Parole(s) - N°5

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La France d’en-dessous P a r o l e (s) Découvrir, comprendre, raconter

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Cinquième numéro du magazine Parole(s)

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La France d’en -dessous

P a r o l e (s) Découvrir, comprendre, raconter

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Magazine Parole(s) - Numéro 5 - Janvier 2013

Fondateur, directeur de la publication: Philippe Lesaffre / Rédacteur en chef: William Buzy Reporters: Floriane Salgues, Théophile Wateau, Baptiste Gapenne, Guillaume Aucupet Crédits photos: Ludo 29880, Raymond Tarrit, Cédric Filhol, François Goglins, Eurasia21eu, France House Hunt, Peter Potrowl, Steeve Higgs, Mario Braune, Michknu, Premshree Pillai, Rafa Espada, Adrien Pâris, Ramon Cutanda Lopez, Randolph Croft, Amelien Bayle, Leo Preto, Michael Fitz, Lionel Allorge Parole(s) est soutenu par la Coopérative d'Aide aux Jeunes Journalistes (CAJJ). CAJJ, association loi 1901, déclarée en sous-préfecture de Langon le 26/06/2010 / Siège social: 508 Laville Ouest, 33500 Capian.

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En 2013, Parole(s) adopte métro et dodo au chaud

Par Philippe Lesaffre, fondateur Oui, le temps passe vite. 2013 est arrivé et nous vous présentons - déjà - le cinquième numéro de Parole(s). Toujours le même principe nous anime : traquer le témoignage aux quatre coins de France, trouver des histoires, tristes ou drôles, que nous ne parvenons pas assez à dénicher "ailleurs", et que nous vous réservons chaque mois. Comme ce papier au cœur du métropolitain parisien. Des millions de franciliens l'empruntent pour se rendre au boulot, au dodo, au bistrot, au restau. Les gens font parfois un peu la gueule, c'est sale, ça pue, certes, mais notre rédacteur en chef, accompagné de son bon scribe, a trouvé des anecdotes craquantes. Ses maux de janvier Pour le premier mois de l'année, aussi, l'un de nos reporters a rencontré des bénévoles d’une paroisse qui donnent, à Paris, des vêtements aux plus démunis en cette période de (grand) froid. Si cela se trouve, Cécile Duflot, qui a voulu, en décembre dernier, réquisitionner des locaux vides de l'Eglise au nom de la solidarité nationale, connaît ces gens-là. Si cela se trouve… Et, sinon, à la fin de l'année dernière, un élu municipal d'opposition s'est agité dans sa commune chérie. Il habite Houilles. Il a mal et souhaite que sa ville yvelinoise soit rebaptisée "Oville" pour faire comme ses habitants, devenus, en 1943, les Ovillois. Cela sert-il vraiment à quelque chose de changer le nom d'une commune ? Parole(s) a mené l'enquête… Je n'oublie pas Notre Héros et ses galères quotidiennes. Mais je ne vous en dis pas plus… Vous n'avez qu'à feuilleter nos pages, réalisées avec soin, pour connaître ses maux de janvier.

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Un vestiaire solidaire qui fait un carton Cela fait plus de 20 ans que des bénévoles de la paroisse du Saint-Esprit, dans le 12e arrondissement de Paris, récupèrent, trient et proposent gratuitement des vêtements d’occasion.

Texte et photos par Théophile Wateau

12 mètres carrés. Le local est minuscule mais ingénieusement organisé. Dans plusieurs étagères murales sont chargés des dizaines des cartons de vêtements en bon état, triés par type, âge et genre. "Pantalons filles, 18 mois-2 ans", "Pulls et sweats, garçons 12-14 ans". Ce jeudi froid de la fin du mois de décembre, trois femmes, venues avec leurs enfants chercher des habits d’hiver, tendent leur liste à Monique et France (voir ci-dessus), qui, postées derrière le comptoir en bois, attrapent les bons cartons.

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«Pas beaucoup de paroisses

avec un vestiaire aussi important»

Après plus de vingt ans de fonctionnement, le processus est rôdé. Pour assurer un meilleur accueil dans le minuscule vestiaire, les femmes, avec ou sans enfants, s’inscrivent par avance sur un registre disponible à la paroisse. La règle est d’une personne par quart d’heure, mais nos deux bénévoles sont habituées aux retards et aux absences de dernière minute. Autre principe : on bénéficie du vestiaire qu’une seule fois tous les trois mois. Pour s’en assurer, chaque bénéficiaire possède sa fiche bristol, avec l’historique des vêtements donnés. « Il y a beaucoup d’étrangers, des gens qui comprennent le français, d’autres non », explique Monique, la doyenne des bénévoles, avec près de vingt ans au vestiaire. Elle assure qu’« il n’y a pas beaucoup de paroisse avec un vestiaire aussi important ». Au fil des années, le bouche à oreille aidant, de plus en plus de sacs de vêtements sont apportés au vestiaire par des particuliers, par d’autres paroisses, ou même par des magasins qui se débarrassent de leurs stocks. « Après les décès, des caves entières sont vidées et on se retrouve avec des habits d’avant-guerre », rigole Monique, qui précise que seuls les vêtements en parfait état sont conservés. En plus des "habituées", plusieurs femmes viennent au vestiaire conseillées par des assistantes sociales, Les resto du cœur ou par le 115. Le vestiaire est même connu au-delà du 12ème arrondissement de la capitale. Ce jeudi, les femmes, venues chercher des vêtements, habitent des logements sociaux dans d’autres quartiers de Paris - dans le 13ème et le 18ème arrondissement.

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« Je me permets de venir pour Noël » Le vestiaire, c’est huit permanentes et trois remplaçantes qui s’alternent le mardi et le jeudi entre 14h et 16h. Toutes fréquentent l’église du Saint-Esprit depuis de longues années. Elles peuvent accueillir jusqu’à huit personnes par permanence. « C’est une équipe qui marche bien », confie Monique, avant de confier : « Quand l’une peut pas, on s’appelle. Dans ce qu’on fait, il faut être solidaire. » Un engagement discret et efficace auprès de femmes qui élèvent souvent seules leurs enfants. « Je me permets de venir pour Noël », témoigne Madame Condé, 26 ans, venue chercher des vêtements pour ses deux filles, de 1 ans et 5 ans. Diplômée d’un CAP "petite enfance", elle est sans-emploi et touche le RSA ainsi que des allocations

familiales. Arrivée avec une liste fournie et précise, elle repart un quart d’heure plus tard avec deux gros sacs remplis de gilets, de sous-pulls et de collants. Méthodique et exigeante dans ses choix, un large sourire s’étale sur ses lèvres quand Monique lui tend un charmant pyjama rose pour sa petite dernière, un habit de marque qu’elle n’aurait sûrement pas pu acheter.

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Pour les villes, le changement de nom , c’est utile ? Tous les ans, les pouvoirs publics acceptent de modifier le nom de certaines communes qui en font la demande. Souvent, il ne s'agit que d’un changement de lettre ou d'ajouter une ancienne particule. Dérisoire…

Par Philippe Lesaffre Il « adore sa ville » mais en a assez des « blagues grivoises » qui circulent sur la commune. Bruno Comby, élu (MoDem) municipal d'opposition de Houilles, dans les Yvelines, milite pour une modification de son patronyme. « La sonorité pas très heureuse du nom handicape sa réputation », se justifie celui qui cherche un moyen de « dynamiser la ville ».

La mairie de la bourgade yvelinoise

Houilles - « une ville agréable », notamment, pour sa braderie, « la deuxième de France, après celle de Lille », se plaît-il à nous expliquer - pourrait devenir Oville. «Ce nom fait chic et glamour à l’instar de Deauville», rit Bruno Comby, habitant… ovillois - on ne dit pas les Houillons depuis 1943. Aussi s'agit-il également « de mettre le nom en harmonie avec celui de ses habitants ».

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Attractivité Mais son initiative ne fait guère l’unanimité. Alexandre Joly, le maire (divers droite) de Houilles, s’y oppose, comme un autre conseiller municipal de Houilles, André Roulleaux Dugage : « Changer de nom peut améliorer l'attractivité d'une ville dans ses activités touristiques mais ce n'est pas le cas de la ville d'Houilles, elle n'en présente aucune, balaye l’Ovillois proche du Mouvement démocrate. Le nom n’est pas gênant, et les habitants s’en moquent royalement. » Fabien Teyssier, qui a créé une page Facebook sur Houilles, y vit « depuis 45 ans ». Il tacle aussi l’élu municipal, parlant d’une « farce » : « Bruno Comby nous parle d’attractivité et d’image mais, pour inciter les entreprises à tourner le regard vers notre bonne ville de Houilles, ne serait-il pas plus crédible de proposer l’aménagement d’un site qui leur serait dédié, pratiquer une fiscalité avantageuse et des loyers compétitifs ? » Avant de conclure : « Changer le nom de la commune ne lui donnera pas un supplément d’âme. » Pour un accent… Ce n'est pas le changement de nom qui attirerait les entreprises ? Peu importe, de nombreuses communes françaises sautent le pas. Chaque année, le ministre de l'Intérieur valide la modification du nom des communes qui en ont fait la demande.

Le processus dure longtemps - il faut passer l'étape du conseil municipal, puis du Conseil général - alors que le changement n'est guère important. Peumerit, par exemple, dans le Finistère, a perdu, l’année dernière, son… accent sur le deuxième "e" du patronyme, après une « bataille longue de deux ans », précise Jean-Louis

Caradec, maire de ce village breton depuis 2001. Ce dernier voulait juste «corriger une faute d'orthographe», présente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. «Nous recevons encore quelques courriers administratifs avec l'erreur de l'accent, mais de moins en moins», sourit-il. Sinon, il n'y a pas eu besoin de changer les panneaux dans les rues puisque le nom du village est écrit en lettres capitales, sans accent.

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Retour aux sources Pour d'autres communes, la modification - minime - concerne l'ajout d'une particule, disparue dans le temps. Ainsi Boën, dans le département de la Loire, s’appelle désormais - depuis 2012 - Boën-sur-Lignon. « La commune a retrouvé son

Lignon », s’est félicité le maire, Lucien Moullier. La Poste avait voulu, dans les années 70, que Boën perde sa particule car, lors du tri du courrier, à l’époque manuelle, elle confondait avec une autre commune, Le Chambon sur Lignon, en Haute-Loire, située… à plus de 100 km d’ici.

« Mais cette confusion postale était débile », confie-t-on à la mairie. Il s’agit de deux rivières distinctes et, selon le premier magistrat de la ville de Boën, « un peu chauvin » sur les bords, "son Lignon" est «bien supérieur car c’est l’une des seules rivières en France où l’on trouve de l’ombre commun». D’où son envie de retrouver sa particule. Elle est aussi importante à ses yeux car elle fait référence à « un personnage essentiel de "L’Astrée", premier grand roman d’Amour de la langue française, écrit par Honoré d’Urfé ». Mais, outre cette satisfaction, qu'apporte la modification? « Pas grand-chose », admet le personnel municipal.

« Ma rivière est supérieure »

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A la mairie de Saints-en-Puisaye, dans l’Yonne, on abonde en ce sens. Cette commune a également "regagné" sa particule en 2012. Au grand plaisir des habitants qui « aiment leur région de la Puisaye » pour leurs « authentiques paysages bocagers et agricoles ».

Mais les panneaux de la ville indiquent depuis longtemps "Saints-en-Puisaye". « Nous n’avons pas attendu le changement officiel du nom de la commune », explique la secrétaire à l’accueil de la mairie, qui l’assure : « Ici, on ne s’est jamais dit de "Saints" mais de "Saints-en-Puisaye". » En revanche, elle relève un changement, bien que dérisoire. La Poste s’est souvent trompée dans l’envoi du courrier. « J’ai déjà vu des livreurs venir à la mairie pour demander leur chemin et l’emplacement d’une rue d’une commune du même nom, mais pas du tout au même endroit. » En effet, les "Saints" sont nombreux en France…

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24h sous terr e Le métro. Ce lieu où les gens se réunissent tous les jours, sans pour autant sembler se voir, encore moins se parler. Le parisien de base parcourt tous les jours une portion de ces 218 km de lignes. Il y passe l’équivalent de cinq jours et demi par an, et, pourtant, il y est un parfait étranger.

Nous avons séjourné toute une journée sous terre. Du premier au dernier train. Nous avons fait d’étranges rencontres, recueillis des témoignages. Sous nos yeux, le métro a pris vie. Ces gens, ces anecdotes, ces expériences nous ont donné à voir un visage du métro parisien bien différent de celui auquel nous étions habitués.

Par William Buzy et Baptiste Gapenne

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5h30 - Le premier métro. Le lieu de rencontre du couche-tard et du lève-tôt. Nous étions les lève-tôt. L’adolescent, affalé sur son strapontin en face de nous, dans un demi-coma, la tête contre la vitre, était le couche-tard.

Ça peut vous arriver à cette

heure

« Je me suis trompé de sens » « Je rentrais de la fête de la musique. J'étais avec des amis, qui, après deux changements, sont tous descendus. Je me suis donc retrouvé tout seul dans la rame, dans un état... second. J'ai jeté un œil par la fenêtre: "Pasteur". Encore quatre stations jusqu'à "Porte de Versailles". » « J'ai donc fermé les yeux, histoire de récupérer un peu. Quand je les ai rouverts, j'ai vu la station "Convention" défiler. Je devais sortir à la prochaine. Le métro ralentit et je m'apprête à descendre, mais je vois "Vaugirard". Sans réfléchir, je me suis donc assis à nouveau. Et j'ai surveillé les stations suivantes : "Volontaires", "Pasteur", "Montparnasse". » « C'est là que j'ai commencé à me dire qu'il y avait un problème. "Notre Dame des

Champs". J'ai émis l'hypothèse que je repartais dans le mauvais sens. Quand j'ai vu "Rennes", j'ai vérifié sur le schéma... et j'en ai eu la confirmation. Je m'étais endormi à l'aller, et j'étais arrivé au terminus, puis reparti dans l'autre sens. Je suis donc descendu à la station suivante pour le reprendre dans la bonne direction, en me promettant d'être vigilant... »

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8h - C'est l'horaire critique. Le rush. Le métro est plein. Plein à craquer. Pas de communication : 64% des usagers ont des écouteurs, 33% lisent, les 3% restant ont le regard fixe et vide.

Ça peut vous arriver à cette heure

« Le métro à l'heure de pointe ? Je le prends tous les jours, je le connais par cœur. Ce n'est pas compliqué. Quand vous aurez laissé passer trois trains et que vous parviendrez enfin à vous

agglutiner dans le quatrième, vous avez 90% de chances de finir coincé entre Arnaud, 20 ans - qui écoute un hard-rock surpuissant dans son iPod dès 8 heures, à un volume qui en fait profiter toute personne bloquée dans un rayon de 5 mètres -, mais aussi Jacques, 40 ans - qui vous offre son cocktail d'odeur café/clope/après-rasage/déodorant Axe Voodoo/gel Vivelle Dop-, et Estelle, 50 ans - tailleur bleu, maquillage bien prononcé, tellement absorbée par la lecture de Direct Matin qu'elle en a "oublié" de se lever de son strapontin quand la 437ème personne est entrée dans la rame. » « Un voyage plaisant donc, mais le moment de la descente arrive... Difficile à dire qui sont les pires : ceux qui poussent pour monter alors que personne n’est encore descendu, ou ceux qui bouchent la sortie et qui ne réagissent pas aux "pardon" parce qu’ils ont leurs écouteurs... » « Faut bien que je descende. J'y vais à coup de "pardon, pardon, pardon". Toujours pas de réaction. Je hausse le ton : "PARDON, PARDON". Personne ne bouge. Finalement, je sors les épaules, je fonce dans le tas et j'arrive à sortir. Et un mec - que j'avais osé bousculer parce que cet abruti était bien sûr en plein milieu - enlève ses écouteurs et me dit : "Non mais vous pourriez dire pardon !" Et votre journée ne fait que commencer...»

« Je fonce dans le tas pour sortir du métro »

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12h - Le calme est revenu. Les travailleurs et les étudiants ont déserté les trains. Un moment plus propice à la conversation, où l'on peut tomber sur n'importe qui...

Ça peut vous arriver à cette heure

Le coup de blues « Un jour, sur la ligne 6, j’allais chez une amie qui devait me remonter le moral parce que j’étais un peu déprimée. Puis, un mec s'installe à côté de moi et commence à me parler : Thierry, 34 ans, 8 ans de drogues dures. Il m'a parlé de son rêve d'être employé au péage de l'autoroute pour ne plus se droguer - moi aussi j’ai longtemps cherché le rapport -, et m'a demandé s'il avait bien gratté toute la croûte sur son oreille. Enfin, cet inconnu m'a expliqué qu'il avait été champion de pétanque avant que les petits vieux le vire du club... » « Eh bien, figurez-vous qu'à l'arrivée, je me suis sentie mieux... J'avais relativisé mes petits problèmes. Encore, aujourd’hui, quand j’ai un coup de blues, je repense à "Thierry, 34 ans, 8 ans de drogues dures"…»

F.S

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16h - Le métro commence à se remplir. Et ceux qui rentrent ne sont pas les plus heureux. Les jeunes sortent des cours, les moins jeunes reviennent du boulot. Et, pourtant, ici personne ne sourit. On peut même qualifier la rame de métro de champs de bataille. Une véritable guerre commence, on se pousse, on se tasse et, surtout, pas de pitié. Alors, une fois que le métro a quitté le quai, le malaise est toujours présent et les visages sont crispés. Mais l'ordre est simple : ne pas sourire et tenter de conserver la meilleure place possible.

Ça peut vous arriver

à cette heure

Il est 16h37, lorsque le métro de la ligne 6 en direction de "Charles de Gaulle- Etoile" s'arrête à la station "Bercy". Nous sommes déjà à l’intérieur de la rame et ce qui suit se déroule sous nos yeux.

Le métro est bien rempli. Un jeune attend sur le quai avec deux sacs de sport assez imposants. Il est prêt à monter dans une rame - la nôtre - qui peut l'accueillir, mais personne ne souhaite se serrer. La plupart des personnes à bord sont absorbées dans diverses lectures, smartphones, tablettes… Les autres regardent ailleurs. Pendant ce temps, d’autres voyageurs en ont profité pour se glisser subrepticement dans le train. Celui-ci est désormais quasi-complet, la sonnerie retentit, les portes se referment et le métro reprend son chemin. Personne ne semble gêné par ce qui vient de se passer, la plupart des gens n’y ont d'ailleurs même pas prêté attention. Tout le monde est désormais en route pour son "chez-soi". Tout le monde? Non... Notre étudiant, lui, est resté à quai et devra patienter encore un peu.

Le rejeté de la rame

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18h - Nouveau rush. On est collés, serrés, agglutinés, compressés, comprimés, emprisonnés, étouffés, oppressés, presque entrelacés.

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Ça peut vous arriver à cette heure

« Évidemment, comme beaucoup de filles, j'ai souvent eu droit aux lourds de la drague. La plus drôle : un mec que je croise dans un couloir de métro et qui me sort "je te sexerai bien..." J'en rigole

encore. Mais même s’ils sont parfois lourds, ils ne sont pas méchants. Les pires, ce sont les pervers qui profitent de la foule. Maintenant j'ai la solution, j'écarte poliment mais fermement les premiers et, pour les pervers, je n'hésite pas à m'en moquer, en ameutant toute la rame. »

« Une de mes amies a fait un truc génial : elle a senti qu'on lui mettait la main aux fesses, elle a attrapé la main, l'a levée bien haut, en disant très fort : "C’est à qui ?" Je ne vous raconte pas la tête du gars, il ne savait plus où se mettre... Bon évidemment il faut être rapide ! Mais ça vaut le coup ! »

Le pervers et le dragueur

F.S

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22h - L'air libre retrouve un peu de place dans le métro. Et il apporte avec lui un peu de gaieté. Toutes les personnes qui montent sont regroupées en petits groupes. Des discussions animent désormais la rame de métro qui ne s'en plaint évidemment pas. Le rire s'emplit, les jeunes commencent leur soirée, les plus âgés rentrent. Dans tous les cas, le métro connaît son heure de gloire dans les stations célèbres. Personne ne monte au même endroit mais tout le monde descend dans les quartiers festifs. Ce métro sent la fête, c'est quand même plus agréable.

La peut vous arriver à cette heure

Nous sommes bientôt au bout de notre journée sous terre, quand notre rame reste bloquée sur la station "Pyramide". Le métro est immobilisé depuis maintenant quelques minutes, et les premiers signes d’impatience se font ressentir. Après un

énième soupir, une petite voix s'élève : « Ils sont lourds. Un coup la coupure de courant, un coup la régulation du trafic… Nous passons notre temps arrêtés sur cette ligne ! » C’est à ce moment précis que la voix du conducteur résonne dans les hauts parleurs: « Nous sommes désolés de cette interruption momentanée qui est causée par la présence d'un chien sur la voie. "Ladies and gentleman, this is your captain speaking. Who let the dogs out ?" » Forcément dans un métro de bonne humeur, l'annonce fait son effet. Eclat de rire ou simplement sourire en coin pour les plus timides, personne n'est resté insensible à la scène. Au bout de cinq minutes, le métro redémarre et l'ambiance est encore plus détendue. La soirée peut commencer.

Un chien retarde le métro

F.S

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2h - Le fameux dernier métro. Celui qu’il ne faut pas rater. On est souvent en bonne compagnie. Un poivrot qui parle très fort en se promenant dans la rame, et qui finit par vomir juste à côté de vous. Ou un duo de gais lurons, dans un état d’ébriété avancé, qui entretiennent leur ivresse avec une bouteille de rouge. Au premier virage ou au coup de frein un peu rude, elle terminera sa course... sur votre pantalon blanc. Mais, même si vous êtes seuls, attention, tous les comportements ne sont pas permis...

Ça peut vous arriver à cette heure Le contrôle de trop « Il devait être 1h30. J’étais tout seul dans la rame. Je m’étais assis aux quatre places, avec les pieds sur le siège de devant. Le métro s’arrête à une station. Deux policiers me voient, entrent et me demandent de descendre. Contrôle d’identité. Ils ont tout contrôlé. Même la validité de mon pass navigo, en appelant, soi-disant, la RATP. Quand ils ont fini, ils m‘ont gardé sur le quai jusqu‘à ce que le tout dernier métro soit passé, puis ils m’ont laissé partir en me disant que tout était en ordre... Sauf que j‘ai dû rentrer à pied...»

F.S

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Les maux du quotidien

Episode 3 : Client, à votre service A priori, comparé à la recherche d’un appartement parisien, équiper son lieu de vie d’Internet est un jeu d’enfant. Chiche ? Formalités administratives ? En cours. Appartement à Paris ? Trouvé. Après des mois de recherche, de visites sordides - groupées et minutées - et grâce à la généreuse caution parentale. Ce fut compliqué, mais après tout, on s’y attendait. Le lieu n’est pas un palace, mais, pour un pied à terre parisien, 23 m², sans cafard ni insalubrité, sont un luxe inespéré. Ne manquait plus, pour Notre Héros, qu’à relier son (petit) studio au (grand) monde du numérique. Internet n’étant pas né de la dernière pluie et Paris, n’ayant rien à voir avec le désert français, la tâche paraissait aisée. Grossière erreur.

Paris, 29 août . Notre Héros se rend dans un célèbre magasin d’électroménager - « Si vous trouvez moins cher ailleurs, on vous rembourse la différence » - aveuglé par ses précédentes expériences ultra-satisfaisan-tes chez ce fournisseur d’accès, dans une ville de France. La veille, Darty (c’était donc ça !) venait de s’associer à Bouygues Télécom pour fournir les équipements et la connexion Internet. Même prix,

même contrat de confiance : Notre Héros ne se méfie pas et signe son précieux sésame pour le nouveau monde. Les deux heures de tâtonnement du vendeur, perdu dans la nouvelle procédure, auraient pourtant dû lui mettre la puce à l’oreille… A votre écoute… Deux semaines plus tard, nouvel avertissement, par SMS : « Votre commande a été rejetée. Pour en savoir plus, contactez votre service clients Bouygues. » C’est chose faite. Il s’agirait d’un cafouillage du côté de France Télécom. Bien entendu, « nous sommes désolés et vous proposons d’acheter une clé 3G qui vous permettra d’avoir

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accès à Internet le temps de la mise en place de votre connexion ». Bien entendu, « elle vous sera remboursée ». Patience, donc. Un mois, en tout, avant que ne se produise le miracle technique : Notre Héros peut brancher ses équipements. Et s’offrir un petit surf sur la Toile ? Loupé. Défaillance sur la ligne, il faut réaliser des tests à distance. Cinq jours plus tard, enfin, tout fonctionne… presque. La télécommande de la télévision ne réagit pas : la pile plate fournit avec est "morte". Impossible, donc, de régler les canaux.

Paris, 16 octobre . La télévision fonctionne, Internet aussi. Heure de gloire… qui durera bien exactement une journée. Car, entre temps, Notre Héros a envoyé deux courriers. L’un à destination du service clients Bbox, demandant le remboursement de la clé 3G et de l’abonnement correspondant, l’autre, au service résiliation, pour mettre fin à l’abonnement à cette fameuse clé 3G. Par un mystère non-encore élucidé, et malgré des lettres confirmées comme « très claires », Bouygues Télécom a mis en marche le processus pour résilier, non pas la clé 3G, mais l’abonnement Internet-téléphone-télévision. Branle-bas de combat, Notre Héros part en guerre. Pour l’ultime bataille, il l’espère. Les minutes d’attente au service clientèle s’éternisent, les conseillers se gaussent de cette « stupide » erreur et font remonter à leurs supérieurs. On promet un geste commercial - « c’est évident » - et les remboursements dus. Mensonge. Rien de tout cela n’a été fait. 49 euros de frais de résiliation ont même été prélevés sur le compte bancaire de Notre Héros - déduits de sa prochaine facture. A suivre ?