Passages n° 55

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passages LE MAGAZINE CULTUREL DE PRO HELVETIA, NO 55, 1/2011 Sur le canal de Suez : un artiste en quête d’indices | Objets de design : voyage au cœur de la créativité humaine | Expérimentations musicales : face à face entre chercheurs et bidouilleurs Créativité et confrontation Les échanges culturels autour du monde

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magazine culturel

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passages

Le magazine cuLtureL de Pro HeLvetia, no 55, 1/2011

Sur le canal de Suez: un artiste en quête d’indices | Objets de design: voyage au cœur de la créativité humaine | Expérimentations musicales: face à face entre

chercheurs et bidouilleurs

Créativité et confrontationLes échanges culturels autour du monde

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Notre dossier est illustré de photographies réalisées par Lorena Fernandez, à l’occasion de Ciudades Paralelas, un projet théâtral suisse et argentin.

6 Mettre en scène la vraie vie Le projet théâtral Ciudades Paralelas transforme

les espaces publics en théâtre d’un art de l’action. Coup d’œil à Buenos Aires.

par Karen Naundorf

10 L’Autre comme miroir de soi La Biennale de Venise est un bazar de l’échange culturel

international. par Beat Wyss

14 Parler bernois à Pune Le bureau de liaison de Pro Helvetia à New Delhi est

comme un îlot dans la polyphonie déchaînée de l’Inde. par Bernhard Imhasly

16 De San Francisco à Shanghai : Les permanences de Pro Helvetia

18 Sur un pied d’égalité ? Les échanges Nord–Sud Les collaborations avec l’Afrique entre néocolonialisme et

responsabilisation. par Joseph Gaylard

24 Un mal du pays paradoxal Des artistes de Suisse et de Chine parlent de leurs

illusions, de leurs irritations et d’impulsions créatrices par David Signer

28 HEURE LOCALE Le Caire : Tel un mirage du passé par Lilo Weber

30 Rome : Voyage au cœur de la créativité humaine

par Eva Clausen

32 REPORTAGE

Mécanique des corps sonores par Benoît Perrier (texte) et Isabelle Meister (photos)

36 ACTUALITÉS PRO HELVETIA Encouragement national à la

culture et mainstream / Un réseau pour la médiation de

l’art / La littérature en tournée en Europe centrale et orientale /

Une vitrine pour la culture suisse

38 PARTENAIRE Traduki par Christine Lötscher

39 CARTE BLANCHE Le journalisme culturel de demain par Ruedi Widmer

40 GALERIE Une plate-forme pour les artistes Papierbaum par Herbert Weber

43 IMPRESSUM PASSAGES EN LIGNE A SUIVRE ENQUÊTE DE LECTEURS :

PARTICIPEZ !

4 – 27 DOSSIER

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Sommaire

Créativité et confrontation : les échanges culturelsautour du monde

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La politique culturelle se joue d’abord à l’intérieur d’un pays et a peu d’emprise directe sur les échanges internationaux, tant les facteurs d’in­fluence sont nombreux et divers. Et pourtant, tous les pays européens et un nombre croissant de pays asiatiques encouragent ces échanges. Qui plus est, ils recourent aux mêmes instruments, parmi lesquels le soutien de projets artistiques individuels, d’expositions et de présentations, les festivals internationaux et même la création de centres culturels.

Leurs motivations diffèrent néanmoins considérablement. Les uns s’en servent pour peaufiner leur image, les autres pour huiler les rouages de la politique ou s’attirer les sympathies, d’autres encore recouvrent leurs visées économiques d’un voile artistique, enfin certains souhaitent donner à leurs artistes la possibilité de faire de nouvelles expériences, qu’ils feront connaître de retour chez eux.

La plupart des pays invoquent tous ces motifs à la fois, un cocktail qui dépend de la conjoncture politique. Et la Suisse ? Après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’Europe était réduite en cendres, la mission de Pro Helvetia était de « promouvoir l’image du pays ». Bien sûr, à l’époque, le terme de « promotion » n’avait rien à voir avec le marketing, il désignait plutôt la force de persuasion attribuée à certains contenus culturels que la Suisse était censée diffuser dans le monde entier – avec le soutien fi­nancier et logistique de la Fondation. Partant de ces prémices, Pro Hel­vetia a développé en l’espace de 50 ans sa mission actuelle : concilier la curiosité des institutions culturelles étrangères et le désir d’échanges et de formation des artistes suisses, indépendamment du climat et des orages politiques ou économiques. Ce genre d’activités à l’étranger ne recherche ni les grands effets médiatiques ni les grandioses mises en scène politiques, mais a pour but d’établir des relations durables. Nous investissons dans les relations les moyens financiers que la Confédération met à notre disposition ; les relations sont en effet une forme de capital qui croît d’elle­même une fois que les fondements en ont été jetés. C’est une stratégie des petits pas aux multiples facettes, un défi pour l’ensemble des participants. Elle façonne l’image d’une Suisse exigeante, attentive aux contenus, soucieuse de la qualité et désireuse de surprendre. Une base solide parce qu’elle plonge dans le cœur des gens.

Passages montre quels principes président à sa conception. Et com­ment les autres développent la leur. En avant pour un tour du monde !

Pius KnüselDirecteur de Pro Helvetia

Des bases solides

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4Travail culTurel inTernaTional

« Ce n’est qu’au moment où tu t’exposes à une société différente que tu te trouves vraiment

confrontée à tes propres racines culturelles », dit une artiste suisse en parlant de son expérience en Chine.

Les échanges culturels par-delà les frontières et les continents dessillent les yeux à la fois sur ce

qui est différent de soi et sur ce qui est constitutif de soi. Voyez comment les artistes suisses trouvent

leur public en Inde, comment les échanges culturels peuvent se dérouler sur un pied d’égalité en

Afrique et pourquoi la biennale de Venise est le miroir de rencontres interculturelles.

Activités culturelles internationales

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5Travail culTurel inTernaTional

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6Activ ités culturelles internAtionAles

l se passe de curieuses choses à Buenos Aires. Dans un centre commercial, les passants marchent soudain à recu­lons. Les habitants d’un immeuble, observés depuis le trot­toir d’en face, allument la lumière pour que les voyeurs les voient mieux. Comme s’ils étaient téléguidés, des usagers

de la salle de lecture de la bibliothèque nationale feuillettent simul­tanément des livres dont bien des pages sont blanches. Dans un hôtel, des femmes de chambre racontent des détails intimes de leur vie, et la direction ne trouve rien à redire. Un aveugle guide des voyants par une échelle sur un toit plat d’où il leur montre la ville.

On dirait une conjuration. Comme si un petit groupe de por-teños – c’est le nom des habi­tants de Buenos Aires – s’était mis d’accord pour ignorer les codes tacites qui d’habitude dictent leur comportement. Derrière ces actions, il y a les metteurs en scène Lola Arias, d’Argentine, et Stefan Kaegi, de Suisse. Ils sont les curateurs de Ciudades Paralelas (villes parallèles), un des projets ma­jeurs du programme de Pro Helvetia Chili & Argentine. Ces curateurs et six autres artistes venus d’Argentine, d’Alle­magne, de Suisse et d’Angle­terre ont imaginé des perfor­mances qui transforment en scène de théâtre des lieux fonctionnels comme il en existe dans toutes les grandes villes : tribunaux, centres commer­ciaux, immeubles, biblio­thèques, gares, toits. Le spec­tateur est invité à percevoir autrement et individuellement ces espaces publics, construits pour le grand nombre. Et pen­dant le déroulement des actions se pose sans cesse la question : quelle est la part de vie réelle, quelle est celle de la mise en scène ?

« Travailler en Amérique du Sud, c’est faire preuve de patience »

« Plutôt que de déplacer des décors et des acteurs sur un autre continent, ce qui coûte cher, nous emmenons des idées et tra­vaillons sur place avec des producteurs locaux », explique Stefan Kaegi. « J’ai souvent présenté des pièces adaptées au contexte local par la projection de sous­titres sur un écran », dit Lola Arias, qui habite Berlin et Buenos Aires. « Avec Ciudades Paralelas, nous cherchons autre chose : des performances dans des espaces comme il y en a partout, mais qui s’adaptent au contexte et aux usages locaux. Aucune pièce ne s’est déroulée de la même façon en Alle­magne et en Argentine. »

Lors de la première édition du festival à Berlin, en septembre 2010, les curateurs ont pu compter sur le soutien du théâtre

Hebbel am Ufer (HAU) et donc s’appuyer sur un cadre institution­nel. Quelques mois plus tard, à Buenos Aires, ils sont livrés à eux­mêmes, et les producteurs locaux aussi. « Travailler en Amérique du Sud, c’est faire preuve de patience. Il faut approcher les gens avec gentillesse », dit Kaegi, qui a déjà travaillé plusieurs fois en Argentine. « ‹ Oui › ne veut pas forcément dire que c’est bon », a soufflé Lola Arias à l’oreille des metteurs en scène européens en guise de viatique, « et ‹ non › ne signifie pas que cela ne mar­chera pas. »

Peut­être est­ce par peur des agressions ou par manque gé­néral d’argent que l’espace public est rarement utilisé pour des

interventions comme Ciudades Paralelas en Argentine. Mais le public de Buenos Aires a ac­cueilli le festival avec autant d’enthousiasme que celui de Berlin. Les billets sont partis très vite.

Un psychiatre et un garde du corps : les habitants d’un immeuble racontent

Stefan Kaegi a dû déménager pour trouver une maison où jouer Prime Time, une perfor­mance de l’homme de théâtre suisse Dominic Huber. « Les Ar­gentins sont des gens très ou­verts, mais là ils se méfiaient », dit­il. « Il fallait que tous les habitants de la maison soient disposés à raconter leur histoire et à montrer leur salon. » En dé­but de soirée, à l’heure de plus grande écoute, l’immeuble de­vient la vitrine d’entités sociales. Invités au voyeurisme, les spec­tateurs se postent en face de l’immeuble, de l’autre côté de la

rue, observent les gens chez eux et entendent leurs voix dans des casques. Ce qui se dit dans cette pièce, c’est la vie réelle. « Je n’au­rais jamais pensé que je dépenserais de l’argent pour reluquer les autres », chuchote une femme dans le public. Guillermo habite au premier étage, à droite. Il arrose les plantes de son balcon avec amour. Il a l’air doux, du moins au premier abord. Puis il parle de son métier de garde du corps qui doit récupérer l’argent prêté par un joueur de poker : « Je préfère le dialogue plutôt que la carabine, et j’arrive à de bons résultats dans 70 à 80 pour cent des cas. » Son voisin de gauche, un musicien asiatique, gratifie tous les jours les habitants de la maison de son bandonéon. Une fois, le son entêtant et sentimental de l’instrument a failli rendre fou le psychiatre du rez­de­chaussée. Les spectateurs sont au courant de ce conflit quand le psychiatre raconte sa version de l’histoire, sa cohabitation harmonieuse avec tous ses voisins. Pas un mot de la police que le psychiatre a appelée pour intimider le joueur de bandonéon.

Mettre en scène la

vraie vie Le projet théâtral Ciudades Paralelas

invite à un voyage aventureux dans les mondes parallèles de plusieurs métropoles.

Bibliothèques, gares et immeubles d’habitation deviennent le théâtre d’un art

de l’action. Ils procurent à qui les fréquente, à Berlin, Buenos Aires, Varsovie et

Zurich, une nouvelle perception de la ville. Coup d’œil à Buenos Aires.

par Karen Naundorf

« Oui » ne veut pas forcément dire que c’est bon, a soufflé Lola Arias à l’oreille des metteurs en scène européens en guise de viatique, et « non » ne signifie pas que cela ne marchera pas.

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7Activ ités culturelles internAtionAles

« Comparé à Berlin, le festival en Argentine était très excitant », dit Stefan Kaegi. « Nous nous attendions sans cesse à ce que quelque chose aille de travers. Mais nous avons toujours trouvé une solu­tion. » Au tribunal, Kaegi a dû déployer des trésors de diplomatie : lors de la répétition générale, des juges ont voulu annuler la repré­sentation. Qu’un chœur Renaissance chante des airs pieux dans un bâtiment soumis aux lois temporelles dans Im Namen des Volkes (Au nom du peuple) de Christian Garcia, ne les gênait pas. Ce qui les dérangeait, c’est que l’on lise des jugements explosifs, prononcés sous ce même toit. « Ces textes sont disponibles sur In­ternet, les membres du chœur les récitaient en version originale », dit Kaegi. « Mais tout à coup, on nous a fait savoir qu’au tribunal, ils ne pouvaient être lus que par les juges eux­mêmes. » La pièce

de Garcia traite de sujets épineux : les enlèvements d’enfants sous la dernière dictature militaire, la déforestation illégale dans l’Ar­gentine d’aujourd’hui. Si la pièce a pu être jouée, c’est parce que Garcia a changé tous les noms, y compris celui du maire de Bue­nos Aires.

Dans la pièce d’Ant Hampton et Tim Etchells, The Quiet Volume, deux visiteurs sont assis côte à côte dans la salle de lec­ture d’une bibliothèque. Pendant près d’une heure, une voix leur chuchote des instructions dans un casque. Ils lisent, feuillettent, ou prêtent l’oreille au bruissement du silence ambiant. La pièce se déroule dans leur tête, les autres usagers de la bibliothèque n’en perçoivent rien. Les participants sont à la fois acteurs et specta­teurs. Une pièce facile à monter du point de vue logistique, à ce qu’il semble : un MP3, des livres, et c’est tout. Mais dans la salle de lecture de la Bibliothèque nationale de Buenos Aires les livres ne sont pas autorisés, seulement les photocopies. Il a fallu une auto­risation spéciale pour que Hampton et Etchells puissent inter venir comme prévu.

En visite chez les fantômes d’un hôtel

Contrairement au site specific theatre, ce festival est spécifique à la situation, explique Stefan Kaegi. « Nous intégrons le contexte local à nos pièces », à Zimmermädchen (Femmes de chambres) de Lola Arias, par exemple. Quand on pénètre dans un hôtel par la porte de verre du rez­de­chaussée, on a affaire à des codes qui se ressemblent dans le monde entier. « Mais quand on passe la nuit à l’hôtel Ibis de Buenos Aires, on traverse d’abord la Plaza del Congreso et l’on est toujours mis au courant de ce qui fâche les Argentins », explique Arias, alors que des enseignants revendiquent une augmentation, dehors, sur la place. « Dans la pièce, les femmes de chambre parlent des manifestations. » Arias se demande qui sont ces fantômes qui rangent nos chambres sans que nous les voyions jamais. « Au début, les femmes de chambre ne compre­naient pas ce que leur vie pouvait présenter d’intéressant, mais en­

suite, elles ont joué le jeu avec enthousiasme. » Ces femmes net­toient cinq chambres par heure. Le public en visite cinq au même rythme. Dans chacune d’elles, une employée parle de sa vie.

Patricia a emmené ses plantes avec elle. On apprend par haut­parleur que ses enfants vivent à plusieurs centaines de kilomètres de là, chez leurs grands­parents. Elle ne les a pas vus depuis deux ans, elle est venue à Buenos Aires pour gagner des sous. Cecilia parle des préservatifs usagés qu’elle trouve dans les chambres. La négligence des clients l’énerve, elle a déjà songé à vendre la se­mence. Iris n’a laissé qu’une lettre à lire. La direction lui a signifié son congé peu avant le début du festival. À 22 ans, cette jeune femme avait des problèmes de dos si graves qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler dans des conditions aussi dures.

Les chambres se visitent seul. Il faut attendre la sonnerie du téléphone pour pé­nétrer dans la suivante. Dans la dernière, c’est la surprise : le visiteur se trouve face à face avec une des femmes dont il vient d’entendre l’histoire. « Como estás ? », de­mande­t­elle en souriant timidement. D’objets d’observation, les installations de

Lola Arias deviennent le sujet d’une conversation. Les curateurs se préparent à transposer à Zurich le concept de Ciudades Parale-las. « Suivant la pièce, ce ne sera pas facile », dit Kaegi. Ainsi Chris­tian Garcia est parti de l’idée que les tribunaux étaient des cathé­drales du pouvoir ; le chant choral traditionnel convient en principe à une institution plus ou moins séculière, qui comme l’Église, dé­cide du bien et du mal. « Les tribunaux sont souvent des édifices imposants, on se sent un peu comme un criminel quand on y pé­nètre », dit Stefan Kaegi, « mais à Zurich, ils ressemblent à des bâ­timents scolaires, et quand on assiste à une audience, on a l’im­pression de se retrouver à table avec un père de famille qui veut résoudre un problème. » Lola Arias se réjouit de ces prochaines étapes : « Ce qu’il y a d’intéressant quand on reprend un projet ail­leurs, c’est qu’il faut le recontextualiser, et ce processus vous fait comprendre beaucoup de choses sur la ville en question. » Les curateurs gardent un excellent souvenir du festival en Argentine. « C’était bien de voir comment le public s’est approprié ce festival », raconte­t­elle. « Au centre commercial, quand les protagonistes qui avaient des écouteurs sur la tête ont été invités à danser, tout le monde s’y est mis. Et quand un agent de la sécurité a voulu em­pêcher un quidam de le faire, celui­ci a rétorqué : ‹ Pourquoi ? je ne fais rien d’interdit ! › » Et Stefan Kaegi d’ajouter : « Les gens ont réa­lisé pour la première fois que l’espace public n’était pas forcément sale, bruyant et dangereux, mais qu’il pouvait devenir spectacu­laire et méritait d’être découvert. »

« Oui » ne veut pas forcément dire que c’est bon, a soufflé Lola Arias à l’oreille des metteurs en scène européens en guise de viatique, et « non » ne signifie pas que cela ne marchera pas. ”“

Ciudades Paralelas est une performance à laquelle on peut assister à Varsovie du 26 mai au 3 juin, et du 23 juin au 3 juillet à Zurich (www.ciudadesparalelas.com et www.prohelvetia.ch).

Karen Naundorf est correspondante du réseau reporters du monde et travaille en Amérique du Sud pour des médias de langue allemande.

Traduit de l’allemand par Ursula Gaillard

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échange culturel est souvent conçu comme un com-merce diplomatique entre deux états, dans lequel l’État-hôte joue le rôle actif. Les Goethe-Institute, la United States Information Agency, les Instituts fran-çais et les Instituts suisses sont des organismes qui

dans le monde entier font de la réclame pour l’ouverture au monde, mais aussi pour l’(auto-)compréhension de l’État-hôte.

Mais il existe également une plate-forme d’échange culturel international qui, tout au long de ses 116 ans d’existence, a pris les dimensions d’une institution globale : la Biennale de Venise, qui connaît cette année sa 54e édition. Cette exposition d’art internationale se distingue des formes habituelles de la di plomatie culturelle en ceci que l’échange y a lieu de ma-nière à la fois interactive et multilatérale. L’institution-hôte se contente du rôle de modératrice d’une « jam-ses-sion » culturelle. Il ne s’agit pas, à la Biennale de Venise, d’« encouragement » paterna-liste à la culture, mais d’un discours égalitaire entre des partenaires et des positions d’égale valeur. En plaçant l’ex-position sous la devise des IL-LUMInations, c’est ce genre d’échange transnational égali-taire qu’espère favoriser Bice Curiger, la commissaire suisse de la Biennale de cette année. C’est ainsi qu’elle rompt une lance en faveur du bon vieux système des pavillons, dans les Giardini de Venise. Mais cette plate-forme a la réputation d’être rétrograde. Parmi les commissaires d’exposition, un lieu commun s’est imposé, selon lequel le « national », dans l’art contemporain, ne joue presque plus aucun rôle.

L’exposition universelle, un laboratoire

En fait, les pavillons nationaux sont un vestige des expositions universelles du XIXe siècle. Le concept a trouvé son apothéose à l’Exposition Universelle de Paris en 1889, lorsque Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra de Paris, étala aux pieds de la tour Eiffel une histoire mondiale des habitations humaines, sous forme de constructions modèles. Les pavillons de la Biennale de Venise suivent cette idée fixe d’ordonner l’architecture selon des caracté-ristiques nationales. Tandis que le colonialisme de la vieille Europe tendait à son fatal apogée et s’était alors efforcé de classifier de ma-nière ethnographiquement exacte les particularités culturelles du monde entier, apparaissaient dans le même temps des approches philosophiques qui préparaient la pensée postcoloniale. L’année de

l’Exposition universelle de 1889, Henri Bergson, âgé de trente ans, publiait son Essai sur les données immédiates de la conscience. Le temps était mûr pour l’idée de se représenter le monde comme une expérience sensorimotrice dans laquelle le mouvement prend les commandes, tandis que l’espace et le temps, en tant que caté-gories d’une mesure abstraite, perdent de leur importance. L’Expo parisienne de 1889 a rétréci l’univers, en le concentrant sur l’es-pace qui sépare le Trocadéro du Champ de Mars. Ce n’était pas l’im-mensité de la planète qu’on voulait rendre accessible à l’expérience, mais sa diversité, sous une forme ramassée1.

C’est alors qu’est entrée en jeu, pour parler comme Hegel, une « ruse de la rai-son » postcoloniale. L’Exposi-tion universelle représenta le laboratoire d’un franchisse-ment progressif et souterrain des frontières entre une haute culture autoproclamée et le primitivisme. Certes, le spec-tacle était organisé comme une démonstration des réus-sites de la puissance coloniale française qui, à côté des conquêtes du progrès tech-nique, présentait en guise de contraste les sujets colonisés en train de piler le maïs, de sculpter le bois ou de s’adon-ner à leurs danses. Mais à l’opposé d’une théorie qui distingue de manière plutôt statique entre oppresseurs et opprimés, il vaut la peine de constater comment la culture des États coloniaux euro-péens s’est elle aussi soumise à une créolisation progres-

sive. L’occidentalisation du monde provoque en même temps une orientalisation de l’Occident. Dans ce contexte, on doit parler de stade du miroir culturel. Le « stade du miroir » selon Jacques La-can décrit la perception de soi par un bambin de six à dix-huit mois, qui s’identifie à l’image d’un vis-à-vis. Dans le stade du miroir, cet alter ego, ainsi découvert, devient le premier Moi idéal auquel il s’identifie narcissiquement2. Or cette idée peut être reportée du processus individuel au processus collectif de l’identité culturelle. La rencontre interculturelle est un miroir qui vient placer mon monde intérieur dans le contexte du monde qui m’environne.

Dans son essai de 1889, Bergson a développé l’idée d’un Moi dédoublé lorsqu’il parle d’une double perception du monde. Il y a d’un côté la « durée » vécue de l’intérieur et de l’autre côté l’expé-rience que je fais de moi-même comme corps dans l’espace, reflété par mon environnement, par les autres. « Ainsi se forme un second moi qui recouvre le premier »3. Le « même » devient un « autre ». Cette métamorphose a lieu dès lors que je me perçois comme

L’Autre comme miroir

de soiLa Biennale de Venise, qui ouvrira en juin,

est un bazar de l’échange culturel international. L’historien d’art Beat Wyss défend le

concept de pavillons nationaux, que beaucoup de commissaires d’exposition tiennent pour

rétrograde : des esthétiques diverses y trouvent la possibilité de s’y présenter. En outre, ces

pavillons font de la Biennale une plate-forme pour le « stade du miroir » du monde culturel.

par Beat Wyss

La rencontre interculturelle est un miroir qui vient placer mon monde intérieur dans le contexte du monde qui m’environne.

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quelqu’un qui se meut dans l’espace, environné par d’autres per-sonnes. Bergson cultive ainsi une idée dont son contemporain Arthur Rimbaud, dans sa seconde « Lettre du voyant », devait faire le mot d’ordre de la critique du sujet : « Je est un autre ».

L’art, objet négociable

La Biennale de Venise a deux précurseurs institutionnels : le Salon parisien, ce théâtre de la rivalité publique entre art et critique, et l’Exposition universelle, cet étalage international des réussites de l’industrie, des arts et des métiers. Tandis que les bâtiments des foires étaient en général démantelés après la manifestation, le ter-rain d’exposition de Venise est demeuré comme le fossile d’une idée de compétition héritée du XIXe siècle. Les expositions d’art contem-porain dans les Giardini ont donc lieu dans un champ de fouilles ar-

chéologiques de la modernité. Dans des conditions postcoloniales et postnationales, les pavillons nationaux interagissent en tant qu’éventaires d’(auto)affirmations esthétiques, en un concours ou-vert. Ils sont une galerie des glaces des différentes régions du monde, telles qu’elles veulent être perçues par leurs vis-à-vis. Ils offrent ainsi une plate-forme, une manière de scène où se joue, à l’échelle du monde, le stade du miroir culturel. La structure de bazar de la Bien-nale de Venise fait expérimenter la valeur de l’art comme celle d’un pur objet d’échange, parallèle à ce moyen d’échange qu’est l’argent. L’art est un objet négociable. Il ne devient art qu’après être devenu marchandise, au sens économique et communicationnel du mot : un bien commercialisable, en libre circulation sur le marché, et qu’évalue un discours public libre de censure.

« Global Art » : une culture mondiale ethnographiquement colonisée

Une histoire de l’art transculturelle devrait enfin rompre avec l’ha-bitude de qualifier d’« œuvre d’art » tout artefact de fabrication ar-tisanale. Une étymologie historique approfondie du mot « art » se-rait de toute nécessité. Même en Occident, le mot d’« art », dans son usage actuel, n’est apparu qu’autour de 1800, dans l’esprit du Romantisme. Beaucoup de langues de ce monde ne connaissaient pas l’expression avant qu’elle n’ait été importée par des ethno-graphes et des archéologues. Ces derniers ont transformé en « œuvres d’art » des artefacts issus des colonies, en les faisant par-venir aux collectionneurs occidentaux, par le biais du commerce d’art. Au lieu de globaliser hâtivement le mot et la notion d’art, une nouvelle histoire de l’art devrait s’attacher à mener des études comparatives sur les différentes pratiques de visualisation des mes-sages religieux, sociaux et ornementaux, tels que les véhiculent des objets travaillés par les hommes.

Le discours du « Global Art » reste prisonnier d’une phénomé-nologie naïve, qui croit reconnaître la condition transcendantale de l’art dans la simple possibilité d’une expérience sensorielle. Le corps humain est alors présenté comme une constante anthropologique,

une sorte d’universel anhistorique de la créativité humaine. En réa-lité, les cultures du monde ont donné forme à des traditions tout à fait divergentes, où la perception corporelle est transcrite selon des codes moraux et éthiques fort divers. L’expérience de l’art offre une épreuve directe, tel un « papier tournesol », de la manière dont la communication visuelle est inconsciemment réglée par des habi-tudes et des tabous régionaux. Le système contemporain de l’art est le résultat d’une sécularisation. Il a dans ses bagages la philosophie esthétique du XVIIIe siècle, l’histoire de l’art occidentale du XIXe et le travail du deuil de l’analyse postcoloniale du XXe.

Il s’agit de distinguer entre un regard ethnologique et un re-gard historique sur les artefacts : l’ethnologie classifie l’Autre, tandis que dans l’histoire, c’est le Même qui s’inscrit. L’acte histo-riographique consiste en une sub-jectivisation du passé, au-

jourd’hui découvert comme ce qui nous est propre, comme « mon héritage culturel ». L’acte ethnographique, en revanche, définit l’Autre sur le mode d’une observation qui s’attarde sur la tache aveugle de la percep-tion critique de soi. C’est de ce point de vue

que l’on considère le « Global Art » : en fonction d’une histoire de l’art qui a l’ambition de coloniser ethnographiquement la culture mondiale.

À l’encontre d’une conception anhistorique de « l’art univer-sel », l’art repose sur des conquêtes sociales que je nommerai les Quatre vertus du système de l’art : l’attention à l’individu ; la valo-risation sociale du travail ; des pratiques ouvertes d’échange et de commerce ; la liberté d’exprimer publiquement son opinion.

S’il manque une seule de ces quatre qualités, l’art est en dan-ger, ou devient même impossible. Ces conquêtes ont été dévelop-pées au cours des siècles par la philosophie de l’humanisme, et par le biais d’une éthique citoyenne-économique, mère de la démo-cratie constitutionnelle et des mouvements de libération dans les colonies. Les Quatre vertus représentent, pour emprunter un concept à Michel Foucault, l’a priori historique de l’art.

Le système de l’art s’épanouit sur le terreau des Lumières, dont la 54e Biennale invoque l’esprit dans son titre : ILLUMIna-tions. Le bazar de Venise pratique l’échange culturel sur un mar-ché dont la denrée discursive s’appelle l’art, objet négociable. Et selon des perspectives régionales extrêmement diverses, on y mar-chande à l’échelle du monde la tolérance et les droits de l’homme, tels qu’ils figurent en petites lettres dans le contrat des Lumières.

La rencontre interculturelle est un miroir qui vient placer mon monde intérieur dans le contexte du monde qui m’environne. ”“

Beat Wyss est professeur d’histoire de l’art et de théorie des médias à la Staatliche Hochschule für Gestaltung de Karlsruhe. Professional Fellow à l’Institut suisse pour l’histoire de l’art, il dirige depuis 2008 un projet de recherche sur l’histoire de la Biennale de Venise. 1 Cf. à ce sujet Beat Wyss, Bilder von der Globalisierung. Die Weltausstellung von Paris 1889, Berlin : Insel, 2010. L’essai de Bergson sera désormais cité dans l’édition des Presses Universitaires de France, Paris 1927 (rééd. Paris, coll. Quadrige, 2005). 2 Cf. Jacques Lacan : « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique », in Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 93–100. 3 Cf. H. Bergson, op. cit., p. 103. Traduit de l’allemand par Étienne Barilier

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e jour-là, le bureau Pro Helvetia ressemble pour moi-tié à un hôpital de campagne, pour l’autre à un jardin d’enfants. L’artiste Jason Kahn est en visite, et avec lui sa femme et trois enfants : l’un par terre avec du papier et des crayons, le plus jeune dans les bras de la colla-

boratrice de Pro Helvetia Sadaf Raza. Puneet Kumar, chauffeur et homme à tout faire, prépare du thé pour les visiteurs et l’équipe de quatre femmes autour de Chandrika Grover, qui dirige le bureau local de Pro Helvetia à New Delhi depuis sa création il y a cinq ans.

Elle vient à ma rencontre en boitant, blessée au pied par une morsure de chien, et je me demande comment elle a pu parvenir au deuxième étage de l’immeuble. Son malheur est indirectement lié aux objets d’arts de Jason Kahn : lors de la récente Fête de Diwali, un pétard a explosé avec une telle force devant sa maison que non seulement le pare-brise de sa voiture a éclaté, mais que son propre chien, ayant apparemment perdu ses esprits, s’est mis à courir dans tous les sens pour fi-nalement s’accrocher à la jambe de sa maîtresse.

Pendant sa résidence artistique à Delhi, Jason Kahn s’est enquis auprès des ha bitants de la capitale de leurs bruits et sons préférés, les a enregistrés puis instal-lés de sorte à créer un espace sonore. Le Crafts Museum présente simultanément une autre de ses installa-tions acoustiques ; le visi-teur du musée, qui vient d’échapper au trafic, ne réa-lise pas tout de suite que le bourdonnement au-dessus de sa tête provient de 50 pe-tits transistors. Le bruit envahissant de la ville et la présence mas-sive des sculptures en bois le rendent dans un premier temps sourd à un nouvel espace, plus silencieux – jusqu’à ce qu’il lève les yeux et prenne conscience de la discrète installation, qui d’ailleurs s’in-titule In the Air.

Un accompagnement sur la durée

C’est aussi comme un îlot dans la polyphonie déchaînée d’une Inde comptant un milliard d’habitants que se positionne le bureau de liaison de Pro Helvetia. L’ouverture de l’antenne, il y a cinq ans à New Delhi, a correspondu au sommet de la vague économique qui a déferlé sur le pays. Au cours des vingt dernières années, on a as-sisté au développement d’une nouvelle classe moyenne, urbaine, née des cendres d’une politique de sujétion à l’État poursuivie pen-dant des décennies et où la pauvreté était quasiment prescrite ; cette classe compte aujourd’hui 300 à 400 millions de personnes, qui recherchent les abondants plaisirs de la consommation avec

d’autant moins de retenue et plus de bruit que la privation a été longue. Peut-on alors les sensibiliser aux offres discrètes de la ré-flexion culturelle, et ce à travers le prisme d’un petit pays au cœur de l’Europe ? « Nous devons bien évidemment nous restreindre », dit Chandrika Grover avec une modestie presque helvétique. « La Suisse est un petit pays, et son rayonnement international n’est pas orienté vers la consommation ni le goût des masses, d’un point de vue économique non plus. En outre, le budget limité nous a d’emblée dicté une stratégie sélective, qu’il s’agisse de l’offre cultu-relle ou des groupes-cibles. »

Ce qui ne signifie pas pour autant, souligne-t-elle, qu’on ne veuille s’adresser qu’à un petit public dans les grandes villes, an-glophone et culturellement globalisé. Pour échapper à une ghet-toïsation élitaire, le Swiss Arts Council en Inde a donc dès le début

misé non pas sur des pro-positions toutes prêtes mais sur des producteurs et des médiateurs. « Je considère avoir rempli mon mandat lorsque je peux offrir une plate-forme à des artistes suisses, qui leur permette de se frotter à l’Inde sous tous ses aspects. » L’accent ne porte donc pas sur des ma-nifestations représentatives, mais sur la présence phy-sique des artistes (souvent combinée à une bourse de séjour), qui élaborent une production théâtrale par exemple, une performance musicale ou encore une ins-tallation plastique. En se-cond lieu, Chandrika Grover souhaite faire de même pour des créateurs culturels indiens, qu’ils travaillent

avec des artistes suisses pour un projet sur place ou qu’ils apprennent à connaître la Suisse de plus près par le biais de rési-dences.

Le résultat est probant. D’une douzaine de projets annuels au départ, on a passé à une trentaine, et l’éventail des formes d’expres-sion culturelle a atteint une dimension très respectable. On a com-mencé en 2007 de manière plutôt retenue, avec de traditionnels « succès à l’exportation » tels que Hugo Loetscher, Paul Giger et Pierre Favre, avec du cinéma bollywoodien à Berne, de la musique de chambre, l’icône corbusienne Chandigarh ou encore des expo-sitions sur les classiques du design suisse. Mais déjà le concert com-mun des percussionnistes Lucas Niggli et Karthik Mani ouvrait la voie à une collaboration musicale qui, au cours des années sui-vantes, allait porter d’autres fruits. Il en va de même pour l’homme de théâtre Denis Maillefer et le dessinateur de B. D. Andrea Caprez. Avec ces trois artistes s’est développée une stratégie qui souhaite accompagner les coopérations artistiques sur la durée, en intégrant

Parler bernois à Pune

Il y a cinq ans, Pro Helvetia ouvrait une antenne à New Delhi. Après des premiers échanges

traditionnellement axés sur le prestige, elle a tissé un dense réseau de partenariats et mis

sur pied de nombreuses collaborations artistiques. Témoignant d’un goût pour l’expérimentation

et le risque, le bureau de New Delhi a acquis un profil affirmé.

par Bernard Imhasly

C

Pour échapper à une ghettoïsation élitaire, le Swiss Arts Council en Inde a donc dès le début misé non pas sur des propositions toutes prêtes mais sur des producteurs et des médiateurs.

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éventuellement d’autres partenaires jusque dans des pays tiers comme l’Afrique du Sud et la Pologne, où Pro Helvetia est égale-ment présente. Dans le cas de Caprez, un livre a même été publié, When Kulbushan met Stöckli, qui a fait de bonnes critiques dans les deux pays. « Ce qui, rétrospectivement, me réjouit le plus », dit Grover, « ce sont ces connexions d’où émerge tout à coup un ré-seau, avec des liens nouveaux et surprenants entre artistes de pays différents, entre les bureaux Pro Helvetia, entre des festivals. »

Une image surprenante de la Suisse

Dans l’intervalle, le bureau de New Dehli a gagné en profil grâce aussi à son goût du contact, de l’essai et du risque. Heiko Sievers, directeur des Goethe-Institute en Asie du Sud, reconnaît à l’insti-tution helvétique le mérite d’avoir créé « une image surprenante de la Suisse pour de nombreux Indiens » faite d’ouverture, d’esprit critique, de plaisir au dialogue et à l’expérimentation. Si le Swiss Arts Council à Delhi a réussi à atteindre cela, selon Sievers, c’est aussi parce qu’il n’est pas perçu comme une dépendance de l’am-bassade (au contraire peut-être de l’Alliance Française et du Bri-tish Council). Il contribue ainsi indirectement à la public diplo-macy pour la Suisse, bien que, ou justement parce qu’il ne brandit pas le drapeau suisse avec ostentation. Et en effet, il n’y a pratique-ment pas de concertation sur le fond entre le bureau Pro Helvetia et l’Ambassade suisse.

Les jugements positifs émanent aussi d’autres acteurs cultu-rels en Inde. Meera Menezes, journaliste d’art et curatrice, est d’avis que le bureau Pro Helvetia, en cinq ans, s’est placé directe-ment derrière les grands instituts culturels étrangers. Cela vaut en particulier pour le domaine des arts plastiques, où l’on a trouvé un

bon équilibre entre le soutien peu spectaculaire à des artistes indi-viduels et des initiatives au profil plus public. Au nombre de celles-ci, l’engagement dans le Indian Art Summit et le co-sponsoring du Prix Skoda, en passe de devenir une jauge importante du talent de jeunes créateurs. L’artiste Archana Hande apprécie quant à elle la forme ouverte et peu structurée des résidences (« on ne vous presse pas d’être productif »), mais y trouve néanmoins des limites quand on est pour une bonne part livré à soi-même, comme ce fut son cas en Suisse.

Une collaboration avec le Goethe-Institut, l’Alliance Française et le British Council

Que le Swiss Arts Council en Inde soit cité en même temps que ses grands voisins européens, il le doit aussi en partie à ces derniers. Pratiquement chacune de la centaine d’interventions au cours des cinq dernières années s’est déroulée sous forme de coopération – avec des partenaires indiens (la plupart du temps sans leur parti-cipation financière) et avec d’autres instituts étrangers, avant tout

les trois grands. C’est avec le Goethe-Institut que la collaboration est la plus intensive, selon Chandrika Grover. Cela tient certaine-ment au voisinage linguistique, mais aussi au fait que l’Allemagne évite un trop fort rattachement de son travail culturel à la politique et qu’elle poursuit une stratégie du dialogue, avec le pays hôte comme avec les institutions apparentées. De telles coopérations aident aussi Chandrika Grover à surmonter au mieux son plus gros handicap, la mince couverture financière et infrastructurelle. Le Goethe-Institut, l’Alliance française et le British Council sont éga-lement présents dans les grandes villes en dehors des cinq métro-poles indiennes. Lorsqu’en décembre 2010 la ville de Pune a accueilli huit poètes de Grande-Bretagne, de France, de Suisse et d’Inde, c’est le British Council qui en a assumé l’organisation locale, tandis que la manifestation s’est tenue dans les jardins de l’Alliance française. « Comme dans de nombreuses autres villes d’Inde – Hyderabad, Jaipur, Chennai, Lucknow, Ahmedabad, Trivandrum, etc. – , nous ne pourrions être présents à Pune sans cette coopération », dit Grover. « De la sorte, nous pouvons assou-plir le lien étroit à Delhi, Mumbai et Bangalore. Mon objectif est d’atteindre quinze villes, en sus des métropoles. »

Sans le financement conjoint par plusieurs instituts, certains projets ne pourraient d’ailleurs être réalisés. Cela vaut en particu-lier pour de grandes manifestations, techniquement exigeantes, comme la biennale internationale de danse Attakkalari ; le Goethe-Institut et Pro Helvetia y ont développé une collaboration fruc-tueuse, avec la participation d’acteurs culturels tels que la jour-naliste de danse Esther Suter et les chorégraphes Nicole Seiler et Philippe Saire. Attakkalari montre aussi que c’est en coopérant avec les partenaires locaux qu’on obtient le plus grand effet. Jaya-

chandran, initiateur du festival, est plein d’éloges pour la Suisse, où la danse n’a pas la même tradition que dans d’autres pays, mais qui s’engage ici de manière créative et ciblée. « Grâce au réseau Pro Helvetia, Gro-ver a amené à Bangalore des jeunes choré-graphes non seulement de Suisse, mais en-core d’Afrique du Sud et de l’espace arabe. »

En parallèle au festival, Nicole Seiler et Esther Suter ont également organisé une master class et un atelier sur la médiation de la danse – « des interventions en la matière très importantes pour l’Inde. » Toutefois, les coopérations peuvent aussi vous rendre tributaire des organisateurs locaux : à Pune par exemple, le British Council, malgré sa forte présence locale, n’a pas réussi à attirer plus de deux douzaines de spectateurs à cette soirée de poésie, alors que la ville, surnommée « Oxford of the East », compte plus de 300 000 étu-diants.

Dans le domaine de la littérature justement, il y a pourtant bien quelques possibilités de coopération, entre l’allemand et le français par exemple. Voici un an, le bureau Pro Helvetia organi-sait à Delhi, avec le Goethe-Institut et l’Ambassade d’Autriche, une Lange Nacht der Literatur faisant suite au festival littéraire de Jai-pur. On a répété l’expérience en 2011 et son succès a amené l’équipe Pro Helvetia à s’atteler avec les Français au projet d’une Longue nuit de la littérature. L’anglais, le plus important link lan-guage de l’Inde, n’est pas pour autant laissé pour compte. Grover

Pour échapper à une ghettoïsation élitaire, le Swiss Arts Council en Inde a donc dès le début misé non pas sur des propositions toutes prêtes mais sur des producteurs et des médiateurs. ”

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est visiblement fière du contrat qu’elle a récemment conclu avec les éditions Seagull Books à Kolkata. Il doit conduire à la traduc-tion de huit à dix œuvres d’auteurs suisses et assurer la diffusion de ces livres sur l’ensemble du marché anglophone.

L’Inde comme la Suisse sont des pays multilingues, et c’est lorsqu’une manifestation en fait son thème que la collaboration est la plus impressionnante. À Pune par exemple, les huit poètes ont mis en scène cette diversité linguistique, précisément ; en sondant les différences, en trouvant des passerelles, ils ont démontré tout au long de la soirée que le dialogue est malgré tout possible. Les huit, au nombre desquels le rappeur et poète bernois Raphael Urweider, s’étaient auparavant réuni dix jours durant dans le cadre d’un atelier à Pondicherry pour se lire et traduire mutuellement leurs textes. La soirée de Pune, après une première présentation à Chennai, a alors été l’occasion pour les poètes de montrer leur sa-voir-faire autant que leur plaisir à s’envoyer et se renvoyer la balle verbale si bien que les spectateurs en oublièrent bientôt la froideur du smog hivernal. Même le bruit du trafic, des moteurs et des klaxons, passa à l’arrière-plan, non pas qu’on eût monté la puis-sance des haut-parleurs, mais par le jeu vocal de parlers bernois, gaélique ou tamoul en résonnance. Jason Kahn en aurait été ravi.

L’une des tâches les plus importantes de Pro Helvetia consiste à diffuser et à promouvoir la culture suisse. Pour ce faire, la Fondation s’est dotée d’un instrument inappréciale : les bu-reaux de liaison et les centres culturels qu’elle a ouverts dans le monde. La première fois que la Fondation a mis un pied à l’étranger, c’était lorsqu’elle a créé le Centre culturel de Paris en 1985. Un bureau de liaison a suivi au Caire en 1988 et, après la chute du rideau de fer, d’autres bureaux ont été ouverts à Cracovie, Prague, Bratislava et Budapest. (Les trois derniers ont fermé il y a quelques années et le bureau de Cracovie a été transféré à Varsovie.) En 1998, la Fondation a élargi son champ d’activité à l’Afrique du Sud et ouvert un bureau de liaison en Ville du Cap. Les premiers pas en direction de l’Asie ont suivi avec New Delhi (2007) et Shanghai (2010). Par ail-leurs, Pro Helvetia attribuent des mandats à l’Istituto Svizzero de Rome, au Swiss Institute de New York et à swissnex San Francisco, pour présenter des artistes de Suisse dans ces pays et y entretenir les échanges culturels.

Tandis que les centres culturels de Paris, Rome et New York disposent de leurs propres locaux de manifestation et d’exposition, les bureaux de liaison fonctionnent comme des agences culturelles et des plates-formes de contact avec les régions environnantes. Pro Helvetia emploie presque exclu-sivement des collaboratrices et collaborateurs du pays qui sont chargés de mettre en place des réseaux de partenariats, contactent certaines institutions culturelles intéressées à des échanges durables avec la Suisse et développent des pro-grammes en collaboration avec elles. Une façon de permettre aux artistes suisses de faire de nouvelles expériences et de se créer de nouveaux débouchés. Afin que les échanges soient fructueux pour les deux partis, les artistes du pays hôte ont, en contrepartie, la possibilité de nouer des contacts en Suisse grâce aux résidences et aux coopérations de projets.

Le réseau des bureaux de liaison est soumis à un contrôle régulier et adapté aux besoins. D’ici à 2020, la Fondation se propose d’ouvrir des bureaux en Russie et en Amérique latine ; quant au bureau de Varsovie, il sera probablement fermé.

Les permanences de Pro Helvetia ne forment qu’un volet de l’engagement à l’étranger de la Fondation. Des subsides aux projets culturels de tiers, des priorités et des programmes par pays complètent ses activités à l’étranger. Pour plus d’informations: www.prohelvetia.ch/antennes

www.prohelvetia.in

Bernard Imhasly a été correspondant du quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung pour l’Asie du Sud de 1991 à 2007. Auparavant, il a travaillé dans les services diplomatiques de la Suisse et a été chargé de cours à l’Université de Zurich.

Traduit de l’allemand par Anne Maurer

De San Francisco à Shanghai :

les permanences de Pro Helvetia

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ne histoire vraie : une jeune commissaire d’exposition de Johannesburg est contactée, on lui demande d’as-surer le co-commissariat d’un projet de résidences et d’exposition auquel participent un certain nombre d’artistes européens et sud-africains. On lui assigne un

partenaire, c’est un commissaire européen, une moindre pointure dans son pays d’origine. Le projet est financé par une ambassade et une série d’institutions du pays européen en question. La réalisa-tion est déjà très avancée – elle implique un fort engagement sur place de part et d’autre – lorsque le co-commissaire européen (pas-sablement plus âgé) explique par l’intermédiaire d’un traducteur qu’en fait, il ne pourra pas se rendre à Johannesburg parce qu’il « n’aime ni les pauvres ni les animaux ». Alors que le tra-ducteur manque s’étrangler à ces mots, les bailleurs de fonds européens du projet ac-ceptent tacitement son atti-tude et la commissaire sud-africaine est obligée d’avaler la couleuvre.

Bien qu’elle ressemble à une grotesque caricature, cette anecdote illustre le déséquilibre de pouvoir qui existe dans une relation d’échanges Nord–Sud et les pressions que l’argent et le pouvoir peuvent exercer sur les desseins artistiques.

« D’innombrables humiliations et indignités »

D’un point de vue historique, le financement de la culture en Afrique et les échanges entre le Nord et le Sud dé-pendent tous deux des moyens financiers des pays du Nord. Le Zimbabwean Culture Fund estime que 60 % de toutes les subven-tions culturelles du Zim-babwe proviennent de la seule Suède. Et même en Afrique du Sud, les fonds internationaux représentent à peu près 10 à 15 % des subventions publiques à la culture. Inutile donc de dire que ce genre de situation est lourd de conséquences négatives si on veut instaurer des relations saines et égalitaires entre les deux hémisphères. Récemment, Achille Mbembe, un éminent intellec-tuel africain originaire du Cameroun, mais maintenant installé en Afrique du Sud, s’est fait l’ardent défenseur de ce point de vue. Dans l’une de ses dernières interviews*, il peste contre les « innom-brables formes d’humiliation et d’indignité » infligées aux récipien-daires africains des fonds internationaux : « …au lieu de créer de

l’art, de nombreux artistes du continent africain se voient forcés de gaspiller leur temps, leur énergie et leurs ressources à remplir des formulaires de requête et à tenter désespérément de satisfaire les lubies et les politiques toujours changeantes […] Nous avons beau habiller le pouvoir illimité des donateurs […] de mots aussi ronflants que ‹ partenariat ›, ‹ autonomisation › ou même ‹ amitié internationale ›, ces mots ne masqueront jamais la brutalité des rencontres entre ceux qui possèdent l’argent et les ressources, mais guère d’idées bonnes ou utiles, et ceux qui ont quelques bonnes idées, mais guère d’argent… »

Mbembe affirme que cette situation fâcheuse est encore exacerbée par le fait qu’en Afrique même, les politiques intérieures

et les structures de finance-ment ont largement repro-duit l’idéologie pernicieuse véhi culée par le système inter national de finance-ment : on a perpétué et en-couragé une mythologie débi-litante autour de la créativité et de l’ingéniosité africaines, tout en la doublant d’une idéologie néoco loniale « de la culture et du développe-ment », qui instrumentalise grossièrement les arts au ser-vice du développement social et économique : « Il faut nous rendre compte que la culture n’est pas (seulement) une autre forme de ‹ prestation de services ›. C’est une façon d’imaginer et d’engager notre propre avenir. Sans cette pro-jection dans le futur et l’ima-gination, nous ne pourrons guère écrire un nom qui soit le nôtre ni faire entendre une voix qui soit la nôtre. »

Mbembe conteste égale-ment ce qu’il appelle la « triste et comique fiction » du sys-tème culturel et diplomatique par l’intermédiaire duquel, se-lon lui, la plus grande partie

de ce financement est accordée. Nombreux sont les professionnels qui ont fait l’expérience directe des contradictions existant entre les programmes culturels internationaux des pays donateurs (souvent financés sous couvert de « diplomatie culturelle ») et le glissement vers la droite (de plus en plus sensible) des politiques d’immigra-tion et du traitement généralement réservé à ceux qui sont consi-dérés comme « étrangers » dans les pays européens – qu’ils soient nouvellement arrivés ou de la deuxième ou troisième génération. À dire vrai, beaucoup d’artistes noirs africains qui ont traversé les aéroports européens ont tâté de la pointe acérée de cet iceberg.

Sur un pied d’égalité ?

Les échanges Nord–Sud

En Afrique, une grande partie de l’encouragement de la culture est financée

par le Nord. Tenter d’établir une collaboration d’égal à égal dans ces conditions relève

de la gageure. Aussi les critiques ont-elles stigmatisé le néocolonialisme et l’instrumentali-

sation de la culture africaine. Joseph Gaylard, chercheur et spécialiste de gestion

culturelle sud-africain, s’est entretenu avec diverses personnalités de la culture et parvient

à d’étonnantes conclusions.

par Joseph Gaylard

La culture n’est pas une autre forme de « prestation de services ». C’est la façon qu’ont trouvée les humains pour imaginer et engager leur propre avenir, dit Achille Mbembe. Sans cette projection dans le futur et l’imagination, nous ne pourrons guère écrire un nom qui soit le nôtre .

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Mais, par ailleurs, faire l’amalgame entre les politiques de finance-ment ou les desseins des agences culturelles du Nord et les chan-gements politiques survenus dans ces pays, c’est peut-être simpli-fier à l’excès une réalité plus complexe. Si l’on ne peut douter que, d’une manière générale, les politiques européennes (et de plus en plus souvent, celle des États-Unis) virent à droite, il ne faut pas ou-blier que la majorité des agences culturelles ont, elles, été créées par les démocraties sociales, plutôt de gauche. En vérité, nombre d’entre elles sont maintenant confrontées à de sévères restrictions budgétaires et doivent trouver de nouvelles voies pour convaincre leurs propres gouvernements de soutenir les partenariats et les échanges culturels internationaux.

« Développement » en fonction des besoins des Africains

Farai Mpfunya, directeur du Zimbabwean Culture Fund, une or-ganisation à but non lucratif, dirigée localement et qui gère dans la région l’équivalent d’un million de dollars financés par la Suède, brosse un tableau plus modéré et nuancé de la façon dont les choses se passent au Zimbabwe : « Les déclarations de Mbembe re-flètent quelques-uns des éléments du débat sur la culture et le dé-veloppement tel qu’il se déroule au Zimbabwe aussi, mais elles ne rendent pas compte des nombreux efforts que font certains Afri-cains pour imposer leur droit à l’autonomie dans ces relations Nord–Sud. »

Mpfunya souligne que si l’argent finançant le Culture Fund est suédois, le fond lui-même est certainement un fond africain pour la culture. Cela s’explique en partie par le fait qu’il est géré et dirigé par des Africains pour les Africains, mais également par la manière dont il a vu le jour : « [Le fonds] a été créé lorsque les mi-

lieux culturels ont commencé de remettre en question les relations Nord–Sud dans les régions en voie de développement, dès le début des années 1980. Ils cherchaient un modèle de financement per-mettant aux Zimbabwéens de définir ce que signifiait le dévelop-pement dans leur propre contexte, et se demandaient comment [identifier] les droits d’auteurs des Africains ou comment réaliser les idées dans lesquelles on voulait investir. Il a fallu quelques dé-cennies pour trouver un partenaire désireux de [participer] à un modèle de ce genre… Les notions de profit mutuel et de partena-riat respectueux sont parfaitement assimilées, en partie à cause des idéaux révolutionnaires des pères fondateurs du Zimbabwe et en partie parce que les pays du Nord ont accepté qu’il était aussi dans leur intérêt de faire participer le Sud. »

Ntone Edjabe, qui se déclare lui-même professionnel trans-national de la culture, a lancé l’une des enquêtes les plus longues et les plus diversifiées sur les problèmes et les possibilités de la

culture dans l’Afrique contemporaine, en analysant une immense variété de projets dans tout le continent, y compris les versions imprimée et en ligne du magazine Chimurenga. Edjabe qualifie la recherche de fonds pour Chimurenga de « traversée du cloaque » du financement international, alors que croissaient la portée et l’ambition de ce qui avait d’abord été un projet autofinancé. De son point de vue, le magazine a réussi à conserver son indépendance et son intégrité éditoriales ; il a fallu, pour cela, ne pas « succomber à la logique de l’urgence » qui sous-tend d’après lui une grande part de l’encouragement à la création sur le continent africain, consi-déré comme un patient mortellement atteint et requérant les soins experts du Nord.

Définir les attentes au préalable

Mbembe n’est pas le seul à se montrer critique, les bailleurs de fonds eux aussi sont de plus en plus sensibles aux problèmes qu’il soulève. Dans le cadre de l’évaluation d’un programme hollandais d’échanges et de partenariats, Mike van Graan, secrétaire général du Arterial Network (un réseau culturel panafricain), relève les ap-préhensions qui se manifestent des deux côtés du partenariat cultu-rel entre le Nord et le Sud. « Les bénéficiaires qui dépendent de ce financement renoncent-ils à leur propre pouvoir de décision en se conformant aux idées des participants du Nord de peur de perdre ce financement ou de rater des occasions de voyager au Nord ? […] Nos collègues hollandais évitent-ils d’exprimer leur inquiétude devant certains problèmes de peur de passer pour des nouveaux co-lons paternalistes, préfèrent-ils attendre la fin du projet et ne jamais revenir plutôt que de s’attaquer au problème ? Savent-ils clairement ce qu’ils aimeraient retirer du projet et quel degré de responsabi-

lité ils sont prêts à laisser au partenaire du Sud ? Sont-ils capables d’exprimer leurs doutes sur la capacité de leurs partenaires à tenir leurs promesses et d’apporter les cor-rections nécessaires à mi- chemin du pro-jet ? » Autant de remarques qui, de multiples manières, soulèvent une question plus im-portante : selon quelles perspectives – et à quelles conditions – instaurer des relations plus saines entre le Nord et le Sud dans le do-

maine de la culture, ce que Mbembe appelle des espaces « de réci-procité, de reconnaissance et de respect » ?

Van Graan fournit même quelques conseils utiles : il serait pos-sible de modifier les relations Nord–Sud si les acteurs culturels des deux régions accordaient davantage d’attention et de soin au pro-cessus par lequel les partenariats sont négociés et réalisés. Il est impératif de clarifier ce que chaque partenaire peut apporter dans la relation et ce qu’il attend en retour ainsi que la manière dont les mécanismes de pouvoir et de prise de décision fonctionneront au cours des projets : ce sont des questions essentielles que, dans l’en-thousiasme des nouveaux projets et des nouvelles idées, on n’ap-profondit guère, et qu’on résout encore moins. Et pourtant, il y a peu de chances que ces principes et procédures – habituels dans les structures de planification du développement, bien que rare-ment appliqués avec la rigueur nécessaire – suffisent à atténuer les injustices et les déséquilibres marquant ce genre de relations.

La culture n’est pas une autre forme de « prestation de services ». C’est la façon qu’ont trouvée les humains pour imaginer et engager leur propre avenir, dit Achille Mbembe. Sans cette projection dans le futur et l’imagination, nous ne pourrons guère écrire un nom qui soit le nôtre . ”

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Ce sont toutefois les acteurs culturels du Sud qui doivent pour une bonne part prendre leurs responsabilités afin d’amener des chan-gements fondamentaux : c’est à eux qu’il incombe de défendre et de promouvoir le développement, de mettre en place des politiques culturelles à l’intérieur de leur pays, de créer les institutions, agences et mécanismes d’encouragement correspondants, afin que les créateurs professionnels puissent abor-der les négociations avec leurs confrères du Nord sur un pied d’égalité. À ce propos, Khwezi Gule, écrivain et curateur re-nommé d’Afrique du Sud, remarque que, dans la plupart des pays africains, l’infras-tructure culturelle héritée de la colonisa-tion « avait entre autres buts d’amasser des richesses et non pas vraiment d’assurer l’épanouissement de la population ». Cette réalité implique la nécessité de réinventer radicalement les structures et les institu-tions dont la pertinence et la signification sont certes discutables, mais dont l’existence crépusculaire se poursuit par le simple fait qu’elles sont là.

Et Edjabe d’ajouter combien il est nécessaire de parvenir à plus de cohérence et à de nouveaux modes de coopération entre les ac-teurs du Sud : « En matière de solutions, je crois que nous com-mençons seulement à comprendre le projet du tiers-monde (déli-vré de la paranoïa de la Guerre froide) et je crois que le genre de rapports qu’on qualifie de ‹ Sud–Sud › peuvent être utiles dans ce contexte. Le rôle des nouvelles puissances économiques comme la Chine ou le Brésil, par exemple. Chercher des alternatives de finan-cement et de soutien – et ne pas toujours jouer sur la culpabilité de l’Occident. À bien des égards, c’est une chance pour l’Afrique du Sud, mais pour la saisir, il faut se débarrasser de cette mentalité de ‹ petit blanc ›. »

Manque de volonté politique

Si les Africains adoptaient une position moins servile, une position impliquant un partage dynamique, transnational, et un mouve-ment d’idées, de personnes et de projets à travers le continent, cela les aiderait à renforcer plutôt qu’à exclure les possibilités de rela-tions réciproques et fructueuses entre le Nord et le Sud et à redes-siner les plans de ce genre de partenariats. Et de fait, une grande part des activités du Arts Collaboratory Programme, financé par la Hollande, par exemple, consiste aujourd’hui à stimuler et à pro-mouvoir le développement de réseaux et de projets entre parte-naires du Sud.

Les deux points qui précèdent soulèvent la question des fonds nécessaires à cette démarche globale, sur un continent qui repré-sente près de 15 % de la population mondiale, mais seulement 2.5 % de son produit intérieur brut ? Dans les faits, chacune des trois grandes économies africaines – Afrique du Sud, Égypte et Nigeria – aurait la capacité d’investir dans la culture au niveau régional et de créer des précédents pour d’autres formes de coopération trans-nationale entre les états africains.

Le défi majeur repose non pas tellement dans les ressources disponibles, mais bien dans l’imagination et la volonté politiques.

Par exemple, en 2008/09 le National Lottery Distribution Trust Fund d’Afrique du Sud n’a réussi à débourser que 18 % d’un fonds doté de presque 100 millions d’euro et destiné aux arts, à la culture et au patrimoine. Même si elles ne sont absolument pas com-parables aux dotations européennes et nord-américaines de la culture, investir ces ressources dans un contexte transnational,

avec imagination et circonspection, pourrait induire un change-ment radical pour les arts dans la région sud-africaine et peut-être même plus loin sur le continent. La mentalité ‹ petit-blanc › à la-quelle fait référence Edjabe – cette intériorisation de l’oppression qui empoisonne l’idée que se fait l’Afrique du Sud de l’ensemble du contexte africain – reste peut-être le plus grand obstacle à une telle initiative.

Alors que les compagnies sud-africaines investissent systéma-tiquement le continent et ses marchés et exploitent ses ressources, on fait croire à une large partie de l’opinion publique sud-africaine que le reste de l’Afrique spolie le pays de sa richesse au lieu de la représenter comme un espace fertile en ressources créatives, cultu-relles et intellectuelles qui pourraient aider l’Afrique du Sud à réin-venter son propre tissu social et culturel. Cet état d’esprit imprègne également nos institutions culturelles qui empêchent par exemple les non Sud-africains d’accéder aux subventions gouvernementales à la culture. Développer des partenariats et des réseaux Sud–Sud qui contourneraient les problèmes de la coopération Nord–Sud es-quissés plus haut, cela représenterait un formidable progrès pour le secteur culturel, à la fois en Afrique du Sud et dans l’ensemble du continent.

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Je crois que nous commençons seulement à comprendre combien les rapports que l’on qualifie de « Sud–Sud »

peuvent être utiles. Le rôle des nouvelles puissances économiques comme la Chine ou le Brésil, par exemple.

Chercher des alternatives de financement – et ne pas toujours jouer sur la culpabilité de l’Occident.

Ntone Edjabe ”

*Art & Development. Interview avec Achille Mbembe de Vivian Paulissen. In Art South Africa. Opinions that Matter, Automne 2010.

Joseph Gaylard est directeur du Visual Arts Network d’Afrique du Sud, une organisation impliquée dans la recherche, le réseautage et le lobbying, mais aussi dans des projets qui développent de nouvelles approches pour la pratique de l’art contemporain dans le contexte africain. Il travaille comme écrivain et chercheur indépendant, et collabore à des projets créatifs; il porte un intérêt tout particulier au travail expérimental dans l’espace public. Traduit de l’allemand par Marielle Larré

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Je crois que nous commençons seulement à comprendre combien les rapports que l’on qualifie de « Sud–Sud »

peuvent être utiles. Le rôle des nouvelles puissances économiques comme la Chine ou le Brésil, par exemple.

Chercher des alternatives de financement – et ne pas toujours jouer sur la culpabilité de l’Occident.

Ntone Edjabe

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ar ce mardi après-midi d’hiver, alors que devant le Centre de culture et de congrès de Lucerne, une immense maison en plastique rouge, visiblement chinoise, est en train d’être gonflée, un passant de-mande ce que c’est. « De l’art », répond le technicien

qui s’affaire autour de la pompe électrique. The Container : c’est le nom du monstre, et c’est une œuvre commune de la Suissesse Sandra Kunz et du Chinois Yang Jian. Container, parce que l’édi-fice vacillant contient un Cervin renversé. Pour peu qu’on entre à l’intérieur, on se trouve nez à nez avec son sommet qui pend du plafond. De plus, la pression de l’air varie. Parfois, l’édifice semble s’aplatir, puis il se redresse. C’est comme s’il respirait.

L’œuvre a beaucoup voyagé. Elle a été exposée en 2008 au Zen-dai Museum of Modern Art, à Pudong-Shanghaï. En 2009 à Xiamen et en 2010 dans le Swiss Pavillon de l’Exposition universelle de Shanghai, avant de continuer sa route sur Bâle. Sandra Kunz est elle-même allée en Chine pour la première fois en 2006, dans le cadre d’un programme d’Artist in Residence d’une durée de six mois, et depuis lors, elle vit pra-tiquement la moitié du temps en Chine, la moitié du temps en Suisse.

Découvrir à l’étranger ses propres racines

Si on l’interroge sur le « choc des cultures », sa réponse sur-prend : loin de parler de choses qu’elle a vécues à l’étranger et qui l’ont agacée, elle évoque son retour, après son premier séjour en Chine, le moment où, trou-blée, elle a constaté combien la Suisse lui était devenue étrangère. Elle n’avait qu’un désir – mal du pays paradoxal : regagner le plus vite possible son appartement de Xiamen. « En tant qu’artiste, tu crois être passablement consciente de ton environnement », dit-elle. « Mais ce n’est qu’au moment où tu t’exposes à une société différente que tu te trouves vraiment confrontée à tes propres racines, culturelles et sociales. »

Le jeune artiste chinois Yang Jian et elle étaient déjà liés d’amitié lorsqu’ils s’attaquèrent ensemble au projet ambitieux du Container. « À vrai dire, cette maison était trop grande pour nous », dit-il en riant. Les problèmes n’ont pas manqué : problèmes tech-niques au niveau de la production, problèmes d’organisation, pro-blèmes de financement. « Les artistes ont l’habitude de travailler individuellement, de manière autonome. Une coopération avec un artiste chinois n’aurait pas non plus été facile », constate Jian. Sandra Kunz travaille selon un plan, avec ponctualité et précision ; lui-même a tendance à improviser. Elle confirme : « Quand nous nous heurtons à un obstacle, nous essayons de l’écarter. Les Chinois cherchent plutôt à le contourner. »

Lorsque la maison en plastique, à la suite d’une panne de produc-tion, se trouva maculée de taches noires, le responsable proposa aux artistes de transformer les parties noircies en briques peintes. Jian fut d’accord, tandis que Kunz refusait catégoriquement de modifier le design pour un simple incident de fabrication. Elle exi-gea une nouvelle production. Quant à lui, il estimait que les com-plications sociales résultant d’une telle exigence – paraître têtu et fâcher les gens – pourraient être gênantes.

Les deux artistes constatèrent aussi que leur œuvre était accueillie très différemment. Les Suisses pensent souvent au dra-peau suisse en voyant la combinaison d’un bâtiment rouge et d’une montagne blanche, tandis que pour les Chinois, le rouge est la couleur du bonheur ou du Parti communiste. Autre observation de Jian : « Etant donné que de telles installations sont un phéno-

mène relativement récent en Chine, les spectateurs, souvent, ne les identifient pas comme des œuvres d’art. Ils pensent plutôt à une cérémonie ou à une réception. »

Des illusions tenaces

Il existe un personnage clé dans les échanges entre la Chine et la Suisse : Hans J. Roth, ex-consul général de Hongkong. Sandra Roth se rappelle qu’il avait tout d’abord essayé de tempérer son enthousiasme pour la Chine, ce qui l’avait étonnée. À présent, elle le comprend. Par la suite, l’idéalisation se renverse en dé-ception ou en agression. « Les deux cultures sont très diffé-rentes, il faut d’abord pouvoir l’accepter », dit Hans J. Roth. Malgré toute la bonne volonté

du monde, l’opéra chinois ou la calligraphie chinoise sont difficiles à comprendre pour les Européens.

« L’art moderne, en revanche, où les points de contact sont plus aisés à découvrir, est encore très élitaire et minoritaire en Chine. » L’important à ses yeux, c’est que les artistes, du moment qu’ils vont en Chine, y restent assez longtemps. « Nos illusions sont tenaces. Les premiers mois, elles résistent parfaitement à la réa-lité. » Pour les Européens, ce qui est difficile en Chine, c’est sou-vent l’absence d’espace de liberté : on se sent contraint. À l’inverse, les Chinois ont fréquemment de la peine à s’accoutumer à la sou-daine autonomie qui leur est imposée en Occident. Ils se sentent anxieux et solitaires.

Mais d’après Roth, si l’on parvient à trouver un équilibre entre l’idéalisation et le choc culturel, cela dégage une créativité consi-dérable : « Précisément pour des artistes, il est important de s’ex-poser aussi à des milieux insolites. » Il les trouve souvent, même dans les programmes d’échange, un peu égocentriques et luna-tiques : il souhaiterait plus d’ouverture et de disposition à commu-

Un mal du pays paradoxalDe drôles d’odeurs, une nourriture insolite,

des rituels de salutation obscurs : les échanges culturels n’ont pas lieu entre

institutions, mais entre individus. Des écrivains et des dramaturges de Chine et de Suisse parlent de leurs expériences avec l’inconnu, d’illusions, d’impulsions

créatrices et d’irritations.

par David Signer

Mais ce n’est qu’au moment où tu t’exposes à une société différente que tu te trouves vraiment confrontée à tes propres racines, culturelles et sociales…

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niquer et à faire des concessions. « Quiconque est prêt à accueillir vraiment une autre société est automatiquement amené à repen-ser ses propres positions. »

Christian Vetter est un exemple de ce processus. L’artiste, né en 1970 à Zurich, a passé six mois, en 2007, dans un quartier exté-rieur de Pékin. « C’était une période plutôt libérale, avant les Jeux Olympiques, et j’ai été surpris de voir combien tout était ‹ occiden-tal › et ‹ normal › », raconte-t-il. « Il m’a fallu du temps pour décou-vrir les différences. Maintenant je le sais : je pourrais vivre là-bas pendant dix ans, maîtriser la langue, m’adapter – je resterais un étranger. » Rétrospectivement, il constate que ce séjour à l’étran-ger a représenté une césure inégalable dans sa vie. « Mon travail a changé à 180 degrés, je suis passé du figuratif à l’abstraction, de la couleur au noir et blanc. » Non pas que la Chine l’ait influencé outre mesure. C’est même plutôt le contraire : « J’ai pris conscience de mes racines européennes. J’étais content d’être un Européen. » Ce qui a rendu cette époque féconde, pour lui, ce n’est pas tant la proximité de la Chine que la distance par rapport à son propre pays – « l’expérience de se sentir complètement étranger. »

Tout passe par les relations

« L’échange culturel n’a pas lieu entre institutions, mais entre in-dividus », dit la metteuse en scène Cao Kefei, de Pékin. Avec le met-teur en scène suisse Mats Staub, elle a monté la pièce La Lune plus ronde, qui parle des Chinoises mariées avec des Suisses. L’expres-sion « échanges entre la Suisse et la Chine » lui paraît à vrai dire un peu abstraite, grandiloquente et nébuleuse. « Je préfère com-mencer par ce qui est petit et concret », dit-elle. Car enfin, les différences, on les perçoit tout d’abord très directement, et physi-quement (ce qui convient naturellement au travail théâtral) : des

odeurs bizarres, une nourriture inhabituelle, de l’incertitude dans les rituels de salutation, des attouchements déplacés. « Quand il y a une collaboration aussi étroite qu’avec Mats Staub et les comé-diens amateurs qui racontent sur la scène leurs propres histoires », résume Kefei, « le choc de ces êtres si différents est un défi ; je ne découvre pas seulement les autres, mais aussi moi-même, sous des facettes différentes, ce qui ne serait pas possible dans des circons-tances normales. Travailler ensemble, c’est aussi faire des compro-mis ; je regrette un peu que la vision que j’avais de la mise en scène n’ait pas pu être entièrement réalisée. Mais chaque regret stimule en même temps la créativité. »

Plus nuancé, le bilan d’Ana Roldàn. Cette artiste mexicaine établie à Zurich a passé en 2008 huit mois dans la ville de Kun-ming, dans le sud de la Chine. « C’est tout juste si j’ai trouvé une personne qui comprenait mon travail », constate-t-elle rétrospec-tivement. L’art conceptuel tel que le pratique Roldàn est très étran-ger même aux personnes qui évoluent dans le milieu culturel. En outre : « La société est très fermée ; tout passe par les relations ».

Elle n’a pas trouvé les gens très aimables : en tant que femme et Mexicaine, elle s’est souvent sentie déclassée de surcroît. Les choses ne se sont améliorées qu’au moment où elle est allée à Shanghai et Beijing, où elle a réussi à entrer dans un milieu d’orientation plus internationale.

Réussir à tout prix

Les artistes qui ne vont que brièvement en Chine sont confrontés à d’autres questions, par exemple lorsqu’il s’agit de monter une exposition, comme Yves Netzhammer. En 2008, il a exposé son œuvre The Subjectivisation of Repetition dans l’exposition Synthetic Times au National Art Museum of China (NAMOC) de Beijing. À l’instar de la plupart des autres artistes occidentaux représentés, il voyait du pour et du contre dans le fait d’exposer dans un pays comme la Chine. À l’avance, des scénarios avaient été mis au point pour l’éventualité de la censure ou d’un retrait. « Nous partions de l’idée que le NAMOC, en sa qualité d’institution officielle, était aussi un lieu d’où était exclu l’art qui critiquait le système – encore que ce fût bien sûr à défaut d’autres infor-mations. Pouvait-on, par exemple, demander ouvertement à des collègues chinois ce qu’il en était de la censure ? »

Frappant, surtout, dans les relations avec les Chinois : « D’un côté il faut – et on le prend – beaucoup de temps pour tout. La com-munication est plus codifiée et plus indirecte que chez nous. De l’autre, les artistes, là-bas, sont extrêmement fixés sur leurs objec-tifs. La volonté de réussir à tout prix les rend moins hésitants et flottants que nous. » Il trouvait aussi difficile d’évaluer comment son œuvre était reçue par les Chinois. La cruauté envers les ani-maux, par exemple, qui joue un rôle dans certains de ses travaux, la perçoivent-ils comme anodine, au contraire des spectateurs eu-

ropéens ? Et sont-ils choqués, en revanche, par d’autres choses, indépendamment de ses intentions ? Ici encore, il reste surtout des questions.

L’écrivain Peter Weber, qui a passé deux semaines en Chine fin 2008, dans le cadre du programme Foodscape, est lui

aussi très prudent dans ses affirmations : « Des déclarations préci-pitées sont presque toujours des déclarations à notre propre su-jet. » Ce qu’il a retenu : un jour, il interrogeait un vieil écrivain sur le thème de la nourriture. « Nous en savons plus long sur la faim que sur la nourriture », avait répondu cet homme.

Du reste : la camionnette qui devait livrer le matériel pour le Container est arrivée avec deux heures de retard au Centre des congrès. Le chauffeur avait pris un « raccourci » sur le trajet entre Berne et Lucerne, et s’est attiré les railleries. C’est ainsi que l’échange culturel relativise aussi le cliché sur la ponctualité suisse.

Mais ce n’est qu’au moment où tu t’exposes à une société différente que tu te trouves vraiment confrontée à tes propres racines, culturelles et sociales…“

David Signer est ethnologue, journaliste et écrivain. Il écrit entre autres pour l’hebdomadaire zurichois NZZ am Sonntag et pour la revue Du, et il est chargé de cours à l’Université de Zurich. Sa dernière publication est un roman, Die nackten Kissen, aux éditions Salis Verlag, Zurich. Traduit de l’allemand par Marion Graf

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« Accompagner de sa caméra le projet théâtral Ciudades Paralelas a été une expérience enrichissante pour moi », déclare la photographe Lorena Fernandez. « Explorer l’espace qui sépare le documentaire de la fiction fait partie de ces choses que je trouve les plus fascinantes dans mon travail. »

Lorena Fernandez est née en Argentine en 1974, elle vit et travaille à Buenos Aires. Elle a fait des études de cinéma à la Escuela Nacional de Experimentación y Realización de Buenos Aires et a suivi les ateliers de photographie contemporaine de Julieta Escardó et Alberto Goldenstein. Elle est photographe, cadreuse et enseignante. En 2008, elle a obtenu le Prix Ernesto Catena de photographie contemporaine ; depuis, elle a participé à de nombreuses expositions. Ses œuvres ont été publiées dans des ouvrages d’art et de photographie ainsi que des fanzines d’art. Cette artiste est représentée par la Galerie Foster Catena.

www.lorena-fernandez.com

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Uriel Orlow, l’artiste suisse établi à Londres, s’intéresse aux scènes secondaires de l’Histoire

universelle. Il en a découvert une en Égypte, où il est parti à la

recherche des cargos échoués de la Guerre des Six jours.

Tel un mirage du passé

par Lilo Weber, Londres – Le 5 juin 1967, lorsque l’armée de l’air israélienne a atta-qué les terrains d’aviation égyptiens, dé-clenchant ainsi la Guerre des Six jours, quatorze cargos de huit nations différentes se trouvaient sur le Canal de Suez, en route pour le nord. Pour eux, le voyage allait être long. En effet, les cargos ont reçu l’ordre de s’arrêter sur le Grand Lac Amer. Ce lac d’eau salée, situé entre le nord et le sud du Canal de Suez, servait de lieu d’évitement aux bateaux, mais il s’est mué en prison

le caire

san francisco new york paris rome VarsoVie le caire le cap new delhi shanghai

La Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia entretient plusieurs permanences dans le monde entier. Celles-ci ont pour tâches de stimuler les échanges culturels et de développer des réseaux culturels.

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Sur la piste des cargos de la Guerre des Six Jours : extrait de la série The Bitterlake Chronicles d’Uriel Orlow. P

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Le conflit au Moyen-Orient s’est poursuivi, le temps passait, les équipages étaient ré-gulièrement remplacés, mais les bateaux, eux, restaient. Et les hommes qui y étaient de service devaient bien s’occuper. Dans le film qu’Uriel Orlow présente comme une partie de son installation The Short and the Long of it au sein de l’exposition Hydrarchy : Power & Resistance at Sea de la galerie Gasworks à Londres, on voit les hommes faire des courses de sac et soule-ver des poids. Ils ont mis sur pied diverses compétitions et durant les Jeux olym-piques au Mexique, ils ont même organisé leurs propres jeux.

Évoquer en images des choses passéesAujourd’hui, les images s’estompent. Il y a des hommes qui boivent sur le bateau, un garçon sort les bouteilles de l’eau, puis on voit l’artiste qui regarde au loin, en direc-tion du lac où un bateau apparaît dans la brume, tel un mirage du passé. Uriel Orlow a parlé avec des marins à Hambourg qui, à l’époque, étaient stationnés sur le Grand Lac Amer. Et il l’a su dès le départ : il fallait qu’il se rende là-bas. Il voulait voir les lieux, parler avec les gens. Il s’est porté candidat pour une résidence de Pro Helvetia au Caire et il a pris des cours intensifs d’arabe. « Il était clair pour moi que je ne pourrais pas aller de l’avant sans connaissances lin-guistiques. » Ni sans avoir de l’aide sur place. De janvier à avril 2010, il a séjourné au Caire comme artiste en résidence, puis il y est retourné cette année, en avril. En novembre 2010 déjà, il a présenté à Berlin et à Londres les premiers résultats de ses recherches. Un cinéaste égyptien l’a assisté sur place et s’est chargé des négociations. « C’était capital, car bien des choses pas-

saient par les relations. » Ils se sont installés à Fayid, un village de pêcheurs sur les rives du Grand Lac Amer, mais il fut dif ficile de filmer et de prendre des photos, car l’endroit reste une zone militaire.

réunir du matériel, parler avec les protagonistes, écouter des souvenirs, se faire sa propre image de la scène – jusque là, le travail d’Orlow ressemble à celui d’un historien ou d’un reporter. Lui, pourtant, le considère comme un travail artistique. Il ne veut pas raconter d’histoire, ni

Ces bateaux provenaient d’Allemagne, d’Angleterre, de France, des USA, de Suède, de Bulgarie, de Pologne et de Tchécoslo-vaquie, autrement dit, de part et d’autre du rideau de fer. « La guerre au Proche-Orient était, en réalité, une guerre de représen-tants » dit Uriel Orlow, « un prolongement de la Guerre froide » : les USA étaient du côté des Israéliens et l’Union soviétique était l’alliée de Nasser. Et non loin de là, des hommes prisonniers de ce même conflit se sont unis pour former une communauté. On y a noué des amitiés à vie. La Flotte jaune – ainsi nommée parce que le sable du désert s’était déposé sur les bateaux –, Orlow la voit comme un « îlot de paix », comme une hétérotopie au sens de Fou-cault : ici, dans un lieu réel, mais coupé de la société, on a réalisé les idéaux et les uto-pies de cette même société.

pour les quatorze cargos : le Canal de Suez est resté fermé huit ans. Ce n’est qu’en 1975, après une seconde guerre, que le pas-sage entre la mer rouge et la mer Méditer-ranée a été rouvert.

Voici donc la matière dont se nourrit l’art d’Uriel Orlow. Ce qui fascine l’artiste, ce sont ces événements qui « se déroulent dans l’ombre de l’Histoire universelle », comme il dit. Il y voit un grand potentiel pour l’art. Son avant-dernière installation Remnants of the Future (2010) repose sur les recherches qu’il a menées dans une ville-fantôme d’Arménie du nord, une ville qui fut érigée sous Gorbatchev, mais qui, après la chute de l’UrSS, ne fut pas ache-vée. Pour son dernier travail en date, The Short and the Long of it, il s’est rendu en Égypte et au bord du Canal de Suez. Quand a-t-il entendu parler pour la première fois de ces bateaux ? Il ne le sait plus très bien. Ce sont sans doute les timbres qui l’ont mis sur cette piste.

Des bateaux, échoués entre espace et tempsLorsqu’il est apparu que les bateaux se-raient coincés pour une durée indétermi-née, les équipages se sont organisés. Ils ont fondé la Great Bitter Lake Association, se sont mis à échanger des vivres issus de leurs cargaisons et à s’entraider pour les travaux d’entretien. Et, comme ils admi-nistraient pour ainsi dire leur propre terri-toire, ils ont imprimé des timbres, devenus entretemps des pièces de collection.

Les marins du navire font des haltères pour passer le temps. Extrait de l’installation The Short and the Long of it.

Les événements qui se jouent à l’ombre de la grande Histoire fascinent Uriel Orlow.P

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au sens narratif, ni au sens historique du terme ; ce qu’il veut, c’est évoquer des choses passées en images. « L’évocation doit rendre à nouveau accessible quelque chose qui n’est plus, c’est un genre d’hallucination. » Il parle de la « politique de l’image » qui permet de remettre en question l’historiographie traditionnelle : « Comment l’Histoire est-elle traitée ? Que choisit-on de transmettre à la posté-rité ? Et pourquoi certains événements sont-ils passés sous silence ou n’appa-raissent-ils tout au plus que dans des notes de bas de page ?

Le travail sur place a été capital. Il a cherché des traces, des souvenirs, a parlé avec les habitants et a passé des jours à regarder ces bateaux depuis les rives. Il appelle ça « halluciner sur place ». Après quoi il a mis de l’ordre dans ses images. Certaines d’entre elles, il les a étalées sur une table à la galerie Gasworks, d’autres ont été accrochées aux murs : des photos, des timbres et des dessins de poissons. Le film vidéo relie l’ancien et le nouveau, hier et aujourd’hui, le matériel filmé des marins et celui de l’artiste. On ne sait pas toujours où situer quoi – ça fait partie du côté hallucinatoire de l’installation. L’ar-tiste accompagne le film d’une projection de diapos avec des tables de texte. Celles-ci rappellent des événements, des titres de film, des tubes de ces huit années-là : Jaws, les révoltes estudiantines à Paris, « Give Peace a Chance » – pas de chrono-logie, nulle part. Et quand mot et image correspondent, ce n’est que pur hasard. Le sens, c’est l’ensemble qui nous le livre, tout ce paysage d’images, de récits, de phrases et d’associations.

L’exposition The Short and the Long of it est à voir en août à La rada de Locarno, puis d’octobre à novembre au FrAC Aquitaine de Bordeaux. www.urielorlow.net et www.prohelvetia.org.eg Lilo Weber a travaillé de 2002 à 2010 comme journaliste free-lance à Londres , après avoir été rédactrice à la rubrique culturelle du quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung. Aujourd’hui, elle travaille à nouveau comme rédactrice culturelle en Suisse. Traduit de l’allemand par Patricia Zurcher

par Eva Clausen, rome – Le design, c’est une mise en forme, un acte de création conscient. La quintessence de ce que l’es-prit et la main de l’homme ont su créer, c’est le carré, car il n’a pas son pareil dans la nature. La nature offre des équivalents ou des modèles à d’autres formes, mais pas à celle-ci. Le carré est un élément clé, voire l’élément fondateur de l’Histoire de l’hu-manité, de la civilisation. Pour le designer Konstantin Grcic, le carré est l’incarnation de l’artificiel au sens positif. Il signifie

l’émancipation créative et rationnelle de l’homme de tout ce qui lui préexiste, un acte prométhéen d’une précision géomé-trique. Si l’on hésite encore à reconnaître au design, le plus jeune des arts, le label d’art complet, la primauté qu’il accorde à l’artificialité ne fait guère de doute. Par conséquent, ce ne sont pas seulement des raisons professionnelles qui incitent Grcic à recourir aux objets design. L’attrait par-ticulier de cette exposition réside dans le fait qu’il leur laisse leur identité d’objet de-

Voyage au cœur de la créativité humaine

À l’Institut suisse de rome, 51 objets font bien plus que dérouler l’histoire du design. Sous la direction du

designer munichois Konstantin Grcic, la rencontre avec de simples objets utilitaires noirs et carrés se mue en un

voyage d’exploration au cœur de la créativité humaine.

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L’exposition explore l’utilisation du carré noir dans quelques objets choisis de design contemporain. Théière Tetsubin en fonte.

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sign, leur fonctionnalité, tout en les pré-sentant comme des objets d’art. Dès lors, ils peuvent être uniques tout en étant fabri-qués en série.

Tête-à-tête d’objetsParallèlement à la Kaaba, le site sacré isla-mique suprême qui se présente sous la forme d’un cube, une autre source d’inspi-ration de Grcic est le fameux Carré noir du peintre russe Kazimir Malevitch, qu’il cite dans sa présentation sous la forme d’un ob-jet plutôt que de s’en tenir à l’image et à son contenu. De son temps, Malevitch avait ac-croché ce Carré comme une icône russe. Grcic, lui, le fait avec la valise rigide noire Salsa lata de richard Morszeck, une icône parfaite de notre monde de migrants. Ce qui intéresse Grcic, c’est la perspective qui détourne les objets de l’étroitesse du simple usage fonctionnel pour les faire passer dans l’immensité de la combinaison esthétique. La salle d’exposition blanche de l’institut se mue en scène exemplaire, la mise en scène de Konstantin Grcic est pertinente tout en étant d’une légèreté désinvolte. Les objets – parmi lesquels figurent la table d’appoint Diana B de l’entreprise ClassiCon (l’unique objet de l’exposition signé Grcic), le « I » de l’Helvetica, la plus classique de toutes les polices de caractères sans sérif de Max Mie-dinger et Eduard Hoffmann, la chaise Vitra 03 de Maarten van Severen – sont placés sur des socles blancs, accrochés au mur,

disposés dans des vitrines. Ce faisant, Grcic crée un effet de distanciation sans porter atteinte à la réalité des choses. Les objets deviennent des acteurs dans une mise en scène qui se sert néanmoins de subtils ef-fets de surprise, comme dans l’association suggestive du Livre des livres, la Bible, avec le cendrier Cubo de Bruno Munari, ou dans celle du diamant noir avec le ChipA4 pour iPad et iPhone 4 de Apple. Grcic se contente pourtant de nous fournir quelques instruc-tions, il ne donne pas de leçon didactique et renonce aux explications savantes sur l’histoire et les règles du design. Il laisse les objets parler pour eux-mêmes et pour celui qui les contemple.

Lier l’artisanal et le visionnaireLa retenue et le respect de l’objet sont, eux aussi, caractéristiques de la manière dont Grcic conçoit sa profession. Il a suivi une formation de menuisier et passe pour un défenseur du design sobre. La planche à dessin est pour lui comme un établi, il crée comme on travaille une sculpture au burin. C’est peut-être pour cela qu’il se sent parti-culièrement proche de la tradition italienne où le visionnaire est toujours étroitement lié à l’artisanal. Le designer italien Vico Ma-gistretti fut l’un de ses enseignants durant ses études de design au London royal Col-lege of Art. Achille Castiglioni, Joe Co-lombo, Aldo rossi et Franco Albini ont, eux aussi, marqué son parcours et sont présents dans son exposition. D’après Grcic, « en Ita-lie, on accorde encore une grande impor-tance au contact étroit entre le designer et le fabricant », comme le montre le rôle du prototypiste, ce personnage indispensable chargé de faire le pont entre l’imagination

et la chaîne de mon-tage.« L’idée du prototype est aussi à la base de l’exposition dans une certaine mesure », dé-clare le curateur res-ponsable à l’Istituto Salvatore Lacagnina, car à partir de « l’origi-nal de rome », l’exposi-tion sera reproduite en plusieurs exemplaires : jusqu’au début juin, on pourra la voir à Berlin et en automne, à Var-sovie. Tout comme Gr-

cic respecte le caractère unique des objets lorsqu’il les assemble pour composer un ensemble, l’Institut suisse s’efforce, tout en tenant compte de l’originalité de chaque discipline, d’encourager l’interdisciplina-rité. Ces dernières années, une attention particulière a été portée à l’architecture, au design et à l’art contemporain, et ce d’au-tant plus que la diversité de leurs points communs permet un dialogue passion-nant. Comme le dit Christoph riedweg, le directeur de l’institut, « en créant des pas-sages fluides ou en faisant preuve au moins d’ouverture à cet égard », l’établissement reste fidèle à sa vocation : « Être toujours au service de la collaboration culturelle entre la Suisse et l’Italie ».

L’exposition Black2 est à voir jusqu’au début juin à Berlin, dans les locaux de 32c Workshop/Joerg Koch, et en octobre à Varsovie, dans le cadre du festival Warsaw Under Construction. http://032c.com et www.artmuseum.pl www.istitutosvizzero.it Konstantin Grcic, né en 1965, est un designer industriel allemand et passe pour l’un des noms les plus influents de la branche. En 1991, il a fondé à Munich le bureau de design KGID (Konstantin Grcic Industrial Design). Il a conçu des meubles, des luminaires et des accessoires pour de nombreuses entreprises de design réputées. Grcic a reçu plusieurs distinctions pour son travail. Sa lampe en polypropylène MAYDAY figure depuis 2001 dans la collection permanente du Museum of Modern Art de New York. Eva Clausen est née en 1961 à Düsseldorf. Depuis 1980, elle vit à rome. Elle a fait des études de littérature et d’histoire de l’art. Depuis 1994, elle est correspondante pour les pages culturelles de plusieurs journaux de langue allemande. Traduit de l’allemand par Patricia Zurcher

Grcic respecte la singularité des objets et les orchestre en un tout.

Konstantin Grcic passe pour le défenseur de la simplicité. Ph

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Des escapades en terrain expérimental : Dragos Tara et les sons modifiés sur la contrebasse, dans la salle de concert du centre culturel Usine.

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Il joue réellement des faders, ces curseurs verticaux qui s’alignent sur une table de mixage. Dans la pénombre de l’Alhambra, le compositeur français Christian Zanési est aux commandes de l’acousmonium du Groupe de recherches musicales de l’Ins-titut national de l’audiovisuel (INA-GRM), un « orchestre » de 48 haut-parleurs amené de Paris pour le Festival Présences Électroniques. Les enceintes sont répar-ties dans tout le cinéma genevois inau-guré en 1920. Avec l’Usine, il sera le théâtre de la rencontre, ce deuxième week-end de décembre, entre la musique électronique académique et sa contrepar-tie populaire, deux traditions aux liens évi-dents (dans le matériel, l’inspiration, l’es-thétique) mais qui sont rarement rendus explicites. La console, installée au milieu du public, fait figure de poste de pilotage.

L’Alhambra est un vaisseau, l’opérateur son capitaine.

Le geste est délié, précis. Spatialiser en direct une œuvre préalablement fixée est une performance, tout autant qu’un récital de piano. Où « envoyer » le son dans la salle, à quel volume ? Quelle drama-turgie proposer à l’auditeur avec ces pa-ramètres ? Diffuser cette musique, c’est l’interpréter. Présences Électroniques est d’ailleurs la création de Christian Zanési ; à Paris, il dirige l’INA-GRM, forme actuelle du Groupe de Recherches Musicales fondé en 1958 par Pierre Schaeffer et berceau de la musique concrète. Le projet du festival ? Fonder un dialogue sur l’acousmonium qui conjugue multidiffusion et variété de timbre des haut-parleurs. Mettre cet outil de la musique savante dans les mains des musiciens, académiques et « populaires »,

Mécanique des corps sonores

Le festival genevois Présences Électroniques a orchestré une rencontre plutôt rare : des chercheurs de sons académiques

se retrouvent face à face avec des bidouilleurs populaires et arrachent des sonorités surprenantes à une installation de 48 haut-parleurs. Une façon d’abattre certaines cloisons en

musique qui plaît au public.

par Benoît Perrier (texte) et Isabelle Meister (photos)

RePORtAGe

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susciter la rencontre, entre eux et avec le public. Cette première édition suisse, sou-tenue par Pro Helvetia et organisée par l’association Headfun (festival Électron), accueille ainsi, entre autres, le composi-teur zurichois Marcus Maeder, le génie du dubstep Kode9 ou Monolake, artiste élec-tronique respecté.

Synthèse analogiqueUne machine à écrire Brother rouge six-ties, des piles de cassettes rangées dans leurs boîtes. Sur la route de l’aéroport, au sein d’un bâtiment industriel, nous sommes dans le studio de Vincent de Ro-guin, où il prépare son passage en solo au festival. Artiste suisse tout juste trente-naire, il évolue depuis dix ans dans la mu-sique électronique expérimentale et déve-loppe une activité multiple : improvisateur, compositeur (pour la radio, la scène). Il trace un sillon exigeant et prometteur. Éduqué au métal extrême et au rock de Yes et de King Crimson, le musicien a fait par-tie du groupe genevois Shora, on l’a aussi entendu dans Æthenor, une formation ex-périmentale de niveau international.

Nous entourent un régiment de cla-viers (un orgue Farfisa, un célesta, un Jupiter), un assortiment de modules de synthèse analogique, des amplificateurs, plusieurs Revox. Un rêve de collection-neur… Le butin était plus conséquent, raconte Vincent de Roguin mais il a trié, vendu, gardant les instruments et appa-reils qu’il utilise quotidiennement. « C’est toujours l’équilibre entre le fétiche et la réalité du travail », résume en souriant la mince silhouette à barbe blonde.

Détaillant son parcours, la conversation se fait fréquemment analytique. elle aborde le lien avec le quotidien inhérent à la mu-sique concrète (le son d’une goutte d’eau qui surgit dans une pièce acousmatique est à la fois un élément de la composition, et un son que l’auditeur peut percevoir comme naturel). Justement, l’artiste joue sur cette « zone » entre sons référencés et abstraits. Cette hauteur conceptuelle n’est pas un hasard. Le musicien est aussi plas-ticien, rompu donc aux explications et mises en contexte. Il élabore : « Ce qu’on qualifie de ‹ transversalité › est une réalité

unique des arts qu’on a culturellement di-visée. D’aucuns voient les autres médiums comme des domaines étanches, alors que l’on peut mener une réflexion globale qui inclue la question du montage, de la juxta-position – connecter des espaces –, des mo-dalités d’un discours artistique sur le réel », tous liens entre sa production musicale, lit-téraire et artistique.

Qu’entend-il donner lors de son passage au festival ? « Peut-être une join-ture entre psychédélisme et musique concrète », proposer une immersion avec ces timbres particuliers. La durée de la pièce – quinze minutes – constitue un défi : il s’agit d’éviter une proposition par trop minimale ou, à l’inverse, un trop-plein d’information. en tout cas, la pièce sera préenregistrée sur bande magnétique. Nous discutons de ce choix de supports, motivé par l’aisance avec laquelle l’analo-gique se laisse bousculer, se prête avec grâce aux traitements et aux accidents, « absorbe le chaos ».

Orgues et décalageÀ l’Alhambra, Christian Zanési achève de diffuser deux Études composées en 1958 par Luc Ferrari, compositeur prolifique. Vincent de Roguin triture ses clés, se glisse derrière la table. La scène est vide, la salle s’éteint. Des sons percussifs se font en-

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Vincent de Roguin aimerait jeter un pont entre la musique psychédélique et la musique concrète.

Fidèles de rock expérimental, plasticiens en formation, musicolo-gues et autres curieux : le public est très hétérogène.

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tendre. Du plastique ? On revoit son studio ; sur quoi a-t-il frappé, avec quoi ? Comment l’a-t-il enregistré, retravaillé ? Des sortes de hurlements apparaissent, un rythme ; le son – semble-t-il – d’un tuner qui cherche sa fréquence, la spatialisation est expressive. et c’est terminé.

Le pari de questionner l’auditeur sur l’origine organique ou synthétique des sonorités est réussi ; la quantité d’infor-mation de la pièce paraît adéquate. À l’en-tracte, le musicien est heureux, il a donné en direct la meilleure de ses cinq exécu-tions de la pièce. Le Canadien tim Hecker lui succède. Lui joue sur scène, tandis que l’opérateur du GRM gère l’acousmonium depuis la salle. Le set est lyrique, il donne le sentiment d’être englobé par la mu-sique, évoquant une cathédrale sonore et des orgues géantes et naturelles. Puis vient l’Australien Ben Frost, ses souffles répétés et ses hurlements de loups – plutôt déce-

vant. Charge à Leila, collaboratrice de Björk de conclure cette première partie de soirée avec trois lecteurs de CDs, un rack d’effets et des cut-ups assez brutaux.

L’expérience se poursuit au Zoo, le club à l’étage de l’Usine où l’Association pour la Musique Électroacoustique de Genève a installé un second acousmo-nium. La contrebasse traitée de Dragos tara puis le theremin de therminal C montrent un versant expérimental. Aux platines ensuite, Kode9, héraut dubstep, réunit tous les suffrages. Liesse des dan-seurs, énormes basses, mais surtout une virtuosité sans pareil dans les ruptures et les décalages rythmiques. Ce n’est pas pour rien qu’on le considère comme l’un

des acteurs les plus importants de la scène électronique contemporaine.

On remballe sous les flashesLe lendemain soir, Genève frissonne en-core, des frimas de décembre mais aussi d’un concert magistral. L’Alhambra a suc-cessivement résonné d’une pièce du père fondateur Pierre Schaeffer et de la techno organique de Childe Grangier – on le croi-sera extatique, « comme un gamin » après sa performance, exaltant la qualité de re-production du dispositif. Les particules de Marcus Maeder tourbillonnant dans la

salle ont véritablement transporté le pu-blic, de même que les méditations ambient du Norvégien Biosphere.

Sur scène, les techniciens du GRM démontent maintenant l’acousmonium, mais huit haut-parleurs sphériques rouges sont encore alignés. Ils paraissent suspen-dus et pour peu, on croirait qu’HAL (l’or-dinateur de 2001 l’Odyssée de l’espace) est ressuscité. Un géant dégingandé, au crâne rasé, Doc Martens noires et ceinturon haut porté, cavale pour se prendre en photo au milieu de l’appareillage. Robert Henke est ravi, heureux ; il revient dans la salle et demande à Christian Zanési de, s’il te plaît, s’il te plaît, l’inviter à Paris pour rejouer sur l’acousmonium. On le connaît

mieux sous le pseudonyme de Monolake, l’un des auteurs du logiciel Ableton live que la planète entière emploie pour créer de la musique électronique en direct. tou-jours euphorique, il dit combien il a appré-cié l’ambiance de la manifestation (un sen-timent partagé par les artistes et auditeurs interrogés) et combien fructueuse est cette confrontation des cultures acadé-mique et underground. L’acousmonium, il l’avait entendu en action, mais n’avait ja-mais joué dessus. La pièce qu’il a présen-tée, Tau, est d’ailleurs spécialement com-posée pour l’instrument et l’occasion. Philippe Dao, responsable de la production musicale au GRM confirme : « La plupart des artistes ont envie d’exploiter pleine-ment le dispositif. »

Ils ont tous deux raison. Le plateau du samedi à l’Alhambra était exceptionnel, tant en qualité qu’en diversité. Surtout, il montrait bien que l’objectif du festival – mettre en lumière les liens entre musique de recherche et dompteurs de machines – était réalisé. Avant de faire le chemin vers le Zoo et la flûte hédoniste de Matias Aguayo, un public hétérogène (fidèles du rock expérimental, plasticiens en for-mation, « académiques » et simples mélo-manes) débarquait, conquis, du vaisseau Alhambra, les oreilles pleines encore de ri-vages soniques et, déjà, la nostalgie d’une future traversée.

Démos : www.vincent-de-roguin.ch ; www.monolake.de ; www.domizil.ch/marcus_maeder Benoît Perrier a étudié la philosophie et est aujourd’hui journaliste. Il écrit pour le Courrier et Place Neuve, on peut l’entendre dans Les Bruits du Frigo, une émission de musique. Il ne désespère pas de fonder l’antenne romande du fan club de Steely Dan. Isabelle Meister est photographe, elle vit et travaille à Genève. Dans ses travaux, elle documente surtout le milieu culturel : théâtre, danse et musique, mais elle pratique aussi le portrait. http://isabellemeister.ch

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Les haut-parleurs sphériques font partie de l’acous-monium ; ils donnent l’impres-sion de flotter dans l’espace.

« Des sortes de hurlements apparaissent, un rythme ; le son – semble-t-il – d’un tuner qui cherche sa fréquence. »

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La globalisation des marchés conduit-elle à une globalisation du goût ? Et si oui, quelles en sont les conséquences pour l’encouragement à la culture : doit-il mettre nos bonnes vieilles traditions en avant pour imposer notre authentici-té et notre originalité dans la compéti-tion internationale ? Telles sont les ques-tions que se propose d’aborder le congrès qui aura lieu le 17 juin à Aarau sous le titre Kulturpolitik zwischen Globalisie-rung und nationalem Interesse (la poli-tique culturelle entre globalisation et intérêt national). D’éminents expertes et experts sont invités, parmi lesquels Frédéric Martel, spécialiste français des médias et auteur du livre Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde. Dans ce rapport sur l’in-dustrie culturelle dans le monde entier, il s’interroge sur la culture de masse et montre les intérêts qui la sous-tendent.

Parallèlement à ce remarquablecongrès, qui s’adresse à un public intéressé par la politique culturelle, le Stadtmuseum Aarau et le Forum Schlosspark ac-cueillent l’exposition itinérante Helvetia Park jusqu’au 31 juillet dans l’ancien manège, la Alte Reithalle d’Aarau. Cette exposition file la métaphore de la fête fo-raine et a vu le jour dans le cadre de Ménage – Culture et politique à table, un programme de Pro Helvetia : au moment où le Parlement débattait de la nouvelle loi sur l’encouragement de la culture, il s’agissait de clarifier le rôle de la culture et ses relations, quelquefois tendues, à l’État. Le congrès constitue le point final de ce programme.

http://menage.prohelvetia.ch

Elle est en ligne depuis janvier, la pre-mière plate-forme de Suisse consacrée à l’information sur la médiation de l’art ! Qu’il s’agisse de Shakespeare à l’école, de banquiers au musée ou d’oeuvres d’art d’enfants dans l’espace public, le site www.kultur-vermittlung.ch fournit des informations actuelles sur les projets, les personnalités et les idées. Créée à l’initia-tive de Pro Helvetia, de l’Ecole pédago-gique de Berne et de la Commissions suisse pour l’UNESCO, cette plate-forme a pour ambition de servir d’instrument de travail aux médiatrices et médiateurs de culture : 20 partenaires issus de la culture, de l’enseignement et de la recherche en assurent l’exploitation et elle s’adresse au public spécialisé de Suisse – en allemand, en français et en italien. Outre une base de données sur les projets et les per-sonnes, alimentée par les utilisatrices et utilisateurs eux-mêmes, sa pièce-maî-tresse est un espace de discussions autour d’un thème renouvelé tous les mois. Des informations sur les associations, les fi-lières de formation, les ouvrages recom-mandés, des articles d’expertes et experts internationaux et une page d’actualités complètent cette offre. Ce projet, au ca-ractère pionnier, se propose de mettre en réseau les personnes actives dans le do-maine de la médiation (un domaine jusqu’à présent organisé au niveau local surtout) et de stimuler la réflexion sur cette discipline, encore jeune en Suisse.

www.kultur-vermittlung.ch

Un réseau pour la

médiation de l’art

Encourage ment national à la culture et main stream

L’exposition itinérante Helvetia Park est encore ouverte jusqu’au 31 juillet dans la Alte Reithalle d’Aarau.

ACTUALITÉS pro heLveTIA

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Quelles nouvelles de la scène suisse de la danse ? Quelle est le nouveau livre qui a retenu l’attention des amateurs de litté-rature ? Et quels groupes de musique méritent de se faire connaître à l’étran-ger également ? Depuis le début avril, la plate-forme Internet de promotion de Pro Helvetia, restructurée et amplifiée, fournit des informations sur la création culturelle contemporaine de Suisse. Y sont présentés des artistes, des groupes et des projets dans toutes les disciplines artistiques que Pro Helvetia soutient et qu’elle souhaite promouvoir davantage en Suisse et à l’étranger.

La plate-forme s’adresse en premier lieu aux organisateurs et aux représenta-tions diplomatiques de Suisse dans le monde entier, qui souhaitent inviter des

Une vitrine pour la culture

suisse

La danseuse et chorégraphe suisse Anna Huber dans sa pièce-solo Eine Frage der Zeit.

Un nouveau public pour Melinda Nadj Abonji, Lukas Bärfuss, Ivan Farron et de nombreux autres écrivaines et écrivains : Swiss Lib. – Switzerland’s literature on tour, une exposition itinérante, amène la littérature contemporaine de Suisse dans les grandes foires du livre d’Europe cen-trale et orientale. Au début de l’année, cette exposition lancée à l’initiative de Pro Helvetia a déjà été accueillie à vilnius et maintenant, elle poursuit son voyage vers Prague, Lviv et Cracovie. Conçue comme une cité-bibliothèque, elle présente en mots, en images et en sons la création littéraire contemporaine de Suisse autour de trois thèmes : «Transnationales» (transnational),

La littérature en tournée en Europe centrale et orientale

artistes. Conçue comme un «matchmaker», elle permet de rapprocher l’offre et la demande et de contacter les artistes di-rectement. La plate-forme est, de plus, une belle vitrine de la culture contemporaine de Suisse à usage du grand public intéressé. Les Cahiers d’Artistes qui viennent de paraître sont également présents sur cette plate-forme : ce sont des pre-mières publication offertes aux artistes les plus prometteurs des arts visuels. Pro Helvetia ex-posera ces Cahiers d’Artistes une nouvelle fois dans le cadre des Swiss Art Awards, du 14 au 19 juin à Bâle.

www.prohelvetia.ch/promotion

ACTUALITÉS pro heLveTIA

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«Schauplätze» (scènes) et «Liebe/Bezie-hungen» (amour/relations). Dans des in-terviews vidéo, les écrivaines et écrivains disent ce que ces thèmes signifient pour eux, quel rôle ils jouent dans leur écri-ture. Les visiteurs peuvent également écouter du slam, des chansons ou des textes littéraires. En plus des traductions qui existent déjà dans les langues des pays hôtes et en anglais, Swiss Lib. pré-sente, à chaque étape, ce qu’on appelle des «maquettes» contenant des échan-tillons des grands livres de la littérature suisse qui attendent encore d’être tra-duits. Le programme d’accompagne-ment réunit des écrivains, des critiques et des éditeurs de Suisse et du pays hôte pour des lectures et des entretiens qui sont animés par des équipes binatio-nales.

Prague: 12 – 15 mai, Lviv: 15 – 18 septembre, Cracovie: 3 – 6 novembre. www.prohelvetia.pl

Vaikų istorijosPeter Bichsel

Vaikų istorijosPeter BichselSeptynios istorijos mažiems ir dideliems vaikams, skaitytojams, ku-rie nenustojo klausti kas būtų, jeigu būtų. Septynios istorijos, kuriose ypatingi keistuoliai, nevykę, juokingi maištuoliai, tragiško sudėjimo riterių palikuonys drįsta egzistuojančiam nepakeičiamumui sudaryti sunkumus. Štai vyras, kuris žino, bet netiki, kad žemė yra apvali, ir jam reikia šitai išbandyti; štai vienas, kuris visiems daiktams naujus vardus duoda, o jų kiti nebesupranta. Vienas, kuris mano, kad Ame-rikos visai nėra; arba štai čia išradėjas, išradinėjantis daiktus, kurie jau yra. Čia vyras, kuris visą tvarkaraštį moka atmintinai, nors nieka-da nėra keliavęs, ir kai jis pamato, kad informacijos langelyje žmonės žino tiek pat, pradeda skaičiuoti visus pasaulio laiptus, kad žinotų kažką, ko kiti nežino.

Peterio Bichselio sukurtas istorijas galima palyginti su JohannoPeterio Hebelso Kalendorinėmis istorijomis: kaip šitos žaismingaiprivilioja galvoti.

« Peterio Bichselio « Vaikų istorijos » yra kyga, skaitoma nuo šešiamečių iki septyniasdešimtmečių, ji suprantama visiškaiskirtingais lygmenimis. « Vaikų istorijos », nepaisant viso subtilaus laužytumo, viso charakterio dirbtinumo, yra liaudies knygos (naujo tipo) ».Otto F. Walter

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Eisiu tiesiai ! – sušuko vyras, kurisdaugiau neturėjo ką veikti, o tam, kas neturi ką veikti, tik ir vaikščioti tiesiai.Šitos knygos teisės priklauso Octopus.

Šita knyga dar neišversta - šitai paro-dai yra išversta jos ištrauka, kad būtų galima Jums kūrinį pristatyti.

Šitos knygos teisės priklauso Suhr-kamp.

Peter Bichsel

Peteris Bichselis, gimęs 1935 metais Luzernoje, gyvena Solothurne. Iki 1968 metų (paskutinį kartą 1973 metais)jisai dirbo pradinių klasių mokytoju.1964 metais jis savo trumpomisistorijomis Iš tikrųjų norėjo poniaBlum susipažinti su pienininku iškart išgarsėjo; grupė 47 jį priėmė susižavėjusi ir 1965 metais įteikė jam savo literatūros premiją. Nuo 1985 metų P. Bichselis yra Berlyno menų akademijos narys ir koresponduotas Vokietijos kalbos ir poezijos akademijos Darmstate narys.

© Isolde Ohlbaum

Les Kindergeschichten de Peter Bichsel – bientôt en lituanien peut-être.

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38pArTeNAIre : Le rÉSeAU De L ITTÉrATUre TrADUKI

par Christine Lötscher – « Le difficile pro-cessus de réconciliation en Bosnie nous contraint, nous auteurs bosniaques, à faire preuve d’engagement politique dans l’écri-ture. Lorsque j’écris au sujet de cette so-ciété, la sphère privée revêt automatique-ment une dimension politique », confie Lamija Begagic, jeune écrivaine de Sara-jevo. Grâce au réseau de littérature Tra-duki, ses textes sont aussi lus au-delà des frontières bosniaques : à l’occasion de la Foire du livre 2010 de Leipzig, où l’un des axes essentiels était consacré à la Bosnie-Herzégovine, une de ses histoires a été tra-duite en allemand. Comme son nom l’in-dique, la traduction est l’activité première de Traduki. Or, les barrières à franchir sont loin d’être uniquement linguistiques. Dans les pays de l’ancienne Yougoslavie, Traduki s’engage pour un échange littéraire entre les nouveaux pays. C’est la raison pour la-quelle les livres de Lamija Begagic pa-raissent aussi en Serbie ; la jeune bosniaque collabore en outre à la plate-forme Internet baptisée Beton et conçue par des intellec-tuels serbes à l’esprit critique. En automne dernier, elle a passé un mois dans la ville portuaire de Split grâce à une bourse al-louée par Traduki. L’atelier à sa disposition lui a offert du temps et de l’espace pour se concentrer sur l’écriture, tout en lui per-mettant de vivre un échange intense et du-rable avec le milieu littéraire croate.

Workshops à Split et SoleureTraduki ne se contente pas de transmettre des textes, mais organise des rencontres entre auteurs, traducteurs, éditeurs et cri-tiques. Des workshops organisés à Split et à Soleure grâce au soutien déterminant de Pro Helvetia, ont fourni aux pays de l’Eu-rope du Sud-Est, ainsi qu’à l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, l’occasion de présen-ter leur propre littérature et activité litté-raire. Traduki consolide ainsi les contacts existants et éveille l’envie d’accéder à des auteurs et des textes inconnus. Le réseau fait découvrir au public germanophone des livres d’Europe du Sud-Est et permet en contrepartie aux lecteurs de l’Europe du Sud-Est de découvrir la littérature germa-nophone : le roman de Hansjörg Scherten-leib, Das Regenorchester, vient ainsi d’être traduit en bulgare. Or, Traduki attache éga-lement beaucoup d’importance à promo-

voir les traductions au sein de l’Europe du Sud-Est, entre les langues albanaise, bul-gare, roumaine et celles de l’ancienne You-goslavie – là aussi, il reste encore beaucoup à découvrir.

Traduki a vu le jour en 2008 à l’initia-tive commune de l’Allemagne, de l’Au-triche et de la Suisse. Le réseau est financé en Allemagne par le Ministère des affaires étrangères, la Fondation S. Fischer et le Goethe-Institut, en Autriche par Kul-turkontakt Austria et le Ministère des affaires européennes et internationales et en Suisse par Pro Helvetia. La Slovénie a

rejoint le trio fin 2009, par l’intermédiaire de l’Agence littéraire JAK.

Des polars de Croatie captivantsTraduki assigne un rôle central à la colla-boration d’égal à égal entre tous les acteurs concernés, que ce soit les éditeurs ou les traducteurs. « En tant que médiateurs culturels, ces acteurs endossent un rôle décisif », confie Antje Contius, directrice de la Fondation S. Fischer, où Traduki a pris ses quartiers. Traduki se distingue par un encouragement sur mesure, qui présup-pose une connaissance approfondie des pays concernés et de leurs littératures. C’est là qu’intervient Alida Bremer, experte en sciences de la littérature, traductrice et médiatrice culturelle. Elle est un peu l’âme de Traduki, forte d’une longue expérience de l’activité littéraire des pays d’Europe du Sud-Est et tirant profit d’un riche réseau de contacts personnels. Elle reconnaît im-médiatemment quel texte est susceptible de convenir à quelle maison d’édition et s’efforce de faire découvrir des livres propo-sant une vue des Balkans dénuée de stéréo-types, à l’instar de ces polars et thrillers de haute qualité qui ont vu le jour en Croatie ces dernières années. « Nous encourageons des traductions, mais nous conseillons aussi des éditeurs dans leur recherche d’au-teurs », confie-t-elle, « et c’est important de connaître personnellement les gens dans chaque pays pour avoir une véritable vue d’ensemble ». Même si Traduki ne finance en règle générale que la traduction (les coûts liés à l’impression, à la mise en page, au marketing et à la distribution sont à la charge des éditeurs), les exceptions ne sont pas exclues. « Actuellement, nous finan-çons entièrement le projet d’une antholo-gie composée de textes d’auteurs kosovars et croates. En fin de compte, ce projet transfrontalier touche le cœur de nos pré-occupations. »

www.traduki.eu Christine Lötscher est spécialiste des sciences de la littérature et critique littéraire ; elle travaille en tant que collaboratrice auprès de l’Institut suisse Jeunesse et Médias ISJM. Traduit de l’allemand par Anne Schmidt-Peiry

La rubrique Partenaire présente une institution ou un réseau encourageant la culture.

TradukiDans la région des Balkans autrefois en crise, le réseau

de littérature Traduki encourage le dialogue entre les nations et fait découvrir au public germanophone

la littérature de l’Europe du Sud-Est.

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par Ruedi Widmer – Les amateurs de culture peuvent se réjouir : le secteur de la culture est florissant. Globalement, les médias culturels gagnent en volume. Bref : le journalisme culturel a de l’avenir. Ce qui complique un peu la situation, c’est qu’il faut d’abord le réinventer.

Pour mieux cerner le problème, il est bon de commencer par entrer en contact avec les clients. Si vous interrogez des jeunes, en particulier, et leur demandez où et comment ils consomment le journa-lisme culturel, vous obtiendrez une image assez confuse. Suivant le modèle de la na-vigation sur Internet, on se balade des mé-dias hyperspécialisés à ceux qui balaient le plus large, on pique ici et là, on lit l’un ou l’autre article jusqu’au bout, on s’exerce à l’enthousiasme formaté façon Facebook ou Twitter, on saute d’une communauté à l’autre. Pour ce type d’utilisateurs, les mé-dias classiques sont au mieux une halte in-termédiaire. Pour atteindre le plus grand nombre possible d’entre eux, le journa-lisme culturel des mass médias fait le grand écart. Les frontières deviennent floues. Par exemple : où s’arrête thémati-quement la culture, au débat sur les mina-rets, au jeu vidéo qui cartonne, au shiatsu ? Où s’arrête le journalisme culturel, au por-trait de star élogieux, à la colonne people, aux conseils de relookage ? Et où com-mence la compétence du lecteur : a-t-il déjà entendu parler, disons, de Robert Walser ?

À ces questions de positionnement s’en ajoutent d’autres, au moins aussi im-portantes pour l’avenir du journalisme culturel, qui tournent autour du rapport entre la culture et les médias. Ainsi, dans notre exemple : comment, en tant qu’orga-nisateur, puis-je atteindre un public pour ma soirée Robert Walser si les journalistes culturels, fixés sur les événements et les cé-lébrités, vivant dans les biotopes locaux branchés et les réseaux médiatico-sociaux planétaires, arrivent à la conclusion que

Walser est tout à fait passionnant pour eux personnellement, mais n’intéresse pas leur public cible ? Une des réponses possibles pour le producteur de culture est alors d’en rendre compte lui-même et de mettre aussi la main au porte-monnaie. La Toile offre des centaines d’exemples de ce genre.

C’est pourquoi beaucoup pensent que le journalisme culturel traditionnel est en train de régresser inexorablement. Mais à l’heure où les pages se tournent d’un clic, le journalisme culturel à l’ancienne n’est-il pas justement en train de renaître avec des thèmes comme Robert Walser ? Ne trouve-t-on pas encore des médias culturels mainstream avec des contenus attrayants traités avec la plus grande compétence ? Et n’y a-t-il pas depuis des années des exemples remarquables de journalisme culturel en ligne (comme perlentaucher.de, nachtkri-tik.de ou encore culturactif.ch), auxquels viennent s’ajouter presque quotidienne-ment de nouvelles offres captivantes ?

La réponse est à chaque fois un oui franc et massif. Le triangle magique – un journalisme culturel qui consiste en un transfert durable de compétences entre producteur, intermédiaire et consomma-teur – fonctionne parfaitement dans les an-ciens comme dans les nouveaux médias. Seulement, il se cantonne de plus en plus

souvent dans des niches et s’affiche de moins en moins souvent dans des supports à large audience et longue mémoire.

Dans ce contexte, trois constats sont particulièrement importants pour les jour-nalistes culturels de demain : d’abord, le besoin de textes riches de connaissances n’a pas disparu ; la compétence thématique alliée au pouvoir évocateur et à un large sa-voir contextuel trouvera assurément tou-jours preneur. Ensuite, le journaliste doit se rappeler qu’il publie et qu’il peut le faire aussi bien dans les mass médias que dans des revues spécialisées ou des blogs. Enfin, ses prestations trouveront, outre une re-connaissance, une rémunération méritée s’il est en mesure de réinventer le journa-lisme culturel au moins à petite échelle, c’est-à-dire de participer de façon créative à la conception de médias culturels qui soient des modèles commerciaux.

Ruedi Widmer est responsable de la filière master publizieren & vermitteln de la Haute école zurichoise des arts, destinée aux futurs journalistes et communicateurs culturels et proposée en coopération avec l’Institut für Angewandte Medienwissenschaft de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). Traduit de l’allemand par Christian viredaz

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Le journalisme culturel

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Étranges paysages

Papierbaum oder der Widerstand der Dinge, 2008(Arbre de papier ou la résistance des choses) photo, impression pigmentaire sur papier à la cuve, 114 cm × 142 cm par Herbert Weber

Le papier est le matériau qui ne cesse d’accompagner le photographe Her-bert Weber. La plupart du temps, il s’agit de papier pour imprimante ou de papier en rouleau qu’il utilise pour ses installations et ses arrangements et qu’il photographie ensuite. Tel un randonneur, il se déplace par prédi-lection dans la nature. Muni d’un trépied, d’un appareil photo et d’un télédéclencheur, il se laisse inspirer par le lieu et n’hésite pas à prendre place devant l’objectif. « Mes photos traduisent ma perception du monde. Souvent les choses sont un peu déca-lées – et saisissent ainsi la réalité de plus près. »

Herbert Weber (*1975) a étudié la photographie à la Haute Ecole d’arts de Zürich. Il vit et travaille dans le Toggenbourg. www.herweber.ch

La rubrique « Galerie » met en lumière l’œuvre d’un ou d’une artiste suisse.

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Passages, le magazine de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, informe sur l’art et la culture de Suisse et sur ses échanges culturels avec le reste du monde. Passages paraît trois fois par an et il est diffusé dans plus de 60 pays – en allemand, français et anglais.

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Le journalisme culturel a-t-il un

avenir ?Notre époque raffole de blogs, de Twitter et d’Amazon : a-t-elle encore besoin du classique critique de littérature ou d’art ? Il semblerait que l’autocratie des critiques ait fini par céder le pas à la polyphonie des blogueurs. Certains y voient une dé-mocratisation bienvenue. D’autres une déplorable banalisation. Le prochain nu-méro de Passages analysera les consé-quences, sur le journalisme culturel, du bouleversement économique et technique auquel sont soumis les médias. Il parlera de l’intérêt des Suisses pour les questions culturelles traitées dans les médias et s’interrogera sur le visage du journalisme culturel dans une Égypte en pleine révo-lution. Le prochain Passages paraîtra à la fin août 2011.

Editrice Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture www.prohelvetia.ch Rédaction Rédaction en chef et rédaction de la version allemande : Janine Messerli Assistance: Isabel Drews et Elisabeth Hasler Rédaction et coordination de la version française : Marielle Larré Rédaction et coordination de la version anglaise : Rafaël Newman Adresse de la rédaction Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture Rédaction de Passages Hirschengraben 22 CH–8024 Zurich T +41 44 267 71 71 F +41 44 267 71 06 [email protected] Conception graphique Raffinerie, AG für Gestaltung, Zurich Impression Druckerei Odermatt AG, Dallenwil Tirage 18 000 © Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture – tous droits réservés. Reproduction et duplication uniquement sur autorisation écrite de la rédaction. Les articles nommément signés ne reflètent pas forcément la position de l’éditrice. Les droits des photos restent propriété des photographes. La Fondation Pro Helvetia soutient la culture suisse et favorise sa diffusion en Suisse et dans le monde. Elle s’engage pour la diversité de la création culturelle, elle aide à définir les besoins de la culture et concourt à l’existence d’une Suisse culturelle multiple et ouverte.

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Passages le magazine culturel de Pro Helvetia en ligne : www.prohelvetia.ch/passages

Actualités Pro Helvetia Projets actuels, concours et programmes de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia : www.prohelvetia.ch

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Vous avez jusqu’au 15 juin 2011 pour participer !

Le prix : sans titre, gravure sur papier à la cuve, tirage 2/3, 2009, 80 × 64 cm.

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Nos illusions sont tenaces. Les premiers mois, elles résistent parfaitement à la réalité. Hans J. Roth

L’art repose sur des conquêtes sociales que je nommerais les Quatre vertus du système de l’art : l’attention à l’individu, la valorisation sociale du travail, des pratiques ouvertes d’échange et de commerce et la liberté d’exprimer publiquement son opinion.

Chercher des alternatives de financement – et ne pas toujours jouer sur la culpabilité de l’Occident. Ntone Edjabe Sur un pied d’égalité ? Les échanges Nord–Sud

Joseph Gaylard, p. 18

L’Autre comme miroir de soiBeat Wyss, p. 10

un mal du pays paradoxal David Signer, p. 24

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En Argentine, « oui » ne veut pas forcément dire que c’est bon, et « non » ne signifie pas que cela ne marchera pas. Lola Arias Mettre en scène la vraie vie

Karen Naundorf, p. 6”“

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