PELLÉAS ET MÉLISANDE...Ce qui frappe, dans l’œuvre de Maeterlinck, c’est sa dimension...

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PELLÉAS ET MÉLISANDE Compagnie L’In Quarto CONTACT AlterMachine I Camille Hakim Hashemi [email protected] 06 15 56 33 17

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PELLÉASETMÉLISANDE

CompagnieL’InQuarto

CONTACTAlterMachineICamilleHakimHashemi

[email protected]

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CréationFestivald’Avignon2019

TexteMauriceMaeterlinck

MiseenscèneJulieDuclos

AvecAlixRiemerMélisande

MatthieuSampeurPelléasVincentDissezGolaudPhilippeDuclosArkël

StéphanieMarcGenevièveÉmilienTessierLemédecin

ClémentBaudouin,SachaHuygue,EliottLeMouël(enfantsenalternance)Yniold

etungroupedefemmes(amateures)Servantes

AssistanatàlamiseenscèneCalypsoBaqueyScénographieHélèneJourdanLumièreMathildeChamoux

VidéoQuentinVigierSonQuentinDumay

CostumesCarolineTavernierRégiegénéraleSébastienMathé

Administration,productionAlterMachine/CamilleHakimHashemi,CaroleWillemot

ProductionL’in-quartoCoproductionThéâtreNationaldeBretagne,Odéon-Théâtredel’Europe,Comédiede

Reims,CDNBesançonFranche-Comté,Festivald’Avignon,LesCélestins,ThéâtredeLyon,ComédiedeCaenCDNdeNormandie,LaFilature,Scènenationale–Mulhouse

aveclaparticipationdesateliersduCDNdeBesançon,duThéâtreduNord,CentreDramatiqueNationaletdelaComédiedeCaen,CDNdeNormandie

aveclesoutiendelaDRACIledeFranceetdelaSPEDIDAM

JulieDuclosestartisteassociéeauThéâtreNationaldeBretagne.

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Cequifrappe,dansl’œuvredeMaeterlinck,c’estsadimensionintemporelle.DansPelléasetMélisande(1892), hormis certains éléments faisant référence à un temps moyenâgeux (l’épée, le château),l’écriture n’est pasmarquée par un contexte particulier, quelque chose en elle dépasse le temps,semblesesituerhorsdutemps.Sonthéâtrejoueavecleslégendes,lesmythologies,ilestparfoisauborddu fantastique,de l’onirisme, c’est tout le courant symbolisteauquelappartientMaeterlinck.C’estuneécrituremétaphorique.L’atmosphèred’inquiétanteétrangetéquirègnedanssonoeuvreluidonnetoutesaforce.Maissicetteécriturepeuts’apparenterauxcontes,c’estqu’elletrouveaussison point d’ancrage dans la réalité, elle est puissante en ce qu’elle nous plonge dans notrecontemporanéité.

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L’événementToutcommenceparladécouverted’unejeunefemme,perduedanslaforêt,pleurantaubordd’unefontaine.C’estMélisande.Elleestsauvagecommeunebêteblessée.

Nemetouchezpas!Nemetouchezpas!

sontsespremiersmots,adressésàGolaud.

-Quiest-cequivousafaitdumal?-Tous!Tous!

répondMélisande.

-Quelmalvousa-t-onfait?-Jeneveuxpasledire!Jenepeuxpasledire!...-Voyons;nepleurezpasainsi.D’oùvenez-vous?

-Jemesuisenfuie!...enfuie…-D’oùêtes-vous?Oùêtes-vousnée?

-Oh!oh!loind’ici…loin…loin…QuelcheminMélisandea-t-elleparcourupourarriverjusque-là?Qu’a-t-ellevécu?D’oùvient-elle?Quefuit-elle?Desguerres,desmassacres,despersécutions?C’estuneexilée.SiMélisanden’estpasunemétaphore,unefemmelégendaireouuneémanationromantique,ellepourraitêtreunedecesfemmes,quenouspourrionscroiseraujourd’hui,quelquepartdanslemonde.

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PolaX,LéosCarax

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L’inconnuQu’arrive-t-il,danscettepièce?Unejeunefemme,exilée,estretrouvéedanslaforêtparGolaud.Ilvas’occuperd’elle,etl’épouser.Puis l’emmener dans le château de son grand-père, le roi Arkël, où elle va tomber amoureuse dePelléas,lepetitfrèredeGolaud.Etréciproquement.Unamourinterdit.Onretrouvelastructureclassiquedutrioamoureux,icidénuéd’enjeuxbourgeois,c’estl’histoired’unamourtragique,loindela«petiteaffairepersonnelle»oudelapetitehistoire.C’estlarencontrededeuxsolitudes,deuxêtresquin’étaientpasvouésàserencontrer.PelléasveutpartirpourrejoindresonamiMarcellus,surlepointdemourir.Sonpèreestaussientraindemourir,alité dans une des pièces du château. Mélisande arrive à ce moment-là, avec son histoire, quepersonneneconnaît.Elleadéjàsouffert,peut-êtredéjàaimé(ilestquestiond’unecouronnequ’unhommeluiauraitdonnée,etdontelleneveutplus).Parquoisont-ilsreliés?Parlamortquilesfrappe,indirectement?Ilyauneconnexionsilencieuseentreeux,commeunsavoirencommun.Latrameestextrêmementsimple,cequifrappen’estpastantl’histoirequel’impressiondetragiquequirôde,commesilespersonnagesn’étaientpasmaîtresdeleurdestin.«Voilà,voilà!...Cen’estplusnousquilevoulons!...Toutestperdu,toutestsauvé!»diraPelléasàMélisande.Commesiuneforceinvisiblefabriquait l’histoire,enveloppait lespersonnages,pours’abattresureux.L’amourdéfenduentrePelléasetMélisande,lajalousiedeGolaudàendevenirfou–ilsurveille,surprend,interdit–tous lesmotifsdudrameamoureuxsontréunis,maiss’effectuentendehorsdetoutepsychologie,commesilesfaitsrenvoyaienttoujoursàquelquechosedeplusvaste.«Ensomme,voicicequejevoudraisfaire»,écritMaeterlincken1898,«METTREDESGENSENSCÈNEDANSDESCIRCONSTANCESORDINAIRESethumainementpossibles(puisqu’onseralongtempsencoreobligéderuser)maislesymettreDEFAÇONQUEparunimperceptibledéplacementdel’angledevisionhabituel,APPARAISSENTCLAIREMENTLEURSRELATIONSAVECL’INCONNU.»Iln’estpasétonnantquePelléasetMélisandeaitinspiréClaudeDebussy,quifîtdelapièceunopéra(aupointd’enfaireoubliersonauteur).Montercetexteappelleàmonsensungestedemiseenscènesemblable à celui de l’opéra, au sens d’un art total, faisant converger le son, la lumière, lascénographie,lavidéo,etlejeud’acteur.UneorchestrationnécessairepourfairesurgircetinconnudontparleMaeterlinck,l’indiciblerenvoyantchacunaumystèredel’existence.

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L’espaceOù sommes-nous, véritablement ? Tout se passe dans un château, reposant sur des eauxmortes,entouréde forêtsoù l’onnevoit jamais le soleil, degrottesoù l’oncroisedesvieillardsendormis,frappés par la famine. C’est un monde en ruine, entouré par la mort. Le château sent la mort,littéralement. On croirait voir un monde dont les fondations sont au bord de craquer. Un lieu àl’abandon,entraindepourrir.Ilsemblequecesoittroptardpourleremettreenordre.Pelléasdirad’ailleurs:«Ilesttroptard!Ilesttroptard!».Lapièces’ouvresurcetteimpuissance:«Nousnepourrons jamais nettoyer tout ceci (…) versez toute l’eau du déluge, vous n’en viendrez jamais àbout…».OnsentbienquechezMaeterlinck,toutestàprendreausenspropre,commeaufiguré.Ilfaut créer un espace en ruine, envahi par les herbes, lieu hostile, abandonné, non pour êtreuniquement dans un réalisme illustrant la pièce, mais pour penser aussi l’espace de façonmétaphorique:unlieuporteurdesrestesd’untempspassé,unpaysageauborddelacatastrophe.ChezMaeterlinck,leslieuxinfluentsurlesétatsd’être,toutcommelalumière,oul’obscurité.L’histoiredePelléasetdeMélisande,jusqu’àsafintragique,s’inscritdanscemonde-là,commesiledestindespersonnagesétaitinséparabledeslieuxdanslesquelsilsévoluent,commesilaNatureenveloppaitleurhistoire,voiremêmelaprédestinait.Ilfautdoncaussi,littéralement,lamatièresurleplateau,pourquelesévénementspuissentadvenir.

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Nostalghia,Tarkovski

MÉLISANDE.–Commeonestseulici…Onn’entendrien.

PELLÉAS.–Ilyatoujoursunsilenceextraordinaire…Onentendraitdormirl’eau…Voulez-vousvousasseoirauborddubassindemarbre?Ilyauntilleulquelesoleilnepénètrejamais…

MÉLISANDE.–Jevaismecouchersurlemarbre.–Jevoudraisvoirlefonddel’eau…

PELLÉAS.–Onnel’ajamaisvu.–Elleestpeut-êtreaussiprofondequelamer.–Onnesaitd’oùellevient.–Ellevientpeut-êtreducentredelaterre…

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Suspense/suspensionLabeautédecetteécrituretientàsasimplicité,etsafaçond’être,ensuspensionpermanente,commepourlaisserlaplaceàcequin’estpasdit,laisserrésonnercequivientd’êtredit.Lecœurdel’écriturede Maeterlinck, c’est l’invisible. Ses points de suspension sont comme des abîmes, ils laissententendre.Cen’estpaslepersonnagequilaisseentendre(nousnesommespasdansuneécrituredusous-entendu), c’est tout lepaysagequechaqueêtreporteen luiquidébordeetsedépliedans lesilence.Cesontlespenséesnonditesquiontsoudainleurviepropre,quicirculententrelesêtres,lescorps,dansl’espace.L’acteurn’apasàprendreenchargelessymboles,simplementlaisserlaplaceàl’invisible,habiterlessilencesparsonpaysageintérieur.Lessituationsdelapiècesonttoutàfaitconcrètes,ellesneflottentpasdansunnuagemétaphoriqueouonirique.Ellessontancréesdanslaréalité.Delamêmemanière,lejeunepeutêtreformel,ilestactuel,concret.Cesontlespenséesquichargentlesmotspourleurdonnerunedimensionsupérieure,commeunau-delà.L’écrituredeMaeterlinckestentrecieletterre.Sielleestincarnéeaveccesens-là,lespectateurnepourraqu’entrer luiaussidanscetteécoute.C’estuneexpériencequi luiestproposée,commeunvoyage, dans le tragiquede la vie.Nonparceque les événements vont s’avérer tragiques eneux-mêmes.Maisparceque,souschaquephrase,sembles’exprimer,àl’insudeceuxquilesdisent,toutelaprofondeurde leurvie, tout le tragiquede l’existence (si l’onveutbien l’entendre, le voirou lesentir).

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Nostalghia,Tarkovski

GOLAUD.–Maisquefont-ils?–Ilfautqu’ilsfassentquelquechose…YNIOLD.–Ilsregardentlalumière.GOLAUD.–Touslesdeux?YNIOLD.–Oui,petit-père.GOLAUD.–Ilsnedisentrien?YNIOLD.–Non,petit-père;ilsnefermentpaslesyeux.GOLAUD.–Ilsnes’approchentpasl’undel’autre?YNIOLD.–Non,petit-père;ilsnebougentpas.GOLAUD.–Ilssontassis?YNIOLD.–Non,petit-père;ilssontdeboutcontrelemur.GOLAUD.–Ilsnefontpasdegestes?–Ilsneseregardentpas?Ilsnefontpasdesignes?...YNIOLD.–Non,petit-père.–Oh!oh!petit-père,ilsnefermentjamaislesyeux…J’aiterriblementpeur…

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LesimagesActetrois,scènecinq.Lepèreetlefilssonttapisdansl’ombre.L’enfantregardeverslechâteau,assissurlesépaulesdesonpère,ildoitdirecequ’ilvoit.Golaudveutsavoir,insiste,Ynioldfaitcequ’ilpeut,avecsesmots.Etnous,spectateurs,quevoyons-nous?Peut-êtrepourrait-ilyavoirunepièceàl’étage,ouverte,oùl’onpourraitvoirPelléasetMélisande,l’un et l’autre debout contre le mur, comme le décrit Yniold. Mais alors, que saisirions-nous,simultanément,au-delàdesmotsdel’enfant?Oubienaucontraire,quenousapprendraitl’enfantetquenousnepourrionsvoir,sicettepièceétaitfermée,ouhors-champ?Etquepeutlacaméradanstout cela, la seule à pouvoir traverser les murs et faire des gros plans. Faut-il filmer l’enfant quiregarde?Faut-ilrévélercequiestcaché?Qu’est-cequifaitsipeur,est-celanaturedusonvenantsoudaindonneràlascèneunedimensioninquiétante?Est-celalumièrequirendlescorpsprésentsetabsentsenmêmetemps?Est-cetoutcelaàlafois?Lapièce,ellipséeenpermanence,nousdonneparfois l’impressionquenoussommesducôtéde lacoulisse.Lesgrandsévénementssontsouventomis,cachés,ououbliés.Ces«trous»dansletempsetlafictionsontcommeuneinvitation-undéfiposé-à lamiseenscène.Quesetrame-t-ildanscesespacesaveugles,entrelesscènes,qu’arrive-t-ilouqu’est-ilarrivé?Sil’écritureestporteused’images,ellenousinviteaussiàdéplierlesnôtres,danslesvides,lessilences,lessuspensions.Lesinterstices.Nonpourlesremplir,maispourélargirlechamp,imaginercequidébordedesfrontièresdutexte,demêmequelessuspensionsdansl’écriturenousrappellentenpermanencequ’ilyaautrechose–unmondeentier–entre lesmots. Lamiseen scène,par l’alternancedu théâtreetdu cinéma (ou sacoexistence)vientalorsrévélercettepartenfouie,ladéterrer,commeunepelotequel’ondéplieraitpourvoirjusqu’oùelleva.

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MargueriteetJulien,ValérieDonzelli