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Photographies de Harald Hauswald, textes de Stefan Wolle

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Page 1: Photographies de Harald Hauswald, textes de Stefan Wolle · Photographies de Harald Hauswald, textes de Stefan Wolle Publiée par la Fondation fédérale allemande pour la recherche

Photographies de Harald Hauswald, textes de Stefan Wolle

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Vous trouverez plus d‘informations sur Internetwww.bundessti� ung-aufarbeitung.de/vollderosten

SOLITUDE

L’énigme du sphinx : « Qu’est-ce qui le matin marche à quatre pattes, le midi à deux et le soir à trois ? » Ceux qui ne trouvaient pas la réponse étaient dévorés par un monstre. La réponse est pourtant évidente et vieille comme le monde.

L’iconographie socialiste est remplie de jeunes gens enjoués. Quand des personnes plus âgées sont représentées, il s’agit généralement de « per-sonnalités dirigeantes » ou de héros de luttes passées. Sur les photos, elles apparaissent res -pectées et comblées de pouvoir partager leurs expériences avec les jeunes générations. La réa-lité est tout autre. Être âgé en RDA, c’est avoir

derrière soi deux guerres mondiales, la faim et la détresse, souvent aussi la fuite de son pays. Nombreuses sont les femmes à porter le deuil de leur mari et de leurs fils tombés au com-bat. La vie est particulièrement difficile pour les femmes seules. Après une dure vie de labeur, elles perçoivent une pension misérable. En 1979, la pension minimale s’élève à 280 marks seule-

ment. Malgré de légères hausses jusqu’en 1989, les retraités peinent à en vivre. En RDA, les lo-gements adaptés aux personnes âgées n’existent pas, les services de soins sont généralement mé-diocres et les maisons de retraite sont une pers-pective angoissante pour beaucoup de retraités. L’État les laisse toutefois passer à l’Ouest et y rester s’ils le souhaitent. Ils ont fait leur devoir.

1 Un mur coupe-feu en béton brut, comme il y en avait tant à Berlin- Est. Sur la minuscule fenêtre, quelqu’un a écrit « DDR » en 1990.

2 Que reste-t-il après une longue vie ? Une chambre à plusieurs lits, une croix et le programme télévisé. Et encore, la maison de retraite de la fondation chrétienne Stephanus-Stiftung était l’une des meilleures institutions de ce type à Berlin-Est.

3 Cette boutade moqueuse circulait sur la politique d’Erich Honecker : « Vous connaissez la dernière mesure de politique sociale ? » Réponse : « Dorénavant, les retraités ont le droit de traver-ser au rouge. » Hackescher Markt, Berlin-Est, en 1984.

4 Berlin-Est, 1980 : pour le régime du SED, les personnes qui sortent du monde du travail ne présentent plus d’intérêt.

5 Berlin-Est, Alexanderplatz, 1982. Les jours de grisaille, on se sent petit et seul au milieu des grands espaces.

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GAIETÉ

En 1989, Bärbel Bohley représente le visage doux et enjoué de l’oppo-sition en RDA. Certains la surnomment même la « mère de la révolution ». Une révolution qui a de pareilles mères a de la chance.

La révolution pacifique de l’automne 1989 est aussi une révolution joyeuse. Un régime armé jusqu’aux dents quitte la scène de l’Histoire, l’air maussade, mais sans violence. La frontière la plus brutale, si ce n’est du monde, du moins de l’Europe, est piétinée pacifiquement. C’est une sorte de miracle, mais c’est aussi le résultat d’une culture de la gaieté. L’opposition qui se

rassemblait dans les églises n’était pas animée par l’hostilité. L’histoire du monde a rarement connu de révolutionnaires aussi doux et gais. L’État armé, lui, s’était toujours horriblement pris au sérieux. Pourtant, moins le peuple avait de raisons de rire, plus les boutades politiques fleurissaient. L’humour était le balancier qui permettait de ne pas sombrer dans l’abîme de la

résignation. Dans son « Encouragement », écrit en 1966 pour le poète Peter Huchel, interdit de publication, Wolf Biermann chantait : « Toi, ne te laisse pas user / Use de ton temps / Tu ne peux pas te cacher / Tu as besoin de nous et nous, nous avons besoin / de ta gaieté. »

1 Au pays du progrès effréné, le temps semble s’être lui aussi arrêté. En smoking et nœud papillon, tasse de café à la main, saluant une dame par un baise-main – il n’y a qu’à l’Est qu’on voit cela au milieu des années 1980.

2 Dans un café de la Husemannstraße, on célèbre le carnaval comme il se doit en 1987. Cette scène de bar participe du mythe « Prenzlauer Berg ».

3 Bansin sur l’île d’Usedom, 1983. Quelques bouteilles de bière, la musique d’une radio portable, une table de ping-pong comme piste de danse et la fête peut commencer.

4 Instantané devant les halles du périphérique ferroviaire à la station « Frankfurter Allee » dans le quartier est-berlinois de Friedrichshain en 1980.

5 Soldats de la NVA (Armée populaire nationale) en marge de leur assermentation sur la place du Vieux Marché de Dresde.

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JEUNESSE

Un couple de punks pose en 1986 dans la Käthe-Niederkirchner-Straße, dans le quartier est-berlinois de Bötzow. Sur le mur, les lettres estompées d’une déclaration d’amour : « Ich liebe dich ».

Ce n’est pas une assemblée ordinaire de la FDJ ( Jeunesse libre allemande). À l’ordre du jour, les « ambiguïtés idéologiques » de l’étudiant W. Tous sont venus en chemise bleue – le dé-linquant aussi. Le représentant de la direction du SED commence : contre-révolution, infil-tration, relâchement… Dans la salle, ces mots fusent comme des balles. On ne table plus que

sur le consentement du groupe de la FDJ à l’ex-clusion de l’étudiant de l’université. Ils sont tous jeunes – même le représentant de la direction du parti et l’informateur de la Stasi, dont le rapport survivra. La jeunesse n’est pas une va-leur en soi. Elle peut être tout et son contraire : adaptation et rébellion, lâcheté et courage, car-riérisme et désir de liberté. Argumenter contre

l’exclusion aurait-il un sens ? Chaque objec-tion pourrait ajouter au réquisitoire un élément dangereux : formation d’un groupe subversif. Alors tous acquiescent à la présentation du SED – même l’accusé. Ainsi, après avoir « fait ses preuves à l’usine » une année durant, il sera autorisé à réintégrer l’université.

1 Aujourd’hui, les Hackesche Höfe de Berlin attirent de nombreux touristes. En 1986, c’était un labyrinthe de cours abandonnées – et une piste pour les amateurs de skateboard et de patin à roulette.

2 Ces deux jeunes filles vêtues d’uniforme d’aides de la Croix-Rouge se rendent à une fête organisée par le journal du SED Neues Deutschland dans le jardin public de Friedrichshain, à Berlin-Est.

3 Au bord de l’Elbe à Radebeul en 1986.

4 Les rockers affluent à un concert dans le quartier berlinois de Weißensee en 1985. Ils ont choisi avec amour et soin leur plus bel accoutrement et se donnent du mal pour avoir l’air menaçant.

5 Défilé des groupes de combat le 1er mai 1986 à Berlin-Est.

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Photographies de Harald Hauswald, textes de Stefan Wolle

Publiée par la Fondation fédérale allemande pour la recherche sur la dictature du SED et l‘agence de photographes OSTKREUZ

Avec l‘exposition « Plein Est. Vivre en RDA », l‘agence de photo graphes OSTKREUZ (OSTKREUZ Agentur der Fotogra-fen) et la Fondation fédérale allemande pour la recherche sur la dictature du SED (Bundesstiftung zur Aufarbeitung der SED-Diktatur) invitent à se replonger en photos dans l‘époque du Mur de Berlin. Une réalité est-allemande présentée sans fard, que même les témoins d‘alors oublient peu à peu. L‘ex-position est constituée de vingt panneaux, avec plus de cent photos connues et inédites de Harald Hauswald. Le texte qui les accompagne est de Stefan Wolle, historien et écrivain, qui, comme le photographe, a grandi en RDA. Sur les panneaux de l‘exposition, des codes QR renvoient à de courts entretiens sur Internet, dans lesquels le photographe raconte l‘histoire et le contexte de la photo centrale de chaque panneau.