Philosophie de l’Éducation · 2019-03-16 · Philosophie de l’Éducation On peut considérer...

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1 Philosophie de l’Éducation On peut considérer l’éducation comme une pratique : dans ce cas, il faut aussi considérer les sujets qui sont impliqués dans cette pratique. L’éducation peut être abordée selon plusieurs primes : - Le cas de l’enseignement - Une initiation à la culture - La pédagogie - Un facteur d’émancipation sociale Etc. L’éducation ne concerne pas que les enfants à l’école, elle peut également concerner les adultes. Elle peut aussi s’inscrire tout au long de la vie. Wittgenstein (auteur début 20 ème ) dit qu’il faut penser l’éducation comme une introduction en termes de forme de vie. Si l’on considère l’éducation comme une introduction à la culture qui passe par un apprentissage, alors elle engage une relation entre 2 personnes (maître / élève) : il s’agit d’une pratique concrète basée sur une relation pédagogique. Dans le cadre de cette relation pédagogique, on peut s’interroger sur : Le statut des sujets : Les enfants ne sont pas autonomes, ce sont des êtres en devenir (Arendt) et sont influençables. L’enseignant, en tant qu’adulte, peut avoir des idéaux politiques en lien avec son contexte de vie. La pratique d’enseignement peut-elle être vue comme neutre du point de vue social ou politique ? N’y a-t-il jamais d’influence de la part de l’enseignant ? Les rapports d’enseignement ne doivent pas être moraux ou politiques, mais relationnels. La place des sujets dans la relation : Quelle position doivent-ils avoir ? Sont-ils dépourvus de toute caractéristique individuelle ? De genre d’influence ? (Classe sociale, appartenance ethnique, genre). Tous ces facteurs peuvent s’immiscer dans la relation pédagogique et nuire à sa finalité même. Il est important d’en avoir conscience, d’en tenir compte, mais faire attention qu’ils n’influencent pas la pratique, qui se doit d’être neutre. Leurs caractéristiques : Leurs points de vue, pensées, jugements liés à leur expérience personnelle. Ex : Si l’on considère que l’éducation consiste en une introduction à la culture et qu’en tant qu’enseignant je pense personnellement que la culture dans laquelle je vis est injuste, comment vais-je pouvoir m’investir dans la pratique d’apprentissage qui consiste à initier les enfants à cette culture ? Peut-il y avoir une critique de la culture dans les relations d’enseignement ? Ex : si l’on considère l’éducation comme étant un facteur d’émancipation sociale, on peut se demander dans les rapports d’enseignement, si c’est toujours le maître qui transforme l’élève ? N’y aurait-il pas un double rapport de transformation, aussi du point de vue de l’enseignant ? L’élève, à travers ses questionnements, peut amener l’enseignant à se questionner sur ses rapports à la culture qu’il est lui-même en train d’introduire. L’autorité épistémique de l’enseignant dans la relation pédagogique : Epistémologie : science de la connaissance, étude critique de la production de connaissances scientifiques. On peut se questionner sur la dimension proprement morale et politique dans la connaissance. Ex : rapport éducation / démocratie. On peut penser l’éducation selon un double aspect : - La dimension sociale et politique - Sa dimension individuelle Idée de dvp moral comme transformation de soi à l’intérieur d’une relation, mais aussi à l’extérieur de la relation, en nous-même.

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Philosophie de l’Éducation

On peut considérer l’éducation comme une pratique : dans ce cas, il faut aussi considérer les sujets qui sont impliqués dans cette pratique.

L’éducation peut être abordée selon plusieurs primes :

- Le cas de l’enseignement

- Une initiation à la culture

- La pédagogie

- Un facteur d’émancipation sociale Etc.

L’éducation ne concerne pas que les enfants à l’école, elle peut également concerner les adultes. Elle peut aussi s’inscrire tout au long de la vie.

Wittgenstein (auteur début 20ème) dit qu’il faut penser l’éducation comme une introduction en termes de forme de vie.

Si l’on considère l’éducation comme une introduction à la culture qui passe par un apprentissage, alors elle engage une relation entre 2 personnes (maître / élève) : il s’agit d’une pratique concrète basée sur une relation pédagogique.

Dans le cadre de cette relation pédagogique, on peut s’interroger sur :

Le statut des sujets :

Les enfants ne sont pas autonomes, ce sont des êtres en devenir (Arendt) et sont influençables. L’enseignant, en tant qu’adulte, peut avoir des idéaux politiques en lien avec son contexte de vie. La pratique d’enseignement peut-elle être vue comme neutre du point de vue social ou politique ? N’y a-t-il jamais d’influence de la part de l’enseignant ? Les rapports d’enseignement ne doivent pas être moraux ou politiques, mais relationnels.

La place des sujets dans la relation :

Quelle position doivent-ils avoir ? Sont-ils dépourvus de toute caractéristique individuelle ? De genre d’influence ? (Classe sociale, appartenance ethnique, genre). Tous ces facteurs peuvent s’immiscer dans la relation pédagogique et nuire à sa finalité même. Il est important d’en avoir conscience, d’en tenir compte, mais faire attention qu’ils n’influencent pas la pratique, qui se doit d’être neutre.

Leurs caractéristiques :

Leurs points de vue, pensées, jugements liés à leur expérience personnelle.

Ex : Si l’on considère que l’éducation consiste en une introduction à la culture et qu’en tant qu’enseignant je pense personnellement que la culture dans laquelle je vis est injuste, comment vais-je pouvoir m’investir dans la pratique d’apprentissage qui consiste à initier les enfants à cette culture ? Peut-il y avoir une critique de la culture dans les relations d’enseignement ?

Ex : si l’on considère l’éducation comme étant un facteur d’émancipation sociale, on peut se demander dans les rapports d’enseignement, si c’est toujours le maître qui transforme l’élève ? N’y aurait-il pas un double rapport de transformation, aussi du point de vue de l’enseignant ?

L’élève, à travers ses questionnements, peut amener l’enseignant à se questionner sur ses rapports à la culture qu’il est lui-même en train d’introduire.

L’autorité épistémique de l’enseignant dans la relation pédagogique :

Epistémologie : science de la connaissance, étude critique de la production de connaissances scientifiques.

On peut se questionner sur la dimension proprement morale et politique dans la connaissance. Ex : rapport éducation / démocratie.

On peut penser l’éducation selon un double aspect :

- La dimension sociale et politique

- Sa dimension individuelle

Idée de dvp moral comme transformation de soi à l’intérieur d’une relation, mais aussi à l’extérieur de la relation, en nous-même.

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Important de considérer la connaissance comme quelque chose qui fait partie de la vie particulière d’un individu et d’un contexte social particulier. Elle n’est pas neutre d’un point de vue politique et moral, car elle est caractérisée par la position spécifique d’un individu lui-même.

Exemple de modèle épistémologique : les sciences dures. En elles-mêmes, ce sont des sciences irréfutables. Mais certaines découvertes scientifiques dans le cadre de la biologie ont été guidées par certaines idées politiques. Notamment la naissance de la sociobiologie, qui consiste à donner un fondement biologique au social. Même à l’intérieur des sciences naturelles on continue d’avoir des questions concernant la neutralité des sciences. On ne peut penser l’individu comme une personne entièrement neutre, qui n’est pas influencée par la société, par ses conditions de vie et d’existence. On peut donc de questionner sur quels sont les individus les mieux à même de percevoir des injustices sociales ? Dans une société raciste, est-ce qu’un homme blanc est le plus à-même de proposer une théorie sur la meilleure façon de concevoir la société raciste ? Au contraire, est-ce que l’expérience des personnes opprimées est fondamentale pour comprendre cette injustice sociale ? Mais ne serait-elle pas influencée par l’expérience vécue au point d’être déformée ?

La pensée de Paulo Freire ; la pédagogie critique

Un des premiers auteurs du courant de la pédagogie critique. Pédagogue brésilien, connu pour une méthode d’alphabétisation proposée lors d’expériences pratiques d’enseignement avec des adultes dans les années 60’s. Vit dans une des régions les plus pauvres du Brésil. Toute sa théorie tourne autour des conditions de vie des classes populaires, et est développée à partir de ses expériences. Etudie le droit mais travaillera finalement dans des services d’enseignement et de développement culturel. Education ; praxis de la liberté, 1967 La pédagogie des opprimés, 1974 Thèse en 1958 Avant de mettre en pratique sa philosophie de l’éducation, il continue les expériences d’alphabétisation jusqu’en 1963 et il s’est fait connaître grâce à la création d’une méthode d’alphabétisation qui porte son nom. Ne travaillera jamais avec des enfants, mais qu’avec des adultes.

Paulo Freire 1921-1997

Il existe différents courants de pédagogie :

- La pédagogie critique : P. Freire, 20ème, dvp dans le cadre de la pédagogie et la philosophie de l’éducation.

- La pédagogie engagée : Bell Hooks, développée dans le cadre du féminisme noir aux USA.

- La question de la pédagogie et de la démocratie : J. Dewey, approche développée dans le cadre du pragmatisme américain.

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La méthode d’alphabétisation Paulo Freire :

Consiste en 3 moments d’apprentissage mêlés de manière dialectique et sur un mode interdisciplinaire :

Investigation thématique

Thématisation

Problématisation

Etude du contexte

Le maître et l’élève cherchent dans l’univers de l’élève les mots / thèmes centraux de son existence, en lien avec la société où il vit. Rapport horizontal, dialogue.

Dans la condition d’oppression on est réduit au silence. Or, pour s’émanciper il faut mettre des mots sur cette oppression pour la définir. Pour trouver les mots il faut prendre en compte l’expérience vécue, les mots auxquels on est confronté dans la réalité.

Sélection de mots à partir des thèmes découverts

Les thèmes centraux sont décodés et recodés pour faire apparaître leur signification sociale et prendre ainsi conscience du monde vécu.

Prendre conscience de sa propre condition.

Processus réel d’alphabétisation

L’élève et l’enseignant cherchent à dépasser une vision magique (illusoire) du monde par l’ambition critique, à partir de la prise de conscience de la condition sociale.

Eléments biographiques :

Enfance :

Sa mère était catholique : on retrouve l’influence de la réflexion morale catholique dans sa pensée.

Apprend à lire et à écrire avant même d’aller à l’école : ses parents lui ont appris sous forme de jeu, à partir des concepts / mots liés à son expérience en tant qu’enfant, pour d’écrire ce qu’il y avait autour de lui. Approche qui influencera plus tard sa méthode d’alphabétisation, qui partira du vocabulaire des adultes de milieux populaires.

Son père tombe malade, sa famille se retrouve appauvrie par la crise. Sont contraints de déménager dans une région économiquement possible : ils se retrouvent dans des conditions matérielles différentes, en milieu pauvre et rural. Il est confronté au langage et à la grammaire populaire et développe un intérêt social pour les opprimés /

défavorisés.A cette époque, il va développer de grandes difficultés scolaires : il arrêtera l’école pendant 2 ans.

Par sa théorie, il va montrer la relation entre classe sociale et connaissance : la connaissance ne vient pas de nulle part, mais est influencée par le contexte social. L’absence de moyens économiques et sociaux nécessaires, réduit considérablement les chances de pouvoir étudier / se former.

Situation familiale qui s’améliore, reprend des études au lycée et ses résultats scolaires remontent. A 20 ans, il entreprend des études de philosophie, de sociologie et s’intéresse au langage. En même temps il prend goût à l’enseignement : période de ses premières expériences dans le domaine en tant qu’assistant au lycée.

Vie adulte :

Après avoir fait une école de droit, il devient avocat mais abandonne pour revenir enseigner au lycée.

De 1947 à 1957, il est fonctionnaire d’Etat : directeur des services de développement culturel dans une institution régionale de développement culturel au Brésil. But d’améliorer le standard de vie des ouvriers. Période où il développe sa pratique pédagogique : c’est une nouvelle occasion pour lui d’entrer en contact avec les classes populaires. Il arrive à une compréhension plus radicale de l’éducation et développe ses premières idées sur le dialogue, la culture et l’éducation des adultes. Met en place des associations d’ouvriers.

1958 : conférence où il soutient que l’alphabétisation des adultes des milieux défavorisés doit commencer à partir

des situations vécues des individus.Idée de participation active des personnes en formation. Les éducateurs /

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apprenants doivent créer ensemble de la connaissance.

1959 : publie sa thèse qui devient son premier texte en Sciences de l’Education. Parle de l’idée de la réticence et de « silence de l’éducation » au Brésil : ce qui caractérise la culture non démocratique (inégale), est une culture de silence. Les gens opprimés sont réduits au silence leur voix n’est pas entendue dans le cadre socio-politique du pays.

Freire a une approche fondée sur le dialogue et la transformation sociale des idées, qui demeure à l’origine de ses premiers écrits.

Influence de John Dewey (pragmatique américain), qui marque une orientation libérale. Il sera ensuite influencé par une approche marxiste.

1960 : fonde un mouvement de culture populaire.

1961 : nommé directeur de plusieurs institutions d’Etat qui s’intéressent à l’éducation met en place son programme d’alphabétisation. Au Brésil, 75% d’analphabètes. Or, pour voter et participer à la vie politique du pays il faut être alphabétisé. La gauche va instaurer le suffrage universel pour que tous puissent y avoir accès.

1962 : met véritablement en pratique sa méthode d’alphabétisation dans une région du Brésil et fait l’expérience sur 300 ouvriers. En 45 jours, ils ont appris à lire et à écrire. Sa méthode sera adoptée au niveau national.

1964 : coup d’état, le Brésil est sous la dictature. Freire est emprisonné et demande l’exil au Chili, où il mènera d’autres expériences et où il écrira un ouvrage important La pédagogie des opprimés, 1974. Il devient fonctionnaire pour le ministre Chilien à l’UNESCO. Entre en contact avec la pensée Marxiste (lectures de Marx et Antonio Gramsci). Lorsque la dictature au Brésil s’affaiblit, les exilés sont rapatriés. A son retour, il participera à la création du premier parti démocrate du Brésil.

Freire est le premier à systématiser une méthode d’alphabétisation visant l’éducation des adultes. Volonté d’ouvrir la voie à ceux qui avaient été réduits au silence pour sortir de leur condition d’oppression. Il est l’un des premiers à établir la relation entre éducation / politique / libération / pédagogie des opprimés. Il montre les enjeux politiques, sociaux et moraux de l’éducation. La clé du succès est une connexion étroite entre lire les mots (langage) et lire le monde (contexte).

Ouvrages clés :

Education Praxis de la liberté, 1965 :

Ecrit lorsqu’il est emprisonné au Brésil, à partir de son expérience des 15 dernières années.

La pédagogie des opprimés, 1974 :

D’une perspective plutôt libérale à une approche plutôt influencée marxiste. Grandes influences théoriques :

- Des idées de la phénoménologie de Karl Jaspers

- La perspective libérale de développement de Dewey

- La philosophie de Hegel - Théologie de la libération

- Humanisme Marxiste des théories postcoloniales (après son exil) Dépassement de la perspective libérale qui était sa première pensée. Va considérer de façon majeure la condition des classes et de lutte des

classes.

Il sera influencé par d’autres approches lors de son voyage aux USA :

- Théorie féministe radicale (black feminism)

- Théorie antiraciste

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Idées innovantes en termes d’éducation des adultes :

En comparaison avec les principes de l’éducation traditionnelle :

Idées de Paulo Freire

Education traditionnelle

Les sujets

Elèves = participants, sujets actifs,

placés au du processus de développement des connaissances.

Sujets considérés comme des élèves, des consommateurs de connaissances. Passivité.

Programme d’alphabétisation

Importance de la réalité sociale : l’apprentissage ne se résume pas à des lettres ou à des syllabes, mais aussi à l’expérience vécue, le vocabulaire lié au contexte de vie.

Aucune attention portée sur le contexte dans lequel évoluent les adultes. Ils reprenaient l’abécédaire.

Méthodologie pratique

Les bienfaits des dialogues / échanges dans l’apprentissage. Education problématisante : susciter des interrogations, questionnements.

Maître qui parle à la classe. Rapport vertical. Education bancaire.

Objectifs de l’enseignement

Modèle basé sur l’émancipation. Nourrir la conscience critique des participants. Libérer les opprimés et changer la réalité sociale par l’alphabétisation.

Logique instrumentale, fonctionnelle et mécanique. Vise à l’adéquation des élèves à la réalité déjà existante. Pas de remise en cause de cette réalité.

Freire considère l’analphabétisme comme un problème individuel, qui peut être résolu par des moyens techniques. C’est un problème social et qui doit être traité au niveau social.

Pour résumer :

Freire a une approche psycho-sociale de l’enseignement (attention aux facteurs sociaux, ethnographiques et psychologiques), basée sur 4 prémices sociales :

- Les adultes apprennent mieux avec des mots familiers, en rapport avec leurs expériences.

- On peut organiser les processus d’alphabétisation autour de quelques mots qui concentrent tous les phonèmes (mots générateurs), qui permettent de créer de nouveaux mots.

- Les processus d’alphabétisation doivent avoir lieu dans des cercles de culture et non dans des salles de classes = dialogue.

- Les processus d’alphabétisation doivent permettre l’acquisition des capacités de lecture / écriture mais aussi

d’analyse critique. Lien entre « lire les mot » / « lire le monde ».

Dans ses premiers textes :

Présente idées théoriques influencées par des penseurs libéraux. N’a pas encore rejoint une pensée critique de la pédagogie. L’éducation, praxis de la liberté (1965) : ne fait pas encore le lien entre éducation et transformation sociale. Il s’apercevra ensuite qu’il n’a pas montré la nature politique de l’éducation.

Dans ses prochains ouvrages rédigés lors de son exil au Chili :

Il sera influencé par la pensée marxiste.

La pédagogie des opprimés (1974) : ouvrage qui a permis la création d’un réseau de pédagogie critique dans le monde entier. Il dénonce l’éducation capitaliste, qu’il appelle « éducation bancaire ».

Education bancaire : une éducation qui suit des critères similaires à des critères économiques et qui renforce

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l’oppression. Freire vise l’éducation émancipatrice.

Les idées centrales développées dans ses ouvrages :

- La transition de sociétés fermées (inégales), à des sociétés ouvertes : rôle de l’éducation dans cette transition, qui correspond au passage d’une pensée magique / illusoire du monde, à une pensée critique.

- Le concept de dialogue et de conscientisation : les processus de libération qu’il vise consistent à supplanter la « conscience dominée » par la « conscience critique » grâce au dialogue.

- Un point de vue transdisciplinaire : s’intéresse à la philosophie, la sociologie, la psychologie pour expliquer les phénomènes. Il ne suffit pas de s’intéresser uniquement à la philosophie pour penser la pédagogie, il faut tenir compte de multiples facteurs, faisant l’objet de différentes disciplines. Il met en notamment en avant le point de vue politique de l’éducation.

Il soutient que l’éducation a un double rôle, elle peut être employée non seulement :

- Pour l’oppression

- Pour la libération des personnes opprimées

A partir de cette idée de double rôle de l’éducation, il examine les pratiques pédagogiques en classe et distingue ce qu’il appelle l’éducation bancaire (pour l’oppression) et l’éducation problématisante (pour la libération, émancipation).

Deux principaux concepts émergent de ces deux principaux textes :

- La question de conscientisation en lien avec la liberté

- La méthode dialectique / le dialogue.

Quelle est la place des éducateur en tant qu’ils ne sont pas des opprimés, dans ce mécanisme qui vise à relayer cette culture qui vise à émanciper les personnes opprimées ?

Il propose différentes approches de la conscience et on identifie 2 principales catégories qui portent sur la distinction entre :

- La conscience naïve / de la vie quotidienne = « fausse conscience », manipulable

- La conscience critique

L’objectif de l’éducation émancipatrice / problématisante apparaît comme le passage d’une conscience naïve à une conscience critique = processus de « conscientisation ».

Est-ce que ce changement de conscience doit nécessairement arriver grâce une force externe à l’individu ?

La pédagogie des opprimés : « Personne ne libère autrui, les hommes se libèrent seuls, les hommes se libèrent ensemble ». Mais, dans le processus de conscientisation, il y a toujours des animateurs car les hommes sont incapables de s’émanciper seuls. La libération arrive une fois que la conscientisation est établie.

Quel est le rôle des éducateurs ?

Les opprimés sont animés par une conscience naïve / quotidienne.

Mais Freire distingue 2 formes de conscience quotidienne :

- La conscience aliénée / naïve

- La conscience rebelle = ce n’est pas encore une conscience critique, mais elle n’est pas entièrement aliénée.

La conscience quotidienne n’est pas qu’une conscience apathique, elle peut aussi être révoltée.

La conscience rebelle se trouve naturellement chez les sujets : jusqu’ici l’animateur n’a pas d’intérêt.

Mais la connaissance théorique qui pourrait être donnée dans le cadre de l’éducation est nécessaire pour la lutte sociale : elle donne les outils pour interpréter de manière concrète / structurelle leur situation. Et le processus de conscientisation c’est justement cette capacité à analyser de cette oppression dont on est l’objet, avec un regard critique de la société dans sa globalité.

La pensée critique arrive par l’expérience, non pas uniquement par l’aspect théorique (rôle de l’éducateur). Néanmoins, pour parvenir à la conscientisation, il est nécessaire que l’individu éprouve une conscience rebelle + un cadre

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théorique apporté par l’éducateur.

Or, risque d’endoctrinement de la part de l’éducateur, car la conscientisation passe nécessairement par le rapport dialectique. Notion de responsabilité de l’enseignant, qui ne doit pas influencer l’élève en lui imposant son point de vue. Il faut l’amener à avoir conscience lui-même, de sa condition.

L’enseignant est l’instance qui instaure le dialogue au sein de la classe. La classe doit être un espace de dialogue : les objections que soulèvent les élèves doivent être admises, et l’enseignant doit accepter de répondre aux interrogations / réflexions / critiques des élèves.

Dans le cadre du dialogue (actif), l’élève garde une expérience subjective sociale et politique, qui lui permet de pouvoir développer un regard critique lorsque l’enseignant rebondit sur les propos des élèves, en rapport avec leur expérience. Les dialogues permettent à l’expérience personnelle de l’élève de ressortir et de devenir un outil de critique.

La pédagogie critique a donc pour but de faire passer les opprimés du stade de la pensée naïve au stade de la pensée critique. Elle est à la fois action et réflexion.

Cette pratique pédagogique constitue également un critère de différenciation anthropologique entre l’homme et l’animal. L’être humain en tant qu’il est conscient, est capable de réfléchir au sens de ses actes. Pour Freire, les êtres humains sont toujours inachevés. Ils ne sont jamais complètement accomplis, réalisés. Mais chaque individu a une possibilité de perfectibilité infinie. Le but est de passer d’une forme d’hétéronomie à une forme d’autonomie chez l’élève.

La pédagogie critique :

Notion employée pour la 1ère fois en 1983 par Henry Giroux (prof américain) dans Theory and resistance in education. Il a traduit pour la 1ère fois Freire aux USA.

Approche marxiste influencée par l’école de Francfort, qui vise à exposer la manière dont les relations de pouvoir et les inégalités sont impliquées dans l’éducation des enfants, par les adultes. Remettre en question les présupposés épistémiques et idéologiques qui constituent la base de la « connaissance légitime ». L’idée selon laquelle les systèmes éducatifs dans nos sociétés seraient organisés de manière égalitaire afin d’amener à la justice sociale n’est qu’une pure illusion. L’institution scolaire est à repenser si l’on veut qu’elle devienne un outil d’égalité sociale. Nos sociétés sont composées de plusieurs formes de domination : sociale, politique, économique, culturelle. Il y a plusieurs enjeux et luttes entre ces formes de dominations. Le but est de les rendre visible.

La pédagogie critique a pour enjeu central la réalisation d’une justice sociale à l’école, et de manière plus générale à travers l’éducation. Il faut transformer les structures et les conditions qui ont empêché la participation démocratique des personnes opprimées dans la société = pratique éducative démocratique.

Influences majeures de la pédagogie critique :

John Dewey philosophe et éducateur américain, figure importante du pragmatisme et considéré comme l’un des pères du mouvement pour l’éducation progressiste aux USA. Education and democracy : lie de manière étroite démocratie et pratique éducative. Il est l’une des contributions majeures de la pédagogie critique, avec Freire.

Paulo Freire figure de référence de la pédagogie critique. La grande majorité des ouvrages dans ce courant font référence à sa pensée.

Approche d’enseignement qui incite les étudiants à questionner et à défier les croyances et les pratiques qui leur sont enseignées. Promotion de la conscience critique. Le professeur doit guider les élèves dans le but de leur faire mettre en cause les pratiques répressives et générer des réponses libératrices. Dans un premier temps, on doit faire en sorte que l’élève se pose des questions, en tant que membre d’un processus social. Ensuite, une fois que l’élève constate que la société est imparfaite, il est encouragé à partager cette connaissance pour modifier la réalité sociale.

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Antonio Gramsci homme politique italien, emprisonné par Mussolini pendant la guerre.

Contexte : première moitié 20ème, marquée par le parti communiste. Il s’intéressait à la manière dont les systèmes de domination influencent les changements des sociétés industrielles occidentales. Il propose une théorie de l’hégémonie : les changements dans les sociétés liées aux systèmes de dominations sont moins vérifiés par des luttes effectives, mais plutôt à travers le guide moral de la société (éducation) : les changements sociaux se passent surtout lors de la constitution du savoir, à l’école. Dans ce cadre-là, il pose la question de l’école : elle contribue à la répétition des systèmes de domination car elle pousse les enfants à adhérer à la position dominante.

Michel Foucault « Régime de vérité » = concept qui met au centre l’idée de légitimation d’une forme particulière de connaissance dans les relations de pouvoir, qui caractérisent la société. Les pouvoirs entrent dans la construction des savoirs, de la connaissance « légitime ». La formation de la connaissance n’est pas neutre, dépourvue d’implication.

L’école de francfort, 1923 : institut de recherches sociales

Créée en 1930 et dirigé par Horkeimer et T. Adorno. La pédagogie critique a pour fondement la théorie de l’école de Francfort.

Contexte historique important :

Fin 1ère GM, marquée par la chute de l’empire allemand et l’instauration de la république. Situation politique marquée par la lutte politique entre parti communiste allemand VS parti socialiste, qui précède l’arrivée du nazisme. C’est dans ce contexte de montée du nazisme que L’école de Francfort se dvp : la plupart des auteurs, qui étaient juifs, ne survivent pas, tandis que certains arrivent à fuir aux USA (T. Adorno).

Les auteurs de l’école de Francfort se posent la question de la relation politique / économie : analyse des crises du capitalisme, des changements dans les relations sociales. Ces travaux constituent la base d’une théorie critique de la société. Cette approche critique se trouve au fondement d’un ensemble d’idées concernant l’éducation et la pédagogie, que l’on appelle aujourd’hui pédagogie critique. Elle revendique l’engagement explicite, l’idée de libérer des groupes opprimés, et notamment l’importance de l’école. Ces principes ont été articulés à travers différentes traditions intellectuelles et prismes théoriques :

1° La politique culturelle de l’école qui soutient l’empowerment des étudiants culturellement marginalisés, dans une culture de l’école spécifique :

Il faut repenser la culture de l’école, transformer les classes non démocratiques et renforcer la position des étudiants défavorisés (socialement, culturellement, économiquement). Il faut remettre en cause les théories et pratiques traditionnelles de l’éducation, qui contribuent à une perpétuation des systèmes de domination et de marginalisation. L’éducation traditionnelle n’est pas neutre, elle nourrit des relations asymétriques de pouvoir. Reconnaître le lien connaissance / pouvoir.

2° L’importance de l’économie politique :

Adopter un point de vue économique permet de voir des relations de pouvoir asymétriques qui sont établies à l’école, en tant qu’elle répète des privilèges de la classe dominante.

3° L’historicité de la connaissance :

Les connaissances transmises à l’école sont basées sur l’histoire, la tradition et contribuent à perpétuer les systèmes de domination. Pas de place pour la nouveauté.

4° La théorie dialectique :

Dans la pédagogie critique, on trouve une conception dialectique de la connaissance : importance de la co-construction de la connaissance, à partir de l’expérience de chacun.

5° La notion critique de l’idéologie :

Idéologie = schéma de pensée qui, dans une société, permet de lire le monde social et politique.

La notion critique de l’idéologie vise à fournir les outils pour développer une critique des curriculums éducatifs, des textes qu’on adopte à l’école, des pratiques dans l’éducation mais aussi une analyse critique de ce qui influence ces données de faits. Elle permet aussi, pour les enseignants de voir comment leurs propres idéologies influencent leurs pratiques à l’école.

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6° L’hégémonie (Gramsci) :

Renvoie au processus de contrôle social, qui passe par la direction d’une classe socioculturelle dominante sur une classe subordonnée. La pédagogie critique montre les relations asymétriques et les structures sociales qui soutiennent les intérêts de la classe dominante. Notion qui permet de faire le lien entre économie, pédagogie, politique. Les enseignants sont amenés à reconnaître leur responsabilité et transformer ces conditions dans les salles de classe, qui représentent l’hégémonie culturelle.

7° Théorie de la resistance :

Resistance en terme de contre hégémonie. Thèse selon laquelle chacun a la possibilité de produire de la connaissance et en cela de résister à la domination culturelle. Créer un espace intellectuel et social qui permet aux expériences de ceux qui sont historiquement mis en marge de la société, de les mettre au centre.

8° Praxis = théorie + pratique :

La pédagogie critique n’est ni une théorie, ni une simple pratique : implication des deux. Rôle de l’interaction des éducateurs avec les élèves. Il n’y a pas une théorie par excellence que l’on peut adopter dans n’importe quel contexte, il faut toujours la remettre en question.

9° Idée de dialogue et de conscientisation :

Double relation entre apprentissage des étudiants / des enseignants.

La pratique éducative doit se nourrir du dialogue avec les étudiants. Les processus de connaissances ne peuvent être détachés du contexte d’expérience éducative : l’expérience vécue fait partie du processus de connaissance.

La pédagogie critique se concentre sur des aspects de l’éducation dans lesquels on peut remarquer certains rapports de pouvoir, qui consistent notamment dans des différences de classes.

Lorsqu’il va aux USA, Freire rencontre des féministes (Bell Hooks) et elles remarquent l’absence de dimension liée au sexe dans sa théorie. Si on se concentre uniquement sur le système des classes pour expliquer la société, on passe à côté des inégalités de sexe / genre.

La pensée de Bell Hooks ; la pédagogie engagée :

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Bell Hooks

Née en 1952 – USA

Les approches féministes des 60-70’s aux USA étaient uniquement développées par des femmes blanches de classes bourgeoises. Elles ne prenaient pas en compte l’expérience des femmes noires, qui étaient discriminées d’une façon différente et plus marquée, pour plusieurs raisons : pour leur position de sexe inférieure (femmes), à cause de leur race, mais aussi à cause de leur position sociale souvent défavorisée.

La pédagogie engagée :

But de mettre au centre de la pédagogie l’expérience des enseignants et leur engagement envers les étudiants. La pratique d’enseignement demande un engagement et une certaine conscience de soi. Voir la pédagogie comme instrument de réalisation de soi et des élèves. Met en avant les nuances de l’expérience d’enseignement entre enseignant / élève.

Arrière-plan de son approche :

S’approprie et prend comme point de départ la théorie de la libération de Freire : ils se sont rencontrés lorsque Freire était en voyage aux USA et les deux vont s’influencer réciproquement. Elle pousse Freire à aborder un prisme qu’il n’avait pas pris en compte pour expliquer les inégalités : le genre, la pensée féministe.

Bell Hooks s’intéresse à la notion de genre, mais aussi de race. Elle part de sa propre expérience en tant qu’étudiante puis professeur : en tant que femme noire, elle s’intéresse à la ségrégation des enfants noirs au lycée. Les enseignants doivent prendre en considération la condition particulière des élèves / étudiants.

Qu’est-ce que le féminisme noir ?

Le féminisme noir revendique la perception d’une différence entre l’oppression vécue par les femmes noires et l’oppression vécue par les femmes blanches. Critique sociale, politique et morale qui prend en considération les prismes de sexe, de race et de classe sociale (la race et la classe vont ensemble car la discrimination raciale a comme conséquence le fait que ces personnes soient moins favorisées).

Toutes les femmes font l’expérience du sexisme, mais il n’y a pas une expérience identique de sexisme. Le féminisme classique a généralisé à toutes les femmes l’expérience de discrimination vécue par les femmes blanches bourgeoises. Or, il y a des différences entre l’expérience des femmes blanches et noires. Le féminisme noir permet de considérer l’axe du racisme, qui est fondamental pour comprendre la pédagogie et les rôles / responsabilités des enseignants à l’égard de leurs élèves.

La notion de point de vue situé :

Bell Hooks dit que la connaissance vient d’un point de vue situé au niveau social et politique : l’activité d’enseignement / de transmission de connaissances n’est pas neutre. Alors que d’un point de vue épistémologique, la connaissance doit tendre vers la neutralité. Les caractéristiques spécifiques de l’individu ne doivent pas influencer la production de connaissance elle-même. Idée de science objective, impersonnelle.

Cette idée de science objective a été remise en question début 20ème : les individus impliqués dans certaines sciences sont influencés par la politique / le social et leurs caractéristiques impactent la science qu’ils développent.

L’intérêt selon Bell Hooks est de repenser la pédagogie et l’éducation comme des pratiques qui ne sont pas neutres du tout (la pédagogie est toujours politique). Il faut les repenser selon notre point de vue situé : responsabilité de l’enseignant de se questionner sur sa propre condition et position dans la société. Le point de vue situé est un prisme à partir duquel on peut voir et considérer les sciences et la culture qui ont été produites, et voir en quoi elles ont été

Critique littéraire, féministe représentante du black feminism.

Bell Hooks = pseudonyme. Son vrai prénom est Gloria Jean Watkins.

Elle n’écrit son nom qu’avec des lettres minuscules, ainsi elle considère que son identité n’influence pas ses textes.

Professeur spécialiste de « gender studies ».

Etudes de littérature.

Elle fonde toute sa théorie à partir de sa propre expérience.

Ouvrage important : Teaching to transgress, 1994.

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influencées par les discriminations sociales etc.

Pensée générale de Bell Hooks :

Pense l’éducation comme une pratique de la liberté (libération des opprimés), dans la lignée de Freire.

Sa conception pédagogique est influencée par 3 grandes approches critiques dans la philo de l’éducation :

- Les pédagogies anticoloniales

- La pédagogie critique

- La pédagogie féministe

A partir de ces points de vue, elle en vient à imaginer et à mettre en pratique une pédagogie qui se concentre sur un aspect en particulier : les programmes éducatifs.

Quels sont les axes d’oppression qui peuvent influencer la manière dont les programmes sont construits, et par quel moyen peuvent-ils nourrir des systèmes de domination ? En quoi les programmes scolaires peuvent être des miroirs de la réalité sociale ? Propose l’idée de repenser l’institution : la pédagogie doit se préoccuper à la fois des méthodes d’enseignement mais aussi des pratiques particulières des enseignants. Elle a un donc point de vue global sur les programmes scolaires en général, mais aussi un point de vue plus particulier qui concerne la pratique des enseignants en classe :

Selon Hooks, le rôle de l’enseignant est de favoriser le plaisir dans l’enseignement. C’est quelque chose qu’on considère souvent comme important à l’école primaire : faire des activités qui plaisent aux élèves, qu’ils éprouvent du plaisir. Mais elle transpose cette idée de plaisir même aux études universitaires : la classe doit être un lieu de plaisir à la fois pour les enseignants et pour les étudiants.

Dans sa perspective, le plaisir est un acte de résistance contre l’éducation bancaire qui considère les rapports d’enseignement dans une dimension verticale. Le plaisir favorise l’émancipation.

L’enseignement est un acte performatif : un acte qui appelle tous les individus impliqués à devenir des participants actifs, y compris les étudiants.

L’idée de voix engagée :

Face à un contexte de communautés variées (en classe), on doit adapter notre enseignement, en termes de paradigme, mais aussi la manière dont on pense, écrit et parle : la voix de l’enseignant ne doit jamais être figée et absolue. Elle doit toujours être ouverte au changement et au progrès qui peut venir du dialogue avec les étudiants.

Double influence dans la perspective de Hooks :

- La pédagogie de Freire

- La pensée Bouddhistes du moine vietnamien Thich Nhat Hanh

Les moines bouddhistes ont une approche holiste de l’individu en général : prise en compte de la dimension corporelle et spirituelle (corps + esprit). Contrairement à la pensée traditionnelle de l’éducation où l’on fait totalement abstraction de la dimension corporelle de l’individu et où l’on se concentre uniquement sur la raison (esprit) = pensée de Freire. Elle propose de repenser l’éducation et prône la prise en compte de l’individu à part entière, en tant que personnage encharné, doté d’un corps et d’un esprit.

La connaissance ne passe pas uniquement pas une transmission d’information, mais une connaissance qui concerne aussi la manière de vivre dans le monde. L’enjeu de la connaissance n’est plus uniquement l’intellect, mais aussi la corporalité : s’intéresser au bien-être, au bonheur des apprenants (soin des âmes). L’enseignant doit prendre soin de ses étudiants : il faut penser la pédagogie comme une relation à un niveau beaucoup plus personnel, considérer l’enseignement dans son point de vue affectif. Attention portée aux inégalités, à la participation des élèves et à leur bien-être.

La pensée classique de l’éducation, qui sépare corps et esprit ne permet pas de penser la connexion entre connaissance et expérience personnel. Or, dans la pratique d’enseignement on ne peut pas faire abstraction de l’expérience de vie personnelle des individus.

La pédagogie engagée est une pédagogie holiste et progressiste (remet en Q? les systèmes de pouvoir).

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La question du multiculturalisme :

Les individus ont des expériences différentes selon leur culture et leur place dans la société, d’où l’importance de la notion d’expérience personnelle dans l’éducation : elle permet d’éclairer d’une nouvelle manière le multiculturalisme.

Elle apporte 2 aspects critiques :

- Repenser les programmes scolaires à partir de l’inclusion d’auteurs mis en marges (noirs).

- Développer une pratique inclusive : inclure des étudiants qui représentent des cultures en marges de la société pour favoriser le multiculturalisme.

La pensée de Bell Hooks est très liée à celle de Freire, mais elle aborde un prisme supplémentaire : la dimension genrée des inégalités en particulier chez les femmes noires (féminisme noir).

Le féminisme :

Courant politique né au 18ème, qui se dvp aussi sur le plan de la réflexion.

Deux grandes figures à l’origine de la pensée féministe, qui ont donné lieu à 2 grandes approches différentes :

- Mary Wallstonecraft et le féminisme de l’émancipation (féminisme égalitaire) : 1792, Vindication of the rights of women : Idée d’avoir une égalité effective H/F et abolir toute sorte d’inégalité. Pour y parvenir, on peut utiliser les instruments politiques et réflexifs existants. Approche défendue par SDB plus tard en France.

- Olympe de Gouges et le féminisme radical : 1791, La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Ne pas effacer les différences de genre dans la sexualité, mais réfléchir sur la différence et revoir la manière dont cette différence est enracinée dans un système patriarcal. Les instruments déjà existants dans la société ne sont pas suffisants pour répondre à une égalité de départ. L’égalité des droits n’est pas suffisante pour changer le système : les différentes expériences que les femmes peuvent vivre dans la société pourraient donner quelque chose de différent dans la vision politique. Approche également défendue par Virginia Woolf.

3 grandes vagues du féminisme :

1ère vague, la pensée de l’égalité ou féminisme de l’émancipation :

Caractérisée par l’apparition de la parité des droits. Revendication d’une égalité substantielle entre H/F : les hommes naissent tous libres et égaux. Ce sont les déterminants sociaux qui ont placé les femmes en position d’infériorité. Les femmes sont perçues comme émotionnelles et caractérisées par la dimension maternelle, mais ce ne sont pas des traits innés, ils sont construits socialement. La différence ne doit pas être mise en valeur, il faut abolir la différence.

2ème vague, la pensée de la différence :

S’opposent à la 1ère vague. Approche de Virginia Woolf, qui consiste à remettre en question la centralité de la question de la justice dans le peuple politique. Il faut prendre au sérieux la différence entre les hommes et les femmes et donner la possibilité aux femmes de se définir elles-mêmes. Il existe une expérience féminine et il faut l’affirmer. Mais faire en sorte que cette différence ne soit pas hiérarchique, patriarcale.

3ème vague, critique de la pensée de la différence :

Questionne la différence binaire qui caractérise la pensée de la différence H/F. Il faut voir la différence non plus uniquement en termes H/F mais rendre compte de toutes les formes de différence entre les individus. Pensée Queer : la pensée binaire ne permet pas de penser les transsexuels, qui se situent entre H et F. L’oppression passe aussi par d’autres lignes de pouvoir que le genre : revendications du black feminism et féminisme décolonial par Spivak.

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Virginia Woolf et le féminisme de la différence Virginia Woolf 1882-1941 (UK)

Auteur à l’origine de la pensée de la différence de la 2ème vague de féminisme. Ouvrages importants :

Les Trois Guinées, 1938 :

Texte écrit juste avant la 2nde GM, question qui demeure centrale dans sa pensée. Contexte où les femmes viennent seulement d’avoir accès à l’université et l’indépendance financière. Au départ, elle cherche à répondre aux lettres d’un homme qui lui demande comment éviter la guerre, grâce aux femmes. Il demande de l’argent pour financer une association contre la guerre. Selon Woolf, la guerre pourrait être évitée par l’éducation des femmes. Pourquoi ? car la condition de l’éducation est elle-même caractérisée par une différenciation des sexes. L’éducation pour les femmes serait une première étape pour l’égalité des sexes : permettre l’éducation pour tous. Une chambre à soi, 1929 :

Aborde la question de l’absence des femmes dans la littérature, notamment étudiée à l’école. Impossibilité pour les femmes à l’époque de gagner de l’argent indépendamment de leur mari, et donc d’avoir « une chambre à soi » pour faire de la littérature. Pour éviter la guerre, il faudrait prendre en compte l’expérience des femmes (en marge de la société) pour changer le système éducatif qui est caractérisé par la culture dominante, qui est la culture masculine. C’est cette culture masculine qui selon Woolf, amène à la guerre. Pour changer cette oppression, il ne suffit donc pas d’offrir le droit aux femmes d’accéder à l’université, mais bel et bien de changer toute la structure du système pour avoir une réelle égalité. Elle souligne la différence entre les hommes et les femmes : « on voit le même monde, mais avec d’autres yeux ». Dans la pensée des 3 auteurs féministes (Bell Hooks, Virginia Woolf, Spivak), on retrouve une notion centrale : la notion de responsabilité à laquelle les enseignants sont amenés à répondre. Se questionner sur sa propre position dans le cadre pédagogique et de transmission de la culture dominante. Ex : Comment enseigner ? Quelle posture adopter ? Ces questions font appel à la capacité d’autoréflexivité : réfléchir sur nos pratiques, question de la responsabilité individuelle dans le cadre de la connaissance. Woolf appelle à une réflexion sur l’éducation des femmes (différenciation sexuelle dans l’accès à l’éducation) :

Dans la 2ème partie des Trois Guinées, l’idée centrale est que l’éducation face à la différence sexuelle ne doit pas être uniquement un droit ouvert aux femmes. L’exclusion traditionnelle des femmes, du système éducatif, doit être remise en cause. C’est un droit récent, et qui est uniquement réservé aux femmes bourgeoises. Dans la réalité sociale, il y a un double rapport d’exclusion / de différence :

- Hommes / Femmes

- Récemment entre les femmes bourgeoises / femmes de milieu populaire Elle fait une critique sociale, de façon indirecte. Elle dénonce également les conditions matérielles qui rendent compliquées l’éducation des femmes : les femmes bourgeoises ont contribué au financement des universités pour les hommes. Or, depuis que les femmes ont accès à l’université, les hommes ne veulent pas financer la construction de ces universités. Elle appelle à remettre en question l’éducation, car elle appartient à la culture dominante (celle des hommes).

La différenciation H/F tient à des questions d’éducation et d’histoire, car traditionnellement, les femmes ont été éduquées différemment.

La culture masculine selon Woolf est celle qui amène à la guerre car cette culture fait partie intégrante de l’éducation : les citoyens sont d’emblée formés avec cette culture, qui prône la compétition (même dans les grandes universités comme Oxford ou Cambridge). Nécessité de faire accéder les femmes aux études supérieures et remettre en question l’éducation qui la caractérise : il faut modifier, transformer la pédagogie, même celle des hommes.

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La culture des hommes est construite autour du narcissisme, du conflit, de la compétition, du pouvoir comme visée de l’individu. Est-ce que le changement de cette culture et l’accès des femmes suffisent-ils pour éviter la guerre ?

Avec le seul droit d’accès des femmes à l’université, le risque serait qu’elles adhèrent elles aussi à la culture dominante qui est celle des hommes, et dans ce cas on ne parviendrait pas à éviter la guerre. D’où l’intérêt de réformer également les programmes pédagogiques et structures de ces institutions.

Elle aborde cette question dans son texte en faisant semblant de répondre à la lettre d’une trésorière pour la reconstruction d’un collège pour fille, en proposant des conditions : il ne faut pas suivre l’exemple des grands collèges, il faut garder en tête l’esprit du collège pauvre, au sein duquel il n’agit pas de sélectionner et de valoriser la compétition, mais de mélanger. Elle souligne la manière dont les corps et esprits peuvent coopérer. Elle propose donc de donner de l’argent pour la reconstruction de ce collège, à condition qu’ils respectent ses conditions. Idée d’un collège qui n’est pas axé sur l’intérêt de pouvoir, de conflit. Importance du partage et de la coopération. Elle finit par abandonner ce projet de lettres car elle se rend compte que les idéaux qu’elle prône sont confrontés aux réalités de la société anglaise de l’époque : en ayant accès aux collèges, les femmes doivent chercher à travers l’instruction, un moyen de gagner de l’argent pour elles-mêmes, indépendamment des hommes. La visée centrale de l’éducation pour les femmes serait de les faire accéder à l’indépendance économique. Paradoxe : si les femmes accèdent à l’université sans que l’on réforme le système, alors elles risqueraient d’adhérer à la culture dominante et il serait impossible d’éviter la guerre. Néanmoins, les réalités sociales rendent impossible la transformation de la culture en vigueur. Comment faire ? On ne peut pas uniquement refuser l’accès des femmes à l’éducation car c’est fondamental pour elles si elles veulent sortir de la société patriarcale. La position des femmes, en marge, ne permet pas de révolution frappante. Mais selon Woolf, les changements qui se fonts discrets et indirects dans la pratique volontaire pourront faire changer les choses. Si l’on veut éviter la guerre, il ne faut pas tenter de révolutionner le système. Le changement doit alors passer par l’accès des femmes à l’enseignement supérieur dans leurs pratiques ordinaires et laisser le temps changer cette culture, au profit du dialogue, de la complémentarité entre les corps et les âmes, de la relation et non de l’individualisation. Tout se passe de manière indirecte et silencieuse.

Gayatri Chakravorty Spivak et le post-colonialisme

Propose une approche du féminisme postcolonial liée à la question de l’éducation : même si l’éducation n’est pas abordée de manière explicite dans ses textes, tout l’enjeu qu’on y trouve est en lien avec elle. Notamment l’aspect du post-colonialisme : le système éducatif fait partie de la culture dominante, et en ce sens, la culture dominante diffuse le colonialisme. Lien pouvoir / culture – pouvoir / connaissance. Elle tente de voir comment le colonialisme continue à se répandre, malgré la fin de la colonisation : Malgré l’indépendance, on retrouve encore des traces du colonialisme dans certains pays (ex : dans ce qu’était l’Empire Britannique). C’est ce processus de perpétuation qui constitue le post-colonialisme. Dans ces pays, on a hérité d’un système de connaissance qui continue à nourrir une connaissance coloniale : les systèmes impérialistes ont pris d’autres formes mais sont toujours présents. Dans cette perspective post-colonialiste, l’enjeu est de se questionner sur la possibilité d’action (agentivité) des sujets marginalisés à l’intérieur de ces systèmes coloniaux. Elle va non seulement analyser les systèmes de pouvoir à l’égard de ces sujets marginalisés, mais va aussi s’intéresser à ce que ces sujets peuvent faire à l’intérieur de ces systèmes.

Née en 1942 à Calcutta. Ecrivaine, philosophe, professeur d’université à NY. Représentante majeure du post-colonialisme. Principaux ouvrages : 1985 : Subaltern studies : deconstructing historiography 1999 : A critique of post-colonial reason

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En quel sens peuvent-ils agir ? Agir en termes d’interruption du discours de pouvoir implique une résistance face au discours dominant. Comment peuvent-ils faire ? Dans ce prisme, le domaine de l’éducation apparaît fondamental : si l’on parle du pouvoir comme un discours qui pénètre dans la société, la manière la plus évidente dont ce système de pouvoir s’installe se fait par l’éducation, par la transmission d’une culture dominante. Il s’agit de remettre en question les pratiques éducatives dominantes, qui placent les sujets en position de marginalisation. Mais comment les étudiants peuvent-ils eux-mêmes remettre en question ces systèmes éducatifs qui nourrissent des systèmes de pouvoir ? Spivak a montré comment la question de l’agentivité (capacité d’agir) des sujets marginalisés ne pouvait se séparer de la configuration des discours de pouvoir : ils les réduisent au silence. D’où le lien entre l’agentivité des sujets et la nécessité de déconstruire les discours dominants de pouvoir qui se transmettent par l’éducation. Elle montre que les sujets colonisés ne sont pas uniquement assujettis au discours colonisé : ils s’approprient et façonnent les discours qui leur sont diffusés. D’une certaine manière, les sujets participent à la construction de ce discours. Il faut donc s’intéresser à cette dimension participative des sujets colonisés dans le processus même de colonisation. Importance d’analyser les contradictions entre les sujets dominés / dominants. A partir de sa propre position, elle en vient à parler de la position subalterne des sujets en Inde, et particulièrement les femmes. Elle se demande comment les intellectuels parlent de ces sujets subalternes dans la production de connaissance ? Elle souligne le rôle qu’ont les intellectuels dans les pays colonisateurs, dans la continuité des systèmes de pouvoir, de réduire au silence les sujets marginalisés. Idée de responsabilité des intellectuels face aux systèmes de pouvoir. Concept de « subalterne » développée par Antonio Gramsci : mais développé uniquement à partir du prisme des différences sociales au sein des classes. Or, Spivak veut montrer que ce concept doit être reconsidéré : certes, il peut considérer les systèmes de classes, mais il doit également toucher à la notion de genre. Elle souligne la position subalterne des femmes en Inde : cette infériorité se différencie de la position subalterne d’un homme paysan. Elle a contribué au dvp de Subaltern Studies : en Inde, des femmes ont tenté de réécrire l’histoire du pays après l’indépendance, en s’opposant à la narration classique (impérialiste), qui cachait toute activité du peuple colonisé. Elles vont parler de toutes les actions de révoltes mises en place. Idée de repartir du point de vue des personnes subalternes pour montrer que toute une partie de la connaissance historique menée par les intellectuels des pays colonisateurs, a contribué à effacer toute la dimension active de ces peuples. En ce sens, elle souligne que la connaissance n’est pas neutre. Elle est toujours influencée par une dimension politique et morale. Dans cette perspective, Spivak propose une critique d’intellectuels comme Michel Foucault ou Gilles Deleuze, qui avaient tenté de traiter le concept de subalterne. Elle reprend à Foucault, dans Les mots et les choses (1966), la notion de violence épistémique qu’il emploie pour faire référence à la violence qui passe par une révision complète de l’épistème (système de connaissances). Elle reprend cette notion comme outil intellectuel pour montrer comment les pouvoirs impérialistes et colonisateurs ont nourri leur position de pouvoir, par une certaine forme de violence épistémique. Ex : l’histoire de la société indienne.

Elle reprend 2 idées de cette violence épistémique :

- La codification britannique de la loi indoue lors de la colonisation (ils se la sont appropriée et modifiée).

- L’histoire de l’éducation indienne sous l’empire britannique. Les britannique ont eu la mainmise sur la manière sont le sanskrite (langue locale) a été enseigné. Ils produisent une distinction entre la formation disciplinaire institutionnelle des cours de sanskrite et la tradition de la haute culture sanskrite. Le discours des pouvoirs britanniques passe par une réforme de la loi indoue : ils se la sont réappropriée de manière subtile afin de la modifier. L’éducation = terrain privilégié de la propagation du pouvoir dominant.

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Comment les sujets subalternes peuvent-ils faire entendre leur voix ?

Les femmes indiennes représentent un cas de sujets subalternes qui ne peuvent parler elles sont cachées entre 2 formes de violences épistémiques :

- Celle qui vient du discours impérialiste (pour leur condition d’individu colonisé).

- Celle du nationalisme indien.

Pour illustrer cet aspect, elle prend l’exemple du SATI (suicide rituel des veuves indiennes qui étaient brûlées vives avec leur mari) :

- Les britanniques ont interdit cette pratique car ils souhaitaient sauver ces femmes.

- Les nationalistes indiens justifient cette pratique car cela fait partie de la culture indienne. Par les nationalistes, le SATI n’est pas vu comme une réelle forme de suicide (qui est formellement interdit) : c’est plus une tradition, un hommage rendu aux hommes (dimension spirituelle). Les femmes renoncent à leur vie, en tant que propriété de leur mari. Les nationalistes contribuent à la position subalterne de la femme, qui est passive. Dans les deux cas, les femmes sont réduites au silence. Sur le corps de ces femmes se joue une lutte de pouvoir entre les britanniques et les nationalistes. Même si elles pouvaient parler, elles ne seraient pas entendues. Cette idée de silence qui ne peut être résolu montre une certaine responsabilité des intellectuels occidentaux : ils ont un rôle dans la perpétuation de ce silence. Ils imposent un discours généralisant sur des réalités qui sont hétérogènes.