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Pale...Aji ! Numéro 7, Février 2015, Bas Nord-Ouest, Haïti Ce bulletin d’informations est financé par: Dans ce numéro La pêche à Bombardopolis La cloture d’un projet de relogement à Jean Rabel Le 20 novembre - la journée interna- tionale des droits de l’enfant

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Pale...Aji !Numéro 7, Février 2015, Bas Nord-Ouest, Haïti

Ce bulletin d’informations est financé par:

Dans ce numéro

La pêche à Bombardopolis

La cloture d’un projet de relogement à Jean Rabel

Le 20 novembre - la journée interna-tionale des droits de l’enfant

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Construisons notre territoire avec des idées2

EditoLe développement territorial est aujourd’hui une réponse à approfondir pour Haïti, qui s’inscrit dans la démarche de décentralisation portée par la Constitution de 1987. Les dynamiques locales doivent être encouragées et c’est cela qu’ADEMA tente de faire depuis 2005. Un projet d’aména-gement du territoire mis en œuvre de concert avec plusieurs acteurs locaux depuis 2009 illustre ce travail de mobilisation des acteurs pour élaborer une stratégie d’adaptation aux contraintes du territoire. Nous dresserons un bilan de ce projet de relogement de 50 familles financé par la Fondation Abbé Pierre qui a été conçu et implémenté avec la Mairie de Jean-Rabel et les habi-tants concernés pour répondre à une problématique de taille au cœur de la commune, celle de l’habitat précaire sur une zone à risque. Un projet de développement territorial doit voir plus loin que sa seule finalité et doit prendre en compte les autres dynamiques qui opèrent au sein du territoire ; c’est pour cela que le choix du nouveau village de relogement s’est porté sur la future zone de développement de Jean-Rabel, à proximité de la nouvelle mairie et du potentiel nouveau marché. Les surfaces vidées par les familles sur le Morne Pasteur ont été transformées en parc municipal pour répondre à un besoin d’espace vert et de loisir dans le bourg de Jean-Rabel. La connaissance des politiques et stratégies municipales et départementales ne peuvent donc être négligées (ici le Plan communal de développement (PCD) et le Schéma d’aménagement de Jean-Rabel a été la base de ce projet), et il faut prendre en considération les politiques publiques nationales qui impactent et régissent sur le local. Selon nous, une ONG, qu’elle soit nationale ou internationale, ne peut pas faire n’importe quoi sur un territoire ; pour que le développement durable soit rendu possible, un grand nombre de paramètres, politiques, sociaux, géographiques, économiques, historiques et culturels, entrent en jeu.

Cela est également le cas avec le programme sécurité alimentaire implémenté depuis janvier 2013 dans la commune de Bombardopolis. La pêche, la culture du manioc et l’élevage sont en effet trois priorités de la communauté telles que stipulées dans son PCD pour le développement économique de la commune. Nous nous focaliserons sur le volet pêche de ce programme dans ce numéro de Pale Aji.

Le développement territorial est un processus à durée indéterminé, en perpétuel évolution. Il reste tant de choses à accomplir dans le Bas Nord-Ouest que le travail d’ADEMA est loin d’être fini. C’est le cas du programme éducation qu’ADEMA met en œuvre depuis 2005 ; les objectifs et activités évoluent, s’adaptent, sont remodelées, en fonction des résultats, des impacts, du contexte, mais la finalité reste la même : celle d’améliorer la qualité et l’accès à l’éducation dans le district scolaire de Jean-Rabel. Nous détaillerons le projet financé par l’Union européenne qui vient de prendre fin, une action plus axée sur l’un des droits fondamentaux des enfants qui est celui de l’éducation.

Ce numéro de Pale Aji est donc à l’image du développement territorial : multi-facettes et pluri-disciplinaire.

Mausert FrançoisDirecteur exécutif d’ADEMA

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Zoom sur un programme...Le renforcement de la filière pêche à Bombardopolis

ADEMA travaille au renforcement de la filière pêche à Bombardo-polis depuis 2009, avec un premier programme financé par l’Agence canadienne de développement international. Aujourd’hui, il s’agit d’un des trois volets agricoles qui présentent de grandes potentialités dans la commune de Bombardopo-lis au sein du programme de sécu-rité alimentaire soutenu par l’Union européenne.

Pourquoi soutenir la pêche à Bombardopolis?

La pêche constitue l’une des princi-pales activités du secteur agricole autour desquelles se structure le tissu socio-économique de Bombardo-polis et une source de revenus vitale pour les habitants des villages cô-tiers de Plateforme, Jean Macoute et Anse-à-Chatte. Ces communau-tés sont exposées aux sécheresses et dépourvues de terres cultivables ; elles comptent donc sur la richesse des eaux pour lutter contre l’insécu-rité alimentaire et la pauvreté qui frappe les 500 familles pêcheurs qui y vivent. La pêche artisanale fait ainsi vivre directement près de 2000

personnes et indirectement plus de 3000 personnes. Le secteur fait ce-pendant face à plusieurs obstacles auxquels ADEMA tente d’apporter des solutions durables. Première-ment, la pêche pratiquée est donc surtout artisanale et les rendements sont bas, faute d’accès à un équi-pement de pêche adapté. Deu-xièmement, le manque d’encadre-ment technique et le matériel non sélectif utilisé nuisent à la bonne gestion des ressources halieutiques ; en effet, les pêcheurs ont tendance à pêcher proche des côtes, ce qui fait que les ressources coralliennes sont aujourd’hui surexploitées et au bord de l’épuisement, tandis que le potentiel pélagique (en pleine mer) est quasiment inutilisé. Enfin, il n’exis-tait quasiment pas de structures adaptées pour la conservation des fruits de mer et des poissons, entrai-nant ainsi la perte, après capture, de presque 40% de la production.

Qu’est ce qui a été fait jusqu’à présent?

Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Communal de Développe-ment de Bombardopolis, ADEMA a tout d’abord accompagné la structuration de 3 associations de pêcheurs (APJB, APPFB, APAB), une par village côtier, associées en une fédération, la FAC-B (Fédération des associations côtières de Bombardo-polis). Elles regroupent 242 pêcheurs et marchandes de poisson dans la perspective d’une meilleure ges-tion de la filière et de la valorisation des outils et des infrastructures de pêche. Elles sont aujourd’hui recon-

nues par le Ministère des Affaires sociales et sont capables de pré-

Ce que l’on pêche au large des côtes de Bombardopolis...

le balaou

la bonite

la carangue

le colas

la dorade

le mahi mahi

le thon

le thazard

le vivaneau

le poisson perroquet

Marchande gérante des stocks de poisson à Plateforme, oct 2014

le barbaray

la sarde rose

Village de pêcheurs de Plateforme

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parer des états financiers avec l’aide d’un conseiller.

Un deuxième travail a permis le renforcement des capacités tech-niques des pêcheurs. Certains membres ont été formés à diverses thé-matiques puis ont transmis ces connaissances et compétences aux autres : la protection de l’environnement, le leadership, la gestion d’entreprise, la comptabilité et l’administration, la gestion des conflits, le rôle et les responsabilités des dirigeants et des membres, la prise de décision dans une entreprise communautaire.

De même, des formations ont été dispensées en techniques d’entre-tien en de pose de Dispositifs de concentration de poissons (DCP), en techniques de pêche sur les DCP, en entretien et réparation des canots (pour 9 charpentiers) et des moteurs (pour 6 mécaniciens). Concernant la transformation et la commercialisation des produits de la mer, ADEMA a fourni des glacières, des mini-centrales de glace, des tables en béton pour le découpage et le séchage et des congéla-teurs afin de faciliter la bonne conservation des poissons et permettre une meilleure présentation et une augmentation de leur valeur mar-chande.

La pêche maritime en Haïti

Avec ses 1535 km de côte, la pêche représente un potentiel énorme pour le pays. D’après AgroPresse, 52 000 petits pêcheurs et piscicul-teurs et 20 000 commerçants sont concernés par le secteur de la pêche. Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) évalue la production annuelle à 16 000 tonnes (estimée à 25 millions d’USD), dont 800 tonnes exportées. Cependant, le pays continue d’importer 10 000 tonnes par an (des harengs salés notamment), soit une valeur de 10 millions d’USD. La consommation de poisson est très faible : 2,5 kg par an par personne (comparée à 5kg en République dominicaine et 17 kg en Jamaïque par exemple). La pêche en Haïti reste artisanale et effectuée par des petites embarcations de 3-4 mètres, peu souvent motorisées. Selon le Plan d’investissement pour la croissance du secteur agricole élaboré par le MARNDR, la production journalière moyenne par canot est de seulement 4 kg. Avec 150 sorties par an et un prix moyen à la plage de débarquement de 2 $ par kilo, un canot rapportera environ 1200 $ de revenus annuels, répartis ensuite entre le propriétaire du canot, le propriétaire des engins de pêche et l’équipage. Publié en 2010 suite au séisme, ce programme vise une augmentation de 5000 tonnes par an, dont 1000 tonnes exportées.

Les Dispositifs de Concentration de Pêche - comment ça marche?

Les DCP sont un dispositif mouillé au large des côtes permettant d’atti-rer des poissons pélagiques, notam-ment les poissons migrateurs, afin que les pêcheurs plus ou moins équipés puissent avoir ac-cès à ces poissons de taille importante. De nos jours, les DCP se sont impo-sés en tant que moyen d’amélioration de la production et de la protection des ressources halieutiques dans les pays en développement. Grace à ces dispositifs, il s’agit de promouvoir l’exploitation des grandes espèces mi-gratoires pélagiques (thons, marlins et dorades notamment) qui représentent des ressources sous-exploitées en Haïti et sont potentiellement acces-sibles avec un investissement mini-mum en matériels et équipements.

Les DCP permettent d’augmenter considérablement les prises : par exemple, avant le mouillage de 2 DCP en 2013, le taux de capture tournait à environ 3000 livres de poissons par mois pour les 3 villages. Après l’entrée en production des DCP, le village de Jean Macoute a commercialisé à lui seul entre 5000 et 6000 livres de grands pélagiques en 2 semaines.

Malheureusement, les 5 DCP installés par ADEMA entre 2013 et 2014 ont tous disparu : ils auraient vraisembla-blement été coupés par les gardes côtes américaines les confondant avec des repères de trafic de drogue (il existe un important trafic de drogue maritime dans la zone). Nous sommes actuellement en contact avec le RNDDH (Réseau national de défense des droits humains) pour mener une enquête sur ces incidents.

Des marchandes attendent les pêcheurs à Jean Macoute, oct 2014

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Pale Aji : Pourriez-vous présentez la fédération?Davilus Wilfred : La fédération a été créée en septembre 2012 et réunit trois associations. Elle est composée d’un comité de 9 personnes. Elle contrôle le fonctionnement des associations, identifie leurs faiblesses pour les améliorer et participe à la gestion de la poissonnerie de Bombardopolis [alimentée par les associations]. Nous rendons régulièrement visite aux asso-ciations pour faire un suivi et nous les aidons à gérer les outils de gestion.

Concernant les associations, il existe une association par village côtier depuis 2008, avec un total de 242 membres aujourd’hui : 50 pour Anse-à-Chatte, 72 pour Plateforme et 120 pour Jean Macoute. Leur mission est d’acheter le matériel pour la pêche et de le louer par la suite aux pêcheurs membres, de gérer les boutiques de pêche [une par association] et d’octroyer des crédits aux marchandes de poisson et aux pêcheurs pour l’achat de nasses par exemple.

Pale Aji : Observez-vous une différence de revenus et de conditions de travail depuis le début du projet ?Davilus Wilfred : Oui tout à fait. Les formations nous ont permis de maîtriser des techniques de conservation de poisson et de pêche meilleures. Par ailleurs, les DCP sont des outils très importants pour nous car ils sont très rentables. Globalement, nos reve-nus ont augmenté grâce à l’ensemble des outils et techniques acquis dans le cadre du projet avec ADEMA.

Pale Aji : Parlez-nous un peu plus des DCP.Davilus Wilfred : Comme je l’ai dit, les DCP permettent des plus grosses prises et donc des plus grosses entrées d’argent. Cepen-dant, la situation est difficile car les DCP ont à plusieurs reprises été coupés par les garde-côtes américains, qui les confondent pour des repères de trafiquants de drogue. Je pense qu’il faudrait communiquer sur notre situation et nous faire connaître aux américains pour qu’ils sachent que nous sommes là et que ces DCP servent à une centaine de pêcheurs.

Pale Aji : Quels sont les perspectives de la fédération ?Davilus Wilfred : A court terme, il s’agirait d’équiper davantage de nos bateaux avec des moteurs ; cela nous permettrait d’aller plus loin, plus rapidement, et donc d’augmenter nos prises. Il faudrait parallèlement mieux équiper les magasins de pêche pour que davantage de pêcheurs puissent en profiter. Sur un plus long terme, nous aimerions avoir un plus gros bateau bien équipé pour pouvoir partir plusieurs jours en haute mer, et ainsi optimiser notre temps sur l’eau et être en capacité d’obtenir des plus grands rendements.

Pale Aji : De quelle manière les femmes sont-elles impliquées dans les associations ?Davilus Wilfred : Les femmes participent beaucoup à la vie des associations car ce sont elles qui gèrent la conservation et la vente des poissons. Les marchandes vendent beaucoup à Bombardopolis, mais aussi plus loin, à Gonaïves, Port-de-Paix et même Port-au-Prince. Elles ont bénéficié de formations sur les techniques de conservation des produits de la mer et sur la ges-tion budgétaire afin d’être en mesure de gérer leur petit commerce. Il faudrait néanmoins leur apporter plus de moyens pour qu’elles puissent agrandir leur commerce.

Rencontre avec...Davilus Wilfred, Président de la Fédération des Associations Côtières de Bombardopolis (FAC-B)

Rencontre de l’Association des pêcheurs de la Plateforme de Bombardopolis, octobre 2014

Construction de canots en bois

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Nan Vincent, c’est un village de six hectares créé par la Mairie de Jean-Rabel et ADEMA en 2009 pour accueil-lir 500 personnes issues de Morne Pas-teur, une colline surplombant le bourg de Jean Rabel sujette à l’érosion et des glissements de terrain.

C’est une cinquantaine de maisons aux couleurs vives situées non loin du futur pôle de développement de Jean- Rabel tel que cela est prévu par le Schéma d’aménagement de la com-mune élaboré en 2008. La Mairie sou-haitait en effet désengorger le bourg qui a tendance à se densifier et ce de façon anarchique, en créant une nou-velle zone d’habitation à mi-parcours entre Bord de mer et le centre-ville.

Avec le soutien financier de la Fonda-tion Abbé Pierre et en concertation avec les familles, ADEMA a aménagé le village (routes, électricité, assainis-sement, puits, gestion des déchets, arbres, bancs et place publique) et a accompagné les 2000 nouveaux habitants dans la création d’activi-tés génératrices de revenus leur per-mettant des revenus stables. Réalisé en deux phases, le projet de mise en œuvre du schéma d’aménagement de la ville de Jean Rabel s’est achevé en septembre avec l’approvisionne-ment d’une centaine de poussins et 30 poules pondeuses pour les nouveaux poulaillers du village.

Dans son souci de contribuer active-ment à la transformation méliorative des conditions de vie de la popula-tion du Bas Nord-Ouest, ADEMA se différencie des stratégies de dévelop-pement axées sur le modèle d’impo-sition en adoptant une méthodologie participative dans la réalisation de ses projets. Pour ADEMA, dans le cadre du projet Nan Vincent, projet monté avec le concours des acteurs locaux, (CT, notables, représentants-tes des orga-nisations de la société civile etc.) et qui était une nécessité exprimée dans le Plan Communal de Développe-ment (PCD) de Jean-Rabel, il n’était pas question de forcer le relogement des familles habitant Morne Pasteur. En ce sens, des séances de concerta-tion, de discussion et d’explication ont eu lieu avec les familles pour qui’elles aient le libre choix de décider si oui ou non elles souhaitaient intégrer le vil-lage Vincent (appel à manifestation

Plan du village Vincent

Réflexions autour de...

Nan Vincent - la cloture d’un projet de relogement à Jean Rabel

Quel bilan?Aliès Desliens, chef du village, 45 ans, 7 enfantset Grenise Li-brun, membre

du comité de gestion du

village, 30 ans, 3 enfants

Depuis quand habitez-vous Nan Village? Nous y habitons depuis 4 ans. C’est ADEMA qui nous a proposé un autre logement ici afin de quitter Morne Pasteur, qui était une zone très dan-gereuse.

Etes-vous satisfaits de votre nouvelle résidence?Oui, les maisons sont bien adaptés et suffisamment grandes.

Qu’est ce qui vous plait, et qui ne vous plait pas à Nan Vincent? Le cadre est agréable, nous avons de belles maisons. Cependant, le village est loin du bourg et nous ne pouvons pas nous rendre au marché tous les jours.

Vos conditions de vie se sont-elles améliorées grâce à l’intervention d’ADEMA?Nous ne vivons plus dans une zone dangereuse et nous avons des maisons solides. Nous avons accès à l’électricité et à l’eau, mais il reste encore à faire: construire une école, avoir de l’eau courante chez nous, et surtout développer d’autres activités économiques.

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d’intérêt). Afin que l’appropriation du village par les nou-veaux habitants se fasse du mieux possible, des ateliers ont permis de définir leurs attentes et besoins (normes parasis-miques et anticycloniques des maisons, grandeur des mai-sons et nombre de pièces…). Les habitants ont également été mis à contribution dans la construction de leur propre maison, ainsi que dans les autres travaux d’assainissement et d’équipements en services de base.

Comme toute action de développement, le projet de mise en œuvre du schéma d’aménagement de Jean-Rabel par l’entremise du village Vincent, a été semé d’embûches, notamment avec la mise en œuvre d’activités généra-trices de revenus (AGR). Débutée en 2013, cette activité a beaucoup souffert de la sécheresse qui a frappé la région pendant plusieurs mois en 2013-2014. Il en est de même des petits potagers (jardins « lakou ») tenus par les familles non loin de leurs maisons. ADEMA, en concertation avec les habitants intéressés, a donc décidé de réorienter cette activité vers la mise en place de poulaillers avec des poules pondeuses et des poules de chair. Cette réorientation a permis aux familles bénéficiaires de répondre le plus aisé-ment possible à ses besoins sociaux de base.

Si les 56 familles bénéficiaires du projet Nan Vincent se sont aujourd’hui bien appropriées leur nouvel espace de vie, il reste néanmoins quelques insatisfactions concernant, en particulier, le manque d’activités économiques. Il semble que ces familles insatisfaites sont en attente davantage de soutien de la part d’ADEMA, d’actions de microcrédit par exemple pour les marchandes du village. Il importe pour nous ici de faire mention de l’hétérogénéité des logiques d’intervention des ONG présentes dans la zone, qui sont peu souvent coordonnées, voire contradictoires. Depuis plusieurs décennies déjà, la stratégie adoptée par cer-taines ONG en vue d’apporter une solution à la situation de pauvreté vécue par la population du Bas Nord-Ouest a créé et continue encore de créer une culture de pas-sivité et de dépendance. Ces ONG étiquetées d’urgen-tistes ou humanitaires distribuent sans exiger aucun effort et aucune contribution de la part de la population: coupons alimentaires, dotations, dons, ‘cash for work’. Cette logique d’assistanat menée par certaines autres ONG intervenant dans la région nuit à la bonne mise en œuvre des projets d’ADEMA et à leur acceptation et appropriation par les bénéficiaires. Il est donc bien difficile de faire comprendre à ces personnes habituées à la facilité que la démarche d’ADEMA est différente et s’inscrit sur le long terme, malgré tous les efforts de renforcement menés par ADEMA.

Les poules comme activités génératrices de revenus

Suite à l’échec de la culture du benzolive, l’équipe du projet a décidé de bifurquer sur le développement

d’élevages de poulets, avec la mise en place de 5 basses-cours (avec des poules pondeuses) et d’un

poulailler (avec des poulets de chair). Pour le moment, chaque basse-cour comprend 6 poules et est gérée par 2

familles. 4 familles sont collectivement responsables du poulailler qui abrite près d’une centaine de poulets de chair.

Cette initiative est prévue en 3 étapes pour favoriser l’appropria-tion de l’activité et l’autonomie:1) Premièrement, les poussins et les poules ont été fournis par ADEMA pour lancer l’initiative, ainsi que la provende nécessaire à leur développement. Les oeufs sont vendus sur le marché du bourg de Jean-Rabel et les poules de chair, une fois adultes, sont revendues. Les profits dégagés de ces activités constituent un fond de roulement qui permet l’achat d’autres poules.2) Dans un deuxième temps, ADEMA prendra seulement en charge l’achat de la provende. Un premier palier d’autonomie est atteing grâce au fond de roulement. Les bénéfices récoltés sont une nouvelle fois obligatoirement réutilisés pour l’agrandissement de l’élevage.3) Enfin, lors de cette dernière étape, il est prévu que les familles gestionnaires soient entièrement autonomes sur la gestion des activités et l’utilisation des fonds récoltés.

Nous en sommes encore qu’à la première étape, cette initiative ayant débutée en octobre 2014, mais son développement paraît bien prometteur et nous espérons qu’elle stimulera le déploiement d’activités similaires!

Et à Morne Pasteur?

Le parc municipal de Morne Pasteur est aujourd’hui ouvert au public: des bancs accueillent les promeneurs en quète de tranquilité, les enfants peuvent faire de la balançoire et les passants peuvent se renseigner sur les différentes variétés de plantes. Un petit zoo a été installé avec différents types d’oiseaux. Il devrait permettre à l’association en charge de la ges-tion du parc, ADDCI, de percevoir des petits revenus pour poursuivre de manière durable l’entretien des lieux.

Le 19 décembre 2014, ADEMA a officiellement ouvert les portes du parc en organisant une petite fête pour les élèves des écoles avoisinantes. Le Maire de Jean-Rabel, M. Isaac, était présent, ainsi que l’équipe du projet et les habitants des alentours. Des plantules ont été remises aux écoles pour que les élèves les plantent et les arrosent.

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Dans le bas Nord-Ouest...

L’éducation : un droit fondamental pour les enfants

De janvier 2012 à mars 2015, dans le cadre de son programme d’amélioration de la qualité et de l’accès à l’éducation dans le dis-trict scolaire de Jean-Rabel, ADE-MA s’est focalisé sur le droit à l’édu-cation des enfants avec un appui à la scolarisation des enfants les plus vulnérables. Ce projet, intitulé « Education, porte d’entrée de la décentralisation : mise en œuvre dans le district de Jean-Rabel » et financé par l’Union européenne (Instrument Européen pour la Dé-mocratie et les Droits de l’Homme), a fait suite à un projet soutenu par l’AFD dans lequel il était déjà ques-tion de s’appuyer sur la dynamique de décentralisation afin de piloter et de mettre en œuvre la Straté-gie Nationale d’Action pour l’Edu-cation pour Tous. Avec ce dernier projet qui prend fin ce mois-ci, ADEMA a poursuivi son action dans cette même logique, en créant un espace de dialogue entre les diffé-rents partenaires de l’éducation sur la zone – la table de concertation districtale – et en fournissant aux acteurs un cadre d’action – le PDEF et les cartes scolaires. Des Commis-sions Municipales d’Education ont par ailleurs été mises en place dans les 4 communes du Bas Nord-Ouest afin de renforcer la gouvernance du système : composées des repré-sentants de la Mairie, des CASEC, de la Direction Départementale de l’Education et des réseaux associa-tifs d’écoles, les CME ont mises en

œuvre diverses activités de sensibi-lisation pour les examens officiels, le respect du calendrier scolaire, la rentrée scolaire et les droits de l’enfant.

Il était ensuite question de soutenir les familles les plus vulnérables dans la scolarisation de leurs enfants en réduisant les frais d’écolage grâce au versement de subventions, de livres et manuels et d’instruments pédagogiques aux 24 écoles par-tenaires non-publiques. ADEMA a également distribué à de nombreuses familles dému-nies du tissu pour la confec-tion d’uniformes et des kits scolaires (sac, cahiers, stylos, crayons, instru-ments géométriques, etc). Le système édu-catif haïtien présente en effet de nom-breuses défaillances, la prévalence du sec-teur privé en étant l’une des plus importantes : moins de 10% des écoles du département du Nord-Ouest sont publiques (donc gratuites), avec des frais de scolarité variant entre 1000 et 3000 gourdes (18-56€) ; n’oublions pas que le revenu mensuel moyen par habitant en Haïti est de moins de 60€. De nombreuses familles démunies sont donc dans l’inca-pacité de payer les frais relatifs à la scolarisation de leurs enfants. Sans compter que les frais de scolarité

ne comprennent pas les manuels scolaires (en moyenne un enfant en primaire – 1AF à 6AF – a entre 7 et 10 livres par an, chacun coûtant environ 3€), les uniformes, d’éven-tuels frais de cantine scolaire ni les fournitures scolaires.

ADEMA a également poursuivi l’expérience de gestion des élèves surâgés, débutée en 2011, dans 7 écoles partenaires. Les maîtres im-pliqués ont été formés

pour ensei-gner à ces élèves en situation de difficulté scolaire et leur permettre ainsi de rattraper leur retard. La passation automatique a été ins-taurée dans près de 40 classes pour empêcher le redoublement des élèves entre les 1ère et 3ème années

Le PDEF et les

cartes scolaires

ADEMA a appuyé les autorités éducatives dans l’élaboration d’une carte scolaire du district.

Elle met en évidence la couverture éducative et les caractéristiques des 402 écoles du préscolaire à la 9ème

AF. En a découlé la rédaction et la mise en oeuvre d’un Plan Districtal d’Education et de Formation, en collabora-tion avec l’ensemble des acteurs de l’éducation de la zone. Ce document propose un plan d’intervention sur 5 ans pour améliorer le système éducatif dans la zone. Ces

outils sont indispensables pour organiser et pilo-ter de manière plus efficace l’offre éducative et

pour permettre la coordination des actions menées par les différents acteurs dans le

domaine.

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L’éducation : un droit fondamental pour les enfantsfondamentales. 7 classes spéciales surâgés ont été mises en place pour accueillir les élèves surâgés en réussite et les faire passer directement en 6AF. Près de 250 enfants présentant des troubles d’apprentissage (dyslexie, dysgraphie) ont par ailleurs reçu un accom-pagnement personnalisé dans des ateliers à médiation thérapeutique.

Le projet s’est déployé à l’extérieur du milieu scolaire avec des actions de sensibilisation destinées à l’en-semble de la communauté du Bas Nord-Ouest, sur di-verses thématiques, en particulier sur les droits de l’en-fant et le droit à l’éducation à l’occasion des journées internationales : spots et émissions radio, caravanes, concours avec les enfants, spectacles, forums…

ADEMA souhaite maintenant poursuivre son pro-gramme éducation sur le long terme en se concen-trant sur les écoles nationales du district afin de contri-buer à la mise en œuvre de la politique de gratuité et d’obligation scolaire prônée par le gouvernement de Michel Martelly. Il sera toujours question d’amélio-rer l’accès et la qualité de l’enseignement mais cela dans les écoles et les structures publiques (EFACAP, ENI) du district scolaire de Jean-Rabel afin de promulguer et revaloriser ces dernières. En effet, certaines écoles nationales sont boudées par les parents, celles-ci ayant acquis une mauvaise réputation au fil des décennies (professeurs peu, voire pas, qualifiés, manque cruel de

moyens…). ADEMA aspire à changer cela en réhabili-tant certains bâtiments, en renforçant les dispositifs de formation des maîtres (initiale et continue) et en sen-sibilisant la communauté sur la gratuité et l’obligation scolaire, de concert avec les ressources de l’Etat (ins-pecteurs, conseillers pédagogiques, directeurs d’EFA-CAP). Plusieurs écoles seront par ailleurs nationalisées en s’appuyant sur le travail des cartes scolaires. Il sera aussi question de continuer à renforcer les capacités des services déconcentrés de l’Etat (BDS, EFACAP, CP, ENI).

Parallèlement, grâce au soutien de Partage, ADEMA poursuit son soutien aux enfants vulnérables par le biais d’un appui à leur scolarisation (matériel, financier, aide à l’apprentissage…). Il a été décidé de complé-ter la formation des maîtres en difficulté et des nou-veaux maîtres pour que l’ensemble des enseignants atteignent un même niveau de façon à pouvoir conti-nuer l’année prochaine (2015-2016) le plan de forma-tion élaboré. En 2015, le travail avec les moniteurs du préscolaire et les TNI occupe une place primordiale avec notamment des suivis en salle de classe pour s’assurer que les contenus de formation étudiés tout au long de l’année soient assimilés et appliqués. L’ac-compagnement de l’EFACAP et du BDS est également assuré pour l’organisation des tables de gestion distric-tale, la mise en place de tables de concertation distric-tales et départementales, l’appui aux 4 Commissions Municipales d’Education et pour la mise en œuvre de projet(s) prioritaire(s) issu(s) du PDEF.

Caravane sur les droits de l’enfant à Mare Rouge, commune de Môle Saint-Nicolas, 20 novembre 2014

Atelier sur les cartes scolaires avec l’Inspection sco-laire et les conseillers pédagogiques, novembre 2012

Enseignement secondaire

3ème secondaire2nde

1ère (rheto)Terminale (philo)

1ère AF2ème AF3ème AF4ème AF

1ère section2ème section3ème section

3ème cycle fondamental

Enseignement fondamental

2ème cycle fondamental

1er cycle fondamental

Préscolaire

5ème AF6ème AF

7ème AF8ème AF9ème AF

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Le système éducatif haïtien

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En dépit des efforts consentis par l’Etat cette dernière dé-cennie, le système éducatif en Haïti reste défaillant. Les prescrits d’obligation et de gratuité scolaire de la Consti-tution haïtienne sont encore loin d’être aboutis. 85% des écoles sont privées, avec des frais de scolarité 10 à 30 fois plus élevés que les écoles publiques. Beaucoup d’entre elles sont ce que l’on appelle ici des écoles « borlettes » (en référence au loto): des écoles ouvertes à des fins purement pécuniaires, non accréditées par le Ministère de l’Education (seulement 40% des écoles du pays le sont, selon le MEN-FP) et employant des enseignants peu, voire pas, qualifiés. Certains de ces derniers ont tout simplement l’équivalent du baccalauréat (65% des enseignants sont non qualifiés d’après UNICEF). Si les écoles privées continuent à être aussi nombreuses et constituent un secteur fructueux, c’est aussi parce que les parents choisissent d’envoyer leurs enfants là-bas. En effet, comme cela a été dit, les écoles publiques ont acquis une fâcheuse réputation au fil des an-nées, souvent synonymes de mauvaise qualité d’enseigne-ment, tel que Yamina Issad, Responsable du programme éducation, l’explique: « De nombreux professeurs sont nommés et ensuite ne viennent plus travailler. Beaucoup sont nommés par copinage. Et puis il n’y a pas de maté-riel dans ces écoles. C’est pour cela que les parents ne font pas confiance aux écoles publiques. Après, elles ne sont heureusement pas toutes comme ça: les deux écoles PANOU que nous soutenons en sont un contre-exemple. » Par ailleurs, tous les enfants ne vont pas à l’école, es-sentiellement dû aux frais de scolarité trop élevés. Le taux d’abandon est de 13% et beaucoup d’enfants sont scolari-sés très tardivement. Si l’on ajoute le taux de redoublement de 15%, on arrive à un chiffre colossal de près de 70% de surâgés aux 1er et 2ème niveaux du fondamental.

Concernant la qualité, non seulement les enseignants ne maîtrisent pas toujours bien le français et les méthodes de pédagogie « moderne », le manque de moyen cruel fait également défaut : les manuels utilisés sont aussi bien homologués que non homologués, truffés de stéréotypes sexuels, le matériel d’apprentissage est obsolète ou inexis-tant. Les méthodes d’apprentissage utilisées ne sont pas adaptées : peu de travaux de pratique et surtout beaucoup de par cœur. On aperçoit tous les matins des enfants sur le toit de leur maison réciter les cours du jour sans sembler comprendre ce qu’ils lisent. Les classes sont très (trop) sou-vent surchargées, et les bâtiments sont loin d’être tous aux normes. Peu d’école ont accès à l’électricité, l’eau potable et ont une bibliothèque. L’apprentissage se fait donc dans des conditions de travail exécrables qui ne se sont malheu-reusement pas améliorées ces dernières années, faute de moyens : en effet, l’état haïtien n’accorde que 12,8% de son

budget à l’éducation, soit 310 millions d’euros (cela fait une dépense moyenne de 30€ par habitant comparé à 2200€ en France).

Actuellement, le gouvernement intervient dans le domaine de l’éducation primaire gratuite et obligatoire par le biais de 2 programmes nationaux :

Le Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire (PSUGO) a été lancé en 2011 par le gouver-nement Martelly pour permettre à un million d’enfants d’ac-céder gratuitement à l’éducation. Dans le Nord-Ouest, ce sont près de 50 000 enfants qui bénéficient directement du programme. Il est également prévu de mettre en œuvre des mécanismes de contrôle de la qualité et de gestion dans les écoles afin d’améliorer la qualité de l’enseignement dis-pensé. Cependant, de nombreuses critiques sont faites à l’encontre du PSUGO, jugé démagogue par beaucoup : des histoires de détournements de fonds, fraudes, corruption et retards dans les paiements font régulièrement surface.

Le projet Education pour Tous (EPT) est similaire, mais subventionne également des écoles privées. Il se penche également sur la qualité de l’éducation fondamentale et soutient l’apprentissage des futurs professeurs.

S’agissant des droits et de la protection des enfants, la sen-sibilisation sur ces thématiques et sur leurs conditions de vie reste encore fortement nécessaire, à l’heure où le pou-voir d’achat des familles haïtiennes s’affaiblit. Selon le rap-port 2013 d’UNICEF sur la situation de l’enfance en Haïti, 1 enfant sur 5 ne vit pas avec ses parents biologiques, 1 enfant de moins de 5 ans sur 3 souffre de malnutrition chro-nique. D’après le Ministère des Affaires Sociales et du Tra-vail, en 2002, les enfants travaillant comme domestiques étaient au nombre de 173 000, soit 8,2% de la population infantile âgée de 5 à 17 ans. Depuis lors, cette situation n’a cessé de s’aggraver à cause de la dégradation socio-éco-nomique du pays. Aujourd’hui, on estime cette population d’enfants à plus de 250 000. Dans le Bas Nord-Ouest, qui est l’une des plus pauvres du pays, l’instabilité de la situation économique est un obstacle pour les familles les plus vulnérables lorsqu’il s’agit de faire face aux obligations familiales, notamment la scolarisation des enfants. Elles sont donc contraintes de placer certains de leurs enfants en domesticité. Ce phénomène de resta-veks est caractérisé par : une séparation des enfants de leurs parents, une charge de travail élevée pour l’enfant et un manque ou un retard dans la scolarité. Compte tenu cette situation, ADEMA a fait l’amélioration des conditions de vie des enfants son cheval de bataille.

Obligation et gratuité : où en est-on aujourd’hui en Haïti ?

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Pale Aji : Penses-tu qu’il reste encore bcp à faire en matière de droits des enfants, ici dans le BNO ?Josué Célestin : Oui, de nombreux enfants n’ont pas la pos-sibilité d’aller à l’école car ils sont en domesticité dans des familles d’accueil. Beaucoup de parents en difficulté écono-miques laissent leurs enfants à un oncle, une tante, un cousin… dès fois à une famille avec aucun lien de parenté, dès l’âge de 6-7 ans, et en contrepartie ces enfants doivent rendre des services à la famille. Ils peuvent être inscrits à l’école mais ne s’y rendent pas régulièrement. Par exemple, en période de récolte, des enfants vont devoir se rendre dans les champs. D’autres doivent aider à porter ou vendre la marchandise lors des marchés. Cela impacte gravement leur apprentissage. De plus, si ils sont malades, la famille ne va pas systématique-ment l’envoyer chez le médecin ou à l’hôpital. A la place, ils vont seulement lui donner des remèdes naturels (feuilles…) car cela ne coûte rien.

Pale Aji : Ces enfants, nous les appelons des « restaveks », c’est ça ? Il y en aurait donc beaucoup dans le district de Jean-Rabel ?JC : Oui beaucoup. C’est très difficile de savoir lesquels sont en famille d’accueil. Heureusement certaines familles se comportent bien avec ces enfants ; malheureusement pour d’autres, elles sont très négligentes. Dans le BNO, beau-coup d’enfants sont accueillis par une famille d’accueil car leur propre famille vit aux Etats-Unis. Il y a quelques années, seulement 5% des enfants de l’école PANOU vivaient avec leurs parents biologiques. [les écoles PANOU ont pour objec-tif d’accueillir les enfants les plus démunis, un grand nombre d’entre eux sont donc dans des familles d’accueil ; ce chiffre a évolué depuis]

Pale Aji : Penses-tu que les parents du district ont quand même compris l’importance de l’éducation pour leurs enfants ?JC : Avec les parents de mes élèves, je me rends compte que de grands efforts ont été faits. Les parents passent souvent me voir pour poser des questions sur l’apprentissage de leurs enfants. Comme ma classe est une classe à passation auto-matique (voir article sur notre site internet), ils ont beaucoup de questionnements là-dessus. Je sens qu’il y a réel éveil car ils veulent que leurs enfants progressent. Donc pour ma part, j’ai beaucoup de contacts avec les parents.

Pale Aji : Quelles sont les difficultés auxquelles tu fais face en tant qu’instituteur ?JC : Je ne rencontre pas de très grandes difficultés à l’école PANOU. L’apprentissage, c’est les enfants qui le font, moi je ne suis là que pour les guider, les orienter (pédagogie active participative). Sinon à l’école PANOU, j’ai suffisamment de matériel et je l’obtiens rapidement.

Pale Aji : Est-ce que les écoles nationales continuent d’avoir une mauvaise réputation dans le district de Jean-Rabel ?JC : Oui, les salles de classe sont trop petites, on voit souvent 6 à 7 enfants sur un seul banc. Les maîtres ne sont pas forcé-ment qualifiés. Si les parents envoient leurs enfants dans ces écoles, c’est parce que ce sont des écoles gratuites. Mais si tu prends l’exemple de l’école nationale Jacques Maurepas, les salles ne sont pas équipées, les infrastructures sont fragiles et pas adaptées, les professeurs non formés, etc. Psychologi-quement, les parents préfèrent scolariser leurs enfants dans des écoles privées, car ils pensent que leur apprentissage et leur sécurité y sont mieux assurés.

Pale Aji : Si tu pouvais améliorer ton quotidien en tant qu’insti-tuteur, que demanderais-tu ?JC : Je souhaiterais tout d’abord un meilleur mobilier, plus de bancs par exemple, car les enfants se retrouvent parfois dos au tableau. Il faudrait qu’ils reçoivent un plat chaud avec une meilleure qualité nutritionnelle ; ici c’est tous les jours du riz avec une sauce pois donc ce n’est pas varié du tout. Les activités culturelles manquent aussi ; pour un meilleur appren-tissage, il faudrait que les enfants puissent chanter, danser, faire du sport…En tant que professeur, j’aimerais de meilleures conditions de travail, comme par exemple avoir des sanitaires, tout simple-ment.

Josué Célestin, maître de 1ère AF à l’école PANOU de Jean-Rabel

Natacha, animatrice psychosociale à Jean-Rabel, avec les élèves de «mèt Josué».

Rencontre avec...

Différentes activités pour la journée internationale des droits de l’enfant, 20 novembre 2014

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- Fin des travaux au village Vincent: aménagement de la place publique, rénovation d’un terrain de basket, construction de latrines.- Lancement d’activités généra-trices de revenus pour des habi-tants du village Vincent: création d’un poulailler et de 5 basses-cours.- Ouverture du parc municipal de Morne Pasteur : construction d’un kiosque de détente, création d’un petit zoo d’oiseaux, signature d’un contrat de partenariat entre l’as-sociation en charge de la gestion du parc et la mairie, cérémonie d’ouverture.- Renforcement des organisations de base: identification et forma-tion de 30 associations. - Lancement de l’appel à projets en direction de 30 organisations de la société civile pré-sélection-nées.- Obtention d’un nouveau finance-ment de l’UE pour le soutien à la société civile.

- Volet manioc : construction d’une cassaverie, création de 9 champs écoles, distribution d’outils, plantation de la variété CMC40.- Volet pêche : visite d’échanges à Belle-Anse sur les techniques de pêche sur DCP, entretien de 3 unités de conservation - Volet élevage caprin : achat de boucs améliorés pour les stations de croisement, production de fourrage, formation des éleveurs sur l’élevage, dotation de produits vétérinaires.- Sensibilisation sur la protection de l’environnement.- Elaboration des statuts et règle-ments des associations soutenues.- Formation des membres sur la gestion d’une association.- Mise en place d’un DCP (disparu peu de temps après, voir article sur la pêche).

- Organisation de 3 tables de ges-tion districtales.- Appui aux Commissions Munici-pales d’Education : formation et sensibilisation.- Poursuite de l’appui aux enfants démunis pour l’année scolaire 2014-2015 : distribution de kits sco-laires, de tissu pour les uniformes et de livres, soutien aux enfants dysléxiques et dysgraphiques.- Installation de 9 TNI et formation des professeurs à leur utilisation.- Activités de sensibilisation à l’occasion de la journée des droits de l’enfant, le 20 novembre : conférences, caravanes, théâtre, débats.- Formation des maîtres à l’uti-lisation du programme détaillé du MENFP et à la préparation de leçons. - Poursuite du processus de gestion des surâgés dans 1 classe.- Formation des moniteurs du préscolaire sur la préparation de leçons et la fabrication de matériel pédagogique.

Brève des programmesDéveloppement local Sécurité alimentaire Education

Pale Aji n°7 - septembre 2014 - février 2015

Directeur de la publication: Rénold TELFORTRédacteur en chef: Mausert FRANCOISRédacteurs: Emma MAISONNAVE, Stanley-Wood-Duckson JOACHIM, Rémy JULMISTEGraphisme: Emma MAISONNAVE

Cérémonie d’ouverture du parc municipal Morne Pasteur le 19 décembre 2014

Tests de cassaves avec les nouveaux fours, décembre 2014

Distribution de kits scolaires à l’école PANOU de Bombardopolis, septembre 2014

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