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AVERTISSEMENT : Ce rapport a été préparé pour le Programme Régional de l’Afrique Centrale pour l’Environnement (CARPE) de l’USAID par l’anthropologue Robert E. Moïse. Il a été revu par le personnel de l’USAID et corrigé par Diane Russell. Traduction Française : James Yuma, PhD. Ce rapport reflète les vues de l’auteur et non nécessairement celles de l’USAID ou du Gouvernement des États-Unis. PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LES INITIATIVES DU CARPE : VERS UNE NOUVELLE PRATIQUE DE CONSERVATION Par Robert E. Moïse, Ph.D. FAMILLE AUTOCHNONE, MAI-NDOMBE, RDC PHOTO: ROBERT E. Moïse

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AVERTISSEMENT : Ce rapport a été préparé pour le Programme Régional de l’Afrique Centrale pour l’Environnement (CARPE) de l’USAID par l’anthropologue Robert E. Moïse. Il a été revu par le personnel de l’USAID et corrigé par Diane Russell. Traduction Française : James Yuma, PhD. Ce rapport reflète les

vues de l’auteur et non nécessairement celles de l’USAID ou du Gouvernement des États-Unis.

PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LES

INITIATIVES DU CARPE : VERS UNE NOUVELLE PRATIQUE DE

CONSERVATION

Par Robert E. Moïse, Ph.D.

FAMILLE AUTOCHNONE, MAI-NDOMBE, RDC

PHOTO: ROBERT E. Moïse

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TABLE DES MATIERES

Table des Matières ....................................................................................................................... 3

Acronymes et Abréviations ........................................................................................................... 4

Définitions-clefs............................................................................................................................ 5

Sommaire Exécutif ........................................................................................................................ 6

Résultats .................................................................................................................................. 6

Recommandations ..................................................................................................................... 9

I. Introduction .............................................................................................................................13

Questions relatives à la Participation ..........................................................................................16

Bantous et « Pygmées » dans le Bassin du Congo : qui est « autochtone » (et qui ne l’est pas) ? .......19

II. Contexte et Méthodologie ........................................................................................................21

Conservation communautaire et Conservation centralisée ...........................................................21

Le rôle de la culture dans les partenariats internationaux-locaux pour la conservation ....................26

Méthodologie ..........................................................................................................................28

IIIa. Conclusions/Analyse situationnelle ..........................................................................................29

Thèmes généraux.....................................................................................................................29

Le Parc National de Nouabalé-Ndoki (PNNN) en RC .................................................................30

Réserve de Faune à okapis en RDC ..........................................................................................34

IIIb. Conclusions : Défis pour une participation des PA dans la Conservation .....................................41

Défis au niveau général .............................................................................................................41

Défis Locaux ...........................................................................................................................41

IV. Modèles alternatifs pour les Aires Protégées .............................................................................42

La Réserve Naturelle d’Itombwe (RNI) ......................................................................................42

V. Foresterie Communautaire .......................................................................................................45

Inspirer la conservation locale ...................................................................................................45

Quels sont les défis (où est-ce que ça peut dérailler ?) .................................................................46

Comment le faire correctement ? ..............................................................................................48

VI. Faire le plaidoyer des Peuples Autochtones aux Niveaux Supérieurs ............................................51

Le réseau des ONG des PA ......................................................................................................51

Efforts de lobbying de niveau supérieur ......................................................................................52

VII. Recommandations .................................................................................................................53

À court terme .........................................................................................................................53

À moyen terme .......................................................................................................................54

À long terme ...........................................................................................................................56

VIII. Conclusion ...........................................................................................................................60

IX. Références ............................................................................................................................61

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4 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

ACRONYMES ET ABREVIATIONS

ANAPAC-RDC Alliance Nationale d'Appui et de Promotion des Aires et Territoires du

Patrimoine Autochtones et Communautaire

AP Aire Protégée

CARITAS Organisation humanitaire ; mot latin pour amour et compassion

CARPE Programme Régional de l’Afrique Centrale pour l’Environnement

CFC Concession Forestière des Communautés Locales

CL Communautés Locales

COCOSI Comité de Coordination du site en RDC

DNH Ne pas nuire (Do No Harm)

DRG Démocratie, Droits de l’homme et Gouvernance

FARDC Forces Armées de la République Démocratique du Congo

FPIC/CPLI Consentement Préalable, libre et Informé

ICCN Institut Congolais pour la Conservation de la Nature

LINAPYCO Ligue Nationale des Associations Autochtones Pygmées du Congo

ONG Organisation Non Gouvernementale

OWR Réserve de faune à Okapis

PA Peuple Autochtone

PACL Peuples Autochtones et Communautés Locales

PFNL Produits Forestiers Non Ligneux

PIDEP Programme Intégrée Pour le Développement des Peuples Pygmées

PNKB Parc National de Kahuzi-Biega

PNNN Parc National de Nouabalé-Ndoki

PRO-IP Politique de l’USAID en matière de promotion des droits des Peuples

Autochtones

RBA Approche fondée sur les droits

RC République du Congo

RCA République Centrafricaine

RDC République Démocratique du Congo

REDD Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des

forêts

REPALEAC Réseau des Populations Autochtones et Locales pour la Gestion des

Écosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale

REPALEF Réseau des Populations Autochtones et Locales pour la Gestion

Durable des Écosystèmes Forestiers de la RDC

RFN Rainforest Foundation Norway

RNI Réserve Naturelle d’Itombwe

UNDRIP Déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones

USAID Agence des États-Unis pour le Développement International

WCS Wildlife Conservation Society

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5 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

DÉFINITIONS-CLEFS

Terme Définition

Peuples Autochtones

et Communautés

Locales dans le

Bassin du Congo

Dans l’ensemble du Bassin du Congo, le terme usité pour se référer à la

majorité de la population est « Bantou ». C’est un terme linguistique se

rapportant aux peuples qui parlent des langues appartenant à la famille

linguistique bantoue. Comme la population majoritaire comprend également

ceux qui parlent des langues appartenant aux familles linguistiques

oubanguiennes et soudaniques, appliquer le terme « Bantou » à tous ces

peuples est linguistiquement incorrect, mais l’usage populaire est suivi dans ce

rapport.

Le terme le plus communément usité pour parler de la population autochtone

minoritaire du Bassin du Congo est « Pygmée ». Les Autochtones se réfèrent

à eux-mêmes avec des termes ethniques tels que Bayaka, Baka ou Batwa.

Puisque le terme « Pygmée » est souvent usité dans un sens péjoratif, on

utilisera de préférence le terme « Autochtone ». Toutefois, dans certains

contextes, « Pygmée » est un terme utile qui a été approprié en tant que

terme autoréférentiel par certains groupes autochtones (LINAPYCO 2019).

Dans ce rapport, « Autochtone » ou « PA » (Peuples Autochtones) est usité

dans l’ensemble, mais le terme « Pygmée » est aussi utilisé lorsqu’il ajoute une

connotation supplémentaire.

Les Communautés Locales discutées dans ce rapport comprennent

généralement des Peuples Autochtones et des Peuples Bantous. Voir le Guide

pour Faire Participer les Peuples Autochtones et les Communautés Locales

pour des éclaircissements supplémentaires (CARPE 2020).

Aires Protégées Les AP sont créées pour conserver la nature sauvage et toute la biodiversité

ainsi que pour des services écosystémiques tel que le piégeage du carbone

dans les arbres et les sols. Dans le Bassin du Congo, il y a plusieurs types d’AP

avec divers niveaux de protection et d’habitation humaine autorisée (Yale

Global Forest Atlas). Dans les deux AP visitées pour ce rapport, la Réserve

de Faune à Okapis (OWR) intègre des populations autochtones et locales au

sein de ses limites tandis que le Parc National Nouabalé-Ndoki ne le fait pas.

Concessions

Forestières des

Communautés

Locales

Un décret sur les modalités d’attribution des concessions forestières aux

communautés locales datant de 2014 a permis la mise en œuvre et la

reconnaissance formelle des concessions forestières en RDC et a décrit ces

concessions comme le droit d’une communauté avec une superficie allant

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6 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

SOMMAIRE EXECUTIF

Ce rapport documente l’enquête menée en République du Congo (RC) et en République Démocratique

du Congo (RDC) sur la participation des Peuples Autochtones (PA) dans les initiatives du Programme

Régional de l’Afrique Centrale pour l’Environnement (CARPE). L’étude visait à évaluer l’état actuel de

participation des PA dans les initiatives du CARPE et de formuler des recommandations sur la façon

dont cette participation pouvait être améliorée. L’enquête de terrain faisant usage des méthodes

anthropologiques fut menée au sein et à la périphérie des Aires Protégées (AP)—le Parc National

Nouabalé-Ndoki (PNNN) en RC et la Réserve de Faune à Okapis (OWR) en RDC. Une visite à une

troisième AP (le Parc National Kahuzi-Biega) était prévue mais a dû être annulée du fait des restrictions

de voyage à travers le monde en mars 2020 liées à la COVID 19. De plus, des enquêtes sur le thème de

la participation des PA ont été menées par des organisations de la société civile (par ex. organisations

des PA, organisations de conservation) dans diverses villes de la RC et de la RDC ainsi que par le

personnel du CARPE/ USAID à Kinshasa. Les résultats de l’enquête de terrain furent analysés et des

recommandations formulées sur la meilleure façon de renforcer la participation des PA dans des

initiatives du CARPE pour qu’ils deviennent des partenaires à part entière de la conservation.

L’évaluation se concentre sur les AP et les Concessions Forestières des Communautés Locales (CFC)

puisqu’elles sont les zones principales de l’investissement du CARPE dans la conservation de la

biodiversité et la gestion des forets. D’autres investissements du CARPE tels que la lutte contre des

crimes sur la vie sauvage ou d’autres crimes environnementaux et l’atténuation du changement

climatique ne sont pas explicitement traités. Il convient aussi de noter que la mise en œuvre du CARPE

est entreprise par nombre de partenaires, avec les personnels du CARPE et de l’USAID agissant non

seulement comme bailleurs mais aussi comme gestionnaires de connaissances et organisateurs, entre

autres rôles.

RESULTATS

PARTICIPATION

Pour aborder la question de l’amélioration de la participation des PA dans des initiatives du CARPE, le

consultant a d’abord considéré la question suivante : « quelles sont les conditions d’une telle

participation ? ». À présent, il n’y a pas de relation substantielle entre le CARPE/USAID et les PA au

jusqu’à 50.000 ha. Il a aussi reconnu les revendications coutumières

additionnelles au-delà de cette superficie. La durée de la concession est

déterminée comme pérenne. Il y a actuellement des dizaines de CFC établies

et planifiées en RDC (Rainforest UK 2019).

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7 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

niveau local. Les populations locales avec qui le consultant a échangé ne savent pas que le CARPE existe,

tandis que la reconnaissance de la marque USAID était sporadique et non développée. Par conséquent,

il n’y a pas de voie de communication pour les PA de s’informer sur les initiatives du CARPE. Ainsi, si la

participation des PA est l’objectif visé, on doit en faire une priorité de politique, avec des structures

organisationnelles idoines et des ressources adéquates.1

La participation dépend de certaines préconditions, notamment la création des rapports de face-à-face

entre les habitants et les personnels du CARPE, les Partenaires de mise en œuvre, les autorités étatiques

de conservation, le secteur privé et d’autres acteurs clés, sur la base d’une communication ouverte et de

confiance mutuelle. Les répondants aux sites des AP n’ont pas considéré que ces relations y étaient

établies.

LE PAYSAGE SOCIAL RURAL : UNE SOCIETE UNIQUE FAITE DE DEUX SECTEURS SOCIAUX

Les PA au sein et à la périphérie des sites du CARPE vivent dans une société rurale composée de deux

secteurs sociaux : l’un bantou, l’autre des PA. (Veuillez consulter le guide du CARPE « Pour faire

participer les Peuples Autochtones et les Communautés Locales » pour des définitions supplémentaires

des Peuples Autochtones et des communautés locales (CARPE 2020). Puisque ces deux secteurs sont

intimement entrelacés dans divers aspects de la vie quotidienne, des initiatives entreprises exclusivement

pour des PA peuvent aisément causer des conflits avec les Bantous locaux, et, de ce fait même, saper les

objectifs du projet. Toutefois, du fait des différences de statut entre les PA et les Bantous locaux—les

PA occupant un statut social inférieur—, des initiatives conjointes impliquant les deux groupes

présentent des complexités supplémentaires : dans certains contextes (par ex. la protection de la forêt)

les deux groupes peuvent collaborer efficacement, pourtant dans d’autres (partage des bénéfices,

certaines activités de développement), la collaboration peut aisément devenir un échec , nécessitant

qu’ils soient abordés séparément pour éviter des conflits et la désautonomisation (déresponsabilisation)

des PA.

GESTION FONCIERE COUTUMIERE

Les institutions qui ont toujours existé pour réglementer les relations des gens à la terre dans le Bassin

du Congo sont celles de la gestion coutumière. En dépit de l’imposition récente des formes modernes

1Les personnels du CARPE ont indiqué que les partenaires et les agences de conservation sont ceux qui ont des

rapports directs avec les PA. Ce à quoi l’auteur a répondu : « En se fondant sur l’enquête de terrain, il apparaissait

au consultant que la façon la plus directe et efficace d’augmenter la participation des PA dans des initiatives du

CARPE était d’avoir des relations importantes avec une communication directe entre les PA sur ses sites de

terrain et CARPE lui-même. Ainsi donc, cette déclaration était faite pour alerter les personnels du CARPE qu’on

ne sait rien du CARPE et, si l’objectif est de faire connaître CARPE, on doit en faire une priorité politique.

Cependant, si CARPE préfère augmenter sa participation avec les PA à travers une partie tierce, la connaissance

locale du CARPE sera moins importante. Dans le même temps, on doit faire une priorité politique la

communication directe entre les PA locaux et la tierce partie— en laissant cette fonction au Partenaire de mise en

œuvre ou ICCN, il est impossible que cela mène aux améliorations dans la participation des PA, en se basant sur

les résultats obtenus dans cette zone au cours des dernières décennies. En résumé, il revient au CARPE de

décider des moyens à travers lesquels ses efforts pour augmenter la participation des PA peuvent être faits, mais

une chose semble sûre : l’augmentation de la participation des PA est une priorité politique pour le Congrès des

États-Unis ».

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8 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

de gestion foncière, des systèmes coutumiers sont restés les principaux moyens de réglementation des

rapports des populations à la terre au niveau local. Les territoires coutumiers sont associés aux

communautés locales particulières et tous leurs membres connaissent avec précision l’étendue de ces

territoires, les ressources qu’ils contiennent et les frontières qui les délimitent.

Le Bassin du Congo est représenté comme une vaste étendue de verdure sur la plupart des cartes. Mais

ces conventions cartographiques cachent une réalité humaine fondamentale : la région comprend un

vaste réseau de « communs » qui appartiennent à la communauté, c’est-à-dire des espaces dont

dépendent les communautés locales pour leur subsistance quotidienne, et qui sont gérés selon des

pratiques coutumières établies depuis longtemps et des droits qui sont transmis de génération en

génération.

CONSENTEMENT

Il y a un grand malentendu des différentes parties sur les processus de consentement (acceptation),

notamment ceux entrepris dans la création des AP et les négociations sur le zonage. Un aspect essentiel

de ce malentendu est culturel : en Occident, le consentement est généralement compris comme un

accord entre deux parties, fait à un certain moment donné et inscrit dans un document écrit tandis que

chez les paysans congolais le consentement se manifeste généralement dans la création d’une relation

continue entre deux parties ; cette relation peut être négociée, car elle est basée sur une

communication ouverte et la confiance mutuelle.

AIRES PROTEGEES

Dans les AP visitées, il y avait un écart considérable entre le principe fondamental « Do No Harm

(DNH) (Ne Pas Nuire) » et les conditions de vie locales sous l’administration de l’AP. En particulier, les

moyens d’existence peuvent être sérieusement mis en danger (à cause d’un accès inadéquat aux zones

forestières pour des activités essentielles de subsistance, aux activités prédatrices des chasseurs

commerciaux externes vidant les forêts locales de la faune et à la dévastation des cultures par des

animaux, particulièrement les éléphants, errant dans les champs), la pratique médicale traditionnelle peut

être compromise (à cause du manque d’accès aux zones forestières pour des plantes médicinales), la

reproduction de la connaissance locale autochtone peut être interrompue (à cause du manque d’accès à

la forêt pour des activités qui reproduisent cette connaissance), tout comme d’autres formes de

reproduction sociale (particulièrement à cause du manque d’accès aux sites sacrés dans les terres

coutumières dans les AP). Si ces formes variées de nuisance ne sont pas corrigées là où elles existent, il

sera difficile pour CARPE et ses partenaires d’obtenir l’acceptation des PA et des communautés locales

(PACL) à l’effort de conservation.

Certains besoins locaux d’accès aux terres coutumières tels que l’accès aux sites sacrés pour des

fonctions rituelles ou sociales, l’accès aux plantes médicinales, l’accès pour la cueillette n’ont pas d’effets

négatifs pour la conservation et peuvent être intégrés aux pratiques d’utilisation foncière au sein des AP.

Cependant, l’un des obstacles a été l’ensemble des approches de gestion non collaborative qui n’ont pas

su faire de l’élaboration de ces genres de solutions une priorité.

Les objectifs de conservation des PACL ont généralement un centre d’intérêt local, qui est la protection

de leurs territoires coutumiers. Cela constitue probablement la plus forte motivation pour les deux

secteurs de rejoindre les efforts de conservation dans une AP. Ainsi, être assez flexible pour renégocier

les droits locaux d’accès à ces territoires, par ex. en permettant des activités sans effets négatifs pour la

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9 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

conservation, sauf dans la Catégorie I des AP de l’IUCN, peut servir à renouveler les liens des habitants

à leurs terres coutumières et à leur donner une puissante force de motivation pour créer des relations

de collaboration entre l’administration des AP et le CARPE.

Dans chacune des AP visitées, la gestion était fortement centralisée. De plus, il y avait des mécanismes

institutionnels permettant la participation locale dans les processus de prise de décision et de gestion

(tels que les comités de coordination entre l’administration des AP et la communauté locale en RDC).

Mais ces mécanismes n’étaient pas efficaces car la grande majorité des répondants ont dit que leurs

contributions étaient rarement considérées par l’administration des AP. Cette négligence a eu des

conséquences importantes sur la qualité de vie des populations locales vivant dans les AP ou à la

périphérie des AP : cette négligence facilite les dégâts commis par les éco-gardes, met en danger les

moyens d’existence sans réparation, cause des frustrations à cause de la rupture de la reproduction

sociale et culturelle et, en général, crée le sentiment dans la population locale de l’abandon par l’AP.

FORESTERIE COMMUNAUTAIRE

La foresterie communautaire a un grand potentiel de faire participer les PACL dans l’effort de

conservation puisque les habitants sont très motivés à protéger leurs territoires coutumiers et la petite

dimension des CFC rend les fonctions de gestion beaucoup moins complexes que dans de grandes

entités comme les AP. Pourtant, l’expérience passée montre que, si les CFC ne sont pas planifiées et

gérées avec soin, elles peuvent entraîner une captation par l’élite et la désautonomisation

(déresponsabilisation) des acteurs de statut inférieur (Djeumo 2001).

PROCESSUS DECISIONNEL ET POLITIQUE COUTUMIER

Dans les communautés du Bassin du Congo, les institutions politiques coutumières peuvent être très

« démocratiques ». L’autorité politique n’a pas de pouvoir coercitif, l’autorité a généralement un rôle de

conseiller et les décisions pour des actions collectives doivent être ratifiées par le corps politique avant

qu’elles ne soient mises en œuvre. Dans le même temps, dans certains contextes décisionnels

importants (par ex. les réunions publiques), les différences de statut entre les membres de l’assemblée

tendent à décourager les acteurs de statut social inférieur (PA, femmes, etc.) à s’exprimer librement et à

contribuer aux processus décisionnels. Par conséquent, si des mesures spéciales ne sont pas prises pour

garantir la participation active des acteurs de statut inférieur, leurs voix ne seront pas entendues.

RECOMMANDATIONS

À COURT TERME

METHODOLOGIES POUR LA CONSULTATION

Dans son travail avec les communautés forestières du Bassin du Congo, le CARPE ne doit pas supposer

que la politique au niveau du village est une « démocratie représentative », dans laquelle il suffit de

consulter les autorités coutumières pertinentes comme les chefs de village ou les chefs de groupement.

Mais plutôt ceci : la « démocratie coutumière » qu’on trouve souvent dans un village est très

participative, dans laquelle la masse de la population a une contribution importante dans la prise de

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10 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

décision, notamment le droit de refuser les directives de ceux qui sont en position d’autorité. Ainsi

donc, avant toute intervention, on doit toujours chercher à consulter un échantillon du public.

● Tenir des consultations séparées pour des PA dans toute initiative conjointe (PA/Bantous) pour

les aider à exprimer leurs besoins et objectifs en vue d’élaborer des plans qui peuvent être

intégrés dans les plans globaux de l’initiative.

● Prêter attention au refrain des PA quand on leur demande leur capacité de collaborer avec les

habitants bantous : « Nous pouvons collaborer avec les Bantous pour protéger la forêt, mais s’il

est question de distribution des ressources (matérielles), mettez toujours notre part

séparément pour qu’on gère nous-même la distribution ».

AIRES PROTEGEES

Il faut traiter la corruption généralisée des AP comme une urgence et on doit faire un sérieux effort

pour remplacer la culture actuelle d’impunité avec une culture de redevabilité, de transparence et de

gouvernance démocratique. Dans cet effort, on doit utiliser des experts dans des domaines essentiels

pour apprendre comment le système peut être reconfiguré pour se conformer à la politique de l’USAID.

Traiter l’insécurité des AP comme une urgence et faire un sérieux effort pour la déraciner :

● Assurer une sécurité accrue en créant des patrouilles des communautés locales (chaque CL

patrouille son propre territoire) pour surveiller des activités illégales et les signaler aux services

de l’ordre.

● Essayer différents modèles pour améliorer la sécurité par des essais pilotes, en essayant de voir

les méthodes qui marchent le mieux et dans quels environnements.

À MOYEN TERME

PLAIDOYER ET EFFORTS DE LOBBYING POUR LES PA

Le CARPE doit centrer son attention sur des processus législatifs courants au niveau national en RDC

qui sont pertinents pour les PA, notamment la loi nationale sur les PA et la loi sur la réforme de la forêt

qui sont actuellement sous examen. En appui à cet effort, le CARPE doit travailler avec des ONG

nationales et des ONG internationales qui sont déjà engagées dans des efforts de recherche et de

lobbying.

AIRES PROTEGEES : CREER UN RAPPROCHEMENT ENTRE LA CONSERVATION LOCALE ET INTERNATIONALE

Compte tenu des doléances exprimées par les communautés locales aux sites des AP, la meilleure voie à

suivre pour toutes les AP est pour les parties prenantes pertinentes tels que les donateurs, les

départements étatiques de conservation, les partenaires de mise en œuvre et les communautés locales

(PA et Bantous) de commencer et de continuer le dialogue sur ces questions à chaque AP. Ce processus

doit commencer par une enquête démographique ou socioéconomique complète de toutes les

communautés dans la zone, suivie par une cartographie participative des territoires coutumiers des

communautés dont les terres ont été transférées pour créer l’AP, donnant au CARPE une image précise

de la présence humaine dans/autour de l’AP, de l’identité des ayants-droit locaux, et de la nature précise

du régime foncier local.

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11 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Un processus de « vérité et réconciliation » peut alors être déclenché dans lequel les doléances de

toutes les parties peuvent être exprimées et traitées. Ce processus doit être permanent, non pas

sporadique et doit être mené par des médiateurs compétents et indépendants, et non par des

Partenaires de mise en œuvre ou des agences étatiques de conservation à cause des conflits d’intérêts

apparents. Les objectifs de ce processus doivent viser à traiter des déficits en matière de bien-être

causés par les AP et à trouver un moyen d’y remédier pour que toutes les parties prenantes puissent

aller de l’avant en collaboration mutuelle dans l’effort de conservation.

Le CARPE et ses partenaires peuvent aussi développer des structures « démocratiques » de gestion des

AP, basées sur la participation locale complète en termes de politique et de prise de décision de gestion.

Une possibilité serait la création de « conseils locaux » des ayants-droit coutumiers qui peuvent

travailler avec les personnels du parc pour élaborer des politiques de gestion. Ces conseils doivent

inclure des autorités coutumières et des représentants des différents secteurs sociaux : les hommes

bantous (des gens simples, pas des autorités), les femmes bantoues, les PA hommes et femmes. De plus,

ils doivent participer au comité de gestion des AP et être investis d’une autorité décisionnelle réelle. Si

des structures organisationnelles existent qui permettent aux habitants d’exprimer leurs vues et de

participer aux prises de décision de gestion, une analyse institutionnelle rigoureuse doit être faite pour

déterminer si ces structures sont considérées comme légitimes et fiables par les PACL. Si elles sont

considérées comme légitimes, elles peuvent être utilisées pour faciliter la gestion participative. Dans le

cas contraire, des structures organisationnelles que les habitants considèrent comme légitimes doivent

être mises en place.

À LONG TERME

STIMULER LES PA A LA CONSERVATION

Le CARPE et ses partenaires doivent aborder les dynamiques locales entre Bantous et PA non pas à

travers le prisme de la « discrimination » et de la « victimisation » mais à travers un accent particulier

mis sur l’« esprit d’entreprise » et la capacité d’agir des PA (Moïse 2011). Explorer des moyens par

lesquels le CARPE peut inspirer l’action, la créativité et la participation des PA dans l’effort de

conservation, en leur permettant de mettre à contribution leur riche héritage culturel pour aider à

résoudre les problèmes contemporains de conservation (CARPE 2020).

FORESTERIE COMMUNAUTAIRE

La foresterie communautaire peut être une voie pour réaliser les objectifs de la conservation dans

l’ensemble de la région et pas seulement un point d’entrée pour améliorer la gestion des AP.

Cependant, un appui institutionnel extérieur est nécessaire pour rendre fructueux les efforts de la

foresterie communautaire : soutien technique et de gestion dans divers domaines.

Pour éviter la captation par l’élite et la désautonomisation (déresponsabilisation) des acteurs de statut

inférieur, les principes essentiels de gestion comprennent : (1) maintenir la participation de tous les

secteurs sociaux dans les négociations et retenir le pouvoir décisionnel dans les mains du corps

politique, plutôt que de le laisser être monopolisé par un petit groupe de leaders ; (2) développer une

compréhension interculturelle entre les parties prenantes (donateur, communauté locale et partenaire

de mise en œuvre) ; et (3) concevoir la flexibilité dans les structures et les processus de forêt

communautaire pour s’adapter à la variation locale et aux différentes conditions.

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12 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

En termes de soutien technique, les besoins des PACL varient considérablement, mais certains besoins

communs comprennent :

● une aide en matière de sécurité pour protéger des ressources locales ;

● une surveillance pour une production durable ;

● des améliorations (modestes) des infrastructures ; et

● une aide en matière de marketing pour les produits agricoles et/ou les produits forestiers non

ligneux (PFNL).

AIRES PROTEGEES

Pour aborder le bien-être humain dans les AP que le CARPE soutient, le programme doit créer une

division du « plaidoyer communautaire » pour ses efforts de conservation.2 Cette division aura pour but

de garantir que les PACL vivant dans ou à la périphérie des sites des AP du CARPE ne sont pas

négativement impactés par les efforts de conservation—dans les domaines des moyens de subsistance,

de la santé et de la reproduction socioculturelle—, et que leur participation dans les processus de

gouvernance est suffisamment solide pour qu’ils deviennent des partenaires à part entière dans l’effort

de conservation.3

L’organe principal de cette division du plaidoyer communautaire sera une équipe de terrain qui garde le

contact avec des communautés vivant dans/près des sites appuyés par le CARPE et relève directement

des décideurs dans l’administration du CARPE. Cette équipe sera chargée d’évaluer le bien-être des

communautés locales, de formuler des recommandations d’amélioration, de comprendre les enjeux

interculturels dans les interactions entre les AP et les communautés résidentes, et d’élaborer des

recommandations pour les résoudre. Bien que relevant du CARPE, cette équipe doit être indépendante

des influences des partenaires de mise en œuvre et des autorités de conservation qui administrent les

AP.

Pour les initiatives visant les PACL, il faut rechercher les ONG nationales et locales basées sur une

approche des droits qui ont des contacts directs avec les communautés locales et bâtir des relations de

confiance avec elles en vue de les utiliser comme partenaires de mise en œuvre supplémentaires pour

instaurer des relations de confiance et la communication. Recommander aux partenaires de mise en

œuvre qu’ils renégocient les règles d’accès pour les PACL à leurs territoires coutumiers au sein des AP.4

2 Les personnels du CARPE ne croient pas que la création d’une telle unité peut être réalisable dans le CARPE et

notent le rôle des comités de coordination communautaires (CoCoSi) dans les AP en RDC. Réponse de cet auteur

: « S’il ne semble pas approprié pour CARPE de créer une telle division, cette division peut être créée par une

tierce partie. Cependant, si cette division n’est pas sous le contrôle direct du CARPE, je mets en doute son

efficacité. Quant à l’ICCN, prière de vous référer au commentaire ci-dessus. En fait, dans aucune des deux AP que

j’ai visitées les PACL ou les personnels de projet qui ne sont pas directement employés par le gouvernement

n’avaient pas confiance aux autorités étatiques de conservation. Je crois que c’est un problème généralisé pour les

autorités étatiques de conservation dans le Bassin du Congo, pas seulement pour l’ICCN ». 3 Si le but est de surveiller et de traiter des impacts néfastes, une telle activité peut être considérée comme faisant

partie des garanties sociales et de développement des mécanismes de réparation des doléances. 4 Les personnels du CARPE ont noté qu’il y a des restrictions juridiques sur l’entrée dans les parcs et sur

l’utilisation des ressources. Réponse de cet auteur: « Même si les restrictions semblent empêcher toute utilisation

par les PACL des terres au sein des AP, on devrait consulter des experts juridiques, notamment ceux du secteur

du plaidoyer pour voir s’il n’y a pas de marge de négociation car les lois peuvent faire l’objet d’interprétations

Page 13: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

13 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Les activités sans effets néfastes pour la conservation, qui amélioreraient considérablement les rapports

avec les PACL, comprennent la cueillette des médicaments traditionnels et la visite aux sites sacrés pour

des raisons rituelles. Dans le domaine de subsistance, la plupart des activités de cueillette ont peu

d’effets néfastes pour la conservation, alors que les activités de chasse et de pêche, si elles sont

supervisées adéquatement par des autorités de conservation pour assurer une exploitation durable,

peuvent entraîner une situation gagnant-gagnant : des relations améliorées entre les AP et les PACL sans

effets néfastes pour la conservation. Créer des écoles de connaissance autochtone comme mécanisme

pour sa reproduction, c.-à-d. des écoles pour jeunes habitants locaux enseignés par des anciens

autochtones qui possèdent encore une telle connaissance, comme cela est fait autour de la Réserve de

faune du Dja au Cameroun (Smith 2019), est une opportunité stimulante pour honorer la connaissance

autochtone et la lier à la conservation à travers des générations.

Des approches de gestion doivent être élaborées pour les AP dans lesquelles une situation plus

équitable et multidisciplinaire est créée, situation dans laquelle toutes les formes pertinentes

d’expertise—conservation, droits de l’homme et sciences sociales—, sont mises à profit pour

transformer le régime de gestion courant en celui qui donne :

● une gouvernance démocratique ;

● du respect pour les droits de l’homme ;

● du respect pour les droits coutumiers des populations locales ; et

● du respect pour toutes les autres formes de ressources naturelles du paysage forestier.

Bref, un régime de gestion qui sera en pleine conformité avec le projet de loi de finances 2020 du

Congrès des États-Unis d’Amérique aura une bonne chance de protéger l’environnement ; et produira

l’adhésion locale pour faire des PACL des partenaires solides dans l’effort de conservation. Prière de

voir à la page 15 ci-dessous le langage spécifique de ce projet de loi.

I. INTRODUCTION

L’idée selon laquelle les PA font des partenaires efficaces dans la conservation et que leurs droits à la

terre et aux moyens d’existence sont reconnus dans le discours mondial de la conservation depuis le

Congrès mondial des Parcs de l’IUCN tenu à Durban, en Afrique du Sud, en 2003, au cours duquel les

objectifs suivants ont été adoptés, avec la date de réalisation prévue pour 2014.

Objectif 8

Toutes les aires protégées existantes et futures sont établies et gérées en pleine conformité

avec les droits des Peuples Autochtones, y compris les Peuples Indigènes mobiles et les

communautés locales à la date du prochain Congrès mondial des Parcs de l’IUCN.

Objectif 10

Des mécanismes participatifs pour la restitution des terres et territoires traditionnels des

Peuples Autochtones qui étaient incorporés dans les aires protégées sans leur consentement

variées. De plus la situation peut se présenter différemment si les restrictions courantes ont été créées par la

législation ou par des décrets ou des arrêtés ministériels (ces derniers étant plus faciles à revoir) ».

Page 14: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

14 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

libre et informé sont établis et mis en œuvre à la date du prochain Congrès mondial des Parcs

de l’IUCN.

En 2007, cette notion a bénéficié du soutien supplémentaire de l’adoption par l’Assemblée Générale de

la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (UNDRIP) par une grande

majorité des pays membres. Cette déclaration contient des principes similaires sur les moyens

d’existence des Peuples Autochtones et leurs droits :

Article 10

Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou territoires. Aucune

réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable—donné librement et en

connaissance de cause—des peuples concernés et un accord sur une indemnisation juste et

équitable et, lorsque cela est possible, la faculté de retour.

Article 26

1. Les peuples autochtones ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et

occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis.

3. Les États accordent reconnaissance et protection juridiques à ces terres, territoires et

ressources. Cette reconnaissance se fait en respectant dûment les coutumes, traditions et

régimes fonciers des peuples autochtones concernés.

En plus de ces cadres juridiques internationaux, il y a une littérature de plus en plus abondante sur

l’efficacité de la pratique autochtone de conservation qui, dans plusieurs cas, s’est avérée plus efficace

que celle menée par les AP sous le contrôle de l’État (Barrow et al. 2016, CARPE/IPE 2019, Pyhälä et al.

2016, Tauli-Corpus et al. 2020). Cependant, malgré cette reconnaissance du rôle essentiel que les PA

peuvent jouer dans la conservation, le progrès sur le terrain est lent et ce principe a encore du chemin à

faire avant d’entrer dans la sagesse populaire de la pratique mondiale de la conservation.

Au sein du Programme Régional de l’Afrique Centrale pour l’Environnement (CARPE), il y a eu une

reconnaissante croissante de la valeur des PA dans la conservation, mais le besoin d’en faire des

partenaires dans des initiatives du CARPE, à cause de leur statut de peuples marginalisés, tournés vers la

forêt, dépend des forêts saines pour leur survie et leur bien-être (CARPE/IPE 2019, Integra

Environmental Services 2017, Russell and Vabi 2013). Cette reconnaissance a pris la forme d’un effort

collaboratif entre le CARPE et l’unité Démocratie, Droits et Gouvernance (DRG) de l’USAID sous

forme de l’initiative de participation des Peuples Indigènes (CARPE IPE), qui « vise à renforcer la

collaboration avec et le leadership des Peuples Autochtones dans les domaines stratégiques essentiels du

CARPE, notamment une meilleure gestion des aires protégées, une atténuation de la menace du

commerce de viande de brousse et une réduction de la déforestation » (CARPE/IPE 2019). L’initiative

CARPE/IPE vise à trouver des réponses aux résultats de l’évaluation CARPE III selon lesquels « le

CARPE a été incapable d’intégrer efficacement les peuples autochtones dans ses portefeuilles de

conservation de la biodiversité et de l’atténuation du changement climatique. Le CARPE a besoin de

stratégies claires informées par les sciences humaines et menées par des spécialistes du domaine pour

qu’il y ait une possibilité d’impact significatif. Un programme unifié englobant tous les Paysages du

CARPE avec un personnel dévoué, formé et compétent pour aborder les questions très délicates des

relations avec des minorités ethniques (spécifiquement, les « pygmées » (baMbuti, baTwa) peut donner

de meilleurs résultats » (Integra Environmental Services 2017 : 11).

Page 15: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

15 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Compte tenu de la capacité peu développée dans ce domaine, certaines questions se posent :

● Comment le CARPE peut-il fructueusement atteindre ses objectifs concernant les PA ?

● Qu’a-t-il besoin de connaître et de mettre en place institutionnellement, pour être capable de le

faire ?

Plus récemment, après le lancement de l’initiative CARPE/IPE, un développement parallèle a vu le jour

sur la scène mondiale de la conservation. La couverture médiatique dans les médias populaires a exposé

un autre élément du « côté social » de la conservation : les violations des droits de l’homme perpétrées

contre les communautés locales par le personnel des AP sous le contrôle de l’État à divers endroits dans

le monde, y compris aux sites soutenus par le CARPE dans le Bassin du Congo (Buzzfeed 2019). Du fait

de ces révélations, qui ont corroboré des révélations antérieures à cet effet (Pyhälä et al. 2016, Survival

International 2014), le Congrès des États-Unis a lancé ses propres enquêtes et inséré des exigences

rigoureuses pour le financement des AP dans son nouveau projet de loi de finances:

Parcs nationaux et Aires Protégées. Au lieu de l’exigence sous cette rubrique dans le rapport

du Sénat, les fonds disponibilisés pour les parcs nationaux et les aires protégées ne devraient

être disponibles que si des accords pour l’engagement des fonds entre les partenaires de mise

en œuvre et le Département d’État et l’USAID comprennent des dispositions exigeant que : (1)

des informations détaillant le projet proposé et les impacts potentiels soient partagés avec les

communautés locales et le consentement libre, préalable et informé des communautés

autochtones affectées soit obtenu en conformité avec les normes internationales ; (2) les

impacts potentiels du projet proposé sur les réclamations sur la terre ou les ressources

existantes par les communautés locales ou les Peuples Autochtones affectés soient pris en

considération et traités dans tout plan de gestion ; (3) tous les éco-gardes, gardes forestiers et

autres agents de l’ordre autorisés à protéger la biodiversité soient adéquatement entraînés et

surveillés ; et (4) des mécanismes efficaces de réclamation et de recours pour les victimes des

violations des droits de l’homme et d’autres manquements existent.

Étant donné la convergence de ces facteurs internes et externes, la question de savoir comment le

CARPE peut collaborer avec les PA plus directement pour réaliser les objectifs de la conservation est

devenue opportune et cette étude vise à présenter l’enquête et l’analyse dans un effort pour y répondre.

En particulier, l’enquête cherche à traiter des questions suivantes :

PARTICIPATION

● Quelles sont les conditions qui doivent être en place avant une participation efficace ?

● Que doit savoir CARPE sur les PA (leurs institutions et leur milieu local) pour garantir une

participation efficace ?

● Quelles sont les méthodes adéquates de consultation des PA et des autres habitants locaux ?

CONSENTEMENT

● Vu que, dans le Bassin du Congo, les processus efficaces pour obtenir le consentement libre,

préalable et informé (FPIC/CPLI) voient à peine le jour dans les secteurs du développement et

de la conservation, comment peut-on s’y prendre pour le réaliser ?

● Que signifie en fait le consentement ? A-t-il des dimensions culturelles ? Signifie-t-il différentes

choses pour différentes personnes (aux niveaux mondial, national et local) ?

● Quels besoins des PA doivent être traités pour garantir leur bien-être ?

Page 16: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

16 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

● Quels sont les obstacles actuels pour répondre à ces besoins ?

● Comment le CARPE doit-il surveiller le bien-être local ? Et quelles sont les infrastructures de

gestion, de communication et de collecte d’informations qui doivent être mises en place pour le

faire ?

● Les initiatives actuelles du CARPE aident-elles, nuisent-elles ou restent-elles neutres par rapport

au bien-être local ?

DOLEANCES

● Quels mécanismes de doléance et/ou de surveillance doivent être en place pour aborder les

manquements des AP vis-à-vis des PA et des autres populations ?

CONSERVATION AUTOCHTONE

● Quels sont les objectifs des PA pour la conservation et quelles sont leurs motivations pour ce

faire ?

● Quelles aptitudes particulières ont-ils qui peuvent être appliquées à l’effort de conservation ?

Cette évaluation vise à poser ce genre de questions et à y donner des (tentatives de) réponses sur la

base de l’enquête sur le terrain au niveau local, en vue de jeter les bases nécessaires pour développer

une collaboration efficace entre les PA et des initiatives du CARPE. Toutefois, avant de traiter de ces

questions, il est important d’examiner les questions relevant de la création des partenariats entre le

CARPE et les populations autochtones concernant ses interventions.

L’enquête commence avec des questions autour du concept de « participation » et, après une

description de la méthodologie utilisée, consacre une section au contexte qui traite des questions

thématiques essentielles dans la compréhension du comportement des différentes parties prenantes du

secteur de la conservation : groupes internationaux de conservation, PA et communautés locales

(bantoues), agents de l’État et acteurs économiques externes. Les données collectées au cours du travail

de terrain sont alors présentées et analysées, suivies d’un ensemble de recommandations sur les étapes

à suivre pour réaliser l’adhésion des PA aux initiatives du CARPE et de faire d’eux des partenaires

efficaces dans ses efforts de conservation.

QUESTIONS RELATIVES A LA PARTICIPATION

LES CONDITIONS DE PARTICIPATION

Pour aborder la question de savoir comment on peut améliorer la participation des PA dans les

initiatives du CARPE, le consultant a commencé avec la question suivante : quelles sont les conditions de

cette participation ? Le premier pilier de participation efficace est une communication directe et

continue entre les décideurs et ceux qui vivent les conséquences de leurs décisions. Une boucle de

rétroaction entre les sites de projets et les décideurs doit être créée pour que les décideurs

comprennent les effets de leurs politiques et actions au niveau local et soient à même de faire des

ajustements pour que les résultats restent conformes aux buts et objectifs des projets.

La nouvelle politique de l’USAID en matière de promotion des droits des Peuples Autochtones (PRO-IP)

est étayée par une approche fondée sur les droits de l’homme et le principe du Do No Harm (Ne Pas

Page 17: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

17 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Nuire). Cependant, aux yeux des Peuples Autochtones et des Communautés Locales (PACL) avec qui

le consultant a échangé, des approches utilisées dans les AP que le CARPE soutient ont une capacité de

nuisance considérable sur eux, comme en témoignent des moyens d’existence compromis, des défis à la

reproduction sociale et culturelle résultant de la perte d’accès aux terres coutumières, des punitions

excessives contre l’exercice d’activités traditionnelles et d’autres manifestations de ce qu’on a appelé la

mentalité de la « conservation forteresse ».

● Ces formes de nuisance comprennent notamment des territoires de subsistance qui sont réduits

de manière significative ou éliminés, des animaux des AP (particulièrement les éléphants)

détruisant les champs locaux, l’incapacité de visiter les sites sacrés pour des cérémonies

traditionnelles, la violence physique contre les PACL qui cherchent à cueillir des médicaments

traditionnels et d’autres nuisances aux moyens de subsistance et au bien-être des PA.

Dans ces circonstances, il est difficile de demander aux populations locales de participer aux activités

spécifiques qui offrent le potentiel d’améliorations modestes dans leurs vies lorsqu’on leur nuit

sérieusement et simultanément par l’approche générale.5 Par exemple, si l’administration d’une AP offre

aux populations locales un projet de développement pour générer du revenu, mais elles sont battues,

emprisonnées ou même tuées pour la collecte des plantes médicinales sur leurs terres ancestrales, alors

l’AP est perçue comme étant malhonnête, hypocrite et indigne de la confiance des populations locales.

● À titre d’exemple, un garçon batwa a été tué pour la collecte des plantes médicinales sur ses

terres ancestrales au sein du Parc National de Kahuzi-Biega (Forest Peoples Programme 2017),

mais ces incidents sont nombreux (voir Buzzfeed 2019, Survival International 2014).

Et sans une relation de confiance, la participation restera à jamais limitée puisqu’elle n’aura pas

d’adhésion locale. La confiance est donc le deuxième pilier d’une participation efficace.

Ainsi, la communication continue et une relation de confiance entre l’administration de l’AP et les PACL

constituent deux conditions essentielles pour toute forme de participation efficace. Cependant, pour

une forme robuste de participation—celle qui place les donateurs (et les autorités des AP) en pleine

conformité avec les nouveaux projets de loi de finances—, plusieurs autres conditions sont également

considérées comme nécessaires pour une participation totale :

● La création des mécanismes institutionnels pour faciliter une participation totale des PACL dans

la prise décision pour la création d’une politique et d’une pratique de la gestion des AP

● Reconnaissance des droits fonciers et des droits coutumiers des populations locales sur les

espaces couverts par les AP

● Montrer une préoccupation sincère pour le bien-être local

● Adhérence stricte au principe du DO NO HARM (Ne pas nuire)

5 Il ne fait aucun doute que les forêts et la faune sauvage du Bassin du Congo sont sous une menace considérable.

L’incursion dans les AP pour exploitation est répandue. L’exploitation génère et finance des conflits ainsi que la

perte de la biodiversité. S’ils sont efficacement impliqués, les PACL peuvent donner des connaissances essentielles,

des renseignements et des actions pour consolider les AP qui se sont avérées d’une grande vulnérabilité aux

exploitants bien armés et bien connectés. Mais si seulement ils ont un intérêt dans les résultats.

Page 18: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

18 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Par conséquent, trois domaines abordés dans le nouveau projet de loi de finances du Congrès des États-

Unis ont donné les critères que le consultant a utilisés pour évaluer le potentiel des initiatives du CARPE

à produire une forme robuste de participation des PA :

1) Gouvernance démocratique: Comme mentionnée dans le préalable no. 1 (Le Consentement

Préalable, libre et Informé doit être une condition préalable pour toute initiative ou action au

sein d’une AP)

2) Un respect pour les droits fonciers des ayant-droits coutumiers sur les espaces couverts par l’AP:

Comme mentionné dans le préalable no.2 (les doléances foncières et pour les ressources des

PACL étant prises en considération et abordées dans tout plan de gestion d’une AP)

3) Un respect pour les moyens d’existence et le bien-être locaux: Comme mentionné dans les

préalables no. 2 et no. 4 (les doléances foncières et pour les ressources des PACL étant prises

en considération et abordées dans les plans de gestion des AP; les mécanismes de doléances et

de réparation doivent être en place pour les victimes des violations des droits de l’homme et

d’autres manquements)

Prière de noter que les orientations spécifiques pour améliorer l’engagement du CARPE et de ses

partenaires avec les PA sont contenues dans le Guide du CARPE Pour faire participer les Peuples

Autochtones et les Communautés Locales (CARPE 2020).

NIVEAUX DE PARTICIPATION

Au premier abord, la question de participation des PA dans les initiatives du CARPE peut être envisagée

en termes de questions pragmatiques comme celle-ci : « Combien de membres des PACL sont utilisés

comme éco-gardes dans une AP ? » Cependant, une telle implication est une forme faible de

participation, du fait que l’hypothèse sous-jacente est la suivante : comment les incorporer dans nos

plans, plutôt que comprendre et aborder leurs buts.

Une forme plus robuste de participation des PA dans la conservation est celle qui : (1) réalise

effectivement l’adhésion (reflétant un respect sincère et un soutien pour les buts de l’initiative) et (2) se

conforme aux directives pour le financement des AP ébauchées dans le nouveau projet de loi de

finances. Comme mentionné ci-dessus, cette forme plus robuste de participation fut le critère par

lequel la participation courante des PA dans les initiatives du CARPE était mesurée et dont les

recommandations contenues dans ce rapport ont été adoptées. Notons toutefois que comme la

Wildlife Conservation Society (WCS) met en œuvre un régime de cogestion dans deux AP visitées pour

cette évaluation, on s’attend à ce que leur capacité à recruter des PACL et, autrement, à s’engager se

tourne vers plus de contrôle, changeant ainsi la dynamique et introduisant plus d’opportunités pour le

CARPE et la WCS de mettre en œuvre les recommandations du Guide du CARPE sur les Peuples

Indigène (CARPE 2020).

De toute évidence, la sélection d’éléments dans un menu d’options pour la participation des Peuples

Autochtones appartient au CARPE et à ses partenaires. Pourtant, puisque le projet de loi de finances a

déjà placé la barre haut en termes de relations PA-populations, le consultant a pensé qu’il était indiqué

de placer la barre haut dans un territoire comparable.

Page 19: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

19 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

BANTOUS ET « PYGMEES » DANS LE BASSIN DU CONGO : QUI EST « AUTOCHTONE » (ET QUI NE L’EST

PAS) ?

Au cours des siècles, la relation Bantous-Pygmées dans les sociétés de la forêt du Bassin du Congo a été

fondée sur des formes de hiérarchie sociale correspondant à leurs niveaux relatifs du pouvoir

économique, politique, militaire et démographique ; pourtant il y a eu aussi un degré élevé d’interaction

et de complémentarité entre les deux groupes, ce qui est semblable à une société divisée en « moitiés »

(Moïse 2014).

Système de Moitié : aussi appelé organisation dualiste, une forme d’organisation sociale

caractérisée par la division de la société en deux parties complémentaires appelées « moitiés ».

Le plus souvent, les moitiés sont des groupes qui sont exogames, ou qui se marient à l’extérieur

du groupe, et ont des rôles complémentaires dans la société. Par exemple, les membres des

moitiés des Corbeaux et des Loups dans la culture Tlingit ont traditionnellement effectué

certaines tâches, comme préparer les funérailles, pour les uns et les autres. –Encyclopedia

Britannica

La description suivante des relations précoloniales Bantous-Pygmées donne une compréhension des

interconnexions profondes de ces relations :

Les Bantous et les PA avaient clairement différents statuts dans la société régionale précoloniale. Mais

l’inégalité des PA était limitée dans des contextes spécifiques et il y avait un certain nombre de domaines

dans lesquels le partage et la collaboration entre les deux groupes avaient lieu :

● Les groupes bantous offraient aux groupes autochtones le fer, des produits agricoles et des

marchandises tandis que les autochtones offraient viande, miel, ivoire et d’autres produits

forestiers

● Les groupes bantous et les groupes autochtones partageaient les droits aux territoires forestiers

● Les Bantous offraient la protection militaire tandis que les groupes autochtones assuraient la

reconnaissance dans la forêt et combattaient aux côtés de leurs alliés lors des confrontations

armées

● Les groupes autochtones donnaient aux Bantous accès au monde invisible par des services

rituels pendant que leur musique et leur danse animaient les rencontres sociales des Bantous.

De cette façon, les vies des Bantous et de leurs alliés autochtones étaient interdépendantes en plusieurs

dimensions et la relation était celle d’un soutien mutuel (Moïse 2019).

Page 20: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

20 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Un patron Bangando, au centre, et ses clients Baka, Cameroun vers 1908 (Friedrich 1913)

De profonds changements ont certes eu lieu dans les sociétés du Bassin du Congo, pourtant des

relations traditionnelles Bantous-Pygmées ont retenu plusieurs de leurs caractéristiques de base, qui

perdurent encore aujourd’hui dans les sites visités par le consultant.

La nature interdépendante de ces deux groupes présente des défis pratiques pour des interventions

extérieures visant un partenariat avec les Pygmées dans le contexte local. Par exemple, quand les

bénéfices sont seulement donnés à la population pygmée, les Bantous deviennent souvent « jaloux » et

dénoncent leur exclusion. Pourtant, quand les biens matériels sont donnés aux deux groupes, les

Bantous dominent souvent la distribution, prenant davantage pour eux-mêmes et les Pygmées recevant

moins. Dans le même temps, les Bantous possèdent des aptitudes et des rôles sociaux—alphabétisation,

production agricole et des positions d’autorité politique—, qui peuvent être essentiels au succès des

interventions extérieures. Bien que difficiles, ces questions peuvent être abordées par une approche qui

combine une collaboration conjointe (PA-Bantous) dans certains domaines (notamment la protection de

la forêt), avec des interventions séparées adaptées à chaque secteur dans d’autres domaines, et cette

approche est élaborée dans des sections ultérieures. Cependant, une complication supplémentaire créée

par ce champ social complexe surgit quand on essaie de lui appliquer la catégorie « autochtone ».

Les Pygmées sont habituellement représentés dans la tradition orale bantoue comme les premiers

habitants de la forêt. Mais les sociétés bantoues vivent dans la région depuis au moins 1500 AEC et

vraisemblablement bien avant (Moïse 2014, Vansina 1990). Dans le sens de « qui est venu avant », les

groupes pygmées sont alors généralement considérés comme « autochtones » par rapport aux Bantous.

Cependant, dans le contexte des droits de l’homme, le terme « autochtone » est défini non pas sur la

base de « qui est venu avant », mais plutôt en vertu de l’appartenance à un groupe culturel qui vit

Page 21: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

21 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

l’expérience de la marginalisation sociale et continue d’embrasser une tradition culturelle qui le place

hors de la culture dominante (Barume 2014). Les groupes soi-disant « pygmées » remplissent

certainement tous ces critères et, dans les contextes locaux, on peut même dire que les Pygmées

doivent être considérés comme « autochtones » selon cette définition, parce qu’ils ont un accès limité

aux divers biens, services et prérogatives, tout en adhérant généralement à une culture hors de la

société dominante.

Dans le même temps, dans le contexte des interventions extérieures dans les secteurs du

développement et de la conservation, les populations locales bantoues peuvent aussi être considérées

comme « autochtones » à cause de la profonde marginalisation dont elles font l’expérience par rapport

aux acteurs extérieurs et de leur désir de maintenir une culture traditionnelle hors de celle des forces

dominantes imposées dans la localité. Ainsi donc, dans le contexte des AP, cette enquête traite les

populations locales bantoues comme « autochtones » comme les Pygmées. De plus, suivant l’usage

conventionnel, les termes usités pour ces groupes sont : « Peuples Autochtones » (PA) pour les

Pygmées et « Communautés Locales » (LC) pour les communautés bantoues, tandis que, pris ensemble,

ils seront désignés par le terme « Peuples Autochtones et communautés locales » (PACL).

II. CONTEXTE ET METHODOLOGIE

Les AP sont des champs sociaux complexes impliquant un ensemble divers d’acteurs dont la logique

sous-jacente à leur comportement n’est pas toujours apparente. Ainsi, avant de présenter les

conclusions de l’enquête de terrain aux sites des AP, l’information contextuelle essentielle ci-dessous

offre un ensemble d’outils analytiques pour interpréter le comportement des diverses parties prenantes

et expliquer pourquoi leurs interactions se déroulent comme elles le font.

CONSERVATION COMMUNAUTAIRE ET CONSERVATION CENTRALISEE

CONSERVATION COMMUNAUTAIRE DANS LE BASSIN DU CONGO

Des indices archéologiques montrent que le Bassin du Congo a soutenu l’établissement humain pendant

au moins 40.000 ans (Clark 1970, Cornelissen 2002). Au cours de cette période, ses forêts furent

gérées selon les systèmes de gestion coutumiers locaux et cela a été fait d’une manière durable, comme

l’attestent la flore et la faune abondante trouvées par les explorateurs européens à leur arrivée dans la

région à la fin du dix-neuvième siècle (Parke 1891, Stanley 1885).

Au cours de l’histoire, des systèmes différents de gestion foncière ont vu le jour dans différentes parties

de la région. À certains endroits, les droits d’accès à la forêt environnante étaient ouverts ou flexibles,

mais, dans certaines régions, la densité démographique et d’autres facteurs ont entraîné l’émergence des

systèmes formels clairement définis de régime foncier. Comme l’expert français en foresterie Alain

Karsenty et ses collègues le signalent : « [d]ans certains cas, les lignées ont une forte autorité sur le

territoire forestier qu’elles revendiquent, l’accès est bien codifié et les limites sont précisément

connues » (Karsenty et al. 2010: 2). Hewlett trouve que dans le Sud-Ouest de la RCA « [c]haque

villageois ou cueilleur connaît les limites des différents territoires patrilinéaires… [qui] se distinguent par

de petits cours d’eau et/ou des arbres particulièrement grands/ou une espèce particulière d’arbre »

(1996b : 3-4).

Dans le même temps, des systèmes locaux de régime foncier peuvent montrer une variété en termes

d’unités sociales possédant des droits sur des territoires coutumiers : un seul village peut exercer des

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22 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

droits sur un territoire particulier de la forêt, ou un territoire de la forêt bien plus vaste peut être

partagé par plusieurs villages au sein d’une région. Pourtant, malgré cette variation, il y a des principes

sous-tendant des systèmes coutumiers de gestion qui se retrouvent dans tout le Bassin du Congo :

● L’accès à un territoire particulier est limité aux membres de la communauté locale, leurs parents

et ceux à qui ils ont accordé leur permission.

● Même si certains sites, tels que parcelles de jardin, trous de pêche ou arbres à chenilles,

appartiennent sur le territoire d’une communauté aux personnes et aux familles, le territoire

dans son ensemble « appartient » à une communauté particulière, et est transmis aux

descendants de cette communauté pour soutenir leurs moyens de subsistance. De cette façon,

la communauté a le droit d’agir en tant comme « administrateur fiduciaire » du patrimoine

collectif transmis à travers des générations.

● Les territoires forestiers d’un village ou d’un groupe de villages particuliers sont souvent divisés

en plus petits territoires appartenant à chacun des grands clans comprenant le(s) village(s).

Chaque clan gère son propre territoire et a généralement un représentant tel que le chef de

clan ou le chef de terre qui est chargé des tâches quotidiennes de gestion.

● La « propriété » réelle des territoires forestiers se trouve dans le domaine mystique, et les

esprits sont censés agir en tant que « gardiens » de la terre, maintenant sa fertilité et y donnant

accès aux vivants ; ce rôle peut être joué par des entités diverses tels que les esprits des

ancêtres, les esprits locaux des terres ou l’être spirituel qui créa la forêt.

● Les droits à la terre sont transmis par la naissance (chaque personne jouit de l’accès aux

territoires de sa mère et de son père), par le mariage (chaque personne obtient l’accès aux

territoires de la mère et du père de son époux/épouse) ou par le fait d’être passé comme un

« cadeau » aux amis ou partenaires dans une relation d’alliance.

● La connaissance du territoire—ses frontières, ressources et histoire—, est transmise aux jeunes

par leurs anciens au cours des activités journalières de subsistance entreprises en son sein.

Le Bassin du Congo soit représenté comme une vaste étendue verte sur la plupart des cartes. Mais ces

conventions cartographiques cachent une réalité humaine fondamentale : la région comprend un

immense réseau de communs collectivement détenus, des espaces dont les communautés dépendent

pour leur subsistance, qui sont gérés selon des pratiques coutumières longtemps établies, et des droits

qui sont transmis de génération en génération.

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23 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Carte 1: Territoires coutumiers locaux près de Lukolela sur le Fleuve Congo.

(Source: Rainforest Foundation UK/Mapping for Rights)

CONSERVATION CENTRALISEE

Dans la tradition occidentale, le transfert des terres communes dans le but de la « protection » a ses

origines dans l’institution des « forêts royales » que les rois francs ont imposé sur les terres qu’ils

avaient conquises, du moins à partir de Charlemagne (Griffin 2007). En l’occurrence, le but de la

protection était de créer des réserves de chasse pour la royauté et la noblesse qui pouvaient durer à

perpétuité. En plus, comme les aptitudes utilisées dans la chasse étaient les mêmes que celles utilisées

dans la guerre, les forêts royales servaient de terrains d’entraînement pour l’élite guerrière. Quand les

Normands ont envahi la Grande-Bretagne en 1066, ils ont amené avec eux cette institution et l’ont

appliqué au paysage sous la forme à la fois de « forêts royales » et de « parcs de cervidés », les réserves

royales de chasse taillées dans les terres communes. Le transfert des terres pour les besoins des rois

produisait invariablement des conflits avec les roturiers, mais le camp royal gagnait toujours à cause de

sa puissance supérieure (Harrison 1993).

Les traditions occidentales de conservation centralisée ont été transmises aux États-Unis au dix-

neuvième siècle avec l’émergence de l’institution « parc national », qui impliquait aussi le transfert des

terres communes et l’expulsion des habitants autochtones (Jacoby 2014). Ces espaces offraient aux

masses d’une société récemment industrialisée des opportunités de réaliser un renouveau physique,

moral et spirituel comme antidote des exigences de la vie urbaine (Worster 1993). De cette façon,

comme les traditions de la conservation centralisée étaient transmises aux États-Unis, leurs objectifs

sont devenus plus « démocratiques », du fait que les AP ne servaient plus les intérêts exclusifs des élites

mais offraient des bénéfices au plus grand public. Comme de plus en plus d’Américains ont émigré vers

les zones urbaines et ont cessé de vivre de la terre, cette vue des sites dans le paysage comme « musées

de la nature »—à en jouir aux moments de loisir, mais non à fournir la subsistance aux communautés

humaines—, semblait de plus en plus sensée pour l’Amérique en plein essor urbain.

Page 24: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

24 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Le transfert de ces traditions de la conservation au Bassin du Congo a commencé au cours de l’ère

coloniale mais a considérablement augmenté au cours des récentes décennies avec l’arrivée des

institutions internationales de conservation cherchant à protéger la biodiversité des paysages forestiers.

Dans ce contexte, le transfert des terres communes pour la création des AP a été facilitée par les

cadres juridiques postcoloniaux dans la région, qui ont considéré toutes les terres non cultivées comme

faisant partie du domaine de l’État, ainsi que le système « concessionnaire », par lequel des portions

importantes de terres sont consolidées en concessions, qui sont alors louées aux acteurs extérieurs par

le gouvernement central pour l’exploitation commerciale ou la conservation (Coquery-Vidrovitch 1972,

Gray 2002, Hardin 2011). La création des AP dans le Bassin du Congo a produit des conflits fonciers,

pourtant les États ont toujours gagné. En plus de la protection des espèces importantes et de leurs

habitats, les parcs nationaux offrent des fonctions de loisir au tourisme national et international. Par

ailleurs, dans certains pays du Bassin du Congo (par ex. la RCA et le Cameroun), les AP ont combiné les

structures institutionnelles à la fois du « parc national » et de la « forêt royale » en ce que de vastes

étendues du territoire, appelées zones de « safari-chasse », ont été mises de côté comme réserves de

chasse pour les riches, et desquelles l’utilisation locale des terres est exclue.

Bien que la conservation communautaire et la conservation centralisée embrassent le même but de

« protection », leurs caractéristiques institutionnelles diffèrent de manière importante, en termes

d’échelle, de but et de structures de gestion (Table 1 et Cartes 1and 2).

Caractéristique Conservation communautaire Conservation centralisée

Échelle Petit territoire pour la communauté

locale

Vaste concession

Prise de

décision

Locale et « démocratique » ; boucle de

rétroaction entre la fertilité de la terre,

les décideurs et les usagers

Autorités centrales dans les capitales

Buts Reproduction de la communauté locale

dans le temps Zone de Chasse pour les élites, protection des espèces animales et des habitats, activités de loisirs pour le plus grand nombre de citoyens

Tableau 1 : Caractéristiques institutionnelles de la conservation communautaire et de la

conservation centralisée

Page 25: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

25 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Carte 2 : Les Aires Protégées du Bassin du Congo (libre accès, GRID Arendal)

Dans la perspective locale, la création des AP sur les terres coutumières a trois conséquences

importantes, qui ont une conséquence directe sur les terres, les moyens de subsistance et le bien-être

des habitants :

1) La prise de décision sur la gestion foncière est retirée des mains locales et confiée aux mains

des autorités centrales dans des capitales lointaines.

2) L’accès à la terre pour les usages de subsistance, médical et spirituel est réduit ou disparaît

entièrement, puisque la terre est vouée à la protection.

3) La boucle de rétroaction directe entre la fertilité de la terre et les décideurs locaux est brisée

et remplacée par une loupe de rétroaction de longue distance et administrative connectant les

autorités locales, régionales, nationales et internationales.

Dans la perspective des donateurs et de ceux impliqués dans la gestion, les AP présentent un éventail de

défis :

1) Comment établir un équilibre entre les droits locaux et les objectifs plus larges de la

protection.

2) Comment gérer la pression sur la terre et ses ressources par des forces économiques

externes.

3) Comment maintenir une boucle de rétroaction entre la santé de la terre (biodiversité) et des

décideurs distants, pendant que la communication passe à travers une chaîne de canaux

administratifs dans lesquels l’information peut être « perdue » lorsqu’elle passe des subordonnés

aux supérieurs et des autorités déléguées aux autorités centrales. Il s’ajoute à ce défi la nécessité

Page 26: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

26 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

de générer des récits pour les donateurs et l’État sur des « menaces » et des « succès » dans

l’atténuation de ces menaces. Ces récits tendent à se centrer sur des problèmes immédiats

plutôt que sur des injustices et des structures anciennes qui privent la principale partie prenante

de ses ressources naturelles de base.

LE ROLE DE LA CULTURE DANS LES PARTENARIATS INTERNATIONAUX-LOCAUX POUR LA CONSERVATION

Le projet de loi de finances 2020 élève la barre plus haut en termes de préconditions pour financer les

AP, notamment dans son exigence qu’elles ne reçoivent du financement que si elles obtiennent le

consentement préalable, libre et informé (FPIC/CPLI) des communautés autochtones affectées.

Cependant, étant donné que, dans l’histoire de la création des AP dans le Bassin du Congo, le FPIC/CPLI

existait essentiellement en tant qu’idéal administratif, mais était rarement (voire jamais) réalisé en

pratique, cette exigence présente des défis considérables. Dans le même temps, puisque le FPIC/CPLI

est resté insaisissable dans la pratique quotidienne de la conservation, la question se pose de savoir à

quoi cela ressemblerait. Que signifie le FPIC/CPLI même ? Sa signification va-t-elle de soi ? Est-ce

quelque chose que tous, y compris ceux provenant de divers horizons culturels, peuvent reconnaître

immédiatement s’ils le voyaient ? Ou fait-il l’objet de diverses interprétations par différentes parties

prenantes ?

Dans une enquête sur le consentement dans une concession forestière dans le Nord de la RC, Lewis

note que le consentement a deux significations très différentes pour les Occidentaux et ceux travaillant

pour les sociétés occidentales et pour les communautés forestières congolaises utilisant les institutions

coutumières comme point de référence (2008). Pour les Occidentaux, le consentement est

généralement interprété comme un accord entre deux parties à un moment donné, fixé par un

document écrit. Pour les paysans congolais, il est généralement défini comme la création d’une relation

continue de communication et de négociation entre deux parties, sur la base de la confiance mutuelle et

du partage d’information (Lewis 2008). Les conséquences de cette différence pour les transactions entre

les partenaires internationaux et locaux sont traitées plus loin dans cette section. Mais la grande

différence entre ces notions de consentement soulève une question essentielle : la culture compte dans ce

genre d’échanges interculturels.

EXPLORATION DES SIGNIFICATIONS CULTURELLES

L’exploration des signification culturelles est fondamentale à la discipline de l’anthropologie. Deux

principes se dégagent des travaux anthropologiques sur la culture. En premier lieu, une méthodologie de

base pour entreprendre une enquête de terrain avec des sujets humains est de les écouter, plutôt que de

leur parler avec condescendance, ou de leur présenter des questionnaires préarrangés (la pratique

courante dans la plupart des recherches en sciences sociales menées dans le Bassin du Congo). En

deuxième lieu, dans le cadre de cette approche, l’enquêteur doit faire très attention à la façon dont les

gens « conçoivent » les phénomènes dans leur discours et actions quotidiens (Lakoff and Johnson 1980),

car cette approche révèle mieux le monde conceptuel duquel toute personne ou toute collectivité

donnée opère. Par exemple, dans les conversations avec les répondants aux sites des AP, ainsi qu’avec

les personnels de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), l’AP est désignée

comme « les Blancs » ou « l’État ». En termes clairs, ils n’ont pas dit « notre parc (ou notre réserve) »,

comme les membres d’une communauté forestière au sein d’une forêt communautaire peuvent s’y

référer. Le parc est plutôt identifié comme quelque chose appartenant aux étrangers, et de puissants

étrangers.

Page 27: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

27 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

LA CULTURE COMPTE : LA SIGNIFICATION DE LA TERRE

Pour en venir aux détails pratiques de la conservation, une question à prendre en considération dans

l’élaboration des partenariats internationaux/locaux est de savoir comment chaque partie conçoit la

terre. Dans la conservation internationale, la terre est souvent décrite comme faisant partie d’une

« nature » universelle, un trésor (sacré) de la « biodiversité », qui est le produit de milliards d’années

d’histoire évolutionnaire (Kiik 2018). Toutefois, pour les PA et d’autres communautés forestières, le

paysage forestier congolais est à la fois une « demeure » ancestrale et un dépositaire d’un vaste champ

de forces et de pouvoirs mystiques.

La deuxième signification de la forêt est illustrée par un commentaire fait par un Chef de Groupement

dans la Réserve de faune à okapis lorsqu’il parle de l’importance des sites sacrés pour la pratique

culturelle traditionnelle. Il a noté que le site sacré est le dépositaire du pouvoir coutumier, qui pourrait

être mis à profit pour « activer » n’importe quelle activité humaine, du règlement des différends à

l’initiation des jeunes à la divination en passant par la cérémonie funéraire. La métaphore qu’il a utilisée

pour décrire le phénomène est le « robinet ». On arrivait au site et, en menant les procédures rituelles

appropriées, on l’« ouvrait » de sorte que sa force mystique jaillissait et autonomisait l’activité.

La forêt est donc ainsi une place du sentiment, de mémoire et des ancêtres ; elle est une place de

laquelle émane un éventail de forces mystiques et thérapeutiques ; elle est une source de subsistance,

une source de fertilité. Dans ce dernier entendement, un concept clé dans les cosmologies des PA et de

celles des Bantous locaux, est que les forces spirituelles variées animant la forêt pour le bénéfice des

êtres humains, qui sont considérées comme des forces ancestrales, doivent être respectées. Un état

d’harmonie sociale doit être maintenue entre elles et les vivants, et entre les vivants également, si la

forêt doit maintenir sa fertilité. Par ailleurs, la discorde, la colère et les conflits servent tous à annuler les

forces vitales et une fois que cet état est atteint, par exemple par un manque de succès à la chasse ou à

la pêche, il doit être contrecarré avec des mesures rituelles adéquates pour que la fertilité revienne

(Ichikawa 1978, Lewis 2008, Moïse 1992, 2003).

LA CULTURE COMPTE : QUESTIONS AUTOUR DU CONSENTEMENT POUR LES TRANSFERTS DES TERRES DANS LA CREATION

DES AP

La question des définitions interculturelles du consentement devient extrêmement importante quand on

considère la création des AP et, ce faisant, le transfert des terres coutumières locales. Cependant, avant

de considérer les malentendus interculturels qui peuvent caractériser ces transactions, il est important

de décrire les procédures dans la pratique coutumière du partage des droits fonciers avec autrui. Car,

bien que les notions occidentales du consentement semblent dériver des cadres juridiques entourant les

transactions immobilières dans l’expérience historique occidentale, les notions congolaises du

consentement proviennent des pratiques coutumières entourant la cession (et le retrait) des droits

d’accès à la terre.

Quand une personne étrangère cherche à entrer dans le territoire forestier d’une autre communauté

pour utiliser ses ressources, elle doit d’abord rencontrer l’autorité coutumière appropriée qui a

compétence sur cette forêt (c.-à-d. chef de clan, chef de guerre). Si l’autorité décide d’accorder l’accès à

une personne étrangère, elle sera obligée de faire un paiement (redevance) au moment de l’accord

initial, avec ensuite des paiements réguliers faits à perpétuité (par ex. un panier de poisson chaque saison

Page 28: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

28 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

de pêche, etc.). Cependant, si l’usager émigré abuse cet accord (par ex. surpêche, chasse excessive),

l’autorité coutumière peut abroger cet accord et chasser cette personne. Ainsi donc, l’autorité

coutumière occupe une place semblable à celle d’un « propriétaire/bailleur » et l’émigré occupe une

position semblable à un « locataire », tandis que ce qui est accordé est un accès/usage plutôt qu’une

propriété privée qui peut être transférée.6

À cause des différences interculturelles sur la manière de définir le consentement, des malentendus et

de la malveillance peuvent émerger par des transferts des terres lors de la création des AP. Les agences

de conservation ont généralement une justification pour le transfert des terres pour créer l’AP, par

laquelle elles soutiennent habituellement que le consentement pour le transfert fut acquis ou, comme

dans le cas du PNNN en RC, le consentement n’était pas nécessaire parce que la zone de l’AP était

« inhabitée » (Ayari and Counsell 2017). Pourtant, les PACL considèrent cette acquisition des terres

de l’AP comme injustifiée, généralement faite sur la base d’un manque de consultation, ou, s’il y a eu

consultation, parce que les parties originales des communautés ne comprenaient pas ce qu’on leur

demandait de céder. Comme un notable résidant près du PNNN l’a expliqué :

« Au début, nous étions contents de la création du parc. Mais ce ne fut que plus tard que nous

nous sommes rendu compte de ce que cela signifiait que d’être un ‘parc’. C’est seulement quand

nous avons tenté d’aller dans notre forêt et que nous avons été bloqués par des éco-gardes que

nous nous sommes rendu compte que le parc n’allait pas être une bonne chose pour nous. »

METHODOLOGIE

L’enquête fut menée aux États-Unis, en RC et en RDC, dans de multiples contextes :

Préparation antérieure au travail sur le terrain aux États-Unis

Le consultant a eu des réunions préliminaires aux États-Unis (principalement à Washington, DC) avec

les personnels du CARPE, de l’USAID, de l’U.S. Fish and Wildlife Service, de la Banque Mondiale, des

ONG de conservation (World Wildlife Fund-WWF, Wildlife Conservation Society-WCS, Bonobo

Conservation Initiative-BCI) et avec des chercheurs individuels œuvrant dans le secteur de la

conservation pour discuter des thèmes de la recherche et élaborer un plan de recherche.

Réunions avec des partenaires à Kinshasa et à Brazzaville

À Kinshasa et à Brazzaville, le consultant a rencontré les personnels du CARPE/USAID, de la WCS, des

ONG œuvrant au plaidoyer pour les PACL et les ONG spécialisées dans le plaidoyer pour les PA pour

discuter des thèmes de la recherche et élaborer un plan de recherche.

6Les personnels du CARPE voulaient savoir comment traiter avec les autorités qui peuvent être corrompues.

Observation de l’auteur : « Certaines autorités peuvent certainement être corrompues. Je l’ai constaté dans des

zones où, du fait du regroupement colonial, les autorités coutumières ne résident plus dans les zones qu’elles

gèrent, ce qui tend à leur faire voir la terre et ses usagers en termes très « transactionnels » (c.-à-d.

commerciaux). Mais je ne crois pas que cela nie l’argument général avancé ici selon lequel le système coutumier

permet aux étrangers d’avoir accès aux terres communautaires (dans le rôle d’« hôte bien élevé ») et que cette

institution offre le cadre de la façon dont les paysans pensent des processus de consentement sur l’usage externe

de la terre coutumière ».

Page 29: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

29 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Visites de terrain des AP soutenues par le CARPE en RC et en RDC

Le consultant a effectué des visites de terrain à deux sites d’AP : le PNNN (RC) et l’OWR (RDC). Une

visite au troisième site, le Parc National de Kahuzi-Biega (RDC), fut programmée, mais a été annulée à

cause des restrictions de voyage à travers le monde en mars 2020. À chacun des deux sites visités, le

consultant a eu des réunions avec les autorités locales (étatiques et coutumières), les personnels de la

conservation (gestionnaires, personnels sociaux et éco-gardes) et les communautés locales, tant

bantoues qu’autochtones.

Avec les autorités et les personnels de la conservation, la méthode de recherche utilisée était

généralement des interviews, tandis que dans les communautés, des groupes de discussion complétés

par des interviews individuelles étaient la méthode utilisée. Dans toutes les communautés locales, le

consultant a rencontré tous les secteurs sociaux : hommes, femmes et jeunes.

IIIA. CONCLUSIONS/ANALYSE SITUATIONNELLE

THEMES GENERAUX

Avant de présenter les conclusions des visites de terrain à chaque site d’AP, voici ci-dessous des

commentaires généraux concernant des points communs.

GESTION COUTUMIERE ET RELATIONS PA-BANTOUS

Aux deux sites, les Bantous et les PA ont un héritage de relations intimes d’échanges entre eux, qui

continuent jusqu’à présent. Les deux ont donc le profil d’une « seule société, avec une organisation

dédoublée (moitié) », comme décrit dans l’Introduction. Cela ne veut pas dire que les deux groupes

n’entrent pas en conflit, mais que beaucoup de domaines de la vie quotidienne sont partagés entre eux

tels qu’une économie d’échange et l’utilisation partagée de la forêt. De plus, aux deux sites, la gestion

coutumière de la forêt a suivi le modèle prévalent à travers le Bassin du Congo :

● les territoires forestiers de chaque agglomération, sous-divisée en micro-territoires pour les

différents clans comprenant l’agglomération

● l’appartenance au clan est partagée par les PA et les Bantous associés par l’utilisation d’un

territoire commun

● l’obligation de demander la permission pour l’utilisation des ressources naturelles dans les

territoires forestiers autres que son propre territoire

● la gestion du territoire forestier par une autorité coutumière

APPROCHE DES COMMUNAUTES LOCALES A L’ENQUETE

En général, les membres des communautés locales avec qui le consultant a échangé étaient contents de

l’opportunité d’avoir leurs voix entendues. De plus, cela semblait leur donner un certain degré d’espoir.

Comme l’a dit une ancienne autochtone à l’OWR :

Page 30: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

30 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

« Cette réserve a été créée par des Américains. Nous espérons donc que les Américains

arrangent à nouveau les choses. ».

Ce que les répondants semblaient rechercher dans les interactions facilitées par l’enquête était non

seulement une chance d’exprimer leurs doléances mais aussi d’avoir l’opportunité d’engager un dialogue

ouvert avec les personnels de l’AP (et les donateurs) en vue de rechercher des solutions aux problèmes

touchant leurs vies quotidiennes.

Les femmes au village Bomassa, au PNNN (R. Moïse)

LE PARC NATIONAL DE NOUABALÉ-NDOKI (PNNN) EN RC

SITES VISITES

Le travail de terrain a été effectué dans et à la périphérie du PNNN : Kabo, Bomassa et Bon Coin. Les

deux dernières agglomérations sont à proximité du siège du parc, mais Kabu se situe approximativement

à trente kilomètres dans le Sud-Ouest.

EMPLOI DES PA

En 2019, les statistiques sur l’emploi du PNNN sont : 21 membres des PA avec des emplois à temps

plein (12% de la main-d’œuvre), mais aucun chiffre n’est disponible pour des travailleurs à temps partiel

Page 31: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

31 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

ou des travailleurs temporaires, qui sont souvent les genres d’emploi qu’on offre aux PA ou que les PA

recherchent.

RECONNAISSANCE DES DROITS FONCIERS

Dans des interviews avec les Bantous et les PA à Kabo, leurs vies avant le parc avaient les

caractéristiques suivantes :

● Un système de gestion foncière fondé sur le clan, dans lequel l’autorité de gestion était

exercée par les chefs de terre locaux.

● Des relations intimes d’échange entre Bantous et PA, institutionnalisées dans une

appartenance commune au clan (similaire à celles retrouvées en RCA au Nord et à l’Est).

● Les activités de chasse, de pêche et de cueillette effectuées à travers le parc actuel.

● Même s’il n’y avait pas de villages permanents établis dans ce qui est maintenant le parc, il y

avait des camps temporaires qui facilitaient des séjours pour se procurer des ressources.

C’est un scénario type des groupes bantous contemporains qui peuvent passer jusqu’à deux

mois dans des camps temporaires dans la forêt à collecter le poisson, des chenilles et

d’autres ressources.

● Les PA locaux à Kabo effectuaient des activités régulières de subsistance au sein du parc,

pouvaient se déplacer sur de longues distances du village, particulièrement à la poursuite du

gibier et pouvaient y passer des années, ce faisant. Les Bantous locaux l’ont confirmé, avec

des estimations de séjour prolongé allant de 1 à 5 ans.

● Les toponymes (noms des lieux) des sites au sein du parc actuel comprenaient des lieux

nommés en mémoire des guerres tribales, indiquant clairement l’utilisation humaine du parc,

bien qu’avec une juridiction contestée.

Cependant, Schmidt-Soltau et Cernea (2003) ont estimé que « près de 3.000 personnes ont été

déplacées du PNNN » (Rainforest Foundation UK 2017 : 46). De plus, la littérature historique,

archéologique, linguistique et anthropologique souligne l’importance de la rivière Sanga comme plaque

tournante de l’activité humaine et grande voie d’expansion bantoue (Copet-Rougier 1987, Coquery-

Vidrovitch 1972, Giles Vernick 2002, Klieman 2003, Vansina 1990). Par ailleurs, lors du commerce

d’ivoire et du caoutchouc des 19ème et 20ème siècles, il est difficile d’imaginer que ces forêts riches n’ont

pas été exploitées. Même si seule la recherche historique dans la zone peut fournir des réponses

définitives à ces questions, un scénario plausible est que les villages des Bomassa, un groupe ethnique de

pêcheurs/commerçants bantous, étaient établis le long de la rivière, mais tant les Bomassa que leurs

partenaires d’échange autochtones (Bangombe et Babenzélé) utilisaient les forêts de l’arrière-pays

actuellement au sein du parc pour faire la chasse, pêche et la cueillette. Et, même si les villages bantous

dans la région étaient établis le long de la rivière, selon la tradition orale, des camps de chasse et de

pêche parsemaient les territoires coutumiers des villages riverains et les communautés autochtones

pouvaient y résider jusqu’à plusieurs années sans interruption.

BIEN-ETRE LOCAL

À Kabo, le village des PA semblait divisé entre ceux qui ont supporté l’existence du parc et ceux qui

souhaitaient voir ses règlements relâchés pour qu’ils puissent reprendre leurs activités traditionnelles

dans leurs territoires coutumiers. La principale motivation pour ceux qui supportaient l’existence du

parc était d’empêcher l’incursion des acteurs commerciaux extérieurs (braconniers) dans leurs terres.

En même temps que cette prise de position, il semblait y avoir attente ou espoir que le parc allait les (la

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32 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

communauté des PA) prendre en charge par le biais des offres d’emploi. Comme un jeune homme l’a

dit :

« Je suis pour le parc pour que les étrangers ne viennent pas ici exterminer les animaux sur nos

terres. Mais ce que je souhaite, c’est qu’avec le parc, ils vont nous donner des emplois pour que

nous puissions nourrir nos familles. »

Une jeune femme s’est fait l’écho de ces sentiments, mais voulait s’assurer que le parc recrute les deux

sexes :

« Je ne veux pas que le parc ferme, je veux qu’il continue d’exister. Mais je voudrais les voir

engager des PA dans le parc, hommes et femmes. Ce n’est pas juste qu’ils donnent tous les

emplois aux Bantous et très peu aux PA. En tant que femme, je veux aussi avoir un salaire pour

nourrir mes enfants… Il y a des femmes ici qui sont fortes et elles connaissent la forêt aussi bien

que les hommes. »

En plus d’exprimer ce désir de voir une hausse de participation au parc par le biais de l’emploi comme

éco-gardes, les PA de Kabo ont aussi exprimé leur mécontentement parce que leurs moyens d’existence

étaient compromis du fait du manque d’accès à suffisamment de terres pour la subsistance, les incursions

des braconniers et le manque d’emploi au parc. Quant aux terres forestières leur allouées pour leurs

activités de subsistance, une femme a déclaré :

« La terre qu’on nous a donnée pour nos activités (forestières) doit être plus étendue. La terre

que nous avons maintenant ne nous permet pas de gagner notre vie. »

Pour les Bantous de Kabo, leur principale revendication concernant le parc était que leurs moyens

d’existence étaient sérieusement compromis à cause des animaux sauvages du parc, spécialement les

éléphants, qui erraient dans leurs champs et les dévastaient, paralysant de ce fait l’économie agricole :

« Auparavant nous mangions du manioc, mais maintenant tout est mangé par des éléphants. Il

n’y a pas de solution. » (Résident de Kabo)

« J’avais 1.600 bananiers et ils ont tous été mangés par des éléphants. J’ai fait des photos, écrit

des documents que j’ai envoyés à l’État. Deux ans sont passés et je n’ai rien entendu. » (Résident

de Kabo).

Note : Un autre résident de Kabo avait une histoire similaire mais attendait depuis cinq ans une réponse

de l’État.

« Essayez d’examiner les problèmes de ce parc. Il n’y a rien pour la population locale. Nous

sommes complètement paralysés, sans issue. Comment la population peut-elle survivre sans les

champs ? » (Résident de Kabo)

Bien que ces perturbations par des animaux ont frappé au cœur de l’économie des Bantous locaux, elles

avaient aussi un impact sur les PA, puisque ces deux groupes sociaux dépendent des produits agricoles

pour leur alimentation de base.

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33 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

GOUVERNANCE

Le régime de gouvernance du PNNN semblait être très centralisé, avec une portée plus marquée à son

épicentre (l’administration du parc et les deux villages voisins de Bomassa et Bon Coin) et bien moins

important que ses 2 zones périphériques (par ex. Kabo).

De plus, même s’il y avait un certain nombre de PA employés par le parc, aucun autochtone ou habitant

local ne semblait jouer un rôle important dans la prise de décision sur ce qui devrait se passer sur le

terrain. Comme un membre du personnel l’a noté :

« Dans l’administration, il y a deux styles : les styles centralisé et décentralisé. Ici, tout est

centralisé. Le Directeur prend toutes les décisions et vous n’avez aucune liberté de décider sur

quoi que ce soit par vous-même, même pour des affaires concernant votre propre personnel »

(un membre du personnel du PNNN).

Cette situation fâcheuse d’être hors du cercle de la prise de décision a aussi été suggérée par le fait

qu’on a laissé longtemps perdurer sans résolution des perturbations aux moyens d’existence des locaux

notées plus haut. Il est donc clair que les PACL se trouvaient en dehors du cercle de ceux qui avaient le

pouvoir de résoudre des problèmes touchant leurs vies quotidiennes.

Des questions additionnelles de gouvernance sont liées à la gestion des éco-gardes du parc. Même si

aucun récit de brutalité n’a été donné, on a parlé d’un harcèlement en cours :

« Dans la petite partie de la forêt que le parc nous a donnée, nous devrions être libres de faire

nos activités en paix, sans des éco-gardes pour nous déranger et inspecter nos affaires tout le

temps. C’est notre espace légitime » (Une Autochtone, Kabo).

Finalement, le sentiment général semblait indiquer qu’il y avait des possibilités d’augmenter la

participation des PA, même si cela n’entraîne pas la participation directe dans la gouvernance du parc. En

particulier, il semblait y avoir une volonté ferme, surtout chez les jeunes, de protéger la faune dans leurs

territoires de chasse de la déprédation par des chasseurs commerciaux extérieurs :

« Je voudrais que le parc fasse de nous—les jeunes de Kabo—, des éco-gardes. Si nous étions

des éco-gardes, nous pourrions créer un front commun qui pourrait empêcher les gens de

Souanké et d’Ouesso de venir ici parce que c’est notre terre et les animaux sont sur notre

territoire ! » (acclamations et applaudissements) (Jeune homme à Kabo)

Cette volonté ferme de la part de beaucoup d’habitants de protéger leurs terres des intrusions

extérieures semblait offrir une voie idéale pour augmenter la participation de la communauté

autochtone à l’effort du parc, si des ressources budgétaires étaient disponibles.

EFFETS DES POLITIQUES SUR LES RELATIONS ENTRE LES HABITANTS ET L’AP

D’après leurs réponses, ceux qui avaient un emploi semblaient accepter plus facilement le régime actuel

de gestion du PNNN. Cependant, la mesure dans laquelle ils supportaient réellement ces politiques n’est

pas claire. Pour ceux qui n’avaient pas d’emploi régulier, leurs moyens d’existence compromis

semblaient produire le sentiment général d’abandon par l’administration du parc. De plus, le fait que

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34 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

beaucoup d’habitants avaient le sentiment que les terres du PNNN avaient été transferées sans

consultation était une source de rancœur constante. Dans le même temps, certains habitants

défendaient l’existence du parc, du moins en principe, surtout comme moyen de se prémunir contre les

braconniers.

La rivière Epulu au lever du jour (OWR) (R. Moïse)

RESERVE DE FAUNE A OKAPIS (OKAPI WILDLIFE RESERVE-OWR) EN RDC

SITES VISITES

Le travail de terrain a été mené dans les villages des PA suivants : Makubasi, Nimbongo et Eboyo, près

d’Epulu, et Babhukéli, à environ 10 kilomètres à l’Est. De plus, un groupe de discussion a été organisé

dans le village bantou de Koki, à environ 25 kilomètres à l’Est d’Epulu. Par ailleurs, des interviews avec

divers PA, habitants bantous, responsables publics et les personnels du projet ont été réalisées dans le

village d’Epulu.

EMPLOI DES PA

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35 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

L’OWR a 190 éco-gardes dont 5 sont des Mbuti. Pour des études de phénologie l’OWR emploie six

Mbuti (une semaine par mois) et, au cours des inventaires de la biodiversité, plusieurs Mbuti sont aussi

employés.

Un membre du personnel du parc considérait les Mbuti comme essentiels pour son travail de recherche

et de surveillance :

« On avait 70 personnes pour la recherche sur la dynamique forestière et plus de la moitié

étaient des PA. Leur connaissance est très importante même pour la nomenclature scientifique.

Dans tout ce travail (de recherche), les PA sont essentiels. En matière de connaissance, les

anciens sont plus importants. Mais les jeunes sont plus essentiels pour grimper aux arbres et

obtenir des spécimens. »

RECONNAISSANCE DES DROITS FONCIERS

Même si certaines consultations ont été menées lors de la création de la Réserve, les anciens mbuti

(notamment les chefs de villages) affirment qu’ils n’avaient pas été invités à y participer.

De plus, la cession des terres lors de la création de la Réserve semble avoir été fondée sur des

malentendus interculturels et est une source constante de ressentiment chez les PACL. Un répondant a

exprimé une opinion commune sur le processus :

« La création du parc a été convenu par les habitants sous certaines conditions, mais celles-ci

n’étaient pas respectées » (un membre du personnel de l’OWR)7

Les PA et les Bantous ont exprimé de la rancœur à l’endroit de la Réserve pour le manque d’accès à

leurs territoires coutumiers, même pour des activités non destructrices comme la visite aux sites sacrés

ou pour collecter des médicaments traditionnels.

« Notre territoire ancestral s’appelle Farama. Les trois quarts de ce territoire sont occupés par

le parc pour leur recherche. Nous ne pouvons plus y aller. Le quart qui est resté est pour la

communauté. Ce n’est pas assez pour la chasse. Cela ne nous permet même pas la survie »

(résident autochtone).

« Nos collines sacrées étaient dans la partie prise et inclue comme ‘zone intégrée’ du parc où

toute activité des PA est restreinte. Que pensent-ils que le parc peut nous donner pour une

telle perte ? » (Résident autochtone).

« Tous ceux qui occupent des postes de haut niveau nous considèrent comme des indésirables.

Mais c’est nous qui leur avons donné la forêt qui leur donne des emplois » (résident

autochtone).

La déclaration officielle par les gestionnaires du parc sur la cession de la terre dans la zone intégrée

(conservation exclusivement) était qu’elle était essentiellement « inutilisée » par les habitants et, au

cours des enquêtes, tout ce qu’ils ont vu était « trois petites cases » dans un camp forestier

(communication personnelle avec des gestionnaires du parc). Cependant, à en juger par des sentiments

7 L’auteur a noté qu’il n’a pas recueilli de données sur les conditions initiales dans le parc ni analysé les mécanismes

de réclamation.

Page 36: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

36 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

exprimés par des habitants bantous et des PA, il semble qu’une consultation insuffisante était faite pour

déterminer exactement ce qu’étaient les besoins et les usages locaux pour cette zone.

En général, les PA semblaient incertains quant à l’emplacement des frontières des différentes zones dans

la Réserve : zones agricoles, zones de chasse, zone exclusive de la conservation.

Des Mbuti à Epulu (OWR) (R. Moïse)

LE BIEN-ETRE LOCAL

La perception du bien-être des Bantous et des PA locaux était qu’il était sérieusement compromis par la

réduction d’accès à leurs territoires coutumiers.

Ce qui n’était pas discuté par les habitants mais qui était clairement un facteur dans l’économie

compromise était les effets du commerce du gibier provenant des opérations minières illégales dans la

Réserve. Comme l’a fait remarquer un membre du personnel de l’OWR :

Page 37: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

37 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

« Le zonage n’est pas réellement le problème. Le grand problème, ce sont des chasseurs

commerciaux extérieurs. Ils vont placer 500 – 1000 pièges dans la forêt. Ils attrapent des tonnes

de viande qu’ils vendent dans les campements miniers au sein ou en dehors de la Réserve. Les

chasseurs commerciaux proviennent de Kisangani, dans la Province de la Tshopo et Bafwasende.

Au Nord, ils proviennent de Wamba. ».

Par ailleurs, à l’instar de leurs homologues au PNNN, les habitants bantous déploraient les effets

dévastateurs sur l’économie agricole causés par des animaux de la Réserve errant dans les zones

agricoles et dévastant leurs champs.

Même si l’OWR a initié certaines réponses à ces incursions destructrices, les informateurs pensaient

que ces réponses n’étaient pas bien organisées.

« L’OWR essaie de procéder au refoulement (chasser les éléphants des champs). Mais le

système de communication entre la communauté et le parc n’est pas efficace.. Les éco-gardes

vont tirer en l’air, puis alors attendent deux jours jusqu’à ce qu’ils (les éléphants) reviennent. »

Eco (un membre du personnel du Parc).

Les habitants se sont plaints du grave manque de services, surtout ceux portant sur la santé et

l’éducation, qui leur sont disponibles. Le centre de santé auquel ils ont accès est à Mambasa (à une

heure et demie de route, par beau temps) et, dans des cas graves, les patients meurent souvent en

route. Le fait qu’un centre de santé moderne existe à Epulu pour les personnels de l’ICCN, mais que

l’administration interdit aux habitants de l’utiliser, ne fait qu’alimenter le ressentiment à l’encontre de la

Réserve.8

Note : Un agent de la WCS a dit qu’ils offrent des services de santé aux PA qui sont des anciens

employés de l’OWR (probablement par le biais des installations de l’ICCN) mais le consultant était

incapable de vérifier cette déclaration.

8 Les personnels du CARPE ont fait remarquer que l’allégation concernant l’indisponibilité des services de santé

pour les communautés locales doit être confirmée. Réponse de l’auteur : « J’ai entendu ça de la part de beaucoup

de répondants mais je n’ai pas confirmé à ce moment-là. De plus, je note dans la phrase suivante qu’un agent de la

WCS a dit que certains PA avaient accès aux soins de santé à Epulu, en qualité d’ex-employés. Le Directeur Tom

Muller pourra clarifier cela, puisqu’il m’a dit qu’il a travaillé pendant deux ans à l’OWR avant de devenir directeur

de la Réserve en septembre 2019. Si lui ou quelqu’un d’autre peut donner plus de clarification, prière de corriger,

le cas échéant ».

Page 38: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

38 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Le centre de santé d’Epulu : Aucun habitant n’y est admis ? (R. Moïse)

GOUVERNANCE

La gouvernance à l’OWR semblait aussi être fortement centralisée mais caractérisée par la bienveillance,

du moins avec l’arrivée du nouveau directeur de la Réserve, Tom Muller.

Les habitants étaient de véritables archives d’information sur les expatriés et les administrateurs de la

Réserve qui ont vécu parmi eux. Même s’ils ont clairement de l’affection pour certains administrateurs

(particulièrement M. Radar et le directeur actuel), beaucoup d’autres expatriés et leurs administrateurs,

sont vus sous un angle défavorable.

Le Directeur Muller mène des activités considérables de sensibilisation auprès des PACL, a mis en

œuvre une politique de visites des zones éloignées de la Réserve pour rencontrer les habitants et les

éco-gardes et institué la participation locale lors des réunions tenues pour discuter des politiques du

parc. Pour leur part, les habitants semblaient encouragés par la nouvelle approche du directeur, mais se

demandaient s’il serait capable de tenir bon devant ce qu’ils percevaient comme un régime enraciné de

gestion qu’il a hérité. Ce régime de gestion est caractérisé par la corruption à plusieurs niveaux ainsi que

des pratiques biaisées au niveau de l’administration de l’AP.

Page 39: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

39 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Tom Muller, directeur de l’OWR (R. Moïse)

EXPLOITATION MINIERE ILLEGALE AU SEIN DE L’OWR

« Quand les Chinois sont arrivés, le Chef de District a essayé de les arrêter. Il a alors été muté

par le gouvernement (central). La police et l’armée protègent les Chinois. Ils ont donc des

connexions au plus haut niveau » (un membre du personnel du parc).

« Pourquoi l’armée congolaise (FARDC) assure-t-elle la sécurité d’une agglomération

d’exploitation minière illégale appartenant à des étrangers qui détruisent l’environnement ? » (un

membre du personnel de l’OWR)

« Notre plus grand problème avec la population locale est qu’ils s’adonnent à l’exploitation

minière illégale (artisanale) dans la Réserve. Mais quand vous les arrêtez et les mettez au cachot,

ils disent : ‘Pourquoi nous arrêtez-vous alors que vous laissez les Chinois s’en tirer avec

l’exploitation minière industrielle qui est en train de détruire l’environnement ? Pourquoi ne les

arrêtez-vous pas ?’ Mais quand nous arrêtons les Chinois, qu’est-ce qui se passe ? Nous les

arrêtons et les mettons au cachot. Puis, le lendemain, nous recevons un appel provenant des

plus hauts niveaux à Kinshasa, nous demandant de les libérer (souligné dans l’original). Et nous le

faisons. Puis ils retournent directement à leurs activités minières. Nous savons donc qui nous

pouvons arrêter et qui nous ne pouvons pas arrêter » (un personnel de l’OWR).

Pour les PACL, en tant que mineurs artisanaux à faible impact, un tel niveau de corruption les soumet à

un harcèlement accru du fait de cette politique d’une « application sélective de la loi ». En d’autres

Page 40: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

40 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

termes, les habitants deviennent des cibles faciles pour les éco-gardes tandis que les acteurs les plus

importants et destructeurs de l’environnement jouissent de l’immunité.

PRATIQUES D’EMBAUCHE : UNE INVASION DES ETRANGERS

« Ce sont tous des gens de l’extérieur, de Kinshasa et des autres grandes villes : Bunia,

Butembo, Kisangani, etc. Ils ne connaissent pas les habitants, ils se foutent d’eux. Leur politique

exigeant des études faites pour tous les emplois écartent les habitants et amène des étrangers »

(un membre du personnel de l’OWR).

« Les habitants se plaignent de l’arrogance de ces gens qui sont ignorants de la culture et s’en

foutent d’ailleurs » (un membre du personnel de l’OWR).

« Dans une unité administrative de la Réserve, 80% des employés sont Nande (un groupe

ethnique du Nord-Kivu dont les membres sont dotés d’un esprit d’entreprenariat). Ce sont eux

qui chassent, s’adonnent à l’exploitation minière artisanale dans la Réserve. Demandez à

quiconque ici. Et qu’est-ce vous faites en retour ? Vous leur donnez des emplois. Toutes les

équipes de construction ici sont Nande. Et comment les habitants peuvent-ils donner de

l’importance à l’OWR ? Comment peut-on la prendre au sérieux ? » (un membre du personnel

de l’OWR).

EFFETS DES POLITIQUES SUR LES RELATIONS HABITANTS-AP

Comme au PNNN, les effets des moyens d’existence compromis et la perte d’accès aux terres

coutumières, sans aucune forme disponible de réparation ni même de communication, ont produit des

sentiments d’abandon et, chez certains, du ressentiment. Certains ont dit que ces sentiments ont même

entraîné le soutien populaire à la rébellion contre la Reserve,

« C’était la cause de la rébellion de Morgan [qui a massacré 13 okapis et sept membres du

personnel de la Réserve en 2012] : ‘C’est notre terre, mais nous n’avons aucun rôle dans la

gestion de la Réserve’. Les gens des communautés étaient unis. Et ils ont détruit le bureau pour

que les autochtones (les habitants) fassent à nouveau partie de la gestion. Mais Morgan, en rebelle

qu’il était, a violé toutes les conditions que les habitants lui ont données. C’est ainsi qu’ils l’ont

laissé se faire capturer » (un résident autochtone).9

SOLUTIONS AUX PROBLEMES DE L’OWR

Pour ce qui est des solutions aux problèmes de l’OWR, la plupart des répondants ont vu dans la

participation locale accrue dans la gestion de la Réserve comme une voie à suivre. Comme l’a affirmé un

membre du personnel de l’OWR :

« Nous avons besoin de la conservation communautaire. Nous avons besoin d’une forme

participative de gestion. Nous devons impliquer les communautés locales dans toutes les

activités de gestion de la Réserve ».

9 Au moins un reportage affirme que Morgan était un braconnier notoire d’éléphants (Mongabay 2012).

Page 41: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

41 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

IIIB. CONCLUSIONS : DEFIS POUR UNE PARTICIPATION DES PA DANS LA

CONSERVATION

DEFIS AU NIVEAU GENERAL

● Créer une interface fonctionnelle entre deux cultures très différentes—celle des PA et celle des

administrations des AP appuyées par le CARPE—, quand les parties savent très peu l’une sur

l’autre.

● Un manque de mécanismes de communication entre le niveau local et les décideurs politiques.

● Bâtir une relation de collaboration avec les PA dans le contexte des initiatives du CARPE qui est

fondée sur la communication ouverte et la confiance mutuelle.

● Dans certains sites d’AP, l’insécurité est un facteur limitant ce que vous pouvez faire sur le

terrain.

● Les acteurs économiques engagés dans l’extraction illicite peuvent avoir beaucoup de pouvoir et

peuvent causer la violence pour couvrir leurs activités. De plus, des relations coutumières, de

parenté et de patron-client peuvent faciliter l’accès des « étrangers » aux ressources des AP et

des zones tampons.

● La corruption peut régner à un haut niveau au sein des agences étatiques ainsi que dans des sites

d’AP.

● Il peut y avoir un favoritisme en faveur des étrangers dans le recrutement au sein des

administrations des AP, ainsi donc peu d’habitants sont engagés.

DEFIS LOCAUX

● Essayer de travailler dans un seul secteur au sein d’un champ social intégré.

● Les structures et les processus de gouvernance aux sites d’AP où il y a peu de marge pour des

contributions locales.

● Aux sites d’AP où on a perdu l’accès partiel ou total aux terres coutumières, où les moyens

d’existence ont été de ce fait compromis et où il n’y a pas de formes facilement disponibles de

réparation, les habitants peuvent être frustrés et, sur le long terme, développer des sentiments

d’abandon et de ressentiment, qui peuvent décourager des efforts de participation.

● Aborder les conditions matérielles sous-jacentes de ces sentiments de manière efficace et

durable afin que les relations PA-AP soient transformées en relations fonctionnelles et

collaboratives.

● Reproduire la connaissance autochtone aux sites d’AP dans lesquels l’accès des PA est limité.

● Naviguer le champ social hiérarchique des relations Bantous-PA, dans lequel les Bantous tendent

non seulement à être « jaloux » pour peu qu’une intervention ne les inclue pas mais tendent

aussi à dominer les distributions de ressources dans des activités « conjointes » (PA et Bantous).

● Déterminer les activités que les PA et les habitants bantous peuvent gérer collectivement et

celles qui s’effectuent mieux indépendamment.

● En suscitant les voix des PA et d’autres acteurs de statut inférieur, lorsque celles-ci ne sont pas

généralement exprimées dans un cadre collectif, public.

● Déterminer ce qu’est le consentement, où il doit être obtenu et quand il est obtenu.

● Comprendre les interactions interculturelles autour du consentement.

● Maîtriser le processus des consultations locales : par exemple, qui consulter, comment les

contacter, comment effectuer les consultations.

Page 42: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

42 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

● Trouver des lieux et des mécanismes où des PA peuvent réaliser leur but de conservation de

protection de leurs terres ancestrales.

● Trouver des moyens pour le CARPE et les PA de travailler ensemble pour réaliser des objectifs

communs de conservation.

● Coopérer avec les PA autour de la forêt communautaire de façon à protéger leurs terres mais à

améliorer en même temps leur niveau de développement.

IV. MODELES ALTERNATIFS POUR LES AIRES PROTEGEES

Les deux sites visités par le consultant étaient caractérisés par un faible niveau de participation des

communautés dont les terres ont été cédées pour créer l’AP en termes de participation dans la

planification et la gestion. Dans les deux cas, cette participation insuffisamment développée a entraîné la

compromission du bien-être des communautés locales, un manque (ou pas) de reconnaissance de leurs

droits à leurs terres ancestrales et leur exclusion virtuelle des processus de gouvernance. Là où la

participation était plus développée, elle s’est surtout manifestée par l’intermédiaire de l’emploi salarié.

Pour les employés et leurs familles, l’emploi a résolu certains de leurs problèmes dans le domaine des

moyens de subsistance mais n’a rien donné en termes de participation dans la gouvernance ou de la

reconnaissance des droits fonciers. Conséquemment, quand la participation était essentiellement limitée

à l’emploi, qui bénéficia à certains habitants à certains égards, elle n’a pas abordé les problèmes de fond

que vivent les PACL dans l’ensemble depuis la création des AP. De plus, il est à noter que, sur la base

des données disponibles, la situation au troisième site d’AP dans le plan du travail de terrain du

consultant, le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), paraît essentiellement similaire quant à la

participation, bien que le bien-être des communautés locales là-bas, particulièrement celui des Batwa,

semble être bien plus compromis (Forest Peoples Programme 2017, Unrepresented Nations & Peoples

Organization 2017). Ainsi, même si la visite du consultant au PNKB a été court-circuitée par la

pandémie du coronavirus, il semble que les résultats du travail de terrain proposé ont été conformes à

ceux produits aux autres sites.

Pourtant, étant donné la volonté du CARPE de faire participer les PA aux différents sites d’AP qu’il

appuie, la question qui se pose est la suivante : y a-t-il des modèles alternatifs pour les AP qui peuvent

être plus efficaces à faire participer les PA et à produire des résultats bien meilleurs dans les domaines

de la gouvernance, des moyens de subsistance et des droits fonciers ? Parmi les AP existantes en RC et

en RDC, celle qui a paru au consultant avoir le plus de potentiel en tant que modèle alternatif était la

Réserve Naturelle d’Itombwe (RNI), dans la Province du Sud-Kivu de la RDC. Même si le consultant n’a

pas pu s’y rendre pour des raisons de sécurité, il a rencontré les personnels du partenaire de mise en

œuvre, la Rainforest Foundation Norway (RFN) ; ce qui lui a permis de mieux comprendre le modèle

qu’ils avaient élaboré pour sa création et sa gestion.

LA RESERVE NATURELLE D’ITOMBWE (RNI)

En 2006, le Ministère de l’Environnement de la RDC a promulgué un décret créant la RNI, qui allait

couvrir une superficie de 15.000 kilomètres carrés sur laquelle toute activité humaine serait interdite.

Cependant, les communautés locales qui auraient été déplacées par la Réserve ont organisé des

protestations vigoureuses, qui ont entraîné la création en 2008 d’un groupe conjoint de travail qui

comprenait les PACL, l’ICCN, les organisations de conservation, la RFN et des ONG locales pour

retracer les limites de la Réserve et créer un plan de gestion. Actuellement, ce processus reste un

travail en cours : même si les limites ont été retracées, l’élaboration du plan de gestion se poursuit.

Page 43: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

43 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Selon les personnels de la RFN, la superficie de la Réserve déterminée par le groupe de travail conjoint

est considérablement plus réduite que la superficie originale proposée par le gouvernement de la RDC.

De plus, elle couvre les territoires coutumiers de cinq communautés locales et est divisée en cinq

secteurs, chacun de ceux-ci correspondant au territoire d’une communauté particulière. Depuis lors, la

RFN a facilité la création d’une unité de « patrouilles communautaires » entraînées par l’ICNN et une

ONG locale, pour que chaque communauté locale patrouille son propre territoire. Quant au plan de

gestion, la vision globale de la RFN est celle d’une cogestion — une « Réserve communautaire » —,

dans laquelle les PACL seraient des participants à part entière aux côtés des conservationnistes dans la

prise de décision sur des questions de gestion. Comme l’a affirmé un cadre :

« Les habitants doivent faire partie du Comité de Gestion. Les PA, les communautés locales et

l’ICNN doivent se mettre à table. Les communautés doivent être impliquées du

commencement à la fin et toutes les parties doivent travailler sur la façon de gérer la

distribution du bénéfice. »

La RFN espère créer une solution gagnant-gagnant au problème de gestion de l’AP—les communautés

locales gagnent et les conservationnistes gagnent—, ce qui constituerait le « premier exemple positif »

de gestion participative d’une AP en RDC, celui qui pourrait être utilisé comme modèle de gestion d’une

AP. Dans le même temps, les cadres de la RFN ont reconnu qu’ils trouvaient difficile d’être les seuls à

plaider au niveau national pour Itombwe et que leur capacité à plaider pour les PACL serait rehaussée si

d’autres acteurs participaient à l’effort du lobbying. Il y a aussi le fait que le danger auquel font face les

patrouilles locales doit être surveillé, surtout dans un contexte de conflits armés.

Même si le plan de gestion de la RNI est encore en train d’être négocié, certaines de ses caractéristiques

présentent des alternatives concrètes aux plans utilisés auparavant dans des AP du Bassin du Congo et

qui peuvent servir de modèle alternatif pour la région. En premier lieu, établir la zone de la Réserve sur

les territoires coutumiers des PACL, c’est reconnaître leurs droits fonciers et effectuer un zonage qui

est entièrement conforme à la géographie coutumière. En deuxième lieu, c’est utiliser en grand nombre

les habitants comme éco-gardes. Ceci représente non seulement une augmentation substantielle de

l’emploi salarié mais la politique d’avoir chaque communauté patrouiller son propre territoire est aussi la

façon la plus efficace de motiver les habitants pour l’effort de la conservation, puisqu’elle exploite le

profond désir de préserver du danger de spoliation le territoire ancestral, comme discuté ci-dessus. En

troisième lieu, en mettant les PACL dans le comité de gestion de l’AP, on pose les fondations d’une

nouvelle vision de gestion de l’AP, celle fondée sur la participation partagée.

En utilisant ces innovations dans l’organisation d’une AP comme point de départ, on propose un modèle

alternatif de gestion d’une AP, qui se fonde sur elles, mais les porte plus loin. Cependant, au préalable,

une caractéristique supplémentaire du modèle conventionnel d’une AP doit être prise en considération.

Les innovations élaborées à la RNI appartiennent au domaine de la structure organisationnelle, du fait

qu’elles représentent des voies alternatives d’organisation d’une AP pour qu’elle puisse rehausser le

bien-être et la participation des PACL. Cependant, un autre domaine dans lequel on peut faire du

progrès est celui de la mission de la conservation elle-même.

Dans le discours mondial de la conservation, on parle des AP du Bassin du Congo en termes de

« vitrines de la biodiversité ». Ainsi, presque chaque description d’une AP commence avec une liste des

espèces uniques, généralement menacées, qu’on trouve en son sein. Dans le même temps, les espaces

transformés en AP ainsi que beaucoup d’autres zones rurales du Bassin du Congo sont des sites avec

une histoire riche qui contiennent des populations avec des héritages culturels riches. En phase avec une

Page 44: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

44 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

approche plus inclusive de la conservation en intégrant la culture des PACL, cette conceptualisation des

AP et des autres sites peut être revue pour inclure les dimensions historiques et culturelles de ces lieux.

Au lieu de « vitrines de la biodiversité », les AP peuvent devenir des « musées vivants » de la nature, de

la culture et de l’histoire. Puisque la culture et l’histoire traditionnelles sont appréciées tant par les

habitants que par le tourisme extérieur, elles méritent une célébration publique. Par ailleurs, la

valorisation de ces dimensions négligées servira à promouvoir la fierté locale pour l’AP, contribuant

considérablement à réaliser l’adhésion locale à l’effort de conservation.

Chef de Terre Baka (R. Moïse)

UN MODELE ALTERNATIF D’AP SELON L’AUTEUR

La structure de l’AP consisterait en :

● une fédération de zones gérées par les communautés correspondant aux territoires coutumiers

locaux

● avec une administration générale d’AP qui effectue des fonctions de gestion

● appuyées par des donateurs qui surveillent le fonctionnement de l’AP et valorisent la nature, la

culture et l’histoire locales

Page 45: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

45 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Les PACL :

● serviraient de porteurs de connaissances locales et d’intendants des terres

● agiraient en tant que coparticipants dans la prise de décision de la création de la politique et de la

pratique de l’AP

● surveilleraient les activités extractives illégales dans leurs territoires coutumiers

● présideraient en tant qu’officiants de rituels pour la maintenance les pouvoirs coutumiers animant le

paysage

L’administration d’une AP prendrait le rôle de structure principale d’appui qui :

● servirait de coparticipante dans la prise de décision de la création de la politique et de la pratique de

l’AP

● établirait un partenariat avec les appareils de sécurité pour assurer la sécurité

● surveillerait la durabilité des activités de subsistance et de développement

● offrirait un appui technique

Les donateurs et/ou leurs mandataires :

● effectueraient la surveillance continue sur le terrain des administrations des AP concernant des

activités telles que la protection contre la corruption, les activités extractives illégales et les violation

des droits de l’homme

● effectueraient la surveillance continue sur le terrain de la participation des PACL comme s’assurer

des résultats positifs dans les domaines de la gouvernance, du bien-être et de la reconnaissance des

droits fonciers.

● coordonneraient l’assistance technique des ONG de plaidoyer communautaire, des spécialistes du

développement, des spécialistes de la cartographie communautaire, du secteur privé et des

spécialistes des questions culturelles, le cas échéant

● coordonneraient l’établissement des connexions avec des structures extérieures pour des initiatives

de développement

● assureraient la reproduction de la culture traditionnelle et des connaissances autochtones en :

o documentant et en présentant les pratiques esthétiques traditionnelles (musique, danse, arts,

etc.), les pratiques coutumières et l’histoire locale au public extérieur

o appuyant la création des écoles de la Connaissance Autochtone dirigées par des anciens des PA

qui enseigneraient la connaissance forestière aux jeunes afin de la préserver

o appuyant la pratique médicale traditionnelle, une spécialité des PA, et sa reproduction

V. FORESTERIE COMMUNAUTAIRE

Le consultant n’a pas pu visiter les Concession Forestière des Communautés Locales (CFC) appuyées

par le CARPE au cours du travail sur le terrain pour des raisons de sécurité. Cependant, puisque la

foresterie communautaire a un potentiel considérable comme outil pour faire participer les PA dans

l’effort de conservation, certaines des questions clés pour entreprendre la foresterie communautaire

seront prises en considération ici pour appuyer les efforts du CARPE dans ce domaine.

INSPIRER LA CONSERVATION LOCALE

Une CFC est l’unité de gestion idéale pour les communautés locales, non seulement à cause de sa petite

échelle (contrairement à une vaste AP) mais aussi parce qu’elle est leur. En d’autres termes, elle est un

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46 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

espace qui assure leurs moyens d’existence, est le centre de leurs vies sociales et sert de dépositaire de

leur passé ancestral. Ainsi, elles ont toutes les raisons de la protéger. Cette forte motivation est

clairement indiquée dans un discours tenu par un homme Bayaka (PA) en RCA concernant ce pour quoi

son village doit créer une forêt communautaire face aux intrusions des acteurs extérieurs :

« Nous allons commencer avec les sentiers. Ils seront surveillés par des gardes à chaque entrée

dans la forêt. Et les gardes travailleront par équipes pour mieux surveiller la forêt. La forêt sera

contrôlée par des gardes qui travailleront par quarts de travail. Et quand nous auront des champs

mieux protégés, des animaux dans la forêt et du poisson dans nos cours d’eau, l’avenir de nos

enfants sera assuré car l’abondance aura retourné. Mais si on se croise les bras à regarder les

choses se passer, le village sera détruit et la forêt sera détruite. Et ce sera la pire des misères »

(Homme Bayaka, RCA).

Par ailleurs, l’enthousiasme des habitants pour la protection de leurs terres signifie qu’obtenir le

consentement pour une CFC est généralement beaucoup moins difficile que pour une AP. Dans le

même temps, la forêt communautaire est un couteau à double tranchant : elle peut autonomiser les

habitants ou les déresponsabiliser. L’un ou l’autre résultat dépend entièrement de la façon dont le

processus de la forêt communautaire est effectué au niveau local.

QUELS SONT LES DEFIS (OU EST-CE QUE ÇA PEUT DERAILLER ?)

DEFIS EXTERIEURS

L’ÉTAT

Dans le discours étatique sur la foresterie communautaire, il y a un « préjugé en faveur de la

commercialisation » intégrée, parce que la commercialisation paraît comme un fait accompli. Ainsi, la

phase du processus de la FC qui suit l’attribution en RDC est communément appelée la « phase de

l’exploitation ». Cette phase peut ne pas se conformer à l’utilisation coutumière et en fait il peut y avoir

une dispute sur le degré de commercialisation.

Une menace supplémentaire posée par l’État est la projection de sa logique et de sa culture

administratives sur le niveau local par le biais du processus de la forêt communautaire : la concentration

du pouvoir décisionnel et des ressources financières dans le chef du Comité de gestion, encourageant

ainsi la captation de l’État par l’élite, le modèle « collectiviste » de la communauté locale déstabilisant

l’autonomie du clan et les droits des autorités coutumières. Un désaccord peut aussi concerner le type

et le niveau de commercialisation, et la participation des partenaires du secteur privé.

ACTEURS EXTERIEURS

Tout en assurant l’assistance aux communautés avec les conditions administratives nécessaires pour une

CFC, de puissants acteurs extérieurs peuvent finir par court-circuiter le processus en utilisant la CFC à

leur propre fin.

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47 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

● Au Cameroun, les sociétés d’exploitation forestière en sont venues à considérer les forêts

communautaires comme « juste un autre permis d’exploitation forestière », ce qui a résulté en

une « frénésie alimentaire » d’exploitation forestière dans certaines zones (Djeumo 2001, Moïse

2017).

● Lors de la recherche sur la communauté forestière dans la Province de l’Équateur (en RDC) en

2018, le consultant a vu plusieurs permis de forêt communautaire annulés par l’administration et

affichés à l’extérieur du bureau de la foresterie communautaire à Mbandaka. Selon les officiels, le

partenaire de mise en œuvre, le WWF, n’a pas obtenu le consentement des communautés

locales ni se conformer aux procédures administratives appropriées.

Des acteurs commerciaux bien armés (des « braconniers », dans le discours conservationniste) peuvent

empiéter sur des terres locales et dévaster la faune locale par l’exploitation intensive. Même si une

communauté locale a transformé son territoire coutumier en CFC, si elle manque de moyens pour

maintenir la sécurité en son sein, elle peut toujours être débordée par des acteurs de ce genre.

APPROCHES DESCENDANTES

Si une approche « descendante » est utilisée, dans laquelle les activités du projet sont « projetées » sur

le contexte local à partir du haut, plutôt qu’à partir des besoins locaux, il sera beaucoup plus difficile de

parvenir à un accord par l’adhésion locale et elles auront moins de chance de réussir.

Si une approche descendante est utilisée pour des structures locales de gouvernance, laissant les

ressources collectives être concentrées et monopolisées, alors céder la prise de décision et le contrôle

financier à de petits groupes d’individus (par ex. les comités de gestion) peut être une invitation à la

captation par l’élite et le détournement des ressources publiques.

LE MYTHE DE LA COMMUNAUTE LOCALE

Dans les discours politiques sur des questions forestières dans le Bassin du Congo, on tend à considérer

la « communauté locale » comme une unité sociale cohérente qui remplit systématiquement des

fonctions politiques : prise de décision, gestion foncière et d’autres tâches. Bref, on tend à comprendre

une « communauté » comme une unité politique, avec une chaîne hiérarchique, capable d’exécuter des

actions collectives autour de buts communs. En fait, cependant, beaucoup de communautés locales dans

le Bassin du Congo sont des agglomérats plus ou moins détachés de groupes sociaux variés qui en sont

arrivés à résider les uns aux côtés des autres du fait des hasards de l’histoire tels que la relocalisation

coloniale ou la migration, et qui n’effectuent pas nécessairement une activité quelconque, politique ou

non (Geschiere 2004). Elles ressemblent beaucoup plus souvent à des « villes » où le chef de village agit

comme un « maire ». Ainsi, la somme totale d’individus partageant l’accès à un large territoire forestier

peut ne pas être appropriée pour des activités collectives de collaboration.

Beaucoup d’activités que les discours politiques présument s’effectuer au niveau de la communauté

locale—production, distribution, gestion foncière et prise de décision—, sont en fait effectuées par ses

résidents, mais elles sont généralement gérées à des niveaux inférieurs de l’organisation : le foyer, la

famille étendue, le clan et ainsi de suite. Ainsi, pour comprendre comment les sociétés forestières

gèrent ces activités, on doit comprendre comment les choses fonctionnent à ces niveaux inférieurs de

Page 48: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

48 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

l’organisation. Car si la « communauté locale » est utilisée comme le point de départ de l’élaboration

des structures de gestion au sein d’une CFC, elle peut facilement produire des conséquences négatives

imprévues : la captation par l’élite, la marginalisation des groupes de statut inférieur et le maintien d’une

orientation trop large pour traiter des conflits internes et des tensions sociales.

DEFIS INTERNES

INSTITUTIONS COUTUMIERES

Les « communautés locales » contemporaines sont souvent de larges agglomérats de gens pour qui les

structures de prise de décision à l’échelle communautaire ne sont pas bien développées. Il n’y a donc

pas de structures institutionnelles ou des précédents culturels pour le partage des ressources collectives

au niveau communautaire.

Il n’est pas inhabituel pour qu’il y ait des tensions internes au sein d’un village parmi ses groupes

constitutifs.

LA MARGINALISATION DES ACTEURS DE STATUT INFERIEUR

Les acteurs de statut inférieur (femmes, PA) peuvent être marginalisés dans les processus collectifs de

prise de décision, surtout ceux ayant lieu à des niveaux supérieurs—par ex. le village, la communauté

locale. Ainsi, l’appui insuffisant pour ces acteurs peut rendre leurs voix inaudibles dans les processus des

forêt communautaires.

LES BESOINS VARIES DES CL

Les communautés ont non seulement besoin d’assistance technique pour cartographier leurs territoires

et d’assistance légale pour s’appliquer à leurs CFC, mais elles ont aussi besoin de :

● une assistance technique (des agronomes ou d’autres spécialistes) pour le développement

d’activités telles que des activités économiques alternatives ou des innovations agricoles

● une assistance technique (des biologistes de la faune) pour élaborer des règles pour une chasse

et une pêche durables ; des inventaires des ressources pour ceux qui veulent créer des réserves

et faire l’exploitation Forestière sélectives dans leurs CFC

● une assistance économique pour améliorer les systèmes de santé et d’éducation

● une assistance pour établir des connexions aux acheteurs et aux marchés

● une assistance en matière de sécurité pour l’application des règlements de la CFC

COMMENT LE FAIRE CORRECTEMENT ?

Pour éviter les conséquences inattendues qui peuvent se produire en se basant sur le « mythe de la

communauté locale », on doit aborder les « microstructures » locales (celles qui sont aux niveaux

inférieurs de l’organisation) puisque c’est ici où le gros de la gestion de la vie quotidienne se joue : au

niveau du clan pour la gestion forestière et au niveau du foyer et de la famille étendue pour la

mobilisation de la main-d’œuvre et le partage des bénéfices.

Page 49: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

49 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Figure 1 : Niveaux d’organisation sociale coutumière

LE CLAN

Dans les sociétés forestières du Bassin du Congo, le clan est le fondement de l’identité sociale. Il

délimite la frontière sociale de base entre l’intérieur et l’extérieur (« nous » contre « eux »), où le

mariage est interdit, les partenaires de mariage étant recherchés parmi ceux appartenant à d’autres

clans. De plus, il fonctionne en tant qu’unité organisationnelle dans un éventail de domaines : il a souvent

son propre « quartier » dans un village, il détient un territoire forestier, il agit en tant qu’unité de

mobilité, et, à l’époque précoloniale, il était politiquement autonome, surtout chez les Bantous. Pour les

populations du Sud de la courbe du Fleuve Congo, Vansina considère que le clan (etuka) fut l’unité

politique la plus importante dans la vie précoloniale du village (1965) :

L’etuka (clan) était dirigé par un patriarche, possédant des insignes de l’autorité, administrant le

domaine, arbitrant les conflits internes, décidant des vendettas et des guerres, tout cela en

consultation avec les anciens des lignées inférieures. Les etuka étaient indépendants, même s’ils

étaient regroupés dans un seul village… les étuka restaient toujours souverains (Vansina 1965).

Bien que l’expérience coloniale a superposé des structures variées d’autorité sur la sphère du village,

érodant la souveraineté politique du clan, ce dernier continue de donner un sens d’appartenance

psychologique et émotionnel à ses membres, offre des mécanismes pour résoudre des disputes, occupe

un espace particulier au sein du village, sert de groupe propriétaire terrien donnant des droits d’accès

aux usagers tant bantous qu’autochtones, possède ses propres sites sacrés, effectue des activités

forestières collectives, sélectionne son propre chef, entreprend la gestion forestière et produit une

éthique générale de solidarité et d’indépendance. Ainsi, en dépit du préjugé favorable envers la

communauté locale dans le discours administratif, les structures et les processus de la forêt

Famille étendue

Page 50: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

50 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

communautaire doivent reconnaître le clan comme unité sociale essentielle, surtout par rapport à la

prise de décision sur la gestion forestière.

Les frontières d’une CFC doivent donc se fonder sur les frontières traditionnellement reconnues du

régime foncier clanique. De plus, les structures de gouvernance établies pour gérer une CFC doivent

inclure les autorités coutumières et d’autres personnalités prenant généralement part au niveau

décisionnel du village et du clan. Dans le même temps, l’utilisation des forêts de ceux qui ne font pas

partie de la structure du clan doit également être documentée et ils doivent aussi bénéficier d’une

participation significative dans la prise de décision. En général, la division du travail pour les différentes

fonctions au sein d’une CFC doit correspondre aux capacités des différents niveaux organisationnels au

sein de la communauté. Une alternative au modèle conventionnel « centré sur la communauté » est

présentée dans le Tableau 2.

Niveau organisationnel Fonction

Communauté locale Obtenir la CFC de la part de l’administration

forestière.

La protéger contre des menaces extérieures. Effectuer des projets civiques occasionnels de bien

commun.

Clans Gestion des forêts et décisions d’utilisation foncière

des forêts.

Associations bénévoles, congrégations

religieuses, autres groupes sociaux

Mobilisation de main d’œuvre pour des projets

collectifs qui abordent les besoins de groupes

d’intérêt particuliers dans la CFC.

Tableau 2 : Répartition des fonctions au sein d’une Concession Forestière des

Communautés Locales

(Moise 2019)

Dans la perspective managériale, les communautés locales doivent recevoir une assistance technique non

seulement pour la demande d’obtention d’une CFC, mais aussi dans l’élaboration de toutes les

structures et tous les processus de gestion. Par ailleurs, une telle assistance doit être donnée par des

équipes de terrain qui ont une connaissance approfondie des institutions coutumières locales et qui ont

une connaissance parfaite des défis de la foresterie communautaires. Finalement, l’entière opération

doit être soumise à une surveillance continue sur le terrain pour garantir que chacun travaille dans

l’intérêt de tous les secteurs de la communauté, notamment des PA.

ACCROITRE LA PARTICIPATION DES PA

Du fait que l’utilisation des terres par les PA peut différer sensiblement de celle faite par leurs voisins

bantous, il est important que l’ampleur totale de leur utilisation des forêts soit correctement

documentée lors du processus cartographique.

Page 51: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

51 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Des structures ou des espaces séparés doivent être créés où ils se sentent assez confortables pour

réfléchir sur leurs propres besoins et buts pour la foresterie communautaire et transformer ceux-ci en

une élaboration de propositions cohérentes d’utilisation des terres à soumettre à la communauté

élargie. Ceci doit impliquer : la production de leurs propres cartes d’utilisation des terres, l’élaboration

de leurs propres plans de gestion et la création de leurs propres associations là où elles n’existent pas

afin qu’ils aient le temps et l’espace pour réfléchir sur des questions clés qui les concernent dans le

processus de la foresterie communautaire.

En RCA, le Manuel de Procédure d’attribution des Forêts Communautaires en République Centrafricaine

recommande la création d’un « Comité Consultatif Autochtone » qui peut servir d’interface entre les

groupes autochtones et les différentes entités de gestion dans lesquelles des représentants autochtones

peuvent participer. Finalement, les PA doivent avoir une forte représentation dans tous les organes de

gestion de la CFC.

VI. FAIRE LE PLAIDOYER DES PEUPLES AUTOCHTONES AUX NIVEAUX

SUPERIEURS

Afin d’explorer la promotion des droits des PA aux niveaux national et international, le consultant a

rencontré les personnels de diverses ONG des PA en RDC, dont :

● Dignité Pygmée

● Réseau des Populations Autochtones et Locales Pour la Gestion Durable des Écosystèmes

Forestiers de la RDC (REPALEF)

● Ligue Nationale des Peuples Autochtones de la RDC (LINAPYCO)

● Programme Intégré Pour le Développement des Peuples Pygmées (PIDEP)

● Alliance Nationale d'Appui et de Promotion des Aires et Territoires du Patrimoine Autochtones

et Communautaire (ANAPAC-RDC)

Par ailleurs, il a rencontré les personnels de CARITAS/Kinshasa, qui mène des programmes pour les PA

en RDC, et Loïc Braune, de la Banque Mondiale, qui supervise des programmes avec des organisations

des PA, notamment l’élaboration d’une stratégie à long terme pour le REPALEAC (Réseau des

Populations Autochtones et Locales Pour la Gestion des Écosystèmes Forestiers d'Afrique Centrale),

l’organisation parapluie de coordination des ONG des PA dans le Bassin du Congo.

LE RESEAU DES ONG DES PA

Les ONG qui reçoivent un appui international substantiel (par ex. REPALEAC et REPALEF) semblent

assez confortables, mais leur cas paraît relativement rare. En revanche, l’ONG des PA typique paraît

sous-financée et en difficulté. Cette situation financière compromise a des effets néfastes sur la capacité

du réseau à faire des progrès quant à la promotion des droits des PA. En premier lieu, le manque de

fonds se traduit par un manque d’action pratique car les chefs des organisations doivent continuellement

chercher des fonds et les travailleurs doivent accepter de maigres salaires et/ou des arriérés de salaire.

En deuxième lieu, le manque d’appui semble créer de la compétition pour le financement, qui semble

avoir causé certaines luttes intestines entre les ONG variées des PA. Par exemple, le consultant a appris

qu’un groupe a intenté une action en justice contre le REPALEAC pour corruption. Un troisième

problème, qui semble être lié au manque général d’appui pour le réseau, est qu’il n’y a aucune

infrastructure institutionnelle apparente en place pour les organisations basées dans les centres urbains

Page 52: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

52 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

pour interfacer les communautés locales des PA dans les zones rurales. Par conséquent, les ONG des

PA basées dans les centres urbains sont dans la même position que toutes les autres ONG, du fait que

leurs connexions au niveau local surviennent dans le contexte de projets spécifiques pour lesquels ils ont

reçu un financement extérieur. Encore est-il que les organisations variées que le consultant a

rencontrées sont en train de réaliser activement des projets avec les communautés des PA au niveau

local, qu’ils soient adéquatement financés ou non. Dans ce contexte, elles semblent avoir établi des

relations avec des communautés particulières au niveau local qui peuvent être mises à profit pour des

initiatives futures de conservation, de développement et de plaidoyer.

Pourtant, étant donné ce manque d’infrastructure institutionnelle à travers le réseau, une stratégie de

« percolation », dans laquelle des organisations parapluies sont appuyées dans l’attente que leurs efforts

entraîneront du changement au niveau local, semble irréaliste. Dans les circonstances actuelles, tout

effort du CARPE de faire participer les PA dans ses efforts de conservation, ou de l’USAID de

promouvoir les droits des PA plus généralement, doit traiter ces deux domaines—les niveaux national,

régional et international, d’une part, et le niveau rural local, d’autre part—, comme des zones distinctes

d’intervention. En d’autres termes, on ne doit pas s’attendre à ce que des initiatives des niveaux

supérieurs aient beaucoup d’effet aux niveaux locaux en milieu rural. Cela étant, certaines ONG des PA

dans les centres urbains semblaient impliquées dans un travail important aux niveaux supérieurs et,

comme telles, elles méritent certainement l’attention et l’appui potentiel du CARPE/USAID.

EFFORTS DE LOBBYING DE NIVEAU SUPERIEUR

Un aspect important du travail de certaines ONG des PA rencontrées par le consultant est qu’elles

traitent des questions politiques au niveau national ayant une pertinence directe pour les PA. En RDC,

celles-ci comprennent la législation sur les PA et la réforme de la législation sur les forêts, qui sont

actuellement á l’examen. Ces efforts semblent mériter l’attention du CARPE et de l’USAID puisqu’ils

examinent la façon d’appuyer la promotion des droits des PA.

De plus, l’un des « points forts » de certaines personnes et de certaines organisations que le consultant

a rencontrées est qu’elles étaient des défenseurs passionnés des droits des PA au niveau national et au-

delà. Les biographies des dirigeants de ces organisations, ainsi que celles de leurs personnels, sont celles

des personnes qui ont lutté contre d’énormes obstacles pour monter d’un statut très inférieur à une

position de défenseur bien formé et éloquent de leurs camarades autochtones. Ils semblaient donc

avoir une motivation et du caractère qui les a mis en relief parmi les individus et organisations non-

autochtones travaillant pour la promotion des PA. Ils sont ainsi de bons candidats pour être des

collaborateurs dans l’effort plus ample de promouvoir les droits des PA.

Dans le même temps, un domaine qui n’a pas été mentionné dans les discussions du consultant avec eux

était la possibilité de promouvoir la culture traditionnelle des PA, ainsi que la culture de l’expression, au

niveau national pour créer plus de visibilité pour les PA dans les cultures nationales par le biais des arts

du spectacle, des arts graphiques, des sports et des loisirs. Avoir des PA devenir des personnalités

nationales bien connues dans les cultures nationales peut avancer davantage la cause des PA dans le

Bassin du Congo.

Page 53: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

53 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

Adrien Sinafasi, de l’ONG Dignité Pygmée (R. Moïse)

VII. RECOMMANDATIONS

À COURT TERME

METHODOLOGIES DE CONSULTATION

● On ne doit pas supposer que la culture politique au niveau du village est une « démocratie

représentative » dans laquelle il est suffisant de consulter simplement les autorités coutumières

pertinentes (chefs de village, chefs de groupement). La « démocratie coutumière » (ou

« démocratie chaotique ») qu’on trouve dans le village est très participative, dans laquelle la masse

de la population a une contribution importante dans la prise de décision, y compris le droit de

refuser toute directive émanant de ceux qui sont en position d’autorité. Ainsi, on doit chercher à

obtenir un échantillon représentatif de l’opinion publique.

● Par conséquent, les méthodologies de consultation doivent comprendre des groupes de discussion

avec : les autorités étatiques locales et les autorités coutumières (chefs de groupement, chefs de

village avec leurs notables), hommes bantous (pas les anciens ou les autorités), les femmes bantoues,

les hommes pygmées, les femmes pygmées et, si le sujet leur est pertinent, les jeunes aussi.

● À cela doivent s’ajouter des interviews individuelles pour tous les secteurs sociaux, car certaines

informations importantes n’émergent pas dans des groupes de discussion, particulièrement pour les

secteurs inférieurs de l’échelle sociale, c.-à-d. les acteurs plus « vulnérables » tels que les femmes et

les PA.

● Le test décisif pour toute intervention doit être : qu’est-ce que le petit peuple dans le village a à dire

sur elle, car ceux qui détiennent le pouvoir ou une quelconque autorité (Bantous, Pygmées,

autorités locales, ICCN, ONG) peuvent avoir des intérêts personnels, car ils considèrent les

conséquences de l’intervention proposée par rapport aux ressources sous leur contrôle.

Page 54: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

54 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

GERER LES RELATIONS BANTOUS-PA AU NIVEAU LOCAL

● Tenir des consultations séparées pour les PA dans toute initiative conjointe pour les aider à

articuler leurs besoins et leurs buts afin d’élaborer des plans qui peuvent être intégrés dans les plans

d’ensemble de l’initiative.

● Faire attention au refrain sempiternel des PA quand on leur pose la question sur leurs capacités à

collaborer avec les habitants bantous, comme un informateur l’a noté :

o Nous pouvons collaborer avec les Bantous pour protéger la forêt, mais s’il est question

de distribution de ressources (matérielles), il faut toujours nous donner notre part

séparément pour qu’on gère la distribution.

AIRES PROTEGEES

● Un but immédiat serait de déterminer si, et de quelle manière, les initiatives du CARPE sont en train

de nuire aux habitants autour des AP, suivi par des buts à long terme de rehausser la participation

de la communauté et d’améliorer le bien-être local.

● Traiter la corruption généralisée des AP comme une urgence et faire un effort sérieux pour

remplacer la culture actuelle d’impunité avec celle de reddition de comptes, de transparence et de

gouvernance démocratique. Dans cet effort, employer des experts dans des domaines clés pour

apprendre comment le système peut être reconfiguré pour se conformer à la politique de l’USAID.

● Prendre au sérieux le conseil du nouveau directeur de l’OWR pour faire face à la corruption

généralisée : rechercher les bonnes personnes au sein de ces institutions et bâtir des alliances avec

elles afin d’effectuer des changements substantiels.

● Traiter l’insécurité dans l’AP comme une urgence et faire un effort sérieux pour la déraciner :

o Assurer une sécurité renforcée en créant des patrouilles communautaires locales (chaque

patrouille de la CL patrouille son propre territoire) pour surveiller les activités illégales

et les signaler aux services de l’ordre. La création des patrouilles communautaires (selon

le modèle d’Itombwe) augmentera de manière significative la capacité de surveillance dans

les AP et les PA conviennent particulièrement à cette tâche, car ils jouaient ce rôle dans

les territoires coutumiers depuis le régime précolonial des guerres tribales (Moïse 2011).

o Formation des membres étrangers des équipes d’éco-gardes par des habitants sur les

droits coutumiers, le paysage coutumier et la pratique coutumière de la communauté.

À MOYEN TERME

METHODOLOGIES DE CONSULTATION

● L’approche de la consultation auparavant employée par les partenaires de mise en œuvre dans la

création des AP, dans laquelle les consultations, si elles sont même tenues, se limitent à la période

d’avant l’intervention, ne doit pas être répétée avec l’appui du CARPE.

● En revanche, ce dont on a besoin est une communication directe et continue avec le niveau local,

avec tous les secteurs sociaux pour que la boucle de rétroaction soit créée entre le CARPE et les

effets de ses décisions sur les PACL. Par ailleurs, cette communication ne doit pas être confiée aux

Page 55: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

55 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

acteurs de la conservation mais doit être effectuée par les personnels du CARPE ou des assistants

techniques provenant du secteur du plaidoyer communautaire qui sont connus et jouissent de la

confiance des habitants.

PLAIDOYER ET EFFORTS DE LOBBYING DES PA

● Le CARPE et les actions de l’USAID pour la Démocratie, les Droits de l’homme et la Gouvernance

(DRG) doivent se centrer sur les processus législatifs actuels au niveau national en RDC qui sont

pertinents aux PA, notamment la législation sur les PA et la réforme de la législation sur les forêts

qui sont actuellement en train d’être examinées. Pour appuyer cet effort, le CARPE doit travailler

avec les ONG des PA de niveau local qui participent déjà à la recherche et aux efforts de lobbying.

AIRES PROTEGEES

CREER UN RAPPROCHEMENT ENTRE LES HABITANTS ET LA CONSERVATION

● Étant donné la longue liste de doléances exprimées par les communautés locales aux sites d’AP ainsi

que les conflits continus à plusieurs sites—dont certains ont été mortels—, la meilleure façon

d’avancer pour toutes les AP serait pour les parties prenantes pertinentes, notamment les

donateurs, les départements étatiques de conservation, les partenaires de mise en œuvre et les

communautés locales (PA et Bantous) de commencer un dialogue continu sur ces questions.

● À chaque site, ce processus doit commencer par une enquête exhaustive démographique et

socioéconomique de toutes les communautés dans le territoire dont les terres coutumières sont

couvertes par l’AP ainsi que tout établissement qui a émergé depuis sa création. Ceci doit être suivi

par la cartographie participative des territoires coutumiers des communautés dont les terres furent

transférées pour créer l’AP. Un tel investissement devrait donner au CARPE et à ses partenaires

une idée précise de la présence humaine dans/autour de l’AP ainsi que de ceux qui sont des ayants-

droit. Si le FPIC/CPLI est un problème seulement pour ces communautés avec les droits fonciers

dans l’AP, d’autres parties prenantes qui ont émigré dans ce territoire doivent être consultés.

● Une fois les ayants-droit déterminés, et l’étendue des terres coutumières cartographiée, un

processus de « vérité et réconciliation » doit être initié à chaque site d’AP dans lequel les doléances

des PA de toutes les parties peuvent être exprimées et traitées. Contrairement aux efforts

antérieurs à Kahuzi-Biega effectués par l’ICCN, ce processus doit être soutenu, et non sporadique.

Par ailleurs, il doit être mené par les donateurs qui financent les AP, à cause de l’influence qu’ils

peuvent exercer sur différentes parties prenantes.

● Les buts du processus doivent être de traiter des déficits dans le bien-être local causés par la

création de l’AP et de trouver des moyens pour y remédier pour que toutes les parties prenantes

puissent avancer par une collaboration commune dans l’effort de conservation. En particulier, ces

buts doivent se centrer sur :

o Restaurer des moyens d’existence viables aux PACL par des activités de subsistance

surveillées sur leurs terres coutumières, des activités alternatives de subsistance ou l’emploi

dans l’administration de l’AP. Ici, les activités de subsistance qui ne produisent pas des effets

négatifs pour la conservation doivent être considérés comme des options.

o Donner aux PACL plein accès aux territoires coutumiers pour des usages médicinaux et

rituels ainsi que pour la reproduction de la connaissance indigène.

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56 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

o Renégocier le zonage de l’utilisation des terres pour obtenir le FPIC/CPLI de la part des

PACL.

o Faire en sorte qu’au moins la moitié des éco-gardes proviennent de la communauté locale ;

les habitants seraient organisés en patrouilles communautaires dans leurs propres territoires

(comme dans le modèle d’Itombwe).

● Élaborer des structures « démocratiques » pour la gestion des AP, fondées sur l’entière

participation locale dans la prise de décision politique et de gestion. Une possibilité serait la création

de « conseils locaux » des ayants-droit coutumiers qui travailleraient avec les personnels du parc

pour élaborer des politiques de gestion.

o Ces conseils doivent inclure des autorités coutumières et des représentants bantous (le

petit peuple), des représentantes bantoues, les hommes et les femmes pygmées.

o De plus, le donateur ou l’ONG doit travailler avec des acteurs « vulnérables » comme les

PA et les femmes bantoues au cours des sessions séparées pour les aider à articuler leurs

besoins, buts et plans avant qu’ils ne soient intégrés dans des plans de la communauté

élargie.

o Par ailleurs, les représentants des conseils locaux doivent faire partie du Comité de

Gestion de l’AP et doivent être investis d’une réelle autorité de prise de décision.

● Essayer différents modèles pour améliorer la sécurité par des essais pilotes, tout en surveillant pour

voir quelles méthodes marchent mieux et dans quels environnements. Tout prendre en

considération, de l’augmentation des patrouilles communautaires (chaque CL patrouille son propre

territoire), des mesures pour avoir 50% des employés locaux recrutés comme agents de l’ordre, et

d’autres mesures, jusqu’à adopter des mesures de sécurité plus robustes, comme dans le modèle

des parcs africains, qui se centre sur un appareil sécuritaire fort pour tenir le périmètre de l’AP, tout

en augmentant les efforts pour le développement local pour assurer une adhésion locale.

À LONG TERME

GERER LES RELATIONS BANTOUS-PA AU NIVEAU LOCAL

● Aborder la dynamique Bantous-PA au niveau local non point sous l’angle de la « discrimination » ou

de la « victimisation » mais en mettant l’accent sur l’ « entrepreneurialisme » et la capacité d’agir des

PA (Moïse 2011). Explorer les façons dont le CARPE peut inspirer l’action, la créativité et la

participation des PA dans l’effort de conservation, leur permettant d’exploiter leur riche héritage

culturel pour aider à résoudre les questions urgentes et actuelles de la conservation.

EFFORTS DE PLAIDOYER ET DE LOBBYING POUR LES PA

● Actuellement, il n’y a pas d’importantes relations entre le CARPE/USAID et les PA au niveau local. Les

habitants avec qui le consultant a échangé ne savaient même pas que le CARPE existe, tandis que la

reconnaissance de la marque USAID était au mieux sporadique ou très peu articulée. Par

conséquent, il n’y a pas de voie de communication pour que les PA apprennent les initiatives de

conservation du CARPE. Ainsi, si le CARPE/USAID veut développer des partenariats avec les PA,

cela devra devenir une priorité politique.

Page 57: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

57 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

● Dans cet effort, toute mesure positive prise pour appuyer le bien-être des PACL, pour reconnaître

leurs droits sur leurs terres coutumières ou pour améliorer les structures de gouvernance qui les

régissent doit être utilisée comme une opportunité de marketing, dans laquelle le nom de

CARPE/USAID est clairement associé à une initiative particulière. Cette « présence de la marque »

rehaussée peut être utilisée par le CARPE/USAID comme capital social pour montrer la bonne

volonté entre lui-même et les PACL, comme par exemple : « Le peuple Américain, à travers l'USAID,

travaille main dans la main avec le peuple Congolais pour éradiquer l'extrême pauvreté ».

● Le CARPE devrait considérer l’octroi des bourses d’étude aux étudiants autochtones avec la

promesse de poursuivre des études universitaires dans tous les domaines à même d’appuyer les

droits des PA.

● Le CARPE doit appuyer des efforts pour mettre en valeur les PA au sein des cultures nationales

comme moyen de développer leur respect retrouvé aux yeux de leurs compatriotes.

INITIATIVES ADDITIONNELLES DE CONSERVATION : FORESTERIE COMMUNAUTAIRE

● Considérer la foresterie communautaire comme une voie pour réaliser le développement durable à

travers la région et non pas simplement comme point d’entrée pour la gestion des AP.

● Ajouter des investissements du genre « réduction des émissions issues de la déforestation et de la

dégradation des forêts » (REDD+), contrôles du commerce de la viande de brousse et activités de

développement au menu des options de la foresterie communautaire pour autonomiser les habitants

de poursuivre des buts de conservation et d’atténuation du changement climatique.

● Pour les CFC, élaborer des structures démocratiques de gestion similaires à celles décrites au-

dessus pour la gestion des AP, avec l’entière inclusion de tous les secteurs.

● De plus, prendre au sérieux le besoin d’appui technique aux PACL qui sont sur la voie de gestion

durable autonome :

o améliorations (modestes) de l’infrastructure

o contrôler en vue de la production durable

o assistance pour le marketing des produits agricoles et/ou des PFNL

o assistance pour la sécurité dans la protection des ressources locales

AIRES PROTEGEES

● Étant donné l’état de bien-être compromis parmi les PACL observés par le consultant, et les

anecdotes lui rapportées lors de ses visites de terrain aux sites des AP en RC et en RDC, il

recommande vivement que, pour aborder la question du bien-être humain sur les sites de

conservation, le CARPE crée une division du « plaidoyer communautaire » pour ses efforts de

conservation. Son portefeuille serait d’assurer que les communautés vivant dans et autour des

interventions de conservation du CARPE ne soient pas négativement impactées par ces

interventions dans les domaines des moyens d’existence, de santé et de reproduction socioculturelle

et que leur participation dans les processus de gouvernance aux sites soit suffisamment forte pour

qu’ils deviennent des partenaires à part entière dans l’effort de conservation.

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58 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

● L’organe principal du département du plaidoyer communautaire serait une équipe de terrain qui

garde contact avec les communautés vivant dans ou près des sites du CARPE et fasse rapport

directement aux responsables et décideurs politiques dans l’administration du CARPE. Cette équipe

serait chargée d’évaluer le bien-être des communautés locales, d’élaborer des recommandations

pour des améliorations, de comprendre les défis interculturels inhérents aux interactions entre les

AP et les communautés locales et d’élaborer des recommandations pour les relever. Elle devrait

être composée d’individus ayant une expertise dans des domaines tels que les sciences politiques, le

développement, l’anthropologie, etc. De plus, elle superviserait le travail des partenaires dans le

secteur du plaidoyer communautaire pour mettre en œuvre des programmes qu’elle élabore pour le

bien-être de la communauté, en consultation avec les communautés locales et les personnels du

CARPE. Bien qu’elle relève du CARPE, cette équipe doit être complètement indépendante de

l’influence des « partenaires de mise en œuvre » de la conservation et des départements étatiques

de conservation qui administrent les sites des AP.

● Les personnels de surveillance peuvent comprendre : un « ombudsman », des équipes de médiation

(avec des enquêteurs) et des équipes multidisciplinaires de recherche, qui peuvent poursuivre des

thèmes de recherche notés ci-dessus et s’engager dans la médiation des conflits.

Ombudsman, médiateur/médiatrice ou avocat public : un cadre qui est chargé de

représenter les intérêts du public en enquêtant et en traitant des doléances de mégestion ou de

violation des droits.

● Les personnels de surveillance doivent tenir des réunions régulières avec les autorités étatiques

locales, coutumières et les représentants communautaires.

● Pour garantir une couverture suffisante, ils peuvent circuler entre différents sites d’AP au cours de

l’année.

● Pour des initiatives visant les communautés locales, chercher les ONG de niveau national ou local

dont l’approche est basée sur les droits de l’homme et qui ont des contacts directs avec les

communautés locales, et qui ont établi des relations de confiance avec elles, et les utiliser comme

des partenaires de mise en œuvre supplémentaires pour aider à mettre en œuvre ces initiatives.

● De plus, du fait des défis interculturels considérables impliqués, les personnels de ces ONG doivent

être formés par des experts ayant une connaissance de la culture locale qui doivent effectuer la

supervision continue au niveau local pour surveiller le progrès et faire au besoin des ajustements

pour garantir une grande chance de succès.

● Commencer par améliorer le bien-être local par l’introduction des activités de subsistance

surveillées, le contrôle de la dévastation par des animaux dans les zones agricoles, une politique de

recrutement d’au moins 50% des habitants comme personnels des AP, la création et l’appui de

l’infrastructure publique (centres de santé et écoles) et la commercialisation possible des PFNL.

● Le CARPE et ses partenaires doivent se rendre compte que les espaces qui ont été transformés en

AP dans un passé récent sont des « foyers ancestraux » des populations locales. Même si les

conservationnistes se sont concentrés sur des activités locales de subsistance comme étant des

menaces contre la biodiversité et y ont répondu en interdisant ou en réduisant l’accès des habitants

Page 59: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

59 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

à leurs terres ancestrales, ils doivent se rendre compte que les liens des PACL à ces espaces sont

très profonds et se manifestent en plusieurs dimensions. En plus de dépendre des terres forestières

pour leurs moyens d’existence, les PACL dépendent d’elles pour un grand nombre d’espèces

végétales utilisées dans les traitements de médecine traditionnelle pour maintenir leur bonne santé

(la médecine traditionnelle est la forme principale de la pratique médicale pour les PA).

Par ailleurs, les sites sacrés sur les terres ancestrales ont un grand nombre d’usages, notamment

initier des jeunes, résoudre des disputes, installer des chefs, enterrer des morts et honorer des

ancêtres. Accepter les PACL comme partenaires, c’est aussi accepter qu’ils aient des liens légitimes à

leurs terres ancestrales. Cela ne veut pas du tout dire que les activités de subsistance au sein des AP

ne peuvent pas être réglementées pour protéger la biodiversité, mais c’est pour simplement

reconnaître que, en tant que propriétaires fonciers coutumiers, les PACL ont des droits légitimes

sur leurs patrimoines ancestraux.

● Recommander aux partenaires de mise en œuvre qu’ils négocient les règles d’accès pour les PACL à

leurs territoires coutumiers au sein de l’AP. Les activités sans effets négatifs sur la conservation,

mais qui pourraient améliorer considérablement les relations avec les PACL, sont la cueillette des

plantes médicinales et la visite des sites sacrés pour des besoins rituels. Dans le domaine de

subsistance, la plupart d’activités de cueillette n’ont pas d’effets négatifs pour la conservation alors

que les activités de chasse et de pêche, si elles sont adéquatement supervisées par des autorités de

la conservation pour garantir une prise durable, peuvent obtenir une situation gagnant-gagnant : des

relations améliorées entre les AP et les PACL sans effets négatifs pour la conservation.

● Commencer par améliorer le bien-être local par l’introduction des activités surveillées de

subsistance, le contrôle de la dévastation des zones agricoles par des animaux, une politique

d’embauche d’au moins 50% des employés locaux recrutés dans les AP, la création et l’appui de

l’infrastructure publique (centres de santé et écoles), et la commercialisation possible des PFNL.

● Des approches de gestion doivent être élaborées pour les AP dans lesquelles des règles de jeu

équitables et multidisciplinaires sont créées où toutes les formes pertinentes d’expertise—

conservation, droits de l’homme, droit et sciences sociales—, sont mises à contribution pour

transformer le régime de gestion actuel en un régime qui offre :

o une gouvernance démocratique

o du respect pour les droits de l’homme

o du respect pour les droits coutumiers des habitants

o et du respect pour les vies des habitants non humains du paysage forestier.

● Bref, un régime de gestion qui va :

o être en pleine conformité avec le nouveau projet de loi de finances

o avoir une bonne chance de protéger l’environnement

o et produire une adhésion locale suffisante pour faire des Peuples Autochtones et des

communautés locales des partenaires solides dans l’effort de conservation.

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60 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

VIII. CONCLUSION

Le pessimisme n’est pas de mise quant au potentiel de collaboration PA-CARPE. Cette collaboration est

réalisable et possible. Cependant, elle demandera de la recherche, des investissements, de la diplomatie

et des négociations pour arriver à un terrain d’attente qui puisse jeter une base pour de bons rapports

de travail entre les PA (PACL) et le CARPE. Si le CARPE veut que les PA soient des partenaires, il doit

faire le nécessaire pour réaliser l’adhésion locale pour ses initiatives :

Prendre au sérieux le nouveau projet de loi de finances, l’UNDRIP et les objectifs du Congrès de

Durban pour les PA, et prendre des mesures nécessaires pour leur réalisation.

Trouver des moyens d’être assez flexibles pour offrir aux PA des solutions réelles telles que l’accès

renouvelé à la terre et à la reproduction de la connaissance autochtone.

Ne pas dépendre des partenaires de mise en œuvre de la conservation pour le faire. Faites-le vous-

même et/ou engagez des organisations et des personnes qualifiées pour aider à élaborer des mécanismes

institutionnels nécessaires.

La situation est si sérieuse à de nombreux sites du CARPE à cause de l’extraction illégale, de la

corruption, de la violence et des pertes en vies humaines qu’il faudra fournir des efforts pour sécuriser

le secteur et se lancer dans la voie de la promotion de la conservation et du bien-être humain.

Page 61: P V Par Robert E. Moïse, Ph.D.

61 RAPPORT POUR CARPE SUR LE PARTENARIAT AVEC LES PEUPLES AUTOCHTONES

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