Pages de ES_201-1.pdf

1
Témoignages - Itinéraires La voix de l’acteur 7 environnement & stratégie n° 201 mercredi 10 janvier 2007 7 DR Pourquoi un tour des 80 hommes pour changer le monde ? Sorti d’HEC en 2001, je tra- vaillais au Brésil où j’ai ren- contré Sylvain Darnil, expa- trié aussi. Nous voulions faire un tour du monde dans le cadre d’un projet cons- truit et positif. À l’image de la mentalité du Brésil, jeune et créative, où les gens sont plus optimistes qu’en France. La banque contre la pauvreté de Mohammed Younous, qui a reçu récem- ment le prix Nobel de la Paix, a été l’étincelle pour nous lancer dans le déve- loppement durable. Nous n’avions jamais entendu parler de ce concept en cours, et d’autres, comme lui, méritaient aussi d’être médiatisés. Au lieu de dénoncer, nous préférions parler d’initiatives concrè- tes et viables. Comment avez-vous sélectionné ces initiatives ? Avec l’aide de Maximilien Rouer du cabinet de conseil Be Citizen (voir ES n° 163 p. 7), nous avons relevé les grands enjeux de dévelop- pement durable. Énergie, climat, toxicité, rapports Nord-Sud, etc. : pour cha- cun, nous avons listé les pistes de solutions, puis sélectionné celles qui nous paraissaient les plus perti- nentes. Ensuite, nous avons cherché l’initiative qui l’il- lustrait le mieux, souvent sur des « coups de cœur », liés à l’histoire de la per- sonne, de l’entreprise. Par exemple sur les économies d’énergie, ce furent les bâtiments à énergie posi- tive, avec un architecte du Colorado, Amaury Lovins, le concepteur des Négawatts. Nous avons rencontré plus de 100 personnalités. Vous avez donc trié aussi a posteriori ? Oui, certains projets ne nous ont pas enthousias- més et d’autres n’étaient pas assez avancés pour prouver leur viabilité. Nous nous devions d’être rigoureux pour montrer les idées qui fonctionnent vraiment, assez rentables, pour contrer le scepticisme ambiant. Un cas d’école : le brainstorming collectif de la chaîne Scandic Hotel, déficitaire, pour rendre les hôtels plus durables. Grâce aux idées de ses 5 000 sala- riés, la chaîne est redeve- nue rentable ! À travers les pays, quelles sont les constantes de ces initiatives ? L’âme de l’entreprise est souvent en lien avec la personnalité du fondateur. Et ces personnes n’atten- dent ni le « grand soir », ni un geste du gouvernement pour agir au niveau local. Aux États-Unis, même si Kyoto n’est pas ratifié, les Américains se préparent au changement : énergies renouvelables, investisse- ment socialement respon- sable… Au Bangladesh, nous avons découvert qua- tre projets géniaux en une semaine ! Au Brésil, on res- sent fortement l’émergence de la société civile. De retour en France, comment avez-vous poursuivi l’aventure ? J’ai d’abord travaillé six mois pour Be Citizen sur des missions liées à l’inno- vation, avant de rencontrer Oddo, une société fami- liale d’investissement qui voulait se lancer dans le capital-risque. Nous avons créé le premier fonds sur l’éco-innovation en FCPI (fonds commun de place- ment dans l’innovation), de moyen terme (6 à 8 ans). Nous avons 50 Mpour financer de petites entre- prises françaises et euro- péennes à forte croissance qui développent des techno- logies propres en énergie, déchets, toxiques et eau. Comment mesurez-vous leur potentiel ? La pertinence technolo- gique est validée par Be Citizen, notre partenaire. Le mieux est d’arriver en fin de phase de R&D pour renforcer le volet commer- cial. Nous jugeons de la pertinence écologique par rapport à notre vision des évolutions globales à moyen terme : l’utilisation de déri- vés pétroliers sera pénali- sante, l’eau deviendra rare, et devra être désalinisée, décentralisée… L’entreprise devra optimiser significati- vement la consommation de ses ressources. Finalement, qu’est-ce qui fait la différence ? Il n’y a pas de portrait- robot de l’éco-innovateur. En revanche, on attend une équipe motivée à bloc et une équipe dirigeante avec de la personnalité, capable d’améliorer l’idée s’il le faut. Détermination et volonté sont indispen- sables pour faire accepter au marché et ses poids lourds une innovation sou- vent radicale. R. H. 1. 80 hommes pour changer le monde, paru aux éditions J.-C. Lattès en avril 2005. La tournée des éco-innovateurs Mathieu le Roux et Sylvain Darnil ont réalisé leur « tour du monde en 80 hommes » (1) , des chefs d’entreprises innovantes et durables. De retour, Mathieu le Roux continue à prospecter en France, pour un fonds d’investissement en éco-innovation. WWF Jacques-Olivier Barthes, 37 ans, a été nommé directeur de la communication de WWF France, en remplacement de Nelly Castin, désormais consul- tante en charge des opérations spéciales, comme l’Appel des enfants pour l’environnement. Ce diplômé de Sciences Po Paris et de l’université Panthéon-Sor- bonne a enseigné le droit et les sciences politiques, puis exercé en tant que consultant auprès de grandes agences de publicité. En 2004, il a fondé l’agence-con- seil en communication éthique et durable Amazonia integral. www.wwf.fr Airparif Jean-François Saglio est nommé président de l’associa- tion de surveillance de la qualité de l’air Airparif. Il succède à Michel Elbel qui assumait cette fonction depuis 15 ans, soit cinq mandats consécutifs. Directeur de la Prévention des pollutions et des nuisances au ministère de l’Environnement de 1973 à 1978, Jean-François Saglio a présidé l’Ifen en 1997 et 1998. www.airparif-asso.fr Ministère du Tourisme Brigitte Arnould, chargée de mission au service de l’inspec- tion générale du tourisme, a été nommée par arrêté haut fonc- tionnaire chargé du dévelop- pement durable pour le minis- tère du Tourisme. Elle remplace Chantal Merchadou, qui avait été installée à la tête du Comité permanent pour le développement durable du ministère en juin 2004. www.tourisme.gouv.fr Conférence internationale sur l’environnement Le président de la République a constitué le comité chargé de préparer la Conférence interna- tionale sur l’environnement prévue les 2 et 3 février à Paris, dont l’objectif est d’aboutir à la création d’une organisation in- ternationale des Nations unies pour l’environnement. Présidé par l’ancien Premier ministre Alain Juppé, le comité compte parmi ses membres l’ancien mi- nistre des Affaires étrangères Hubert Védrine, Nicolas Hulot, le président du groupe Lafarge Bertrand Collomb, le climatolo- gue Jean Jouzel, le philosophe et sociologue Edgar Morin et Laurent Stefanini, ambassadeur chargé de l’environnement. Mathieu le Roux, 29 ans, globe-trotter et investisseur en éco- innovation pour Oddo AM, www.oddoam.fr CARNET

Transcript of Pages de ES_201-1.pdf

Page 1: Pages de ES_201-1.pdf

Témoignages - Itinéraires

La voix de l’acteur

environnement & stratégie n° 201 mercredi 10 janvier 2007environnement & stratégie n° 201 mercredi janvier 20077

environnement & stratégie n° 201 mercredi 10 janvier 20077

DR

Pourquoi un tour des 80 hommes pour changer le monde ?Sorti d’HEC en 2001, je tra-vaillais au Brésil où j’ai ren-contré Sylvain Darnil, expa-trié aussi. Nous voulions faire un tour du monde dans le cadre d’un projet cons-truit et positif. À l’image de la mentalité du Brésil, jeune et créative, où les gens sont plus optimistes qu’en France. La banque contre la pauvreté de Mohammed Younous, qui a reçu récem-ment le prix Nobel de la Paix, a été l’étincelle pour nous lancer dans le déve-loppement durable. Nous n’avions jamais entendu parler de ce concept en cours, et d’autres, comme lui, méritaient aussi d’être médiatisés. Au lieu de dénoncer, nous préférions parler d’initiatives concrè-tes et viables.

Comment avez-vous sélectionné ces initiatives ?Avec l’aide de Maximilien Rouer du cabinet de conseil Be Citizen (voir ES n° 163 p. 7), nous avons relevé les grands enjeux de dévelop-pement durable. Énergie, climat, toxicité, rapports Nord-Sud, etc. : pour cha-cun, nous avons listé les pistes de solutions, puis sélectionné celles qui nous paraissaient les plus perti-nentes. Ensuite, nous avons cherché l’initiative qui l’il-lustrait le mieux, souvent sur des « coups de cœur », liés à l’histoire de la per-sonne, de l’entreprise. Par exemple sur les économies d’énergie, ce furent les bâtiments à énergie posi-tive, avec un architecte du Colorado, Amaury Lovins, le concepteur des Négawatts.

Nous avons rencontré plus de 100 personnalités.

Vous avez donc trié aussi a posteriori ?Oui, certains projets ne nous ont pas enthousias-més et d’autres n’étaient pas assez avancés pour prouver leur viabil ité. Nous nous devions d’être rigoureux pour montrer les idées qui fonctionnent vraiment, assez rentables, pour contrer le scepticisme ambiant. Un cas d’école : le brainstorming collectif de la chaîne Scandic Hotel, déficitaire, pour rendre les hôtels plus durables. Grâce aux idées de ses 5 000 sala-riés, la chaîne est redeve-nue rentable !

À travers les pays, quelles sont les constantes de ces initiatives ?L’âme de l’entreprise est souvent en lien avec la personnalité du fondateur. Et ces personnes n’atten-dent ni le « grand soir », ni un geste du gouvernement pour agir au niveau local. Aux États-Unis, même si Kyoto n’est pas ratifié, les Américains se préparent au changement : énergies renouvelables, investisse-ment socialement respon-sable… Au Bangladesh, nous avons découvert qua-tre projets géniaux en une semaine ! Au Brésil, on res-sent fortement l’émergence de la société civile.

De retour en France, comment avez-vous poursuivi l’aventure ?J’ai d’abord travaillé six mois pour Be Citizen sur des missions liées à l’inno-vation, avant de rencontrer Oddo, une société fami-liale d’investissement qui

voulait se lancer dans le capital-risque. Nous avons créé le premier fonds sur l’éco-innovation en FCPI (fonds commun de place-ment dans l’innovation), de moyen terme (6 à 8 ans). Nous avons 50 M€ pour financer de petites entre-prises françaises et euro-péennes à forte croissance qui développent des techno-logies propres en énergie, déchets, toxiques et eau.

Comment mesurez-vous leur potentiel ?La pertinence technolo-gique est validée par Be Citizen, notre partenaire. Le mieux est d’arriver en fin de phase de R&D pour renforcer le volet commer-cial. Nous jugeons de la pertinence écologique par rapport à notre vision des évolutions globales à moyen terme : l’utilisation de déri-vés pétroliers sera pénali-sante, l’eau deviendra rare, et devra être désalinisée, décentralisée… L’entreprise devra optimiser significati-vement la consommation de ses ressources.

Finalement, qu’est-ce qui fait la différence ?Il n’y a pas de portrait-robot de l’éco-innovateur. En revanche, on attend une équipe motivée à bloc et une équipe dirigeante avec de la personnalité, capable d’améliorer l’idée s’il le faut. Détermination et volonté sont indispen-sables pour faire accepter au marché et ses poids lourds une innovation sou-vent radicale. ■ R. H.

1. 80 hommes pour changer le monde, paru aux éditions J.-C. Lattès en avril 2005.

La tournée des éco-innovateurs

Mathieu le Roux et Sylvain Darnil ont réalisé leur « tour du monde en 80 hommes » (1),

des chefs d’entreprises innovantes et durables. De retour, Mathieu le Roux continue

à prospecter en France, pour un fonds d’investissement en éco-innovation.

WWFJacques-Olivier Barthes, 37 ans, a été nommé directeur de la communication de WWF France, en remplacement de Nelly Castin, désormais consul-tante en charge des opérations spéciales, comme l’Appel des enfants pour l’environnement. Ce diplômé de Sciences Po Paris et de l’université Panthéon-Sor-bonne a enseigné le droit et les sciences politiques, puis exercé en tant que consultant auprès de grandes agences de publicité. En 2004, il a fondé l’agence-con-seil en communication éthique et durable Amazonia integral.www.wwf.fr

AirparifJean-François Saglio est nommé président de l’associa-tion de surveillance de la qualité de l’air Airparif. Il succède à Michel Elbel qui assumait cette fonction depuis 15 ans, soit cinq mandats consécutifs. Directeur de la Prévention des pollutions et des nuisances au ministère de l’Environnement de 1973 à 1978, Jean-François Saglio a présidé l’Ifen en 1997 et 1998.www.airparif-asso.fr

Ministère du TourismeBrigitte Arnould, chargée de mission au service de l’inspec-tion générale du tourisme, a été nommée par arrêté haut fonc-tionnaire chargé du dévelop-pement durable pour le minis-tère du Tourisme. Elle remplace Chantal Merchadou, qui avait été installée à la tête du Comité permanent pour le développement durable du ministère en juin 2004.www.tourisme.gouv.fr

Conférence internationale sur l’environnementLe président de la République a constitué le comité chargé de préparer la Conférence interna-tionale sur l’environnement prévue les 2 et 3 février à Paris, dont l’objectif est d’aboutir à la création d’une organisation in-ternationale des Nations unies pour l’environnement. Présidé par l’ancien Premier ministre Alain Juppé, le comité compte parmi ses membres l’ancien mi-nistre des Affaires étrangères Hubert Védrine, Nicolas Hulot, le président du groupe Lafarge Bertrand Collomb, le climatolo-gue Jean Jouzel, le philosophe et sociologue Edgar Morin et Laurent Stefanini, ambassadeur chargé de l’environnement.

Mathieu le Roux,29 ans, globe-trotter et investisseur en éco-innovation pour Oddo AM, www.oddoam.fr

CARNET