Parole(s) - N°9

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P a r o l e ( s ) Découvrir, comprendre, raconter « Chaque jour, je servais des produits périmés »

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Neuvième numéro du magazine Parole(s)

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P a r o l e ( s ) Découvrir, comprendre, raconter

« Chaque jour, je servais des

produits périmés »

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Magazine Parole(s) - Numéro 9 - Juin 2013

Fondateur, directeur de la publication : Philippe Lesaffre Rédacteur en chef : William Buzy

Reporters : Floriane Salgues, Théophile Wateau, Baptiste Gapenne, Guillaume Aucupet, Frédéric Emmerich

Crédits photos : Frédéric Cecconi, Ludo 29880, Magnus Manske, Jean-

Louis Zimmermann, Zigazou, Thesupermat, Robbie Saurus

Parole(s) est soutenu par la Coopérative d'Aide aux Jeunes Journalistes (CAJJ). CAJJ, association loi 1901, déclarée en sous-préfecture de

Langon le 26/06/2010 / Siège social : 508 Laville Ouest, 33500 Capian.

Pour contacter la rédaction : [email protected]

www.facebook.com/magazineparoles https://twitter.com/ParolesleMag

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Making-of

Par Philippe Lesaffre, fondateur

C’est un sujet séduisant qui traînait sur la table depuis longtemps. L’un des journalistes de la

rédac’ confie d’ailleurs avoir voulu « écrire sur ce thème » de société depuis belle lurette. Nous avons donc décidé de sauter le pas, dans ce numéro de juin. Traiter l’accessibilité des

personnes handicapées en zone urbaine.

Comment s'y prendre ? La décision est prise après moult réflexions : l’un des fondateurs de Parole(s) ira au travail… sans marcher, en fauteuil roulant. Et il racontera son trajet dodo-

métro-boulot… original pour lui, mais pas pour tant d'autres - les victimes d'un accident de la route et les personnes à qui la chance n'a pas souri à la naissance. Après l’enquête sur la

situation des malentendants, il y a quelques mois, voici, donc, le récit d'un vrai-faux handicapé, accompagné du témoignage d'un étudiant handicapé qui pousse un grand coup de

gueule dans cette revue. *

Cette réunion de groupe a eu lieu chez l'un des fondateurs de Parole(s). Et, exceptionnellement, un ancien cuisinier, rencontré par l'un des nôtres, quelques jours

auparavant, a suivi avec attention notre demi-heure de discussion. Du coup, nous avons échangé sur son métier. Et c'est alors qu'il nous a révélé l'impensable. Il servait des produits pas frais au quotidien. Quoi ?!? Nous l'avons revu pour en parler plus longuement. Ce qui a donné, quelques semaines plus tard, un article pour ce #9. Qui, vous l'avez noté, paraît deux

mois après le dernier numéro.

Parole(s) est né mensuel. Il passe ainsi bimestriel. Le prochain rendez-vous avec nos lecteurs aura lieu début août.

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Mon fauteuil à moi…

Par William Buzy

Se rendre à son lieu de travail, depuis son domicile, en fauteuil roulant, peut facilement s'apparenter à un parcours du combattant. Surtout à Paris, où les rues, ainsi que les transports en commun, ne sont pas assez adaptés aux personnes souffrant d'un handicap. C'est ce que Parole(s) a pu vérifier, un jour de printemps francilien.

Quand le chef m’a dit que j’allais passer la journée dans un fauteuil roulant, j’ai un peu fait la gueule. Déjà, la dernière fois, quand il avait fallu passer la journée dans le métro, c’était tombé sur moi... Là, il faut quelqu’un pour servir de cobaye, et c’est encore moi qui dois m’y coller. Certes, Parole(s), ce n’est pas tout à fait lemonde.fr, et, dans une rédaction de sept personnes, ça tourne toujours plus ou moins entre les mêmes.

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.

Certains, parmi les 12 millions de personnes

handicapées en France, ont des chiens pour les

aider. Et ils valent de l'or. Chercher un objet, comme le téléphone

portable, les accompagner au magasin… Les

fonctions sont multiples, note l'association

"Handi'chiens", née en 1989, qui remet les

animaux à quatre pattes à des personnes en fauteuil

roulant.

Mais là, j’étais à deux doigts d’en référer à qui de droit. Le chef a essayé de me prendre par les sentiments, à base de « vivre avec ou comme ton sujet, c’est la manière la plus noble de faire du reportage », ou de « c’est de l’immersion pure, c’est presque du gonzo ». Je savais que c’était des conneries, mais de toute façon, on n’a pas de représentant syndical. Alors, j’ai négocié et obtenu le droit de miser sur le symbolisme du trajet domicile-lieu de travail.

Pente raide

J’ai décidé de débuter l’expérience au sortir de chez moi. Loin de moi l’idée de tricher, mais le but étant d’être confronté aux difficultés du quotidien pour les handicapés, le fait que mon domicile ne soit pas équipé aurait biaisé l’expérience. Par chance, j’habite au rez-de-chaussée. Je parviens donc facilement à quitter l’immeuble, qui est, par ailleurs, équipé d’une rampe

d’accès extérieure. Fastoche.

Le problème, c’est que de chez moi au métro, la pente est, comme qui dirait, un peu raide. Mais ce n’est qu’une question de maîtrise de l’engin, et, au prix de quelques brûlures sur les mains, je parviens à rouler jusqu’aux pieds de ma station.

C’est là que cela devient compliqué. Il n’y a pas d’ascenseur, pas de rampe. Seize marches, un virage à gauche, six marches, un virage à gauche, un tourniquet qui peut être contourné par une porte adaptée, un virage à droite, et vingt marches, pour parvenir sur le quai. Honnêtement, la descente tout schuss, je ne la sentais pas trop.

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Accompagné par Valérie Létard, secrétaire d'État à la Solidarité, Brice Hortefeux, alors ministre du Travail, fait, en janvier 2009, le point sur l'accessibilité aux personnes

handicapées sur le réseau de la RATP - notamment sur la ligne francilienne du RER B

Parcours énervant

Je ne savais pas si le règlement m’autorisait à prendre le taxi, mais, en revanche, j’étais sûr que cela ne serait pas remboursé par le magazine. Alors, j’ai décidé de prendre le bus. Après avoir laissé passer le premier - la palette rétractable permettant de monter à bord ne fonctionnait pas -, je me glisse dans le second, qui a un espace réservé, avec un bouton d’arrêt à ma hauteur. Après quoi, la partie du voyage en tramway se révèle plutôt agréable : facile d’accès, et avec de l’espace à l’intérieur.

Le trajet de la station de tramway à mon lieu de travail a été nettement moins plaisant. Sachez-le, je déteste désormais : les trottoirs pavés, les terrasses de café et les voitures mal garées. Ça fait mal, ça fait faire des détours, et ça bloque tout simplement le passage.

Encore une fois chanceux, l’immeuble de mon travail étant relativement moderne, il dispose d’une rampe d’accès, d’un ascenseur facile d’accès - contrairement à l’immeuble d’en face, où la porte d’entrée et l’ascenseur sont séparés de trois marches… -, et de portes suffisamment larges pour me permettre de les franchir sans encombre.

Finalement, mon parcours a été plus long qu’à l’accoutumée (1h30 au lieu de 55 nutes), plus stressant, et relativement plus énervant. Je me suis surtout posé ces

: combien de stations de métro à Paris sont-elles accessibles aux et, surtout, comment diable font-ils pour se déplacer au quotidien ?

ière question, c’est 15. Sur 396. La réponse à la deuxième, je

mideux questions

, La réponse à la premhandicapés

ne l’ai toujours pas trouvée.

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« Le gouvernement ne fait rien pour nous » Antoine, âgé de 23 ans, se présente comme "handicapé" sur Twitter. Cet étudiant de Bretagne se sert du réseau social pour informer, échanger, , « faire évoluer les mentalités ». On le trouve de bonne humeur, mais en colère… contre le gouvernement et les médias, coupables, à ses yeux, de rester "silencieux" sur ce thème.

Propos recueillis par Frédéric Emmerich

handicapées ?

és, que le le avec ien aussi

d'éviter les rues pavées - une

sentiment que cela n'avance pas vite ? Est-ce, pour vous, une histoire de volonté politique ? Un manque d'argent ?

La mentalité française... Le gouvernement français, qu'importe le parti politique, n'a rien fait pour nous. On ne nous entend (presque) pas, la faute

aux médias. La preuve en est la défaite de Jo-Wilfried Tsonga en demi-finale de Roland-Garros qui a été beaucoup plus commentée à la télévision, dans les journaux, sur les ondes des radios que la victoire de Stéphane Houdet, 42 ans, dans le tableau messieurs handisport.

Que faut-il encore améliorer dans nos villes afin que l'accès soit plus facile pour les personnes

Il faut tout équiper, les bus avec une rampe. J'aimerais également que les arrêts de cars soient à hauteur du bus, que les trottoirs soient abaissmétro soit accessibascenseur. Ce serait b

horreur (rire) -, et d'équiper surtout les lieux publics comme la mairie.

Qu'est-ce qui coince pour vous ? Pourquoi a-t-on le

Stéphane Houdet a remporté, début juin, le tournoi de Roland-Garros pour la deuxième fois consécutive. Valérie

Fourneyron, ministre des Sports, l'a félicité sur Twitter

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Ils existent beaucoup deen parle. Je vous donneaux entreprises d'embaucher des personnes handicapées. Nous ne pouvons pas omme tout le monde ?

Le gouvernement n'aidleur magasin comme i

discriminations, mais personne un exemple : la loi qui impose

être embauchés c

e pas les commerces à équiper l se doit. La loi de 2005 est ore en 2013... Le problème est 'argent à l'Etat, mais que l'Etat

rien. Pourtant, les personnes voir d'achat, certes faible, mais commerces sont équipés, les c acheter leurs produits. C'est la

repoussée et le sera encqu'on coûte beaucoup dpense qu'il n'en tirerahandicapées ont un pouils en ont un. Si les

personnes handicapées pourront accéder à leur magasin et donmême chose pour le tourisme.

Pourquoi avez-vous mis en avant votre situation de handicap sur Twitter ?

sites de réseaux sociaux et ils ne s de débattre et de discuter avec

Je suivais des organismes à propos de handicap sur différents faisaient que partager des informations sans prendre le temples personnes qui commentaient leur article. J'ai voulu offrir cette possibilité aux personnes sur Twitter.

Je ne pensais pas que le sujet "handicap" puisse attirer un grand nombre de personnes - plus de 4 100 personnes suivent @UnHandicapé.

C e m s médias et du gouvernement. Quand cela ne touche pas les

pas nous aider ? Alors prenons-nous par la main et à

fais surTwitter.

e que je veux, c'est contribuer à un changement dentalité. Ce qui ne va pas ? Le manque d'information de

personnes, ils ne s'intéressent pas au sujet. Ils ne veulent

nous d'essayer de faire bouger les choses. Un travail de fourmi, comme je le

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La nuit de l'horreur - Don't clean up this

  

Sorti en France le 5 juin 2013, le film italo-franco-roumain "Diazblood" ("Diaz - Un crime d'Etat", en VF) évoque les violences commises par des policiers dans une école de Gênes en 2001. Parole(s) a pu rencontrer deux activistes, présents à

nage, dans le prochain numéro,

Par Guillaume Aucupet

l'intérieur de l'établissement. Avant de vous livrer leur témoigretour sur les faits.

 

 

« La plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. » C'est ainsi qu'Amnesty International a qualifié la répression policière des émeutes survenues à Gênes, du 19 au 22 juillet 2001. 300 000 altermondialistes 'étaient rassemblés dans la ville italienne, afin de protester contre la politique menée par les

pays du G8, et affirmer qu' « un autre monde est possible ». Face àoliciers.

Bilan : 400 arrestations, 600 blessés, et un mort. Carlo Giuliani, 23 ans, est tué d'une balle dans la tête par un membre des forces de l'ordre. La Jeep de la police roulera à plusieurs reprises sur le corps du jeune militant. Cette violence à l’égard des manifestants avait été

s eux, 15 000 soldats et

p

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précédée et accompagnée de provocations policières, d’atteintes aux droits fondamentaux de circulation, de réunion, d’expression et de manifestation. Mais l'apogée, sans doute, sera cette nuit du 22 juillet. Dans la soirée, la police italienne donne l'assaut sur l'école Armando Diaz, qui abritait le centre de convergence des médias alternatifs, afin de détruire les preuves vidéos et photos accumulées par les militants et les journalistes. Prétextant une perquisition pour trouver des armes, 150 policiers lancent un raid contre ce bâtiment, dans lequel se trouve également quelque 300 militants endormis, venus de toute l'Europe, que la mairie a logé dans ces murs.

  « Une boucherie »  

Les mains levées vers le ciel, ou couchés, face contre terre, les locataires temporaires des lieux manifestent leur reddition. Les journalistes présentent leurs cartes de presse. En vain. « Ce fut une boucherie, écrira le journaliste Hans Jürgen Schlamp. Des mâchoires furent brisées, des bras et jambes cassés, des cuirs chevelus fendus. » « On aurait dit des drogués, témoignera un jeune Allemand de 21 ans qui effectuait son service civil. Ils étaient enragés et tapaient sur tout ce qui bougeait avec leur matraque. »

l'époque, la police expliquera avoir rencontré une résistance accrue et justifiera ses actes armes, et notamment de cocktails Molotov. Des armes, dont on apprendra,

plus tard, qu'elles ont en réalité été introduites par les forces de l'ordre elles-mêmes.

Ancien adjoint au préfet de police de Rome, Michelangelo Fournier a commandé l'un des groupes antiémeutes qui a fait irruption dans l'école. Quelques années plus tard, il confesse :

Àpar la présence d'

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« C'est vrai, j'ai vu des policiers s'acharner sur des personnes sans défense, cela ressemblait à une vraie boucherie. » La situation a rapidement dérapé : « Dans l'obscurité, j'ai vu quatre agents, deux en uniforme et deux en civil, matraquer une jeune fille, je leur ai crié d'arrêter, ils ont continué, j'ai dû les bousculer, ils m'ont insulté. Je suis resté tétanisé quand j'ai vu la fille avec le crâne fendu, dans une mare de sang, il y avait des grumeaux comme des morceaux de matière grise, j'ai cru qu'elle était en train de mourir. »

Mark Covell, un journaliste travaillant pour la BBC et pour Indymedia, un média alternatif, a été frappé dans la rue, devant le complexe de l’école par cinq policiers, jeté à terre et battu jusqu’à perdre conscience, bien qu’il leur ait présenté son accréditation de presse. Il a eu plusieurs côtes fracturées, un poumoperforé, une blessure à la olonne vertébrale, uneacture de la main gauche

nts.

ation. La nuit aurait pu se terminer

nt trois jours par des policiers et

nnes arrêtées et aux prisonniers ont été bafoués. Aucun d’entre eux, italiens ou étrangers, n’a pu contacter un avocat, des parents, le consulat. Il ne fut

n

cfret il y a laissé douze de

Des droits bafoués

Cette nuit-là, la police a frappé indifféremment hommes et femmes, jeunes et vieux, militants et journalistes. 93 d'entre eux ont été arrêtés. 62 autres ont été évacués en ambulance. Beaucoup, gravement blessés, ont été placés en réanimainsi, elle était déjà suffisamment ignoble. Mais le pire était encore à venir.

Les militants arrêtés sont rassemblés penda

carabiniers à la caserne de Bolzaneto. Enrica Bartesaghi, présidente du comité "Vérité et justice pour Gênes", raconte : « Tous les droits que notre Constitution garantit aux perso

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communiqué à aucun d’entrseraient emmenés ensuite. Bsoignés, ils ont dû signer devoulaient pas contacter d’avmanger, boire, dormir, ils furde nombreuses heures. »

Violences et humiliations s'enchrapports de ce comité sont très ex

TORTURÉE N° 81

Elle a subi des menaces y compris à caractère que: « d’ici ce soir, nous vous dévdans le couloir, elle a été frappverbaux de son arrestation en mpourrait pas les revoir si elle ne

e eux le motif de leur arrestation, où ils se trouvaient, où ils ien que nombre d’entre eux étaient blessés, ils n’ont pas été fausses déclarations sous la contrainte et déclarer qu’ils ne ocats ou leur consulat. Aucun d’entre eux n’a eu le droit de ent obligés de rester debout contre le mur, bras levés, pendant

aînent, comme en témoignent plus tard les détenus. Les plicites.

sexuel par des personnes à l’extérieur telles oilerons toutes », des coups par les agents sur son passage

ée violemment à la nuque et contrainte de signer les procès-ontrant les photos de ses enfants et en lui exposant qu’elle ne signait pas.

TORTURÉ N° 11

Il a été frappé à coups de pied et de poing dans le dos et insulté, contraint de rester couché à terre,

es à fond

passage dans le couloir et insulté aussi avec des crachats. Il a étpatte par un agent qui lui a donné l’ordre d’aboyer comme un chitalienne ».

TORTURÉE N° 21

Elle a été frappée dans le couloir durant son accompagnement aubras derrière le dos en la frappant avec des gifles et des coups dedes épithètes qui lui étaient adressées ainsi qu’aux autres femjuives, putains". Elle a également subi injures et crachats sur sonmenacée d’être violée avec la matraque et de coups, contrainte debout pendant de nombreuses heures.

jambes et bras écartés et la tête contre le mur, injurié par des phrases, des refrains et des épithètpolitique - « communistes de merde », « nous vous tuerons tous » -, frappé sur son

é obligé de se mettre à quatre ien et de dire « vive la police

x toilettes, ils lui tordaient le pied. Elle a été insultée avec mes dans la cellule : "truies, passage dans le couloir, a été à rester sans raison plausible

 

Marco Poggi, un infirmier présent, témoigne : « J'ai vu des détenus giflés, frappés à coups de poing ou de tête contre le mur. Pour certains, c'était un vrai lynchage. J'ai assisté à des choses que je croyais inimaginables. »

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Les procès de la honte

urtant eu lieu ces douze dernières années. La quantité de documents -

ge de enquête. Certains ont d'ailleurs été ondamnés, à des peines très faibles

ni par balle, lui, a été acquitté.

Les illustrations de cet article sont tirées du film "Diaz - Don't clean up this

blood", sorti en salles françaises

en juin 2013

Tout ceci s'est déroulé un soir d'été, en Italie. Par deux fois, le Parlement a rejeté les demandes d'ouverture d'une commission d'enquête.

Plusieurs procès ont poimages, témoignages, enregistrements de coups de téléphone entre policiers, actes administratifs, expertises médicales - ne laisse aucun doute sur la culpabilité des dirigeants et des membres des forces de l’ordre, inculpés pour les violences et pour le sabotal'ccependant. Et pour cause : l’Italie n’a pas encore introduit la torture dans le code pénal. Le policier ayant abattu Carlo Giulia

Une injustice qui contraste avec la situation des manifestants, pour lesquels les peines les plus graves ont atteint quinze ans de prison pour des faits de violence et de destruction. Une injustice qui porte le sceau de l'État-policier.

Une injustice qui ne fera que renforcer la rage et l'indignation de ceux qui clament aujourd'hui, avec encore plus d'ardeur qu'il y a 12 ans, qu' « un autre monde est possible ».

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Des produits pas frais u menu…

pas peur des mots. Il évoque son métier, le ndant trois ans. Et l'un de ses directeurs qui e jour, il refusait de jeter au moins un produit

Quentin assure être « prêt à tout (nous) dire avec plaisir ». Pendant plus d'une heure, ce garçon de 24 ans, qui a bossé trois ans dans un restaurant Del Arte à Saint-Nazaire, replonge dans ses souvenirs. Au fourneau entre 2009 et 2012, il en a, des anecdotes à raconter. Et elles peuvent embarrasser. « J'ai eu deux directeurs. Le second nous a demandé de faire n'importe quoi », confie cet ex-cuisinier qui a fini par démissionner pour

'en avait cure... Quand il venait contrôler les t sur ce qu'il fallait acheter, conserver ou jeter, ser » tel ou tel produit pour le service suivant.

t même, si la date limite de consommation était dépassée… « On était bien obligés de suivre » Pas de panique… « Je f

était possible, que le produit périmé soit consommé par les employés du restaurant, plutôt ue par les clients. »

a

Par Philippe Lesaffre Parole(s) a rencontré un jeune cuisinier qui n'arestaurant de Saint-Nazaire où il a travaillé pefaisait, se souvient-il, « n'importe quoi ». Chaqupérimé.

passer à autre chose.

« Servir des produits pas frais aux clients » ? C'était devenu une habitude, presque un rituel. «Il y avait au moins une fois par jour, midi ou soir, un plat préparé avec un produit périmé.» Souvent des produits « chers », comme la viande ainsi que les fruits de mer, précise-t-il. La date limite de consommation, le "dirlo" nréfrigérateurs après le service, pour faire le poinil demandait au responsable de cuisine de « pasEà la lettre ses consignes et le client dégustait. aisais en sorte, quand ilq

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Comportement « douteux » À l'heure où nous écrivons ces lignes, le directeur n'a pas bougé, il est toujours en poste.

raconte le une homme. Un contrôle

extérieur avait lieu une fois par mois par l'entreprise privéeSilliker, qui a pour but de renforcer la sécurité et la qualité des produits alimentaires. Elle fonctionne par contrat, à la demande de la direction des restaurants. « Il s'agit d'une expertise non obligatoire », précise-t-on à la Direction générale de la

D'après Quentin, la direction de la chaîne de restaurants, qui est « parfaitement au courant, ferme les yeux » face à son comportement « douteux ». Qui a perduré malgré le contrôle hebdomadaire de sa hiérarchie. Chaque lundi, lorsque Quentin y travaillait, le chef de cuisine des Del Arte de la région Loire-Atlantique passait « pour s'assurer que tout allait bien » au niveau de l'hygiène, des plats préparés - entrée, pâtes, pizzas et desserts. Et forcément, là, « le directeur était strict et se tenait à carreau ». Ce n'était pas le seul moment où il ne "trichait" pas,

je

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concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui, elle, a la main, au niveau central, pour s'assurer qu'aucune négligence n'est commise dans les restaurants de France et de Navarre. «La direction départementale de la protection des populations ? Je ne l'ai jamais vue » C'est la direction départementale de la protection des populations qui s'en charge au niveau local. Et là, pas de rendez-vous établi à l'avance. Un agent (parfois accompagné d'un assistant) arrive « à l'improviste », sourit-on à la DGCCRF. La plupart du temps, « avant les services, vers 11h-11h30 ». Ce qu'il contrôle ? La qualité des plats servis, les éventuelles tromperies sur la carte, le respect des règles de propreté. Or, Quentin n'a jamais vu, en trois ans de service, ces "contrôleurs". « Ils viennent au moins une fois par an », assure pourtant une

rtements et des plaintes. »

ent d'une

istot. « Les gens ne vont pas s'embêter à porter plainte t », imagine le jeune homme.

euls 12% des établissements contrôlés, sur une année et sur l'ensemble du pays, font preuve de manquements aux règles. Et encore, ce chiffre est « trompeur », confie notre intervenant à la DGCCRF, car « les baraques à frites font monter les statistiques ». En général, dit-elle, «nous faisons confiance» aux restaurateurs. Pas Quentin, visiblement.

source interrogée au sein de la DGCCRF. « J'étais peut-être en congé », réplique, non sans sourire, "notre" cuisinier. « Le nombre de visites, me confie, sans plus de précision, l'employée du service rallié au ministère de l' Économie et des Finances, dépend de la disponibilité des agents, des dépa Quentin l'affirme : quand il y a bossé, il n'a jamais eu v quelconque plainte, malgré les négligences qu'il a observées au Del Arte. Juste quelques «commentaires négatifs dans les forums sur Internet », précise l'ex-cuquand ils sortent déçus du restauran S

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Les maux dEpisode 7 : la serru

Notre Héros bloque sa porte d'entrée et ne peut plus l'ouvrir à clef. Que faire ? Appeler un serrurier... Ou pas !

inutes, ce

qui réussira à la entrée ne veut plus

ér ier lieu son assureur et au v Une dame au bout

u quotidien

re, clef de sa colère

Parfois, Notre Héros oublie sa clef et ne peut entrer chez lui… Agaçant ! Mais ce n'est rien, comparé à ce qu'il a vécu récemment à cause de sa porte d'entrée, pourtant pas si veille - environ cinq ans d'existence. Depuis plusieurs semaines, celle-ci lui

domicile, un pavillon de banlieue, l'esprit

tranquille. Jusqu'au jour où… D'un coup, la serrure a cessé de fonctionner… au

semblait bien capricieuse et ne se fermait que difficilement à clef. Armé de patience, il finissait toujours à en venir à bout - en levant bien fort la poignée - pour pouvoir quitter son

plus grand dam de Njour-là, a abandonné C'est finalement le fermer. Mais le probs'ouvrir. Notre Hmarathon des maudu fil lui rappelle que, comme il n'y a pas eu effraction, AXA ne peut payer l'addition d'un éventuel serrurier.

otre Héros, qui, au bout de vingt m.

colocataire de Notre Héroslème s'aggrave. La porte d'os joint en premaises nouvelles de débuter.

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e : s les

parages. La première entreprise, soi-disant « sous-traitante » de l'assureur, se trouve à plus de 25 km de son

otre Héros appelle quand même sans grand espoir. Il apprend d'abord que le forfait s'élève à

175 euros, soit… comme tous les autres serruriers, remarquera-t-il plus tard. Un tarif «préférentiel», sourit-il. Et, évidemment, le sdes verrous ne peut se déplacer qu'au miljournée, en pleine semaine, à un moment Héros s'active sur sa chaise de bureau. Écn'aboutit à rien. Notre Héros téléphone ensuite à Lapeyre, la lui a monté la porte d'entrée. Sans plus dLapeyre invite Notre Héros à envoyer un chèqeuros afin qu'un conseiller puisse «venir danssemaines». Et il laisse son domicile "ouvert à t ndant 21 jours ?

« Du bluff » Du coup, il surfe es entreprises de serrurerie, près de note Notre Héros, se présentent comme… lié urs groupes d'assureurs, dont AXA - « C'est du b e de notre protagoniste. Il en contacte un certa e peuvent pas dépanner Notre Héros. Il y en i lui

eux hez

Notre Héros.

uver our r la lle- un

c lui uvre la porte. Mais c'est tout ! Car il a fait une sacrée uincaillerie peut réparer la serrure abîm e de 5 euros. Il s'exécutera. Avec l'es aider à la monter…

Un tarif préférentiel, c'est promis Elle le transfère à un autre service de l'assureur, censé lui donner une adresse de serrurier travaillant pour les clients d'AXA, ce qui lui permettra de bénéficier - «normalement», selon l'expression d'un gentil monsieur - d'un « tarif préférentiel ». Premier problèml'interlocuteur de Notre Héros ne trouve personne dan

domicile. Étrange…

N

pécialiste ieu de la où Notre hec, cela

boîte qui e succès. ue de 50 les trois ous" en attendant, soit pe

sur le Net, trouve quelqu chez lui. Certaines,

es à plusieluff », sourit un prochin nombre. La plupart n a quand même une qu

promet d'envoyer quelqu'un dans les dheures. Mais personne ne se pointera c

pe ese

epter que le serrurierdécouverte : une

ée pour la modique sommpoir de trouver un volontaire pour

Au bout de deux heures passées au téléphone, il réussit enfin à troune entreprise disponible. Souci : outre les 175 euros à payer l'ouverture de la porte, elle réclame 600 euros afin de remplacserrure défectueuse. Soit un coût identique à celui de la porte enmême - produit et pose. « Ce sont vraiment des voleurs », glisproche du dossier. Notre Héros finit par acoq8l'