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12) Expliquer la distinction entre contexte de la découverte et contexte de la justification. Quel joue cette distinction dans l’empirisme logique ? Le contexte de découverte se rapporte à la démarche qui aboutit à proposer un résultat théorique, tandis que le contexte de justification concerne la vérification de la vérité d'une théorie ou d'une hypothèse donnée, indépendamment de la façon dont elle a été obtenue. La philosophie des sciences des empiristes logiques se garde du psychologisme en distinguant, avec Popper et Reichenbach (1938), le « contexte de la découverte » (économique, social, psychologie) du « contexte de la justification », le second étant seul digne d’intérêt, puisqu’il est le lieu de la rationalité et de la critique intersubjective garante de l’objectivité : il relève du mode d’argumentation et de validation propre au domaine de recherche. L’empirisme logique est donc essentiellement anhistorique, dans la mesure où l’histoire décrit le mouvement des idées, et ne dit donc rien d’essentiel sur l’objet du philosophe des sciences, qui est la structure logique des théories dans leurs rapports avec les faits empiriques. 13) Qu’est-ce qu’une théorie scientifique pour l’empirisme logique ? Comment prouve-t-on la validité d’une théorie ? S’interroger sur le fondement de la connaissance scientifique ramène à la positionner devant le trilemme de Fries : soit l’on postule que le fondement de la connaissance scientifique se trouve dans l’autorité de la parole de scientifiques soit l’on postule que le fondement de la connaissance scientifique se trouve dans le fait qu’elle apporte une justification à chacun de ses énoncés soit l’on postule que la connaissance scientifique trouve son fondement dans l’expérience sensible immédiate (psychologisme) Carnap, auteur éminent du «Cercle de Vienne», explique que seule la dernière position est soutenable dans la mesure où la première relève d’une attitude dogmatique, ce qui est contraire à l’essence même de la science et que la deuxième aboutit à une régression à l’infini des justification, ce qui au final ne nous apportera jamais de fondement. Carnap va alors développer trois thèses concernant les «énoncés protocolaires» à la base de toute connaissance scientifique puisque le positivisme logique considère que la sensation est le fondement de la connaissance. Les sensations sont absolument indubitables, et peuvent donc, une fois formulées dans un langage précis, servir à créer des théories scientifiques. Ainsi, les sensations doivent prendre la forme d'énoncés protocolaires . En effet, selon Carnap : - Le langage protocolaire est pur, au sens où le contenu des énoncés protocolaires est indépendant de toute théorie scientifique. Il est en principe possible de séparer l'interprétation théorique de la pure prise de connaissance des données. Les énoncés protocolaires expriment cette prise de connaissance indépendante de toute théorie. - Un énoncé scientifique est justifié dans la mesure où il peut être dérivé d’énoncés protocolaires. Les énoncés protocolaires eux-mêmes sont des énoncés qui n'ont besoin d'aucune justification (cadre théorique). - Le langage protocolaire est un langage privé propre à chaque sujet. Les propositions protocolaires étant absolument vraies, la science n'a plus qu'à comprendre les relations entre ces propositions pour obtenir une théorie complète de la réalité physique. Pour l’empiriste, une théorie est scientifique si elle peut être mise à l’épreuve des faits. C’est l’expérience, les faits ou encore les résultats expérimentaux qui donnent la mesure du succès des théories. Un accord entre une théorie et les données joue en faveur de la théorie ou la laisse inchangée, tandis qu’un désaccord la met en danger et force peut-être même à la rejeter. En ce sens, l’inductivisme et le falsificationisme participent, quoique chacun à leur façon, de l’empirisme.

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12) Expliquer la distinction entre contexte de la découverte et contexte de la justification. Quel joue cette distinction dans

l’empirisme logique ?

Le contexte de découverte se rapporte à la démarche qui aboutit à proposer un résultat théorique, tandis que le contexte

de justification concerne la vérification de la vérité d'une théorie ou d'une hypothèse donnée, indépendamment de la façon dont

elle a été obtenue.

La philosophie des sciences des empiristes logiques se garde du psychologisme en distinguant, avec Popper et Reichenbach

(1938), le « contexte de la découverte » (économique, social, psychologie) du « contexte de la justification », le second étant

seul digne d’intérêt, puisqu’il est le lieu de la rationalité et de la critique intersubjective garante de l’objectivité : il relève du

mode d’argumentation et de validation propre au domaine de recherche. L’empirisme logique est donc essentiellement

anhistorique, dans la mesure où l’histoire décrit le mouvement des idées, et ne dit donc rien d’essentiel sur l’objet du philosophe

des sciences, qui est la structure logique des théories dans leurs rapports avec les faits empiriques.

13) Qu’est-ce qu’une théorie scientifique pour l’empirisme logique ? Comment prouve-t-on la validité d’une théorie ?

S’interroger sur le fondement de la connaissance scientifique ramène à la positionner devant le trilemme de Fries :

• soit l’on postule que le fondement de la connaissance scientifique se trouve dans l’autorité de la parole de scientifiques

• soit l’on postule que le fondement de la connaissance scientifique se trouve dans le fait qu’elle apporte une justification

à chacun de ses énoncés

• soit l’on postule que la connaissance scientifique trouve son fondement dans l’expérience sensible immédiate

(psychologisme)

Carnap, auteur éminent du «Cercle de Vienne», explique que seule la dernière position est soutenable dans la mesure où la

première relève d’une attitude dogmatique, ce qui est contraire à l’essence même de la science et que la deuxième aboutit à une

régression à l’infini des justification, ce qui au final ne nous apportera jamais de fondement.

Carnap va alors développer trois thèses concernant les «énoncés protocolaires» à la base de toute connaissance scientifique

puisque le positivisme logique considère que la sensation est le fondement de la connaissance. Les sensations sont absolument

indubitables, et peuvent donc, une fois formulées dans un langage précis, servir à créer des théories scientifiques. Ainsi, les

sensations doivent prendre la forme d'énoncés protocolaires. En effet, selon Carnap :

- Le langage protocolaire est pur, au sens où le contenu des énoncés protocolaires est indépendant de toute théorie

scientifique. Il est en principe possible de séparer l'interprétation théorique de la pure prise de connaissance des

données. Les énoncés protocolaires expriment cette prise de connaissance indépendante de toute théorie.

- Un énoncé scientifique est justifié dans la mesure où il peut être dérivé d’énoncés protocolaires. Les énoncés

protocolaires eux-mêmes sont des énoncés qui n'ont besoin d'aucune justification (cadre théorique).

- Le langage protocolaire est un langage privé propre à chaque sujet.

Les propositions protocolaires étant absolument vraies, la science n'a plus qu'à comprendre les relations entre ces

propositions pour obtenir une théorie complète de la réalité physique. Pour l’empiriste, une théorie est scientifique si elle peut

être mise à l’épreuve des faits. C’est l’expérience, les faits ou encore les résultats expérimentaux qui donnent la mesure du

succès des théories. Un accord entre une théorie et les données joue en faveur de la théorie ou la laisse inchangée, tandis qu’un

désaccord la met en danger et force peut-être même à la rejeter. En ce sens, l’inductivisme et le falsificationisme participent,

quoique chacun à leur façon, de l’empirisme.

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14) Peut-on fonder la science sur une base empirique certaine ? Justifier votre réponse

La critique de Neurath est détaillé en trois point :

- Aucun protocole ne peut être formulé indépendamment de toute connaissance théorique, en dehors de la simple

expérience qui permet de la formule.

- Aucun énoncé n’est absolument certain et irrévocable : les énoncés protocolaires sont soumis au même risque de

réfutabilité que d’autre énoncés scientifiques. De ce fait il y a une incompatibilité entre théorie et protocole : pourquoi

alors corriger la théorie et non pas la validité du protocole ?

- Le langage protocolaire ne peut être d’un quelconque usage scientifique qu’à condition d’être traduit dans un langage

intersubjectif. Ainsi l’idée d’un fondement immédiat du langage de l’observation dans l’expérience subjective doit être

abandonnée.

Ainsi il y a échec de la notion de langage protocolaire. Toute donnée est chargée de théorie.

15) Décrivez brièvement ce qu’est une matrice disciplinaire selon Kuhn. Quel est le rôle de ce concept dans la théorie de

Kuhn ?

Kuhn proposa le terme de « matrice disciplinaire », 7 ans après la première édition de son ouvrage « La structure des

révolutions scientifiques » (1962) pour dénommer ce qui fait l’objet d’une adhésion du groupe scientifique, alors que celui de

paradigme désigne plutôt la fonction sociale de cette matrice.

Les éléments d’une matrice disciplinaire forment un tout et fonctionnent ensemble. Les principaux éléments sont les

« généralisations symboliques », les « croyances métaphysiques », les « valeurs » et les « paradigmes » au sens strict.

Les généralisation symboliques » sont des éléments acceptés par un groupe d’hommes de science sans difficultés ni discussion

(loi de Newton par exemple). Ces généralisations ressemblent à des lois de la nature mais servent aussi de définition aux

symboles qu’elles contiennent. Les croyances méta-physiques désignent des adhésions collectives à certaines convictions, qui

expriment une interprétation intuitive de lois de la nature. Les valeurs épistémiques sont des éléments dont la reconnaissance

donne à tous les spécialistes d’un type de science déterminé le sentiment d’appartenir à un même groupe. Par exemple, les

valeurs comme la précision quantitative, l’exactitude des prédictions, la cohérence des théories, la simplicité. Enfin, la

quatrième sorte d’éléments est formé d’exemples ou de paradigmes au sens stricte. Il s’agit de l’ensemble de types de solutions

classique pou aider les étudiants à acquérir la maîtrise de la discipline.

Toute la philosophie de l’histoire des sciences de Kuhn s’articule sur les notions de matrice disciplinaire : la science

normale est la mise en œuvre d’une matrice stable, et une révolution scientifique est un changement de matrice.

16) Quelles sont les étapes du processus historiques de science ? Comment sont-elles reliées ?

Durant le stade primitif d’une science, différentes écoles s'intéressant à des problèmes communs

s'opposent par leurs interprétations divergentes. L'absence d'un cadre théorique faisant consensus

ne permet pas un progrès général. Cependant un paradigme unifié – ensemble cohérent : des lois,

théories, applications et dispositifs expérimentaux - et unificateur va peu à peu s’imposer. Cette

théorie unificatrice est acceptée parce que tous les acteurs partagent une vision du monde commune.

On entre alors dans ce que Kuhn appelle « la science normale ».

Le principal objectif de l’activité scientifique qui suit l'apparition d'un paradigme est d'améliorer, sur le plan scientifique, cette

première unification des idées. Cela passe essentiellement par une connaissance accrue des faits et par une précision toujours

plus grande des prédictions permettant d'expliquer les observations. Cette activité scientifique limite le champ de vision du

scientifique en concentrant son attention sur des problèmes visant exclusivement à augmenter la précision du paradigme.

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S'il est admis que « la science normale ne se propose pas de découvrir des nouveautés, ni en matière de théorie, ni en ce

qui concerne les faits », comment l'évolution des idées scientifiques est-elle alors possible ? Pour Kuhn, le mécanisme essentiel

de transformation de la science est précisément l’échec de son régime normal. Il y a découverte et « conscience d’une anomalie,

c'est-à-dire l'impression que la nature, d'une manière ou d'une autre, contredit les résultats attendus dans le cadre du paradigme

qui gouverne la science normale »

.Ce sont des considérations sociales qui déterminent le moment de rupture (crise).

Les révolutions scientifiques ont déjà été présentées comme les réponses aux crises — pour Kuhn, elles caractérisent

même l'évolution des idées scientifiques. Elles ne se limitent pas au remplacement brutal d'un paradigme par un autre : le

processus de révolution, s'il est une rupture, n'est pas pour autant immédiat. Il progresse par des prises de positions successives

de la part des groupes scientifiques confrontés à une crise. Lorsque ces différents groupes se rallient finalement à une nouvelle

théorie consensuelle permettant de dépasser l'ancien paradigme, la révolution est achevée.

Après la révolution, on entre de nouveau dans la « science normale » et le cycle recommence.

17) En quoi consiste la recherche durant une période de science normale selon Kuhn et Lakatos ?

Pour Kuhn, la science normale désigne donc précisément « la recherche solidement fondée sur un ou plusieurs

accomplissements scientifiques passés, accomplissements que tel groupe scientifique considère comme suffisants pour fournir le

point de départ d’autres travaux. » Ces restrictions de l’activité scientifique sont cependant indispensables au développement

empirique des savoirs, car elles forcent le scientifique à étudier très précisément un domaine particulier de la nature. Il s'agit

bien là « d’augmenter la portée et la précision de l’application des paradigmes «

Pour Lakatos (XXème siècle), les thèses fondatrices de Kuhn sont justes mais le modèle dynamique ne l’est pas.

Lakatos considère que la science se structure en programmes de recherche dont le critère principal est celui d'une cohérence

interne autour d'un noyau dur non négociable. Il est composé d’un noyau dur de thèses inviolables entouré d’une « ceinture

protectrice » formée d’hypothèses auxiliaires, qui peuvent, elles, être éventuellement modifiées. Un programme de recherche ne

résout jamais toutes ses anomalies. Car les réfutations abondent toujours.

18) Comment expliquer le progrès scientifique dans la théorie de Kuhn ? de Lakatos ?

Pour Kuhn : Un nouveau paradigme s'imposant au terme d'une crise scientifique doit non seulement être capable de résoudre les

problèmes à l'origine de la chute du précédent paradigme, mais aussi conserver l'essentiel des résultats passés — les énigmes

résolues par le paradigme remplacé doivent majoritairement le rester, faute de quoi la situation est bloquée. C’est en cela que

réside le progrès.

Pour Lakatos, il existe une rationalité dans l’activité scientifique mais la science est une activité complexe dont les mécanismes

internes ne sont pas toujours rationnels. Lakatos propose donc un réfutationnisme sophistiqué : les scientifiques travaillent dans

le cadre de programmes de recherche scientifique qui comportent un noyau dur et une ceinture protectrice d'hypothèses

auxiliaires. Seules ces dernières sont soumises à la réfutation. Un programme de recherche est caractérisé à la fois par

une heuristique positive (ce qu'il faut chercher et à l'aide de quelle méthode) et une heuristique négative (les domaines dans

lesquels il ne faut pas chercher et les méthodes qu'il ne faut pas employer).

Un programme de recherche peut être progressif (générateur de connaissances nouvelles, capable de prédire des faits inédits et

d'absorber les anomalies, gagnant en influence) ou régressif (devenu incapable de prédire des faits inédits, perdant de

l'influence et des adeptes parmi les scientifiques). Des programmes de recherche concurrents peuvent donc coexister

durablement, ce qui contribue à expliquer la vivacité des débats scientifiques.

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19) Dans quelle mesure la science est-elle une construction sociale ? Quelles difficultés implique pour la pratique

scientifique votre réponse ?

Le constructionnisme sociale correspond à l’élaboration de théories par rapport aux contextes sociaux. : c’est un concept

sociologique.

A la fin du XXème siècle, Shapin et Schaffer publie un ouvrage au titre provocateur de (Leviathan et la pompe à air). L’œuvre

de Hobbes est détournée en un souverain tenant dans une de ses mains une pompe à aire mise au point par Boyle au XVIIème

siècle. Objet sujet de nombreuses critiques à l’époque : les tenants de l’existence du vide et leurs opposants.

Boyle désire recentrer la pratique sur la notion de faits et non celles de théorie certaine. Ainsi, trois technologies ont vocation à

produire, répandre et protéger les faits : matérielle (fabrication et maniement de l’instrument), littéraire (mode de

communication par lequel les phénomènes sont divulgués à ceux qui n’ont pas été témoins des expériences) et sociale

(conventions que les scientifiques devraient appliquer dans leur rapport mutuels et dans la gestion des conflits).

L’analyse des écrits et travaux de Boyle montre l’importance de l’organisation sociale dans la constitution des faits.

Ainsi se pose une difficulté : les scientifiques doivent-ils être réaliste (Conception philosophique selon laquelle le monde existe

bien en dehors de la représentation que nous en avons) ou antiréaliste face aux faits ?

Du point de vue épistémologique, la longue prédominance masculine dans le champ de la recherche scientifique a influencé la

constitution des savoirs et des méthodes d’investigation dans un sens peu favorable à la compréhension des phénomènes . Du

point de vue moral, les racines communes du paternalisme et de l’anthropocentrisme invitent à critiquer cette double

domination, des hommes sur les femmes d’une part, des êtres humains sur la nature d’autre part. C’est pour cela que les

épistémologistes féminins assurent qu’il existe des biais masculin en science.

Quels sont ces biais et s’ils existent, peut-on encore soutenir une épistémologie réaliste ou anti réaliste ?