorme ballon de football.

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Dossier

SStéphane Mourlane, maître de conférences

à l'université de Provence et co-auteur

de Histoire (politique) des coupes dumonde de Football, Vuibert 2006,décrypte les enjeux géopolitiques

de ce sport.

La planète tourne Foot

Des matchs de football aux couleurs politiques

• 1934 : Coupe du monde en Italie.Mussolini utilise le football comme une vitrine de l'Etat fasciste. On y retrouve les ingrédients classiques de l'instrumentalisation politique. L'évènement doit montrerles bienfaits du régime : révéler un pays d'ordre et modernenotamment par la construction de nouveaux stades. Autreaspect de cette instrumentalisation, c'est la réussite desjoueurs revêtus de chemises noires : « les soldats deMussolini ».

• 16 juillet 1950 : Maracanazo.Le Brésil accueille la Coupe du monde de football. La finalel'oppose à l'Uruguay. Les Brésiliens sont les stars de lacompétition mais ils se couchent 2 à 1 ce soir-là, aprèsavoir mené le match. 60 ans après, ce coup de théâtre estencore dur à accepter. Cette défaite est aussi appeléecoup de Maracana en référence au stade où s'est disputéela finale.

• 1978 : Coupe du monde en Argentine.La junte des colonels organise la manifestation. Deux ansaprès le coup d'état du 24 mars 1976, l'Argentine est unedictature militaire. En Europe, et en France notamment, il yeut un mouvement de boycott. En France, les opposants seregroupent dans le comité Coba. Intellectuels de gauchecomme de droite, réfugiés politiques latino-américains,artistes ou engagés dans l'humanitaire, ils viennent d'horizons différents. Le but du Coba est d'alerter l'opinionpublique sur la situation en Argentine et de faire pressionsur les instances nationales et internationales du football.

• Juin 1982 : le match de la honte.Lors des qualifications de la Coupe du monde, l'Algériedoit attendre l'issue du dernier match de poule pourconnaître son sort. Ce sont l'Allemagne de l'Ouest etl'Autriche qui s'opposent. Pour être qualifiées toutes lesdeux, les deux équipes doivent compter sur un match nul.A la fin des 90 minutes de jeu sans attaques, les joueurssortent sous les sifflets des spectateurs de Giron. Cematch est aussi appelé la « honte de Giron » ou « le pactede non agression de Giron ».

Comment se positionne la FIFA dans le concert international ? « Comme toutes les grandes fédérations sportives. Il n'y a pas si longtemps,le président de la FIFA a rencontré le secrétaire général de l'ONU. Il y a derrière cela quelque chose d'extrêmement intéressant du fait de la grandeambiguïté des discours des dirigeants sportifs et de la fédération internationalede football. Ils ont l'habitude de dire que le sport, ce n'est pas de la politique.Parallèlement, il y a depuis longtemps un discours qui était notamment tenupar Jules Rimet, le fondateur de la fédération internationale de football et dela Coupe du monde de football. Il a écrit un ouvrage très révélateur des discours des dirigeants du football : « le football, le rapprochement despeuples ». C'est l'idée que le football pourrait contribuer au rapprochementdes populations, à la paix dans le monde, à une meilleure compréhensiondes uns et des autres.

Evidemment, le football est un sport très populaire dans le monde et il serépand aux quatre coins du monde. Dès les années 1970, la FIFA développedes programmes spécifiques de développement du foot en Afrique et enAsie. Ce n'est d'ailleurs pas anodin qu'en 2002 la Coupe du monde de football ait été organisée conjointement par la Corée et le Japon. Au passage,vous retrouvez cette idée de rapprocher les populations. Il y a des antagonismes très forts entre ces deux pays et la Coupe du monde étaitcensée les rapprocher. La Coupe du monde se tient aujourd'hui en Afriquedu Sud, c'est l'aboutissement d’une politique d'aide au développementmenée depuis des années. Tout cela est complexe parce que la FIFA,elle-même, est traversée par un certains nombre d'enjeux, qu'on pourraitqualifier de géopolitiques (Europe, Afrique, Amérique du Sud, etc) avec unevolonté constante des Européens de garder la mainmise. Ce sont des rapportsde force qui s'établissent et qui sont plus ou moins en correspondance avecles rapports de force sur la scène internationale. La FIFA est un des théâtresoù se font les relations internationales ».

Propos recueillis par Pauline Gast

« L’idée de la Coupe du monde de football est que l’Afrique s’intègreau processus de globalisation ».

Le monde est foot !

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Le football, un univers complexe dans lequel il est difficile de se repérer :

organisation internationale à différents échelons, diversité des acteurs,

activités croisées, flux financiers omniprésents. Décryptage.

Comment ça marche ? Dossier

NATIONAL

Ligue 1 – 20 clubsLigue 2 – 20 clubsNational – 20 clubs

Championnat de France amateur (CFA) – 4 groupes de 18 clubs

CFA 2 – 8 groupes de 16 clubs

RÉGIONAL

La hiérarchie dépend de chaque ligue régionaleDivision d'honneur

Division d'honneur régionalePromotion d'honneur

DÉPARTEMENTAL

La hiérarchie dépend de chaque ligue1ère division de district2ème division de district3ème division de district

...

DROITS AUDIOVISUELS

En 2008/2009Canal + (465 millions d'euros)Orange (203 millions d'euros)

=> 668 millions d'euros25% des ressources

SUBVENTIONS PUBLIQUES

Variables selon les villes.Minimes dans les budgets des clubs.

• Achat d'espace publicitaire :1,6 million maximum.

• Financement de missiond'intérêt général (formationdes jeunes, animations, etc):2,5 millions maximum.

• Prise en charge de l'entretiendes stades, eau, gaz, électricitéEx : 1,52 million d'euros à Marseille

3 % des droits TV

Sport amateur

71% aux clubs de L116 % aux clubs de L2

Réalisé par Sébastien Di NoiaSources : FIFA, FFF, Challenges,

L'Expansion, L'Equipe

5% au sport amateur

Fédération Internationale de Football Association (FIFA)Président : Joseph S.Blatter, 208 fédérations membres

Une seule fédération par nation est autorisée, elle gère l'organisation de la Coupe du Monde et détermine les règles du jeu

Les confédérations membres de la FIFAPlacées sous son autorité hiérarchique, elles sont indépendantes et gèrent le calendrier de leurs compétitions,

elles organisent librement les qualifications pour la Coupe du MondeUEFA (Europe); CONCACAF (Am. du Nord, Am. centrale et Caraïbes); CONMEBOL (Am. du Sud) AFC (Asie); CAF (Afrique); OFC (Océanie)

Fédération française de football (FFF). Président : Jean-Pierre Escalette

REVENUS DE LABILLETTERIE

50%des ressources

MERCHANDISING

Partenariatssponsoring

25%des ressources

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APolitiquement foot

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Aujourd'hui, le football fait partie intégrante de la politique

de développement des grandes agglomérations.

Enjeux sociaux, économiques ou politiques, ce sport

joue les prolongations au sein même des collectivités.

Plus qu'un phénomène de société, c'est de stratégie

qu’il faut parler. Retombées économiques pour les

villes, outils de communication des mairies, le ballon

rond occupe une place de plus en plus importante.

« Il faut un sursaut, là, un vrai sursaut. »s'inquiète Bertrand Delanoë, maire deParis. En février 2010, le Paris SaintGermain (PSG) piétine, les résultatsne sont pas au rendez-vous. Madrid,Londres ou encore Munich, autant demétropoles qui voient leur club defootball gravir les plus hautesmarches des championnats. De soncoté, Paris déchante. La capitalepeine à s'élever au rang de ville européenne du football. Cependant,avec 2,3 millions de licenciés en2007, la France est une des terres duballon rond.Au-delà de l'aspect sportif,

de nombreux intérêts économiques,politiques mais aussi sociaux gravitentautour du foot.

Construire une visibilitéLe football est une carte de visite. EnFrance, lorsqu'une ville compte uneéquipe en ligue 1, les médias en parlent. Qu'elle perde ou qu'ellegagne, l'important est qu'elle soit aucentre des discussions. Pour AlainPilaud, ancien attaché aux sports deGrenoble et architecte de la montéeen ligue 1 de l'équipe de la ville, leGF38 « sert l'image de la ville. Ça fait

toujours plus d'effet d'être winner qued'être looser. Ça fait parler. » Un clubqui fait parler de lui, c'est un vecteurde communication assuré pour laville. Mention du nom pendant lesmatchs, apparition du logo et descouleurs de la ville à la télévision oudans la presse, le ballon rond estl'ambassadeur du territoire. En 2006,78% des couvertures du magazineL'Equipe sont consacrées au footballet ce sport détient huit des dix premièresaudiences télévisées. C'est donc unevitrine des villes et plus largement desEtats à l'échelle européenne. Pour

Dossier

Le monde est foot !

Redescente en D2 : le cas douloureux du FC Nantes

En 2007, après quarante-quatre saisons dans le championnat desélites, le FC Nantes (FCNA) retombeen ligue 2. La chute est lourde deconséquences : budget diminué demoitié, renégociation des contrats desjoueurs au rabais. Plusieurs footballeursont quitté le FCNA, dont un desespoirs de l'équipe : Dimitri Payet. Ilfaut reconstruire une équipe et unestratégie. Changement à la direction,Luc Dayan, ancien président du clubde Lille, qui avait remis le LOSC àflots, prend la présidence. Le clubn'est pas loin du dépôt de bilan avec13 millions d'euros de déficit. Le président se sépare des salariés lesmieux payés. Mais quelques mois plustard, les Nantais sont revendus par legroupe Dassault à Waldemar Kita. Auniveau sportif, alors que le club n'avaitconnu que cinq entraîneurs entre1960 et 2000, une dizaine défiledurant la dernière décennie. Lors de lasaison 2007-2008, le club remonteparmi l'élite grâce à sa rigueur. Maisce n'est que provisoire. A nouveaurelégué en 2009, le club a du mal àsortir la tête de l'eau.

Le stade a coûté 73,7 millions d'euros, financé à 83% par Grenoble-Alpes métropole. Credit photo : ville de Grenoble

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Inauguré en 2008, le stade des Alpes à Grenoble, d’une capacité de 20 000 places, est situé dans le parc Paul Mistral à quelques centaines de mètres de l’hôtel de ville.

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Dossier

Cartons rouges des clubs privés

La santé financière des clubs anglaiss'effrite un peu plus chaque mois. En2009, le club de Liverpool annule laconstruction d'un stade à caused'une dette impayée de 370 millionsd'euros.Autre mauvaise nouvelle sur cetableau déjà sombre : les Françaisrisquent de pâtir de la crise anglaise.Face à la rigueur budgétaire, lesAnglais délaissent le marché desjoueurs français, sur lequel repose enpartie la santé financière du footballnational. Chaque année, les transfertsde joueurs permettent d'équilibrer lescomptes en France. Selon la Directionnationale du contrôle de gestion(DNCG), s'il n'y avait pas eu de tradingdes joueurs, le déficit des clubs français aurait dépassé les 304 millionsd'euros l'année dernière.

Yves Ravel, attaché aux sports à lamairie de Saint-Etienne, « l' AssociationSportive de Saint-Etienne (ASSE) estnotre principal vecteur de publicité.Pendant les périodes d'été, les gensviennent de différents pays et s'arrêtentà Saint-Etienne pour aller voir le stadeGeoffroy-Guichard. » L'ASSE mais aussile GF38 sont deux porte-drapeaux.Les Stéphanois, actuellement à la16ème place de la ligue 1, et lesGrenoblois, relégables en ligue 2,restent des vecteurs de communicationstratégiques. Ils offrent à leur ville unecertaine visibilité, tant sur le plannational qu'international.Le GF38 a conclu, dans cette optique,un marché avec la ville de Grenoble.Dans le cadre d'un contrat, la villepaie 200 000 euros, en contrepartiedesquels le club doit lui fournir des « billets pour les employés et lesenfants, rendre des invitations, uneloge à l'année pour les relationspubliques avec les partenaires de laville et de la prestation d'image avecnotamment l'affichage de logo dansle stade » déclare Alain Pilaud. Cettepolitique sportive des collectivités estcoûteuse pour le contribuable. Selonune étude de l'Expansion menée en2008, rapporté au budget des clubs,un but marqué pour le PSG coûte3,44 euros par foyer fiscal, à Lyon,16,88 euros.

Renforcer l'attractivité économiqueAu niveau local, un club de foot quigagne, c'est un vivier pour l'entrepre-nariat. La France est le deuxième

marché européen de produits dérivés.Alors que le GF38 propose unesoixantaine de produits officiels,l'Olympique Lyonnais (OL) tient la première place dans ce domaine avecune déclinaison de 250 produits quilui rapportent quasiment le cinquièmede son chiffre d’affaires. Entre 2007et 2008, les ventes des produits del'OL ont augmenté de 24,1%, s'élevantalors à 38,5 million d'euros. C'est unmarché profitable pour les entreprises.

Les sponsors sont aussi une mined'or pour l'économie locale. Plus de500 entreprises sont aujourd'hui partenaires de groupe OL, tels queUmbro, Renault Trucks ou encoreOrange. Selon le rapport financier2007-2008 de l'Olympique Lyonnais,grâce à ses partenaires et à la publicitéle club a gagné 20,4 millions d'eurosen 2007, soit une augmentation de12,9% en un an. Les équipes encaissent de l'argent, mais attirentaussi des entreprises internationales.Dix-huit entreprises sont aujourd'huipartenaires du GF38, dont des firmesinternationales telles qu'ISS, Orangeou encore Nike. De plus, ce sont plusde 250 sociétés qui gravitent autourdu club dans le cadre d'organisationd'évènements, de partenariats ponctuelsou de plus long terme.

Au-delà des fonds apportés en soutienaux clubs et des bénéfices qu'elles enretirent, les entreprises jouissent d'unengouement autour des événementsfootballistiques. Un match de foot

génère des retombées économiquessur l'ensemble du territoire. Lesstades, par exemple, drainent de l'activité les soirs de match. Ce sontdes poumons économiques. Au GF38,environ 80 personnes sont employéesaujourd'hui. De plus, le stade desAlpes fait ponctuellement appel à denombreux emplois de services lors degrands évènements. Alain Pilaud estcertain des avantages engendrés parune arène sportive. « Ça donne del'activité. Dans un stade, il y a aussides services annexes pendant toutela semaine. Pendant les matchs, il y adu business. Les entreprises qui fontdes relations publiques. Il y a aussitout ce qui tourne autour des emploisde services : des maîtres d'hôtel, deshôtesses et tous les petits jobs complémentaires, soit d'étudiants,soit de gens qui sont contents d'avoirça. » Le football développe son propremarché de l'emploi.

Les différents acteurs qui gravitentautour du football voient une synergie s'opérer entre le ballon rond,l'économie et le politique. La réussited’une équipe de foot nécessite souvent un investissement importantde la part de la collectivité mais lesélites politiques et économiques sontpersuadées qu'il s'accompagne deretombées positives.

Pauline Gast

Le Palmarès du GF38

En 1961, après avoir passé dix ans en D2, le GF38 atteint le championnatdes élites. L'année suivante, ladéception est cependant au rendez-vous. Le club est relégué. LesGrenoblois ne resteront qu'une annéeen D2. En 1962, ils remontent en D1.Mais terminant 17e du championnat,ils descendent une fois de plus.En 1971, le GF38 chute en D3 et perdainsi son statut professionnel.L'année d'après, il rejoint la divisiond'honneur (D4), au plus bas de sonhistoire. Les années 1980 et 1990sont à l'image des précédentesdécennies.Les années 2000 marquent un nouveau tournant. Le club gravit, petità petit, les échelons. En 2001, ilremonte en Ligue 2, et en 2008 enLigue 1. Le club termine 13e.La saison suivante s'annonce cependantcatastrophique avec 11 défaitesconsécutives entre la 1ère et la 11ème

journée de championnat. Le GF 38stagne en fin de classement de D1.

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Dossier

SSouvent montrés du doigt dans les médias pour leur

violence et présentés comme des sauvages ou des

hooligans, les supporters ne cessent d’être décriés.

Pigémagazine s’est immergé au cœur des Bad Gones,

le groupe de supporter lyonnais le plus influent.

Reportage à l’occasion du derby OL/ASSE,

samedi 13 mars 2010.

Derby d’initiés

Une semaine de feu pour l’OL et sessupporters. Samedi 13 mars, trois joursaprès l’exploit retentissant à Madrid,en huitième de finale retour de laLigue des Champions, l’Olympiquelyonnais reçoit son ennemi juré, l’ASSaint-Etienne, pour un derby soustension. Une semaine avant le chocdes Olympiques : Marseille/Lyon, auVélodrome. Mais le derby entre l’OL etl’ASSE conserve une saveur particulièrepour ses supporters. « Je préfère qu’onbatte les chiens verts plutôt qu’ongagne la Ligue des Champions »,confie aux abords du stade Clément,supporter lyonnais depuis sa tendreenfance.

« Un vrai public de sénateurs »Fondés en 1987, l’année de l’accessionde l’OL en Ligue 1, les « BG » formentle groupe de supporters le plusinfluent à Gerland. Pour adhérer auxBad Gones, il faut payer 15 euros endébut de saison, en plus du prix del’abonnement. Des supporters quifont peur ou fascinent. Pour Marc,34 ans, « sans les Bad Gones, onentendrait les mouches péter àGerland. Heureusement qu’ils sont làpour mettre l’ambiance. » De vraissupporters qui chantent bien, et toutle match. Pas comme les tribuneslatérales, jugées très sévèrement parAdrien, 29 ans : « A Jean-Jaurès, ilssont bons qu’à manger des petitsfours. Un vrai public de sénateurs. »

Dès 20 h, l’ambiance est électrique :c’est jour de derby. Une impressionqui ressurgit tout de suite, dès lespremiers pas dans l’arène. Le KopVirage Nord, celui des Bad Gones,résonne de 2 500 voix, qui se retrouventpour ce match particulier dans uncorps à cœur fraternel, où celui qui nesaute pas n’est pas lyonnais. Quelquesminutes avant le début du match, lecapo, celui qui donne le tempo etlance les chants, donne ses dernièresindications avant le déploiement dutifo (animation visuelle pour l’entréedes joueurs). Un discours écouté avecattention par des centaines de lyonnais,à l’image d’un gourou. La pressionmonte. Tout le Kop entame le chantconsacré aux rivaux stéphanois :« Emmenez-moi à Geoffroy Guichard,emmenez-moi au pays des bata…, ilme semble que la misère serait d’êtresupporter des Verts », sur l’air de lacélèbre chanson de Charles Aznavour.

Orange mécanique21h00. Les joueurs pénètrent sur lapelouse. Le tifo créé pour l’occasionse déploie sur tout le Kop, orchestrépar le capo. En face, dans le parcagestéphanois, les Green Angels et lesMagic fans répliquent : chants anti-lyonnais, fumigènes, drapeaux, toutest permis pour faire plus de bruit quel’ennemi régional. Côté Bad Gones, lapréparation du tifo a nécessité troismois. Mais le résultat est à la hauteur :

un immense lion, symbole des BadGones, s’étend sur tout le Virage Nord,vêtu d’un déguisement d’Orangemécanique. Clin d’œil aux médias qui diabolisent continuellement les supporters. La coordination entre levirage supérieur et inférieur estessentielle pour que le tifo soit réussi,d’autant plus que le vent ne facilitepas la tâche. Les chants se font deplus en plus forts et recouvrent lasono du stade. « Pendant les matchsde Ligue des Champions, on n’entendmême pas l’hymne », lâche Franck,un supporter.Le match commence. Dos à la pelouse,Yohann, le capo, le perroquet, bref,le chef d’orchestre, juché sur son promontoire, transcende et exhorte lafoule. Il fait lever les bras et les voix,rythme les encouragements et sentles moments creux pour mieux relancerles chants. La gestuelle remplit unrôle important. 10ème minute de jeu : lebloc tout entier s’assoit, puis se lèvecomme un seul homme, pour mieuxsymboliser sa cohésion derrièrel’équipe. Les chants s’enchaînent,dans une belle ferveur.Avec un tambourpour assener la mesure. 39ème minute :Saint-Etienne ouvre le score par l’intermédiaire de Rivière. Silence. Lestade semble subir un électrochoc.On n’entend plus que les supportersstéphanois, euphoriques. Mais lesBad Gones sonnent la révolte, etreprennent les chants de plus belle.

Le monde est foot !

Modèle anglais et modèle italien

Le supportérisme s’est manifesté dèsles débuts du football européen. Et enFrance, cela s’est particulièrementdéveloppé dans les années 1980.Pour Nicolas Hourcade, sociologue,deux modèles de supportérisme peuvent être distingués. D’une part,celui, anglais, des groupes informels dehooligans essentiellement préoccupéspar l’affrontement avec les bandesadverses et la police. D’autre part,celui, italien, des associations d’ultrass’investissant dans le soutien à l’équipeet dans la vie du club, tout en ayantparfois recours à la violence contreleurs rivaux. En France, en dehors deParis, ceux qui se disent hooligans sonttrès peu nombreux. Les Bad Gones se rapprochent du modèle italien de supportérisme. Plus organisé, mettanten scène le soutien à l’équipe, avecnotamment la réalisation d’animationsà l’aide de drapeaux, de banderolesgéantes, de fumigènes, de feuilles decouleur. Officiellement, les Bad Gonesne se considèrent pas comme desultras : « Not hooligan, not ultras, justBad Gones. »

Le virage Nord,le Kop des Bad Gones.

Dans la peau d’un Bad Gones

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Dossier

Un supporter monte au grillage après l'égalisation lyonnaise.

« Ne jamais lâcher », reprend en cœurle Kop survolté. Malgré ce sursaut dupublic, l’arbitre siffle la mi-temps.

Un désordre organiséUn laps de temps qui permet dedécouvrir que les supporters semblenttous unis, malgré leurs différences.Se côtoient des étudiants, des jeunes,des chômeurs. Des cheveux longs,des cheveux courts. Certains boiventde la Kro ou du plus fort dans desgobelets, d’autres en profitent pourfumer de la cigarette qui sent bon.Franck, membre des Bad Gonesdepuis cinq ans, se confie : « Ici, tues en groupe, tu te sens fort.Peut-être que dans la vie tu n’existespas. Et puis, tu oublies tout une foisdans le stade. » Comme l’explique Nicolas Hourcade,sociologue spécialiste de la questiondes supporters, « s’ils insistent surl’hystérie, le «chaos » censés habiterleur tribune, le comportement desgroupes de supporters est rigoureu-sement codifié et organisé ». Parexemple, les meneurs, dos au terrain,coordonnent les mouvements d’ensemble. Cette organisation seretrouve dans la forme associativequ’ils adoptent, avec des adhérentspayant une cotisation et des respon-sables élus ou désignés qui serventd’interlocuteurs aux dirigeants du clubet aux médias locaux. Entre les matchs,les membres actifs se retrouvent dans

un bar ou dans le local du groupepour préparer les tifos, acheter ouconfectionner le matériel nécessaire,ou encore organiser les déplacementsafin de suivre l’équipe à l’extérieur.Mais aussi, pour profiter de momentset de relations de sociabilité : boire,discuter, commenter l’actualité dufootball ou du supportérisme.

L’honneur est saufQuinze minutes plus tard, le matchreprend. Les joueurs ont changé decôté, l’occasion de chambrer le gardienadverse, Jérémy Janot. Mais, choserare, les remplaçants des deuxéquipes se mettent à s’échaufferdevant le Kop des Bad Gones. SylvainMonsoreau, ancien défenseur lyonnaispassé chez l’ennemi, en profite mêmepour applaudir ironiquement sesanciens supporters. S’en est trop pourquelques jeunes supporters du Kop,qui ne supportent pas cette intrusiondes ennemis régionaux dans leurcamp, et décident d’envahir le terrainpour les effrayer. Les CRS interviennent.L’échauffourée est vite calmée. Lesremplaçants stéphanois sont gentimentpriés de se déplacer à l’autre bout duterrain. On ne sait pas ce qu’il adviendrade ces quelques téméraires qui ontfranchi les grilles pour faire respecterl’honneur de leur équipe.Les minutes défilent, L’OL est toujoursmené au score, mais le Kop ne faiblitpas. Bien au contraire. Les chants

reprennent de plus belle et la pressionse fait ressentir sur le camp stéphanois.

Le 12ème hommeDélivrance : à la 79ème, Lisandro Lopez,le pugnace attaquant argentin, égalisepour l’OL. Le mouvement de foule estsoudain : tout le Kop pousse, des supporters se ruent sur les grilles,d’autres s’accrochent au grillage.L’ambiance est survoltée, le Kopréchauffé. « C’est ça le rôle du 12ème

homme », souffle quelqu’un. Le publicest galvanisé. Et cette émulation collective se ressent sur le terrain.Les verts sont acculés en défense,sous la pression de tout un stadedévoué derrière son équipe. Les dernières minutes sont bouillantes.Le stade entier est en effervescencesous l’impulsion du Virage Nord etdes Bad Gones qui semblent battre lamesure. Un tir sur le poteau et unetransversale plus tard, le match setermine. 1-1. Le stade se vide petit àpetit. Le Kop virage Nord en dernier.Il faut ranger le matériel. Une heureplus tard, c’est fini, certains se retrouvent autour d’une bière pourrefaire le match, et préparer le déplacement de la semaine prochaine,à Marseille. Un autre match commencedéjà pour les supporters.

Augustin Bascoulergue

Banderoles : quand la joute verbaleremplace la violence physique

Ces dernières années, les matchssous tension sont tellement encadréspar les CRS que la bataille physiqueentre les supporters adverses a prisla forme d’une joute verbale par banderoles interposées. L’occasion pourles supporters d’échanger quelquesbelles déclarations d’amours.6 septembre 2000, Saint-Etienne/Lyonà Geoffroy-Guichard. Une banderolerestée célèbre : « Les gones inventaientle cinéma quand vos pères crevaientdans les mines », dévoilée par le Koplyonnais. Le message est violent.Trop pour certains. Et c’est parfois « borderline », comme lors d’un autrederby, le 3 mars 2007. Les Magicfans déploient dans le Virage Nord dustade Geoffroy-Guichard un tifo montrant les joueurs lyonnais caricaturés en animaux sauvages,avec une banderole de 90 mètres delong portant l'inscription « la chasseest ouverte, tuez-les. » La Ligue defootball professionnel est montée aucréneau, jugeant cette banderoleinsultante vis-à-vis des joueurs et desdirigeants de l’Olympique Lyonnais.Résultat : le tribunal correctionnel deSaint-Etienne a condamné le groupede supporters stéphanois à 500 eurosd’amende avec sursis.On préfère des banderoles plus marrantes comme lors de cet OL/OM,en décembre 2008, quelques joursaprès la libération de l’emblématiquesupporter marseillais Santos Mirasierra,à la chevelure extravagante. « Libertépour le coiffeur de Santos », avaientironisé les Bad Gones.

Le parcage des Stéphanois s'enflamme à l'entrée des joueurs.Crédits photos : Augustin Bascoulergue

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Le football est aujourd’hui régulièrement encensé

pour ses vertus éducatives et d’intégration.

Pourtant, violences, racisme, homophobie et

dérapages continuent de gangrener le sport le plus

populaire de France. Du coup de tête de Zidane aux

violences dans les équipes amateur,

le foot est-il devenu un jeu dangereux ?

« Tous les dimanches, c'est la mêmechose. On ne sait jamais si le joueuren face ne va pas te frapper ». PourBenjamin, 24 ans, attaquant de l’USVeynes (Hautes-Alpes), le climat deviolence dans le foot amateur fait partie du quotidien. « Il m'est arrivé à plusieurs reprises de me faire insulterde « tapette » ou de « pédé » justeparce que ma coupe de cheveux étaitun peu hors norme ».

Des violences sur le terrain…Un coup de tête par-ci, un coup decouteau par là, un pied dans les partiesgénitales ou des propos racistes, lesagressions physiques ou verbales semultiplient. Si les violences dans le footprofessionnel sont médiatisées – deZidane à Patrick Viera –, les dérapagesen équipe amateur restent trop souventdans l’ombre de leurs aînés.Dans son rapport établi en août 2009,l’Observatoire des Comportements dela Fédération Française de Football(FFF) compte entre 1,6 et 1,8% dematchs amateurs à incidents, soit 16 000 rencontres sur un total d’un

million joués par saison. Un chiffre enaugmentation de 10 % par rapport àl’an passé. Victimes en premièreligne, les arbitres disent leur ras-le-bolface à ces agressions répétées. Aprèsla ligue des Deux-Sèvres en 2005 oucelle du Centre Ouest en 2009, cesont les arbitres hauts pyrénéens quijettent l’éponge et menacent de boycotter les prochains matchs. Unegrève du sifflet plutôt rare dans lemétier.

Et dans les gradinsMais la violence n’est pas l’apanage desjoueurs, amateurs ou professionnels.Dans les gradins, les supporters nesont pas en reste. 36,3% : c’estl’augmentation du nombre d’incidentsaux abords et dans les stades lors desmatchs de Ligue 1 par rapport à2008, selon un rapport del'Observatoire de la sécurité publié àla mi-saison dernière. On se souvientde la banderole insultante contre lesCh’tis déployée lors de la finale de laCoupe de la Ligue opposant le PSG au RC Lens ou des cris de singe

à l’encontre de joueurs d’origine africaine.Mais il y a du changement dans l’air :les dérapages ne sont plus le privilègedes grands clubs de supporters. 325sièges arrachés à Grenoble, septinterpellations et 320 agents des forcesde l’ordre pour un derby rhônalpinentre le GF38 et Saint-Etienne en janvier dernier. Le bilan est lourd, avecun match suspendu pendant quinzeminutes, des rixes entre supporterspour une rencontre à haut risque deniveau trois, le degré maximum. Lesexemples sont légion et ternissentl’image d’un football déjà amoché parles dérapages à répétition des starsdu ballon rond.

« Le sport n’est pas un remèdemiracle »Pour enrayer les violences, l’Observatoiredes Comportements a misé sur unecampagne de sensibilisation, avec feuPhilippe Seguin en invité vedette et unslogan en béton : « La frappe, c’estdans le ballon ». Résultat : une baissede 15 % d’arbitres agressés.

Dossier

Quand le football

Fairplay et respect sont des notions en régression sur

les terrains de foot.

Crédits photos : Fédération Française de Football.

Le monde est foot !

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Dossier

Quel est l’état des violences commises contre les arbitres ?Ces dix dernières années, il y a eu 1 000 arbitres frappés. Par district, çafait un arbitre par saison. C’est déjàénorme. On décompte les coups depoing, coups de tête, nez cassés etautres. Mais l’arbitre subit une violenceverbale plus insidieuse, difficilementquantifiable. Parfois, quand on prendune claque sur un terrain, on ne faitpas de rapport. Le chiffre de 1 000arbitres agressés est donc en deçà dela réalité.

Quel est l’impact sur le métierd’arbitre ?J’ai arrêté l’arbitrage à 51 ans car jen’en pouvais plus, je me faisais insulterpar des jeunes qui pouvaient être mesenfants. On a peur des représailles desjoueurs ou des spectateurs. Cette violence a un autre effet négatif : leseffectifs baissent d’année en année.Aujourd’hui on est à 300 arbitres. Il y adeux ans, on en comptait plus de 400.

Que faut-il faire pour limiter cesagressions ?Je ne suis pas pour la répression maisla loi Lamour – qui protège les arbitresen leur donnant le statut de délégateurd’une mission de service public – a étéefficace. On peut aussi faire un travailde sensibilisation au sein des clubs. Etpuis il y a l’influence des médias, quicritiquent souvent le travail desarbitres. En amateur, on ne fait pas dufoot spectacle mais du sport loisir.Mais les gens font encore l’amalgame.

« C’est une campagne fiable et efficacemais pas suffisante. On va maintenantdévelopper un réseau Foot, dans l’espritFacebook, pour toucher directementles licenciés » raconte Patrick Wincke,responsable de l’Observatoire.Pour certains sociologues, c’est ausport de changer de mentalité et defonctionnement. De nature en quelquesorte. Contre ceux qui ont vu dans lefootball un modèle d’exemplarité etune thérapeutique pour pacifier lesrelations sociales et éduquer lesjeunes, le retour de bâton est sévère.Chercheur en sciences sociales dessports à Strasbourg, Michel Koebelest clair : « Tout le monde parle d’intégration et d’éducation par lesport, les journalistes, les politiques,mais personne n’a jamais rien prouvédans ce domaine ». Le ton est donné.Il n’y aurait pas nécessairement detransfert des valeurs apprises par lesport dans la société. Ce n’est pasforcément le football en club quiapprend à un enfant à créer des règlesou encadrer ses comportements,mais plutôt la pratique sportive, mêmeauto-organisée, au pied d’un immeubleou dans un champ abandonné.

Pire, « la façon dont le sport est organiségénère des tensions. On essaie dedire que la violence est une dérive dusport. Mais ce qu’on refuse de voir,c’est que ça fait partie intégrante de lafaçon dont il est organisé, quand il estun affrontement spectacularisé »continue Michel Koebel. C’est pourquoile sociologue, qui a également forméde jeunes animateurs, préconise plutôtdes sports de coopération commel’escalade, certes moins glamour etmédiatique, pour sensibiliser lesjeunes en difficulté. « Je ne dis pasqu’il n’y a aucun effet positif, maisfaire croire aux gens que le sport estun remède miracle, qu’il possède desvertus intrinsèques ou serait intégrateurpar nature, comme on l’entend souventdire, c’est un mensonge » conclut-il.

Une carence éducativePlus insidieusement, c’est le visagedu football qui semble avoir changé :pour le spécialiste des questions deviolence dans le sport, DominiqueBodin, actuellement professeur desociologie à Rennes II et à l’universitéde Madrid : « Le sport n’est plus pratiqué comme un jeu c'est-à-dire

se fait violenceLes arbitres voient rouge

3 questions à... Eric Douvillé

Président de la Commission départementale d’arbitrage et

co-président de l’Union Nationale desArbitres de Football (UNAF) en Isère.

Le « coup de boule » de Zidane, en 2006.Crédits photos : FLICKR

Malmenés dans les médias et agressés sur les terrains, les arbitres ne supportentplus les violences à répétition. Crédits photos : Fédération Française de Football.

Un groupe de joueurs de l’OM conteste la décision de l’arbitre, OM/Nice 2008.

un dérivatif où on apprend des valeurséducatives comme le respect. On estdans celui de la rentabilisation et durésultat à tout prix ».Un football spectacle, glorifiant la performance individuelle, au détrimentde l’esprit d’équipe et de la morale surle terrain. En témoigne la récente affairede la main de Thierry Henry, faute nonsifflée par l’arbitre qui a permis la qualification de l’équipe de France enCoupe du Monde, contre des joueursirlandais, désabusés. Et le sociologuede conclure, en soupirant : « Il y a uneréelle carence éducative dans le footd’aujourd’hui, de la part des dirigeants,qui sont un modèle pour les jeunes, maisaussi des animateurs, qui manquentparfois de formation ».

Mais le football est-il responsable ouseulement symptomatique des tensionsqui traversent la société française ?Pour le chercheur-associé à l’InstitutChoiseul, Gaël Raballand*, « le footballn’est pas meilleur ou moins bon que lereste de la société, c’est un miroir ». Lereflet d'un monde où la violence éclatedes bancs de l’école aux tribunes desstades.

Estelle Faure

* Auteur avec Jean-François Marteau de

« Football, illustration d’un mal français »,

Revue Etudes, Octobre 2009 (Tome 411),

p.331-340

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Dossier

SSo Foot fête ses sept ans d'existence.

Avec 40 000 exemplaires vendus chaque mois

et 7500 abonnés, ce magazine un brin satirique

a su imposer sa griffe iconoclaste et demeure

sans équivalent dans la presse sportive actuelle.

En réconciliant football et culture, So Foot a

surtout triomphé des idées reçues.

Philoso'foot !

L'objectif originel est simple : FranckAnnese souhaite faire un magazine defootball dans lequel l'analyse factuelleet la complaisance sont bannies.Lassé par des revues telles queFrance Football, Onze Mondial ouencore l'Equipe, celui qui est devenule directeur des rédactions appréhendele sport préféré des Français autrement.Aux antipodes du traitement purementsportif et premier degré qui est généralement fait du football, So Footl'aborde à travers des prismes originauxtels que la culture, l'économie et lesquestions de société.

« Le Canard enchaîné du foot »Lorsque Cherif Ghemmour apprendl'existence du magazine, il n'hésitepas et intègre la rédaction dès lesecond numéro. Après avoir fait sesclasses dans la revue « But » durantdix ans et à la radio sur « Sport FM »,ce passionné de football change decap et prend le parti d'analyser lasphère du ballon rond avec distanceet humour : « j'ai tout de suite étéséduit parce que ça faisait longtempsque j'espérais un magazine de footqui mêlerait ton décalé et esprit critique.Entre 1994 et 1996, il y avait déjà larevue de foot « Guadalajara » quifonctionnait sur cette base. Et puis il ya aussi la tradition des Guignols, quin'ont cessé de railler des personnalitésissues du football : Eric Cantona, AiméJacquet, le « couple » Nicolas Anelkaet Luis Fernandez, etc. So Foot s'inscritdans cette lignée. » Si So Foot use de la provocation, c'est

pour mieux dégonfler la baudruche dufootball et rappeler que c'est un sportavant d'être un business. Mais lemensuel ne peut se résumer à sonton satirique et les articles de fondqu'on peut lire à chaque numéro sontlà pour nous le rappeler.« A la manière du Canard enchaîné,on essaye de trouver un équilibreentre sérieux et humour. Le but estbien de parler de football, mais intelli-gemment. Par exemple, dans le numérospécial Brésil, on part du foot puis onélargit à la Samba, la place de la religion,la Bossa Nova et la dictature. » Lacomparaison faite par Cherif Ghemmouravec l'hebdomadaire satirique est valide.En effet, l'originalité des reportages etla pertinence des thématiques traitéesà l'aune du football (la question noire,l'identité nationale, l'homosexualité,le hooliganisme, etc.) sont autant dequalités qui font de So Foot un magazinesportif politiquement incorrect. Lesprix remportés pour les unes intitulées« Foot & racisme » en 2003 et « Lefoot est-il de gauche ou de droite ? »en 2004 en témoignent et en font lavéritable alternative au classicisme dela presse footballistique.

Culture FootComme le rappelle Cherif Ghemmour,la singularité et la force du magazinereposent aussi sur une « exigence deculture », un besoin irrépressible deconfronter deux sphères supposéesantinomiques. Ce qui peut paraîtreétonnant ne l'est plus quand on sait que Franck Annese a participé à

l'aventure Sofa, un journal culturelgratuit qui abordait musique, cinéma,littérature et beaux-arts tous azimuts.Ce passionné de football, au lieu dechoisir pour l'un de ses deux penchants,a décidé de les réunir dans larubrique « culture foot », frappée dusceau de So Foot. Ainsi, chaquenuméro a réussi à réunir autour duballon rond des réalisateurs tels queJean-Jacques Annaud, Ken Loach,Felix van Groeningen, des écrivainstels que Maurice G. Dantec, NickHornby et Giancarlo De Cataldo, ouencore le metteur en scène EricLacascade et la troupe d'humoristesdes Nuls.« Les Inrocks du foot » est un sobriquetsouvent accolé au magazine. Quandon sait qu'à l'occasion de l'Euro 2003,les Inrockuptibles et So Foot ont sortiun numéro commun confrontant despersonnalités issues de la culture etdu football, ce surnom apparaît d'autantplus sensé. En favorisant l'émergenced'une « culture foot », So Foot s'imposecomme un magazine pionnier qui préfère bel et bien jouer hors deslimites du terrain.

Alexandre Majirus

Libération-So Foot, une équipequi gagne

So Foot et Libération, qui s'étaient déjàassociés lors de la Coupe du monde2006, renouvellent l'expérience. Al'occasion du prochain mondial defootball, la revue mensuelle va jouird'un dispositif éditorial exclusif luipermettant de bénéficier d'uneaudience quotidienne. En effet, dujeudi 10 juin au lundi 12 juillet 2010,Libération mettra un cahier de huitpages à disposition des journalistesde So Foot. Sur le site du quotidien,une plateforme sera également miseen place pour permettre aux journalistes des deux rédactionsd'apporter en temps réel leur éclairage sur l'événement.

La Une du n°8 (décembre 2003)

La Une du n°18

(decembre 2004)

Le monde est foot !

Page 21: Pigé Magazine n°10

PCircuits courts, idées longues

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Points de vente collectifs, achats à la ferme, paniers

préparés à l’avance… La commercialisation en circuit

court est une des portes de sortie de crise pour

l’agriculture. Une façon de répondre à une demande

forte des consommateurs, mais surtout de valoriser

le travail des producteurs.

PIGÉéconomie

Mercredi soir, à la cantine cantine-épicerie-librairie des Bas côtés, les membres de l’AMAP(1)

Mange-Cailloux et de l’AMAP’Monde s’affairent pour récupérer leurs paniers de fruits,légumes, œufs, pain… Au même moment, l’association la Charrette Bio livre ses produits,préalablement commandés par internet, à la Porte de France : deux exemples grenoblois devente et d’achat sans intermédiaire.

Un échange gagnant-gagnant…Chacun y trouve son compte : les producteurs obtiennent des prix rémunérateurs et améliorentla captation des bénéfices en leur faveur. Pour Virginie Thouvenin, conseillère en circuits courtsà la Chambre d’agriculture de l’Isère, « les produits sont bien mieux valorisés, même s’il fautprendre en compte le facteur temps : la transformation et la vente prennent des heures en plus ».Fabriquer des fromages ou assurer une permanence dans un point de vente collectif demandeen effet un investissement supplémentaire. En outre, la vente directe permet surtout aux agriculteursd’expliquer leur métier et de travailler comme ils l’entendent, sans pratiques intensives, sansêtre étranglés par les grandes centrales d’achat.Cet engouement correspond aussi à une volonté d’avoir des garanties sur la qualité des aliments,engendrée par les crises sanitaires successives. Les consommateurs recherchant une plusgrande traçabilité peuvent poser des questions sur la production, visiter les exploitations, etsurtout recréer une relation de confiance et de dialogue avec les producteurs, être en priseavec une réalité rurale.

… à développer encoreEn 2005, date des dernières enquêtes sur ces structures,16,3 % des exploitations agricolesfrançaises font de la vente directe dont 47% transforment les produits. Elles représentent26,1% du total des UTA (Unité de Travail Agricole) et donc une part importante de l'emploi agricole. Pour les agriculteurs, un des freins est toujours le facteur temps : cumuler troismétiers (producteur, transformateur, vendeur) n’est pas aisé, dans un système agricole quis’est beaucoup concentré sur l’acte de production depuis la seconde guerre mondiale. Seuls4% des fruits et légumes achetés le sont en vente directe. Les consommateurs rechignent souvent en invoquant une offre irrégulière en volume et en diversité…

Des circuits économiques d’avenirPour Jean-Noël Roybon, producteur de fruits à Vourey, « il y a beaucoup de choses à inventeren vente directe et la nouvelle génération va vers une révolution des mentalités agricoles(2) ».Trouver des nouvelles formes pour relocaliser l’agriculture est donc un enjeu vital, et notammentpour réduire les pollutions liées aux transports de marchandises. De nouveaux circuits économiquesavec un potentiel de développement immense qui pourraient donner un coup d’arrêt au déclindes exploitations ? En tous cas, entre 2000 et 2005, le nombre total d’exploitations agricolesa diminué de 18%, tandis que le nombre d’exploitations vendant en direct a diminué de 13%(2).

Lucie de la Héronnière

(1) Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne.(2) Selon l’INSEE, l’UTA est l’unité de mesure de la quantité de travail humain fourni sur chaque exploitation agricole.

Cette unité correspond au travail d’une personne travaillant à temps plein pendant une année.

Qu’est-ce qu’un circuit court ?Selon le ministère de l’Agriculture, le terme englobe la vente directedu producteur au consommateur (à la ferme, sur les marchés,collectivement, par correspondance, par paniers préparés à l’avance…) et la vente indirecte via un seul intermédiaire (restaurateur,commerçant-détaillant).

Et ailleurs ?États-Unis : On dénombre 1785 marchés de producteurs en 1994,4500 en 2007.Allemagne : 30 000 à 40 000 agriculteurs vendent directementleurs produits à la ferme, soit 6 à 8 % des exploitations.Japon : 13538 marchés de producteurs agricoles en 2005.Source : Ministère de l’Agriculture 2009.

L’exemple des fruits et légumes en chiffresProduction totale française en 2004 : 5,6 milliards d’euros Vente directe :

• A la ferme : 0,2 milliard d’euros • Sur les marchés de détail (produits vendus par les producteurs

eux-mêmes) : 0,3 milliard d’euros.Vente dans l’ensemble des circuits courts :0,8 milliard d’euros, soit 14% en valeur de la production française.Source : Infos CTIFL (Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et

Légumes) 2006.

• Marie-Christine Veyron, productrice de légumes, explique qu'« ona regroupé les moyens et l’organisation, et quand nous travaillonsdans nos fermes, les produits continuent à être vendus ».

• Les Points de vente collectifs (PVC) se développent en Rhône-Alpes,passant d’une vingtaine en 2001 à plus de 60 aujourd’hui. Lesagriculteurs se regroupent pour vendre leurs produits à tour de rôledans un local, comme ici à La Gamme Paysanne, à La Frette.

(Crédits Photos : La Gamme Paysanne)

Du producteur au consommateur

Page 22: Pigé Magazine n°10

EEn 2008, le chiffre d'affaires du marché français des jeux d'argent en ligne a frôlé

les 760 millions d'euros, partagés entre le Pari Mutuel Urbain et la Française des

Jeux. En parallèle, une myriade de sites officie illégalement sur la Toile.

Un marché noir estimé à cinq milliards d'euros par Bercy. C'est dans ce contexte

que le gouvernement a annoncé, en 2009, sa volonté d'ouvrir à la concurrence et

de réguler le secteur des jeux d'argent en ligne. Des opérateurs aux médias,

en passant par les partenaires sportifs, tous veulent conquérir au plus vite ce

marché en ébullition.

Jeux d'argent en ligne : PIGÉéconomie

2 milliards d'euros. C'est la sommedépensée, chaque année, par lesFrançais aux jeux d'argent et dehasard en ligne, d'après une estimationdu ministère du Budget. Casino,poker, black-jack, roulette, pari sportifou turf, l'internaute peut s'adonnerchez lui à une multitude de jeuxpayants. Et 75% des mises se fontparmi les 25 000 sites aujourd'huiillégaux au regard du droit français.Un marché qui pèse lourd, sans rapporter un euro au fisc.

Pari sur l'avenirLes enjeux de l'ouverture du secteur à la concurrence sont considérables,à commencer pour l'Etat. Avec l'allègement global de la fiscalitéinduit par la loi, ce dernier ne pourraplus compter sur les recettes annuellestirées du PMU, de la FDJ (Françaisedes jeux) et de la taxe sur les casinos,estimées à cinq milliards d'euros.Pour Marie Trespeuch, chercheuse ensociologie économique à l'EcoleNormale Supérieure de Cachan*, leprojet de loi est le produit d'un arbitrage au niveau du gouvernement :« On ouvre un marché à la concurrencemais, en même temps, il ne faut pastrop y perdre de plumes.»

Le poker en ligne est l'un des trois secteurs du jeu concerné par l'ouverture à la concurrence. Il représente la majeure partiede l'offre de jeux de casinos sur le web (environ 75 % des mises, selon les chiffres du ministère du Budget).

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Crédits photos : Pigémagazine.

Plusieurs éléments permettent d'éviter,à moyen terme, une érosion fiscale,selon Patrice Geoffron, professeurd'économie à l'université Paris-Dauphine : « l'arrivée de nouveauxacteurs, la légalisation de nouveauxtypes de jeux, poker en particulier,sont de nature à augmenter les misescar les Français jouent peu par rapportà certains pays, comme l’Espagne oula Finlande ». Marie Trespeuch leconfirme, « l'idée est de contrebalancerla baisse de la fiscalité par une augmentation en volume, donc defaire en sorte que les gens jouent plusou qu'il y ait plus de joueurs ».

Une course effrénée Côté opérateurs, les places serontchères sur le marché. D'après EricWoerth, alors ministre du Budget, leprocessus d'attribution des licencespar l'Autorité de régulation des jeux enligne (ARJEL) limitera à une cinquantainede sites l'entrée dans la filière. Lesmonopoles publics, les casinos et lesles pureplayers – opérateurs exerçantleurs activités uniquement sur le net –sont dans les starting-blocks. Maistous ne partent pas avec les mêmescartes en main.La FDJ et le PMU ont déjà une offre enligne très développée et prévoient del'étendre aux autres jeux (paris sportifspour le PMU, poker pour la FDJ). Leurpuissance financière et leur image demarque sont des avantages manifestes.Seul bémol pour ces opérateurs historiques, tempère Patrice Geoffron :« le segment de marché le plus porteurdevrait être le poker, auquel ne se rattache pas leur actuelle image ».

Page 23: Pigé Magazine n°10

qui va remporter le jack-pot ?

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PIGÉéconomie

Les principaux points du « Projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne » :

• Encadrer et limiter l'offre de jeux avec la mise enplace d'un régime d'agréments, délivrés sousconditions par une nouvelle autorité administrativeindépendante, l'ARJEL (Autorité de régulation desjeux en ligne). Les licences sont accordées pourcinq ans renouvelables.

• Lutter contre la fraude en renforçant les sanctionscontre les sites illégaux.

• Alléger les prélèvement fiscaux et sociaux sur lesjeux. Le texte aligne la fiscalité des jeux en ligne etcelle des jeux en « dur » (casinos, FDJ et PMU), cequi revient à baisser la fiscalité actuelle sur les jeuxen « dur » (cf. tableau).

• Autoriser la communication commerciale, sousconditions, en faveur d'un opérateur de jeux.

• Encadrer la consommation des jeux en prévenant lejeu excessif et en protégeant les mineurs.

Schéma de présentation de la loi par la Commission des finances du Sénat (janvier 2010).

A l'inverse, les grands groupes étrangersprésents sur la Toile comme Betclicou Everest poker ont bâti leur popularitésur les paris et le poker. Ils bénéficientd'une cyber clientèle de joueurs et debases de données conséquentes. Il neleur reste plus qu'à obtenir une licenceet payer le coût d'entrée sur le marché.

Les casinos en « dur » se préparentaussi à en découdre. Du moins ceuxqui en ont les moyens. Jean-FrançoisCot, secrétaire général de Casinos deFrance, observe deux types de réactionsparmi les casinotiers : « certains, quin'ont pas l'ambition de se lancer surle net, craignent que la loi fasse partirles clients, d’autres voient l’ouverturecomme une opportunité de croissance.»

C'est le cas des grands groupes, quiattendent impatiemment l'entrée envigueur de la loi. Barrière a lancé en2009 son casino en ligne « LeCroupier » sous licence maltaise.

Laurent Vassiaz, président deJoagroupe (3e groupe français decasinos après Barrière et Partouche),parle, pour sa part, d'une « course oùon part avec un peu de retard ». Maisil se dit prêt à passer en payant sur leweb : « Les investissements sontfaits, l'équipe est en place depuis plusd'un an, le programme de fidélité estprêt, l'ergonomie du site aussi ».Depuis l'été 2009, l'opérateur proposedes jeux gratuits online. Un moyen de« commencer à se roder à ce nouveaumétier et d'habituer les clients »,explique Laurent Vassiaz. Face à unpublic en « dur » en majorité constituéde personnes de 50 ans et plus, pasforcément addict aux nouvelles technologies, l’enjeu est « de faire en sorte que leur première pièce enligne soit jouée sur des sites qui appartiennent à des opérateurs historiques plutôt que sur ceux quin'ont aucune représentation concrèteen termes physiques ».

Jeux d'alliances entre opérateurset médiasPour attirer les clients, les sitesagréés vont miser sur l'ouverture dumarché à la publicité. Le secteur desjeux s’est développé très rapidementen France alors même que les opérateurs sont interdits de pub.Son potentiel de croissance est doncconsidérable. Et les groupes demédias et de télécommunicationsentendent bien avoir leur place sur cemarché prometteur. Europe1 a déjàsigné un partenariat avec Betclic,RMC avec Unibet. Autre exemple, laFDJ s'est alliée pour trois ans à TF1.La chaîne ouvrira un espace dédiéaux jeux sur son site tf1.fr, visité par17 millions d’internautes, chaquemois, en 2009. « Les opérateurs ontintérêt à se rapprocher des groupesde médias les plus importants pouravoir pignon sur rue », prévient MarieTrespeuch. Et d'ajouter : « La différencese fera sur la publicité, dans les douze

premiers mois. Une fois la clientèlefidélisée, les nouveaux entrants seferont difficilement une place sur lemarché.» Pour l'heure, « rien n'estjoué d'avance. »

Justine Lafon

* Marie Trespeuch prépare une thèse à

l'IDHE Cachan (Institutions et dynamiques

historiques de l'économie) portant sur

l'ouverture à la concurrence du marché des

jeux d'argent et de hasard en ligne.

Page 24: Pigé Magazine n°10

POUR

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Faut-il se rendre en Faut-il se rendre enPIGÉopposé

SOLENN BARDET, géographe, a participé à la premièreémission. Elle affirme que « Rendez-vous en terre inconnue »est une émission de qualité, dans un paysage télévisuel detoute façon néocolonial.

Comment et pourquoi avez-vous participé à cetteémission ?C’est l’équipe de « Rendez-vous en terre inconnue » qui m’acontactée, à une période particulière puisque cela faisait deuxans que je voulais retourner chez les Himbas, c’était devenuune urgence pour moi. Ce sont des voyages compliqués à orga-niser seul, donc c’était pour moi l’occasion d’y retourner.J'avais un peu peur, parce que c'est toujours compliqué d’yaller avec une équipe de tournage. Mais ça c'est bien passé.

Que pensez-vous justement du concept de l’émission ?J’avais pas mal d’appréhension au début, peur que ça sepasse mal avec les Himbas. Ils sont très médiatisés depuisune dizaine d’années, et il y a de tout : des fois cela se passebien, d’autres fois mal. Moi mon souci c'était qu'ils soientcorrects avec les Himbas, que les Himbas y trouvent leur intérêt. Il y a des films très bons mais qui se sont très maldéroulés lors du tournage et inversement. Là, ça s’est vraimentbien passé.

Pouvons-nous en tirer un bilan positif pour les Himbas ?Le fait que cinq millions de téléspectateurs voient l’émissionn’apporte rien aux Himbas. L'important c'est que le tournagese passe bien et qu'ils en tirent des contreparties financièresqui leur permettent de s’acheter du bétail, de creuser de nouveaux puits. Aujourd'hui, ils ont besoin d'argent, ils nepeuvent plus vivre uniquement du bétail pour envoyer leursenfants à l’école, pour se faire soigner. De plus, les Himbasont décidé d'être médiatisés, depuis 1994, alors qu’un projetde barrage menaçait leur territoire. Ils sont aussi demandeurs

de tourisme. C’est leur souhait et leur démarche de faire venirdes étrangers. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'ilfaudrait laisser les Himbas seuls, ne pas aller les voir, que rienne bouge. Le monde bouge de toute manière. Ils veulent s'yadapter.

Pensez-vous que l’on puisse qualifier cette émissionde néocolonialiste ?C'est un débat qui est surtout lié aux émissions de télé-réalité.Je ne crois pas qu'on puisse mettre cette émission dans lelot. Elle a ses limites bien sûr. Par exemple, le reportage surles Himbas ne montre pas tout : c’est vrai que c’est une visiontrès romantique, très facile de leur vie, mais c’est surtout liéà la période à laquelle le tournage a été fait : il y avait eu despluies comme jamais, tout était vert, l'herbe pour le bétailétait abondante... S'ils étaient venus en hiver, à la fin de lasaison sèche, l’image aurait été toute autre ! Mais pour moi,c'est un bon film car les Himbas y ont une vraie place, on lesentend parler... Ce que dit Frédéric Lopez, c'est qu’un peoplecomme sujet du film lui permet de diffuser l'émission surFrance 2, à 20h50, une heure de grande audience et que laparole des Himbas est entendue. Et je remarque que les gensqui l'ont vu et en parlent, ont perçu l'humanité des Himbasdans ce film. Ce qui n'est pas le cas des documentaires classiques qui, avec un traitement ethnologique, donnentl'impression que cet autre est très loin de vous.

Nous sommes dans un rapport colonialiste parce qu’on nemontre pas les émissions aux Himbas. Mais à mon avis il nefaut pas mélanger toutes les émissions, « Rendez-vous enterre inconnue » est une émission de qualité. C’est l’ensemblede l’Occident qui doit se remettre en question qui reste dansun rapport néocolonialiste. Que ce soient les documentairesde la BBC, de Discovery Channel, de tous les pays, on n'estjamais dans une démarche participative.

De gauche à droite, une Himba, Solenne Bardet, Muriel Robin et Frédéric Lopez

Page 25: Pigé Magazine n°10

CON

TRE

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PIGÉopposéterre inconnue ?

VVous n’avez pas pu passer à côté du

phénomène « Rendez-vous en terre inconnue »,

cette émission people estampillée « culturelle »,

qui se propose d’emmener une célébrité à la

rencontre de peuples reculés. Saluée par la

critique, elle bénéficie de larges audiences,

mais ne fait pas l’unanimité pour autant.

Lorsque la télé-réalité verse dans l’exotisme,

nombreux sont ceux qui dénoncent ses relents

« néocoloniaux ».

FRANÇOIS JOST, professeur à l'université SorbonneNouvelle-Paris 3, directeur du Centre d'études des images etdes sons médiatiques, dénonce un concept « consternant ».

Comment expliquez-vous le succès de l’émission « Rendez-vous en terre inconnue » ?Cela s’explique en premier lieu par l’exotisme. L’exotismemélangé à un regard naïf : cela amuse les gens qui ne saventpas ce que c’est qu’une société primitive. Ces voyages enterre inconnue veulent opposer « l’être » au « paraître » : nousserions une société du « paraître » alors que ces tribusseraient des sociétés de « l’être ». C’est pourquoi les réalisateursy envoient de petites vedettes, des gens du spectacle, souventdu rire, qui sont dans la dérision, l’apparence, et y opposentces sociétés supposées de « l’être ». C’est une vision ancienne,presque rousseauiste, de la vie sociale : cela fait partie de cette idéologie du XVIIIème siècle, où l’homme « primitif »représenterait l’homme proche de la nature qui fascine,l’homme le plus proche de la vérité, de la simplicité.

Qu’est-ce qui vous choque dans cette émission ?Ce qui me choque, ce sont les préjugés qu’elle véhicule,cette vision du XVIIIème siècle de l’état de nature, de l’homme« simple » et « vrai » parce que proche de la nature. Ceci dit,monsieur Lopez est quelqu’un d’honnête, qui refuse devendre son format à l’étranger notamment, pour éviter que lesendroits où il se rend ne deviennent touristiques. Après lesapports de Lévi-Strauss, j’ai du mal à voir comment lesconcepteurs de ces émissions et ceux qui y participent peuvent encore prétendre comprendre ces sociétés en semoquant ou en tentant de mimer leurs danses par exemple,en pensant avoir appris quelque chose alors qu’ils n’ont riencompris du sens profond que peuvent avoir leurs coutumes.Ce ne sont pas seulement des danses, des peintures sur lapeau, cela représente bien plus. C’est pour moi simplement

consternant. Cette émission ne tient pas compte des avancéesen sciences sociales de ces cinquante dernières années.On a bousillé beaucoup de civilisations comme ça. Quand Lévi-Strauss se rendait dans une de ces tribus, il ne le faisaitjamais sans préparation, il y allait avec mille précautions.Aujourd’hui, les personnes qui y vont n’ont pas la culturenécessaire pour ne pas détruire ces peuples, ces civilisations.

Le mal n’est-il pas déjà fait ?Oui, mais la télévision n’est pas la seule responsable. Bien sûrque le mal a déjà été fait, en Amérique du Nord ou enAmazonie, pour ne citer que ces endroits. Ce sont des socié-tés qui sont métissées par nos habitudes, de véritables cul-tures qui se transforment en folklore. Avec cette émission, desgens sont envoyés sans aucune préparation culturelle dansdes « terres inconnues », comme s’il suffisait de traverser unterrain pour le comprendre. Ils traversent la réalité, et n’enretiennent que des images, rien d’intelligible. « Rendez-vousen terre inconnue » est très spectaculaire dans son concept :on emmène une personnalité dans un pays qu’elle ne connaîtpas, elle-même ne sait pas où elle va, alors que je le répète :un voyage doit se préparer. C’est comme si l’on pensait pouvoirtout comprendre en une fois, en un seul coup d’œil, en uneseule traversée.

Peut-on parler de néo-colonialisme ?C’est effectivement un peu néo-colonialiste, même si ces gens,ne sont pas ramenés chez nous comme dans un zoo humain.Nous regardons l’émission avec un regard naïf, un certainémerveillement devant ces gens qui sont « si simples », « sivrais ». Alors que l’on sait avec Lévi-Strauss que justement,ce sont des sociétés très complexes…

Clémence Artur et Leïla Boutaam.

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Anne Queffélec : si Chopin m'était conté...PIGÉculture

Comment définiriez-vous l'œuvre de Chopin?Chopin est un mélange. Julien Green disait que Chopin était un « enchanteurautoritaire ». Il y a une antinomie entre deux forces qui s'exercent dans sa musique.Le mot d' « autoritaire » peut faire référence à une retenue, à une forme de classicisme d'une œuvre qui ne tombe jamais dans le pathos ou dans l'excès. Al'inverse, le chant est toujours présent et ses ornementations sont de la poésie pure.Tout le génie de Chopin, est qu'il arrive à trouver le point d'équilibre entre l'autorité,qui s'exerce par la main gauche, par la basse, et l'extraordinaire poésie expriméepar la main droite, cette ligne sinueuse et enroulée. L'univers de Chopin est unmélange de passion, de sens de la détresse, de solitude et, en même temps,d'une noble retenue.L'interrogation, la contemplation et le rêve, provoqués par ses œuvres, peuventatteindre une dimension spirituelle. Au fond, les nocturnes pourraient être dessortes de prières profanes.

Frédéric Chopin a vécu à Paris pendant la deuxième moitié de sa vie.Dans quelle mesure la France a-t-elle été une source d'inspiration ?La double nationalité de Chopin compte beaucoup. Son père était français, samère polonaise. Lorsque Chopin est venu s'installer à Paris, il est resté encontact étroit avec sa famille, restée en Pologne, en échangeant de nombreusescorrespondances avec son père. Ce dernier, professeur de français à Varsovie,écrivait à son fils en français. Mais le compositeur lui répondait en polonais.Il avait certainement le besoin de garder contact avec sa langue maternelle.Ensuite, à travers la femme la plus importante de sa vie, George Sand, il a rencontréles plus grands artistes de l'époque. Cela l'a beaucoup stimulé et nourri.Chopin, à travers sa musique, cherchait le lien avec son pays natal, avec ses racinesprofondes, mais aussi avec l'enfance, qui est tellement importante dans son œuvre.Peut-être que le fait de vivre en France l'a rendu plus polonais, musicalement entout cas.

Quels rapports Chopin entretenait-il avec les compositeurs du mouvementromantique comme Schuman, Liszt, ou Schubert?Entre Liszt et Chopin, il y avait une grande admiration réciproque. Il est probableque Liszt était encore plus fasciné par Chopin que le contraire. Liszt était unesorte d'athlète du clavier, un conquérant, un héros flamboyant. Au contraire,Chopin était un poète absolu, qui avait une subtilité, une suavité, une sonorité detoucher extraordinaire. Aussi, Liszt adorait jouer en public. C'était un batteurd'estrades. Chopin, lui, ne courait pas après les concerts. Il jouait plus volontiersdans les salons. Jouer en public était un supplice.Schuman, il le trouvait trop dans le débordement, dans l'excès. On peut comprendreque par rapport à la retenue qui existait chez Chopin, l'éclatement des formeschez Schuman ait pu le heurter. Cependant, il reconnaissait les grands compositeurs.Je suis étonnée qu'il n'ait pas aimé davantage Schubert, qui est une sourceinépuisable d'imagination et de mélodies. Si je rencontre Chopin là-haut, je nemanquerai pas de lui dire : « Quand même, Schubert ! Vous exagérez ! C'est unpetit manque de curiosité, mon cher Frédéric ! ».

Bertrand-Noël ROCH

Grande gagnante du concours international de Munich (1968) et de

Leeds (1969), Anne Queffélec a sorti enjanvier 2010 un album consacré

à l'œuvre de Chopin intitulé « Chopin : de l'enfance à la maturité ».

Crédit photo : Juliette Briard.

AA l'occasion de l'année Chopin en France, lancée par le ministère

de la Culture, la pianiste Anne Queffélec revient sur l'œuvre de ce génie

franco-polonais dont nous fêtons le bicentenaire de la naissance.

Chopin par Teofil Kwiatkowski (1809 – 1891)© BNF, BMOP

Qu'importe le flacon...

Frédéric Chopin avait la hantise de sevoir enterré vivant. Sur son lit de mort, ildemanda à ce qu'on lui retire le cœur,une fois le décès constaté. Lorsque quele compositeur s'éteignit, le 17 octobre1849, l'organe fut prélevé. Mais un problème de taille vint perturber l'ultimeopération: il n'y avait pas de liquide pourconserver et transporter le cœur. Onl'immergea donc dans du cognac.Aujourd'hui, le corps de Chopin estenterré au cimetière du Père-Lachaise àParis. Son cœur, lui, se trouve dans uneéglise de Varsovie, plongé dans un alcoolbien français. Funèbre illustration de sadouble nationalité.

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« Pourquoi n'y a-t-il pas de grandesfemmes artistes ? ». La provocationest signée Linda Nochlin. En 1971,cette Américaine, historienne de l'art,invite ses confrères à s'interroger surla place marginale des femmes dansle domaine artistique. Près de quaranteans plus tard, le Musée national d’artmoderne remet le sujet au goût dujour, avec l'exposition « Elles» auCentre Pompidou. 8000 m2 consacrésà 500 oeuvres de 200 artistesfemmes : une échelle jamais atteintepar un musée. Pourtant, l’accrochagen’a pas fait l’unanimité. La commissairede l’exposition, Camille Morineau, aanticipé la polémique : « On peut critiquer la violence de ce 100% (…),on peut gloser sur le retard de ce geste ou encore dénoncer la « ghettoïsation » d’un sexe ainsi exposé. Toutes ces remarques pertinentes, nous nous les sommesfaites avant d’opter pour ce qui noussemblait le plus juste compromis, àsavoir ne pas en faire ». Le parti priss’avère payant. Plus de 87 000 visiteurs se sont déjà déplacés pour « Elles » et, peut-être, autant profiteront du prolongement de l’eposition, jusqu’en février 2011. Si cesmanifestations dédiées aux femmessont aujourd’hui à la mode, elles nesont pas nouvelles.

« Les femmes s'en mêlent » Festival indépendant de musiquesrock, électro, indie, « Les femmess'en mêlent » donne le ton, depuis1997, avec sa programmation 100%féminine. Décrit par son fondateur-directeur, Stéphane Amiel, comme « un écrin pour mettre en valeur desartistes qui nous sont chères »,l'événement a pour ambition de leurdonner une meilleure visibilité. Leprojet est avant tout artistique. Et surce point, Stéphane Amiel est clair :« ce n'est pas une revendication féministe. Même les artistes qui yparticipent ne veulent pas de cetteétiquette ». Pour autant, les groupespolitisés ont toujours leur place dans la programmation. Le directeur artistique est attaché à l'esprit engagéd'artistes tels que MEN, groupe new-yorkais d'électro issu des Riot grrrls –mouvement musical post-punk féministeayant connu son apogée au début desannées 1990.

Internet, révélateur de talents Aujourd'hui, ancré dans la scènemusicale française, « Les femmess'en mêlent » doit aussi sa pérennitéaux compositrices-interprètes de plusen plus nombreuses. « Si, en 1997,j'avais du mal à trouver une program-mation intéressante sur trois jours, cen'est plus le cas. J’ai beaucoup plus

d’artistes qu’au début », affirmeStéphane Amiel. Et d'ajouter :« Internet a eu un effet décomplexant ».Cette nouvelle scène féminine aémergé, entre autres, grâce au développement du web. Les sitescommunautaires ont permis auxfemmes de se frayer une place dansle milieu de la musique, sans forcémentpasser par le circuit fermé et plutôtmasculin des labels. Sabrina, Fannyet Emilie, 20 ans à peine, originairesde Grenoble, ont su profiter de cetremplin dès la création de leur groupe,Décibelles, en 2006.Depuis quelques années, les succèsféminins s'enchaînent sur les ondes.Au risque de devenir un bon créneaumarketing. Avec un style punk’n rollassumé, les Décibelles tracent laroute à leur manière. Du premierconcert à EVE, à Grenoble, aux planchesdes « Femmes s’en mêlent », elles onttoujours privilégié leur musique face àla vague commerciale qui propulsecertaines sur le devant de la scène :« On nous a déjà dit que c’est parcequ’on est des filles qu’on a été repérées.C’est vrai qu’un groupe de filles, çaattire les regards. Mais au final, c’estfaire de la bonne musique qui compte,le sexe n’est pas un critère ».

Justine Lafon et Marion Payet

PIGÉculture

Les femmes entrent en scène

BBonne nouvelle, les femmes artistes

ont du succès. Alors que le festival

musical « Les Femmes s’en mêlent »

a fêté sa 13ème édition et que le

Centre Pompidou prolonge l’exposition

« Elles » jusqu’en février 2011, le

choix atypique de créer un événement

en fonction du sexe des artistes

interroge : engagement féministe,

reconnaissance créative ou simple

effet de mode ?

L’art et les femmes en chiffres(France)

• 60% de femmes parmi les artistesdiplômés des écoles des beaux-arts(Le Monde, 26 et 27 avril 2009).

• 15 % d’artistes femmes en moyennedans les collections publiques desmusées. (Le Monde, 26 et 27 avril2009).

• 20 % de femmes musiciennes-interprètes (Ravet et Coulangeon,« La division sexuelle du travail chezles musiciens français »).

Emilie, Fanny et Sabrina, membres du groupe Décibelles :« Nous, ce qu’on aime dans la musique, c’est vraiment s’éclater et partager, peu importequ’on soit dégueulasses, transpirantes et que notre maquillage dégouline ! » (Crédits photos : Guillaume Grasse).

Affiche de la 13ème édition du festivalLes femmes s'en mêlent.Crédits Photos : Ephelide

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PIGÉculture

PPlancher en direct sur des thèmes

saugrenus et inventer des sketchs

sur propositions du public, c’est le

principe de l’improvisation théâtrale.

Une surprenante performance produite

dans l’instant : les idées fusent et les

corps se lâchent, pour créer des

personnages, des décors, et surtout

des histoires. Une pratique qui offre

des formes d’expression inédites.

« Désolé, maître Yoda, mais ici c’est une discothèque », « Et si Figaro devenait dictateur cubain »… Voilà des thèmes tirés au sort lors du match d’impro organisé par les QuandMêmes, à la Bobine, en février dernier. Ajoutez à cela des contraintes telles que « accent norvégien-provençal » ou « à la manière de Tarantino », et vous obtenez un mélange… détonnant.

La discipline de l’imprévuDans ce genre de spectacle, toujours renouvelé, les comédiens imaginent sans préparationune histoire cohérente. Dans les années 1970, les Québécois Robert Gravel et Yvon Leducimaginent un format inédit, le match d’improvisation, une performance qui s’inspire du hockey sur glace. Deux équipes de six joueurs s’opposent, avec chacune leur coach, un arbitreet ses deux assistants, et une patinoire (sans glace !) qui délimite le terrain de jeu. Ce formata été beaucoup décliné, notamment en catch d’impro, dans lequel deux duos s’affrontent surun ring, ou en spectacles de type plus « cabaret », sans cette forme de compétition amicale.

Inventer et interagirA Grenoble, on compte de nombreuses troupes d’amateurs (Les Quand Mêmes, l’Impropub,Latiag, les Improstars, les Coyotes Minute, Impro’pulsion…) et deux professionnelles, la Ligued’Improvisation Grenobloise (LIG) et la Ligue1pro38. Toutes proposent leurs propres conceptsoriginaux, comme par exemple le « Monsieur et Madame, improvisons la vie d’un couple » dela LIG, ou « l’Impro dont vous êtes le héros » des Quand Mêmes. L’interactivité et la complicitéavec le public sont essentielles : les spectateurs donnent des thèmes, applaudissent, votent,influencent la tournure que va prendre l’histoire en cours et mettent en danger à leur gré lesacteurs.

Du palais du Roi Soleil aux plaines du Far WestPour les comédiens, ce théâtre éphémère attire par son caractère spontané. Carine,comédienne à la LIG, aime « ce travail d’écoute et d’humilité », et surtout «emmener les gensdans des univers très différents, d’une forêt profonde à une rue de Chicago». Ioul, des QuandMêmes, apprécie « mélanger le côté créatif du metteur en scène avec le jeu de comédien ».Mais gare à l’écueil ! Les comédiens veillent à ne pas toujours utiliser les mêmes ficelles burlesques et humoristiques. Les moments plus dramatiques, ou poétiques, ont toute leurplace dans ces spectacles. Pour Carine, le théâtre d’impro est plus accessible que le théâtreclassique, car « moins littéraire, plus spontané et interactif», et pourtant, « aucune subventionne va à l’improvisation, car elle n’est pas considérée comme une discipline théâtrale par lespolitiques culturelles ».

Lucie de la Héronnière

Evelyne Augier-Serive, directrice duthéâtre municipal de Grenoble

Que pensez-vous des spectacles d’improvisationthéâtrale ?J’aime beaucoup. Cela permet à des personnes quine veulent pas ou n'osent pas se lancer dans descarrières professionnelles, de monter sur scène demanière plus ludique. Et l’improvisation apportebeaucoup dans le jeu, dans l’écoute des autres surscène. D’ailleurs, dans les formations de théâtreclassique, il arrive quelquefois que l'on utilise l’impropour voir si le jeune « apprenti » comédien s’adaptebien aux différentes situations.

Est-ce qu'il vous arrive de programmer cetype de représentations ?Non, ce n’est pas notre objectif majeur. Nous l’avonsfait une fois avec « Le combat musical » avec Yvan Le Bolloc'h et Bruno Solo. Notre cahier descharges est de diffuser une production internationale,nationale voire régionale de spectacles professionnels.Mais je ne ferme aucune porte…

A votre avis, votre public est-il différent dupublic des spectacles d'impro ?Il faut faire une différence entre notre public préférantlargement les classiques et le théâtre contemporain,et des spectateurs moins élitistes, qui fréquenteraientvolontiers un match d’impro. L’impro attire sûrementun public plus jeune, plus attiré par le côté ludique.

Au théâtre de l’imprévu

Des comédiens de la Ligue d'improvisation grenobloise en pleine action.(Crédits photos : Khaled Baïtich)

Les Quand Mêmes à la Bobine, réalisant une improvisation utilisant les arbitres comme des pantins.

(Crédits Photos : Pigé Magazine)

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Nuées d’encens, photos de moinestibétains, statuettes de Bouddhasur les étagères… Françoise, 43 ans,ne cache pas son attirance pour lebouddhisme et la méditation, qu’ellepratique depuis 5 ans. Pourtant,quand on lui demande de quelletradition elle se revendique, elle nesait pas quoi répondre. Sans surprise :si le bouddhisme séduit de plus enplus de Français, c’est bien souventpour des raisons qui n’ont rien àvoir avec la religion. Au mieux, ilapparaît comme une simple technique de relaxation ; au pire,comme une thérapie magique permettant de guérir l’âme etd’améliorer sa vie sans trop d’efforts.Ce que l’on sait peu, c’est que lebouddhisme possède la plus grandebibliothèque de textes sacrés, etque les enseignements varientselon les pays et les traditionsadoptées. Mais beaucoup négligentces connaissances, et préfèrent se tourner vers un bouddhisme mercantile et facilement accessible.

« Il n’y a pas de prosélytismedans le bouddhisme » L’explication de cette méconnais-sance ? La communauté bouddhistese fait discrète, parfois même invisible.A Grenoble, le Centre d’EtudesBouddhistes se trouve au fondd’une cour délabrée, sans plaque niindications pour signaler le lieu.Joël Huta, qui y dirige des séancesd’introduction à la méditation,explique : « Il n’y a pas de prosélytismedans le bouddhisme, car ce n’estpas vraiment une religion. C’estplutôt un mode de pensée, un étatd’esprit. Nous ne faisons pas depublicité pour notre centre : ceuxqui cherchent vraiment nous trouvent,et nous sommes assurés que s’ilssont là, c’est qu’ils le désirent vraiment. » Même durant sescours, Joël ne donne pas de leçonsthéoriques : seule la pratiquecompte. Chantal vient méditer aucentre depuis bientôt deux ans :« Je suis certaine que la méditation

peut guérir le corps et l’esprit. Ellea une véritable vertu thérapeutique. »Pour elle, le bouddhisme est unefaçon d’échapper au stress et à ladéprime du quotidien.

Soyons heureux, soyons zen ! Chantal avoue n’être pas intéresséepar les livres et les textes sur lebouddhisme. Et c’est bien le problème : en Occident, l’histoire etles fondements de cette religionrestent profondément méconnus,même par ceux qui se disent sesdisciples. Trop souvent, la méditationest pratiquée comme une thérapieantistress, un remède exotiquecontre la dépression. Le mot « zen »est utilisé à tort et à travers,notamment dans la publicité, et estassocié au bonheur. Chacun adaptele bouddhisme à ses propresattentes, sans en connaître lesthéories. « Le bouddhisme est présenté comme une solutionmagique aux problèmes, mais quandles gens se rendent compte que cen’est pas un remède miraculeux,beaucoup abandonnent », expliqueJoël Huta. Que faire alors pour luttercontre cette fausse vision ? Pour Joël,rien. « Je ne crois pas qu’il failles’inquiéter de cette marchandisationdu bouddhisme. Au contraire, c’estparfois une porte d’entrée vers ladécouverte de la tradition et dumessage de Bouddha. » Un belexemple de sérénité bouddhiste…

En savoir plus : • Exposition « Tibétains, peuple du

monde », jusqu’au 4 janvier 2011au Musée dauphinois

• Le Centre d’études bouddhistes deGrenoble, au 16 rue Thiers, au fondde la cour à gauche, troisièmeétage.

• Le Centre Karma Ling en Savoie :www.karmaling.org

Juliette BriardBertrand-Noël Roch

PIGÉculture

AAcheter un crucifix

à Casa ou à Graine

d’Intérieur serait plutôt

incongru, non ? Pourtant,

personne n’est choqué de

trouver des figurines de

Bouddha dans les rayons

des magasins de décoration.

Le bouddhisme ou, du

moins, ses objets de culte,

sont devenus des produits

de consommation faciles

d’accès, à tel point que

beaucoup oublient qu’il

s’agit d’une croyance aussi

complexe que le christianisme

ou l’islam. Aujourd’hui, la

quatrième religion de France

reste encore méconnue, trop

souvent perçue comme une

pratique magique de guérison.

Tiens, voilà du bouddhisme !

Autel du Centre d’études bouddhistesde Grenoble (CEB).

Joël Huta en pleine méditation.Crédits photos : Pigémagazine.

Le bouddhisme en France, c’est…

• La quatrième religion de France(après le catholicisme, l’islam et leprotestantisme).

• 5 millions de sympathisants• 500 000 pratiquants, dont trois

quarts d’origine asiatique (Thaïlandais,Chinois, Vietnamiens…)

• 150 000 Français convertis aubouddhisme

• 350 lieux de culte, pagodes etcentres de méditation

• Une organisation, l’Union bouddhistede France (UBF), qui fédère 80%des associations de cette religionsur le territoire national

• Une émission de télévision ledimanche matin sur France 2,« Sagesses bouddhistes », depuis1997, comme les trois grandes religions monothéistes.

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Entrez dans la rondePIGÉdécalé

MMazurka, chapelloise, cercle circassien…

Quand on entre dans un bal folk, on est sûr de

guincher à plusieurs. Une pratique mal connue,

mais qui place le plaisir de la danse et la

convivialité avant la performance.

Lundi soir, au Café des arts, à Grenoble, les tables ont étépoussées contre les murs pour une réunion hebdomadairebien particulière. Une trentaine d'hommes et de femmesforment une ronde, et battent le plancher, main dans lamain, au son de musiques traditionnelles. Tout s'enchaînerapidement... Des couples se font et se défont. À la fin dela soirée, tout le monde aura dansé avec tout le monde.Nous sommes dans un atelier de danse folk.

« Le folk est ancré dans la tradition »« L'apprentissage est ludique, l'objectif est que les gensaient du plaisir à danser. Mais ce n'est pas trivial du tout,c'est une danse qui sollicite différentes énergies », expliqueMichel Simonet, professeur du cours de danse folk au Cafédes arts. Le rythme subtil des laridés – danses en cercle originaires de Bretagne –, où le balancement de bras estessentiel, tranche, en effet, avec les pas sautillants desmazurkas (Pologne), qui font tourner gracieusement lescouples.Mélange de danses et de musiques traditionnelles (accordéons, cornemuses, violons) réinterprétées au grédes envies, le folk trouve ses origines dans les années1970 en France. De nombreux musiciens reprennent alorsles mélodies coutumières de diverses régions françaises etde pays d'Europe dans des compositions plus actuelles(guitare, batterie...). Aujourd'hui, le folk n'a plus de placedans les médias généralistes, mais vit grâce aux groupesrégionaux et à quelques passionnés qui organisent sur leterrain des stages de danse et des bals folk.A la fois « ancré dans la tradition » et espace de « croisemententre les âges et les milieux », d'après Michel Simonet, lefolk est indémodable, et continue d'attirer de nombreuxamateurs.

Des danseurs bigarrésEt pas que des vieux de la vieille ! Selon DominiqueMeunier, le président de la FAMDT (Fédération desAssociations de Musiques et Danses Traditionnelles), « lefolk se renouvelle par des personnes qui ne sont pas dumilieu, avec un public plutôt jeune qui agit selon unelogique de zapping dans la consommation de soirées ».Les danseurs recherchent avant tout le plaisir de la danse.Les débutants peuvent en profiter même quand la perfectiontechnique et esthétique est encore loin. Pour Vincent,20 ans, « c’est très convivial, on peut danser avec de parfaitsinconnus, avec une grande liberté d’improviser ». De plus,tout le monde peut apprendre facilement, sans inhibitions,sur le tas ou lors d’ateliers, et un voisin de ronde nerechigne jamais pour expliquer quelques pas à un novice.

L’unité du groupeDes rapports bien particuliers et une forte cohésion s’instaurent pour quelques instants. Pour Sophie, 25 ans,« on danse tous ensemble, pas comme en boîte… ».Dominique Meunier s’accorde sur cette idée : « on essayede recréer du lien social, autre chose que danser sur place.Mais on retrouve cela dans d’autres types de musiquesamplifiées, comme le slam, où la posture et le rapport àl’espace public sont assez proches du folk ». Les corps sontlibres et décomplexés pour valser, sauter, tournoyer, au gréd’une musique aux arrangements contemporains. Le folk,une pratique basée sur les traditions rurales, mais quiapparaît donc comme résolument… moderne.

Justine Lafon et Lucie de la Héronnière

Où danser ?

Dans l’agglomération grenobloise ?Chaque mois, des bals sont organiséspar l’AREMDAT (Agence de Rechercheen Musiques et Danses Traditionnelles)à la Salle rouge, ainsi qu'à Echirollesavec l'association Ensemaille.Pour plus d’information, consulter leplanning complet dans l'agglo :www.aremdat.orgEn France et en Europe ? Chaque été,des festivals réunissent les folkeuxd’ici et d’ailleurs, par exemple enFrance à Saint-Chartier, à Gennetines,ou encore Vialfrè (Italie) et Dranouter(Belgique).

Le folk en chiffres

En France, selon un bilan dressé en2008 par la FAMDT, il existe des milliersd'associations locales réunissant les folkeux, 200 festivals spécialisés dans la musique folk et dix centres régionaux labellisés de musiques etdanses traditionnelles. Ces centres ontété reconnus par le ministère de laculture en 1990.

Un bal folk costumé à Sâles,en Haute-Savoie, avec le groupe « La Gigouillette ».(Crédit Photo : Pigé magazine)

PIGÉdécalé Entrez dans la ronde

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Rue Thiers, une boutique aussi colorée que lesgâteaux exposés en vitrine attire l’œil du passantgrenoblois. Dans la cuisine du Cake Shop, pâtisseriede gâteaux fantaisie, nous attendent cinq jeunesfemmes, copines ou mères de famille, toutes venuesbénéficier des conseils avisés de Paul, pâtissier etd’Ariane, la maîtresse des lieux. Distribution detoques, nous allons apprendre à confectionner cupcakes et autres gâteaux bariolés.

Le cupcake, c’est avant tout une génoise, qui doitconvaincre par sa légèreté pour compenser la gourmandise du glaçage. La préparation est simple :du beurre pommade, du sucre, de la farine, de lalevure et un peu d’huile de coude. Chez Ariane, le travailse fait à la main, c’est efficace et plus convivial. Lesapprenties pâtissières, familières de ce type d’atelier,en profitent pour partager photos de leurs exploitsculinaires et astuces pratiques. Pendant la cuissondes cupcakes, on passe à l’étape la plus attendue de l’atelier : la décoration. En effet, ce qui plaît dans la pâtisserie anglo-saxonne, c’est la possibilité de personnaliser ses créations.

« C’est presque plus beau que bon » nous confie Aurélie,« maman gâteau ». Des couleurs, des rubans, des perles,des paillettes. Il ne s’agit pas d’art plastique mais decuisine et tout est comestible ! La bonne humeur n’estpas seule au rendez-vous, la curiosité est perceptibleelle aussi. En particulier lorsque Paul nous présentela pâte à sucre, directement importée d’Angleterre.Au toucher et à la vue, cela s’apparente à de la pâteà modeler. Il y en a de toutes les couleurs et le goûtest doux et sucré. Le travail est délicat, il se fait à lapaume de la main. Le tout est de parvenir à enroberle gâteau sans plis ni trous apparents. Une missionque Luce et Aurore, copines indisciplinées, ont du malà accomplir alors qu’Alva, plus sérieuse, s’appliquesur son gâteau chocolaté en forme de cœur.Finalement, la concentration laisse place au plaisir dela création. Emporte-pièces et rouleaux à texturedessinent sur la pâte colorée des motifs ludiques.Des bombons pour la finition, collés avec de la glaceroyale, un mélange de sucre glace et de blanc d’œuf.Le résultat est si joli qu’on s’interdirait presque d’ygoûter. On a dit presque…

Sandrine Andrei

PIGÉtesté

La pâtisserie en voit de toutes les couleurs

Des petits gâteaux chapeautés de couleurs… Les cupcakes débarquent à Grenoble.

Des spécialités anglo-saxonnes qui cassent les codes traditionnels de la très

réputée pâtisserie française et qui ravissent les plus créatifs.

De quoi éveiller la curiosité de la rédaction de Pigémagazine qui est allée tester

pour vous la fabrication de ces friandises « so cute ».

La recette d’Ariane : un mélange d’originalitéanglo-saxonne et de saveurs à la française

Franco-anglaise mariée à un Américain, Ariane,créatrice du Cake Shop, est familière du mélangedes cultures. Elle admet que la cuisine d’outre-manche a mauvaise réputation au pays de la grandegastronomie. « C’est ce qui est amusant, chercherà dépasser les clichés », confie-t-elle. Sa formationen communication et sa passion pour la pâtisseriel’incitent à réconcilier les deux cultures culinairesqu’elle affectionne : « Il s’agit d’un échange doncon s’adapte au marché français ». Aussi la transmission se fait en douceur : cupcakes au mascarpone ou scones au chocolat. Les préparationssont allégées, les colorants naturels privilégiés etcertains gâteaux dépourvus de gluten. Les ateliers d’apprentissage proposés régulièrement sontaussi l’occasion concrète de partager le plaisir dela pâtisserie créative. Ils jouissent d’un franc succès auprès des amateurs mais aussi des professionnels, intrigués par le travail de ces produits encore peu connus en France.

En savoir plus…The Cake Shop, au 11, rue Thiers, à Grenoble vousreçoit lors d’ateliers culinaires pour six adultes,huit enfants ou huit « boutchoux » (respectivement40 € les 2 heures, 25 € l’heure et demie 15 €prix par personne).Réservation sur www.thecakeshop.fr.Et ceux qui souhaitent essayer à la maison trouverontdes recettes de cupcakes sur Internet :www.marmiton.org.

La pâte est versée dans des moules en forme detasses (cup en anglais), d’où le nom des cupcakes.

Des gâteaux chocolatés à personnaliser.

De la pâte à modeler ? Non, de la pâte de sucre.Aussi beaux que bons, les cupcakes décorés.

Ariane,créatrice du Cakeshop et ses gourmandises colorées.

Crédits photos : Justine Lafon.

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A partir du 2 avril 2010Exposition « Résister aujourd’hui » :le musée de la Résistance et de la Déportationde Grenoble renouvelle les présentations del’exposition de longue durée, avec une installation audiovisuelle interactive.Plus d’infos : www.resistance-en-isere.fr

Du 14 au 26 mai 2010Festival : c’est la 23ème édition du Festivalisérois des Arts du récit : spectacles, lectures et ateliers sont organisésdans toute l’agglomération.Plus d’infos : www.artdurecit.com

Le 5 juin 2010Concert : le chanteur pop-rock Calogerorevient dans sa ville natale pour un concert auSummum. A 20h30, 40 euros.Plus d’infos : www.summum-grenoble.fr

L’agenda pour sortir

L’agenda pour réfléchir

Le 7 avril 2010Conférence-débat : « Que fait l’armée française en Afrique ? ».A 20h00, la Maison des Associations reçoit l’auteur Raphaël Grandvau dans le cadre du cycle« Françafrique, on arrête quand ? » organisépar Survie Isère de mars à juin 2010.Plus d’infos : www.survie.isere.free.fr

Le 19 juin 2010Forum des associations tibétaines : à partir de 14h30, les associations tibétainesen Isère « envahissent » le Musée Dauphinoispour rencontrer et dialoguer avec le public.Entrée libre.Plus d’infos : www.musee-dauphinois.fr

Les couloirs des rédactions grenobloises bruissent depuisquelques mois d'un murmure persistant. 20 Minutes, lequotidien gratuit, est annoncé à Grenoble en octobre prochain.D'après nos informations, les actionnaires du journal ontvoté cette décision. Lancé en Allemagne et en Suisse en1999 par le groupe norvégien Schibsted, le quotidien estarrivé, en 2002, dans l’Hexagone, peu après son concurrent

suédois Metro. Si cette arrivée fit alors grand bruit, le titre est aujourd’hui présent danshuit grandes villes de France. Dans un marché publicitaire très difficile, l'intrusion àGrenoble du journal détenu par Schibsted et les Français de Spir Communication/Ouest-France, entrera en concurrence directe avec Le Dauphiné Libéré et son gratuit,Grenews.com dans la course aux annonceurs. La rédaction nationale devrait s’adjoindre,au plus, deux journalistes à Grenoble pour la partie locale puisque 80% du contenu estcommun à toutes les éditions de 20 Minutes.

« Treize à table »

La nouvelle émission radio De 13h à 14h tous les lundis,les étudiants du master journalisme mettent le couvertsur Radio Campus. L'actualité yest épluchée, découpée etmijotée à la sauce grenobloise.Au menu, par exemple :Serge Dufoulon, sociologue et anthropologue qui revient sur ledébat de l'identité nationale.Quel bilan en tirer, commentl'aborder à l'avenir ? A consommer sans modération.

En attendantle prochain numéro...

20 Minutes à Grenoble ?

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine

Le site internet d’information du master journalisme de l’IEP de Grenoble.

À lire et à écouter sur pigemag.com

SCO

OP

SCO

OP

Florence Aubenas de passage à l’IEP

Jeudi 3 mars, Florence Aubenasdonne un « master class » auxélèves en journalisme de l’IEP.Pour l’occasion, ils ont lu sondernier ouvrage « Le quai deOuistreham » et livrent leurs critiques – parfois acerbes –sur pigemag.com

Léa Lejeune et Clément Repellin

Le stade des Alpesdans la tourmente

Nouvelle polémique autour dustade grenoblois. Cette fois-ci,c’est le montant de son loyerqui est mis en cause : trop cherpour le GF 38 alors que le clubne brille plus sur le terrain. Unreportage à voir dans le Web JTdu mois de mars.

Fanny Bouteiller et Erwan Mana'ch