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Montréal, le 17 novembre 2016 Objet : Consultation publique, révision de la 2 e édition de l’Énoncé de politique des trois Conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains (2014) Madame, Monsieur, Comme suite à l’appel du Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche – Ottawa (Ontario), paru le 14 octobre 2016, en ligne, il nous fait plaisir de contribuer à la révision de la 2 e édition de l’Énoncé de politique des trois Conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains (« ÉPTC2 »). Dans le cadre de l’actuelle consultation, nous souhaitons d’une part réagir à certaines propositions de modifications formulées par la Groupe en éthique de la recherche (« GER ») et d’autre part, formuler quelques suggestions concernant la recherche axée sur le patient (« RAP »), plus particulièrement en ce qui concerne ses spécificités, afin que celles-ci soit éventuellement prises en compte dans la nouvelle version de l’ÉPTC2. Au préalable, permettez-nous de vous présenter brièvement l’Unité SOUTIEN. La mission de l’Unité de SOUTIEN SRAP-Québec (« l’Unité SOUTIEN », « l’Unité ») est de constituer une organisation structurée et permanente de soutien à la RAP. L’Unité se veut un moteur de développement des connaissances, d’innovation et de transformation des pratiques au sein du système de santé et de services sociaux du Québec, au bénéfice des patients et de la population. L’Unité SOUTIEN veille prioritairement à soutenir la conception et la réalisation de projets de recherche sur les services de santé et les services sociaux rendus à la grande majorité de la population québécoise. Ainsi, en accord avec sa mission, la priorité de l’Unité SOUTIEN est d'améliorer la qualité, l'efficacité et la durabilité des soins de santé, afin de maximiser l’impact positif sur les patients. L’Unité SOUTIEN est une initiative conjointe financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (« IRSC ») et les Fonds de recherche du Québec (« FRQ »), afin de mettre en œuvre la Stratégie de la recherche axée sur le patient (« SRAP »), au Québec. C-5

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Montréal, le 17 novembre 2016

Objet : Consultation publique, révision de la 2e édition de l’Énoncé de politique

des trois Conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains (2014)

Madame, Monsieur,

Comme suite à l’appel du Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche –

Ottawa (Ontario), paru le 14 octobre 2016, en ligne, il nous fait plaisir de contribuer à

la révision de la 2e édition de l’Énoncé de politique des trois Conseils : éthique de la

recherche avec des êtres humains (« ÉPTC2 »). Dans le cadre de l’actuelle consultation,

nous souhaitons d’une part réagir à certaines propositions de modifications formulées

par la Groupe en éthique de la recherche (« GER ») et d’autre part, formuler quelques

suggestions concernant la recherche axée sur le patient (« RAP »), plus

particulièrement en ce qui concerne ses spécificités, afin que celles-ci soit

éventuellement prises en compte dans la nouvelle version de l’ÉPTC2. Au préalable,

permettez-nous de vous présenter brièvement l’Unité SOUTIEN.

La mission de l’Unité de SOUTIEN SRAP-Québec (« l’Unité SOUTIEN », « l’Unité ») est

de constituer une organisation structurée et permanente de soutien à la RAP. L’Unité

se veut un moteur de développement des connaissances, d’innovation et de

transformation des pratiques au sein du système de santé et de services sociaux du

Québec, au bénéfice des patients et de la population. L’Unité SOUTIEN veille

prioritairement à soutenir la conception et la réalisation de projets de recherche sur

les services de santé et les services sociaux rendus à la grande majorité de la

population québécoise. Ainsi, en accord avec sa mission, la priorité de l’Unité SOUTIEN

est d'améliorer la qualité, l'efficacité et la durabilité des soins de santé, afin de

maximiser l’impact positif sur les patients. L’Unité SOUTIEN est une initiative conjointe

financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (« IRSC ») et les Fonds de

recherche du Québec (« FRQ »), afin de mettre en œuvre la Stratégie de la recherche

axée sur le patient (« SRAP »), au Québec.

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Selon les IRSC, la RAP est un continuum scientifique qui mobilise les patients et les

différents partenaires, se concentre sur les priorités établies par les patients et

améliore les résultats pour ces derniers. Ce continuum débute par des recherches

initiales sur des êtres humains et va jusqu’aux études comparatives sur l’efficacité,

ainsi que l’intégration de leurs résultats au système de santé et aux pratiques cliniques.

La RAP touche plusieurs éléments liés à l’éthique de la recherche: la facilitation de

l’accès aux données de nature clinique et administrative ainsi que le jumelage de ces

données, les méthodes de recherche en contexte réel, les méthodes de recherche

mixtes qui facilitent l’étude de phénomènes complexes, ainsi que la recherche sur la

synthèse et le transfert des connaissances.

Cette recherche vise à procurer des avantages qui comptent pour les patients et leurs

proches, notamment l’amélioration de la santé et du bien-être, l’amélioration de l’accès

au système de santé et de services sociaux, la prestation du bon traitement et bon

service au bon moment, le fait de devenir un partenaire actif et informé l’amélioration

de la qualité de vie liée aux résultats axés sur le patient, ainsi que la contribution à la

rentabilisation du système de soins de santé et de services sociaux. Les IRSC

définissent l’engagement des patients en recherche comme une « collaboration

significative et active à la gouvernance, à l’établissement de priorités, à la réalisation de

la recherche et à l’application des connaissances ». Il va sans dire que la RAP s’avère

des plus porteuse pour la population québécoise.

À l’automne 2015, la Dre Marie-Dominique Beaulieu, directrice scientifique de l’Unité

Soutien, et M. Vincent Dumez, Faculté de médecine, Université de Montréal, Direction

collaboration et partenariat patient, Université de Montréal, ont présenté une

conférence intitulée Strate gie de recherche axe e sur le patient — Le ro le de l’Unite

me thodologique de soutien et du partenariat patient-public, dans le cadre de la e

e dition de la ou née d’étude des co ités d’ét ique de l ec e c e et de leu s

partenaires, organisée par le MSSS. La présentation est disponible en ligne, en cliquant

sur l’hyperlien ci-haut. La conférence fût à la fois une occasion de faire connaitre la RAP

et aborder quelques enjeux en éthique de la recherche qu’elle soulève. Dans l’audience,

il y a eu plusieurs questions sur la RAP et ses impacts en éthique de la recherche. Nous

avons clairement senti les besoins de formation et de réflexion en la matière.

Il nous apparait essentiel que la nouvelle version de l’ÉPTC2 reconnaisse explicitement

la RAP et tienne compte succinctement de ses spécificités, afin de notamment faciliter

le travail des comités d’éthique de la recherche (« CER »). À l’heure actuelle, des

chercheurs en RAP peinent parfois à obtenir une approbation éthique, puisque

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plusieurs membres de CER connaissent peu ou pas du tout la RAP. De plus, on dénote

par moment une certaine méfiance face à la RAP, compte tenu de sa nouveauté et de

ses spécificités qu’elle nécessite en matière d’évaluation de protocole au plan éthique.

Il appert de remédier à cette situation afin de permettre une analyse éthique équitable

envers les chercheurs qui effectuent de la RAP, d’autant plus que ceux-ci sont souvent

financés à même des fonds publics (IRSC ou Fonds de recherche du Québec).

Aussi, à partir d’une lecture de la Version révisée proposée de l’Énoncé de politique des

trois Conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains (« Version révisée »), nous

proposons d’ajouter la RAP de manière plus directe et visible dans le texte soumis. La

Version révisée prévoit déjà quelques ajouts pour la participation de la communauté à

la recherche (lignes 161 à 164 et 291 à 284). Nous saluons l’inclusion de la

participation de la communauté en recherche, mais croyons que ces extraits

demeurent insuffisants pour aborder un changement plus profond qu’entraine la RAP.

Il nous semble indiqué, au minimum, d’ajouter la RAP aux modifications proposées et

éventuellement, de prévoir des travaux plus exhaustifs pour inclure la RAP à l’EPTC2.

En ce sens, nous nous demandons s’il ne serait pas souhaitable ou opportun de rédiger

un chapitre portant exclusivement sur la RAP, compte tenu de la place grandissante

qu’elle occupe en recherche et de ses spécificités au plan éthique.

Afin de nourrir les réflexions futures du GRE à cet effet, voici quelques concepts

« classiques » en éthique de la recherche qu’il serait bon, à notre avis, de revoir à la

lumière de la RAP:

la validité scientifique, telle que définie traditionnellement en recherche

clinique et évaluative, pose des défis avec la recherche en contexte réel, qui fait

partie intégrante des devis de recherche en RAP. Celle-ci ne se fonde pas sur les

prémisses habituelles du contrôle de l’exposition à l’intervention en science. Les

méthodologies qu’elle emploie pour assurer la rigueur scientifique en contexte

réel d’expérimentation diffèrent. En fait, ses méthodes sont encore en évolution.

Aussi, il serait indiqué de s’assurer que l’exigence de validité scientifique

reconnaisse ces méthodes en pleine évolution, afin de tenir compte des

spécificités de la RAP. Ceci pourrait par exemple se traduire par un appel à

l’application des critères spécifiques à la RAP lors de l’évaluation de protocoles en

contexte réel.

l’obtention du consentement libre et éclairé (écrit) peut présenter des

particularités, compte tenu que tout patient peut devenir un sujet de recherche

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dans les « environnements de sante apprenants ». Il serait ici sans doute indique

de veiller à adapter les exigences liées au consentement, de nouveau, afin de tenir

compte des spécificités de la RAP. Le patient n’est plus qu’un simple participant :

son rôle est considérablement rehaussé et actif en RAP. En fait, sa participation

est sollicitée désormais à diverses étapes de la recherche : de l’élaboration du

devis, à participation à la collecte de données, au partage des savoirs

expérientiels, à l’analyse, voire même à la présentation/diffusion des résultats.

Par conséquent, il serait probablement plus juste d’envisager le consentement

comme un processus et un engagement à s’investir dans une recherche, en tant

que partie prenante, et non simplement à titre de participant, comme c’est le cas

actuellement pour les autres types de recherche.

la notion de conflit d’intérêts prend une tournure particulière en RAP. En effet,

l’intégration des patients aux différents stades de la recherche pose de nouveaux

défis pour les chercheurs. Tel que nous venons de le dire, les patients sont

désormais impliqués dans toutes les étapes d’un projet de recherche, ce qui peut

susciter de nouvelles situations de conflit d’intérêts. Cette nouvelle implication

mérite toute notre attention. La RAP exige par ailleurs des chercheurs qu’ils

s’engagent avec d’autres professionnels et des preneurs de décisions, à toutes les

étapes de la recherche, et les invitent à devenir co-chercheurs. Ces nouvelles

relations de collaboration, voire de « co-habitation » en recherche, sont

susceptibles de créer des situations de conflits d’intérêts inédites. Il serait

opportun de fournir un cadre d’appui aux chercheurs pour les aider à composer

avec ces nouvelles réalités et les guider dans la gestion des conflits d’intérêts.

Corrélatellement, les CER devraient être sensibilisés aux exigences de la RAP, afin

de mieux en comprendre les modalités et la gestion des conflits d’intérêts.

enfin, l’utilisation secondaire et le jumelage de données sont au cœur de la

RAP. La facilitation de l’accès aux données de nature clinique et administrative, le

jumelage de ces données, les méthodes de recherche en contexte réel, les

méthodes de recherche mixtes qui facilitent l’étude de phénomènes complexes

posent de nouveaux défis en matière de protection de la vie privée. Il va sans dire

que ces pratiques nécessitent des jalons bien définis.

En somme, il nous semble essentiel que la nouvelle version de l’ÉPTC2 reconnaisse

explicitement la RAP et idéalement, tienne compte des spécificités qu’elle pose en

matière d’éthique de la recherche dans un chapitre distinct. Tel que vous le savez tout

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probablement, le Comité permanent des IRSC sur l’éthique se penche actuellement sur

la RAP. Ceci confirme qu’il est essentiel, à la fois dans une perspective pédagogique

(plusieurs CER et autres intervenants ignorent en quoi consiste la RAP et peuvent

parfois se monter méfiants à son égard) et stratégique (afin de soutenir la RAP, des

mesures doivent faciliter l’évaluation de protocoles qui se fondent sur cette nouvelle

approche en recherche), d’inclure la RAP dans l’ÉPTC2.

Il va sans dire que d’autres mises à jour du cadre normatif en éthique de la recherche

semblent incontournables. En ce sens, l’Unité a envoyé quelques commentaires, le 1er

mars 2016, quant aux les modifications proposées aux Standards su l’ét ique de l

ec e c e et l’intég ité scientifique (Québec). Il nous semble imminent que des

changements aux cadres normatifs en éthique de la recherche doivent tenir compte des

nouvelles formes de recherche, dont la RAP.

Nous sommes bien conscientes que le secteur de la RAP est en évolution. Si les enjeux

éthiques sont reconnus, la façon de les gérer est aussi en évolution. À cet égard, l’Unité

a engagé une éthicienne, madame Emmanuelle Marceau, afin de l’accompagner dans

ses réflexions. L’Unité consacrera des ressources à ces réflexions. Nous serions en ce

sens ravies de participer à des travaux portant sur les enjeux éthiques liés à la RAP. Les

remarques formulées dans la présente lettre demeurent sommaires. C’est pourquoi

nous nous tenons disponibles pour une rencontre, téléphonique ou en personne, afin

de discuter de la nouvelle version de l’ÉPTC2 ou de tout autre élément en lien avec la

RAP. Rappelons en ce sens que l’Unité est en grande partie financée les IRSC, afin de

mettre en œuvre la Stratégie de la recherche axée sur le patient (SRAP), dans chaque

province canadienne. Il semble incontournable et crucial qu’un document aussi

important que l’ÉPTC2 reconnaisse et traite expressément de la RAP.

En vous remerciant pour l’attention que vous porterez à la présente lettre, recevez,

Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les plus distingués.

Marie-Dominique Beaulieu, M.D., FCMF, M.Sc. Professeur titulaire, Université de Montréal Directrice scientifique

Emmanuelle Marceau, Ph.D, M.A., B.C.L., LL.B. Conseillère en éthique

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