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AGENCE AFRICAINE POUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT GLOCAL Revue Africaine sur le Commerce et le Développement Numéro spécial sur le coton Français:Mise en page 1 21/04/11 16:34 Page1

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Numéro spécial sur le coton

Pages 4-8 Pages 37-41A. Panorama des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre

1. Situation des filières cotonnières en Afrique del’Ouest et du CentreAuteurs : José Tissier, AnneLegile, Lionel Cafferini,Philippe Dierickx, Jean-Christophe Pecresse, ingénieurs à l’AFD

B. Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

2. Le coton ne se mange pas, mais nourrit son homme…Auteur : Le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA)3. L’Association des Producteurs de Coton Africains(AproCA), professionnalisation des organisations et défense des intérêts des producteurs decotonAuteur : Komonsira Dioma, ResponsableCommunication, AproCA4. Les sociétés cotonnières : quels remèdes pour sauver la filière coton ?Interview avec : Adéyèmi Achamou Fahala,Ingénieur Agro-Economiste et Secrétaire Permanent de l’Association Cotonnière Africaine (ACA)

C. Le rôle des associations, des ONGs et des agences internationales actives dans le secteur du coton

5. Contribution de la Commission EuropéenneAuteurs : DG DEVCO, DG AGRI, DG COMMERCE6. COMPACI, l’engagement de la coopération allemandepour le soutien du coton africainInterview avec : Wolfgang Bertenbreiter,Team Leader Cotton Program, Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH (GIZ)7. La coordination et le suivi des activitésde développement liées au coton AfricainAuteurs : Pierre Berthelot, Directeurdu Secrétariat du Cos-coton et experten innovation au sein de l’Unité decoordination du programme tous ACPrelatif aux produits de base agricoles etFabio Berti, chargé de recherche àl’Université de Liège et expert coton enappui au programme tous ACP relatif aux produits de base agricoles

D. Valorisation du coton africain et industrie textile

8. La mode africaine comme élément devalorisation et image de marque de la production coton-textile en Afrique del’Ouest et du CentreInterview avec : Seidnaly Sidhamed Alphadi, Créateur de mode et Président du Fes-tival International de la Mode Africaine 9. Cotton made in Africa (CmiA) : une initiative qui relieles producteurs africains aux grandes marques de la distribution textile internationale selon un agenda alliantbusiness et développementInterview avec : Christoph Kaut, ManagingDirector de l’Aid by Trade Foundation

E. Les enjeux de la recherche scientifique dans le soutien des filières coton en Afrique de l’Ouest et du centre

10. L’importance et le rôle de la recherche scientifique africainedans le soutien des filières coton,CORAFAuteurs : O. Ndoye, H. Roy-Macau-ley, M. D. Faye, A. Sangaré, P. Sérémé,CORAF/WECARD11. « L’introduction des biotechnologiesdans l’agriculture africaine : la problématique de l’adoption du coton Bt en Afrique de l’Ouest », EndadiapolAuteur : Abdoulaye Koné, Economiste Rural, Endadiapol

F. Le coton dans un environnement mondialisé - enjeux pour la sous-région

12. Une approche régionale pour ladynamisation des filières cotonnièresen Afrique de l’Ouest, diagnostic etpropositions Auteurs : Léonidas Hitimana et JeanSibiri Zoundi, OCDE Secrétariat du Clubdu Sahel et de l’Afrique de l’Ouest13. Une vision macro des filières coton en Afrique del’Ouest et du Centre : l’Agenda coton de l’UEMOA Interview avec : Balla Diong, Directeur du Département Entreprise, Industrie et Artisanat de la Commission de l’UEMOA14. Quel rôle pour les mesures de défense commercialedans la promotion d’une industrie de transformation ducoton en Afrique de l’Ouest ? Auteur : Ousseni Illy, Docteur en droit international économique, Global Leaders Fellow,Universités d’Oxford et de Princeton15. L’appui à la gestion des risques agricoles :l’exemple des mécanismes d’atténuation de la volatilité desprix du coton au Burkina FasoAuteurs : José Tissier, Anne Legile,Philippe Dierickx, ingénieurs à l’AFD

G. Le coton africain dans le cycle de Doha

16. L’initiative sectorielle en faveur du coton africain : évolutions, difficultés et situation actuelle des débats et négociationsInterview avec : l’Ambassadeur Prosper VOKOUMA, Coordonnateur du C4 à Genève17. Quantification de l’impact des subventionsaméricaines sur les filières coton en Afriquede l’Ouest et du CentreAuteur : Daniel A. Sumner, Director, University ofCalifornia Agricultural Issues Center and Frank H.Buck, Jr. Professor,Department of Agricultural andResource Economics18. Le dossier coton à l’OMC : Des victoires juridiques et politiques qui restent à concrétiserAuteur : Romain Benicchio, Oxfam International19. La défense du coton brésilien, rétrospective et analysesInterview avec : Flavio Damico, Premier Conseillerà la mission du Brésil auprès de l’OMC à Genève20. Le dossier du coton africain à l’OMC, l’ultime option du contentieuxAuteur : El Hadji Diouf, Directeur Exécutif, 2ACD

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

Pages 10-18

Pages 20-26

Pages 28-36

2 Sommaire

Pages 43-53

Pages 54-66

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Éditorial 3

«Depuis le temps qu’on écrit, écrit, écrit, les choses ont cyniquement peu avancé», a répondu un ex-pert sur le coton, qui souhaite « rester dans les choses concrètes ayant des avantages comparatifsréels ». Il a ainsi poliment mais fermement décliné l’offre de rédiger un article pour une « énième »

parution sur le coton africain. A son stade de projet, ce numéro spécial sur le coton africain a suscité de multiplesréactions de la part des parties prenantes. Ces réactions ont mêlé l’énergie, la volonté de changement et la re-cherche de synergies à de la lassitude et de la frustration. Comment se fait il que les problèmes de la filière,diagnostiqués aux niveaux interne et international depuis au moins neuf années, n’ont pas encore pu trouverles solutions idoines ?

Le projet est ambitieux : il s’agit de dessiner un état des lieux des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre,en donnant la parole à des experts de disciplines différentes et construire une plateforme pour des propositionsde sortie de crise concrètes, techniques, réalistes, mais ambitieuses. Son succès dépend de l’intérêt et de la mo-bilisation des acteurs du secteur cotonnier.

Ce numéro spécial n’est donc pas une « énième » parution sur le coton, au moins pour deux raisons :l Il s’agit moins d’une synthèse que d’une plateforme rassemblant des expertises différentes. Cet état deslieux du secteur du coton en Afrique de l’Ouest et du Centre se construira à la façon d’une mosaïque orga-nique. Nous comprendrons ainsi, ensemble, comment soutenir les filières coton de la sous région.l Depuis nos claviers et écrans, nous sommes des oreilles, des relais, des amplificateurs d’analyses. Nousaccueillons les dissonances constructives et les analyses à rebrousse-poil. Nous avons besoin de vos réactions,de vos critiques, de vos expertises. L’expression de vos besoins fera la qualité de cet outil.

Le défi est considérable. Ce numéro spécial se veut une sorte de catalyseur, et ambitionne de contribuer à uneréflexion nourrissant des actions concrètes, un lieu d’échange de connaissances et d’ interactions, proposant desnouvelles pistes de défense, de protection et de soutien aux filières et présentant des initiatives de qualité.

Vous, chers lecteurs, acteurs engagés dans et pour les filières coton, êtes invités à vous saisir de cet outil. Ce n’estqu’avec votre concours que nous parviendrons à le rendre efficace.

Quel diagnostic posent l’AproCA, le ROPPA, l’ACA, le Club du Sahel de l’Afrique del’Ouest sur la situation actuelle des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre ?

Que pense le créateur nigérien, Alphadi, du rôle de la mode dans la valorisation de laproduction textile africaine ?

Quels sont les rôles et activités du CORAF, de la GIZ, de l’AFD, de la CommissionEuropéenne ou du Cos Coton dans les filières coton ?

Que peuvent apprendre les pays africains de l’expérience de saisine de l’Organismede Règlement des Différents à l’OMC par le Brésil ? L’approche par le contentieuxpourrait-elle faire sortir la question du coton de l’impasse ?

Pourrait-elle représenter l’ultime option qui reste aupays africains à l’OMC ?

Quels peuvent êtres les outils de protection d’un mar-ché textile africain ?

Si ces questions et bien d’autres vous intéressent, par-courez les pages suivantes et faites nous parvenir voscommentai res.

Ce numéro spécial n’aurait pu voir le jour sans la contribu-tion de qualité des différents auteurs, la patience et la colla-boration des secrétariats de leurs différentes organisationset la mise à disposition gracieuse des photos du CIRAD.L’équipe de 2ACD les remercie sincèrement. n

A quoi bon un numéro spécial de plus sur le coton Africain ?

l Annick GOUBAResponsable

du Projet Coton, 2ACD

L’Agence Africaine pour le Commerce et le Développement (2ACD)«Mettre le commerce au Service du Développement de l’Afrique»

Ses missions :n La mise en cohérence des diffé-rentes politiques commerciales afri-caines, aux niveaux multilatéral,régional et bilatéraln La mise à la disposition des négo-ciateurs africains de l’informationtechnique nécessaire à l’élaborationde positions de négociationsn Le renforcement des capacités desparties prenantes africaines dans lesnégociations commerciales : gouver-nements, Société Civile, Secteur pro-ductif, milieux académiques etc.

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L’avenir des filières cotonnièresen Afrique, notamment en zoneCFA, et leur importance pour le développe-ment, sont discutés malgré les « success sto-ries » de ce secteur.Dans les pays de la zone franc, la campagne2003-04 a culminé à 1,120 million de tonnesde coton fibre, soit plus de 4 % de la produc-tion mondiale et près de 15% des exportationstotales. Les filières ouest-africaines ont depuislors vu leur production chuter de moitié. Unredressement est en cours (492 000 tonnes en2009-10, 619 000 tonnes en 2010-11), maisla production des pays de la zone francne représente aujourd’hui que 2,5 % dela production mondiale. Le faible poids des pays africains dans l’éco-nomie cotonnière mondiale, la volatilité crois-sante des cours du coton1 sur le marchémondial, l’arrimage du franc CFA à l’euro etla dépréciation du dollar US2 - monnaie de co-tation du coton - et enfin l’augmentation descoûts de production, liée au renchérissementdes produits pétroliers et, partant, des in-trants cotonniers (engrais minéraux3 notam-ment), des frais d’égrenage et des frais decommercialisation, constituent autant de han-dicaps pour les filières cotonnières enclavéesde la zone CFA. A ces contraintes, s’ajoutent les consé-quences des soutiens des pays du Nord(USA ou UE) et de la Chine, dont l’effetdépressif sur les cours mondiaux, reconnu parl’OMC, a pu être évalué autour de 15 %, et laconcentration du négoce international(faillite de «petits traders » en 2008 commeReinhart USA, laissant la place à Louis Drey-fus et Cargill), dont il est encore difficile demesurer les conséquences.Parallèlement, l’écart de productivitéentre les filières cotonnières ouest-afri-caines - qui obtiennent pourtant, du fait de

leur intégration, des résultats techniques si-gnificativement plus importants que leurs ho-mologues en Afrique de l’Est - et le reste dumonde s’est accru. Au début des années80, les rendements en coton fibre à l’hectareavoisinaient 400 Kg par hectare, en Afriquede l’Ouest comme au niveau mondial. Depuis,la mo yenne mondiale a progressé pour attein-dre 750 Kg, au milieu des années 2000. Dansle même temps, le rendement en Afrique del’Ouest est à peine arrivé à se maintenir. L’ir-rigation -qui concerne 60 % de la surface co-tonnière du monde - explique bien sûr engrande partie ce décalage, puisqu’il permet desécuriser les résultats d’une intensification detype première «Révolution verte». En produc-tion pluviale, la moyenne mondiale est d’en-viron 450 Kg. A l’exception du Brésil qui tirela moyenne mondiale en culture pluviale,l’Afrique de l’Ouest obtient toujours les meil-leurs résultats. Un certain décrochage semblecependant se produire depuis 1996, du fait durecours aux variétés génétiquement modifiéesdans les autres continents.Malgré le repli qu’elles ont connu, les filièrescotonnières continuent à tenir une placeconsidérable dans l’économie de nombreuxpays de la zone soudano-sahélienne, en pro-curant des revenus à une partie importantedes ruraux et des devises aux Etats.L’hétérogénéité des rendements au champ etde la productivité du travail montre que d’im-portantes marges de progrès existent.S’il est encore prématuré d’apprécier les effetsde l’introduction des variétés OGM, déjà im-portante au Burkina-Faso4, le potentiel qu’of-frent certaines techniques est aujourd’huibien connu : fertilisation organique, applica-tion raisonnée des engrais minéraux, gestionraisonnée des parasites, petite mécanisationpar traction animale qui permet des semisplus précoces, semis direct, avec ou sans cou-

verture végétale, etc.Par ailleurs, des efforts portant sur laqualité des fibres de coton (réductionde la contamination par les fibres syn-thétiques des sacs utilisés, améliora-tion des conditions de stockage auchamp, classification automatique dela fibre) commencent à porter leursfruits, permettant au coton africain deretrouver progressivement son image.La baisse des prix et les crises qu’ont

traversées certaines filières ont conduit lesproducteurs cotonniers à des arbitrages. Ilsont délaissé le coton pour porter leurs effortssur les autres spéculations annuelles (cé-réales, sésame, tournesol, soja, arachide, tu-

bercules) et l’anacarde. Mais ces pro ductionssont elles-mêmes soumises à des aléas clima-tiques et de marché et ne bénéficient guère,pour l’heure de filières organisées. Dès lors que la rémunération de leur travailpar le coton et la visibilité qu’offrent les fi-lières cotonnières en termes d’accès aux in-trants, de prix et d’achat seront améliorées, ilsarbitreront en faveur de cette spéculation.

Pour autant, il demeure raison-nable de considérer que les fi-lières cotonnières africaines ontun avenir.

Par J. TISSIER, A. LEGILE, L. CAFFERINI, P. DIERICKX , J.-. PECRESSE - Ingénieurs à l’AFD

Situation des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre

Le faible poids des pays africains dans l’éco-nomie cotonnière mondiale, la volatilitécroissante des cours du coton sur le marchémondial, l’arrimage du franc CFA à l’euro etla dépréciation du dollar US - monnaie de co-tation du coton -et enfin l’augmentation descoûts de production, liée au renchérissementdes produits pétroliers et, partant, des in-trants cotonniers (engrais minéraux notam-ment), des frais d’égrenage et des frais decommercialisation, constituent autant dehandicaps pour les filières cotonnières encla-vées de la zone CFA.

4 A- Panorama des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre

Au Mali, récolte du coton pour la filière cotonéquitable (projet d’appui sous-régional) avec unsac en coton pour ne pas contaminer le produitavec des fibres syn thétiques - François Giraudy

La baisse des prix et les crises qu’onttraversées certaines filières ont conduitles producteurs cotonniers à des arbi -trages. Ils ont délaissé le coton pourporter leurs efforts sur les autres spé-culations annuelles.

1 Et périodiquement la faiblesse des cours de la fibre de coton libellés en US$ : l’indice A Cotlook est resté sensiblementinférieur à 60 US cents la livre de juillet 2004 à août 2007, puis de novembre 2008 à avril 2009 ;2 La valeur du dollar US a chuté de 1,16 euro en février 2002 à 0,83 en avril 2004 puis 0,63 en avril 2008 pour sesituer aujourd’hui autour de 0,74 euro.3 Le prix des engrais vendus au Cameroun a ainsi grimpé de 220 FCFA/Kg en 2004 à 340 FCFA en 2008 puis à 520FCFA en 2009.4 Au Burkina-Faso, les superficies emblavées en coton OGM représentaient en 2009-10 plus de 130 000 ha et en2010-11 près de 275 000 ha, soit les deux tiers de la surface.

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Au niveau international, la demande conti-nue sa remontée en 2010-11 puis 2011-12,tirée par les industries textiles de la Chine etde l’Inde5. La superficie emblavée a pro-gressé en 2010-11 puis en 2011-12, mais leratio stocks mondiaux sur utilisation devraitrester en dessous de la moyenne quinquen-nale de 50 %.Après plusieurs années difficiles, liées enpartie à la crise internationale, le cours ducoton est reparti à la hausse à partir du mi-lieu de l’année 2009. Des niveaux sans pré-cédents (plus de 200 cts/livre) ont étéatteints début 20116. L’indice A de Cotlook est estimé7 début mars2011 à 161 cts/lb pour la campagne 2010/11.Les filières cotonnières africainespour raient ainsi connaître une annéetrès favorable, susceptible d’améliorerleur situation financière et de restaurer laconfiance des producteurs. Cependant, l’évolution des prix relatifs ducoton et des principales productions alter-natives (céréales ou oléagineux), qui ex-plique une partie du déclin de la productionen 2006-07 et 2007-08 puis le redressementdepuis l’été 2009, sera déterminante.Pour la campagne 2001-2012, même s’il fauts’attendre - avec l’augmentation de la super-ficie cotonnière - à des niveaux plus bas quelors de la campagne en cours, les prix de-vraient rester supérieurs à la moyennedes dix dernières années.En définitive, les systèmes de productionen zone cotonnière ouest-africaine ap-paraissent largement du ra bles. Cetteculture est économe en eau - elle est pluviale- et relativement à la plupart des systèmesconcurrents, elle est économe en carburants,engrais et pesticides.

L’embellie induite par les courset le raffermissement du dollarUS, ne devraient pas conduireles filières à reporter les restruc-turations. Au con traire, ellepourrait les faciliter.

Dans certains pays (Sénégal, Burkina-Faso)les réformes sont pour l’essentiel réalisées.

Le Sénégal a privatisé sa sociétécotonnière, la SODEFITEX. Celle-ci est contrôlée aujourd’hui par legroupe GEOCOTON, filiale du

groupe ADVENS, qui est également présentau Sénégal dans la filière arachide à la suitede la privatisation de la SONACOS, devenueSUNEOR. La stratégie du groupe peut ainsiintégrer coton, oléagineux et agrocarburants. Le paysage institutionnel semble relative-ment fixé, les producteurs étant organisésdans le cadre de la Fédération Nationale desProducteurs de Coton du Sénégal (FNPCS).Le président de la FNPCS a été élu à la têtede l‘Association des producteurs de cotonafricains (AProCA), tandis que le directeurde la Soderfitex préside l’association coton-nière africaine (ACA) qui regroupant les so-ciétés cotonnières.Les dernières années ont été difficiles pourla SODEFITEX (20.000 tonnes de cotongraine en 2009 pour une capacité d’égrenagede 65.000 t.), les producteurs délaissant lecoton, au profit de l’arachide dont les prixsont soutenus par l’Etat. Une relance semblecependant s’amorcer (40.000 tonnes en2011). Par ailleurs, la SODEFITEX soutientla diversification arachide/coton/maïs/éle-vage pour sécuriser les revenus et, via la fu-mure organique, la fertilité des sols. Unrenforcement de l’encadrement a été amorcéà cet effet et la structuration de la filièremaïs (achat, stockage, première transforma-tion) est engagée.

Au Burkina-Faso, une libéra-lisation partielle de la filièrea été réalisée en 2004. Auxcôtés de la société cotonnière «his-

torique», la SOFITEX (86 % de la productionnationale) deux sociétés privées ontété constituées : FASOCOTON(groupe Aga Khan et Paul Reinhart,3 % de la production) dans la régionCentre et SOCOMA (groupe GEO-COTON, 8 % de la production) dansla région Est.La filière est structurée selonun modèle d’intégration verti-cale, que l’on retrouve au niveau dechacune des trois sous-régions co-tonnières. Chaque société se retrouve

dans sa zone en situation de monopsone,avec l’obligation d’y acheter toute la pro-

duction de coton-graine. Elle fournit auxproducteurs les intrants à crédit (intrantscoton mais aussi intrants céréales) gagés surla production de coton-graine et l’annonceavant les semis d’un prix minimum de cam-pagne pour le coton-graine. Prix des intrantset prix du coton sont uniformes sur le terri-toire national.Au plan institutionnel, la filière burki-nabé est bien structurée. L’Etat, qui resteactionnaire majoritaire de la SOFITEX,conserve une fonction d’orientation au traversd’un Comité de Suivi de la Filière Coton Libé-ralisée. Les sociétés cotonnières sont réunies ausein de l’Association Professionnelle des Socié-tés Cotonnières du Burkina (APROCOB). Lesproducteurs sont fédérés dans le cadre del’Union Nationale des Producteurs de Coton duBurkina (UNPCB). Les deux familles se retrou-vent au sein d’une Association Interprofession-nelle du Coton du Burkina (AICB). Lesproducteurs détiennent des parts du capital dechacune des trois sociétés et participent à cetitre aux conseils d’administration.En 2005-2006, après sept années successivesde croissance, la filière burkinabé est devenuela plus importante d’Afrique : 300.000 exploi-tations familiales ont produit plus de700.000 tonnes de coton graine. 20 % dela population du pays était concernée.En 2006, la structuration interprofessionnellea rendu possible la conception d’un méca-nisme innovant de gestion du risqueprix. Un Fonds de Lissage des prix du cotongraine sur la base d’un prix indexé sur les coursinternationaux de la fibre de coton a été mis enplace avec l’appui du gouvernement et un fi-nancement de l’AFD, qui ont permis l’abonde-ment initial du fonds à hauteur de 18 M euros,niveau toutefois en deçà de celui défini par lesétudes de faisabilité. Rattrapée par une crise largement due à descauses externes, la filière a connu, depuis,des années difficiles. Les sociétés coton-nières ont accumulé des pertes financièresmalgré l’intervention du fonds de lissage.L’Etat a du intervenir pour la recapitalisationde la SOFITEX (société dans laquelle il estredevenu actionnaire majoritaire, les parti-cipations du groupe GEOCOTON et des pro-ducteurs ayant été diluées). Les producteurs,confrontés à des retards de paiement et àl’apparition d’impayés internes aux groupe-ments, se sont progressivement reportés sur

Caisses de coton - Krishna Naudin

5 L’Inde, est passée de la position de deuxième importateur mondial en 2001-02 à celle de deuxième exportateur en2007-08.6 L’indice Cotlook a atteint un record de 235,50 cts/livre le 18 février 2011. Mais cet indice est davantage une indicationdu niveau des transactions entre « traders » et industriels qu’entre sociétés cotonnières et traders. En outre, ce pic cor-respond à une période où le marché est particulièrement atone.7 Mais vu le caractère exceptionnel de l’envolée actuel des cours, les interrogations sur le modèle de détermination desprix de l’ICAC ont conduit ce dernier à baser cette estimation sur le prix moyen de la première moitié de la campagne2010-11.

Techniques de Semis sous Couverture Végétale : coton surpaillage, là encore destiné à maintenir/restaurer la fertilitédes sols (Cameroun et Burkina) - Krishna Naudin

Un marché de coton à la tombée du jour - Anne Legile

A- Panorama des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre 5

Dès lors que la rémunération de leurtravail par le coton et la visibilité qu’of-frent les filières cotonnières en termesd’accès aux intrants, de prix et d’achatseront améliorées, ils arbitreront en fa-veur de cette spéculation.

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6 A- Panorama des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre

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d’autres cultures et la production a été rame-née aux environs de 350.000 tonnes.Pour 2010-2011, malgré un prix de débutde campagne incitatif de 182 FCFA (contre160 FCFA l’année précédente) et le maintiend’une subvention sur les engrais et en dépitdes efforts des sociétés pour réduire les délaisde paiement, les surfaces emblavées n’ont quefaiblement progressé. Comme le rendementrestera inférieur à une tonne par hectare, aufinal la production ne devrait atteindre que400 000 tonnes, loin de l’objectif de 580 000tonnes. L’utilisation à large échelle du cotongénétiquement modifié (66% des surfaces en2010-2011) n’entraine pas de hausse de ren-dement puisque la pression parasitaire estrestée faible lors de cette campagne. Les acteurs de la filière (sociétés cotonnière etresponsables professionnels) sont préoccupéspar la lenteur de la reprise. Afin de prépa-rer la campagne 2011-2012, le versementd’une ristourne a été anticipé en payant lecoton à 200 FCFA, un prix complémentairede fin de campagne a été annoncé. Les socié-tés ont payé au plus vite le coton après enlè-vement. Des campagnes de communicationont été réalisées. Les intentions d’emblave-ment ont augmenté mais pas dans les propor-tions espérées. L’annonce du prix de début decampagne 2011/2012 sera probablement dé-terminante.Par ailleurs la crise politique de Côte d’Ivoirepèse sur la filière coton burkinabè : des cou-pures de courant8 pénalisent les usinesd’égrenage et les couts de transport de la fibrede coton et des engrais augmentent, du fait dela nécessité d’utiliser d’autres ports que celuid’Abidjan.Dans ce contexte, des évolutions institu-tionnelles impor tan tes sont program-mées pour 2011 et 2012 : ajustement dumécanisme de Fonds de lissage, restructurationfinancière de SOFITEX, avec la vente des partsde l’Etat (51% du capital social) et restructura-tion industrielle avec redécoupage des zonesd’exclusivité entre SOFITEX et FASO COTON.Une réflexion a été engagée également pour unmécanisme de financement des intrants quipermettrait d’en abaisser le coût.Une subvention de 11,6 M euros de l’AFD et unfinancement de 5 M US$ octroyé par la BanqueMondiale, portent sur le renforcement des ca-pacités des producteurs et de leurs organisa-tions, via le développement du conseil degestion aux exploitations et aux groupements.L’UNPCB qui a connu en 2009/2010 un re-nouvellement de l’ensemble de ses élus est leprincipal bénéficiaire de ce concours.

D’autres pays (Côte d’ivoire, Bénin, Togo) ontfait des réformes radicales génératrices de dif-ficultés qui perdurent malgré un certain réta-blissement

En Côte d’Ivoire, en 2002, la pri-vatisation de la société cotonnièrea été faite en mettant fin à la fois àl’intégration verticale (séparation

de l’égrenage et de la trituration des graines,fin du monopole régional de collecte). Endésaccord avec ces options, les partenaireshistoriques de la filière, le groupe DAGRIS,et l’AFD se sont désengagés.Les six sociétés cotonnières sont regroupéesau sein de l’Association Professionnelle desSociétés Cotonnières de Côte d’Ivoire (APRO-COT-CI). Les producteurs sont aujourd’huiréunis en une fédération AFFICOT-CI, l’Asso-ciation des Faîtières de la Filière Cotonnièrede Côte d’Ivoire (on en conterait 26). L’AFFI-COT-CI et l’APROCOT-CI siègent ensemble àl’INTERCOTON, l’organisation interprofes-sionnelle créée en 2000.Mais ce dispositif n’est guère efficace. En l’ab-sence d’un minimum de gouvernance de la fi-lière (collecte sauvage, exportation du cotongraine vers les pays voisins, non paiement desproducteurs, faillite frauduleuse de l’un desopérateurs…), puis du fait de la crise poli-tique, la production est passée de 400.000tonnes de coton graine en 2001-02, à 120.000tonnes en 2007-2008, pour une capacitéd’égrenage de 520.000 tonnes (13 usines).Un programme d’Appui à la Réorganisationde la Filière Coton est financé par l’UE (15 Meuros). Il porte sur l’apurement des impayésliés à la faillite de l’une des sociétés et l’amé-lioration de la productivité du secteur par larelance de la culture attelée et la productionde semences améliorées. L’amélioration de lagestion interprofessionnelle dans la filièrecoton est un des objectifs.Les dernières campagnes traduisent cepen-dant un certain regain d’intérêt des pro-ducteurs. La production est remontée à123.000 tonnes en 2008-09, puis 185.000 en2009-10 (60 000 producteurs)9, Elle pourraitdépasser les 210 000 tonnes cette campagne2010-11, grâce à l’introduction d’une nouvellevariété de semences et à une subvention surles engrais. Mais l’aggravation de la crise po-litique ne permet pas aux sociétés coton-nières de disposer des financementsnécessaires pour les intrants agricoles et lepaiement de la récolte.

Le Bénin offre un autre exem-ple de filière libéralisée, à par-tir de 1992, avec l’abandon del’intégration verticale, l’approvision-

nement en intrants, l’égrenage, la commercia-lisation, l’ac compa gnement des pro duc teursétant confiés à des entités distinctes majori-tairement privées, mais aussi publiques (re-cherche, vulgarisation). La production, maintenue à 350.000 tonnesde coton graine pendant une dizaine d’an-nées, a atteint un maximum de 410.000tonnes en 2004-05. Elle a été de 160.000 t en2009-2010. En 2010-11, la production de-vrait remonter à 220.000 tonnes, pour unecapacité d’égrenage de 600.000 tonnes.Cette évolution résulte comme pour les autresfilières de la baisse des cours, mais aussi du

laxisme passé d’un Etat incapable d’inciter lesacteurs (égreneurs, distributeurs d’intrants etproducteurs) à établir et respecter des règlescommunes et de la difficulté des producteursà constituer un interlocuteur professionnelunique. Les autorités actuelles mettent en œuvre unprogramme d’assainissement et de relance dela filière coton, porté par une Association In-terprofessionnelle du Coton (AIC) : traite-ment des impayés, création de coopérativesvillageoises de producteurs de coton, dynami-sation des comités de crédits intrants) paie-ment intégral des producteurs au titre de lacampagne 2009-2010, création de ConseilsNationaux par famille d’acteurs, achèvementde la privatisation de la SONAPRA avec lavente des actifs industriels au groupe Talon etcréation de la SODECO, Société de Dévelop-pement du Coton.Cette société intègre l’appui à la production,l’égrenage et la commercialisation de la fibre.Contrôlant 90 % des unités d’égrenage en ac-tivité, elle participe de la reconstitution d’unefilière intégrée quasi monopolistique, la so-ciété LCB étant très minoritaire. Malgré des prix de campagne parmi les plusélevés de la sous-région, (190 FCFA.kg cotongraine pour la campagne 2010-11 et 20 FCFApour les fonctions critiques plus une éven-tuelle prime de 5 FCFA si le niveau de produc-tion atteint 350 000 tonnes ; 250 FCFA/kgcoton graine pour la prochaine campagne2011-12), les producteurs continuentd’arbitrer en faveur des productions vi-vrières (céréales, soja, manioc) pour les-quelles le gouvernement a également engagéun effort massif (intrants et petits équipe-ments subventionnés, achat partiel à prix ga-rantis) à la suite de la «crise alimen taire» de2008. Compte tenu de son appréciation du schémade privatisation retenu, l’AFD a depuis denombreuses années limité son appui à la fi-lière en le concentrant sur l’appui à la struc-turation professionnelle via le conseil degestion des exploitations et des organisationsde producteurs en zone cotonnière. (Projetd’Appui aux Dynamiques Productives Agri-coles, subvention de 10 M euros).

Le Togo a également connudes réformes insatisfaisantesqui ont induit une perte deconfiance des producteurs.

Après le pic de 190.000 tonnes de coton graineen 1998-99, la production s’est effondrée lorsde la campagne 2005-06 et stagne autour de30.000 tonnes, du fait de la réduction des sur-faces et de la baisse des rendements (pratique-ment divisé par deux en dix ans).

8 Une partie de l’électricité fournie par le réseau burkinabè estfourni par l’interconnexion avec la Côte d’Ivoire.9 Les producteurs, au nombre de 150 000 avant la crise,n’étaient plus que 42 000 en 2008-09.

En définitive, les systèmes de produc-tion en zone cotonnière ouest-afri-caine apparaissent largementdurables. Cette culture est économeen eau - elle est pluviale - et relative-ment à la plupart des systèmes con -currents, elle est économe encarburants, engrais et pesticides.

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A- Panorama des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre 7

L’arrivée d’égreneurs privés (SICOT en 1994,SOPIC en 1999, SOCOSA en 2001) horscadre institutionnel de régulation, a conduità un surinvestissement d’autant plus évi-dent aujourd’hui que ces trois sociétés ontcessé leur activité en 2005. Par ailleurs lamauvaise gouvernance de la société SO-TOCO explique largement l’incapacité de lasociété à honorer ses dettes vis-vis des pro-ducteurs. Les producteurs n’ont été payés au titre descampagnes 2003-04 et 2004-05 qu’à partirde 2007.Les autorités actuelles, avec l’appui de l’Eu-rope, ont pris en charge les arriérés aux pro-ducteurs, liquidé la SOTOCO et créé enjanvier 2009 la Nouvelle Société Cotonnièredu Togo (NSCT). Les producteurs, via uneFédération Nationale des Groupements deProducteurs de Coton (FNGPC), détiennent40 % du capital de cette nouvelle société. Lerenforcement des capacités de cette organi-sation apparaît dès lors comme une priorité.Une interprofession reste à créer et la priva-tisation de la société cotonnière devrait sui-vre. Pour la campagne 2010-11, la production estlégèrement remontée (60.000 ha pour40.000 tonnes avec un prix d’achat de 185FCFA). Les prévisions 2011-12 apparaissentraisonnables avec 80.000 tonnes. A l’hori-zon 2013, les autorités espèrent une produc-tion de 100.000 tonnes de coton graine, cequi rendrait la filière plus attractive pour desinvestisseurs.

Enfin, dans certains pays (Mali, Cameroun,Tchad), en l’absence de réforme, la filière co-tonnière reste intégrée autour d’une sociétépublique en situation de monopsone.

Longtemps la filière cotonnièredu Mali est demeurée la premièreen Afrique de l’Ouest avec uneproduction en forte croissance

pendant la décennie qui a suivi la dévalua-tion du FCFA10 passant de 405.000 tonnesde coton graine en 1995-96 à son record de620.000 tonnes en 2003-04. Depuis lors,la production a progressivement régressé,puis s’est effondrée, suite à la chute des coursdu coton en contrevaleur CFA, aux difficultésfinancières de la CMDT et aux arriérés depaiement consécutifs, pour atteindre son ni-veau de production le plus bas depuis vingtans en 2008-09 -malgré un prix au produc-teur attractif de 200 FCFA / Kg - avec201 000 tonnes. La contribution directeau PIB de la filière coton n’était ainsi plusque de 2% en 2008. La valeur des exporta-tions de coton a diminué d’année en annéepour ne plus représenter que 11% du totaldes exportationsLa réforme du secteur coton a longtemps étébloquée pour des raisons politiques. Les dif-ficultés financières de la CMDT et l’appari-tion d’arriérés de paiement vis-à-vis desproducteurs ont retardé le processus ces der-nières années. Les autorités semblent au-jourd’hui déterminées à relancer et réformerla filière.

L’apurement des arriérés en août 2009, lasubvention des engrais, la promotion de cer-cles de caution au sein des Sociétés Coopé-ratives de Producteurs de Coton a conduitdes producteurs qui s’en étaient détournés11

à revenir au coton en 2009-2010. Mais lapluviométrie n’a pas permis le rendementespéré12 et la production n’est remontée qu’à230.000 tonnes. En fin de campagne uncomplément de prix a été versé aux produc-teurs, un fonds de soutien a été abondé etune contribution au budget de fonctionne-ment du réseau coopératif a été mobilisée.La campagne 2010-2011 a démarré dansd’excellentes conditions climatiques. Avec plus de 280.000 ha cultivés, on attendune production de 260.000 tonnes (moinsd’une tonne à l’hectare). Le plan de cam-pagne 2011-2012, fondé sur une superficiecultivée de 367.000 ha et un rendementmoyen d’une tonne à l’hectare, prévoit uneproduction d’environ 370 000 tonnes decoton graine, qui apparaît quelque peu vo-lontariste. Le prix producteur pourrait êtrefixé à 255 FCFA/kg (soit une hausse de 38 %par rapport à la campagne précédente).Parallèlement, le Processus de Réformedu Secteur Coton est entré dans unephase décisive. La CMDT a été « filiali-sée » en septembre 2009 avec la création dequatre filiales et la création de la CMDT Hol-ding. Un plan social signé début janvier 2010 etentièrement financé par l’Etat a été exécuté.L’avis d’appel d’offre pour la privatisationdes filiales par cession de blocs majoritairesd’actions par la holding publié le 22 février2010 a abouti à la pré-qualification de six so-ciétés en mai 2010. A l’issue de l’analyse des offres techniques etfinancières, le processus de négociation avecles attributaires provisoires devrait com-mencer. De nouveaux investisseurs asia tiquespourraient être attributaires finaux etferaient ainsi leur entrée dans la productioncotonnière ouest-africaine. Chaque investis-seur privé détiendrait 61 % du capital social.Les producteurs agricoles et les salariés de lacompagnie entreraient au capital en déte-nant respectivement 20 % et 2 % de celui-ci.L’Etat conserverait une part résiduelle de17 %. Le paysage institutionnel se met en placeprogressivement.Une Union Nationale des SociétésCoopératives de Producteurs de Cotondu Mali, qui fédère les différents niveauxrégionaux, sectoriels et communaux, repré-sente les 7.000 Sociétés Coopératives deProducteurs de Coton. L‘Inter-association Professionnelledu Coton (IPC), créée le 3 février 2009regroupe l’UNSCPC et l’Association Pro-fessionnelle des Sociétés Cotonnières duMali (APROSCOM). Elle permettra auxdifférents groupes professionnels impli-qués dans la filière de gérer ensemble lesfonctions critiques et toutes les questionsd’intérêt commun : système d’informa-

tion sur la filière, plan de campagne, méca-nisme de détermination du prix au produc-teur, approvisionnement en intrants, gestionde l’encadrement, recherche agricole, se-mences, pistes rurales.Un Cadre Stratégique de Développement duSecteur Coton et une Lettre de Politique deSoutien au Secteur Coton ont été adoptés en2010. La création d’une Autorité de Régula-tion du secteur (ARSC) a fait l’objetd’un projet de loi adopté en conseil des mi-nistres du 9 février 2011 et transmis à l’As-semblée nationale pour examen.La création13 d’un Office de Classement duCoton, dont le capital est détenu à 100% parla CMDT, complète le nouveau dispositif.L’AFD soutient le développement des zonescotonnières au Mali avec le projet d’Amélio-ration des Systèmes d’Exploitation (subven-tion de 11 M euros). L’achèvement duprocessus de privatisation permettra la re-prise des investissements dans le secteur

La production cotonnière a connuau Cameroun une évolution si-milaire à celle du Mali. Durant ladécennie post dévaluation la pro-

duction s’accroît régulièrement et atteint306 000 tonnes en 2005-06. Elle chute en-suite et atteint son point le plus bas en 2007-08 et 2009-10 avec 110 000 tonnes.La campagne 2010/2011, avec un peuplus de 150.000 tonnes ; marquera uneinflexion en raison d’une augmentation dessurfaces dynamisée par l’annonce d’un prixproducteur14 élevé, une baisse du coût decession des intrants, un assainissement de lasituation des groupements avec l’exclusiondes mauvais payeurs et une nette améliora-tion des rendements permise par de nou-velles variétés15 de coton. Les réformes engagées récemmentpar la société cotonnière SODECO-TON se mettent progressivement enplace et contribuent à redynamiser la filière.La clarification des tâches entre la SODECO-TON et la Confédération Nationale des Pro-ducteurs du Cameroun (CNPCC), se traduitpar un recentrage de la société cotonnièresur le conseil technique à la production et laprise en charge par l’organisation de produc-teurs des questions relatives à la gestion desgroupements et au crédit intrants. La sup-pression de certaines activités (alphabétisa-tion) a permis une certaine réduction descharges d’encadrement alors que dans lemême temps le tourteau de coton est davan-tage valorisé. Une diversification raisonnéevers le soja est engagée. Parallèlement la SO-

10 à l’exception de la campagne 2001-02, où une grève du cotonpar les producteurs a conduit à réduire de moitié la production.11 Mais la méfiance des plus gros producteurs vis-à-vis de la cau-tion solidaire a continué…12 Le rendement plafonne à 915 kg/ha et est en baisse par rapportà l’année précédente.13 Avec un appui financier de la Banque Mondiale.14 200 FCFA pour le premier choix, auquel s’ajoute une primed’objectif de 10 FCFA ;15 Le gain à l’hectare étant estimé à 200 Kg, le rendement moyenatteint ainsi 1,1 tonne de coton graine à l’hectare. A noter que cesnouvelles variétés permettent également une augmentation dutaux d’égrenage qui atteint ainsi 42%.

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8 A- Panorama des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest et du Centre

DECOTON envisage de nouvelles relationsavec les producteurs les plus spécialisés et ex-périmente des variétés génétiquement modi-fiées. L’Etat a subventionné les engrais aucours des deux dernières années afin d’encou-rager leur utilisation. A l’instar de la filièrecoton du Burkina, la filière envisage de se doterd’un fonds de lissage des prix.Bien qu’évoquée depuis une quinzaine d’an-nées, la privatisation de la SODECOTONn’a plus avancé depuis 1994, année d’unetentative de prise de contrôle par un groupe depersonnalités du Nord du pays entrées au ca-pital à hauteur de 11 %. L’Etat détient directe-ment ou indirectement 59 % des actions, legroupe GEOCOTON détenant le solde. LaConfédération Nationale des Producteurs deCoton du Cameroun (CNPC), qui avait àl’époque créé une Société d’Investissement desProducteurs de Coton du Cameroun (SIPCOC)et constitué une épargne de 5,5 milliardsFCFA, demeure donc à la porte. Cependant lesproducteurs sont associés au fonctionnementde la filière dans le cadre d’un partenariat étroitavec la SODECOTON et prennent dorénavanten charge les fonctions essentielles d’approvi-sionnement, de crédit et d’appui à la gestiondes groupements. La poursuite et l’extension du projet «Eau, Sol,Arbre» qui traite de la question sensible de laconservation des sols, est envisagée dans lecadre des accords concernant le Contrat Dés-endettement-Développement passé entre leCameroun et la France.

Au Tchad, la production co-tonnière, longtemps calée au-tour des 100.000 tonnes, achuté à partir de 2000. En

2009-10 et malgré un prix attractif pour lesproducteurs (180 FCFA/Kg), elle est descen-due à 33.500 tonnes du fait du désintérêt desproducteurs (retards de paiement, absenced’encadrement, manque d’intrants). La sur-face emblavée a ainsi été divisée par deux cesdernières années et le rendement à l’hectare,pourtant déjà l’un des plus bas de la sous-ré-gion, s’est effondré (300 Kg/ha en moyenne).Par ailleurs, l’outil industriel est particulière-ment dégradé. La société d’Etat, COTONT-CHAD est en situation de faillite.Les autorités semblent en avoir pris la me-sure. La société est repassée sous la tutelle duministère du commerce, une nouvelle équipede direction a été mise en place et un plan deredressement mis en œuvre (licenciementd’un tiers des effectifs). La privatisation ra-pide de la société, en discussion au moins de-puis 1999 avec la Banque Mondiale, apparaîtcomme la seule issue possible. Le schéma re-tenu prévoit la constitution d’un seul lot com-prenant l’ensemble des actifs industriels ycompris l’huilerie. La recapitalisation parl’Etat de la société, préalable ou non à la pri-vatisation, demeure un point de débat avec lespartenaires financiers du pays.La restauration de la confiance des pro-ducteurs sera un élément décisif d’unplan de relance. L’Union Nationale des Pro-ducteurs de Coton du Tchad (UNPCT) est l’as-

sociation la plus fragile de la région, d’autantque le gouvernement a soutenu fin 1999, unestructure concurrente.

Enfin, dans certains pays la production coton-nière demeure résiduelle, comme en Guinée eten Centrafrique (avec moins de 15.000 tonnesde coton graine en 2010-11) et a pratique-ment disparu du Niger (moins de 5.000tonnes en 2010-11). Pour conclure ce tour d’ho-rizon de la production cotonnière en Afriquede l’Ouest et du centre, il n’est pas sans intérêtde constater que le Ghana, qui connaît un dé-veloppement agricole et rural remarqué dansla sous-région, mais dont la filière s’est effon-drée suite à des réformes institutionnelles fâ-cheuses (production de moins de 10.000tonnes en 2010-11) envisage de relancer safilière cotonnière en s’inspirant de l’expé-rience de voisins comme le Burkina-Faso).

Conclusion Les filières cotonnières ouest-africaines ontconnu durant ces dernières décennies des évo-lutions institutionnelles importantes,qui ont pu prendre des formes variables selonles pays avec des impacts eux aussi divers : laproduction explosant dans certains pays pourpratiquement disparaître dans d’autres.Toutes ont cependant connu la montée enpuissance des producteurs, qui par le biaisde leurs organisations faîtières sont de plus im-pliqués dans la gestion concertée des filièresdans le cadre d’un partenariat avec les sociétéscotonnières. Certains observateurs imaginentmême l’avenir avec la prise en mains complètepar les producteurs des sociétés de développe-ment cotonnier à l’instar de leurs homologuesfrançais des filières oléagineuse et protéagi-neuse.La filière du Burkina-Faso, qui connaît pour-tant ses propres difficultés, apparaît de plus enplus comme la référence, inspirant aujourd’huila réflexion dans les derniers pays à entamer laréforme de leur secteur coton (Cameroun,Mali, Togo, Tchad…). Le caractère intégré dela filière, l’existence d’une zone définie où la so-ciété d’égrenage est en position de monopsone,et une organisation interprofessionnelle solidecons tituent les fondements majeurs de la per-formance reconnue de cette filière. C’est aussice qui lui a permis d’innover sur le plan écono-mique avec la mise en place du mécanisme delissage de la volatilité des cours qui a démontréson intérêt et sa fiabilité depuis cinq cam-pagnes et constitue un élément de réponse in-téressant face au risque croissant defluc tuation des cours. Sur le plan technique, le caractère économe dessystèmes de production agricole en zones co-tonnières ouest-africaine constitue à terme unatout qui devrait, avec l’augmentation prévisi-ble du coût des produits pétroliers et la concur-rence croissante des différents usages de l’eau,s’avérer déterminant. D’importantes margesde progrès demeurent pour développer la pro-duction cotonnière, en intégrant les possibili-tés de diversification complémentaire avec lesoja, le tournesol, pour faire bénéficier les pro-ductions vivrières présentes dans les rotations

(céréales) de l’organisation des filières coton-nières… et pour mieux en valoriser les sous-produits (graine de coton, tiges de cotonniersen compost ou comme charbon de bois…). Pour valoriser ces atouts une rénovation desdispositifs d’appui et de conseil aux produc-teurs est nécessaire. Sur le plan économique, les efforts de qualité,la politique de rationalisation des coûts opérésau niveau des sociétés cotonnières et l’investis-sement dans certaines niches com mercialescomme le coton équitable ou bio équitable16

sont des éléments propres à profiter de ma-nière optimale du redressement des cours et del’appréciation du dollar face à l’euro. Sur le plan institutionnel, de nouvellesévolutions sont sans doute à attendre,avec l’arrivée probable de nouveaux investis-seurs (asiatiques notamment) intéressés às’engager dans la production industrielle pourgarantir leurs sources d’approvisionnement.De plus en plus, les bailleurs de fondss’intéressent à l’évolution de ces filières,dont le mode d’organisation constitue une ré-férence intéressante en matière d’agriculturecontractuelle, de partenariat entre un investis-seur privé agroindustriel et une multitude deproducteurs agricoles familiaux indépendants.Leur appui demeure toujours nécessaire, no-tamment en matière de renforcement des ca-pacités des producteurs et de leursorga nisations, et de mise en œuvre des fonc-tions dites critiques (recherche, pistes, énergie,accompagnement technique), qui ne peuventpas relever des seuls investissements des en-treprises. n

Sur le plan économique, les efforts dequalité, la politique de rationalisationdes coûts opérés au niveau des sociétéscotonnières et l’investissement dans cer-taines niches commerciales comme lecoton équitable ou bio équitable sont deséléments propres à profiter de manièreoptimale du redressement des cours etde l’appréciation du dollar face à l’euro.

A. LEGILEJ. TISSIER L. CAFFERINI

16 Ces marchés de niche pourraient être détermi-nants dans le cas de filières nationales aux volumesde production réduits comme le Sénégal.

J.C. PECRESSEP. DIERICKX

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

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10 B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’ouest (ROPPA)

Le coton ne se mange pas, il nourrit son homme…

Le mal-vivre des cotonculteurs ouest-africains est devenu une complainte récurrente reprise en chœur par les acteurs de la filière. Le seuil dedécouragement est désormais tel qu’ils ont de la peine à évoquer les avantages du secteur. L’Etat reste la cible des principaux griefs pour sonincapacité à appliquer les réformes idoines en faveur de la filière mais aussi pour son approche partiale de promotion du coton au détrimentdu secteur céréalier pourtant pourvoyeur au premier rang de la sécurité alimentaire. Certes, depuis 2009, on assiste à une tendance haussièredu cours international et conséquemment une augmentation des prix aux producteurs, mais la remobilisation de ces derniers se fait plutôtlentement…

A l’échelle de la sous-région, les récrimina-tions sont légion, plus nuancées d’un pays àl’autre même si les cotonculteurs sont quasi-ment unanimes à déplorer une tendance à labaisse de leurs revenus liés au coton et corré-lativement une baisse de la production. Labaisse des revenus étant beaucoup plus liée àla baisse des prix de vente sur le marché inter-national. Qu’ on se souvienne en effet qu’à cer-tains moments, les sociétés cotonnières ontvendu à perte sur le marché international aupoint que les Etats se sont sentis obligés d’in-jecter de l’argent pour payer les producteurset maintenir les sociétés cotonnières en vie ;la fluctuation du dollar ayant aussi lourde-ment pesé sur les prix de vente exprimés endollar sur le marché international. Consé-quence : le coton africain en fait fatalement lesfrais !La tendance baissière des prix, avec tout ceque cela implique comme privation d’avan-tages, a engendré un réajustement des assole-ments des producteurs au profit d’autrescultures. Au Burkina Faso et au Mali, la pro-duction a diminué pratiquement de moitiéentre 2005 et 2008. A cela s’ajoutent d’autresfacteurs dans certains pays comme leBurkina Faso, notamment la pluviomé-trie, le coût élevé des semences et labaisse des rendements. Néanmoins, l’onne peut s’empêcher de noter que, malgréune hausse des prix aux producteurs de-puis la campagne 2009/2010, la produc-tion n’a pas encore atteint les niveauxrecords connus durant les années 1990. Seulement, de là à conclure que ce sec-teur est en perte de vitesse et inapte ànourrir son homme, il y aurait comme unexcès de pessimisme que ne partage pas le

Burkinabè SeydouOuedraogo, pro-ducteur, qui rap-pelle que le coton àlui seul fait vivre 3millions de per-sonnes au BurkinaFaso. Plutôt en-thousiaste face auxretombées de l’acti-vité sur le vécu desproducteurs, il faitremarquer que ces

derniers sont désormais tous propriétaires demobylettes et de véhicules voire de biens im-

mobiliers parfois en location dans les grandesvilles du pays. Mieux, en dynamisant de nom-breux secteurs comme le transport, la trans-formation, le commerce des intrants,l’égrenage ; en favorisant au profit desfemmes, le développement d’activités généra-trices de revenus, la culture du coton auracontribué à la réduction du chômage desjeunes par la création d’emplois en zones ru-rales et périurbaines et l’implantation d’unitésindustrielles (industries d’égrenage, fila-tures/teintureries, huileries, industries de fa-brication d’aliments de bétail). Cette appréciation portée au niveau des éco-nomies est tout aussi éloquente au regard dela contribution significative du coton au pro-duit intérieur brut (PIB) des pays du C-4(Bénin, Burkina, Mali, Tchad) allant de 5 à10%. En outre, les exportations de coton dé-gagent d’importantes recettes pour les écono-mies nationales de ces pays (40% pour leBurkina et le Bénin ; 30% pour le Mali et leTchad). Malheureusement, il est admis que leniveau actuel de cette contribution reste mi-nime par rapport au potentiel du coton pourdynamiser les autres secteurs.

Coton ou céréales : gérer aumieux l’impératif de sécurité ali-mentaireCe qui en revanche paraît moins évident estl’impact direct de la production cotonnière surle mieux-être collectif. Autrement dit, il resteà démontrer la capacité de l’or blanc à servird’instrument efficace de lutte contre l’insécu-rité alimentaire. Là-dessus, les observateursn’en sont pas si convaincus, fondant leur juge-ment sur des conclusions d’études qui ont plu-tôt établi une forte prévalence de l’insécuritéalimentaire dans des zones cotonnières (casdu Mouhoun, au Burkina Faso). Au-delà duparadoxe, c’est en réalité le débat de fond surl’articulation entre la production du coton

avec les impératifs de la sécurité alimentairequi revient ainsi au goût du jour. Chacun y vaun peu de sa sensibilité et de sa propre grillede lecture. « On ne mange pas le coton, maisle producteur de coton est le meilleur produc-teur de céréales » constate M. Léopold Lokos-sou de la plateforme paysanne nationale duBénin (PNOPPA) invitant par ailleurs l’Etat àdéfinir et à mettre en œuvre une politiqued’appui aux cotonculteurs en matière d’accèsaux intrants. Pour la plupart des leaders pay-sans, il y a lieu d’encourager une complémen-tarité entre le secteur du coton et celui descéréales généralement pratiqués en rotation.Ceci, pour au moins deux raisons que souligneSeydou Ouedraogo : d’une part, les intrants-cotons contribuent fortement à l’améliorationde la culture céréalière et d’autre part, les re-venus générés par la culture du coton permet-tent aux producteurs d’accéder à d’autrestypes de besoins alimentaires.Seulement, avec un peu de recul, l’on s’aper-çoit qu’en réalité, très peu de gens pratiquentactuellement la rotation puisque ce ne sontpas forcément les mêmes types de sols et lesexigences des cultures sont différentes. Aupa-

ravant, les engrais pour le coton était dé-tournés pour les céréales ; ce qui neprofitait ni aux céréales, ni au coton. Pourminimiser le risque, les sociétés coton-nières ont commencé à donner aux coton-culteurs des engrais pour les céréales.Ensuite, face aux difficultés organisation-nelles apparues, la gestion de ces intrantsa été transférée aux unions et fédérationsde producteurs de coton à qui revenaientalors la charge d’assurer la commande et

la demande des crédits en banque pour lesachats (Burkina Faso et Mali). Hélas, l’accu-mulation des impayés a conduit certainesbanques à se rétracter. Tout cela est suffisam-ment révélateur de l’inexistence pour le mo-ment d’une bonne articulation.D’un pays à un autre de la sous-région, se poseavec acuité le problème de l’accès aux créditspour les cotonculteurs en mal de ressources fi-nancières au moment de la post-récole. Selonun schéma bien connu au Burkina, le maïs estrécolté en septembre et le coton en novembre.A la récolte, ce maïs littéralement bradé à unprix de 5000 à 6000 FCFA le sac de 100 kg estracheté plus cher quelques mois plus tard à unprix pouvant atteindre 15 000 à 17 000 FCFApour le même sac. En clair, le producteur est

Seydou Ouedraogo

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contraint de vendre les céréales pour certainsbesoins (scolarité des enfants, santé….) dontle paiement de la main d’œuvre pour la ré-colte du coton (financement de la main-d’œuvre) et pour subvenir aux besoinsessentiels de survie ; mais plus tard, à lavente du coton, les prix sont peu rémunéra-teurs et/ou le paiement s’effectue tardive-ment ; ce qui crée des tensions dans lesressources ou alimentation des familles. Poursortir d’un tel engrenage, des mécanismesdevraient être établis pour permettre aux co-tonculteurs d’affronter cette phase post ré-colte. Des solutions sont en cours tel que lewarrantage, mais l’impact reste géographi-quement faible. Les sociétés cotonnières etles banques pourraient également réfléchir àdes mécanismes de nature à favoriser unebonne complémentarité entre la culture decoton et celle des céréales dans un contexteoù les sociétés cotonnières sont par ailleursappelées à accompagner financièrement lesproducteurs à affronter avec confiance cettepasse critique de la post-récolte.A l’évidence, nous sommes en présence d’unsecteur à risques avec sa part d’incertitudeset de précarité aggravées aujourd’hui par lephénomène du changement climatique. Ainsise justifie de plus en plus l’idée d’un méca-nisme d’assurance récolte qui fait depuisquelque temps son petit bonhomme de che-min dans l’espace UEMOA ; le souci étant deparer à l’éventualité de mauvaises récoltes in-cluant même la survenue de catastrophes oucalamités susceptibles d’hypothéquer la cam-pagne à venir. L’évolution de cette initiativeportée par la BOAD mérite l’attention et lacoopération de tous les acteurs et partenairesdu secteur.

Les OGM : une technologie àdouble tranchantSur la question sensible des organismes gé-nétiquement modifiés, les leaders paysans, àl’image de M. Dao Bassiaka, président de laConfédération paysanne du Faso (CPF), sontloin de succomber à l’illusion que cette tech-nologie fera des miracles en termes de d’ac-croissement de la productivité et de la

compétitivité.En effet, à cejour, l’apportn’est pasprouvé et il n’yaurait pasd’écarts signi-ficatifs au plande la producti-vité et des re-venus avec leconvention-nel. Toutefois, il

est à rappeler que les OGM ont été adoptés à

l’origine comme une réponse pour accroîtrela compétitivité et assurer un bon marché etdes prix rémunérateurs, notamment en dimi-nuant le niveau de traitement et par ricochet,le coup de production ; d’où un possible gainde compétitivité en rapport avec l’accroisse-ment du niveau des rendements. L’absenced’attaque de déprédateurs permet égalementd’avoir une qualité de fibres. Au demeurant,s’il est vrai que les OGM font partie de la stra-tégie de relance prescrite par les firmes amé-ricaines et acceptés par les Etats d’Afrique del’Ouest, au Burkina Faso, ces OGM n’ont paspour autant tenu leurs promesses de boosterla production cotonnière qui aurait pu attein-dre des records de 3000 tonnes à l’hectare(ce qui n’est point le cas !) au moment où lesrecords par les moyens conventionnels s’ins-crivent dans une fourchette de 800 kg à unetonne et demi. Bien plus prospectif, M. DaoBassiaka s’interroge sur le danger à longterme d’une politique de dépendance despaysans vis-à-vis des firmes internationalesen matière d’accès aux semences. Qu’advien-dra-t-il de nous le jour où ces dernières re-nonceraient à nous livrer leurs semences ?Si l’expérience des uns peut éclairer l’optiondes autres, il est quasiment évident qu’unpays comme le Bénin ne foncera pas têtebaissée vers l’adoption des OGM. On y parletoujours de moratoire après plus de cinq ansd’investigations censées éclairer les cher-cheurs et les politiques sur les avantages etles inconvénients de cette technologie qui, vi-siblement, est davantage perçue dans l’espritdes leaders paysans ouest-africains, commeun «instrument d’asservissement ». Parallèlement, l’on ne saurait perdre de vueque le coton, s’il permet de gagner beaucoupd’argent, bien au-delà de ce que peut procu-rer le secteur céréalier, demeure une activitépolluante fortement tributaire des produitschimiques. Les cotonculteurs emblavent devastes superficies entraînant la dégradationdes sols, l’accélération de la déforestation, ladestruction de l’environnement et une expo-sition accrue au phénomène du changementclimatique. Sous ce rapport, il est à peineexagéré de dire qu’à elle seule, la culture ducoton, si l’on y prend garde, pourrait ruinerles espoirs d’une agriculture durable enAfrique de l’Ouest. Le coton épuise le solcomme l’illustre le cas du Burkina Faso où lebassin cotonnier allant initialement du Nordau Sud Ouest s’est réduit au Sud Ouest et àl’Est.Cet état des lieux du secteur renseigne ducoup sur l’ampleur des défis à relever et qui

passent, entre autres, par lamodernisation des exploita-tions qui va de pair avec unrenforcement du niveaud’équipement, l’accès à des

marchés stables au niveau sous-régional,l’amélioration des rendements à l’hectare(qui demeurent l’un des plus bas du monde)et l’autoconsommation de la production lo-cale. Le combat à ce niveau consiste à négo-cier des prix qui soient à la mesure du travailfourni. Question de justice et d’équité !En matière d’équité, il s’agit aussi à uneéchelle plus large voire internationale d’ac-tualiser et d’amplifier le plaidoyer des Etatsouest-africains en faveur d’une gouvernancemondiale des enjeux du coton tenant mieuxcompte des intérêts des producteurs africainsdans les négociations commerciales interna-tionales. Il y a encore des efforts à faire pourrenforcer les mécanismes de règlement desconflits au niveau de certaines instancescomme l’OMC.

Compétir à armes égalesCette stratégie misant sur une coalition d’in-térêts multi-acteurs (public-privé) est aussicelle qu’envisagent les leaders paysans ouest-africains face aux pratiques des subventionschinoises et européennes accordées par cespays à leurs producteurs. Ces subventionsn’ont en effet rien de rassurant pour les pro-ducteurs ouest-africains qui redoutent lepire : chute du prix du coton, chute de l’offreet de la demande sur le marché international,concurrence déloyale… Selon une étude del’UEMOA datant de 2003 portant sur l‘ana-lyse des origines et du volume de ces subven-tions et de leurs conséquences pour lesfilières coton des pays de l’Afrique de l’Ouestet du Centre, les pertes de recettes d’expor-tation pour ces pays sont estimées à plus de700 millions de dollars pour la période 1997-2000. A terme, il en résultera une déstructu-ration de l’agriculture africaine. Elargissantson jugement à la stagnation des négocia-tions au cycle de Doha, le président de laConfédération paysanne du Faso, M. DaoBassiaka, enfonce le clou : « on ne peut pasaller compétir dans un marché de dupes …onne saurait admettre que des lois commer-ciales soient élaborées par les uns pour n’êtreappliquées qu’aux autres.».Les défis étant de divers ordres, l’on ne sau-rait occulter l’important volet relatif au ren-forcement des capacités des acteurs dont lacrédibilité et la capacité d’influence sur lespolitiques est conditionnée par une réellemaîtrise du contenu des enjeux de l’intégra-tion à travers ses outils et ses textes. De lapart des leaders et réseaux d’organisationspaysannes régionales à l’image du ROPPA enAfrique de l’Ouest, il est attendu une meil-leure capacité d’organisation pour tenir leurrôle d’interlocuteurs crédibles face aux déci-deurs et organisations d’intégration régio-nales (CEDEAO et UEMOA). Car, plus quepar le passé, il sera question de construiredes argumentaires pertinents et de mener à

Parallèlement, l’on ne saurait perdre devue que le coton, s’il permet de gagnerbeaucoup d’argent, bien au-delà de ceque peut procurer le secteur céréalier,demeure une activité polluante forte-ment tributaire des produits chimiques.

« on ne peut pas aller compétir dansun marché de dupes …on ne sauraitadmettre que des lois commercialessoient élaborées par les uns pourn’être appliquées qu’aux autres.».

Sous ce rapport, il est à peine exagéré de dire qu’àelle seule, la culture du coton, si l’on y prend garde,pourrait ruiner les espoirs d’une agriculture durableen Afrique de l’Ouest.

Dao Bassiaka

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12 B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

bien un plaidoyer sur les politiques agricoleset commerciales en faveur des petits produc-teurs ouest-africains. Dans ce contexte et au regard de tant d’enjeux,doit-on continuer à s’interroger sur l’engoue-ment et le traitement de faveur dont bénéficiele secteur du coton dans les politiques agri-coles nationales ? Le coton, vous répondra-ond’emblée, est bien la principale culture d’ex-portation de plusieurs Etats de la sous-régionouest-africaine. Le secteur étant une sourcemajeure de devises pour les économies ouest-africaines, il ravit la vedette aux produits vi-vriers au point de laisser parfois à l’abandonce secteur qui nourrit la population. Trop sou-vent, l’appui apporté au coton et autres pro-duits de rente (arachide, sésame) en termes decrédits, d’équipements et d’appui-conseilcontinue à faire pâlir de jalousie les produc-teurs de céréales et produits vivriers (maïs,mil, sorgho). Cette politique de deux poids,deux mesures est décrié par les leaders pay-sans qui se font un devoir de rappeler auxEtats et aux gouvernants que par-delà la pro-motion d’un secteur cotonnier fort, ils ontl’obligation de nourrir la population dans uncontexte d’agriculture dite de subsistance. Sila prospérité du coton ne profite qu’à une ca-tégorie de privilégiés, il en va autrement dansle cas d’une campagne céréalière florissantedont les effets rejaillissent de façon plus tan-gible et plus massive dans l’assiette du com-mun des citoyens.

La relance du secteur : une ques-tion de stratégie et d’organisationMais, à bien y regarder, c’est moins le cotonen tant que filière qui est en cause, mais da-vantage, la stratégie de promotion du secteurqui pèche par une certaine approche trop in-téressée traduisant une sorte de fixation surl’apport en devises. A vrai dire et à entendreles leaders du mouvement paysan, il y a lieud’aller plus loin dans la conception et lecontenu d’un schéma de sortie de crise pour lesecteur du coton en Afrique de l’Ouest. D’oreset déjà, deux ou trois axes de réforme fontl’unanimité touchant : primo, à la valorisationdu coton africain par la création d’unités detransformation dans la sous-région ; secundoà l’établissement et au respect du principe desouveraineté des producteurs dans la fixationdes prix en vertu d’une libre concurrenceloyale entre les producteurs et les Etats pro-ducteurs de coton et tertio, à la promotiond’une politique de valorisation des produits lo-caux. Selon les prévisions de l’Union écono-mique et monétaire ouest-africaine, 25 % dela production du coton de la zone UEMOA de-vrait être transformés localement à l’horizon2010. Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres…En somme, les leaders paysans ouest-africains

rêvent d’un secteur cotonnier au sein duquelles producteurs tiennent un rôle clé conférépar le degré de structuration des organisationsde la filière, de la base au sommet, et une ca-tégorisation des producteurs en fonction deleurs capacités. La réorganisation de la filièrequ’ils appellent de tous leurs vœux doit impé-rativement intégrer une meilleure exploitationde la chaine de valeur définissant pour chaqueacteur (chercheurs, fournisseurs d’intrants,producteurs, égreneurs, industriels, artisansde textiles), un rôle spécifique dans une dyna-mique plutôt intégrée, concertée et globale.D’ores et déjà, l’heure est partout à la réorga-nisation et l’urgence de la thérapie varie d’unpays à l’autre avec cependant commeconstante la nécessité de rétablir la confianceentre les producteurs et l’Etat si l’on en croitl’état des lieux du secteur tel que dressé par M.

Léopold Lokossou, président de la plateformenationale paysanne du Bénin (PNOPPA). Sirien n’est fait, avertit-il, la filière qui souffre,entre autres, de l’interventionnisme de l’Etatet d’une multitude d’intermédiaires court unrisque d’implosion. Pour retrouver sesmarques, le secteur cotonnier doit en outre sesoustraire de la « cupidité » des intervenantsqui régentent le secteur quand il s’agit d’en ré-partir les bénéfices. Pour redéfinir les règlesdu jeu, l’on songe très sérieusement au Béninà l’organisation d’un atelier de réflexion desacteurs destiné à la relance. Et cela vaut cer-tainement aussi pour ses voisins qui n’ont pasfini d’explorer les vertus de la concertation surun chantier de l’intégration sous-régionale oùle coton vaut son pesant d’or (blanc). n

Pioch, Bruno - BURKINA FASO - Les enfants du village de Sara tassent le coton avant la vente de larécolte - © B. Pioch

… les leaders paysans qui se font undevoir de rappeler aux Etats et auxgouvernants que par-delà la promo-tion d’un secteur cotonnier fort, ils ontl’obligation de nourrir la populationdans un contexte d’agriculture dite desubsistance.

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B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre 13

Brève présentation de l’AProCADepuis 2001, les filières africaines sontconfrontées à une crise importante, due enpartie aux subventions massives et inéquita-bles que certains pays producteurs de cotonoctroient à leurs producteurs. Face à cette si-tuation qui tend à devenir structurelle, lesproducteurs de coton africains se sont large-ment mobilisés pour défendre leurs intérêtssur la scène internationale. Ainsi, des pro-ducteurs de coton de douze pays d’Afrique del’Ouest et du Centre (Burkina Faso, Bénin,Cameroun, Côte d’ivoire, Gambie, Ghana,Guinée, Guinée Bissau, Mali, Sénégal,Tchad, Togo) se sont réunis les 21 et 22 dé-cembre 2004 pour analyser la crise quitouche la filière et définir ensemble des stra-tégies de mobilisation, de positionnement etd’action qui leur permettent de faire enten-dre leur vision dans les débats autour ducoton. Cette rencontre de Cotonou a donnénaissance à l‘Association des Produc-teurs de Coton Africains, AProCA.L’Assemblée générale constitutive qui s’enest suivie en Avril 2005 a permis de don-ner une vision, une mission et des objectifsà l’AProCA.Aujourd’hui, l’Association compte 15 paysmembres que sont : le Bénin, le BurkinaFaso, la Centrafrique, le Cameroun, la Côted’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, laGuinée Bissau, le Mali, le Sénégal, leTchad, le Togo, la Zambie et l’Ouganda.Dès sa création, elle s’est donnée une vi-sion : « Des producteurs de coton africainsvivant décemment d’une production co-tonnière compétitive et durable, regroupésau sein d’organisations nationales et régio-nales bien gérées et assurant efficacementla défense de leurs intérêts aux niveau na-tional, régional et international.» Ainsi,l’AProCA se veut une structure africaine :- issue des plateformes nationales travaillantpour et avec elles afin que le producteur vivedécemment de son activité- de producteurs de coton engagés dans la re-cherche du professionnalisme et de la perfor-mance du producteur de coton africain- qui développe des alliances et partenariatsstratégiques autour des questions liées aucoton africain- crédible vis-à-vis de ses membres et parte-naires, qui se donnera les moyens d’une au-tonomie financière et de décision la pluslarge possible.Cette vision a été soutendue par son pland’action 2007 - 2011 qui vient d’être actualiséen 2010 pour s’adapter aux évolutions de

l’environnement institutionnel, organisa-tionnel et économique des filières coton-nières intervenues aussi bien à l’intérieur despays membres qu’au niveau international. Le nouveau plan d’action 2011-2015 de l’As-sociation est construit autour de trois axesstratégiques que sont :- l’influence des politiques nationales et in-ternationales ;- le renforcement des capacités des organi-sations ;- la visibilité et la valorisation de l’AProCA.

Projets phares de l’AssociationL’AProCA assure dans sa mission de repré-sentation, la coordination d’un certain nom-bre de projets, dont le Projet dedéveloppement du coton équitable et bioéquitable en Afrique de l’Ouest et du Centrefinancé par l’Agence Française de Dévelop-pement, le Better Cotton Initiative projet pi-lote financé par Solidaridad, le programmecoton d’Oxfam, l’Université du Coton, etc. Le projet de développement du cotonéquitable et bio équitable en Afriquede l’Ouest et du Centre financé parl’Agence Française de Développement a pourbut de faire bénéficier aux producteurs decoton de cinq pays (Bénin, Burkina Faso, Ca-meroun, Mali, Sénégal, qui ont déjà bénéficié

d’un projet pilote) des avantages du com-merce équitable et de l’agriculture biologiquedont la demande est en pleine expansion Ila aussi pour objectif de maximiser leurs ef-fets de levier sur l’ensemble de la filière, enterme de promotion du coton africain sur lemarché mondial et outil d’amélioration de lacompétitivité (durabilité et qualité de la pro-duction). Le projet comporte trois compo-santes que sont : - Composante 1 : Consolidation et expansionde la production de coton équitable et bio- Composante 2 : Coordination sous- régio-nale et pilotage stratégique- Composante 3 : Développement et coordi-nation des marchésLa Convention de financement du projet aété signée en 2008 pour un coût total de qua-tre millions sept cent mille euros sur cinq ansentre l’Agence Française de Développementet l’AProCA qui assure la maîtrise d’ouvragedu projet. Le coût total du projet est de onze

millions neuf cent mille euros. Le projet Better Cotton Ini-

tiative (BCI) consiste à dévelop-per un marché pour unenouvelle matière première (leBetter Cotton) qui vise à réduire,à l’échelon mondial, les impactsenvironnementaux, sociaux etéconomiques les plus impor-tants pour apporter des béné-fices à long terme auxproducteurs, aux travailleursagricoles, aux communautés cul-tivant du coton et à l’environne-ment. Dans le cadre d’unpartenariat depuis 2007,l’AProCA et BCI conduisent lamise en place de l’initiative auniveau de l’Afrique de l’Ouest etdu Centre. Le Mali et plus préci-

sément la région CMDT (Compagnie Ma-lienne pour le Développement des Textiles)de Koutiala a été retenue pour abriter la miseen œuvre de la phase pilote de cette initiative,dont l’exécution a été confiée à Solidaridad.La durée totale de la phase pilote Mali est de36 mois. D’autres pays seront concernés dansle cadre de l’extension du projet. Le programme coton d’Oxfam vise à ca-paciter les producteurs afin de sécuriser leursmoyens d’existence dans les régions produc-trices de coton du Mali et d’Afrique del’Ouest. A côté d’autres partenaires, l’AProCAintervient dans ce programme au niveau ré-gional sur cinq axes stratégiques :- Edifier en Afrique de l’Ouest des associa-

Capsule de coton en éclosion. © AProCA

Par DIOMA KOMONSIRA - Responsable Communication

L’Association des Producteurs de Coton Africains (AproCA)Professionnalisation des organisations et défense des intérêts

des producteurs de coton

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14 B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

tions nationales de coton fortes et représenta-tives, capables de jouer un rôle actif dans lagestion d’industries de production cotonnièrecompétitives et durables - Apprendre des réformes du secteur coton-nier pour influencer les politiques sectoriellesà venir- Renforcer les capacités des agriculteurs pourévaluer la rentabilité et la viabilité de diffé-rents systèmes de production (y compris OGMet commerce biologique -équitable) et adopterdes pratiques innovantes- Plaidoyer et campagne pour de meilleurstermes commerciaux et un meilleur environ-nement politique régional et internationalpour les producteurs de coton- Edification de marchés pour le coton biolo-gique et équitableL’Université du Coton est une initiative del’Association des Producteurs de Coton Afri-cains. Son but est de renforcer les capacitésdes Élus et Techniciens de la filière à mieuxassumer leurs fonctions au sein des organisa-tions nationales de producteurs pour mieuxassurer la compétitivité des filières africaineset mieux affronter la concurrence au plan in-ternational.L’Université du coton fonctionnera en réseaumobilisant les ressources de ses partenairesafricains : ressources pédagogiques, scienti-

fiques, humaines et matérielles d’un consor-tium d’écoles, d’universités et d’organismes deformation. Elle ne possédera en propre nicampus, ni salles de cours, ni corps professo-ral. Son siège est abrité par l’Université Poly-technique de Bobo – Dioulasso au BurkinaFaso (UPB). Un accord de siège a été signé àcet effet. Dans ce dispositif, l’Université Poly-technique de Bobo – Dioulasso au BurkinaFaso (UPB) assure le volet technique de l’Uni-versité du Coton, c’est – à – dire l’ensembledes questions liées à l’ingénierie pédagogiqueet à la recherche. Les rapports entre les deuxstructures sont régis par un accord de parte-nariat signé à cet effet sous la forme d’un pro-tocole. L’Université du Coton comporte quatre com-posantes : la formation continue, la formationinitiale, la capitalisation et le partage de l’inno-vation, la communication. L’Université du Coton est aujourd’hui une réa-lité avec la tenue des deux premières sessionsde formation respectivement à Bobo-Dioulassoau Burkina Faso en Septembre 2008 et à Ségouau Mali en Janvier 2009. Ces deux sessions deformation se sont déroulées sur un premiermodule « Faisons nos affaires nous-mêmes »sur les thèmes de la stratégie et du leadership.Elles ont regroupé les leaders producteurs ettechniciens des organisations de producteurs

des plateformes nationales membres del’AProCA. En Octobre 2010, l’Université s’estdoté de textes de fonctionnement (Statuts etRèglement intérieur).A côté de ces projets déjà en marche, l’AProCAtravaille à la mise en place d’autres initiatives,notamment le projet de mise en place d’unsystème d’information soutenu par le Minis-tère français des Affaires étrangères et euro-péennes. Ce système d’information consisteraen une base de données fiables sur la filière co-tonnière dans ses pays membres et à l’échelleinternationale. Cette base constituera unesource d’information cruciale pour la qualitédes services d’information que pourra fournirl’AProCA à ses membres et à ses partenaires.

Partenariat et coopérationDans le cadre de ses missions de représenta-tivité et de défense des intérêts des produc-teurs, l’AProCA développedes partenariats et des al-liances stratégiques pourlui permettre d’assureravec efficacité ces mis-sions. L’AProCA veut êtreprésente et faire prévaloirle point de vue des pro-ducteurs dans les ins-tances régionales etinternationales où la ques-tion du coton est discutée. A cet effet, l’Association aintégré formellement leCOS-Coton (Comitéd’orientation et de suividu partenariat UE-Afriquesur le coton), le COS-PRBde l’UEMOA (Comitéd’orientation et de suivi duProgramme Régional deBiosécurité de l’UEMOA),le COS Agenda Coton de l’UEMOA (Comitéd’Orientation et de Suivi de l’Agenda Coton del’UEMOA), le PR-PICA (Programme Régionalde Protection Intégrée du Cotonnier enAfrique), etc.En 2009, l’AProCA et l’A.C.A. (Association co-tonnière africaine) ont signé une conventionde partenariat visant à renforcer la coopéra-tion entre les organisations de producteurs decoton africains représentées par l’AProCA etles sociétés cotonnières africaines représen-tées par I’A.C.A. dans la perspective deconstruire des relations de partenariat privi-légiées et mutuellement avantageuses. Cetteconvention s’articule autour de trois axes prio-ritaires que sont la mise en relation des ré-seaux de I’AProCA et de I’A.C.A, ladétermination de thèmes de dialogue et d’ac-tions concertées, et la communication interneet externe.Dans cette mission de représentativité et dedéfense des intérêts des producteurs,l’AProCA bénéficie depuis sa création de l’ac-compagnement de la fondation FARM (Fon-dation pour l’Agriculture et la Ruralité dans leMonde) dans le cadre du renforcement des ca-pacités des membres de l’Association et lacréation d’alliances stratégiques. D’autres

structures apportent leur soutien fort appré-ciable à l’AProCA dans la réalisation de sesmissions : Oxfam, ICCO, SNV, etc.

L’AProCA et les négociationscommerciales internationalessur le cotonL’une des premières actions de l’AProCA aprèssa création a été sa participation à la sixièmeconférence ministérielle de l’OMC à HongKong en 2005. Lors de cette conférence, lescotonculteurs africains réunis au sein del’AProCA ont défendu avec bec et ongle leurposition de négociation. En se rendant à cetterencontre, l’Association avait deux objectifs :1. Témoigner de la misère dans laquelle s’en-foncent les producteurs de coton africains àcause des distorsions des règles du commercemondial,2. Influer sur les représentants des gouverne-

ments pour qu’ils fixent des engagementsdatés et chiffrés sur l’élimination des subven-tions (soutiens internes et subventions à l’ex-portation) et trouvent des solutions concrèteset équitables sur le coton quelque soit l’issuedes négociations sur l’agriculture.L’on se rappelle de ces producteurs et techni-ciens de l’AProCA, au nombre de seize, habil-lés en tenues traditionnelles entièrementconfectionnées en cotonnade. Pour appuyerleur message, cinq mille sacs contenant ducoton et sur lesquels étaient imprimés ce slo-gan « Les subventions du Nord tuent les éco-nomies du Sud » furent distribués. Unepétition composée de trois millions cent cin-quante mille signatures collectées dans lespays africains producteurs de coton fut remiseaux hautes autorités de l’OMC.La déclaration finale à l’issue de la Conférencede Hong Kong a fait ressortir cinq points es-sentiels en rapport avec le dossier coton. Cesdifférents points constituent des résultatscertes, mais les injustices persistent aprèsHong Kong. De la participation des produc-teurs de coton à la conférence, il est essentielde noter que ceux-ci se sont montrés très ac-tifs ; surtout ils ont démontré qu’ils dispo-saient désormais de ressources humainesoutillées capables de maîtriser les enjeux des

L’Université du coton fonctionnera enréseau mobilisant les ressources de sespartenaires africains : ressources péda-gogiques, scientifiques, humaines etmatérielles d’un consortium d’écoles,d’universités et d’organismes de forma-tion.

Gutknecht, J. - Transport du coton graine à l'usine - © Cirad

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négociations commerciales.Au regard de la configuration géné-rale actuelle du niveau des négocia-tions commerciales, le moins quel’on puisse dire, c’est que le dossiercoton est en panne, mis en veilleusepar rapport à d’autres questions.Concrètement donc, rien de spécialse rapportant au dossier coton n’ap-paraît explicitement dans lesconclusions des récentes réunionsdu côté des troupes de l’Ambassa-deur Néo-Zélandais, David Walker,Président du Groupe de négociationsur l’Agriculture. Et cela inquiète auplus haut point les producteurs decoton africains.Qu’à cela ne tienne, les producteursde coton africains bénéficient del’engagement sans faille de certainesinstitutions qui œuvrent à l’obten-tion d’avancées concrètes sur le dos-sier coton. Il s’agit du C4 quibénéficie du soutien du Groupe ACPet de l’UEMOA. Ils lancent un appelpressant aux différentes instancesde négociation pour un aboutisse-ment accéléré de celles-ci conformé-ment aux engagements antérieurs.

Regard sur les problèmesmajeurs et actuels des fi-lières cotonnières africaines etles opportunités de solutionsEst-il besoin de rappeler que la filière coton-nière constitue une importante source de re-venus et un puissant moyen de lutte contrela pauvreté dans plusieurs pays africains, no-tamment de la zone franc. Elle a fortementcontribué à la création d’emplois et à la crois-sance économique dans de nombreux pays.Cependant depuis quelques années, la filièrecotonnière traverse une crise sans précédentdans son histoire récente : effritement pro-

gressif des services de recherche et d’appui,renchérissement des coûts des facteurs deproduction, distorsions du marché mondialprovoquées par les subventions des paysriches comme les États Unis et l’Union Euro-

péenne à leurs producteurs,problèmes de fertilité des sols,etc.La crise actuelle incite à la re-cherche de nouvelles initia-tives, de nouvelles façons deproduire qui garantissent laqualité, la compétitivité et ladurabilité du coton africain.Aujourd’hui, les producteurssont engagés dans la rechercheet la promotion de ces innova-tions. L’amélioration de lacompétitivité du coton africainpasse par la recherche d’uneamélioration constante de laqualité de la fibre de coton.Mais cette qualité particulièredu coton africain mérite d’êtrel’objet d’une promotion com-merciale plus soutenue sur lemarché mondial, ce qui n’estpas pour l’instant le cas, entout cas pas suffisamment. Il est connu de tous que lesproducteurs de coton africainsont fait d’énormes efforts pen-dant des décennies pour main-tenir les filières en vie et lesrendre compétitives.Conscients de la gravité de lasituation et du rôle qui est leleur face à cette crise, les pro-

ducteurs de coton africains, regroupés ausein de l’AProCA, se sont engagés dans la re-cherche de solutions idoines et pérennes à lacrise. La création de l’Université du cotons’inscrit dans cette perspective.Aussi, la recherche agricole, fille aînée de lafilière cotonnière et alliée naturelle se doit derelever de nouveaux défis. Elle se doit de pro-poser aux producteurs de nouvelles ap-proches basées sur l’innovation à propos desujets aussi variés que la recherche sur des

variétés toujours plus productiveset mieux adaptées aux évolutionsclimatiques, garantissant auxproducteurs de meilleurs béné-fices économiques et sociaux.La question du coton est au-jourd’hui une question vitalepour près de 20 millions d’indivi-dus en Afrique de l’Ouest et duCentre. L’AProCA est disponiblepour travailler avec tous ceux quipartagent la nécessité d’une ac-tion commune pour inventer unenouvelle économie du coton. n

Gutknecht, J. - CAMEROUN : Plant sauvageoide de cotonnier - ©Cirad

La crise actuelle incite à la recherchede nouvelles initiatives, de nouvellesfaçons de produire qui garantissent laqualité, la compétitivité et la durabi-lité du coton africain.

DIOMAKOMONSIRA

Lindsay, P. - CAMEROUN - Dessin de la récolte de coton par les femmes - © Cirad

B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre 15

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GLOCAL

16 B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

Interview avec ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA - Ingénieur Agro-Economiste et Secrétaire Permanent del'Association Cotonnière Africaine (ACA)

Les sociétés cotonnières : quels remèdes pour sauver la filière coton ?

GLOCAL : Pourriez-vous présenter l’Association Cotonnière Afri-caine en quelques mots ? Quelles sont les origines et la missionde l’ACA ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’Association Cotonnière Afri-caine (A.C.A.) a été créée le 19 septembre 2002 à Cotonou (Bénin) pourregrouper l’ensemble des professionnels africains du coton dans un cadrede concertation afin de défendre leurs intérêts communs et de contribuerau développement durable de la production, de la compétitivité et de lavalorisation du coton africain. L’A.C.A. regroupe aujourd’hui 31 sociétéscotonnières (Membres actifs) de 19 pays et sa représentativité est recon-nue sur le plan international. L’A.C.A. a pour mission d’assurer la défense et la promotion du coton afri-cain dans le respect des règles du commerce international en contribuantà améliorer la productivité, la qualité, la compétitivité et la valorisationdu coton africain dans une perspective de développement durable.

GLOCAL : Quels sont les axes principaux duplan stratégique 2010-2015 de l’ACA ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’élabora-tion du plan stratégique de l’A.C.A a suivi une ap-proche méthodologique qui a privilégié l’approcheparticipative ; ainsi, tous les acteurs de la filière,dans les quatre régions économiques du continenty ont apporté leur concours pour la réalisation dece précieux outil de promotion de la filière coton-nière africaine.Le plan stratégique est fondé sur cinq (5) objectifs stratégiques dont cha-cun est décliné en plusieurs axes stratégiques. Les principaux objectifsstratégiques sont les suivants :- Objectif stratégique 1 : Défendre les filières cotonnières africaines- Objectif stratégique 2 : Contribuer à la relance et au développementde la production et à l’amélioration de la compétitivité et de la valorisationdu coton africain sur toute la chaîne de valeur- Objectif stratégique 3 : Contribuer à conforter et à améliorer la qua-lité du coton africain- Objectif stratégique 4 : Faire de l’A.C.A. la plate-forme d’informationde référence sur et pour le coton africain- Objectif stratégique 5 : Faire la promotion commerciale du cotonafricain

GLOCAL : A un niveau systémique, quelles sont les réformesqu’un développement de la transformation du coton en Afriquede l’Ouest et du Centre entrainerait sur d’autres secteurs (éner-gie, cadre juridique, infrastructures de transport, outils de pro-tection de la production locale face à une concurrenceétrangère…) ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : C’est vrai que tous les efforts quiconduiront à amorcer la transformation locale du coton en Afrique pour-raient aider à réduire le taux de chômage et amélioreraient de manièreplus ou moins significative la trésorerie des Etats ; mais la grande limitede ce type d’initiative est le coût de l’énergie. Presque la quasi-totalité despays producteurs du coton en Afrique de l’Ouest et du centre dispose d’uncapital énergétique très limité. Les délestages sont monnaies couranteset la consommation énergétique au niveau des ménages est onéreuse.

GLOCAL : Quels sont, selon vous, les axes prioritaires sur les-quels les institutions nationales, sous régionales et interna-tionales doivent se concentrer pour renforcer les filièrescoton dans la sous-région ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Les problèmes majeurs aux-quels sont confrontés les acteurs de la filière cotonnière africaine (pro-

ducteurs, égreneurs) peuvent se résumer au coût élevé des intrants (en-grais, pesticides, pièces de rechanges etc…). La situation des intrantsde production du coton graine dont les coûts augmentent de façon ex-ponentielle est plus préoccupante. Une action des institutions natio-nales (les Etats), régionales (UEMOA, CEDEAO, CEMAC etc…) etinternationales (Union Européenne, Etats-Unis etc…) sur ce volet im-portant de la production du coton pourrait soulager les acteurs.Appuyer les acteurs à mettre en œuvre un projet d’achat groupé desintrants pourrait contribuer à baisser de manière substantielle le coûtdes intrants.Nous ne saurons passer sous silence les efforts de l’Association Coton-nière Africaine (A.C.A) pour améliorer la compétitivité du coton afri-cain en améliorant sa qualité. En effet, à l’issue de la deuxième éditiondes « journées Qualité » du coton africain organisée en janvier 2010 àCotonou (Bénin), l’A.C.A a élaboré un projet de lutte contre la conta-

mination du coton africain et s’est fixéecomme objectif ambitieux « contaminationzéro d’ici à 2015 ». L’appui des institutions na-tionales, régionales et inter nationales est aussiattendu de ce côté.

GLOCAL : Entre l’industrie et l’artisanat,quelle articulation la filière textile enAfrique de l’Ouest et du Centre doit-ellefavoriser afin d’utiliser tous ses atouts

et créer autant d’emplois viables que possible ?ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’industrie est très consomma-trice d’énergie dont la disponibilité est limitée ; c’est un domaine peuutilisateur de mains d’œuvre; par contre l’artisanat est plus offreurd’emploi et peu consommateur d’énergie ; une politique de soutien auxartisans du secteur textile est plus souhaitable pour accompagner lesous secteur textile.

GLOCAL : Pourriez-vous nous dresser un panorama donnantune vision d’ensemble de la situation des membres de l’ACAen Afrique de l’Ouest et du Centre (situation financière, diag-nostic des problèmes majeurs)?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Comme nous l’avons dit plushaut, les problèmes majeurs et communs aux Membres de l’A.C.A estle coût de plus en plus élevé des intrants ; la conséquence des coûts éle-vés des intrants est la réduction progressive des superficies cultivées etdonc de la production globale du coton sur le continent. A cette diffi-culté s’ajoute la mise en œuvre de la politique de subvention massiveque pratiquent les occidentaux en général et les Etats Unis en particu-lier ; l’impact négatif et conjugué de ces difficultés conduit naturelle-ment à la chute drastique de la trésorerie des acteurs.

GLOCAL : Est-il possible de dresser une typologie des stratégiesde survie et de gestion de crise mises en œuvre par les diffé-rents membres de l’ACA pendant les années les plus dures dela crise cotonnière ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Pendant les années les plusdures de la crise cotonnière, chaque société cotonnière membre del’A.C.A initie des méthodes et approches diverses pour résister, à défautde s’en sortir dans l’immédiat. Les initiatives varient d’un pays à l’autreet d’une région économique à l’autre.

GLOCAL : Quels sont les axes prioritaires d’action de l’ACA ? Surla base des priorités identifiées quelles sont les réponsesconcrètes qu’apporte l’ACA ? Quels sont vos «projets phares» encours ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Les axes prioritaires d’action de

C’est vrai que tous les efforts qui condui-ront à amorcer la transformation localedu coton en Afrique pourraient aider àréduire le taux de chômage et améliore-raient de manière plus ou moins signifi-cative la trésorerie des Etats ; mais lagrande limite de ce type d’initiative est lecoût de l’énergie.

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B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre 17

l’A.C.A sont décrits dans le plan stratégique qui vient d’être adopté parl’Assemblée Générale tenue à Khartoum au Soudan, le 11 mars 2011.Entre autres, il s’agit de :- Mener une campagne visant à obtenir l’adhésion de l’ensemble des so-ciétés et organisations cotonnières de tous les pays producteurs ducontinent en vue d’améliorer la représentativité de l’A.C.A.- Communiquer à destination des médias et de la société civile afind’améliorer la perception du rôle économique, social et environnemen-tal du coton africain.- Organiser la concertation et les échanges d’expérience et fédérer lesmoyens en rendant opérationnelles les commissions techniques (pro-duction cotonnière, égrenage, logistique, commercialisation, classementet métrologie).- Mettre en œuvre le programme de lutte contre la contamination del’A.C.A. adopté en janvier 2010 afin de mieux valoriser les qualités in-trinsèques du coton africain, en collaboration avec l’AProCA et d’autresinstitutions.- Renforcer les capacités de l’A.C.A. dans le domaine de la collecte, dutraitement et de la diffusion de toutes les informations relatives à la pro-duction et au commerce du coton africain.- Reconstruire le site web et le tenir actualisé en permanence.- Nouer des partenariats et collaborer avec les autres associations co-tonnières et d’autres organisations du secteur.- Elaborer des supports d’information et de promotion sur le coton afri-cain.Actuellement, l’A.C.A concentre ses efforts sur l’amélioration de la qua-lité du coton africain à travers la mise en œuvre du projet de lutte contrela contamination, l’installation des commissions techniques (organisa-tion des experts des Sociétés cotonnières membres de l’A.C.A) ainsi quetous les aspects liés à l’amélioration de la communication au sein del’Association et entre l’Association et les autres organisations externes.

GLOCAL : Dans un contexte d’intégration régionale accentuée,quels sont le rôle et la contribution d’une organisation telleque l’ACA ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : La question du rôle d’une or-ganisation telle que l’A.C.A dans un contexte d’intégration accentuéene devrait pas se poser. En effet, l’initiative qui a conduit à la créationde l’A.C.A elle-même est déjà une source vivante d’intégration. Quandvous voyez l’évo lu tion même de l’A.C.A qui, en mars 2010 à Yaoundé(Cameroun), a opté pour une adaptation de ses statuts au zonage éco-nomique tel que prévu par l’Union Africaine, il est aisé de comprendreque l’A.C.A est l’Institution régionale qui se bat pour l’intégration ré-gionale afin que le secteur du coton puisse continuer à contribuer audéveloppement économique de chaque pays en particulier et des sousrégions en général. Les organisations sous régionales l’ont si bien compris qu’elles ne sepassent pas de l’A.C.A pour l’élaboration de leurs stratégies de promo-tion du secteur coton textile ; les cas de l’UEMOA et de la CEMAC sontillustratifs.

GLOCAL : Existe-t-il, au travers de l’Association CotonnièreAfricaine, des plateformes d’échange de connaissances, d’in-génierie, de méthodologie de management… de bonnes pra-tiques de gestion pour les sociétés cotonnières de lasous-région ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Par cette question, vous touchezà la raison d’existence même de l’A.C.A ; les séminaires organiséschaque mois de mars dans le cadre des journées annuelles de l’A.C.A,l’organisation des « journées Qualité » tous les trois ans (Novembre2006 et janvier 2010 à Cotonou), l’organisation périodique d’atelierstechniques (atelier de réflexion sur le ratio coût/efficacité des engraisen novembre 2005 à Bamako au Mali, atelier de réflexion sur les causesde la baisse des rendements au champ en août 2007 à Lomé etc…) etl’installation progressive des Commissions techniques de l’A.C.A sontdes illustrations incontestables de l’existence de forum d’échange ausein de l’A.C.A. Le plan stratégique de l’A.C.A prévoit les voies pour leuramélioration.

GLOCAL : Quel est le rôle que joue l’ACA dans l’élaboration dela stratégie régionale de sortie de crise des filières coton enAfrique de l’Ouest et du Centre et la valorisation du coton afri-cain ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’A.C.A est devenue depuis trèslongtemps une Institution incontournable dans la conception, l’exécu-tion et la mise en œuvre de toutes les initiatives qui s’inscrivent dans lalogique de l’amélioration de la compétitivité du coton africain. De cefait, l’A.C.A participe à toutes les phases d’élaboration de toutes les stra-tégies régionales de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.De plus, l’A.C.A est un cadre de concertation des acteurs de la filièrecoton. En cette qualité, son rôle dans la dynamisation de la filière cotonet la valorisation du coton africain ne peut plus être mis en question ;les différents objectifs stratégiques et les axes d’intervention qu’ils intè-grent et qui ont été énumérés dans les questions précédentes sont despreuves tangibles.

GLOCAL : Quelle est votre analyse de l’impact de la relationFCFA (adossé à l’Euro) / dollar sur les filières coton dans lazone FCFA ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’une des batailles auxquellesl’A.C.A s’est attelée depuis sa création en septembre 2002 est la dé-nonciation de l’impact du rapport FCFA (adossé à l’Euro)/Dollar surles revenus des Sociétés cotonnières et par conséquent sur les tréso-reries des Etats. Quant à l’initiative de créer une monnaie ouest afri-caine indépendante, je n’ai personnellement pas d’opinion sur cettequestion qui devrait relever des experts des grandes institutions fi-nancières.

GLOCAL : Quels sont les outils principaux de couverture utiliséspar les membres de l’ACA afin de se protéger contre la volati-lité des cours du coton sur le marché international ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Chaque Société cotonnière estindépendante et prend des initiatives qu’elle juge efficace dans le tempset dans l’espace pour pallier aux effets de la volatilité des cours.

GLOCAL : Quelles sont vos relations avec les parties prenantesque sont les organisations de producteurs et les Etats ? Quelleest votre influence réelle face à ces parties prenantes dans ladéfense des intérêts des sociétés cotonnières ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’A.C.A a de telles bonnes rela-tions avec les autres parties prenantes ; la preuve patente est l’existenced’une convention de partenariat entre l’A.C.A et l’APrOCA (Associationdes Producteurs du Coton Africain) avec qui l’A.C.A initie, met en œuvreet évalue des initiatives de grande importance pour la promotion ducoton africain.

GLOCAL : Selon les modèles de filières coton plus ou moins li-béralisées en Afrique de l’Ouest et du Centre, dans quelle me-sure les sociétés cotonnières ont-elles une indépendance ounon face aux orientations ou décisions politiques nationales ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Quelque soit la forme sous la-quelle les Sociétés cotonnières existent, libéralisées ou privatisées, ellesont toujours une indépendance et une autonomie de gestion. Elles dé-veloppent de bonnes relations avec les Etats qui jouent par ailleurs desrôles régaliens qui ont des apports très importants pour la promotiondu coton africain.

GLOCAL : Le «cross-buying» ou « cross-selling » dans certainspays fait courir des risques importants aux filières coton na-tionales et ne permet pas aux sociétés cotonnières de se voirlivrer la totalité du coton produit sur leur zone ni de mettre enplace des programmes de soutien au producteurs qui génèrentle retour sur investissement escompté. Est-ce une difficulté quitouche plusieurs membres de l’ACA ? Quelles réponses pour-raient être apportées à ce problème aux niveaux national et ré-gional ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Ce phénomène fait partie desdifficultés que rencontrent les Sociétés cotonnières au niveau national ;l’intensité et les impacts varient d’un pays à l’autre ; le rôle de l’A.C.A

L’industrie est très consommatrice d’énergie dont la dispo-nibilité est limitée ; c’est un domaine peu utilisateur demains d’œuvre; par contre l’artisanat est plus offreur d’em-ploi et peu consommateur d’énergie ; une politique de sou-tien aux artisans du secteur textile est plus souhaitablepour accompagner le sous secteur textile.

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18 B- Les acteurs de la filière en Afrique de l’Ouest et du Centre

sera sûrement d’organiser un forum d’échangessur la question afin de mettre en relief le niveaudes impactes et de rechercher des solutionsd’ensemble.

GLOCAL : L’ACA s’est engagée dans la dé-fense du dossier du coton, pourriez-vousfaire un retour sur les prises de positionet l’engagement de l’ACA pour la défensedu dossier coton ? Quels ont été les vic-toires, les échecs et leçons accumulés aucours de cette aventure ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : La dé-fense du dossier coton est un mouvement d’en-semble. L’A.C.A est un des grands défenseursde ce dossier. Rappelons que l’A.C.A est née en2002, à quelques mois du sommet de l’OMC àCancun. Malgré sa jeunesse, elle avait fait unextraordinaire travail de mobilisation aux côtésdes Etats du C4 ; le résultat concret de ce travaila été la mise en échec du sommet de Cancunparce que le volet coton n’avait pas été traitécomme le souhaitaient les acteurs de la filière.

GLOCAL : Comment les membres de votreorganisation vivent-ils la stagnation ducycle de Doha et ressentent-ils les effortsdéployés par les délégations nationales ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : LesMembres de l’A.C.A vivent la stagnation ducycle de Doha avec, à la fois anxiété et espoir.L’anxiété est due au fait que les problèmes de-meurent et que le cycle n’y a pas encore apportéde solution. C’est le cas des difficultés engen-drées par les pratiques abusives de la politiquede subvention par les Etats occidentaux à leursproducteurs. L’espoir se justifie par la persévé-rance des délégations nationales qui continuentde pousser ce dossier au niveau de l’OMC.

GLOCAL : Dans une défense des filièrescoton aujourd’hui, quelles sont (ou se-raient) les actions principales de l’ACA ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : La luttecontre les pratiques des subventions illicitesn’est pas encore terminée ; elle doit se poursui-vre jusqu’à la victoire totale. De plus il est prévudans le plan stratégique de l’A.C.A une séried’actions qui permettront de contribuer à met-tre la filière coton africaine sur une nouvelle or-bite ; il s’agit de :- Communication et lobbying à destination desautorités, de la communauté internationale, dela société civile et des médias pour défendre lesfilières cotonnières africaines.- Concertation et échanges d’expérience en fé-dérant les moyens, les ressources et les exper-tises de manière à proposer des actionsconcrètes pour résoudre les problèmes com-muns des sociétés cotonnières.- Information : collecte, traitement et large dif-fusion de toutes informations relatives à la pro-duction et au commerce du coton en Afrique.- Promotion : initiatives visant à améliorerl’image de marque et la valorisation du cotonafricain.

GLOCAL : Suite à l’initiative sectorielle enfaveur du coton africain en 2003, un cer-tain nombre d’agences de développementse sont engagées dans le soutien de la fi-lière coton africaine. Au niveau des pro-jets de l’ACA, avez-vous pu bénéficier definancements et de soutiens divers quiont eu un impact significatif sur la situa-

tion des sociétés coton-nières membres del’ACA ? Si oui, pourriez-vous citer quelquesexemples ?

ADÉYÈMI ACHAMOUFAHALA : En gros certainsmembres de l’A.C.A ont bé-néficié de soutiens divers ;les cas palpables sont :- Le projet tous ACP pour lesproduits de base sur finan-cement de l’Union Euro-péenne dont le tiers dufinancement est réservé aucoton ;- Le projet WACIP (West African Cotton Im-provement Programm) financé par les EtatsUnis qui a aussi contribué au financement d’ap-point à certains projets au niveau pays par l’in-termédiaire des Comités ConsultatifsNationaux mis en place pour les besoins de lacause.Les Membres de l’A.C.A ont en effet bénéficiéen grande partie du projet tous ACP pour lesproduits de base pour faire des voyages de pro-motion du coton africain en Asie (Chine, Inde,Corée du Sud, Thaïlande etc…) avec l’appuitechnique du Centre pour le Commerce Inter-national (CCI) dans le cadre de la mise enœuvre de la coopération Sud-Sud. Ce projet apporte aussi un appui très apprécia-ble à l’A.C.A pour :- L’élaboration de son plan stratégique avecl’appui technique du CCI ;- La mise en œuvre de son projet de lutte contrela contamination grâce à l’appui technique dela Banque Mondiale ;L’installation et la dynamisation de ses Com-missions Techniques (Commission TechniqueProduction cotonnière, Commission TechniqueTransport, Commission Technique Egrenage,Commission Commercialisation et Commis-sion Technique Classement Métrologie) sous lecontrôle du COS-COTON (Organe chargé dusuivi de la mise en œuvre du volet coton du pro-gramme Tous ACP pour les produits de base). Notons aussi que le WACIP a apporté un appuisubstantiel à l’A.C.A en août 2007 pour l’orga-nisation d’un atelier technique sur le thème« Causes de la baisse de rendements du cotonau champ » puis pour un voyage d’étude à l’in-tention des membres de l’A.C.A en Afrique duSud en 2009.

GLOCAL : Dans le secteur du coton, la coo-pération Sud-Sud est-elle une réalité tan-gible ? Si oui, pourriez-vous citerquelques exemples concernant l’ACA ouses membres ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Commeje viens de le dire, plusieurs missionsd’échanges d’expériences et de promotion ducoton africain ont été organisées avec l’appuitechnique du CCI et sur financement de l’UnionEuropéenne.Lors de l’organisation de ladeuxième édition des « journées Qualité » ducoton africain en janvier 2010 à Cotonou, le CCIa également fait venir plusieurs ressortissantsde pays asiatiques pour leur faire toucher dudoigt les efforts que déploient les pays africainspour améliorer la qualité de leur coton ; c’est laforme palpable de la coopération Sud-Sud.

GLOCAL : Entre coopération et concur-rence Sud-Sud, quel est, selon vous, lejuste milieu à trouver pour créer des re-lations durables ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : Avec leniveau actuel du développement des Pays duSud, je pense qu’une coopération Sud-Sud estla meilleure voie pour créer des relations dura-bles.

GLOCAL : Pensez-vous que la question ducoton trouve une réponse satisfaisantedans le Cycle de Doha ? Sinon quelles estl’alternative ?

ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’espoirest permis. Ne pas accorder une place de choixà la question du coton dans le cycle de DOHA,c’est ignorer l’importance macro-socio-économique que constitue le coton pour plusde vingt millions d’Africains.Le coton est et demeure une spéculation socio-économique de grande valeur pour tous lespays producteurs. Ne pas y accorder une atten-tion méritée, c’est contribuer à l’appauvrisse-ment de nombreuses âmes sur la Terre. Parconséquent, toutes les voies susceptibles defaire avancer voire faire aboutir la question ducoton à l’OMC sont les bienvenues.

GLOCAL : Quel serait votre mot de la fin ?ADÉYÈMI ACHAMOU FAHALA : L’exis-tence de l’Association Cotonnière Africaine estune chance pour les Etats, les organisations na-tionales, régionales voir internationales. C’estun cadre de concertation de tous les acteurs dela filière coton d’Afrique. Elle est implantée àl’Ouest, à l’Est, au Centre, au Nord et au Sud duContinent. Elle constitue la porte d’accès à tousles acteurs de la filière coton d’Afrique. L’exis-tence même d’un plan stratégique quinquennal2011-2016 est une preuve tangible d’une nou-velle dynamique de cette Association panafri-caine à s’organiser de mieux en mieux pourrelever les énormes défis du secteur cotonnierafricain.J’en appelle donc à toutes les organisations na-tionales, régionales et internationales à laconsidérer comme l’interlocuteur crédible pourla mise en œuvre d’actions pouvant aider àl’amélioration de la compétitivité du coton afri-cain. n

LOME - Photo de famille © Aca

ADÉYÈMI ACHAMOUFAHALA

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR (UCAD)

Faculté des Sciences Economiqueset de Gestion (FASEG)

Laboratoire de Politiques Commerciales (LAPOCOM)

Master Professionnel II de Politiques et Négociations Commerciales Internationales(PNCI)

Dans un contexte marqué par une internationalisation croissante des économies et la re-cherche d’une meilleure insertion dans le système commercial multilatéral, les universitésont, ces dernières années, accru leur offre de formation pour satisfaire une demande deplus en plus importante d’acteurs opérant dans l’international et qui, quotidiennement fontface à des situations toujours plus complexes et plus pointus. La mise en place du Master de Politiques et NégociationsCommerciales Internationales (PNCI) à la FASEG de l’UCAD répond en partie à cesbesoins.

1°) L’offre de formation : Le Master PNCILe Master PNCI développe parallèlement deux formations, à savoir une formation en coursdu jour et une formation de renforcement des capacités en cours du soir.Les étudiants de la formation en jour suivent un stage de deux mois durant leur cycle de formation. Ils sont accueillis dans divers cadrestels que le Ministère du commerce, la Direction du commerce extérieur, les ONG comme Enda Tiers Monde, l’Ifri, mais aussi dans desentreprises privées. Un rapport de stage sanctionne ce séjour des étudiants en milieu professionnel.

2°) La recherche : Laboratoire de Politiques Commerciales (LAPOCOM)La recherche sur des thématiques concernant le commerce international, la formulation des politiques commerciales, les enjeux des né-gociations commerciales sur nos économies telles que la questions des accords de Partenariat Economiques (APE), la facilitation deséchanges, les mesures de sauvegarde correspondant à nos besoins réels, la problématiques de l’intégration régionale se développent ausein du LAPOCOM dans le cadre de la rédaction des mémoires et autres travaux de recherchepar les enseignants et autres doctorantsaffiliés à cette institution de recherche.

3°) Insertion des diplômésUn sondage effectué auprès des diplômés de la 1ère promotion du Master Professionnel II en « Politiques et Négociations CommercialesInternationales » 2006-2007 donne les informations suivantes :

Il ressort de ces tableaux que le secteur privé est le principal employeur des diplômés du Master PNCI avec 29%, suivi de l’enseignementavec 26%, l’administration avec 23%, les ONG et la poursuite des études absorbent chacune 11%.Il convient de préciser que les auditeurs de la 1ère promotion formation continue avaient tous déjà un emploi au Ministère de l’Economieet des Finances (3), à la Douane (3), dans l’Administration générale (1), dans l’Enseignement (3) et dans les Affaires (2) et au Ministèredu Commerce (1).

4°) Organisation des auditeursLes étudiants des promotions 2007-2008 et 2008-2009 ont mis en place un Groupement d’intérêt économique (GIE) pour faire la pro-motion de leur filière.Il est également prévu la mise sur pied d’une association des titulaires du Master PNCI qui devrait aussi apporter plus de visibilité àcette formation. Ainsi, l’organisation, tous les ans, d’une grande manifestation dénommée Forum du PNCI pour discuter de questions d’actualité touchantà la politique commerciales et aux négociations commerciales.

TABLEAU 1 : Insertion des diplômés selon le secteurd’activité

Gouvernement

Enseignement

Secteur privé

ONG

Etudes

Autres

Non connu

Total

1ère promotion

formation initiale

6

8

4

4

22

1ère promotion

formation continue

8

3

2

13

Total

8

9

10

4

4

35

TABLEAU 2 : Insertion des diplômés selon le secteurd’activité en pourcentage

Gouvernement

Enseignement

Secteur privé

ONG

Etudes

Autres

Non connu

Total

1ère promotion

formation initiale

28

36

18

18

100

1ère promotion

formation continue

62

23

15

100

Total

23

26

29

11

11

100

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20 C- Le rôle des associations, des ONGs et des agencesinternationales actives dans le secteur du coton NB: Ce texte en français n’est pas la version originale, mais une traduction libre d’un

texte initialement écrit en anglais (Voir version anglaise de ce Numéro spécial).

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

Contribution de la Commission Européenne(DG DEVCO, DG AGRI, DG COMMERCE)

L’Initiative de l’omc en faveur ducoton et la réponse de l’UELes industries du coton et des textiles de cotonsont essentielles pour la croissance économiquedes pays développés et des pays en développe-ment. Le coton est l’un des produits agricoles lesplus précieux et il enregistre l’un des taux de pro-duction les plus élevés au monde. Sa culture estrépandue dans plus de 100 pays, elle couvre prèsde 2,5 % des terres arables du monde et s’imposeainsi comme l’une des activités agricoles les plusimportantes en termes d’exploitation de la terre.Le coton est un produit agricole fortement com-mercialisé. Dans plusieurs pays, les exportationsde coton sont non seulement une importantesource d’accumulation des recettes en devises,mais elles contribuent également pour une partimportante du PIB national. C’est particulière-ment le cas en Afrique, mais aussi dans certainspays d’Asie centrale.Le coton est un produit ayant connu une longueet parfois difficile histoire. Compte tenu de sonimportance dans le commerce mondial et dansles économies des pays en développement, onpeut affirmer que le coton est un produit haute-ment « politique ». La production mondiale decoton varie inévitablement d’année en année.Ainsi, l’alternance des niveaux d’approvisionne-ment peut entraîner d’importantes fluctuationsdans les prix. Le coton est un bon exemple de l'in-stabilité des prix des produits agricoles : la chutedu prix du coton sur le marché international af-fecte directement des millions de petits agricul-teurs installés dans les pays producteurs de cotonen Afrique centrale et de l’ouest. Le coton représente une part importante du sec-teur économique de plus de 20 pays africains.L’essentiel du coton africain est produit par de pe-tits agriculteurs, sur des plantations de moins dedeux hectares. La culture du coton est presquetoujours associée à la production de denrées vi-vrières, et représente une source de revenus per-mettant de couvrir les dépenses des ménages(alimentation, éducation, santé). C’est dire la re-lation importante qui existe entre la productiondu coton, la réduction de la pauvreté et la sécuritéalimentaire. C’est pourquoi le soutien offert ausecteur du coton est un aspect important de lacoopération de l’UE.La dimension du développement est centrale etl’UE a toujours eu le souci d’intégrer le dévelop-pement dans toutes ses négociations multilaté-rales et bilatérales. Cette approche axée sur lecommerce et le développement est à la base desAccords de partenariat économique (APE) quel’UE négocie actuellement avec les pays d’Afriquesubsaharienne. En 2003, quatre pays africains -Bénin, BurkinaFaso, Mali et Tchad - appelés « le C4 », ont solli-cité l’inscription de l’Initiative en faveur du cotondans l’Agenda de Doha pour le développement,sous l’égide de l’OMC. Leur objectif est de parve-nir à de profondes réductions des subventions ac-cordées au secteur du coton, à la réduction destarifs, et assurer un renforcement de l’assistance,afin d’encourager la production du coton et d’op-timiser ses recettes. C’est probablement avec l’Ini-tiative en faveur du coton que ces quatre pays,défavorisés du point de vue économique, ont pourla première fois attirer l’attention internationalesur une cause commune. Le « C4 » a démontré

qu’en travaillant la main dans la main, les petitesnations sont capables de participer et d’influencerle système commercial international. Les États membres de l’OMC ont unanimementreconnu la légitimité des demandes du « C4 » etont inscrit le coton parmi les priorités à l’ordre dujour des négociations de Doha. Il est aujourd’huiévident qu’aucune conclusion ne peut être appor-tée au cycle de Doha, à moins d’aborder la ques-tion du coton avec ambition, notamment enrelation avec les trois piliers suivants : l’accès aumarché, le soutien interne et la concurrence àl’exportation. L’UE est l’une des premières parties à avoir tra-duit cet engagement dans des faits concrets. Eneffet l’Union est pleinement consciente de l’im-pact majeur que la production de coton a exercésur le développement des pays les plus pauvresdu monde, et à travers ses propres initiatives, s’estengagée à mener une profonde réforme de sonsecteur du coton. En 2004, l’UE a lancé le « Partenariat UE-Afriquesur le coton », en faveur duquel une assistance fi-nancière substantielle a été débloquée. Depuis2004, plus de 320 millions d’euros ont été allouésaux programmes et projets liés au coton (les Étatsmembres de l’UE, tout particulièrement laFrance, l’Allemagne et la Hollande, ont fait d’im-portantes contributions à travers des projetsgérés de manière indépendante par la Commis-sion Européenne). Le «Partenariat UE-Afriquesur le coton» s’intéresse particulièrement à lacoopération avec le Bénin, le Burkina Faso, leTchad et le Mali. Ce partenariat reflète le rôle-cléque le coton joue dans les politiques économiquesde ces pays, dans la mesure où ce secteur emploieprès de deux millions de travailleurs, et qu’envi-ron 15 millions de personnes vivent de la produc-tion et de l’exportation du coton. Ces chiffres ne concernent pas l’assistance indi-rectement liée au coton, notamment les projetsagricoles d’ordre général, les in frastructures(routes principales, ponts), la facilitation du com-merce (ex. : la gestion des ports), le développe-ment du secteur privé et l’assistance générale àl’échelle macroéconomique. Les États membresde l’UE ont augmenté leur contribution au FondsEuropéen de Développement (FED) pour la por-ter à 22 milliards d’euros au titre de la décennie(2008-2013). La part la plus importante de cettesomme est destinée à l’Afrique.Le «Partenariat UE-Afrique sur le coton» a étémis sur pied au cours du Forum de Paris de 2004,en même temps qu’un Cadre d’action. L’objectifétait d’aborder les préoccupations des produc-teurs africains de coton, profondément affectéspar la baisse des prix du coton qui dure depuis lesannées 1990 et 2000. Le partenariat couvre deux aspects : une com-posante «Commerce» qui a pour objectifd’établir un commerce plus équitable durantle cycle de Doha sur le développement. Lacomposante «Développement», par ailleurs,vise à améliorer la compétitivité et la valeurajoutée du coton africain, en optimisant l’im-pact sur le rendement des producteurs. Le Cadre d’action met en œuvre ces deuxcomposantes à travers six axes stratégiques : - Développer, surveiller, évaluer et actualiserles stratégies nationales et régionales sur lecoton ;

- Améliorer le cadre institutionnel, l’organisationinterne et l’efficacité de l’industrie du coton ;- Améliorer la compétitivité de l’industrie ducoton en Afrique ; - Réduire la vulnérabilité de l’industrie du coton ; - Accroître la valeur ajoutée générée par l’indus-trie du coton ; - Renforcer la coordination aux niveaux interna-tional, régional et national. Le Cadre d’action est coordonné et mis en œuvrepar le «Comité d’Orientation et de Suivi du Par-tenariat UE-Afrique sur le Coton» (COS-Coton),composé des pays du groupe ACP, de l’UE, desorganisations d’intégration régionale, des organi-sations UE-ACP et du secteur privé. A ce titre,COS-Coton est chargé de la gestion des besoinsdes acteurs de l’industrie, afin de garantir la co-hérence et l’appropriation du Cadre d’action etdes programmes connexes, y compris la compo-sante coton de l’ensemble du Programme sur lesproduits agricoles des pays ACP. Les programmes d’aide au développement finan-cés par l’UE visent à assister les producteurs decoton des pays ACP les plus affectés. L’UE s’estégalement engagée à réduire considérablementles procédures internes hostiles au commerce etpropose une série de mesures d’accès au marché,au bénéfice des pays en développement.

Aperçu du marché du coton ausein de l’UELe territoire couvert par la culture du coton dansl’UE s’est progressivement étendu jusqu’à la findes années 1990, où il culminait à environ540 000 hectares. Depuis 2006, le rétrécissementde cette surface est très significatif. Au cours de lapériode 2006-2010, le territoire exploité pour laculture du coton dans l’UE a rétréci de 33 %, etest tombé à 293 000 hectares. La superficie desplantations de coton dans l’UE a augmenté de10 % durant la saison 2010/2011, pour réagir à lahausse des prix sur le marché mondial. En 2010,la production de coton dans trois États membrescouvrait une surface de 325 000 hectares. LaGrèce (80 %, surtout en Macédoine, Thessalo-nique et Sterea Ellada) est le premier producteur,tandis que l’Espagne (19 %, surtout en Andalou-sie) occupe la deuxième place. La Bulgarie pro-duit du coton sur 1 000 hectares. La productiona été stoppée en Italie en 1991 et au Portugal en1996. La quasi-totalité de la production de cotondans l’UE est cultivée sur des terres irriguées. De même, la production de coton égrené en UE abaissé depuis la réforme de 2004 : estimée à500 000 tonnes en 2006, elle a chuté à 225 000tonnes en 2010 ; ce qui représente moins de 1%la production mondiale de coton, estimée à 25,2millions de tonnes. Avec 180 000 tonnes, la Grèce

EU cotton area 1982 - 2010 (000 ha)

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a contribué pour 80 % de la production de l’UEen 2010, tandis que l’Espagne a produit les 20%restants (45 000 tonnes). La production de cotonen Bulgarie avoisinait le chiffre insignifiant de200 tonnes. La réforme de 2004 a entraîné d’importantschangements dans le comportement des produc-teurs, particulièrement en Espagne, où les ré-coltes ont considérablement chuté - d’environ 4tonnes par hectare à 1,1 tonne par hectare - du-rant la période 2010/2011. La Grèce a égalementconnu une baisse de ses récoltes, dans des pro-portions somme toute moins importantes qu’enEspagne. En 2010, la Grèce et l’Espagne ontconnu des tendances divergentes en ce quiconcerne les rendements : en effet, tandis qu’enEspagne ils augmentaient de 85 % pour 2,1t/ha,ils chutaient de 32 % en Grèce pour 2,1t/ha. Labaisse en Grèce est due à des attaques de para-sites d’une gravité inhabituelle, doublées desconditions climatiques hostiles durant la récolte.Les importations de coton dans l’UE ont suivi unecourbe identique : une baisse prononcée, de870 000 tonnes en 2002 à 150 000 tonnes en2009, a été enregistrée. Dans l’ensemble, sur lapériode 2007-2009, l’UE a importé en moyenne240 000 tonnes de coton égrené. Plus du tiers ducoton importé vers l’UE provient de l’Asie cen-trale (Kazakhstan, Ouzbékistan et Tadjikistan) et9% est importé des États-Unis et de la Turquie.Les exportations de l’UE restent relativement sta-bles : elles sont passées de 220 000 tonnes en2003 à 215 000 tonnes en 2008. Sur la période2007-2009, l’Union a exporté une moyenne de220 000 tonnes par an. La Turquie est, de loin, leplus gros marché pour le coton de l’UE,puisqu’elle reçoit plus de la moitié des exporta-tions de l’Union. Par ailleurs, 21 % du coton del’UE est exporté vers l’Égypte.

Réforme de l’UE sur le cotonMême si la production de l’UE ne représentequ’une petite fraction de la production totale auniveau mondial, l’UE a réformé le secteur ducoton en 2004. En adhérant à l’UE, les pays eu-ropéens producteurs de coton (Grèce et Espagne)ont bénéficié d’un soutient généreux accordé àleurs cultivateurs/producteurs de coton. Le « Paquet méditerranéen » de 2004 a mis finaux paiements compensatoires et a introduitl’aide direct « couplée » (35 %) et « découplée »(65 %) axée sur des produits spécifiques. Un dé-couplage total a été jugé impossible pour le coton,car le Traité d’adhésion de la Grèce exige que laCommunauté soutienne sa production de coton.La réforme de 2004 a été contestée avec succèspar l’Espagne auprès de la Cour européenne dejustice (CEJ). La Cour n’a pas remis en cause lanature de la réforme, mais elle s’est interrogée laprocédure qui a présidé à sa préparation et sonadoption. Tout particulièrement, la Cour a statuésur le peu d’attention accordée aux coûts de lamain d’œuvre employée pour la culture du cotonet sur la viabilité de l’industrie d’égrenage. Néan-

moins, la CEJ a autorisé la mise en œuvre du planjusqu’à l’adoption d’une nouvelle réforme.Après des études intensives et une évaluationd’impact, la nouvelle réforme a été adoptée par leConseil de l’Europe en 2008, et elle sera applica-ble à partir de 2009. Elle répond au même tauxd’aide directe couplée (35 %) et découplée (65 %)sur un niveau budgétaire. La surface maximumsusceptible de bénéficier d’une aide a été réduiteà 250 000 ha en Grèce, 48 000 ha en Espagne,3 342 ha en Bulgarie et 360 ha au Portugal. Dansles cas où la surface de production est supérieureà la surface nationale de base, l’aide par hectaresera réduite proportionnellement.De plus, la réforme contient un fonds de restruc-turation pour la Grèce et l’Espagne, à l’effet de fi-nancer cinq mesures : (1) le démantèlement desusines d’égrenage, (2) les investissements dansles usines d’égrenage, (3) la participation des cul-tivateurs à l’élaboration des plans de qualité, (4)les activités d’information et de promotion, (5)l’aide aux fournisseurs d’engins de récolte, affec-tée par le démantèlement des usines. La réforme a par ailleurs éliminé le soutien in-terne qui exerçait les effets les plus néfastes sur lecommerce (la fameuse catégorie orange del’OMC) et a par la suite changé le programmed’encouragement à la production. Les cultiva-teurs européens de coton prennent désormais

leurs décisions de production en fonction desfluctuations du marché et non plus sur la basedu soutien financier. La réforme européennede 2004 sur le coton a eu des effets positifs surla production des acteurs africains. Le coton joue toujours un rôle important danscertaines parties de l’Europe, d’où la persis-tance de l’UE à soutenir la production natio-nale de coton. Toutefois, dans l’ensemble, laproduction de coton de l’UE ne représentequ’une petite fraction de la production mon-diale. Par conséquent, son aide n’a aucun im-pact significatif sur les prix mondiaux. Depuis 2009, les prix du coton continuent

d’augmenter : l’index Cotlook A (un prix CAFpondéré) a atteint le record mondial de 4 791 dol-lars/tonne le 14 février 2011. En effet, le CotlookA a enregistré une hausse de 250 % en 2010, soitune augmentation d’environ quatre fois supé-rieure à la barre de 1 233 dollars/tonnes, mainte-nue depuis janvier 2009.

Démarche à suivreLes réformes entreprises par l'UE n'auront desens que si tous les pays producteurs de cotons'engagent à introduire des réformes similairesafin de diminuer leurs aides internes. L’Europereprésente une très petite partie de la productionmondiale de coton. Elle n’exporte pas son cotonet importe hors taxes et hors quota le coton despays moins avancés. Notre réforme n’exclut pasle besoin pressant pour les autres pays dévelop-pés de réformer leurs stratégies de soutien àl’agriculture. Les États-Unis jouent un véritable rôle de distor-sion du commerce. L’UE contribue pour moinsde 2% du marché mondial du coton, tandis queprès de la moitié de la production mondiale decoton provient des États-Unis et de la Chine. En

fonction des prix du marché, les États-Unis ver-sent jusqu’à quatre milliards de dollars par an àses 25 000 producteurs de coton. Cette mesurelui permet de rester le premier pays exportateurde coton au monde, avec une contribution de37 % du marché mondial.En 2008, les États-Unis ont fait de timides ouver-tures, à la condition que la Chine ouvre égalementson marché du coton. La proposition a rencontréle refus de la Chine, inquiète face à l’oppositionde la région sensible du nord-est du pays. Les dis-cussions ont aboutit sur une impasse depuis lors,mais le gouvernement Démocrate est non seule-ment moins dépendant des groupes de pressionsur le coton que son prédécesseur, mais est éga-lement plus conscient des répercussions des po-litiques américaines sur les régions les pluspauvres du monde, particulièrement l’Afrique. L’UE reste convaincue que le cadre adéquat pourla négociation des règles régissant la subventiondu secteur du coton doit être les négociations àl’OMC dans le domaine agricole. L’UE s’est réso-lue à soutenir les pays africains dans leur quêtede solutions pour le secteur du coton. Cet enga-gement doit faire partie intégrante des négocia-tions agricoles de l’Agenda de Doha pour ledéveloppement. L’UE encourage les autres Étatsmembres de l’OMC, notamment les États-Unis,à suivre son exemple et réformer sa politique ducoton.Dans le passé, l’UE a fait des propositionsconcrètes dans le sens de l’adoption, dans le cadrede l’OMC, de règles spécifiques au secteur ducoton. Premièrement, éliminer les formes de sou-tien national les plus hostiles au commerce ; en-suite, éliminer le soutien à l’exportation dans lesecteur du coton ; et troisièmement, permettreune ouverture complète et sans réserves du mar-ché du coton aux pays les moins avancés, actionassimilable à l’initiative « Tout sauf les armes »de l’UE. Quelques questions extérieures à l’agenda des né-gociations se sont récemment posées. Dans l’af-faire introduite par le Brésil contre les États-Unis,le Panel de décision de l’OMC sur le coton peutentraîner des changements dans le futur. La dé-cision du Panel de l’OMC en faveur du Brésil s’estaccompagnée d’intenses négociations entre lesdeux pays, afin de parvenir à un accord et éviterdes représailles commerciales que le Brésil pour-rait engager contre les biens et les services en pro-venance des États-Unis. En juin 2010, les États-Unis et le Brésil sont par-venus à un accord préliminaire et le Brésil aconvenu de ne pas engager de représailles. Par lebiais de cet accord, les États-Unis ont réussi à dif-férer toute modification qu’ils pourraient appor-ter à la politique de subvention du coton jusqu’àla prochaine Loi agricole en 2012. Aux termes del’accord, il est évident que les États-Unis offrirontune compensation au Brésil du fait qu’ils ne chan-geront pas leurs programmes de subvention dusecteur du coton jusqu’à la prochaine Loi agricole. Les critiques des procédures de l’OMC affirmentque l’issue de l’affaire brésilienne illustre les im-perfections du processus de règlement des diffé-rends de l’OMC. Le Brésil s’est en quelque sortefait le porte parole des pays africains exportateursde coton, qui n’avaient pas les moyens d’intro-duire une plainte contre les États-Unis. Ces paysne disposaient pas d’un marché suffisammentcompétitif pour brandir une menace de repré-sailles réellement dissuasive. Si le Brésil avait im-posé des mesures de représailles contre lesÉtats-Unis, les pays africains producteurs decoton auraient pu disposer d’une meilleurechance de voir leurs demandes satisfaites durantles négociations de Doha. n

Yield: tons of unginned cotton per hectare(1982 - 2010)

Yield: tons of unginned cotton per hectare(1982 - 2010)

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22 C- Le rôle des associations, des ONGs et des agencesinternationales actives dans le secteur du coton

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

L’engagement de la coopération allemande pour le soutien du coton africain

Interview avec WOLFGANG BERTENBREITER - Responsable du Programme coton, GIZ

GLOCAL : Pouvez-vous brièvement vous présenter et présenterl’organisation pour laquelle vous travaillez ?

WOLFGANG BERTENBREITER : Je suis actuellement responsabledu programme coton mis en œuvre dans le cadre de la GIZ. Il s’agit del’initiative COMPACI (Competitive African Cotton Initiative) mis enœuvre en collaboration avec le DEG et des partenaires locaux. Elle béné-ficie de l’appui financier de la Bill and Melinda Gates’ Foundation et duMinistère allemand de la Coopération Economique et le Développement(BMZ). Depuis 1989, je travaille pour la GTZ (Gesellschaft für TechnischeZusammenarbeit) rebaptisée GIZ (une fusion de la GTZ, la DED et In-Went). La GIZ compte près de 17 000 employés et opérateurs dans plusde 130 pays. Cette configuration nous permet de disposer d’une structureplus efficace et plus facilement accessible pour nos clients qui n’ont plusà faire qu’à une société au lieu de trois.

GLOCAL : Depuis quand travaillez-vous sur des projets relatifsau coton africain ?

WOLFGANG BERTENBREITER : J’ai commencé à travailler sur lecoton en 2006 comme conseiller auprès du Ministère dans le cadre desnégociations de l’OMC et j’étais aussi membre du comité directeur duprojet « Support for the C4 Cotton Initiative » (Soutien à l’Initiative CotonC4) tel que mis en œuvre par IDEAS qui appuie l’initiative C4. Elle com-prend : La formation des négociateurs et l’appui à la rédaction d’articles.Il s’agissait d’un projet conjoint entre l’Allemagne, les Pays-Bas, la France,le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède. Les différentes études quenous avons menées sur le coton ont donné lieu à une proposition formu-lée par le Groupe Otto, qui a abouti sur l’initiative « Cotton Made inAfrica », partenaire du programme COMPACI.

GLOCAL : Le coton est-il le seul secteur dans lequel la GIZ est en-gagée à travers l’Initiative Competitive African Cotton ?

WOLFGANG BERTENBREITER : Oui, pour l’instant. A traversCOMPACI, la GIZ est engagée en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, auBénin, au Malawi, au Mozambique et en Zambie. L’initiative CmiA (Cot-ton Made in Africa) a conclu un partenariat avec COMPACI. Noussommes chargés du travail sur le terrain, la formation des cotonculteurs,le développement des facilités de crédit et la fourniture d’un appui à CmiAdans le développement du système de vérification et la formation des vé-rificateurs. CmiA s’occupe de la commercialisation du coton produit enassurant les vérifications sur le terrain et la mise en œuvre de projets dedéveloppement communautaire. A titre de repère, CmiA était initiale-ment un Partenariat Public/Privé bénéficiant de l’appui financier du Gou-vernement allemand. COMPACI nous a accompagnés pendant 2 ansmais CmiA génère désormais ses propres fonds et est devenu de plus enplus indépendante et autonome.

GLOCAL : La GTZ (la coopération allemande) était-elle impli-quée dans des projets relatifs au coton africain avant la venuede COMPACI ?

WOLFGANG BERTENBREITER : Avant COMPACI, nous étions en-gagés dans un projet cotonnier à long terme en Egypte, qui soutenait cesecteur dans divers domaines, de la culture du coton à sa transformation

textile industrielle.Nous sommes interve-nus dans la gestion dela qualité, la pénétra-tion du marché euro-péen et la création d’unlabel « Cotond’Egypte ». Puis, nousavons rejoint un projeten Tanzanie tout entravaillant dans un sys-tème de Gestion Inté-

grée des Maladies. Notre expérience égyptienne nous a appris que le dé-veloppement d’un label nécessite une structure qui en assume la respon-sabilité et qu’elle ne peut pas survivre des changements de responsabilitésentre acteurs des secteurs public et privé, auquel cas, le label perdrait saréputation sur le marché. Le label a retrouvé sa réputation et les aptitudeset critères d’évaluation ont été mis au point pour garantir son succès.

GLOCAL : Ceci est très intéressant et onprésume que toutes ces connaissancespourraient profiter à Cotton Made inAfrica.

WOLFGANG BERTENBREITER : Il ya eu sur le sol africain des discussions entreles différents acteurs et parmi d’autres par-ties prenantes de la Banque Africaine de Dé-veloppement et de COMESA concernant lapossibilité de créer un label de qualité pour le coton africain. Cette idée aégalement fait l’objet de délibérations par l’Association Africaine duCoton. Au début, c’était un peu délicat de faire commercialiser le label« Cotton Made in Africa » par une ONG allemande et d’associer le cotondont elle assurait la promotion à certaines sociétés cotonnières enAfrique, mais d’autre part, les sociétés cotonnières africaines ne pouvaientpas supporter le coût de la création et la promotion du label, ou encorede la création et du fonctionnement du système de vérification. Par ail-leurs, la mise en place d’une relation avec des détaillants en Allemagneet partout ailleurs dans le monde afin de créer la demande en coton CmiAet l’appui à ses sociétés dans les mécanismes d’approvisionnement consti-tuent d’autres difficultés auxquelles nous avons dû faire face en tant queONG allemande. Posséder un label c’est bien, mais pouvoir en assurer lapromotion et la commercialisation est essentiel.

GLOCAL : Quels type de relations avez-vous avec les organisa-tions cotonnières africaines, qu’il s’agisse d’organisations pro-ductrices ou de sociétés cotonnières ?

WOLFGANG BERTENBREITER : CmiA est un label de coton afri-cain et nous envisageons de nous rapprocher d’acteurs tels qie l’ACA etl’AProCA . AproCA est engagée dans la Cotton University et certainsmembres de l’ACA sont déjà membres de CmiA. Nous essayons actuelle-ment de comprendre comment les membres d’AproCA et d’ACA peuventdevenir membres du conseil consultatif de CmiA. Tout d’abord, CmiAavait une approche top-down et maintenant qu’elle est constituée et opé-rationnelle, elle deviendra une initiative à parties prenantes multiples.

GLOCAL : Cette démarche d’intégration progressive d’un groupeplus étendu de parties prenantes était-elle une stratégie depuisle départ ou une décision à mi-chemin de CmiA et COMPACI ?

WOLFGANG BERTENBREITER : C’était une stratégie prévue de-puis le début. Une initiative telle que « Better Cotton » avait procédé au-trement ; elle avait démarré avec une grande communauté de partiesprenantes. CmiA a vu le jour comme une initiative du Groupe Otto, DED,WWF et de deux sociétés de vente au détail. Le groupe de parties pre-nantes initial était assez réduit. Nous avons décidé de démarrer tout dou-cement, de mettre en place cette structure, de mettre en œuvre l’initiativeet de prouver qu’elle peut réussir. Maintenant qu’elle fonctionne, nouspouvons intégrer les différentes parties prenantes. Il s’agit de Cottonmade in Africa ; nous ne pouvons pas nous contenter de représentantseuropéens, nous devons en accueillir en provenance des sociétés coton-nières. Jean Claude Tallon de ICA Benin est membre du conseil consul-tatif, tout comme Ibrahim Malloum (honorable président de l’ACA). Nouscomptons également des membres originaires des Etats-Unis (1888mils)… tous nous ont rejoints progressivement. Des sociétés cotonnièresdemandent actuellement à faire partie de l’initiative CmiA. L’étape sui-vante consiste à comprendre comment nous pouvons accueillir des or-ganisations de cultivateurs de coton.

Posséder un labelc’est bien, mais pou-voir en assurer lapromotion et la com-mercialisation estessentiel.

« GIZ »

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GLOCAL : Pouvez-vous nous parler davantage de l’approche deCOMPACI ?

WOLFGANG BERTENBREITER : En ce qui concerne l’approcheCOMPACI, nous assurons un appui dans le cadre d’un engagement par-tagé, de notre part et de la part des sociétés cotonnières avec lesquellesnous travaillons. Il y a une phase de qualification : les sociétés doiventêtre à même de contribuer la moitié des ressources du projet et nousvérifions la qualité de leurs bilans, sinon, nous ne pouvons pas engagerun partenariat.

GLOCAL : Pourriez-vous présenter quelques éléments qui dé-peignent la situation des filières coton en Afrique de l’ouest etdu Centre ?

WOLFGANG BERTENBREITER : Pendant la crise du coton de2004/2005, les prix du coton étaient assez faibles puis, ils se sont sta-bilisés, tout comme les sociétés cotonnières. La crise financière et laspéculation ont à nouveau plongé les sociétés cotonnières dans une si-tuation difficile, allant jusqu’à la faillite pour certaines. Après la crise fi-nancière de 2009, c’est désormais le retour à la normale et la demandedu marché en coton est actuellement supérieure à la production et àl’offre. Au cours des 8 derniers mois, les prix du coton sont montés enflèche. La majorité de nos partenaires se sont efforcés la saison écouléede retrouver des positions financières solides. Certains problèmes sontégalement liés aux prix très élevés du coton. Dans certains pays commele Bénin, des sociétés installées en dehors du pays envoient des camionsqui achètent la production des cotonculteurs béninois à des prix plusélevés que ceux convenus avec les sociétés cotonnières qui ont investidans la formation des producteurs et les mécanismes d’appui. Parconséquent, les sociétés cotonnières béninoises perdent des quantitésconsidérables de coton par le biais de cet « achat pirate » pratiqué pardes sociétés qui ne respectent pas les règles du jeu. Ce scénario est assezfréquent en Afrique du Sud et récent en Afrique de l’Ouest.

GLOCAL : Entre l’approche libérale de la Zambie, du Malawi etl’approche moins libérale des pays producteurs de cotond’Afrique de l’Ouest, laquelle fonctionne le mieux ?

WOLFGANG BERTENBREITER : A mon avis, l’approche moinslibérale est la meilleure. Prenons l’exemple de la Tanzanie qui avaitun secteur cotonnier réglementé de façon très rigoureuse, comprenantla formation et bien d’autres. Après la libéralisation, les sociétés co-tonnières ont commencé à pratiquer la concurrence au détriment decelles qui avaient investi dans le préfinancement d’agriculteurs dés-ormais à la recherche des meilleurs prix pour leur production. Les so-ciétés cotonnières ont cessé de préfinancer la production ainsi que lefinancement de la formation et d’autres services ; les cotonculteurstanzaniens ont les meilleurs prix au kilogramme de coton en Afrique.Les agriculteurs formés par les sociétés cotonnières avaient des pro-ductions de 600/650 kg, maintenant ils ne produisent pas plus de250/300 kg. Ils bénéficient de prix plus élevés mais ont perdu la moi-tié de leurs productions. Dans un secteur moins libéralisé comme auBurkina Faso où il existe des zones de concession, les sociétés inves-tissent dans la formation par le préfinancement, puis récupèrent laproduction après avoir convenu du prix avec les cultivateurs. La pro-duction des cotonculteurs d’Afrique de l’Ouest est supérieure à cellede ceux d’Afrique de l’Est où les producteurs de coton ne bénéficientpresque d’aucun appui. Le scénario de la Zambie est différent ; dessociétés telles que Dunavant ou Cargill investissent lourdement en fa-veur des cotonculteurs. Les sociétés concluent avec les agriculteursdes contrats conformément auxquels les cotonculteurs sont censésrembourser les prêts à la livraison du coton. Toujours au cours de cesdernières années, les cotonculteurs ont réalisé jusqu’à 20 % de ventesparallèles.

GLOCAL : Etant donnél’impact de l’« achatpirate » sur les socié-tés cotonnières et lespays dont le PIB dé-pend fortement ducoton, une approcherégionale pourrait oudevrait-elle essayer derégler ces questions ?

WOLFGANG BER-TENBREITER : Lesrégions doivent s’ac-corder. En AfriqueOrientale et Australe, il doit y avoir un cadre légal qui relie les sociétéset assurent la formation et l’appui aux agriculteurs qu’ils accompagnent.Par ailleurs, on peut également établir une règle selon laquelle les ache-teurs pirates ne sont pas les bienvenus dans le pays ou que ce typed’achat fait l’objet d’une taxe qui permettrait ensuite aux pouvoirs pu-blics de réinvestir dans la formation et le préfinancement des cultiva-teurs.

GLOCAL : Etant donné la situation des capacités textiles enAfrique Centrale et de l’Ouest, pensez-vous que les excédentscollectés pendant les périodes de cours élevés du coton peu-vent être réinvestis pour appuyer le renforcement des capaci-tés de transformation du coton ?

WOLFGANG BERTENBREITER : Non. La transformation textiles’effectue où elle coûte le moins cher. Comparé à l’Asie, le textile africainest loin d’être compétitif. Les filatures par exemple nécessitent une four-niture en énergie électrique 24 heures sur 24. Il s’agit de l’une des dif-ficultés majeures actuelles en Afrique de l’Est et de l’Ouest. Les salairesdes employés en Asie sont inférieurs à ceux d’Afrique de l’Ouest.

GLOCAL : Dans le cadre de leur stratégie énergétique et infra-structurelle, des organisations telles que l’UEMOA pour-raient-elles promouvoir les capacités susceptibles decontribuer au décollage du secteur textile ?

WOLFGANG BERTENBREITER : C’est envisageable, si ellesconsentent les investissements appropriés. Des investisseurs interna-tionaux se rendraient en Afrique de l’Ouest. Des sociétés chinoises parexemple, s’installeraient en Afrique pour y produire et éviter les bar-rières, les négociations et aussi réduire la charge fiscale qui leur est im-posée lorsqu’elles produisent en Asie et essayent de pénétrer lesmarchés européens et américains. Une telle mesure leur permettraitégalement de profiter del’AGOA et/ou de l’Initia-tive Tout Sauf les Armes.

GLOCAL : A quelles diffi-cultés majeures êtes-vous confronté dansvotre travail en AfriqueCentrale et de l’Ouest ?La corruption en fait-elle partie ?

WOLFGANG BERTENBREITER : La corruption ne nous pose pasde problème parce que nous travaillons avec des sociétés cotonnièresqui pratiquent l’intégrité. Nous travaillons avec des sociétés qui respec-tent le Code Ethique international. La formation des cultivateurs repré-sente le plus gros défi. Comment leur communiquer les informationset s’assurer qu’ils appliquent le contenu de la formation. Nous nous ren-dons compte que nous devons investir davantage dans le système devulgarisation afin que les informations concernant les bonnes pratiquesagricoles soient transmises de manière appropriée aux cotonculteurspour les aider à comprendre que ces mesures leur permettent de main-tenir à long terme leur capacitéde production. Un autre déficonsiste à comprendre com-ment le coton peut être intégrédans le plan d’investissementnational tel que défini dans lecadre de programmes agri-coles. L’utilisation du coton àdes fins politiques est également unproblème. n

Dans certains pays comme le Bénin, des sociétés installées endehors du pays envoient des camions qui achètent la produc-tion des cotonculteurs béninois à des prix plus élevés que ceuxconvenus avec les sociétés cotonnières qui ont investi dans laformation des producteurs et les mécanismes d’appui. Parconséquent, les sociétés cotonnières béninoises perdent desquantités considérables de coton par le biais de cet « achat pi-rate » pratiqué par des sociétés qui ne respectent pas les règlesdu jeu. Ce scénario est assez fréquent en Afrique du Sud et ré-cent en Afrique de l’Ouest.

« GIZ »

WOLFGANG BERTENBREITER

Comparé à l’Asie, le textile africainest loin d’être compétitif. Les fila-tures par exemple nécessitent unefourniture en énergie électrique 24heures sur 24. Il s’agit de l’une desdifficultés majeures actuelles enAfrique de l'Est et de l’Ouest.

C- Le rôle des associations, des ONGs et des agencesinternationales actives dans le secteur du coton 23NB: Ce texte en français n’est pas la version originale, mais une traduction libre d’un

texte initialement écrit en anglais (Voir version anglaise de ce Numéro spécial).

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GLOCAL

24 C- Le rôle des associations, des ONGs et des agencesinternationales actives dans le secteur du coton

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

Genèse du Partenariat UE-Afrique sur le Coton

Le Partenariat UE-Afrique sur le cotonest né en réponse aux inquiétudes des filièrescotonnières africaines fortement affectéespar la baisse des prix du coton au cours desannées 1990 et au-delà de 2000. A l’occasiondu Forum de Paris, en 2004, l’Union Euro-péenne et les pays africains ont approuvé lacréation du Partenariat ainsi que son pland’action.Le Partenariat comporte deux volets : d’unepart un volet « Commerce » visant l’établis-sement de relations commerciales équitablesdans le cadre de l’OMC par le biais du Pro-gramme de Doha pour le développement;d’autre part, un volet ‘Développement’ ayantpour objectif l’amélioration de la compétiti-vité et de la valeur ajoutée des filières coton-nières africaines en optimisant l’impact surle revenu du producteur. Dans le sillage du Forum de Paris de juillet2004, un Comité d’Orientation et de SuiviACP-UE sur le coton (Cos-coton-coton) a étécréé afin de suivre plus particulièrement levolet développement du Cadre d’Action, touten tenant compte du volet commerce. Il apour tâches prioritaires de superviser la mo-bilisation des ressources financières, de sti-muler la mise en œuvre des actionsconvenues, de coordonner et de diffuser lesinformations disponibles sur le sujet. Le Cos-coton est composé de 11 membres représen-tant 5 catégories d’acteurs : les Etats ACP;l’Union Européenne représentée par la Com-mission et un Etat membre (France) ; les or-ganisations d’intégration régionalereprésentées par l’UEMOA ; les institutionsparitaires ACP-UE (CDE, CTA) ; et le secteurprivé (AProCA pour les producteurs, ACApour les égreneurs, ACTIF pour les indus-triels de la transformation locale de la fibre).Le comité est actuellement présidé par l’Am-bassadeur du Burkina Faso à Bruxelles, quireprésente le Groupe coton ACP.

Le Cadre d’Action du Partena-riat : outil de coordination et desuiviDonnant suite à une des recommandationsmajeures de l’évaluation externe du Partena-riat entreprise début 2009, le plan d’actiondu Partenariat a, depuis février 2010, faitplace à un Cadre d’Action du Partenariat. Cedernier réaffirme la pertinence du Partena-riat UE-Afrique sur le coton et la nécessité de

le poursuivre en l’adaptant au contexte quiévolue aussi. L’objectif global du Cadre d’Action est l’appuiaux filières cotonnièresafricaines afin qu’ellescontribuent au dévelop-pement de l’agricultureet à la lutte contre lapauvreté. Son objectifspécifique est d’amélio-rer la compétitivité, lavaleur ajoutée et la via-bilité des filières coton-nières africaines enoptimisant l’impact surle revenu des produc-teurs.Le Cadre d’Action est àla fois un documentstratégique de référenceet un outil de coordina-tion et de suivi des ac-tions menées dans lecadre du PartenariatUE-Afrique sur lecoton. Six axes straté-giques d’interventionont été définis sur labase d’une analyse desproblèmes et des défis àrelever, tels que perçuspar les acteurs des filières cotonnières afri-caines (voir encadré). Document de réfé-rence, il sert de « prisme » à l’aune duquelsont jugées la pertinence et la cohérence d’ac-tivités de développement proposées pour lesecteur. En bref, celles-ci doivent rejoindreun ou plusieurs des axes prioritaires duCadre d’Action.Outil de suivi et de coordination, il est mis àjour périodiquement en concertation avec leMécanisme du Cadre consultatif pour l’aideau développement en faveur du coton del’OMC, sur la base d’informations obtenuesauprès des divers bailleurs de fonds et des or-ganisations interprofessionnelles intervenantdans les filières cotonnières africaines. Lapublication semestrielle qui en découle per-met au Cos-coton et aux partenaires de déve-loppement actifs dans le secteur de s’assurerde la coordination des activités mises enœuvre et d’identifier les synergies possibles. Ainsi, sur la base de la mise à jour datantd’octobre 2010, on recense des appuis au sec-teur s’élevant à environ 460 millions d’euros,dont 70% provenaient de la CE et de ses Etatsmembres. Les pays du C4, principaux pro-ducteurs de la région Afrique de l’ouest et

centrale, recevaient près de 50% du soutienfourni par l’UE. (www.acp-coton.org)Tout en suivant la mise en œuvre de toute ac-

tivité de soutien au coton africain, le Cos-coton a porté une attention particulière auvolet coton du Programme tous ACP re-latif aux produits de base agricoles(« All ACP Agricultural Commodities Pro-gramme », AAACP, www.euacpcommodi-ties.eu) en raison de la dimensionmultirégionale du projet. Lancée en septem-bre 2007, cette initiative financée par l’UE àhauteur de 45 millions d’euros aborde lesthématiques liées aux produits de base agri-coles au moyen d’une approche innovante.Celle-ci consiste à mettre l’expertise de cinqorganisations internationales (Banque mon-diale, CFC, CNUCED, FAO, ITC/CCI) au pro-fit des filières agricoles ACP à travers ununique guichet, et à fournir un cadre favora-ble à la promotion des objectifs de la Décla-ration de Paris sur l’efficacité de l’aide,particulièrement en ce qui concerne la com-plémentarité, la cohérence et la coordinationde l’assistance technique.Le mandat du programme se concentre surl’appui à :- la formulation de stratégies sur les produitsde base ;- la mise en œuvre de telles stratégies, y com-

Par PIERRE BERTHELOT et FABIO BERTI*

La coordination et le suivi des activités de développement liées au coton Africain

Le Cadre d’Action traduit lesobjectifs du Partenariat à tra-vers six axes stratégiques d’in-tervention définis sur la based’une analyse des problèmes etdes défis à relever tels que per-çus par les acteurs des filièrescotonnières africaines : 1. L’amélioration de la capacitéà élaborer, suivre, évaluer etactualiser des stratégies natio-nales et régionales sur le coton 2. L’amélioration de l’environ-nement institutionnel des fi-lières cotonnières, de leurorganisation interne et de leurefficience 3. L’amélioration de la compé-titivité des filières cotonnièresafricaines 4. La réduction de la vulnéra-bilité des filières cotonnières 5. L’accroissement de la valeur

ajoutée générée par les filièrescotonnières, et 6. Le renforcement de l’effi-cience et de l’efficacité de lacoordination au niveau inter-national, régional et national. L’axe stratégique n°3 se subdi-vise en deux sous-axes straté-giques : 3A. L’amélioration des fac-teurs externes de la compétiti-vité des filières cotonnières(réduction des soutiens aucoton des pays producteursdéveloppés, amélioration desrègles d’accès aux marchés) 3B. L’amélioration des fac-teurs internes de la compétiti-vité des filières cotonnières(accès au commerce, appui àl’innovation technologique etamélioration de la productivitéet de la qualité).

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C- Le rôle des associations, des ONGs et des agences internationales actives dans le secteur du coton 25

pris à travers le renforcement des capacitésdes organisations de producteurs, la promo-tion des bonnes pratiques agricoles et unmeilleur fonctionnement des marchés ;- l’introduction et le soutien à une plus largeutilisation d’instruments de gestion derisques fondés sur le marché ;

Le volet coton du programmetous ACP relatif aux produits debase1

Un tiers des ressources du programme (15millions d’euros) est dédié à l’appui à la miseen œuvre du Partenariat UE-Afrique sur lecoton. Suivant un processus de sé-lection basé sur des consultationsavec les régions ACP, et un examenapprofondi des propositions par leCos-coton, une quarantaine d’inter-ventions ont été approuvées par leComité de pilotage du programmeAAACP. Les paragraphes suivantsillustrent l’approche du pro-gramme à quelques-uns des défisprincipaux du secteur, tels querepris par les axes stratégiquesd’intervention du Partenariat.

Interventions en soutien dela formulation de stratégiesLe premier point du mandatAAACP rejoint l’axe stratégiquen° 1 du Partenariat. Tous deuxproposent l’amélioration de la ca-pacité à élaborer, suivre, évaluerdes stratégies nationales et régio-nales sectorielles comme pointde départ pour assurer la durabilitéà long temps d’un secteur donné, ici le coton.La spécificité de l’exercice de développementde stratégies par l’AAACP, notamment à tra-vers l’expertise du CCI/ITC, de la FAO et dela CNUCED, réside principalement dans soncaractère participatif et son recours à l’ana-lyse « chaine de valeur ». Ainsi, il vise à réu-nir les représentants de tous les maillons dela chaine de valeur pour un diagnostic du sec-teur et pour l’identification en commun desgoulots d’étranglement prioritaires dans lebut de dégager des solutions. Dans le cas ducoton, cet exercice crée aussi une plateformede dialogue (cadre de concertation) réunis-sant à la fois des représentants des organisa-tions professionnelles et des institutionspubliques concernées. En soutien à la mise en œuvre du PartenariatUE-Afrique sur le coton, l’AAACP finance ledéveloppement ou la mise à jour de stratégiesrégionales coton dans les quatre régionsd’Afrique.

Afrique de l’ouest : Le programme inter-vient dans l’actualisation de l’Agenda coton-textile de l’UEMOA (2003) en rassemblantles acteurs tant privés que publics des sec-teurs cotonniers de la région. Le processus adébouché, en novembre 2010, sur un atelierde validation de la «Stratégie révisée de miseen œuvre de l’Agenda pour la compétitivitéde la filière Coton-Textile (ACT) dans l’UE-

MOA (2011-2020) », dont l’ouverture fut ho-norée par la présence de pas moins de quatrecommissaires de l’organisation régionale. Ilest prévu que les chefs d’états de la régiondonnent leur aval à ce document actualisé enmars 2011.

Afrique centrale : La région a opté pourune stratégie distincte de celle de l’Afrique del’ouest, afin de prendre en compte ses spéci-ficités. Des discussions avec la CEEAC et laCEMAC pour statuer sur la démarche à sui-vre ont débouché sur la proposition d’un ate-lier de consultation qui s’est déroulé fin mars2011 à Douala au Cameroun.

Afrique de l’est et australe : Encouragépar le Cos-coton, le programme a apportéson soutien à la finalisation d’une stratégiecoton-textile pour la région, dont le proces-sus avait déjà débuté avant le lancement duAAACP. Cette stratégie régionale : « Regio-nal strategy for cotton-to-clothing valuechain » a été officiellement lancée le 4 juin2009. Elle a reçu l’aval tant des chefs d’étatdes pays membres de la SADC que ceuxmembres du COMESA, soulignant par làmême, le large consensus autour de la stra-tégie.

Mise en œuvre de stratégiesCe volet du programme AAACP recouvre unelarge palette d’interventions et s’adresse par-ticulièrement aux axes stratégiques nos. 3B(amélioration des facteurs internes de lacompétitivité des filières cotonnières) et 4(réduction de la vulnérabilité des filières co-tonnières) du Cadre d’Action du Partenariat.A titre illustratif, nous proposons ci-dessousquelques exemples d’intervention en vue desolutionner des défis majeurs identifiés parles acteurs cotonniers:

La question de la productivité : Un pro-jet visant à appuyer les capacités locales auBénin, au Burkina Faso et au Mali à adopterde Bonnes Pratiques Agricoles (BPA) et la

Gestion intégrée des déprédateurs (GID)pour les systèmes cotonniers associés auxsystèmes agro-pastoraux, est mis en œuvrepar la FAO dans le cadre du AAACP. Ce pro-jet soutenu à hauteur de 1,5 million d’eurospar le AAACP, vise l’accroissement de la pro-ductivité et de la qualité du coton cultivé auBénin, au Burkina Faso et au Mali à traversl’approche ‘champ-école’. Celle-ci consiste àencourager l’apprentissage par l’action : descotonculteurs sont regroupés pour gérer eux-mêmes, avec le soutien d’un facilitateur, unensemble d’expériences portant sur les pra-tiques culturales et la gestion des prédateursdans leurs propres conditions d’opération.

Des résultats prometteurs pourl’amélioration de la productivité ontété obtenus. Ils demandent à êtreconfirmés et davantage généralisés. Des expériences semblables sont encours en Afrique de l’est et australe.Avec un cofinancement du CFC, le

programme cible les petits pro-ducteurs est-africains et entendles aider à augmenter le rende-ment mais aussi les revenus liésà la production cotonnière endémontrant la pertinenceéconomique et écologique de lagestion intégrée des cultures.Cette intervention, conçuecomme un projet pilote, génèr-era des résultats, de l’informa-tion ainsi que des expériencesqui pourront être reproduitesdans d’autres communautés depetits producteurs.

La question de la qualité ducoton africain : La compétitivité du cotonafricain sur le marché international est en-travée par la question de sa qualité. C’est sur-tout la perception de cette qualité par lesacheteurs qui pose problème et qu’il faut rec-tifier. Néanmoins, le Cos-coton a fortementencouragé les organisations internationalespartenaires du AAACP à se pencher sur laquestion de la qualité du coton africain danssa globalité. Ainsi, en cofinancement avec leCFC, le programme promeut une méthodestandard pour la mesure instrumentale ducoton qui est appelée à remplacer le classe-ment manuel à terme. Ce projet d’un coûttotal de 6,3 millions d’euro comprend entreautre des programmes de formation et l’éta-blissement au Mali et en Tanzanie de centrestechniques régionaux qui viendront en appuiaux laboratoires nationaux concernés, no-tamment pour la certification des exporta-tions. Une deuxième composante de cette mobilisa-tion en soutien à la promotion de la qualité ducoton africain a trait à la prévention de la conta-mination du coton graine. Ce projet de cinq mil-

« Courtesy ITC/AAACP »

Le premier point du mandat AAACP rejoint l’axe straté-gique n° 1 du Partenariat. Tous deux proposent l’amélio-ration de la capacité à élaborer, suivre, évaluer desstratégies nationales et régionales sectorielles commepoint de départ pour assurer la durabilité à long tempsd’un secteur donné, ici le coton.

1 Le COS-coton a recensé plus de 160 appuis spécifiques au cotonafricain depuis 2004, une majorité d’entre eux étant apportés parla Commission européenne et ses Etats membres, principalementla France/AfD, l’Allemagne et les Pays-Bas. Le présent article seconcentre sur les appuis du AAACP en raison du caractère mul-tirégional d’un grand nombre de ses activités.

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26 C- Le rôle des associations, des ONGs et des agences internationales actives dans le secteur du coton

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

lions d’euros, dont à peu près la moitié provientdu AAACP, est mis en œuvre à travers une col-laboration entre la Banque mondiale, le CFC etle CCI. Il facilite entre autres la formation desproducteurs et autres acteurs de la chaine telsque le personnel chargé de manutention et lestransporteurs. Il fournit aussi aux producteursles moyens nécessaires pour la récolte - « cleankits ». La contribution de la Banque mondiales’attarde sur les questions institutionnelles et lesmesures incitatives. Le CCI complémente cet appui en établissantdes liens entre consommateurs de la fibre (lesfilateurs) et les acheteurs qui recherchent ducoton de haute qualité. La démarche s’inscritdans un cadre plus large de promotion du cotonafricain orientée vers la demande en vue d’ap-profondir la connaissance des marchés par descontacts directs entre opérateurs africains etutilisateurs, en particulier dans les pays émer-gents (Chine, Inde…) et dans le contexte de sou-tien à des initiatives de développement decoopérations Sud-Sud.

La gestion des risques agricolesUn des objectifs majeurs du programmeAAACP consiste à introduire dans les pays ACPet à y répandre l’utilisation de divers instru-ments de gestion de risques, notamment lesrisques prix et les risques climatiques. Ce voletdu programme vise la sensibilisation des utili-sateurs potentiels (organisations de produc-teurs, associations interprofessionnelles,négociants, transformateurs, financiers, gou-vernements) ainsi que le renforcement de leurscapacités. Les activités financées par le pro-gramme et mises en œuvre par la Banque mon-diale et la FAO incluent (i) de la formation, (ii)l’évaluation du risque des filières, des stratégieset des produits, et (iii) le transfert de capacitésd’expertise dans les régions concernées.

L’avenir de la coordination et dusuivi des activités de développe-ment cotonLe renforcement de la coordination et le suivides activités du volet développement du Parte-nariat constituent un élément clé pour lui per-mettre d’atteindre son objectif, d’autant que les

activités du AAACP se ter-minent fin 2011. Une des re-commandations majeuresde l’évaluation à mi-par-cours du Partenariat a été ladécentralisation du Cos-coton qui consiste à le rap-procher des acteurs duterrain en maintenant un

ancrage au niveau de Bruxelles. Cette décentra-lisation est actuellement en cours et se traduit,dans un premier temps, par la mise sur pied depoints focaux coton dans les principaux espaceséconomiques régionaux africains concernés parle coton (COMESA/SADC, UEMOA/CEDEAO,et CEEAC/CEMAC). Sur le terrain, la décentralisation du COS-cotondevrait se traduire par la présence durable d’uneexpertise coton au sein de ces régions, chacunedotée d’une stratégie sectorielle coton. Son rôlesera important dans l’accompagnement et l’ani-mation des cadres de concertation public-privésmis en place, en particulier pour le suivi, la miseen œuvre et l’actualisation des stratégies régio-nales. Dans cette démarche, il sera égalementprimordial de veiller à la complémentarité (sub-sidiarité) entre les stratégies régionales et lesstratégies nationales tout comme celles déve-loppées par les associations professionnelles ré-gionales (AProCA, ACA). A plus long terme, il

faut aussi souligner la nécessité de mettre en co-hérence ces stratégies sectorielles coton avec lespolitiques agricoles aux niveaux national, régio-nal et panafricain (CAADEP). Complémentai-rement, un défi de taille des appuis futurs aucoton africain est de permettre aux principalesassociations professionnelles de cette filière, parle renforcement de leurs capacités, de dépasserle stade de « bénéficiaire» pour devenir égale-ment «acteur» de leur propre développement.Par ailleurs, la décentralisation du COS-cotondevrait contribuer à améliorer la pertinence etla cohérence de l’information et de la commu-nication entre les filières cotonnières africaineset l’ensemble des parties prenantes au dévelop-pement du coton africain. Dans ce contexte, avec la clôture prochaine duAAACP, la question de la durabilité/pérennitédu Cos-coton et de sa structure décentraliséereste posée. Des solutions sont en cours d’éla-boration, notamment à travers une étude deformulation d’un nouveau programme cotonintra ACP qui pourrait être financé par ledixième FED, mais également par une prise encharge progressive de la coordination et dusuivi des activités de développement coton parles parties prenantes elles-mêmes. n

« Courtesy ITC/AAACP »

« Courtesy ITC/AAACP »

Une des recommandations majeures de l’évaluation à mi-parcours du Partenariat a été la décentralisation du Cos-coton qui consiste à le rapprocher des acteurs du terrainen maintenant un ancrage au niveau de Bruxelles. Cettedécentralisation est actuellement en cours et se traduit,dans un premier temps, par la mise sur pied de points fo-caux coton dans les principaux espaces économiques ré-gionaux africains concernés par le coton(COMESA/SADC, UEMOA/CEDEAO, et CEEAC/CEMAC).

PIERREBERTHELOT

*Pierre Berthelot est en charge duSecrétariat du Cos-coton et experten innovation au sein de l’Unité decoordination du programme tousACP relatif aux produits de baseagricoles.Fabio Berti est chargé de re-cherche à l’Université de Liège,Gembloux Agro-Bio Tech, Unitéd’économie et développementrural, et expert coton en appui auprogramme tous ACP relatif auxproduits de base agricoles.

FABIO BERTI

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ENDA TIERS MONDE (www.enda.sn) est une organisation internationale de développe-ment à caractère associatif et à but non lucratif créée au Sénégal en 1972, comme programme conjointdu Programme des Nations Unies pour l’Environnement, de l’Institut africain de Développement Eco-nomique et de Planification et de l’Organisation Suédoise pour le Développement International.

Le travail d’Enda est ancré depuis plus de 30 ans dans les pays du Sud et couvre 04 continents. L’Orga-nisation est composée de 33 entités présentes dans 14 pays (19 au Sénégal, 5 en Afrique, 5 en AmériqueLatine, 2 en Asie et 2 en Europe).

LA VISIONLa vision d’Enda est « pour un monde solidaire et en paix, respectueux des droits et de la dignité hu-maine, de la justice sociale et de la diversité culturelles, où les différentes ressources sont répartieséquitablement et gérées dans l’intérêt des générations actuelles et futures. »

LA MISSIONl Enda travaille à la construction de sociétés où chacun (e) peut participer, en pleine responsabilité, àla régulation collective ;l Enda œuvre au respect des droits humains, du pluralisme, de la diversité culturelle et de l’équité entreles genres et entre les générations ;l Enda se mobilise en faveur du décloisonnement et de l’articulation des savoirs et des actions à l’échellelocale, régionale et globale ;l Par la formation, la recherche-action, le plaidoyer et la construction d’alliances stratégiques, Endacontribue à la formulation de politiques publiques allant dans le sens d’un développement durable et àl’avènement d’une culture de paix et de non violence.

Enda Systèmes et Prospective (Syspro)A travers son entité Syspro, Enda agit sur les mécanismes de la gouvernance économique internationaleet porte la voix des sociétés civile du Sud dans les espaces où sont élaborées les règles et les politiques.Ses principales portes d’entrée sont les échanges commerciaux Nord-Sud, Sud-Sud ainsi que les négo-ciations commerciales, au niveau national, régional, bilatéral et multilatéral.

Enda Syspro est l’un des principaux centres de ressources et d’expertises sur les questions commercialesen Afrique et dans le Sud. S’étant dotée de grandes capacités en matière de recherche, de plaidoyer, demise en débat de nouvelles questions, de formation et de dialogue politique, Enda Syspro a contribué àcréer une masse critique d’acteurs et de réseaux africains autour des enjeux des négociations interna-tionales.

Parmi ses récentes réalisations figurent :n la formations de plusieurs dizaines de parlementaires dans une plusieurs pays d’Afrique de l’Ouestsur l’intégration et les accords commerciaux ;n la formation d’associations de femmes chefs d’entreprises en Afrique de l’Ouest et d’organisations deproducteurs sur le plaidoyer et les techniques de négociations ;n la publication de plusieurs études (l’Article XXIV du GATT dans les APE (2009) ; le commerce intra-régional en Afrique de l’Ouest (2010) ; L’intégration et les APE en Afrique de l’Ouest (2011) ; Les relationsentre la Chine et l’Afrique (2011) ;n plusieurs mémorandums et papiers de positions sur les négociations commerciales ; n plusieurs dialogues régionaux multi-acteurs : « Les questions légales et systémiques dans les APE,Mai 2009, Dakar ; « le futur du commerce intra-régional en Afrique de l’Ouest », Février 2010, Abidjan ;« Commerce et Développement en Afrique », Juin 2010, Dakar.

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GLOCAL

28 D- Valorisation du coton africain et industrie textile

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

GLOCAL : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?ALPHADI : Je m’appelle Alphadi, je suis créateur de mode devantl’Eternel et j’essaie de me battre pour que la culture et la mode afri-caine soient reconnues au niveau international. Je n’ai pas toujoursété dans la mode. Avec un doctorat en tourisme, j’ai été pendant septans Directeur du Tourisme au Niger. J’ai complètement arrêté cetteactivité pour me consacrer à la mode parce que je pense que le textileafricain a besoin de «bras lourds» pour être reconnu. En 1994-95suite au décès de notre collègue Chris Seydou, un grand créateur etprécurseur de la mode africaine, j’ai pris la relève avec le titre de Pré-sident de la Fédération Africaine des créateurs de mode. Je suis ac-tuellement président d’un festival que j’ai créé, qui s’appelle le FIMA,le Festival International de la Mode Africaine. Ce festival donne sachance au textile africain, aux créateurs africains et à la jeunesse dansle cadre d’un concours de jeunes stylistes et de top-modèles. Je suisaussi ambassadeur de bonne volonté de mon pays dans le cadre cul-turel parce que je suis passionné par la culture, le textile, la créationet je crois que c’est la base du développement pour un continent créa-teur d’emploi.

GLOCAL : Que représente le coton africain pour le créateurde mode que vous êtes ?

ALPHADI : Le fait de devoir travailler avec des matières textilesétrangères est un gâchis considérable. Le coton est notre matière pre-mière de prédilection à partir de laquelle nous fabriquons nos collec-tions. L’Afrique n’a que du coton, elle n’a pas de lin, de soie, pas depolyester. Nous essayons de créer du raphia africain mais le coton estce qui peut marcher le plus et est vendeur sur le marché national etinternational. La valorisation du coton sur le continent africain estcruciale pour nous.Pendant plusieurs années j’ai refusé de travailler sur le wax africainqui est produit depuis 150 ans en Hollande. Ce wax hollandais ap-porte énormément au continent africain mais il est consommé à100% par les Africains et je pense qu’il devrait être produit sur lecontinent africain. Si le textile africain n’est pas produit sur le conti-nent africain, j’estime qu’il n’est pas africain. C’est ma théorie. Elleest basée sur mon souhait de voir les activités de tissage, de dessin,d’impression et de confection localisées sur le continent dans uneoptique de développement et de lutte contre la pauvreté. Depuis peu,j’ai créé la marque «Daviva by Alphadi» qui est un tissu produit auNigeria. Au départ Daviva est une marque déposée par des Chinoiset des Français qui ont créé de nombreux emplois dans le domainedu textile au Nigeria. Le coton est produit sur place, les impressionssont faites sur place, pour moi c’est un vrai coton africain. On a crééles pagnes «Alphadi» qui se vendent très bien sur le marché depuisbientôt un an et les créateurs de mode travaillent beaucoup sur letissu parce qu’ils se sentent concernés par cette matière à base decoton africain. Un créateur africain sans tissu africain n’a pas réelle-ment la sensation d’avoir vraiment créé. Nous essayons de créer àpartir du raphia, de tissages du Burkina, du Sénégal du Mali ou duNiger. Il y a aussi des tentatives de fabrication de mélanges commele fait Aissa Dione du Sénégal avec des fils de raphia et de coton mé-langés pour créer du textile pour l’ameublement ou l’habillement.

GLOCAL : Qu’est-ce que la mode africaine pour vous ?ALPHADI : C’est une mode qui essaie de donner une chance auxcréateurs africains, aux tisserands africains, au textile africain, à la

culture africaine.La mode africainedoit se situer dansune synergie quipeut engendrerune industriecréatrice d’em-plois, pour luttercontre la pau-vreté, et déposerdes marques. Lepari est de créerun dynamismepour que notremode soitconsommée auniveau internatio-nal, qu’elle rap-proche nospeuples ou cou-sins américainsnoirs, brésiliens,des Caraïbes… etque les Africainsc o m p r e n n e n tqu’ils n’ont pas àcopier l’Europe etqu’ils ont des savoirs faire et des créateurs de qualité. La mode afri-caine doit devenir une mode exploitée par les Africains eux-mêmes.Cette force créatrice et ces valeurs doivent contribuer à construire lecontinent. La mode, c’est cette noblesse dans tous ses aspects : man-nequins, créateurs, maquillage, coiffure… qui se décline dans des ac-tivités industrielles. La mode africaine doit aussi être un produit deluxe : la création con cerne d’abord le très haut de gamme et se déclineaprès dans le prêt à porter. La mode, pour moi, c’est aussi une formede liberté... Mais ce point de vue n’est pas toujours partagé par lesislamistes qui exercent souvent une forme de pression au point depousser certains créateurs de mode à quitter leurs pays pour travaillerà l’étranger.

GLOCAL : Comment définiriez-vous le rapport de force entrela mode africaine et la mode européenne ou occidentale enAfri que ?

ALPHADI : Le rapport de force est essentiellement une question demoyens financiers et humains. Les investisseurs privés africains necroient pas à la mode africaine et ne donnent pas à la création unechance de pouvoir s’exprimer. En Europe les créateurs gagnent 15 à20% et tout le reste appartient à ceux qui financent la création. EnAfrique, nous avons des créateurs de génie, des noms, des marquesmais nous manquons de financement. Mango et Zara sont en trainde conquérir le marché africain aujourd’hui. Les Chinois envahissentaussi le marché africain parce que nous n’avons pas de gouvernantsqui comprennent les enjeux en termes de création d’emploi et de lutte

« …je suis passionné par la culture, le textile, la création etje crois que c’est la base du développement pour un conti-nent créateur d’emploi. »

Interview avec SEIDNALY SIDHAMED ALPHADICréateur de mode et Président du Festival International de la Mode Africaine

La mode africaine comme élément de valorisation et image de marque dela production coton-textile en Afrique de l’Ouest et du Centre

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D- Valorisation du coton africain et industrie textile 29

contre la pauvreté. En Afrique nous devons tout faire nous-mêmes,création, finances, marketing, branding… A un moment donné, ondisparaît en tant qu’acteur économique si on n’a pas la force de fairetout cela. En Europe quel créateur rêverait de créer une boutiquebien placée avec ses propres fonds ?

GLOCAL : Comment pourrait-on créer un modèle africainviable pour la mode africaine ?

ALPHADI : Il y a tout d’abord une vision à transmettre : la modepeut aider l’Afrique. Il faut donner une chance à la valeur de lamarque. Nos marques sont déposées mais aujourd’hui un banquieren Afrique peut financer l’immobilier mais ne s’engage pas dans desactivités de valorisation de marque africaine qui permettraient d’in-vestir sur la base de cette valorisation, de soutenir des activités etde développer des produits.

GLOCAL : Comment les responsables politiques et écono-miques africains perçoivent-ils le potentiel de la modeafricaine pour l’économie de l’Afrique de l’Ouest et du Cen-tre ?

ALPHADI : La mode africaine ne fait pas partie de leurs prioritéset les politiques africains ne sont pas présents sur ce sujet. Dans cedomaine, il faut que l’engagement soit réel pour obtenir des résul-tats dans la formation, la création d’emplois, et la valorisation ducoton africain. Il ne suffit pas de dire des choses pour se faire bienvoir. L’AGOA existe aux Etats-Unis pour permettre aux Africainsd’exporter leur textile mais aucun pays africain n’en profite réelle-ment. Les politiques africains doivent se réunir, convoquer leursministres des finances et les acteurs économiques, les banques dela place pour mettre l’accent sur la créativité africaine afin d’expli-quer l’intérêt de la bijouterie, de la mode africaine dans la créationd’emploi et la production de produits consommables sur le marchéafricain et le marché international. Il faut aussi chercher des finan-cements pour créer des usines… Personne ne peut le faire à notreplace. C’est la seule manière d’aider la création africaine à grandir.Je m’intéresse maintenant à ces questions et j’essaie de voir com-ment il serait possible d’ouvrir des boutiques aux Etats-Unis et detrouver des banquiers qui croient en moi. J’ai une marque, de la vo-lonté et des enfants dans la mode et je souhaite mener ce combat.Je suis déjà dans la production textile depuis longtemps et je tra-vaille à améliorer la qualité de la production en m’entourant detechniciens supérieurs chinois et turcs.

GLOCAL : Quelles sont les étapes qui pourraient con duireà un essor de la mode africaine et du textile africain ?

ALPHADI : Il faut d’abord commencer par la formation : celle descréateurs qui doivent développer un savoir et une intelligence quileur permette de créer sans «singer» qui que ce soit. Ensuite formeret renforcer les capacités des producteurs pour que les matières pre-mières soient d’une très bonne qualité et former les acteurs de laconfection. Apprendre à grader un modèle, le faire passer de la taille38 à la taille 50 n’est pas facile en Afrique aujourd’hui parce qu’ilmanque le savoir-faire. Il faut alors donner les moyens et trouverdes groupes de financement pour permettre à ces personnes for-mées de pouvoir travailler et distribuer leur production en Afriqueet à l’international. Créateurs, producteurs, communicateurs, dis-tributeurs, toutes ces personnes sont nécessaires au succès de lamode en Afrique. Pour initier tout cela nous avons besoin de chefsd’Etats intelligents, charismatiques, qui comprennent les enjeux etpeuvent être des « champions » de ce dossier et le faire réellementavancer dans la région.

GLOCAL : Est-ce que ces produits textiles viseront la boursede « l’Africain moyen » ?

ALPHADI : Bien sûr ! Il faut pouvoir produire sur le continentafricain des produits textiles consommables dans un marché afri-cain. Il y a un marché africain que nous devons nous mettre en me-sure de conquérir : produire nous-mêmes des chemises, desboubous accessibles, en quantité. Il faut aussi diversifier les ma-tières. Le coton peut permettre de créer des matières autres que le

100% coton. Il peut être mélangé, métissé, travaillé avec de la vis-cose, de la soie, du raphia pour donner aux créateurs africains d’au-tres matières pour leurs travaux. L’Afrique a aussi besoin deprestige et de haute couture. Lors qu’elles sont produites et grifféesAlphadi, les chemises ne coutent pas moins de 15000 FCFA (23Euros) mais on trouve des pagnes africains (2yards) à 1000 FCFApartout à Niamey, la couture d’une chemise coute 1000 FCFA, doncavec 2000 ou 2500 FCFA on peut avoir une chemise «clean».

GLOCAL : Quels sont vos nouveaux projets de commercia-lisation de la marque Alphadi ?

ALPHADI : Aujourd’hui ma nouvelle stratégie est construite au-tour du concept de la «Maison Alphadi», un complexe que je sou-haite développer au Mali, au Niger et ailleurs en axant les travauxsur le développement de la teinture africaine et faire venir des tein-turiers européens qui forment les teinturiers qui travaillent avecmoi pour régler le problème des teintures qui déteignent et nouspermettre d’avoir des produits exportables sur les marchés euro-péen et américain. Ce complexe aura une partie production, possè-dera aussi des boutiques magnifiques, un restaurant, des chambresd’hôtel, une boite de nuit et un bar. L’ensemble ressemblera aux«fashion cafés» et représentera l’image «Aphadi». Aujourd’hui jefais de l’impression dans le cadre des tissus Daviva au Nigeria. Jesouhaiterais plus tard créer une usine et créer les imprimés surplace.

GLOCAL : Comment et pourquoi est né le Festival Interna-tional de la Mode afri caine ?

ALPHADI : Je voyais qu’en tant qu’Africain nous n’avions ni visi-bilité ni considération dans le monde international de la mode.L’équité a été ma motivation. Quand Yves Saint Laurent arrive àvendre des modèles à 5000 Euros, nous, nous ne parvenons pas àvendre un modèle similaire en termes de qualité à 600 Euros. Aprèsdix années de réflexion, nous avons voulu faire défiler des créateursdes cinq continents sur le même podium et choisir le désert commeterrain neutre où tout le monde est égal. A ce moment là le Nigeravait un problème terrible de rébellion dans le nord. J’ai dit à notrePrésident de l’époque Ibrahim Baré Maïnassara que seul l’art, laculture et la beauté pourraient arrêter cette guerre. C’est ce qui s’estpassé et c’est ainsi qu’est né le premier FIMA. Il a été créé dans l’op-tique de donner une visibilité et une chance aux créateurs africainset au textile africain. Le FIMA a été créé pour la population localeet j’ai, dès le départ, cherché à entrainer les responsables politiquesdans ce projet parce que seuls les présidents pouvaient avoir unecertaine influence sur les financiers, et prendre des décisions pourpermettre à la mode d’avancer et de tenir son rôle dans le textileafricain. Le premier FIMA a été très difficile ; nous avons fait mettre 1500tentes en plein désert, avec le son, la musique, la lumière, nousavons creusé des puits. Nous avons fait défiler sur le même podiumPathé’O, Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Kenzo, Alphadi…et bien d’autres et on a vu l’intelligence des créateurs africains. Leprésident Baré est décédé un an après le premier FIMA et le festivaln’a pas pu avoir la continuité que nous aurions souhaitée mais aumoins la première édition a prouvé que le pari en valait la peine eta permis de continuer l’aventure avec les autres éditions. C’est unfestival qui permet de créer beaucoup d’emplois, remplir les hôtels,aider le Niger et lui donner une vision de grandeur.

GLOCAL : Un tel festival, dans un pays où se trouvent desislamistes, est peut-être con fronté à certains problèmesliés à la sécurité des personnes…

ALPHADI : Oui, les islamistes ont essayé de me tuer plusieurs foisparce que j’organisais ce festival. Je faisais défiler beaucoup defemmes et montrais que la diversité culturelle et la modernité exis-taient. Le combat que je mène n’est pas toujours très bien compriset reçu par les nigériens. Ma vision et mon charisme leur font peur.

« Un créateur africain sans tissu africain n’a pas réelle-ment la sensation d’avoir vraiment créé. »

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30 D- Valorisation du coton africain et industrie textile

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

GLOCAL : Vous avez écrit dans ledossier de presse du FIMA2009 : « Après l’affirmation dela mode africaine et de son in-fluence au niveau internatio-

nal, nous amorçons un nouveau tournant essentiellementéco nomique orienté vers la création d’une véritable industrieculturelle, basée sur l’é du cation et la formation, pour uneculture de l’excellence indispensable à une produc tion dequalité. » Pourriez-vous dé ve lopper un peu cet aspect decréation d’une véritable industrie culturelle ?

ALPHADI : Le FIMA est une manière de pouvoir «vendre» l’Afriqueet permettre à la création africaine d’être reconnue. Depuis deux ans,nous avons créé des stands qui permettent aux créateurs pendant les5 jours du festival d’exposer leurs modèles et de les vendre aux ache-teurs présents et ainsi de créer un vrai marché. Des négociants maliens,sénégalais, nigériens sont venus. Les retours financiers et les com-mandes, entre africains, ont été au rendez-vous. Aujourd’hui nous sou-haiterions que ces échanges se développent aussi entre européens etafricains. Les commerçants de la mode en Afrique qui ont des bou-tiques au Cameroun, au Gabon vont faire leur shopping au salon duprêt à porter à New York, nous souhaiterions qu’ils viennent aussi faireleur shopping au FIMA et dans des salons que nous allons créer.

GLOCAL : Parlez-moi de la caravane d’Alphadi…ALPHADI : C’est une manière de remercier chaque pays qui vient auFIMA en amenant le FIMA chez eux, de préparer les futurs modèles etcréateurs pour les prochaines éditions du FIMA et d’encourager lespays à continuer à se rendre au FIMA. Ainsi, le FIMA ne s’arrête ja-mais. Entre les deux années, j’organise 10 caravanes qui permettentde choisir dans 10 pays, 5 mannequins et 2 créateurs par pays qui par-ticiperont au concours de top modèles et de jeunes talents. A la fin,pour remercier le pays, je présente ma collection et reste pendant deuxjours pour discuter avec les participants, leur permettre de voir, tou-cher les modèles et constater que l’on peut réussir dans la mode afri-caine.

GLOCAL : Où en est le projet de la création de l’Ecole Supé-rieure de la Mode et des Arts ?

ALPHADI : Nous avons eu le terrain, les plans sont faits, le budget aété réalisé mais malheureusement après l’attribution du terrain, il y aeu un coup d’Etat au Niger ce qui a conduit à un blocage parce que lesautorités politiques ne m’ont pas encore redonné un terrain sur lequelje peux commencer à travailler. Nous avons perdu une année. Pour lefonctionnement de l’école nous demanderons un budget à l’Etat nigé-rien, et le reste du budget sera couvert par des frais de scolarité desétudiants. Ce sera une Ecole supérieure des Arts, avec 150 étudiantstriés sur le volet, Le cursus sera de 3 ans après le baccalauréat. Le projetest de créer une école qui reflète l’excellence et le prestige de la créationafricaine. En parallèle nous cherchons à former des techniciens debase : des tailleurs, les petites mains qui auront une formation de 3 à6 mois en broderie, perlages… En plus de la mode nous souhaitons in-tégrer la musique, la danse contemporaine, la coiffure, le maquillagedans cette Ecole Supérieure. Nous cherchons des retraités qui ont tra-vaillé dans la mode pour enseigner, cela nous permettra de réduire lescoûts. Cette école est le projet de ma vie. Sans formation ni finance rienn’est possible. Nous souhaitons avoir des étudiants panafricains, desétudiants de la diaspora, des haïtiens, des guadeloupéens, des mar - tiniquais, quel ques étudiants européens et américains pour pouvoirdialoguer, échanger et faire de nos patronages, de nos coupes, de notrebijouterie une réalité internationale ancrée dans des techniques sures.

GLOCAL : Comment, concrètement « dé senclaver et amplifierle phénomène de l’industria li sation [culturelle] et de la com -mer cialisation [textile] à l’é chelle internationale » ? (dossierde presse FIMA 2009)

ALPHADI : Il nous faut trouver des politiques et des bailleurs defonds qui comprennent que la culture n’a pas de limite et qu’elle nous

permet de dire : «Nouscréons, nous fabriquonsnous-mêmes, par nous-mêmes. » Personne ne peutdévelopper notre culture ànotre place. Il y a une néces-sité de trouver les moyens.Nous avons du pétrole, nousavons des moyens, il nousfaut les investir dans ce quenous avons de plus sûr. Laculture est un domaine ma-gnifique qui peut donner saplace à l’Afrique au niveauinternational.

GLOCAL : Dans une éco-nomie globalisée, l’in-dustrie textile est«om nibulée» par lescoûts, la rentabilité.Face à cette nécessitéde compétitivité quelest le rôle, l’impor-tance de la créativité africaine comme facteur de dé ve -loppement ?

ALPHADI : La créativité africaine c’est un plus, une valeur ajoutéeincroyable. Aujourd’hui l’Afrique a des créateurs de génie. Je pourraismême dire que derrière tout créateur européen se trouve un africain.New York, Londres ont plein de créateurs du Nigéria ou du Ghana.L’Afrique a des créateurs qui ont fui, qui sont rejetés parce qu’ils sonthomosexuels, parce qu’ils sont rastafaris et partent parce qu’ils n’ontpas de liberté. Il faudra un jour parler de ces retours là et de ces pro-blèmes culturels. J’ai commencé à travailler dans la mode à 25 ans,j’aurais pu commencer à 20 ans. Venant d’une famille musulmane, mesparents n’ont pas accepté au départ que je fasse ce travail qui n’est pasdans les normes, n’est pas bien pour la famille, est considéré par cer-tains comme une déchéance. En Afrique on t’étouffe quand tu ne veuxpas faire un travail dans les normes. Si dans 15-20 ans ces jeunes ouvieux talents rentrent sur le continent pour apporter leur contribution,ils vont changer le continent africain. Il y a de vrais séismes culturelspossibles. Pendant le FIMA, le concours de jeunes stylistes est plus fort,plus grandiose que le FIMA même, les génies qui s’expriment ont enviede montrer ce qu’ils savent faire. Il faut continuer à donner une chanceà ces jeunes et à la création africaine.

GLOCAL : Les femmes africainessont appréciées pour leursformes. Dans une mode inter-nationale qui ne présente quedes mannequins très minces,l’Afrique aurait-elle quelque chose de différent à apporteraux canons de la beauté féminine?

ALPHADI : L’Afrique est malheureusement un continent qui n’estpas écouté par les africains eux-mêmes. Si l’Afrique pouvait le faire ceserait fantastique et donnerait enfin une bonne image aux formes fé-minines. Mais le poids du moule de la mode internationale et le faiblepoids de la création africaine ne nous permet pas de nous détacher dece moule sous peine d’être complètement disqualifiés. Nous avons en-core l’obligation de nous mettre au diapason de la mode internationale.Petit à petit je crois que nous allons arriver à des formats où dans undéfilé nous pourrons proposer 10 mannequins aux formes standardset 3 mannequins sublimes avec de belles formes et évoluer vers unéquilibre peu à peu. Les mannequins sont nos supports de communi-cation. Il faut parler de la beauté, de la valeur de la femme africaine.Tout le travail que font les mannequins est un créneau qu’il faut déve-lopper et il ne faut plus quenos mannequins aient be-soin d’aller en Europe ouaux Etats-Unis pour êtrereconnus. n« Créateurs, producteurs, communicateurs, distributeurs,

toutes ces personnes sont nécessaires au succès de la modeen Afrique. Pour initier tout cela nous avons besoin de chefsd’Etats intelligents, charismatiques, qui comprennent les en-jeux et peuvent être des « champions » de ce dossier et le faireréellement avancer dans la région. »

« Personne ne peut déve-lopper notre culture à notreplace. Il y a une nécessité detrouver les moyens. »

« Il y a tout d’abord une vi-sion à transmettre : la modepeut aider l’Afrique. »

Interview avec SEIDNALY SIDHAMED ALPHADI

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« La culture est un domaine magni-fique qui peut donner sa place àl’Afrique au niveau international. »

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Cotton made in Africa (CmiA) : une initiative qui relie les producteurs africains aux grandes marques de la distribution

textile internationale selon un agenda alliant business et développement

Interview avec CHRISTOPH KAUTDirecteur Général Politique de Développement, Aid by Trade Foundation

GLOCAL : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?CHRISTOPH KAUT : Je m’appelle Christoph Kaut, et je suis l’undes directeurs généraux d’Aid by Trade Foundation. Au sein de laFondation, je suis chargé de la politique de développement. Les ac-tivités d’Aid by Trade Foundation et d’Atacora, volet marketing de lafondation, se déploient dans quatre domaines : la politique de déve-loppement, dont je m’occupe ; l’approvisionnement à l’échelle pla-nétaire afin de permettre aux revendeurs d’accéder plus facilementaux produits Cotton made in Africa ; le marketing qui est d’unegrande importance car nous sommes une entreprise sociale et de-vons, de ce fait, tenir compte tant des aspects sociaux que descontraintes financières ; et enfin les ventes. La politique de dévelop-pement de CmiA englobe : la vérification, l’évaluation de l’impact etles investissements sociaux à l’échelle des petits cultivateurs. Il s’agiten somme de la mise en place, de la gestion, du maintien et de la sur-veillance du système.

GLOCAL : Qu’est-ce qui fait la particularité de Cotton madein Africa ?

CHRISTOPH KAUT : Les produits cotonniers que nous commer-cialisons obéissent à un certain idéalet non à des critères purement tech-niques. Ce que nous vendons, ce sontdes valeurs sociales et écologiquesqui cadrent avec les exigences de du-rabilité. Nous nous efforçons de faireen sorte que lorsqu’un revendeur uti-lise CmiA, il soit en mesure d’affir-mer que, plus que le coton ordinaire,ce coton a été produit suivant un pro-cessus fiable, durable et respectueuxde la responsabilité sociale de l’entre-prise. Afin de fournir la preuve du caractère singulier de notreoffre commerciale, nous avons mis en place un système de véri-fication qui nous donne, à nous et au revendeur, la certitude quenos affirmations sont contrôlées et vraies. Nous ne cultivons nin’échangeons quoi que ce soit. Sur le marché de l’approvisionne-ment, notre expert en la matière joue un rôle d’intermédiaire : ilrassemble les filateurs, qui font leur travail, puis rapproche CmiAdes fabricants de coton et les fabricants de vêtements des reven-deurs.

GLOCAL : Peut-on alors en conclure que vos activités serésument au marketing et à la communication ?CHRISTOPH KAUT : Nous veillons à l’application de certainesnormes de production du coton. C’est cela le côté lucratif de nos ac-tivités, étant donné que nous percevons des droits de licence pourcertains produits. Mais il y a un autre côté : nous transférons le pro-duit ce ces licences à Afrique de l’Ouest et du Sud. Je me dois depréciser ici que notre initiative n’est encore qu’à ses débuts ; noussommes une entreprise sociale en pleine croissance. Nous enten-dons, dans les années à venir, transférer une part grandissante desrevenus générés par les droits de licence que nous versent les re-

vendeurs aux petits exploitants participant à l’initiative. Nous avons,dans un premier temps, cofinancé deux projets communautaires visantà améliorer l’éducation rurale au Burkina Faso et au Bénin. De nou-veaux projets sont actuellement en préparation dans les autres paysCmiA. Par ailleurs, nous envisageons de commencer à payer des divi-dendes aux petits cultivateurs partenaires à l’horizon 2013/2014.

Au vu du niveau des ventes, je peux dire que nous avons connujusqu’ici un franc succès, et je pense que la stratégie que nous avonsadoptée est la bonne. Nous avons débuté en 2007 par la vente despremiers produits portant le label CmiA et avons perçu nos premiersdroits de licence pour un peu moins d’un demi-million d’articles. Au-jourd’hui, en 2010, nous avons franchi la barre des 10 millions d’ar-ticles.

GLOCAL : Votre société est une entreprise sociale : commentconcilier commerce et développement et assurer l’équilibreentre les deux ?

CHRISTOPH KAUT : Le schéma est simple. Pour nous, la notiond’entreprise sociale signifie qu’en tant qu’entreprise nous réalisonsdes bénéfices. Mais en tant qu’entreprise sociale, nous reversons nos

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BurkinaFaso

Trade partner

Market CmiA

Generate licensing

Offer products made of CmiA cottonto customers

Provides cotton at market prices

Cotton trader

The Aid by Trade Foundation markets the CmiA cotton and spends the funds generated by licensing fees on creating impact in Africa

BeninFaso

Mozambique

cotton and provide support

gfees and funds (for community projects)

Use fees and funds for social & environmental impact in Africa

Malawi

Côte d’Ivoire

COMPACI SUPPORT

2009-2012

Zambia

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32 D- Valorisation du coton africain et industrie textile

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

bénéfices à ceux qui sont à l’origine de ces richesses, à savoir les petitscultivateurs participant à l’initiative. Comme nous l’avons indiqué plushaut, nous projetons de transférer, d’ici à 2013/2014, les premiers ex-cédents, que nous aimerions appeler dividendes. Le montant des divi-dendes ainsi redistribués variera en fonction du succès de nos activités.

GLOCAL : En parlant des entreprises sociales, le président del’Unicef, Jürgen Heraeus, a déclaré : « dès qu’elles reçoiventdes subventions, elles peuvent être accusées de concurrenceinéquitable. » (Self Actualization for All, site Internet deCmiA) Les producteurs de coton bénéficiant de l’appui deCmiA peuvent-ils être accusés de concurrence déloyale ?

CHRISTOPH KAUT : Pas encore. Plus l’initiative gagnera en am-pleur et en expérience, plus les critiques seront nombreuses. C’est nor-mal.

GLOCAL : CmiA applique une approche globale très intéres-sante dans les régions où elle déploie ses activités : vous tra-vaillez avec des petits cultivateurs, associés chacun à uneentreprise particulière qui est elle-même votre partenaire.Comment gérez-vous votre collaboration avec ces groupestrès différents de parties prenantes, et quels rapports cesgroupes entretiennent-ils les uns avec les autres ?

CHRISTOPH KAUT : En observant l’organisation de la productionde coton en Afrique, on constate généralement que les sociétés coton-nières gèrent les usines d’égrenage. Puisqu’elles ne cultivent pas elles-mêmes, les sociétés cotonnières dépendent des petits cultivateurs quileur livrent le coton cultivé dans leurs champs. Ces sociétés leur four-nissent des intrants tels que le matériel végétal, les agents chimiqueset les engrais. En règle générale, ces intrants sont fournis à titre de cré-dits, lesquels sont par la suite déduits du prix de vente du coton livrépar les petits cultivateurs. De plus, les sociétés cotonnières organisentdes formations pour les cultivateurs afin d’augmenter la productivitéde ces derniers. Cet investissement profite aux deux parties : la sociétécotonnière peut obtenir plus de coton (parfois de meilleure qualité) etle cultivateur augmente ses revenus en réalisant de meilleures récoltespar hectare. C’est une situation gagnant-gagnant. Notre collaborationavec les sociétés cotonnières est importante ; nous coopérons avec ellespour atteindre nos objectifs en matière de vérification : un indice dedurabilité croissant chez un grand nombre de petits cultivateurs par-ticipant à l’initiative. Par ailleurs, nous élaborons nos projets commu-nautaires avec le concours des cultivateurs et de leurs représentants.

GLOCAL : Vous avez formé un projet ambitieux : vendre entre60 et 70 millions d’articles en 2013. Comment comptez-vousy parvenir ? En multipliant le nombre de producteurs CmiA ?En améliorant les récoltes ?

CHRISTOPH KAUT : Nous allons continuer d’accroître et la pro-ductivité et le nombre de producteurs CmiA. Nous espérons que260 000 cultivateurs auront rejoint l’initiative d’ici fin 2011. Cepen-dant, au regard de nos objectifs de ventes, nous disposerons d’unequantité de coton vérifié suffisamment grande pour nous éviter toutepénurie dans la chaîne d’approvisionnement. À l’heure actuelle, nous évoluons avec un taux de 10 % des ventes del’ensemble du coton CmiA vérifié, et il est encore parfois difficile pourles fabricants de vêtement de se procurer du coton CmiA.

GLOCAL : Que pensez-vous de la certification ? CHRISTOPH KAUT : Ce que d’autres appellent « certification »,nous l’appelons « vérification ». Cotton made in Africa ne délivre pasde certificat. Notre conception de la vérification est quelque peu diffé-rente : elle nous permet de vérifier l’application de certaines normes ;cependant, nos normes comprennent, d’une part, un ensemble de cri-tères d’exclusion et, d’autre part, un ensemble de normes de dévelop-pement que nous appelons indicateurs de durabilité. Pour ces derniers,nous travaillons en étroite collaboration avec les sociétés cotonnièreset les petits producteurs de la filière afin d’améliorer leur conformité àces normes sur une période donnée. Pour y parvenir, nous recouronspar exemple à des formations spéciales. Notre approche permet ainsiune amélioration constante tant à l’échelle des petits cultivateurs qu’àcelle des entreprises.

GLOCAL : Est-ce vrai que vous bénéficiez du concours de so-ciétés de vérification indépendantes ?

« Pour nous, la notion d’entreprise sociale signifie qu’en tantqu’entreprise nous réalisons des bénéfices. Mais en tant qu’en-treprise sociale, nous reversons nos bénéfices à ceux qui sont àl’origine de ces richesses, à savoir les petits cultivateurs parti-cipant à l’initiative. »

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Difficultés d’approvisionnement en coton « CmiA »

Sur la base du « mass-spelling system » et de son ap-proche intrant/production, si un détaillant désire pro-duire un article CmiA dans un pays où il n’y a pas de

coton, Les filature seront dans l’impossibilité d’acquérir du nou-veau coton CmiA et les détaillants ne pourront pas fabriquerdes produits CmiA.Les pays produisant leur propre coton (Inde, Pakistan) n’im-portent pas le coton en grande quantité. Par conséquent, lesprix du coton importé peuvent être un peu plus élevés que ceuxdu coton local, ce qui entraînerait une hausse du prix des vête-ments prêt-à-porter et des coûts supplémentaires pour les dé-taillants qui voudraient fabriquer des produits CmiA.Les détaillants considèrent toujours le CmiA comme un « pro-jet ». Nous préférerions qu’ils nous considèrent comme unatout permanent pour leurs articles. L’idée du projet peut êtreconsidérée par certains maillons de la chaîne d’approvisionne-ment comme un revenu supplémentaire. Par conséquent, ilspeuvent exiger une hausse du prix du produit fini, malgré quele coton CmiA soit vendu sans frais supplémentaires.Nous devons nous assurer de la disponibilité en Afrique, ducoton en quantité suffisante. En 2010 par exemple, produc-teurs et vendeurs ont vendu le coton rapidement à des prixfixés à leur guise. Nous avons établi une nouvelle idée dansla fondation appelée « Coton scout ». Cette mesure vise à ga-rantir une disponibilité permanente d’une quantité suffisantede coton CmiA en Afrique pour satisfaire notre demande.

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D- Valorisation du coton africain et industrie textile 33

CHRISTOPH KAUT : Les bases de notre système de vérificationont été élaborées par l’université néerlandaise de Wageningen. Ellesont ensuite été peaufinées et opérationnalisées par une équipe d’ex-perts de PricewaterhouseCoopers ayant de l’expérience dans l’élabo-ration de normes pour la filière café. Ce système de vérification aensuite fait l’objet d’un examen approfondi avec le concours de l’en-semble des parties prenantes (associations de cultivateurs, sociétéscotonnières, institutions de développement et ONG œuvrant dans ledomaine social et environnemental). Tous les deux ans, deux sociétésde vérification indépendantes triées sur le volet (actuellement Eco-cert et Africert) procèdent à des vérifications en externes. De surcroît,les sociétés cotonnières doivent s’auto-évaluer chaque année.Lorsque les choses ne sont pas parfaitement claires, nous recevonsun rapport sur la situation puis procédons à nouveau à une vérifica-tion pour nous assurer que certaines pratiques jugées inappropriéespar CmiA n’ont plus cours.

GLOCAL : S’agissant des critères de marges brutes énoncésdans vos directives d’évaluation : « la moyenne de margebrute sur 3 ans pour les cultivateurs partenaires de CmiAest de 20 % supérieure à celle des cultivateurs de coton nonassociés », et cela est considéré « vert », c’est-à-dire béné-fique et durable. Cette différence de 20 % est-elle suffisam-ment grande pour avoir un impact sur le développementdes producteurs de cotons ? Si oui, pourquoi et comment ?

CHRISTOPH KAUT : Voilà une question bien philosophique. Sansaucun doute, une augmentation de 100 % du revenu serait plus bé-néfique, mais une hausse de 20 % obtenue sur une longue période,c’est déjà très utile. Nous pensons que 20 %, c’est la moyenne mini-mum. Cela est dû en grande partie aux techniques utilisées. À l’heureactuelle, les cours du coton sont assez élevés et les petits cultivateursconsacrent une attention particulière à leurs plantations. Nous avonsmis en place un système de culture par rotation qui permet au culti-vateur de produire non seulement du coton, mais également du maïset du soja. Lorsque les prix du coton chuteront à nouveau, les culti-vateurs auront tendance à s’occuper plus activement de leurs champsde maïs que de leur production de coton. Or, le désherbage par exem-ple, s’il n’est pas effectué correctement, la production de coton peutdégringoler brusquement. Cela dit, le système dans lequel nous évo-luons est assez délicat et il est très difficile de faire des prévisions surune culture.

GLOCAL : Vous évaluez les cultivateurs sur différents cri-tères (l’utilisation des personnes, de l’eau, des pesticides etdes engrais, ainsi que les avantages obtenus). Commentleurs performances ont-elles évolué depuis l’adoption en2008, par la commission consultative, de la version dé -finitive du cadre de vérification ? CmiA aide les petits culti-vateurs partenaires et les sociétés cotonnières às’améliorer et à passer du rouge à l’orange et enfin del’orange au vert dans son système de notation. Pourrions-nous avoir votre avis au sujet de l’évolution globale devotre base de cultivateurs et au sujet de l’impact que l’ini-tiative CmiA a à l’heure actuelle sur l’environnement socio-économique des cultivateurs avec lesquels elle travaille ?

CHRISTOPH KAUT : Le changement s’opère lentement. Une pé-riode de deux ans est trop courte pour nous permettre de fournir des

données prévisibles, surtout lorsque les cultures sont à la merci desrégimes climatiques (soleil, pluie, etc.). Pour ce qui est du produitagricole, nous nous limitons à une période d’un an minimum. Cer-taines années, les cultivateurs ont suivi une excellente formationmais, malheureusement, les pluies sont arrivées tardivement, lescondamnant à de petites récoltes. Toutefois, avec l’appui de notreprogramme partenaire, le Compaci, nous sommes actuellement entrain de mettre au point un plan de référence qui nous permettra decontrôler la mise en œuvre des changements à moyen et à long terme.

GLOCAL : Pensez-vous qu’il existe un jour une initiative« Cotton made in Asia ou South America » ? En quoil’Afrique est-elle différente en matière de marketing posi-tif ?

CHRISTOPH KAUT : Il serait tout à fait envisageable d’étendrenos activités à l’Asie et à l’Amérique du Sud. La formule Cotton made

in Africa et son système de vérification peuvent fonc-tionner partout où il y a de petits cultivateurs parte-naires. Cependant, nous sommes, à ce jour,suffisamment occupés à mettre notre système enplace dans des régions d’Afrique qui offrent d’impor-tantes opportunités de croissance. Je suis convaincuque c’est en Afrique que nos activités seront le plusbénéfiques, tant sur le plan social que sur celui del’environnement.

GLOCAL : La traçabilité tout au long de lachaîne de valeur ajoutée : voilà un sujet in-téressant. Comme vous l’expliquez dans l’un

de vos articles, « toutes les activités cotonnièresnationales convergent et sont gérées » dans les ports afri-cains. Comment la question de la nécessité de moyens detransports séparés pour le coton a-t-elle été réglée ? Quelstypes de solutions et de technologies avez-vous mis au pointavec les revendeurs internationaux et les sociétés coton-nières africaines avec lesquelles vous travaillez ?

CHRISTOPH KAUT : Nous avons un système de suivi auquel lesrevendeurs peuvent se soumettre volontairement. Et s’ils le souhai-tent, ils doivent nous fournir les données nécessaires. Après cela, lecheminement du coton peut être remonté tout au long de la chaînede valeur. Nous avons un critère rigoureux de préservation d’identitéen vertu duquel notre coton est nôtre jusqu’à la balle de coton. À par-tir de cet instant, nous travaillons sur un système de bilan de masse,qui n’est rien d’autre qu’un système entrées-sorties adapté à la com-plexité de la chaîne de valeur. Tant qu’il provient de l’Afrique, le cotonpeut être utilisé dans le processus de fabrication de CmiA. Toutefois,les stocks utilisés doivent être réapprovionnés avec du coton 100 %CmiA. L’application de cette formule permet aux fabricants de béné-ficier de courts délais d’approvisionnement pour la production, cequi est primordial dans ce marché qui évolue au rythme de la modeet des saisons. Et au bout du compte, CmiA perçoit toujours desdroits de licences grâce auxquels elle peut soutenir les petits cultiva-teurs participant à l’initiative en Afrique.

GLOCAL : Cette forme de traçabilité permet-elle de vérifierque les matières premières utilisées dans la fabricationd’articles textiles au label CmiA proviennent effectivementdu coton cultivé dans les champs des petits agriculteursparticipants à l’initiative CmiA ?

CHRISTOPH KAUT : Si vous voulez produire une fibre puis, à par-tir de celle-ci, une chemise (soit une traçabilité totale et directe toutau long de la chaîne de valeur), vous obtiendrez en fin de processusun produit nettement plus coûteux que si vous appliquiez un systèmede bilan massique, que l’on peut comparer au système de grille éco-logique utilisé dans certains pays lors de l’achat d’électricité issue desources renouvelables. En raison de l’augmentation du coût due auresserrement des contrôles, si l’initiative CmiA devait offrir une ré-duction des droits de licence, cela diminuerait sa capacité à appuyerses principaux partenaires : le petit agriculteur participant et sa fa-mille.

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34 D- Valorisation du coton africain et industrie textile

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

GLOCAL : Au vu des difficultés auxquelles les revendeurs sontconfrontés lorsqu’ils veulent utiliser du coton CmiA pour lesarticles qu’ils produisent en Chine et au Bangladesh entreautres, l’option qui consisterait à essayer de contribuer à ladynamisation de la transformation du coton en Afrique pré-sente-t-elle un intérêt pour votre initiative ou sort-elle tota-lement du cadre de vos compétences ?

CHRISTOPH KAUT : Cette possibilité correspond parfaitement ausouhait des revendeurs et nous ne pouvons qu’encourager une telletendance. Cependant, le contexte auquel nous avons affaire est extrê-mement complexe. Par exemple, nous nous sommes entretenus avecun grand homme d’affaires afin de comprendre pourquoi ce dernierrechignait à l’idée de commencer à fabriquer des vêtements au Bénin.Il nous a fait remarquer que l’électricité, entre autres problèmes, luicoûterait à peu près six fois plus cher qu’en Chine, et que pour cetteraison, le Bénin ne pouvait pas être compétitif. Toutefois, d’autres pays ont montré que cela est bien faisable. L’un denos grands partenaires fabrique actuellement des produits textilesdans une usine ouverte récemment en Ethiopie. L’augmentation descoûts de production, notamment en Chine, et la progression de l’urba-nisation de l’Afrique, portent à croire qu’il est fort probable que l’onassiste à une hausse du volume de coton CmiA transformé sur ce conti-nent. « CmiA - coton cultivé et transformé en Afrique ». Cela ferait uneexcellente accroche marketing !

GLOCAL : L’Afrique du Sud qui est semble t-il un pays impor-tant pour l’initiative CmiA, fait-elle partie des pays où l’onpeut installer toute une chaîne de production de textiles àbase de coton ?

CHRISTOPH KAUT : En tant que centre de fabrication de vête-ments, l’Afrique du Sud semble connaître des problèmes grandissantsen matière de compétitivité. En tant que marché de consommation,dans le contexte africain, elle occupe un rang très élevé. Mais en com-paraison avec les autres marchés internationaux, sa place est moinsimportante. Même si son potentiel demeure réel, nous pensons quel’avenir de la fabrication textile en Afrique se trouve dans des pays plusdensément peuplés tels que le Cameroun, le Ghana ou, comme nousl’avons déjà souligné, l’Ethiopie. Les revendeurs mènent leurs activitésde production dans les endroits où les coûts de production sont les plusbas, et ce n’est malheureusement pas, me semble-t-il, le cas de l’Afriquedu Sud.

GLOCAL : Pouvez-vous me parler du projet d’uniformes sco-laires que vous avez mis en œuvre au Bénin ?CHRISTOPH KAUT : En général, pour les projets communautaires,nous nous efforçons de collaborer le plus étroitement possible avec lespopulations locales. Dans ce cas de figure, lafourniture d’uniformes scolaires et laconstruction d’un certain nombre d’écoles etde jardins scolaires ont plus ou moins faitsuite à des idées émises par les cultivateurslocaux participant à l’initiative dans le norddu Bénin. Nous avons affecté un budget à cesprojets, mais ce sont les cultivateurs qui dé-cidaient de ce qui devait être fait et de l’en-droit où on allait le faire. Il nous a étédemandé d’apporter un soutien financierpour l’achat d’uniformes scolaires confec-tionnés localement afin de permettre à un plus grand nombre d’enfantsd’aller à l’école et afin d’appuyer la construction de bâtiments scolairesdéfinitifs dans les zones où les moyens dont disposaient les cultivateursne leurs permettaient de construire que des cases. Environ un tiers del’ensemble des ressources investies dans ce projet proviennent descommunautés des agriculteurs, qui contribuent, non pas en espèces,mais en nature, ce qui est également important. Nous espérons obtenirune participation locale très fructueuse et efficace. Une fois les travauxachevés, nous évaluerons l’impact de ces projets.

GLOCAL : Compte tenu du projet d’uniformes scolaires auBénin et suite à une question posée au panel lors d’une confé-

rence organisée en novembre à Ouagadougou sur le thèmeCoton, textile et développement, la production locale/régio-nale d’uniformes scolaires peut-elle être un catalyseur per-mettant de donner un coup d’accélérateur à latransformation de coton brut en Afrique occidentale et cen-trale et d’appuyer la mise sur pied d’une industrie textile via-ble ?

CHRISTOPH KAUT : Il y a effectivement un problème de viabilité.Lorsque nous avons coopéré avec nos partenaires au Bénin pour four-nir ces uniformes scolaires, il était essentiel pour nous d’obtenir unproduit local et d’employer une main d’œuvre locale. L’objectif viséétait de favoriser la valeur ajoutée au sein des communautés. De cettefaçon, la production profite aux communautés locales mais demeuremalheureusement incapable de rivaliser sur le marché mondial. Parexemple, s’ils avaient été confectionnés au Bangladesh, ces mêmes uni-formes, appelés « khakis », auraient coûté la moitié du montant dé-pensé au Bénin.

GLOCAL : Bien que la CmiA soit une jeune initiative, exerce-t-elle déjà une influence sur la manière dont on produit etachète les produits textiles ?

CHRISTOPH KAUT : Si vous vous interrogez sur notre impact dansson ensemble, je vous dirai que pour l’instant le constat est décevant.Un examen du marché global des produits manufacturés à partir decoton durable révèle que ce marché est encore minuscule en compa-raison du marché du coton standard. Qu’il s’agisse du commerce équi-table, du coton biologique ou du coton CmiA, il ne dépasse pas 1 % dela production totale et ne possède pas plus de 1 % des parts de marché.Cela dit, il nous reste encore un long et pénible chemin à parcourir pourque non seulement nous, mais également nos collègues d’autres ini-tiatives, puissions introduire davantage de produits durables (dansnotre cas, le coton) dans les marchés. Il est manifeste que cette ten-dance ne peut pas encore être considérée comme un phénomène gé-néralisé.

GLOCAL : L’initiative CmiA a pénétré dans le marché améri-cain par la Social Accountability International Organizationet dans le marché britannique par le Sustainable ClothingAction Plan. Elle est également présente sur le marché alle-mand, mais qu’en est-il des autres pays européens ? En ma-tière de consumérisme social des produits cotonniers, quelletypologie feriez-vous des pays européens ?

CHRISTOPH KAUT : Je pense qu’il serait juste d’affirmer que pluson va vers le nord, plus les gens sont sensibles à la notion de consumé-risme social. Tandis que plus on avance vers le sud, plus il faut dutemps pour y parvenir. En fait, nous travaillons avec une société fran-çaise appelée Celio. Certaines autres grandes marques françaises ont

« Si vous vous interrogez sur notre impact dans son ensemble,je vous dirai que pour l’instant le constat est décevant. Un exa-men du marché global des produits manufacturés à partir decoton durable révèle que ce marché est encore minuscule encomparaison du marché du coton standard. Qu’il s’agisse ducommerce équitable, du coton biologique ou du coton CmiA, ilne dépasse pas 1 % de la production totale et ne possède pas plusde 1 % des parts de marché. »

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également exprimé leur intérêt. Quand il s’agit d’expansion, leschoses ne sont pas facile pour nous parce que nous sommes unemarque qui prône la durabilité et nous apportons de la nouveautédans l’entreprise. Si l’entreprise travaille uniquement dans le but demaximiser son profit à court terme, il est évident que son service del’approvisionnement travaillera également dans ce sens. Il est impor-tant que les entreprises adoptent et intègrent le principe de durabilitédans leur stratégie globale et qu’elles modifient leurs systèmes enconséquence. Certaines entreprises opèrent ces changements et met-tent en place les structures nécessaires à l’avance, de sorte quelorsqu’elles nous contactent, nous pouvons commencer à coopérersans aucune autre forme de procès. En revanche, le processus d’in-tégration de produits durables est long et laborieux lorsque l’on a àfaire à des entreprises qui n’ont pas encore adopté de stratégie dansce domaine. Pour certaines, il a fallu un an et demi, voire plus, pourque le projet CmiA puisse démarrer.

GLOCAL : La CmiA et l’Aid by Trade Foundation travaillentensemble et la première est une jeune entreprise tandis quela seconde est une fondation. Dans une perspective à longterme, l’objectif visé est-il de faire de la CmiA une structuretotalement indépendante ou bien la fondation continuera-t-elle, avec l’appui financier du GTZ et de la Fondation Billet Melinda Gates, de couvrir les coûts de fonctionnement del’initiative ?

CHRISTOPH KAUT : Nous sommes conscients du fait que leCOMPACI et l’implication de BMZ et de la Fondation Bill et MelindaGates sont provisoires. Une fois que le projet Compaci sera parvenuà sa fin, Cotton made in Africa poursuivra ses activités et assumeraégalement les fonctions actuellement financées par le Compaci. Nousentendons reprendre progressivement le volet du COMPACI quiporte sur la formation des cultivateurs aux techniques agricoles.

GLOCAL : S’agissant du nombre d’employés, combien depersonnes travaillent pour l’Aid by Trade Foundation,CmiA et Atacora ?CHRISTOPH KAUT : En tout, nous sommes environ neuf en Al-lemagne, et avons des collaborateurs externes au Bengladesh, en Tur-quie et à Hong Kong.

GLOCAL : CmiA alancé l’Alliance dela demande, quirassemble lesgros revendeurstels que le GroupeREWE, Puma,1888 Mills, Mus-tang Jeans, Ed-gars, MONKS, 3Suisses et biend’autres encore,dans le but d’ac-croître la de-mande de « cotoncultivé de façondurable ». Com-ment êtes-vousparvenus à réunirces revendeurs età dynamiser cetteAlliance ?

CHRISTOPH KAUT : Le fondateur d’Aid by Trade, Dr MichaelOtto, qui est également l’un des principaux actionnaires et le prési-dent du comité de contrôle du Groupe Otto, a, comme vous pouvezl’imaginer, de nombreuses relations. Il nous a été d’un grand secours,en ouvrant la voie et en nous donnant la possibilité de rencontrer etde recruter les revendeurs avec lesquels nous collaborons au-jourd’hui. Après un certain temps, il devient un peu plus facile d’ac-céder à de nouveaux revendeurs, car nos activités et notre initiative

sont de plus en plus connus. Pour développer les ventes, nous tra-vaillons désormais sur deux fronts : nous incitons de nouveaux re-vendeurs à rejoindre l’Alliance de la demande, et nous augmentonsle volume de coton CmiA utilisé par ceux qui sont déjà partenairesde l’initiative. D’habitude, les entreprises optent au départ pour uneassez petite quantité de coton afin de tester la compatibilité de leurchaine d’approvisionnement et de production avec la méthode ap-pliquée par CmiA. Si les tests sont concluants, elles peuvent com-mencer à acheter des quantités de plus en plus grandes. Le GroupeOtto, par exemple, a commencé avec des quantités assez basses, maisen l’espace de deux ans, il envisage déjà de multiplier par cinq saconsommation de coton CmiA. C’est impressionnant. Nous assistonsà des scénarios similaires avec les autres partenaires de l’Alliance dela demande, notamment Puma, S’Oliver et Tchibo.

GLOCAL : L’alliance internationale a-t-elle un caractère in-ternational fortement marqué ?

CHRISTOPH KAUT : Eh bien, nous avons des sociétés membresqui sont basées en l’Allemagne du Nord et d’autres en Allemagne duSud ! C’était une plaisanterie. Ce que je veux dire c’est que noussommes souvent considérés comme une initiative essentiellement al-lemande, ce qui n’est pas tout à fait vrai. Tout d’abord, nous collabo-rons avec des entreprises qui, bien qu’installées en Allemagne, sontdes organisations internationales possédant une clientèle à l’échelleplanétaire ; c’est le cas notamment de Puma. Nous travaillons enoutre avec des entreprises qui ne sont pas du tout allemandes commeCelio, en France, et Anvil, aux Etats-Unis. Notre principal défi est decontinuer à nous développer aussi rapidement qu’au cours des troisdernières années pour que le système gagne en efficacité et amélioreles vies et l’environnement des populations rurales d’Afrique. Quenous atteignions cet objectif grâce à nos ventes en Allemagne ou àl’étranger importe peu. En revanche, comme vous pouvez l’imaginer,une croissance parallèle en Europe et en Amérique du Nord consti-tuerait sans doute la meilleure avancée, surtout en Amérique du Nordoù la Fondation Gates compte de nombreuses relations. Cette der-nière nous aide en nous offrant de nouvelles possibilités de rencon-trer de gros revendeurs.

GLOCAL : Qui dit Cotton made in Africa dit développementet commerce : comment les partenaires commerciaux decette initiative par viennent-ils à calculer leur retour sur in-vestissement et quels sont les critères en matière de répu-tation, de valorisation de la marque, de ventes et desatisfaction client, entre autres ? Quels sont les principauxfacteurs de motivation des entreprises qui collaborent avecCmiA ?

CHRISTOPH KAUT : Les revendeurs abordent cette question deplusieurs façons. Pour la plupart, ils sont conscients que l’offre deproduits durables génère un avantage concurrentiel. Les clients re-cherchent et exigent des « produits respectueux de l’éthique », parconséquent, CmiA aide les revendeurs à répondre aux exigences deleurs clients. Certains revendeurs possèdent leurs propres labels etlorsque nous correspondons à leurs critères, ils achètent chez nous.Dans ce cas, le label CmiA n’apparaît même pas sur les produits ; seulle label de durabilité d’une entreprise particulière est visible, tel quele label Pro Planet du Groupe REWE. Tandis que les produits de cer-tains portent le label CmiA, d’autres se contentent de mentionner cedernier dans leurs rapports CSR en indiquant qu’un certain pourcen-tage de la production totale de textile est approvisionné avec un cotoncultivé de façon durable. Les approches sont donc variées, et je nesais pas laquelle est la meilleure : elles existent en parallèle et sontmanifestement toutes efficaces.

GLOCAL : A la question « qu’entendez-vous par ‘mettre enmarche les forces du marché’ ? », vous avez donné la ré-

« Quand il s’agit d’expansion, les choses ne sont pas facilepour nous parce que nous sommes une marque quiprône la durabilité et nous apportons de la nouveautédans l'entreprise. »

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36 D- Valorisation du coton africain et industrie textile

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

ponse suivante : « mettre en marche les forces du marché si-gnifie essentiellement générer une demande tellementgrande que l’offre du produit considéré se retrouve à latraîne, et lorsque l’offre est limitée dans une économie demarché, il s’ensuit une augmentation des prix, et c’est exac-tement cela que nous recherchons pour nos agriculteurs. Gé-nérer une demande de CmiA supérieure à l’offre : ce n’est qu’àce moment que les agriculteurs pourront vendre leur matièrepremière à un prix plus élevé et en récolter les bénéfices parla suite. » Pour revenir aux ambitions de l’initiative CmiA,quelle sont vos progrès par rapport à l’objectif visant à « gé-nérer une demande tellement grande que l’offre du produitconsidéré se retrouve à la traîne » ? Quels sont vos cibles etvos délais ?

CHRISTOPH KAUT : Lorsque nous parlons de la mise en marchedes forces du marché, nous voulons dire que nous aimerions voir CmiAprendre pied et être acceptée sur le marché. Les revendeurs devraientêtre en mesure d’acheter les produits CmiA et s’acquitter de nos (mo-destes) droits de licence, en sachant qu’en utilisant Cotton made inAfrica, ils sont plus compétitifs que leurs concurrents sur le marché.Sous l’angle du développement, cela signifie que le commerce dans unmonde globalisé peut contribuer à améliorer sans cesse les conditionsde vie et de travail de notre groupe cible (les petits cultivateurs et leursfamilles), ainsi que de leur environnement. Les forces du marché se-raient alors une force motrice pour un développement durable « à tousles niveaux » à travers le continent.

GLOCAL : Je suppose que le risque de voir sa réputation ter-nie est le principal risque auquel CmiA est confrontée. Quefaites-vous pour le minimiser ?

CHRISTOPH KAUT : Nous pensons que trois grands aspects ajou-tent à la renommée de Cotton made in Africa et de l’Aid by Trade Foun-dation. Premièrement, l’Aid by Trade Foundation possède un Conseild’administration puissant et indépendant ainsi qu’un Conseil consul-tatif constitué de membres venus d’horizons divers : nous avons desreprésentants des secteurs de la production et de la distribution, desorganismes de développement, des ONG œuvrant dans les domainessocial et environnemental, des banques et des groupes d’analystesd’Europe et d’Afri que. Deuxièmement, nous disposons d’un systèmerobuste et éprouvé qui nous permet de vérifier, de façon indépendante,l’application des directives de production de Cotton made in Africadans les zones de culture et dans les usines d’égrenage. Et troisième-ment, nous restons ouverts d’esprit et adoptons la transparence àl’égard de notre système, des critères de vérification, ainsi que de lagouvernance et des résultats de la vérification. C’est aussi l’une des rai-sons pour lesquelles CmiA est membre de l’Alliance ISEAL, un orga-nisme d’établissement de normes.

GLOCAL : Dans un article intitulé « We Are Family » (Nousformons une famille), en parlant de l’atelier des parties pre-nantes du Compaci tenu à Ouagadougou, vous avez déclaré :« les participants ont l’occasion de s’entretenir les uns avecles autres. Pour plusieurs, venus d’Europe ou des Etats-Unis,ces échanges permettent de comprendre un univers entière-ment nouveau et laissent une forte impression. […] D’un côtécomme de l’autre, on se rend compte que l’on a un rôle d’im-portance égale à jouer, et chacun est apprécié à sa juste va-leur. » Pourriez-vous développer ce point ?

CHRISTOPH KAUT : Pour ce qui est de notre réunion annuelle desparties prenantes, qui se tient tour à tour en Europe et en Afrique, je

pense que l’on peut relever deux principaux aspects. Premièrement,les participants rencontrent des personnes venues d’autres régions del’Afrique, ce qui leur permet d’échanger et d’apprendre les uns des au-tres.Deu x iè mement, ces réunions offrent à tous les participants une excel-lente occasion de s’informer au sujet des autres étapes qui intervien-nent dans la chaîne de valeur extrêmement complexe de l’industrietextile : les égreneurs de coton rencontrent les filateurs, les fabricantsde vêtements rencontrent les revendeurs. Et enfin, les revendeurs ontde fortes chances de rencontrer les cultivateurs sur le terrain etd’échanger avec eux, chose qu’ils n’avaient très probablement jamaisfaite auparavant. Ces rencontres entre agriculteurs et revendeurs sousle label commun de Cotton made in Africa offrent des moments richesen émotion, pendant lesquels nous avons la possibilité de voir de prèscomment nos idées fonctionnent et de rencontrer chacun de nos par-tenaires en personne.

GLOCAL : Permettez-moi de finir sur une question person-nelle : pourquoi avez-vous rejoint CmiA ?

CHRISTOPH KAUT : J’ai rejoint cette initiative après avoir été sé-duit par le fait qu’elle se donnait pour mission d’améliorer les vies d’ungrand nombre de petits agriculteurs en Afrique en mettant à l’œuvreles forces du marché, en commercialisant pour le grand public un nou-veau produit. Les activités de l’initiative ne s’arrêtent pas aux frontièresd’un pays ; elles s’étendent sur toute la chaîne de valeur. Si nous par-venons à développer davantage l’initiative, alors nous pourrons avoirdes instruments qui permettront de mieux équilibrer la répartition desrichesses dans notre monde globalisé, et de transcender les stéréotypesen matière de projets de dévelop pement et d’œuvres caritatives. Lespetits cultivateurs partenaires, les sociétés cotonnières et les reven-deurs travaillent tous ensemble dans une situation gagnant-gagnantafin de profiter mutuellement de la production et de la commerciali-sation d’un produit durable. Bien entendu, ce modèle ne s’appliquerajamais totalement sans conflit, mais il peut au moins démontrer qu’undéveloppement social et environnemental équitable est possible dansle monde globalisé d’aujourd’hui. n

« Lorsque nous parlons de la mise en marche des forces dumarché, nous voulons dire que nous aimerions voir CmiAprendre pied et être acceptée sur le marché. Les revendeursdevraient être en mesure d’acheter les produits CmiA et s'ac-quitter de nos(modestes) droits de licence, en sachant qu’enutilisant Cotton made in Africa, ils sont plus compétitifs queleurs concurrents sur le marché. Sous l’angle du développe-ment, cela signifie que le commerce dans un monde globa-lisé peut contribuer à améliorer sans cesse les conditions devie et de travail de notre groupe cible (les petits cultivateurset leurs familles), ainsi que de leur environnement. Lesforces du marché seraient alors une force motrice pour undéveloppement durable « à tous les niveaux » à travers lecontinent. »

« Si nous parvenons à développer davantage l’initiative, alorsnous pourrons avoir des instruments qui permettront demieux équilibrer la répartition des richesses dans notremonde globalisé, et de transcender les stéréotypes en matièrede projets de développement et d'œuvres caritatives. Les pe-tits cultivateurs partenaires, les sociétés cotonnières et les re-vendeurs travaillent tous ensemble dans une situationgagnant-gagnant afin de profiter mutuellement de la produc-tion et de la commercialisation d'un produit durable. »

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Interview avec CHRISTOPH KAUT

NB: Ce texte en français n’est pas la version originale, mais une traduction libre d’untexte initialement écrit en anglais (Voir version anglaise de ce Numéro spécial).

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E- Les enjeux de la recherche scientifique dans le soutien des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre 37

Par O. NDOYE*, H. ROY-MACAULEY* , M. D. FAYE*, A. SANGARÉ*, P. SÉRÉMÉ*

La recherche cotonnière en Afrique de l’Ouest et du Centre

IntroductionLe coton, cultivé principalement pour safibre, est une spéculation importante pourl’économie mondiale. Cultivé dans plus de100 pays, le coton est un produit agricole debase qui fait l’objet d’échanges commerciauxtrès nombreux, plus de 150 pays étant impli-qués dans l’importation ou l’exportation ducoton. Les six plus gros pays consommateursfont aussi partie des sept principaux pays pro-ducteurs. Entre 1980/1981 et 2004/2005, lecommerce du coton représentait environ 30%de la production mondiale, mais cette part estpassée à près de 40% en 2005/2006.Le secteur agricole est la principale source derevenus et d’emplois pour plus de 80% de lapopulation active dans la plupart des pays del’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) où lecoton occupe entre 15 à 20 millions de per-sonnes qui en vivent directement ou indirec-tement.Le coton, dont la plus importante part de larécolte est exportée, occupe une place cen-trale dans la balance commerciale des pays del’AOC. La part du coton représente 80% desrecettes d’exportation au Bénin, 66% au Bur-kina Faso, plus de 50% au Mali et au Tchadavant le démarrage des activités pétrolières et30% dans l’ensemble des pays producteurs del’AOC.En raison de sa bonne qualité, le coton estl’un des rares secteurs où le continent noir de-meure compétitif. C’est pour cette raison quela recherche cotonnière demeure très activedans les pays producteurs avec le ConseilOuest et Centre Africain pour la Recherche etle Développement Agricoles [West and Cen-tral African Council for Agricultural Researchand Development] (CORAF/WECARD)comme tête de pont de cette recherche.

Acteurs de la recherche dans lesecteur du coton en aocLa coordination de la recherche agricole enAfrique de l’Ouest et du Centre est dévolue auCORAF/WECARD. Cette organisation a été créée en 1987 en tantque Conférence des Responsables de Re-cherche Agronomique Africains et Français.En 1995, le CORAF/WECARD a élargi sa basepour y inclure les pays anglophones et luso-phones de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ilregroupe les Systèmes Nationaux de Re-cherches Agricoles (SNRA) de 22 pays. La su-perficie de ses pays membres est de 11,5

millions de km2 avec une population de 318millions d’habitants dont 70% sont engagésdans l’agriculture. Le CORAF/WECARD a lacharge d’harmoniser la recherche et del’orienter efficacement pour assurer un meil-leur impact sur les populations. Le SecrétariatExécutif de cette organisation est basé àDakar, Sénégal ; il est dirigé par un DirecteurExécutif qui est à la tête d’une équipe d’envi-ron 30 personnes. Cependant, les systèmesnationaux de recherche des 22 pays membresconstituent le cœur des chercheurs qui exécu-tent les projets. Le CORAF/WECARD a pourmandat de :- Promouvoir la coopération, la concertationet l’échange d’informations entre les institu-tions membres d’une part, et les partenairesd’autre part ;- Définir les objectifs et les priorités de re-cherche communs à l’échelle sous régionaleet régionale ;- Servir d’instance de consultation pour touterecherche menée par les organisations sousrégionales, régionales ou internationales in-tervenant au niveau de la sous région ;- Élaborer et assurer la mise en œuvre efficacedes programmes de développement de la re-cherche sous régionale visant à ajouter de lavaleur aux programmes nationaux ;- Harmoniser les activités des composantesde recherche existantes et faciliter la créationde nouveaux programmes régionaux ou d’au-tres unités opérationnelles de recherche à ca-ractère régional (CORAF/WECARD, 2007).La deuxième catégorie d’acteurs de la re-cherche concerne les Instituts Nationaux deRecherches ayant un intérêt tout particulierpour le coton ; dans certains cas ces Institutsde Recherches ont des Centres Spécialisésuniquement sur la Recherche Cotonnièrecomme au Bénin avec l’INRAB qui dispose duCentre de Recherches Agricoles Coton et Fi-bres (CRA-CF) et de l’ITRA du Togo avec leCentre de Recherche Agronomique-SavaneHumide (CRA-SH).Les Sociétés de développement du coton dontcertaines ont été privatisées constituent letroisième type d’acteurs. Au Mali on trouve laCompagnie Malienne de Développement duTextile (CMDT); au Sénégal la Société de Dé-veloppement des Fibres Textiles (SODEFI-TEX) a pour mission le développement del’agro-industrie cotonnière au Sénégal. Au

Togo la Nouvelle Société Cotonnière du Togo(NSCT), qui remplace la Société Togolaise deCoton (SOTOCO), a pour objectif principal dedévelopper et valoriser la production coton-nière du pays. Ces sociétés cotonnières sont regroupéesdans l’Association Cotonnière Africaine qui apour objectif de défendre leurs intérêts au ni-veau international et de favoriser les échangesd’expériences entre sociétés cotonnières afri-caines sur le plan agronomique, industriel etcommercial.Un autre type d’acteurs est constitué par lesassociations de producteurs. Dans chaquepays producteurs de coton en Afrique del’Ouest et du Centre existe une telle associa-tion dont le but essentiel est de défendre lesintérêts matériels et moraux de ses membres.Ces associations constituent des interlocu-teurs pour les pouvoirs publics et pour les so-ciétés de développement. Au niveau africainon retrouve l’AProCA (l’Association des Pro-ducteurs de Coton Africain) qui fédère toutesles associations nationales.Les pays producteurs tentent de s’organiseren pôles d’excellence basés sur leurs avan-tages comparatifs. Ainsi le Bénin, le BurkinaFaso, le Mali et le Tchad, réunis dans un pro-jet (voir les projets phares), ont décidé demettre sur pied les pôles d’excellence sui-vants : - INRAB au Bénin pour la gestion des res-sources génétiques, la biodiversité et la bio-sécurité et la Banque de gènes régionale ;- INERA au Burkina Faso pour le coton géné-tiquement modifié et les biotechnologies mo-dernes ;- IER au Mali pour la gestion des ressourcesnaturelles et la création de la variabilité géné-tique ;- ITRAD au Tchad pour l’entomologie.A terme, ces pays, en rapport avec les autrespays producteurs de coton de la zone Afriquede l’Ouest et du Centre, veulent arriver à lacréation d’un Centre Africain de Recherchesur le Coton qui prendrait en charge toutes lespréoccupations de recherche des acteurs de lafilière.

Rôle et place de la recherchedans la résolution de la crise co-tonnièreLa recherche sur le coton en Afrique est assezdynamique en témoignent les nouvelles tech-niques et technologies développées pour pro-duire plus et mieux (comme le compostamélioré, la lutte sur seuil contre les insectes,etc.). Cependant, des difficultés subsistent en-

Le CORAF/WECARD a la charge d’har-moniser la recherche et de l’orienterefficacement pour assurer un meilleurimpact sur les populations.

* CORAF/WECARD, 7 Avenue Bourguiba BP 48 Dakar Sénégal.

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38 E- Les enjeux de la recherche scientifique dans le soutien des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

core notamment dans le secteur de l’agronomie,de l’amélioration des variétés et de l’entomolo-gie.

Diagnostic des problèmes En agronomie c’est la faible fertilité des solsqui est un handicap majeur pour la productiondu coton. En effet, dans les zones de culture lessols sont en général très pauvres en matièresorganiques et souvent des carences en certainsoligoéléments (comme le Bore ou le Zinc) sontsignalées.En amélioration du cotonnier, la plupart, sinonla quasi-totalité des variétés disponibles nesont pas tolérantes/résistantes aux insectes(comme Helicoverpa armigera) ou aux mala-dies même si ces variétés ont un bon niveau derendement.En entomologie c’est la présence de beaucoupd’insectes ravageurs du cotonnier qui est unepréoccupation de première importance(comme H. armigera, dégâts des capsules ;Pectinophora gossypiella et Cryptophlebialeucotreta, lépidoptères carpophages). Les qualités technologiques de la fibre et de lagraine constituent également un problème ré-current des acteurs de la filière coton enAfrique de l’Ouest et du Centre.

Solutions préconiséesLes solutions préconisées sont en général ba-sées sur les résultats de recherche obtenusdans les différents domaines. Ainsi, en agronomie l’utilisation des engraisminéraux (NPK) ainsi que de l’urée mais éga-lement la matière organique par le biais ducompost ou des résidus de récolte est large-ment préconisée par les services de recherchesagricoles de plusieurs pays.

En amélioration des plantes, les nouvelles va-riétés recherchées essayent d’aligner de hautspotentiels de rendements avec une bonne qua-lité de fibre et une teneur élevée en huile pourainsi satisfaire tous les utilisateurs. L’entomologie cherche à garantir une culturesans grands dégâts d’insectes tout en préser-vant l’environnement et la santé des produc-teurs. Pour ce faire des traitements à based’extraits de plantes sont préconisés. De mêmeles traitements sur seuil sont de plus en plusutilisés afin de réduire le nombre de traite-ments chimiques puisque l’utilisation des pro-duits chimiques est basée sur la déterminationdu seuil de vulnérabilité des insectes (nombred’individus, de larves ou d’œufs présents surune superficie donnée).

Les prioritésElles s’articulent autour de trois axes majeurs :la fertilisation, la lutte contre les ravageurs etla recherche de variétés plus performantes.La fertilisation est assez importante pour unebonne production de coton. Cependant, la plu-part des producteurs ne disposent pas de res-sources financières leur permettant derespecter strictement les recommandations dela recherche en matière de fertilisation miné-rale. L’une des voies explorées est la fertilisa-tion organique par l’utilisation des résidus derécolte ou de compost en combinaison avecune fumure minérale. L’un des principaux obstacles à la bonne pro-duction de coton en Afrique de l’Ouest et duCentre est le grand nombre de ravageurs quel’on trouve sur le cotonnier en cours de culture.Ainsi, les programmes développés sur le coton,par les services d’entomologie des Instituts Na-tionaux de Recherches Agricoles, ont pour ob-jectif principal la réduction de la pressionparasitaire, notamment celle des insectes pi-queurs-suceurs. Des variétés, agronomiquement et technologi-quement plus appropriées aux besoins des uti-

lisateurs sont recherchées. Ces variétés doiventallier bonne productivité, bonne rentabilité etbonne technologie de la fibre avec des grainesayant un taux élevé d’huile.

Les bailleurs possiblesAu niveau régional les bailleurs possibles sontles Communautés Economiques Régionalescomme la CEDEAO ou la CEMAC en collabo-ration avec leurs partenaires financiers.En Afrique de l’Ouest, l’UEMOA, avec la BAD,est en train de financer un projet dans quatrepays (les pays du C-4, voir plus loin le ProjetPAFICOT).D’autres bailleurs, qui par le passé ou actuel-lement dans d’autres régions hors Afrique del’Ouest et du Centre, financent la recherche surle coton sont l’USAID, le CFC, la Banque Mon-diale, l’ICAC. Les pays africains entretiennent des relationsavec les pays émergeants dans le cadre de lacoopération bilatérale. C’est dans ce contexteque, dans le domaine du coton, le Brésil atransféré du matériel végétal pour évaluationdans certains pays comme le Mali et le Bur-kina. La coopération Sud-Sud, pour le volet re-cherches agricoles, avec les pays émergeants,prend de plus en plus d’ampleur puisque cesderniers pays offrent leurs services de façonmultiple aux pays africains : ils sont actifs dansle domaine de la formation avec l’octroi debourses, ou l’envoi de chercheurs dans les ins-

Elles s’articulent autour de trois axesmajeurs : la fertilisation, la lutte contreles ravageurs et la recherche de variétésplus performantes.

La coopération Sud-Sud, pour le voletrecherches agricoles, avec les paysémergeants, prend de plus en plusd’ampleur puisque ces derniers paysoffrent leurs services de façon multi-ple aux pays africains : ils sont actifsdans le domaine de la formation avecl’octroi de bourses, ou l’envoi de cher-cheurs dans les instituts. Les paysémergeants financent aussi des pro-jets de recherche.

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tituts. Les pays émergeants financent aussides projets de recherche.

Présentation d’une organisation viablePour créer une organisation forte et viable, il estimportant de développer une plateforme multiacteurs autour du concept de la Recherche Agri-cole Intégrée pour le Développement (IAR4D).Cette plateforme basée sur la chaîne des valeurspermettra à tous les acteurs de partager leurspréoccupations qui seront prises en comptedans les besoins de recherche.

Articulation entre les centres de re-cherche et la formation en Afrique del’Ouest et du CentreEn Afrique de l’Ouest et du Centre il n’y a pasde centre spécialement dédié à la recherche surle coton. Cependant, on note la présence, auMali, du Centre de Recherche et de Formationpour l’Industrie Textile (CERFITEX) qui est unétablissement public à caractère scientifique ettechnologique. Il est né des cendres de l’EcoleSupérieure des Industries Textiles (ESITEX).Le CERFITEX a pour mission d’assurer la for-mation initiale et continue et de contribuer à lapromotion de la recherche dans le domaine destextiles et annexes, au niveau national, sous-ré-gional et régional A cet égard, il est chargé de :- La formation supérieure et professionnaliséedans les textiles ;- La formation continue des professionnels no-tamment en entrepreneurship ;- La recherche technologique appliquée ;- L’étude, le conseil l’expertise et l’assistance.

Les projets pharesPlusieurs projets de recherche sont exécutés surle coton dans la région Afrique de l’Ouest et duCentre, parmi ceux-ci on peut citer :

WACIP (West African Improvement Program)qui regroupe les pays du C-4 (Bénin, BurkinaFaso, Mali et Tchad). Ce programme de renfor-cement du secteur coton en Afrique de l’Ouestet du Centre, lancé en 2006 pour une durée detrois ans et demi, est la suite d’un autre pro-gramme appelé Initiative Sectorielle en Faveurdu Coton pour les mêmes quatre pays et initiéen 2003 par l’Organisation Mondiale du Com-merce. Le WACIP est un financement del’USAID. Les objectifs de ce programme sontles suivants :- Un accroissement du revenu des cotonculteurssélectionnés des pays du C-4 de 15% pour lecoton et 10% pour le maïs et le niébé ;- L’accroissement du revenu des transforma-teurs du coton des pays du C-4 de 20% et 2%pour les égreneurs sélectionnés.

PAFICOT (Projet d’Appui à la Filière Coton-Textile) est une initiative multinationale exécu-tée dans les pays du C-4. Financé par la BAD àtravers l’UEMOA pour une durée de cinq ans(2009-2013). Il vise à contribuer à réduire lapauvreté en milieu rural par la sécurisation etl’accroissement des revenus des acteurs de la fi-lière et l’amélioration de la productivité ducoton de manière durable.

FSP-Coton est un projet du Ministère Fran-çais des Affaires Etrangères financé par leFonds de Solidité Prioritaire. Le CORAF/WE-CARD, en assure la tutelle technique. Il est exé-cuté par le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et leTogo. Il vise à redynamiser les filières coton-nières africaines et renforcer leur compétitivitédans l’objectif d’en assurer la durabilité. Il com-porte trois composantes qui couvrent :- L’amélioration durable de la productivité ausein des filières cotonnières africaines au traversd’appuis à la mise en place d’une plateforme ré-gionale pour les technologies et de la coordina-tion régionale de la recherche phytosanitaire. - Le renforcement des capacités de représenta-tion et de négociation des acteurs. - La maîtrise de la gestion de l’information sec-torielle au travers d’appuis à la mise en placed’un observatoire coton au sein de l’AProCA(Association des Producteurs de Coton Africain)et de la structuration d’un système régional surle coton.

CFC-Coton, le Common Fund for Commodi-ties (le Fonds Commun des Produits de Base) afinancé plusieurs projets en Afrique. En AOC onpeut citer le Projet de prévention de la contami-nation des graines de coton dont l’agence d’exé-cution est l’IFDC (International FertilizerDevelopment Center) et qui concerne le Bur-kina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali.

Rôle et importance de la re-cherche dans la dynamique d’inté-gration régionaleAu niveau régional le CORAF/WECARD a encharge l’application de la politique agricole dé-finie au niveau des Communautés Econo-miques Régionales, en application de lapolitique du NEPAD sous l’impulsion du FARA(Forum Africain pour la Recherche Agricole).De par sa mission et son mandat, leCORAF/WECARD est un outil d’intégration dela recherche en Afrique de l’Ouest et du Centre.Il met en place des programmes et projets fédé-rateurs qui prennent en compte les besoins detous les acteurs.Les pays, par le biais de leur Institut de Re-cherches Agricoles, tentent de fédérer les ap-proches et de mettre en synergie leurs effortsafin d’arriver à des programmes fédérateurs. Acette fin, des visites d’échanges et des rencon-tres périodiques sont organisées sur des thèmesspécifiques. A cet égard, le Programme Régionalde Protection Intégrée du Cotonnier en Afrique(PR-PICA) joue un rôle important dans l’inté-gration régionale de la recherche puisqu’il re-groupe six pays de l’Afrique de l’Ouest (Bénin,Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal etTogo). Il est néanmoins important de rappeler que larecherche souffre d’un certain nombre decontraintes en voici quelques exemples :- Le manque de personnel qualifié : la rechercheagronomique n’attire plus les jeunes car elle estmoins rémunératrice que d’autres filières tellesque les nouvelles technologies de l’informationet de la communication ;- Le manque d’infrastructures adéquates : tousles laboratoires, les centres et les stations de re-

cherches ne sont pas équipés de manière adé-quate pour permettre de mener certaines acti-vités de recherche de pointe ;- Le niveau de financement de la recherche esttrès limité puisque les Etats n’y consacrent pasassez de ressources. Le financement de la re-cherche agricole en Afrique est essentiellementbasé sur les projets financés par les bailleurs defonds. C’est ce qui a motivé la Déclaration deMaputo appelant les Etats Africains à consacrer10% de leur budget à la recherche agricole.

ConclusionsLe coton est une spéculation très importantedans l’économie africaine particulièrementdans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et duCentre d’où son nom d’ « or blanc ». Malgré sonimportance économique, le coton n’est pas àl’abri de plusieurs contraintes qui sont d’ordreinstitutionnel, organisationnel ou même tech-nique et technologique. La recherche agricoletente de résoudre ces contraintes en organisantles structures de recherches des pays impliqués,sous forme de projets, souvent en partenariatavec des bailleurs de fonds multilatéraux sousl’égide des Communautés Economiques Régio-nales. Le CORAF/WECARD, qui a un rôle de coordi-nation de la recherche, est à la pointe de l’inté-gration régionale en promouvant la coopérationet la concertation entre les institutions mem-bres mais aussi en harmonisant les activités descomposantes de recherche. n

RFERENCES

- Association des Producteurs de Coton Afri-cains. AProCA. http://www.aproca.netCentre du Commerce International. CCI.2008. Guide de l’exportateur du coton. . Ver-sion électronique. Kyos, Genève, Suisse - Centre de Recherche et de Formation pourl’Industrie Textile. CERFITEX.http://www.cerfitex.edu.ml- Conseil Ouest et Centre Africain pour laRecherche et le Développement Agri-coles/West and Central African Council forAgricultural Research and Development.CORAF/WECARD. 2007. Plan stratégique2007-2016. 41 pages.West African Cotton Improvement Pro-gram. WACIP. http://www.wacip.org

A. SANGARÉ

P. SÉRÉMÉ

O. NDOYE

H. ROY-MACAULEY

M. D. FAYE

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40 E- Les enjeux de la recherche scientifique dans le soutien des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

IntroductionLa biotechnologie se définit comme « l’applica-tion des principes scientifiques aux organismesvivants (agents biologiques) en vue de lestransformer à des fins de production de bienset services ». En d’autres termes, elle résulted’une combinaison entre la science des êtres vi-vants notamment la biologie et un ensemble dedisciplines scientifiques telles que la microbi-ologie, la biochimie, la biophysique, la géné-tique, la biologie moléculaire, etc. Son introduction dans la culture du coton enAfrique est relativement récente. Elle a com-mencé en Afrique du Sud, puis s’est étendue auBurkina Faso. En Afrique de l’Ouest, son adop-tion et sa vulgarisation divisent les acteurs etceci malgré la volonté de la CEDEAO et duCORAF, deux institutions dont le partenariat aabouti à la mise en place d’un Plan d’Actionpour le Développement de la Biotechnologie etde la Biosécurité en Afrique de l’Ouest (PADB-BAO). Même au sein du bloc des pays membresdu C4 et du Sénégal, les avis sont partagés. Si leBurkina Faso est au cœur du coton génétique-ment modifiée dans la sous région, le Mali et leSénégal hésitent encore pourtant ils disposentde la loi qui leur permet de l’adopter. Par contrele Benin et le Tchad, les deux autres pays du C4observent une grande prudence. Le Bénin vientde reconduire pour la seconde fois son mora-toire sur les OGM. Celui-ci court jusqu’en 2013et devra permettre au pays de se doter d’uncadre juridique et technique en vue d’une éven-tuelle adoption des biotechnologies dans sonagriculture. Quant au Tchad, c’est plutôt le sta-tut quo. La filière s’est engagée dans un proces-sus de réformes institutionnelles quiralentissent la prise en compte de la probléma-tique des OGM dans la culture du coton. En somme en Afrique de l’Ouest les positionsdivergent. Pour certains le coton Bt1 se présentecomme une opportunité qui permettra aux co-tonculteurs d’améliorer leurs revenus à traversune baisse sensible des coûts de production etune amélioration des rendements. Ce qui per-mettra aux pays africains de se repositionnersur le marché mondial. Par contre pour d’autresacteurs, cette nouvelle variété va engendrer leproblème de dépendance vis-à-vis des grandesmul tina tionales semencières (Monsanto, Bayer,Syngenta), et présentera des effets néfastes pour

l’environnement et la santé humaine sans ou-blier les possibilités de résistance de certains ra-vageurs. Le coton transgénique peut-il réussiren Afrique de l’Ouest ? Quels peuvent être lesprincipaux défis et enjeux liés à son adoption ?Comment les difficultés (liées à cette nouvellevariété transgénique) constatées peuvent êtreévitées en Afrique ? Autant de questions poséespar le coton transgénique en Afrique de l’Ouest.

Enjeux et défis du coton transgé-nique en Afrique de l’Ouest En Afrique, l’agriculture est de type familial etpluvial avec une faible intensité capitalistique,pratiquée par de petits paysans qui utilisent desmatériels rudimentaires et sont soumis à denombreuses contraintes d’ordre écologiquedûes aux effets du changement climatique.L’une des difficultés majeures des filières coton-nières ouest-africaines, au delà de l’absence demécanisme de fixation de prix d’achat du cotongraine susceptible d’atténuer la volatilité descours mondiaux, est l’augmentation du coût dela production imputable au renchérissementd’année en année des intrants agricoles. Ces dernières années, les producteurs ont faitface à une résistance de certains ravageurs no-tamment ceux de la famille des lépidoptères. Ilsont massivement recourru aux insecticides chi-miques (pyrétrinoïdes) pour les combattre. Lacotonculture exigeait une dizaine de traitementspar saison. Ce qui a grevé le coût de production.D’autres producteurs ont utilisé l’endosulfan

dont les conséquences se sont révélées désas-treuses pour l’environnement et la santé hu-maine. Aujourd’hui ce produit hautementtoxique est interdit dans la plupart des pays del’AOC. Dans la recherche d’alternatives pour pallier àces difficultés, certains pays de l’Afrique del’Ouest comme le Burkina Faso ont exploré lavoie du coton transgénique réputé pour pro-duire une protéine toxique pour neutraliser lesinsectes comme l’Helicoverpa Armigera, l’ea-rias Insulana, et l’earias Vittela. Aujourd’hui,malgré quelques divergences mineures, le cotontransgénique est largement accepté par les prin-cipaux acteurs impliqués dans la gestion de lafilière (producteurs, sociétés cotonnières etEtat).Toutefois il convient de préciser que le défi re-levé par le coton transgénique par rapport à laréduction des insecticides doit être mis en liai-son avec celui de la compétitivité des filières co-tonnières de manière plus large. Le cotontransgénique peut-il garantir cette compétiti-vité ? Tel doit être le défi majeur. Cependant, ilconvient de préciser que la compétitivité ne doitpas être analysée uniquement sous l’angle de laqualité de la fibre. Elle doit intégrer plusieursfacteurs de la chaîne de production allant dutemps de travail, au coût du transport (graine etfibre), au coût de l’égrenage jusqu’au coût à l’ex-portation. Toutes les charges doivent y être in-tégrées et faire l’objet d’une stratégie deminimisation. De toutes ces charges, on peut af-firmer, au vu des résultats du coton transgé-

Par Abdoulaye KONE - Economiste Rural/Enda diapol

Introduction des biotechnologies dans l’agriculture africaine : La problématique de l’adoption du coton Bt en Afrique de l’Ouest

1 Les lettres Bt sont les initiales de Bacillus thuringiensis, une bactériese trouvant naturellement dans les sols. Il a été découvert que lesprotéines de cette bactérie sont toxiques pour certains insectes. Lesscientifiques ont ainsi isolés les gènes du Bt pour les introduire dansle génome du cotonnier. Le cotonnier transgénique qui en résulte(le coton Bt) est ainsi immunisé contre certains insectes ravageurs.

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E- Les enjeux de la recherche scientifique dans le soutien des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre 41

nique obtenus par ailleurs, que cette nouvellevariété, si elle est bien gérée en Afrique del’Ouest, pourra réduire le temps de travail, lecoût de production et améliorer les rendementsdes petits producteurs. La solution pour les au-tres charges qui figurent dans l’analyse de lacompétitivité relève plus du management in-terne. Néanmoins on peut retenir si les rende-ments augmentent (ce qui est probable avec lecoton transgénique dans la mesure où cette va-riété est mise dans des conditions de protectionqui lui garantissent une meilleure croissance),les producteurs peuvent s’attendre à une amé-lioration de leurs revenus et de leurs conditionsde vie. La condition première pour un tel résul-tat est la répartition juste des bénéfices entre lespropriétaires de la technologie, les sociétés co-tonnières et les producteurs. Cependant de telsrésultats ne peuvent être atteints que si cer-taines difficultés inhérentes au coton transgé-nique sont mieux gérées. Il s’agit entre autresde la question des droits de propriété intellec-tuelle, de la résistance de seconds ravageurs etde la question de transfert de gènes. Par ailleurs l’augmentation des rendementspourra améliorer la place du coton ouest-africain sur le marché mondial dominé parles USA, la Chine et l’Inde, des pays dont laproduction cotonnière est dominée par letransgénique. Ce qui leur permet d’accen-tuer leur avance sur les pays africains et deconforter leur position de leader. A titre d’il-lustration, l’Inde qui est le 2ème plus grandproducteur de coton et le 3ème exportateurmondial doit sa position au coton transgé-nique. Durant la campagne 2009/2010 envi-ron 8,3 des 9,6 millions d’hectares ont étéemblavées au coton transgénique. Ce qui re-présente une superficie totale d’environ 87%.Vu le taux d’adoption annuel (10%), il n’estpas exclu que dans les années à venir la quasitotalité du coton indien soit du transgénique.Les brésiliens, autres concurrents des coton-culteurs africains, ne sont pas en marge decette nouvelle technologie, ils ont conduitplusieurs essais en milieu confiné et sont au-jourd’hui en voie d’adopter le coton transgé-nique à but commercial.

Stratégies face à certaines difficul-tés liées à l’adoption du cotontransgéniqueLa conception du coton transgénique a néces-sité d’importants investissements humains,matériels, et financiers. Durant plusieurs an-nées, des travaux ont abouti à la mise en placede cette nouvelle variété, c’est pourquoi lesfirmes propriétaires exigent le paiement dudroit de la propriété intellectuelle (DPI). Le DPIse définit comme l’ensemble des droits exclusifsaccordés sur les créations intellectuelles. Il com-prend le brevet d’invention, le certificat d’obten-tion végétale, etc…Pourquoi les producteurs decoton devraient-ils payer le DPI ? La loi recom-mande qu’une invention nouvelle soit protégéepar un droit. Il est unanimement reconnu quele coton transgénique constitue une innova-tion ; de ce fait il mérite d’être encadré par lesystème de DPI. Le paiement de ce droit favo-rise et encourage l’amélioration de la technolo-gie. Il place les propriétaires dans une meilleureposture en leur offrant des moyens d’une per-pétuelle amélioration car aucune création hu-maine ne présente une perfection absolue. C’estainsi que le coton Bollgard I (un seul gène no-tamment le Cry1AC) qui avait montré des li-mites dans le contrôle des ravageurs a étéamélioré pour donner le Bollgard II (deuxgènes : Cry1Ac et Cry2Ab). Cette nouvelle va-riété protège mieux le cotonnier contre l’ensem-ble des ravageurs lépidoptères. L’autre difficulté rencontrée dans la productiondu coton transgénique est relative à la résistancedes ravageurs secondaires que sont les jassids,les mirides, les punaises, les pucerons, mouchesblanches, etc…Toutefois il convient de préciserque ces insectes n’appartiennent pas à la familledes lépidoptères qui restent la cible du cotontransgénique. La meilleure stratégie de contrôlede ces insectes nuisibles est d’effectuer les deuxderniers traitements préconisés. Par ailleurs, lapratique de la zone refuge est une méthode ef-ficace contre les résistances ; qui est fortementrecommandée. Cette zone qui occupe environ20% de la parcelle de coton transgénique, doitêtre semée en coton conventionnel et ne doitsubir aucun traitement afin de permettre aux

ravageurs de s’y installer et d’y effectuer certainsbesoins biologiques. Le risque pour les produc-teurs qui ne pratiquent pas la zone refuge dansla culture du coton transgénique est la possibi-lité de développement de résistance au bout de10 à 12 ans. En outre, la possibilité de transfert de gènes quiest un autre problème du coton Bt, peut être évi-tée si une distance d’environ 15 m est laisséeentre le champ de coton transgénique et les au-tres champs non Bt. Le coton est avant tout unauto-pollinisateur, son pollen est lourd et col-lant, donc la probabilité qu’il soit transporté parle vent est presque nulle. En revanche, les in-sectes (abeilles) peuvent transporter ce pollenjusqu’à 30 m. C’est pourquoi, certains cher-cheurs préconisent pour plus de précaution unedistance d’environ 100 m entre les champs. Unetelle mesure est difficilement applicable comptetenu des pressions sur les terres arables en AOC.Dans tous les cas de figures, la solution actuellequi permet d’éviter les transferts de gènes resteproblématique pour les petits producteurs enAOC.

ConclusionJusqu’à ce jour, la plupart des pays grands pro-ducteurs de coton (Usa, Inde, Chine, etc) ayantadopté le coton transgénique semble être satis-faits des résultats de cette nouvelle variété dansleurs filières. Aussi bien en termes d’améliora-tion des rendements que d’augmentation du re-venu des producteurs. Dans cette logique, onpourrait le recommander aux petits produc-teurs d’Afrique de l’ouest. Toutefois il convientde préciser que la technologie ne doit pas êtreimportée telle quelle. Plusieurs facteurs concou-rent à son succès tels que la qualité du sol (ri-chesse en azote et en phosphore), le niveau depluviométrie, mais aussi et surtout la variétédans laquelle le gène sera inséré. L’erreur pourles africains serait d’importer les semences desfirmes multinationales et les utiliser sans s’as-surer que celles-ci s’adaptent aux conditions lo-cales. Aucune technologie agricole ne présenteune optimalisation universelle surtout dans lecontexte de la diversité des conditions clima-tiques. Les expériences de l’Inde et du BurkinaFaso sont assez édifiantes à ce sujet. Cependant,compte tenu du fait que les impacts environne-mentaux et sanitaires du coton transgéniquesoient peu connus, le principe de précaution oul’adoption de moratoire seront les meilleuresoptions. Mais dans un contexte de rude concur-rence sur le marché mondial de la fibre de cotonoù la plupart des compétiteurs (USA, Inde,Chine) commercialisent déjà le coton transgé-nique (sa fibre ne contient pas d’OGM), letemps peut jouer contre les africains. Leur tropgrande prudence peut s’appréhender à une at-titude réfractaire à l’innovation. n

ABDOULAYEKONE

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F- Le coton dans un environnement mondialisé - enjeux pour la sous-région 43

Par LÉONIDAS HITIMANA et JEAN SIBIRI ZOUNDI OCDE Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest

Approche régionale pour la dynamisation des filières cotonnières en Afrique de l’Ouest

IntroductionDepuis 2004, la filière coton en Afrique del’Ouest est confrontée à une crise aux ori-gines diverses. En 5 ans, entre 2004 et 2009,la production a baissée de près de la moitiépassant de 1,2 à 0,6 million de tonnes. Labaisse de la production du coton au cours deces dernières années s’explique à la fois parle contexte international difficile mais aussides stratégies et politiques nationales peu fa-vorables. Au niveau international, les coursmondiaux ont connu une forte tendance à labaisse entre 1995 et 2009 pour trois raisonsprincipales. Premièrement, les stocks mon-diaux représentaient, au cours de cette pé-riode, le double (10 millions de tonnes) parrapport aux années précédentes. Deuxième-ment, la concurrence avec les fibres synthé-tiques n’a cessé de croître. La part du cotondans la consommation totale de fibres estpassée de 52% en 1975 à 35% en 2010.Troi-sièmement, les subventions octroyées parplusieurs pays (USA, Chine, Inde, Brésil),favorisent le maintien de la production dansdes pays où les coûts moyens sont supérieursaux prix du marché. Même si des tendances à la baisse des sub-ventions sont observées ces dernières an-nées, leur suppression totale n’est pas encored’actualité. Selon le comité internationalconsultatif du coton (CICC), les subventionsà la filière cotonnière s’élèveraient à 4,7 mil-liards de dollars en 2009-2010, contre 6,2milliards la campagne précédente. AuxÉtats-Unis d’Amérique par exemple, lesaides passeraient de 3,2 milliards de dollarsen 2008-2009 à 1,8 milliards de dollars en2009-2010. Cette question des subventionsavait été à l’origine de l’initiative sectorielleen faveur du coton par le Burkina Faso, laMali, le Bénin et le Tchad (C4). Mais la fortefocalisation sur les subventions semble mas-quer d’autres défis structurels majeurs liésau développement de la filière coton.Le coton constitue un enjeu économique etsocial clé pour les producteurs ouest afri-cains : recettes d’exportation (près de 50%des recettes d’exportation du Burkina Fasoet du Bénin) et moyens d’existence pour desmillions de personnes vivant directement ouindirectement de cette culture. Le ‘systèmecoton’ joue un rôle stratégique pour la sécu-rité alimentaire en tant que moyen d’entrai-nement des productions vivrières (maïs,sorgho, niébé, sésame…). Ce faisant, leszones cotonnières étaient devenues desexemples de « modèles » de développement

économique et social en milieu rural dans lamesure où les compagnies cotonnièresavaient contribué à la mise en place d’infra-structures routières (pour faciliter leséchanges), sanitaires (centres de santé) etéducatives (construction d’école). Au moment où les plus pessimistes évoquentla disparition du coton ouest africain, l’op-portunité d’une vision régionale communequi vise à redonner un nouveausouffle au coton ouest africainmérite d’être explorée. En mars2010, les 8è journées de l’Asso-ciation Cotonnière Africaine(ACA) à Yaoundé (Cameroun)ont évoqué la mise en place deplans stratégiques régionaux et lacréation de pôles industriels tex-tiles régionaux. Cette prise deconscience de la nécessité d’unestratégie régionale coordonnéeest encourageante et mérited’être approfondie pour amélio-rer la compétitivité de cette cul-ture. La présente note est une contri-bution à l’approfondissement decette réflexion.

La compétitivité du coton ouest-africain à rude épreuveLes performances de la filière cotonnièreouest africaine sont mises à mal par plu-sieurs facteurs : faible valorisa-tion technologique encomparaison aux pays con -currents ; réformes lentes et ina-chevées ; faible optimisation dupotentiel « qualité » que repré-sente le coton ouest africain etarrimage du franc CFA à l’Euro.

Faible valorisation technolo-gique en comparaison auxpays concurrentsL’Afrique reste à la traine etl’écart technologique en compa-raison avec les pays concurrentsjustifie la faible croissance desrendements en Afrique del’Ouest. En rapport avec les bio-technologies modernes, excep-tion faite de l’Afrique du Sud,seul le Burkina Faso a adopté le coton trans-génique (coton Bt) en 2008, avec près100.000 ha 2009, soit un quart des superfi-cies totales de coton du pays. Pourtant, la

plupart des pays concurrents de l’Afrique del’Ouest ont déjà largement adopté le cotonBt ; le marché international ne faisant au-cune distinction commerciale entre fibreconventionnelle et celle transgénique. De-puis 1996, les superficies de coton Bt sont enforte croissance en Asie et en Amérique. En2008, le coton Bt représente 51% de la pro-duction, 44% des superficies et 48% du com-

merce mondial. Le coton Bt permet uneréduction de l’utilisation d’insecticides etune augmentation des rendements. En Inde,les rendements sont passés d’une moyennede 302 kg/ha en 2003 à 560 kg/ha en 2008,alors que ceux des pays ouest africains fran-

cophones ont baissé, passant de 400 à 300kg/ha entre 1995 et 2009. Ce niveau de ren-dement reste assez faible par rapport à la

Graphique 1 : Évolution des rendements de fibre de cotonen Inde de 1960 à 2008 (en Kg/ha)

Source : Secrétariat du CSAO/OCDE à partir des donnéesde USDA, 2010

Graphique 2 : Évolution des rendements de coton enAfrique de l’Ouest et dans le monde (1960 à 2009)

Source : Source : Secrétariat du CSAO/OCDE à partir desdonnées de USDA, 2010

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Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

moyenne mondiale estimée à plus de 600kg/ha. La faiblesse des investissements dansla recherche, de même que le système deproduction demeuré pluvial expliqueraienten grande partie ces faibles performances.

Des réformes lentes, inachevées etaux résultats parfois mitigésLa mise en œuvre des réformes du secteurcoton entamées depuis les années 1990 pré-sente des orientations et des rythmes varia-bles d’un pays à l’autre. Dans bon nombre decas, ces réformes ont été lentes et certainessont demeurées inachevées - avec des résul-tats que d’aucuns estiment mitigés au mêmetitre que ceux des réformes conduites enAfrique de l’Est et du Sud. Le constat géné-ral est que ces réformes ont été suivies parun quasi-effondrement de la production co-tonnière. Toutefois, il est difficile de faire lapart des choses entre l’effet des réformes etceux liés aux incertitudes du marché mon-dial du coton. On peut néanmoins observerque l’effondrement de la production a étémoindre dans les pays où les réformes ontété orientées vers le maintien d’une filière in-tégrée, comme c’est le cas au Burkina Faso.Dans certains pays, comme le Bénin, les mo-dèles de privatisation n’ont pas pris encompte le souci de préservation d’une filièreintégrée, de sorte que des détenteursd’usines d’égrenagen’avaient aucun engage-ment vis-à-vis de l’appuià la production et la com -mercialisation du coton.

Des avantages liés àla récolte manuellesont anéantis par lelaxisme dans la clas-sification des quali-tés du coton Le coton ouest-africainest essentiellement ré-colté à la main. De cefait, la fibre obtenuecontient moins de neps(nœud sur la fibre) etmoins de fibres courtesque le coton récolté à lamachine. De plus, lespays africains cultivantpeu de variétés, les fibressont relativement homo-gènes. Cela fait la bonneréputation de la fibrejugée pour sa bonnequalité à la transforma-tion, et hautement ap-préciée sur le marchéchinois, principale desti-nation des exportationsde coton ouest-africain.Toutefois, ce potentiel« qualité » n’est pas va-lorisée en raison de lacontamination du cotonpar des corps étrangers(déchets végétaux, sacs plastiques, etc.).

Bien que la longueur de la fibre soit très ap-préciée, ces impuretés entrainent une décotedu coton ouest-africain. Dans certains paysafricains, l’instauration d’une prime à la qua-lité par les usines d’égrenage a incité lesproducteurs à plus de rigueur dans le classe-ment et le tri lors du stockage et du transportdu coton. C’est notamment le cas du Zim-babwe (10 cents / livre entre 1995 et 2001),de la Zambie (+5 cents par livre) et du Bur-kina Faso (+ 1 cent par livre). Cela n’est pasle cas dans la plupart des pays en Afrique del’Ouest où ce classement est plus laxiste. AuMali, par exemple, 99 % de la récolte estachetée comme premier choix, quels quesoient les résultats du classement de la fibre(forte contamination ou pas). Cette situationnuit à la réputation globale du coton d’ori-gine Afrique de l’Ouest. Plus de rigueur dansce domaine aurait permis une augmentationdu prix de vente pouvant atteindre jusqu’à10 cents de dollars américains. Malheureu-sement, ni les égreneurs, ni les producteurs,ni les décideurs politiques ne semblent êtredisposés pour le moment à affronter un teldéfi.

La dépréciation du dollar américainpar rapport au CFA arrimé à l’Europénalise la filière

Entre 2001 et 2008, le taux de change du

dollar par rapport au CFA a été divisé pardeux. En avril 2002, le taux de change étaitde 740 FCFA pour 1 USD en moyenne contre416 FCFA pour 1 USD en juillet 2008. Cettedépréciation du dollar par rapport au CFA aeu pour conséquence la baisse du prix auxproducteurs des pays de la zone CFA. Le prixd’achat du coton-graine est passé enmoyenne pondérée dans la zone UEMOA de198 CFA/kg en 2004-2005 à 159 FCFA parkg en 2007-2008. Dans le même temps, lecoût des intrants (dont la majeure partie pro-vient de la zone euros) a fortement augmentéet la marge bénéficiaire après rembourse-ment des intrants a été divisée par trois danscertains bassins cotonniers de l’Afrique del’Ouest, passant ainsi de 180 000 CFA/ha à60 000 CFA / ha entre 2004 et 2008. Malgréun relèvement des cours du coton entre 2001et 2008, le prix de la fibre de coton pour lespays de la zone CFA a perdu 30% de sa va-leur. Au cours de l’année 2010, la tendance àla dépréciation du dollar par rapport à l’Euros’est maintenue ; un dollar coutait près de470 CFA. Malgré la forte augmentation descours internationaux du coton en 2010 et2011 (le prix international a doublé en un anentre janvier 2010 et janvier 2011), ce facteurexogène continuera donc de peser négative-ment sur la compétitivité du coton de la zoneCFA exporté.

Bâtir une vision régionale pouraméliorer la compétitivité ducotonLa production du coton est organisée à tra-vers des bassins transfrontaliers – des es-paces géographiques intégrés au seindesquels de nombreux échanges ont lieuxentre communautés partageant le plus sou-vent la même histoire et les mêmes cultures.En 2003, 55% de la production de fibre decoton de l’Afrique de l’Ouest se situaientdans la zone transfrontalière entre le Bur-kina Faso, le Ghana, le Mali et la Côted’Ivoire. Une démarche régionale fondée surles avantages comparatifs permettrait de ré-duire les coûts et de consolider le marchéintra-régional des intrants mais aussi de pro-duits textiles locaux. Cette vision pourraits’appuyer sur les éléments suivants.

Fonder la mise en place d’une indus-trie textile sur la base des bassins deproduction transfrontaliersLa production locale de textile ne couvre que17% des besoins de la zone UEMOA. Plus de

Graphique 3 : Taux de change CFA/Dollars et prix de la fibre enUSD et en CFA (2001 - 2008)

Source : Source : Secrétariat du CSAO/OCDE à partir des donnéesde USDA, 2010

Graphique 2 : Consommation de fibre de cotonpar habitant (moyenne 2000 à 2009)

Source : Secrétariat du CSAO sur base desdonnées de USDA, 2010

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80% des besoins en textile sont assurés parles importations et la friperie. La consomma-tion de fibre de coton de la région est l’unedes plus faibles au monde. L’industrie textilepensée au niveau régional représente doncun immense marché que l’industrie régio-nale pourrait conquérir. La mise en place decette industrie régionale passerait par un ac-cord de coordination et de mutualisation dela production et la garantie du marchéd’écoulement des pays grands producteursde coton. Une telle démarche, aussi auda-cieuse soit-elle permettrait d’améliorer laproduction locale et sa compétitivité. Afin debénéficier des économies d’échelle, l’indus-trie textile pourrait être implantée en zonetransfrontalière pour réduire les coûts, no-tamment ceux liés au transport. La qualitéde la fibre de coton ainsi que la disponibilitéd’une main-d’œuvre peu chère constituentdes atouts importants pour l’industrie textileouest-africaine. A cela s’ajoute l’atout de lademande potentielle avec la forte croissancedémographique. La transformation locale ducoton pourrait reposer sur l’existence d’unmarché potentiel dynamique autour d’unedemande sure en produits diversifiés, enparticulier les tenues administratives, lesuniformes Scolaires, l’armée, la police, ladouane, le corps médical, etc. Cela nécessi-terait une période transitoire de protectionutile pour toute industrie textile naissante.Le Pakistan, qui était encore le 2ème exporta-teur mondial de coton brut en 1988/99, estdevenu importateur net depuis le milieu desannées 90 en raison du développement deson industrie textile. Ce pays s’est ensuitehissé au rang de premier exportateur mon-dial de filés de coton. Ces mutations ont étépossibles grâce à une politique volontaristeprivilégiant systématiquement l’industrietextile et la dévaluation de la monnaie natio-nale. Une autre mesure de soutien à la re-lance de l’industrie textile pourrait porter surune tarification plus faible du coût de l’éner-gie dans le secteur des textiles comme le fontdéjà les pays asiatiques.

Mettre en œuvre la stratégie régionalede la CE DEAO et de l’UEMOA pour lapromotion des engrais en Afrique del’OuestEn moins de 10 ans (entre 2001 à 2010) le coûtdes engrais chimiques a doublé passant demoins de 200 CFA à près de 400 CFA le kg.

Développer l’industrie locale d’engrais et mu-tualiser la production des engrais en fonctiondes avantages comparatifs des différents payspermettraient de réduire les coûts et rendre ac-cessibles les intrants agricoles. L’accélérationde la mise en œuvre de la stratégie régionale depromotion des engrais de la CEDEAO et del’UEMOA adoptée en 2006 pourrait renforcerla compétitivité du coton ouest africain. L’uti-lisation de 25% de la production annuelle degaz au Nigeria suffirait pour produire suffisam-ment d’engrais azotés pour couvrir les besoinsannuels de toute l‘Afrique. Ce potentiel mérited’être valorisé au niveau intra-régional.

Promouvoir une politique régionale delabel qualité « coton africain » La récolte manuelle du coton procure aux paysouest-africains un avantage comparatif quimérite d’être valorisé. Si cet atout était conve-nablement valorisé, en réduisant le degré decontamination du coton brut, les pays ouest-africains pourraient obtenir une prime pou-vant aller jusqu’à dix cents par livre sur lesmarchés internationaux. La mise en placed’une régulation commune ouest africaine àtravers un effort collectif de coordination,pourrait être une opportunité pour la protec-tion et la garantie d’un label qualité « cotonouest africain ». Il s’agirait par exemple d’ins-taurer un système incitant les producteurs àaméliorer la qualité à travers un tri supplémen-taire avant l’égrenage afin d’atteindre la qualitédu produit recherchée par les acheteurs. Unehomologation indépendante de la qualitéavant l’expédition pourrait mieux convaincreles acheteurs de l’exactitude et de la fiabilitédes contrôles. L’avenir de la filière dépendra dela volonté des acteurs concernés à répondre àces nouvelles exigences d’une industrie textileen pleine mutation.

Mutualiser le système d’innovation surle coton au niveau régionalCertaines activités de recherche sont longueset coûteuses et nécessitent des expertises raresqu’un pays à lui seul ne peut supporter. La mu-tualisation de la recherche au niveau régionalpermettrait d’avoir non seulement des pôlesrégionaux d’excellence mais également de pro-mouvoir le développement de laboratoires ré-gionaux de pointe. L’avance prise par leBurkina Faso dans le domaine du coton trans-génique pourrait alors être valorisée pour l’en-semble de la région et permettre de réduire les

coûts à l’ha. Cette approche par «pays leader»où des recherches sont développées dans unpays pour servir le «régional» a fait ses preuvesdans les pays de l’OCDE.

Mettre en place un fonds régional de lis-sage pour réduire la forte volatilité desprixEn 2008, le Burkina Faso a adopté un «fondsde lissage» en vue de réduire les effets de laforte variabilité des cours internationaux ducoton devenus très volatiles. Le but principalde ce fonds est de gérer les risques liés à la vo-latilité des prix à court terme du coton. Ilconsiste à gérer une fluctuation libre des prixà l’intérieur de marges définies autour d’unprix de tendance du marché. D’autres pays(Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire) s’apprêtent àadopter un mécanisme similaire de fixationdes prix. Il existe également d’autres méca-nismes de stabilisation des prix (prix plancher,vente à terme, etc.) qui méritent d’être appro-fondis. Une réflexion au niveau régional per-mettrait d’accompagner cet élan et derenforcer la convergence en vue de la mise enplace d’une stratégie coordonnée des poli-tiques de gestion des effets néfastes de la vola-tilité des prix du coton. Ce fonds régional delissage pourrait être mis en place au sein d’uneorganisation économique régionale.

ConclusionCes quelques exemples montrent l’intérêtd’une vision ambitieuse, intégrée et communedu développement du coton ouest africain.Cette ambition ne devrait pas cependant ca-cher les difficultés de la réalité politique d’unetelle démarche. Est-ce possible d’avoir lemême engagement politique pour une actioncommune comme celui ayant prévalu en 2003avec la formation du C4 ? Est-ce égalementpossible de réaliser une telle ambition tant lesapproches en matière d’aide au développe-ment pour la filière coton demeurent forte-ment raisonnées par pays ? La démarcheimprimée dans le cadre des réformes en coursdans le secteur coton révèle davantage la com-plexité du problème. Redessiner l’avenir du coton ouest africain, re-commande également que soit définitivementtranchée la question de la destination de lafibre de coton ouest africain.Vise t- elle à ré-pondre prioritairement au développement del’industrie textile ouest africaine ou prioritai-rement pour répondre au marché internatio-nal ? L’espoir est que la vision régionalecommune puisse effectivement permettre àl’ensemble des acteurs concernés par le deve-nir de la filière cotonnière d’avoir un consensusautour de ces questions. n

LÉONIDASHITIMANA

JEAN SIBIRIZOUNDI

Quelques références bibliographiques

l Banque Mondiale (2009), Organisation et Performances des Filières Cotonnières Afri-caines : leçons des réformes, Washington DC, pp. 262

l CSAO-OCDE (2006), Le coton en Afrique de l’Ouest : un enjeu économique et social,Paris, pp. 135

l Nubukpo, K. K., et Keita, M. S. (2006). Prix mondiaux, prix au producteur et avenir dela filière coton au Mali. Cahiers Agricultures vol. 15, 7.

l Perrin, S., et Lagandre, D. (2005). «Le coton africain face à la concurrence dumarché mondial.» AFD, 75012 Paris, pp.

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Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

GLOCAL : Comment définissez-vous la filière coton-textile :quelles activités prend-elle en compte ?

BALLA DIONG : Pour vous faire comprendre de manière pratique, ils’agit d’un processus intégrant toutes les actions mises en œuvre, de lasemence de la graine de coton jusqu’à la confection/vente de l’habit oude production d’huile triturée ; processus à travers lequel la culture ducoton est produite, transformée et commercialisé. Nous souhaitons pren-dre en charge les niches ayant un potentiel de compétitivité et qui, enétant encadrées par nos Etats, peuvent permettre de réduire la pauvreté,améliorer le taux de valorisation d’un produit jusqu’ici considéré commeune matière première en vue d’atteindre progressivement, le seuil de 25%de transformation du coton brut produit dans la région, objectif centralde l’Agenda coton.Ces activités se situent au niveau des différents segments de la chaîne devaleur : - Recherche (agronomie et techniques culturales, pédologie et gestion dela fertilité des sols, entomologie et défense des cultures et agro-socio-économie) ; - Semences (création génétique, amélioration variétale) ; - Intrants chimiques (engrais, pesticides) ; - Production (défrichage, semailles, sarclage, labour, fumure, traitement,récolte, transport, stockage) ;- Commercialisation (mise en marché, classement/qualité du cotongraine, évacuation) ;- Egrenage ;- Exportation (classement de la fibre, trans-port, embarquement, graine, déchets) ;- Filature/tissage/anoblissement et commer-cialisation ;- Teinture et commercialisation ;- Trituration de graine de coton (huile, tour-teau, commercialisation).

GLOCAL : Pourriez-vous nous donnerquelques éléments permettant de com-prendre pourquoi le dernier Agendacoton n’a pas délivré les résultats es-comptés ?

BALLA DIONG : Le cadre institutionnel adopté ne facilitait pas la tenuerégulière des rencontres : les membres du comité de suivi étaient géogra-phiquement dispersés et les rencontres devenaient coûteuses ; les pointsfocaux nationaux relais sans moyens n’ont pas pu assurer leurs missionsd’analyse participative et de conduite du programme en articulation avecles objectifs de l’Agenda. De plus, les leviers opérationnels clés pour la mise en œuvre du plan d’ac-tion de l’Agenda n’étaient pas mis en place. Certains de ces leviers étaientle Fonds régional de promotion de la production du coton et d’incitationà la transformation locale de la fibre, le Fonds régional d’investissementpour le développement de l’industrie textile de l’UEMOA, la concertationsectorielle permanente Etat-secteur privé autour de l’ensemble des ac-tions à mettre en œuvre pour la compétitivité de la filière, la campagnede communication active de l’Agenda et de promotion de la zoneUEMOA. L’option de certains partenaires techniques et financiers depoursuivre leurs interventions dans la filière de façon bilatérale etsans lien avec les orientations de l’Agenda coton de l’UEMOA, n’a pascontribué à clarifier la situation.

GLOCAL : Aujourd’hui ne peut-on pas dire qu’à la différencedu premier agenda de 2004-2010, le nouvel Agenda cotonnaît sous des auspices favorables ?

BALLA DIONG : L’Agenda révisé connaît des conditions plus favo-rables, notamment l’appui financier du Programme AAACP des pro-duits de base dont le coton, le bénéfice d’une assistance technique duCCI pour la mise à jour de l’Agenda en relation avec d’autres Organi-sations Internationales comme la BM, le CFC, la FAO, etc. La ten-dance haussière du prix de la fibre de coton sur le marché mondial,la prise de conscience plus affirmée de la nécessité de mettre en placedes conditions de partenariat profitable à tous les acteurs (produc-teurs à la base, transporteurs, égreneurs, etc.) sont autant d’élémentspositifs dans le contexte actuel.

GLOCAL : Comment résisteront les scénarios sur lesquels sontbasés le projet d’agenda coton si les cours baissaient à nou-veau ?

BALLA DIONG : Le premier Agenda est né dans un contexte de crois-sance de production avec des cours baissiers sur le marché mondial de lafibre de coton dont les mécanismes échappent complètement à nos Etats.La décision de la Commission de l’UEMOA de redynamiser l’Agenda re-monte en 2008, bien avant le niveau très intéressant du prix actuel de lafibre. Le nouvel Agenda n’étant qu’une révision et mise à jour de la pre-mière approche, la plupart des thèmes restent d’actualité et l’objectif de

transformation de 25% de la production de fibreoccupe toujours une place prépondérante. La seulemodification porte sur l’horizon temporel pourl’atteinte de l’objectif qui est de 10 ans. L’approcheactuelle tire profit de la situation du prix de la fibresur le marché mondial mais elle n’a pas été conçueet développée à cause de cette tendance.

GLOCAL : Pourriez-vous présenter les do-maines dans lesquels la mise en œuvre du« premier » agenda coton a délivré des ré-sultats ?BALLA DIONG : Le «premier» agenda a mis enplace un Comité de suivi composé en majorité de

représentants du secteur privé coton avec un règlement intérieur, la créa-tion formelle des points focaux relais par les Etats membres de l’UE-MOA dont certains ont bien fonctionné. Il a aussi permis la tenue derencontres périodiques dans le cadre du Comité de Suivi et l’harmonisa-tion des normes sur le coton au sein de l’UEMOA. Cet agenda a conduità la réalisation par la BOAD de deux études relatives à la création deFonds régionaux dédiés à la filière coton-textile largement discuté entreacteurs concernés et à la réalisation d’une étude, par le Centre de Déve-loppement des Entreprises (CDE), sur les services porteurs dont le tex-tile-habillement dans l’UEMOA. La mise en œuvre du projet de la BADd’appui à la filière coton-textile des pays du C4 dans le cadre de l’Agendacoton est aussi à mettre au crédit du «premier» agenda coton.

GLOCAL : Dans quelle mesure le nouvel agenda pourra t-il es-pérer mieux réussir quels outils/techniques /méthodolo-gies/modèle de gouvernance… vont permettre de garantir lesuccès de cette stratégie à 10 ans ?

BALLA DIONG : L’Agenda révisé paraît mieux élaboré que le pre-

Interview avec BALLA DIONG Directeur du Département Entreprise, Industrie et Artisanat de la Commission de l'UEMOA

Monsieur Balla Diong est le Directeur de l’Entreprise, de l’Industrie et de l’Artisanat dans le Département du Développement, de l’Entreprise,des Télécommunications et de l’Energie de la Commission de l’UEMOA. Il est en charge de la supervision de l’élaboration du document de syn-thèse présentant la stratégie révisée de mise en œuvre de l’agenda pour la compétitivité de la filière coton-textile dans l’UEMOA pour lapériode 2011-2020. Les propos de Monsieur Diong à travers la présente publication de 2ACD sont les analyses et les points de vue d’un tech-nicien sur un travail en cours de réalisation. L’Agenda coton révisé est dans la phase d’examen et de validation par les instances de la Com-mission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

Une vision macro des filières coton en Afrique de l’Ouest et du Centre : l’Agenda coton de l’UEMOA

Nous souhaitons prendre en charge lesniches ayant un potentiel de compétitivitéet qui, en étant encadrées par nos Etats,peuvent permettre de réduire la pauvreté,améliorer le taux de valorisation d’un pro-duit jusqu’ici considéré comme une ma-tière première en vue d’atteindreprogressivement, le seuil de 25% de trans-formation du coton brut produit dans larégion, objectif central de l’Agenda coton.

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mier, tout en élargissant son champ d’action par l’intégration de lasous-filière trituration de la graine de coton et le secteurconfection/couture/habillement. La mise en œuvre du Projet d’appuide la BAD et l’atteinte des résultats projetés offrent au nouvel Agendades possibilités de leçons utiles à tirer. Un point focal dédié unique-ment à la filière coton-textile au sein de l’UEMOA est un outil nouveaudéveloppé par le nouvel agenda.Le secrétariat Technique Restreint (STR) situé au sein de l’UEMOAreste un organe plus dynamique dans la conduite et le suivi des acti-vités que le premier qui était géo gra phiquement dispersé. Son plan demise en œuvre reste un outil de gestion de projet dont l’exécution estétablie de manière participative et consensuelle au niveau des acteurset permet une identification durant l’exercice et une redynamisationdes acteurs potentiels d’accompagnement. Le nouvel agenda bénéficed’un début de financement sur le programme tous AAACP et degrandes chances d’avoir une source de financement sur le 10ème FED.Les leviers d’action les plus importants, notamment les fonds, sontdans de meilleures perspectives de mise en place que ceux du précé-dent agenda.

GLOCAL : Quelles sont les parties prenantes identifiées dansce projet de Nouvel Agenda coton ?

BALLA DIONG : Nous avons identifié trois groupes principaux departies prenantes : les Partenaires Techniques et Financiers (Unioneuropéenne, CCI, Banque Mondiale, CFC, FAO, AFD), d’autrescontacts sont attendus à travers une table ronde de bailleurs ; les Ins-titutions sous-régionales (BOAD, BCEAO, Commission de l’UEMOA,CCR) et les Etats (secteurs public et privé).

GLOCAL : Quel est le poids, la « puissance du moteur », quelleforce motrice l’UEMOA possède-t-elle pour créer une dyna-mique, donner une cohérence, entrainer les différentes par-ties prenantes actives dans le soutien desfilières coton de la région afin de mettre enœuvre une stratégie cohérente, efficaceavec des avancées mesurables ?

BALLA DIONG : L’UEMOA a l’expérience del’initiative et de la conduite de ce genre de pro-gramme. On peut considérer à titre d’illustration lePRMN (Programme de Restructuration et de Re-mise à Niveau), l’Initiative Régionale pour le déve-loppement d’Energie durable (IRED), leprogramme de promotion de qualité, tous gérés auniveau du Département du Développement del’Entreprise (DDE), qui ont pu mobiliser d’im-portants fonds auxquels, il faut ajouter la miseen place du FRDA (Fonds Régional pour le Dé-veloppement Agricole) de l’Union. Les initiatives seront conduites en partenariatavec la BOAD, notamment en ce qui concerne lacréation des fonds et l’organisation de la table ronde des bailleurs defonds, et la Chambre Consulaire Régionale (CCR) pour une réelle im-plication du secteur privé.

GLOCAL : Dans quelle mesure les différents projets de déve-loppement des différents bailleurs de fonds et agences de dé-veloppement internationaux répertoriés par le Sous Comitédu Coton à l’OMC sont-ils intégrés dans ou alignés sur le pro-jet d’Agenda coton de l’UEMOA ?

BALLA DIONG : En dehors de l’Union européenne qui est le bail-leur principal dans le cadre du programme tous AAACP, les agencesInternationales comme le CCI, la Banque Mondiale, le CFC, la FAOet la CNUCED ont en charge l’exécution d’une partie de la mise enœuvre dudit programme et les autres partenaires comme l’AFD sepositionnent comme potentiels bailleurs sur le volet sécurisation desrevenus. La BAD a également choisi d’intervenir dans la filière à tra-vers l’Agenda coton de l’UEMOA. Notre souhait à ce sujet est de voirtous les partenaires techniques financiers intéressés par la filièrecoton-textile s’inscrire dans la dynamique de l’Agenda révisé selonleurs priorités et règles habituelles de conduite de leurs appuis.

GLOCAL : Dans quelle mesure cette stratégie coton à 10 anspeut-elle contribuer à faire avancer l’intégration sous régio-nale dans la région UEMOA ? Pourriez-vous citer quelquesexemples précis ? Qu’en-est-il de la collaboration avec les au-tres pays africains producteurs de coton ?

BALLA DIONG : L’approche participative déroulée dans le cadre del’actualisation de cet Agenda a permis de rapprocher davantage les ac-teurs par sous filière autour des enjeux régionaux de partenariat et d’in-tégration de l’espace communautaire.Sous l’auspice du premier Agenda, a été signé par le Bénin, le BurkinaFaso, le Mali et le Tchad, une convention de coopération avec la Com-mission de l’UEMOA relative à la mise en œuvre du Projet d’Appui duFonds Africain de Développement (FAD) à la Filière Coton-Textile dansles quatre pays co-auteurs de l’initiative sectorielle en faveur du coton,une preuve d’intégration. Cette coopération a renforcé la volonté despays de l’Afrique Centrale producteurs de coton à se rapprocher de lastratégie de l’UEMOA et à engager des actions communes au niveau in-ternational. Par ailleurs, les unités de transformation visées par l’Agenda seront ins-tallées au niveau des pays suivant les avantages comparatifs de ces paysavec un rayonnement vers les autres pays (perspective de spécialisationrégionale). Au niveau des différents segments de la chaîne de valeur, lesactions de recherche (pôles d’excellence par rapport aux avantages com-paratifs), les banques de gènes variétaux, les acquisitions groupées d’in-trants au plan régional, la base de données sur la centrale d’achat depièces de rechange pour sociétés d’égrenage, les échanges d’expériences,…etc. sont envisagées. Le programme de lutte contre les contaminantsnon filables du coton intègre le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique.Par échange d’expérience et effet de diffusion, les résultats seront éten-dus aux autres producteurs africains. Les Partenaires Techniques et Fi-nanciers (PTFs) seront appelés à contribuer dans le sens de ce partaged’expérience entre les différentes sous-régions cotonnières d’Afrique.

GLOCAL : Où en est la recherche dans la région UEMOA ? Com-ment peut-elle être dynamisée pour lui permettre de jouer sonrôle dans le succès des filières coton de la région ?

BALLA DIONG : Avec des ressources insuffisantes dans l’ensembledes pays, les programmes de recherche sur lecoton sont orientés en direction de quatre (4)domaines à savoir : (1) la création génétique etl’amélioration variétale, (2) l’agronomie et lestechniques culturales, (3) l’entomologie et la dé-fense des cultures et (4) l’agro-socio-économie.Certains pays semblent avoir des avantagescomparatifs dans certains domaines par rapportà d’autres. Le domaine de la création génétiqueet de l’amélioration variétale semble mieux s’ac-commoder au Togo qui fournit à la sous-régionles meilleures souches. Les semences transgé-

niques constituent le domaine de prédilec-tion du Burkina Faso. Les recherchesentomologiques semblent beaucoup plusavancées au Bénin qui dispose de l’un des la-boratoires les plus performants de la sous-ré-gion.

Toutefois, les recherches pédologiques dans le sens d’une meilleuregestion de la fertilité des sols semblent prendre du retard. Par ailleurs,il n’existe nulle part, une typologie des sols permettant d’adapter lestechniques de cultures aux spécificités des sols, ni une banque sous-régionale génétique garantissant une pérennité des souches. Pourpermettre à la recherche de jouer pleinement son rôle, la Commissionà travers le plan de mise en œuvre (PMO) de l’Agenda accompagnerapour :- Développer et mettre en œuvre des programmes régionaux de dé-veloppement de la recherche/technologie cotonnière ;- Recenser les centres de recherche en fonction de leurs avantagescomparatifs dans la perspective de créer des pôles d’excellence ;- Favoriser le transfert de compétence entre les centres de recherchepour l’amélioration variétale, la protection phytosanitaire et l’agro-nomie ;- Renforcer les capacités d’échanges des organisations de rechercheagricole et faciliter la mutualisation des ressources et les échangesscientifiques et technologiques (mise à la disposition de laboratoiresd’informations techniques) ;- Renforcer le partenariat recherche-vulgarisation-Organisation deproducteurs (plan directeur pour la recherche-vulgarisation).D’ores et déjà, le projet d’appui de la BAD à la filière coton-textile despays du C4 va financer la mise en place d’un réseau d’instituts dechercheurs en agronomie, en to mologie et sélection ainsi que despôles d’excellence dans ces domaines.

Streito, Jean-Claude - BURKINA FASO - Bellecapsule ouverte de cotonnier avant récolte,dans la région de Farako Bâ - © Cirad

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GLOCAL

48 F- Le coton dans un environnement mondialisé - enjeux pour la sous-région

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

GLOCAL : Un certain nombre d’options permettant à la régionde proposer différents types de coton sont présentes : coton bio,coton équitable, coton transgénique. Dans quelle mesure l’ap-proche de l’UEMOA prend-elle en compte et favorise-t-elle ladiversité de l’offre en coton de la région ? Quels sont les cadres réglementaires régionaux développés(ou à développer) pour permettre de conserver cette diversitéde l’offre (non contamination du coton bio par le coton Bt) ?

BALLA DIONG : La diversité de production de coton reste une niche àdévelopper qui est d’ailleurs inscrite dans le programme de développe-ment des filières prioritaires retenues dans la Politique Agricole de l’UE-MOA (PAU). Ainsi, le coton bio et le coton équitable qui permettent auxproducteurs d’obtenir des prix plus élevés par rapport au coton conven-tionnel sont encouragés. En dehors du Burkina Faso, le coton transgé-nique connaît un moratoire dans bon nombre de pays de l’Union en dépitde son bas niveau de coût de production.

GLOCAL : Comment rendre la filière compétitive et créer des in-frastructures : énergie, routes, ports… qui permettent à des ac-teurs du textile international de venir investir enAfrique (exemple de l’Ethiopie, du Lesotho…)

BALLA DIONG : Un environnement propice au développement et à lacompétitivité de la filière repose sur des facteurs endogènes et exogènesà l’espace UEMOA et qu’il convient de maîtriser. Il s’agit notamment dufinancement adapté à long terme, de la maîtrise des coûts et la qualitédes facteurs de production, du cadre juridique et judiciaire sécurisé etrassurant pour les investisseurs, etc., pour tirer profit du potentiel de dé-veloppement de cette filière coton-textile, il est nécessaire de créer un en-vironnement spécifique attractif pour permettre à des acteurs du textileinternational de venir investir dans l’espace UEMOA pour espérer attein-dre l’objectif de 25% de transformation par an de la fibre de coton expor-tée présentement à plus de 95%.Cela peut être réalisé au travers d’études de cas (sur Alok Industries del’Inde par exemple qui s’installe au Burkina) et de voyages d’échange enEthiopie et au Lesotho pour apprécier ce que ces pays offrent de plus afinde connaître les exigences des investisseurs pour élaborer une politiquedans le domaine. Le développement des infrastructures d’énergie, de routes, de ports et au-tres est du domaine des Etats qui s’emploient à s’y consacrer.

GLOCAL : Francs CFA,coûts des intrantsachetés en euros etcompétitivité du cotondans la zone, commentsortir de l’impasse?BALLA DIONG : Le coûtde plus en plus élevé des in-trants coton entraîne la nonapplication intégrale del’itinéraire technique ce quiest à la base de la baisseconstante des rendements.

Les solutions préconisées sont les suivantes :- Mettre en place un mécanisme fiable d’approvisionnement (recense-ment des besoins, appel d’offre, contrôle qualité, système d’achat) et dedistribution des intrants coton au plan régional dans le sens d’une mu-tualisation ;- Réaliser une étude de faisabilité pour la mise en place d’unités de pro-duction soutenues par l’investissement privé afin d’offrir une disponibilitéen engrais d’origine UEMOA ;- Développer un plan d’action pour la promotion des fertilisants orga-niques ;- Renforcer les capacités de gestion des intrants et d’accès au crédit desassociations de cotonculteurs (au niveau villageois) ;- Mettre en œuvre la déclaration d’Abuja relative à la fiscalité et aux sub-ventions sur les engrais ;- Alléger les taxes d’entrée sur les autres intrants dans la sous région.

GLOCAL : Que pensez-vous de la perspective du développementde la production d’engrais azotés à partir du gaz du Nigéria ?Quelle est la viabilité, les atouts /difficultés et utilité d’un telprojet ?

BALLA DIONG : Ce projet se situe dans le prolongement de l’étude pré-conisée pour disposer de l’engrais d’origine UEMOA pour profiter des gi-sements de phosphate du Niger, du Togo ou autres.

Si ces projets prennentcorps, et parviennent à four-nir les engrais avec une dif-férence de prix par rapportaux engrais hors UEMOA etCEDEAO, on aura limité,voire supprimer la dépen-dance de l’Euro par rapportà l’importation des engrais. La viabilité de ces projets semblent assurée parce qu’ils se positionnentsur un marché dont les besoins sont très importants. Ils vont nécessiterl’appui des pouvoirs publics pour la fourniture au plan régional.

GLOCAL : Comment soutenir la création, et valoriser lesmarques africaines et les apports de la mode africaine -quelrôle peut jouer une organisation régionale telle que l’UEMOA ?

BALLA DIONG : Une organisation régionale telle que l’UEMOA peutagir à différents niveaux : - Appuyer les pays membres de l’UEMOA dans les dispositions à prendrepour la protection des créations locales ;- Créer un cadre d’échange et de partenariat entre les industriels textiles,les confectionneurs et les créateurs régionaux afin de faciliter l’intégrationverticale de la chaine de valeur dans la sous-région ;- Protéger les designers contre les pirateries par des contrôles à l’entrée.

GLOCAL : Que pensez-vous de l’idée de la création d’un label«coton ouest africain» garantissant la qualité du coton et uneapproche durable dans le mode de production de ce coton ?

BALLA DIONG : Le coton vendu sous label «Coton Ouest Africain»sera logiquement plus cher que le coton conventionnel. Il exige des dis-positions particulières de production pour parvenir à une qualité irrépro-chable établie à travers une traçabilité qui l’accompagne dans unetransparence vis-à vis des clients. Il nécessite un dispositif de communication qui permet de mettre le clienten face du producteur qui tient désormais compte des exigences de sonclient.

GLOCAL : La naissance d’une industrie textile africaine néces-sitera une protection contre la concurrence extérieure. Il y au-rait-il une utilité à doter l’UEMOA «d’un organe à part entièrechargé de la défense commerciale au sein de la Commission del’UEMOA» et d’un arsenal de mesures de protection commer-ciale ?

BALLA DIONG : L’UEMOA dispose de textes communautaires en ma-tière de dumping, de concurrence, etc. dont l’application par tous les Etatsseraient une première parade pour la protection de l’industrie textile enparticulier. En outre, tous les Etats membres de l’UEMOA sont signatairesdes ADPIC mais n’ont pas les moyens humains et financiers pour leur ap-plication idoine.

GLOCAL : L’élaboration d’une législation sur les sauvegardespour protéger l’industrie textile naissance dans une stratégiede développement de cette industrie à l’échelle régionale voussemble-t-elle représenter une nécessité ?

BALLA DIONG : Au regard de ce qui se passe aujourd’hui notammentavec le textile des pays asiatiques, les copies des œuvres locales, les im-portations frauduleuses de textile sous formes de friperies, il serait indis-pensable dans une période de lancement de cette industrie naissante deprocéder à la mise en place d’une législation protectrice pour permettreaux jeunes entreprises de faire la preuve de leur compétitivité sur les mar-chés domestique et sous-régional. Les mesures de sauvegarde pour pro-téger l’industrie textile naissante, voire embryonnaire nous paraissentopportunes.

GLOCAL : Quel serait votre mot de la fin ?BALLA DIONG : Que tous les partenaires inter-venant dans l’appui de cette filière veuillent biens’inscrire dans le PMO de l’Agenda coton actualiséet conjuguent leurs efforts avec ceux de nos Etatset de la Commission afin de valoriser davantagelocalement la fibre de coton de qualité de notre es-pace. L’ambition affichée l’UEMOA est légitime auregard de ses effets directs et indirects escomptésen termes de d’accroissement de revenus et lacréation d’emplois aptes à faire reculer la pau-vreté, un des objectifs majeurs du millénaire. n

… pour tirer profit du potentiel de dé-veloppement de cette filière coton-textile, il est nécessaire de créer unenvironnement spécifique attractifpour permettre à des acteurs du tex-tile international de venir investirdans l’espace UEMOA pour espéreratteindre l’objectif de 25% de trans-formation par an de la fibre de cotonexportée présentement à plus de 95%.

L’ambition affichée de l’UEMOA estlégitime au regard de ses effets di-rects et indirects escomptés entermes de d’accroissement de reve-nus et la création d’emplois aptes àfaire reculer la pauvreté, un des ob-jectifs majeurs du millénaire.

BALLA DIONG

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IntroductionIl est trivial d’affirmer que le coton africain -eten particulier ouest-africain - va mal. En effet,la déprime structurelle des cours mondiaux2

due entre autres aux pratiques peu loyales decertains pays développés sur le marché inter-national - subventions à l’exportation - ont finipar avoir raison de l’élan des producteurs afri-cains qui commençaient à exceller dans le do-maine. Après avoir atteint des sommets en20053, la production cotonnière de la régionouest-africaine a connu une chute vertigineusedepuis et peine à redécoller. Le débat sur la relance de filière ainsi que lesstratégies proposées à cet égard ont attiré nom-bre de commentaires d’experts et de réunionsde décideurs politiques sans pour autant quel’on puisse voir apparaître, jusqu’à présent, lebout du tunnel. Toutefois, l’unanimité semble se faire autourd’un point : la faible -voire l’absence de -trans-formation locale du coton constitue le nœudgordien de la filière coton en Afrique de l’Ouest.En effet, à peine 2% de la production totale dela région est transformée localement, le resteétant destiné à l’exportation sur le marchémondial. Si au sortir des indépendances des ef-forts avaient été faits pour mettre en place desunités de transformation dans les différentspays, la plupart d’entre elles n’ont pas résisté autemps. On a assisté à la mort à petit feu des in-dustries textiles ouest-africaines. Sur la quaran-taine d’usines que l’on pouvait recenser dans lazone l’UEMOA dans les années 1980, seule-ment une vingtaine était encore fonctionnelleen 2006. Les raisons de ce sinistre sont multiples et va-riées, mais les doigts sont de plus en plus poin-tés vers les importations massives des produitstextiles en provenance de l’Asie - et dans unecertaine mesure les vêtements de seconde main(friperie) venant des pays développés - commeétant les causes immédiates de la mort brutalede l’industrie textile ouest-africaine.Que faire alors pour relancer cette industriedans un marché régional du secteur estimé àplus de 700 milliards de francs CFA et dans le-quel une transformation locale de seulement25% de la production de coton créerait 50.000emplois directs ? C’est la question qui semblepréoccuper depuis un certain temps les respon-sables politiques de l’UEMOA. Après avoir ap-porté tout son soutien à l’initiative du C4 contreles subventions des pays développés dans lecadre de l’OMC, l’Union a adopté un plan stra-tégique de relance de la filière coton en 2003dont l’une des pièces maîtresses est la transfor-mation locale du coton.4

Toute la question reste cependant de savoir

comment une industrie textile ouest-africaineviable peut-elle naître (ou renaître) dans cecontexte marqué par les importations massiveset à bas prix - sans compter la fraude et lacontrefaçon - en provenance d’Asie et des paysdéveloppés ? Sans une solution adéquate à ceproblème, toute initiative de relance de l’indus-trie textile ouest-africaine risque d’être vaine.Cette réflexion, fruit d’un non expert du textile,a pour modeste ambition de contribuer audébat sur la relance de la filière coton dansl’UEMOA, sous l’angle de la promotion de latransformation locale et en particulier le sou-tien à l’industrie locale ; car c’est là que nouspensons que réside l’avenir du coton africain.Après un bref aperçu de l’état de l’industrie tex-tile dans cette région, nous verrons quels typesde soutien cette industrie peut recevoir no-tamment pour faire face à l’invasion des pro-duits asiatiques et de la friperie.

Une industrie textile sinistrée Au sortir des indépendances dans les années1960, les jeunes Etats africains ont vu dansl’industrialisation le moyen logique de se déve-lopper et de se libérer du joug colonial. C’estainsi que des stratégies dirigistes ont été misesen place dans la plupart des pays nouvellementindépendants visant entre autres à développerl’industrie locale afin de remplacer à terme lesproduits anciennement importés. Ces straté-gies, connues sous le nom de politiques de«substitution aux importations», n’ont pasdonné tous les résultats escomptés, pour plu-sieurs raisons. Dans la plupart des pays, les ef-forts des gouvernements se sont heurtés aucoût élevé du transport et de l’énergie, auxtailles restreintes des marchés ainsi qu’aumanque de qualifications et de technologies.5

Par ailleurs, dans les années 1980, la crise del’endettement a contraint de nombreux gouver-nements africains à adopter les programmesd’ajustement structurels (PAS) de la Banquemondiale et du Fonds monétaire international,ce qui a conduit à une réduction considérabledu rôle économique del’Etat et à la privatisa-tion des entreprises pu-bliques. Si bon nombrede ces entreprisesavaient effectivementété mal gérées, elles gé-néraient cependant laplus grande partie de laproduction industrielleet de l’emploi. Leur pri-vatisation précipitée etprématurée, à un mo-ment où le privé afri-

cain cherchait encore ses marques, a donné uncoup sérieux au processus d’industrialisationdu continent. Enfin, la libéralisation deséchanges, une des composantes des PAS, a en-trainé une ouverture brutale des marchés afri-cains, qui ont été inondés par les produitsimportés à bon marché, précipitant au bord dugouffre les jeunes industries africaines. EnAfrique de l’Ouest, si les premières unités in-dustrielles ont été implantées à partir des an-nées 1950, c’est au cours de la période1965-1985 que l’on voit naître et se développerl’industrie textile sous l’effet des politiques vo-lontaristes menées par les États. A cette périodeque l’on a qualifiée de « faste », succéderontdes années difficiles marquées par la crise desentreprises publiques, l’ajustement structurel,la dévaluation du franc CFA, la fraude et lacontrefaçon ainsi que les importations mas-sives du textile asiatique et de la friperie. Cettesituation va amorcer un processus de désindus-

Fovet, C. - BURKINA FASO - Cotonnier à matu-rité - © Cirad

Par OUSSENI ILLYDocteur en droit international économique, Global Leaders Fellow Universités d’Oxford et de Princeton

Quel rôle pour les mesures de défense commerciale dans la promotiond’une industrie de transformation du coton en Afrique de l’Ouest ?

« La transformation du coton est une impérieuse nécessité pour lasurvie de la filière coton en Afrique de l’Ouest.»1

1 Propos du président malien Amadou Toumani Touré lors de l’inauguration, le 21 février2004, de la nouvelle usine de filature, Fitina, au Mali. 2 Le marché mondial du coton est caractérisé par la volatilité des cours avec une tendancegénérale à long terme orientée vers la baisse. Entre 1995 et 2001 par exemple, le coton aperdu près de 70% de sa valeur (voir Initiative sectorielle en faveur du coton, documentOMC, TN/AG/GEN/4, 16 mai 2003). Bien que l’on assiste à une remontée (voire à une en-volée) depuis 2010, il serait naïf de se réjouir car cette hausse est due principalement à desaléas climatiques (inondations en Chine et au Pakistan, sécheresse au Brésil).3 Durant la campagne 2004-2005, les cotonculteurs du Mali, du Burkina-Faso, du Bénin,de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Tchad ont produit globalement 1,1 million de tonnes decoton fibre. Cette production n’était plus que de l’ordre de 500 000 tonnes lors de la dernièrecampagne agricole. Cf. http://www.afriqueavenir.org/2010/12/08/l%E2%80%99envolee-des-cours-du-coton-profite-aux-agriculteurs-africains/4 Voir Déclaration finale de la réunion ministérielle de concertation régionale sur la filièrecoton dans l’espace UEMOA/CEMAC, UEMOA, 18 juin 20035 G. MUTUME, « L’Afrique s’efforce de redynamiser ses industries », Afrique Renouveau,vol. 8, n˚3, octobre 2004, p. 4.

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GLOCAL Revue Africaine sur le Commerce et le DéveloppementGLOCAL

trialisation dans la région. Au sein de la zoneUEMOA, si on dénombrait 41 unités indus-trielles dans le domaine du textile en 1980, onne comptait plus qu’une vingtaine en 2006.6

L’exemple de la Côte d’Ivoire suffit à lui seul pourillustrer ce désastre de l’industrie textile ouest-africaine. Jadis championne de la zone UEMOAavec ses 12 unités industrielles et après avoir at-teint un taux de transformation de 20% de laproduction nationale de coton fibre dans les an-nées 1990, l’industrie textile ivoirienne ne repré-sente plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même :plus des deux tiers des unités sont à l’arrêt et lereste fonctionne bien en deçà de leur capacité deproduction.7 Le taux de transformation était des-cendu avant la crise à 5% et représente au-jourd’hui à peine 2% de la production nationaledu coton.8

Au Sénégal, la situation n’est pas reluisante nonplus. Sur les 12 unités que comptait le pays, 4sont à l’arrêt et les autres tournent au ralenti.9 LeBurkina Faso a perdu quant a lui la seule unitéde production de pagnes qu’il possédait avec laliquidation de FASO FANI en 2000. Dans l’en-semble, aucun pays de l’UEMOA n’a été épargnépar cette crise et le pire est à craindre pour le peud’unités restantes si rien n’est fait dans l’urgencepour les sauvegarder.Au Nigeria également, les professionnels du sec-teur sont inquiets. Si en 1999, on pouvait recen-ser une centaine d’usines, aujourd’hui seule unevingtaine ou une quarantaine demeure en fonc-tionnement selon les sources. Toutefois, la situa-tion est très différente entre les paysfrancophones, où plus de 90% du coton est ex-porté sous forme de fibre, et les pays anglo-phones. Sur la période 1993/94-2003/04 parexemple, respectivement 90 % et 65 % du cotonnigérian et ghanéen était en effet consommé parle tissu industriel local.10

Une vaste campagne a été lancée pour réhabili-ter l’industrie textile ouest-africaine, après queles Etats de la région aient compris que la seuleissue durable pour leur filière coton réside dansla transformation locale et non dans le cours hy-pothétique d’un marché mondial de la fibre ducoton, totalement hors de leur contrôle. Quant àla lutte contre les subventions à l’OMC, on saitles résultats qu’elle a produits. Avec l’enlisementdu Cycle de Doha, les chances d’aboutissementde ce dossier se réduisent comme peau de cha-grin. La lutte contre les subventions des pays dé-veloppés est une cause noble, disait fortpertinemment le président malien, mais ilconvient pour les africains de travailler à l’émer-gence d’une véritable industrie de transforma-tion du coton en Afrique. Fort de cet enseignement, les Etats membres del’UEMOA ont pris l’engagement, en 2003, de re-construire et de renforcer l’industrie textile lo-cale à travers l’adoption d’un plan stratégique dedéveloppement de la filière coton-textile. Un ob-jectif de transformation de 25% de la productionrégionale avait même été fixé pour l’horizon2010.11

Si un bilan global de cet engagement n’est pasdisponible en ce moment, force est de reconnai-tre que les résultats atteints sont loin du compte.Lors d’une récente réunion tenue à Ouagadou-gou (11-12 novembre 2010), le commissairechargé du département du développement del’entreprise, des télécommunications et del’énergie de l’UEMOA reconnaissait que les ré-

sultats obtenus dans la mise en œuvre du plansont « en deçà des attentes ». Toutefois, on a puobserver çà et là, la naissance d’unités textiles.Au Mali, l’industrie de filature Fitina a ouvert sesportes en 2004 tandis que l’Industrie textile duMali (Itema) a rouvert les siennes en 2005, aprèsavoir mis la clé sous le paillasson il y a plus dedix ans. Au Burkina, l’usine Alok, fruit de la coo-pération indienne, vient de s’implanter à BoboDioulasso, portant le nombre des industries defilature à deux dans ce pays. D’autres initiativessont également lancées dans les autres pays del’UEMOA. Mais on peut légitimement se demander à quoiserviront tous ces efforts si des mesures idoinesne sont pas prises pour garantir la durabilité desunités industrielles qui naissent ou qui vont nai-tre. Dans un contexte mondial de concurrenceexacerbée, les nouvelles unités africaines pour-ront-elles faire face à «l’invasion» des produits

asiatiques, entre autres causes de la faillite despremières unités ? Comme le note ce cadre del’industrie textile malienne, «le plus grand dan-ger pour l’industrie malienne, c’est la tropgrande ouverture du marché local aux produitsétrangers. C’est vrai que nous avons le handicapde l’enclavement, du coût élevé de l’électricitémais si nous étions protégés un tant soit peucontre l’invasion des produits étrangers, nousaurions pu nous en sortir», ajoute-t-il.12

Il est donc urgent de songer à la protection desnouvelles industries textiles ouest-africaines quise développent. Des instruments légaux existentbien pour cela et il est temps que l’UEMOA se lesapproprie.

La défense com-merciale commesoutien à la relanceLes instruments de défensecommerciale sont un vieiloutil que les Etats, de par lemonde entier, ont toujoursutilisé pour protéger leursindustries nationales (enparticulier naissantes)contre la concurrence dé-

loyale des autres pays ou contre l’invasion mas-sive des produits étrangers qui menacent de lesruiner. Il s’agit de mesures temporaires qui per-mettent aux industries en difficulté de se réajus-ter ou à celles qui viennent de naitre de seconsolider. Certains économistes néoclassiquesont beau les taxer de protectionnistes et sans jus-tification économique, il reste qu’ils ont été in-ventés au Nord, qui en reste d’ailleurs le plusgros utilisateur encore aujourd’hui. On compte parmi ces instruments, les mesuresanti-dumping, les mesures compensatoires (ouanti-subventions) et les mesures de sauvegarde.Pendant longtemps, la nécessité de ces instru-ments ne s’est pas imposée en Afrique, à causenotamment des droits de douane élevés qui as-suraient déjà une protection à l’industrie locale.Tel ne semble pas être le cas aujourd’hui, avecl’ouverture tous azimuts des frontières. Le Canada a été le premier pays à adopter unelégislation nationale anti-dumping en 1904.Confronté à la forte concurrence de l’acier amé-ricain dont les producteurs sont accusés de vou-loir détruire l’industrie canadienne par des prixjugés trop bas, le gouvernement canadien adopteune loi qui frappe de droit supplémentaire toutproduit acier étranger vendu sur le marché ca-nadien à un prix inferieur à sa «valeur normale».Le but de la législation était de rétablir la com-pétitivité entre l’acier canadien et l’acier importé- américain en l’occurrence - afin de permettre àl’industrie locale de survivre. La loi canadiennefut aussitôt répliquée par bon nombre de paysqui luttaient pour bâtir leur industrie nationale.L’Afrique du sud, principal - et presque - paysafricain à utiliser ces mesures fait partie de ceux-là. Sa législation anti-dumping date en effet de1914. Aujourd’hui, les mesures anti-dumping sont au-torisées dans le cadre de l’OMC à travers l’Ac-cord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATTde 1994 (plus connu sous le nom d’Accord anti-dumping). Bien qu’un règlement d’applicationde cet Accord existe au sein de l’UEMOA (Règle-ment n˚09/2003/CM/UEMOA du 23 mai2003), aucune mesure anti-dumping n’a à cejour été adoptée par cette organisation. Pour-tant, de forts soupçons de dumping pèsent surles exportations chinoises vers l’Afrique, qui sontl’objet d’ailleurs le plus souvent de ces mesuresdans d’autres pays et régions du monde.Les mesures anti-subventions, qui servent àneutraliser l’avantage compétitif octroyé auxproducteurs étrangers à travers les programmesde soutien à l’exportation de leurs gouverne-ments (subventions), sont le second instrumentde défense couramment utilisé dans les relationscommerciales interétatiques. Les Etats-Unis ontété le premier pays à les imaginer aux premiersstades de leur industrialisation. Alexander Ha-milton, le premier Secrétaire au trésor de l’Amé-rique indépendante, déclarait en effet en 1791

Berger, Michel - TCHAD - Triage du coton graineaprés la récolte d'essai sur station © Cirad

6 Voir Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, Série économie, CEDEAO-CSAO/OCDE, aout 2006, p. 17 7 Voir Etude de faisabilité de la relance du secteur textile en Cote d’Ivoire, Centre d’ana-lyse socio-économique pour le développement de l’Afrique (CASE-DAFRIQUE), 2010, p.48 Idem 9 Voir M. L. DIATTA, « Le textile oust-africain en crise », in Les Afriques du 12 décembre2007. Voir également Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest précité. 10 Atlas de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest, p. 17.11 Voir Déclaration finale de la réunion ministérielle de concertation régionale sur la fi-lière coton dans l’espace UEMOA/CEMAC, UEMOA, 18 juin 2003. 12 Propos cites dans Panos Infos (http://www.panos-ao.org/ipao/spip.php?article3570).

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que le plus grand danger qui guette les jeunesindustries américaines était les subventions àl’exportation maintenues par les Etats euro-péens (notamment l’Angleterre).13 En 1897, lapremière loi formelle anti-subvention améri-caine voyait le jour pour défendre les intérêtsde l’industrie américaine.Aujourd’hui, les mesures anti-subventions sontautorisées dans le cadre de l’OMC sous l’empirede l’Accord sur les subventions et les mesurescompensatoires et consistent, comme les me-sures anti-dumping, en des droits de douanesupplémentaires, équivalents à la subventionreçue par l’exportateur étranger. Quant à l’UE-MOA, elle ne dispose à ce jour d’aucun codecommunautaire anti-subventions. Toutefois,l’application de cet instrument parait beaucoupplus compliquée car il faudrait démontrer queles exportateurs étrangers - chinois notamment- reçoivent des subventions de leur gouverne-ment. Le troisième instrument, constitué par les me-sures de sauvegarde, est l’instrument surlequel les pays de l’UEMOA devraientporter plus d’attention. En effet, contrai-rement aux deux premiers qui exigent ladémonstration soit d’un prix inferieur àla valeur normale (dumping) soit l’exis-tence d’un subventionnement, les me-sures de sauvegarde exigent seulementque l’on puisse montrer qu’il y a «aug-mentation massive» des importationsmettant en péril l’industrie locale exis-tante ou empêchant celle-ci de s’implan-ter. Même si des chiffres n’existent paspour montrer le pourcentage d’augmen-tation des importations asiatiques et chi-noises de textile depuis lalibéralisation des marchés africains, lebon sens et la simple observation suf-fisent pour affirmer que les conditionsd’application de mesures de sauve-garde sont plus que remplies. Par ailleurs, onsait que ces importations ainsi que la friperieont contribué à la destruction de l’industrie tex-tile locale et contribuent à dissuader tout inves-tissement dans le secteur. Aussi paradoxalement que cela puisse paraître,l’UEMOA, dont le Conseil semble être à la re-cherche de moyens de protection des produc-teurs de textile communautaires (voirDéclaration finale de la réunion ministériellede concertation régionale sur la filière cotondans l’espace UEMOA/CEMAC précitée), nedispose pas de législation sur les sauvegardes. Il est temps que cette législation soit adoptée etsurtout, qu’elle ne reste pas lettre morte(comme c’est le cas du règlement antidum-ping). Il faut signaler au passage qu’il n’existe à ce jouraucun organe à part entière chargé de la dé-fense commerciale au sein de la Commissionde l’UEMOA (contrairement à la pratique dansd’autres communautés comme l’Union euro-

péenne ou l’Union douanière d’Afrique aus-trale : SACU). La tâche est confiée au départe-ment de la concurrence, qui n’est ni l’organeapproprié (la défense commerciale dépasse lesimple fait de concurrence, elle intègre la poli-tique industrielle et agricole), ni doté des com-pétences nécessaires pour l’administration desinstruments de défense.

ConclusionBâtir - ou rebâtir - l’industrie textile ouest-afri-caine est un défi de taille. Pour certains, c’estpresque une illusion. Il n’est pas rare en effetd’entendre les commentaires suivants :«l’Afrique a raté sa révolution industrielle et fe-rait mieux de profiter de l’augmentation du prixdes matières premières (toujours vraie ?) et desimportations bon marché asiatiques au lieu dechercher à s’engager dans une voie d’industria-lisation sans issue ». Pour justifier de tellesthèses, on utilise le prétexte selon lequel, la po-litique de substitution aux importations des an-

nées 1960 et 1970 a échoué et que le continenta très peu d’atouts pour développer une indus-trie (manque d’infrastructure, de main d’œuvrequalifiée, coût élevé de l’énergie, etc.). Dans lemême temps, le discours sur la lutte contre lapauvreté en Afrique n’a jamais été autant envogue. On oublie cependant que l’histoire dudéveloppement économique dans ce monde n’apas encore produit une seule nation qui ait puse tirer des affres du sous-développement et dela misère en restant simplement exportatricede matières premières et importatrice de pro-duits finis. Quand on connaît le rôle fondamen-tal et indispensable de l’industrie dans leprocessus de développement d’un pays, on nepeut s’attarder sur de tels arguments. Les américains auraient écouté les conseilsd’Adam Smith, père spirituel du néolibéralismeet économiste très respecté au XVIIIème siècle,qu’ils seraient encore aujourd’hui une nationpauvre et agricole. Alors que ceux-ci venaienten effet de conquérir leur indépendance del’Angleterre en 1776 et tentaient de jeter lesbases d’une industrialisation de leur pays ens’appuyant notamment sur des mesures pro-tectionnistes, Smith voyait en cela une erreurmonumentale (économiquement parlant).D’après lui, les Etats-Unis devaient plutôt seconcentrer sur l’agriculture, secteur où ilsavaient des « avantages comparatifs » par rap-port aux autres pays (notamment l’Europe).14

Un siècle plus tard, les Etats-Unis, qui ont per-sisté dans leur choix, devenaient la premièrepuissance économique et industrielle dumonde, avec des millions de personnes tiréesde la pauvreté. Selon la grande majorité desanalystes, l’industrie américaine ne serait ja-mais devenue ce qu’elle est sans la protectiondont elle a bénéficié à sa naissance (et continued’ailleurs de bénéficier. Les Etats Unis sont l’undes plus gros utilisateurs des mesures de dé-fense commerciale selon les statistiques del’OMC. Les Africains devraient en tirer des leçons. Lescontextes ont toutefois changé et il faut beau-coup plus de tact et d’ «intelligence». Si en 1776on pouvait adopter toutes les mesures de pro-tection que l’on voulait, aujourd’hui cela paraitun peu plus difficile, avec les multiples traitésde libéralisation des échanges que les pays ontsignés. Il faut donc profiter - autant que néces-saire - des « brèches » que sont entre autres lesinstruments de défense (autorisés d’ailleurs par

ces différents traités) pour défen-dre cette industrie. C’est le seulmoyen qui lui permettra de gran-dir et de trouver sa place, d’abordsur le marché local et régional, etensuite dans l’international. Dansun siècle marqué par l’ouverturegénéralisée et les pressions de lamondialisation, toute politique in-dustrielle qui n’intègre pas cettestratégie de défense est vouée àl’échec. Il est vrai que l’introduction demesures « protectionnistes » ren-chérirait le coût des produits tex-

tiles dans la région et ne ferapas l’affaire de certains impor-tateurs, mais entre les intérêts àcourt terme des consomma-teurs et des importateurs, et les

intérêts de développement à long terme ducontinent, qui résident incontestablement dansl’industrialisation, il y a un choix à faire. Oul’Afrique veut se développer et elle s’engagedans la dernière voix, ou elle veut continuer à«survire» et à demeurer le laboratoire des«nouvelles idées» de développement concoc-tées de toutes parts, alors elle peut continuer àexporter ses matières premières et profiter«tranquillement» des importations « paschères » venant d’ailleurs.Pour terminer, nul n’est assez naïf pour croireque la protection seule sauverait et ferait gran-dir l’industrie textile ouest-africaine. Lemanque de compétitivité, qui est réel et qui estlié entre autres au coût de l’énergie, au manqued’investissement dans la formation profession-nelle, la recherche-développement, l’innova-tion, ainsi qu’une lutte sansmerci contre la fraude et lacontrefaçon, sont autantd’éléments à intégrerdans le plan de re-lance de l’industrietextile ouest-afri-caine. Sans ces élé-ments, la défensecommerciale, tem-poraire d’ailleurs parsa nature, risqued’être sans objet. n

Gutknecht, J. - Usine de coton, stockage des balles - © Cirad

13 Voir A. Hamilton, “Report of the Secretary of Treasury on theSubject of Manufacturers, 1791”, cité dans J. F. Beseler and A.N. Williams, Antidumping and Anti-subsidy Law: The Euro-pean Community (London: Sweet and Maxwell, 1986), p. 3.14 Voir Erik S. Reinert, How rich countries got rich and whypoor countries stay poor (London: Constable), 2010, p. 25; voir également, Ha-Joon Chang, Kicking away the lad-der: development strategy in historical perspective (London:Anthem), 2002, p. 5.

OUSSENIILLY

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52 F- Le coton dans un environnement mondialisé - enjeux pour la sous-région

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

La production agricole est une activité risquéepar nature et les agriculteurs sont donc trèssensibles dans leurs prises de décision aux ou-tils susceptibles de sécuriser leur revenu tantsur le plan technique qu’économique.Le développement spectaculaire de la produc-tion cotonnière en Afrique de l’Ouest s’est ap-puyé sur cette logique en créant unen vironnement permettant de garantir l’ap-provisionnement en intrants à crédit et lacommercialisation de toute la récolte à desprix fixés en début de campagne agricole. Pendant de nombreuses années ce systèmed’annonce précoce duprix d’achat aux produc-teurs, sécurisé par unfonds de soutien, a mon-tré sa capacité à gérer lafluctuation des coursmondiaux.Cependant le marché estdevenu de plus en plusinstable avec des pous-sées spéculatives de plusen plus importantes. Lesvariations brutales decours apparaissent au-jourd’hui comme une ca-ractéristique structurelledes marchés agricoles,rendant indispensable lerecours à des méca-nismes d’atténuation dela volatilité pour soutenirl’investissement et le dé-veloppement des filières.

Un mécanismefondé sur la seg-mentation desrisquesEn 2004, l’AFD a prisl’initiative d’une largeconcertation avec ses par-tenaires européens etafricains. Des études approfondies ont permisd’élaborer les contours d’un nouveau systèmedestiné à limiter les variations trop brutalesdes prix aux producteurs, sans pour autants’opposer aux tendances lourdes du marché. Ce dispositif prend en compte les acquis desfonds de soutien précédents, tout en appor-tant des corrections importantes. D’une part,le mécanisme de fixation du prix annoncé auxproducteurs en début de campagne ne dépendplus des négociations menées chaque annéeentre producteurs et société(s) cotonnière(s).

Le prix dépend dorénavant de l’évolution descours mondiaux. Il est déterminé chaqueannée à partir d’une formule mathématiquepermettant d’estimer ce qu’il est convenud’appeler le prix de tendance. Ce prix corres-pond à la moyenne du prix constaté des deuxannées passées, du prix estimé de l’année encours et des prévisions de prix des deux an-nées suivantes. Une fois établi, le prix de ten-dance de la fibre peut être calculé par toutobservateur extérieur à partir des données pu-bliques relatives au prix international ducoton (indice A Cotlook) et au taux de change.

Le partage du prix entre sociétés cotonnièreset producteurs s’établit de façon à assurer 60%du prix FOB1 aux producteurs et 40 % aux so-ciétés cotonnières, les deux parties étantainsi toutes deux directement incitées àaméliorer leur productivité, puisqu’elles enrecueilleront directement les fruits.Une dernière marge de 5% de sécurité estprise avant d’annoncer en début de cam-pagne le prix de base producteur. La réuniondes principes, paramètres et formules decalcul dans un document portant règlement

du fonds de lissage donne au fonctionnementde celui-ci un caractère prévisible, quasimentautomatique pour les opérations d’abonde-ment ou de tirage. Le fonds lui-même estconstitué auprès d’une institution financière,recrutée sur appel d’offres, et gérée par celle-ci.Mais le fonds de lissage peut être complété ourenforcé par le recours aux instruments demarché, en l’occurrence les produits dérivés.L’acquisition par une société cotonnière d’uneoption de vente par exemple lui permet, si lemarché existe2, à se garantir la vente à un ins-

tant donné d’une quantité fixée de coton fibreau prix retenu dans l’option. A la différenced’une vente à terme («future»), où l’engage-

Par José TISSIER, Anne LEGILE, Philippe DIERICKX - Ingénieurs à l’AFD

L’appui à la gestion des risques agricoles : l’exemple des mécanismesd’atténuation de la volatilité des prix du coton au Burkina Faso

Historique de la production de coton-graine au Burkina

Campagne (avril n à mars n+1)

1 en position FOB « free on board ».2 si un spéculateur est prêt en face à faire le pari in-verse de la société cotonnière, qui craint une baisse descours.3 dans le cas où, à l’instant donné, le prix de marché dé-passe le prix retenu dans l’option de vente.4 à condition bien sûr qu’il y ait un vendeur et que sesconditions ne soient pas rédhibitoires.

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F- Le coton dans un environnement mondialisé - enjeux pour la sous-région 53

ment est ferme, l’acheteurpeut (d’où le nom d’option)décider de vendre effective-ment au prix convenu ouabandonner3 cette option devente… La société coton-nière peut ainsi couvrir defaçon quasi certaine4 soncoût de production,puisqu’elle est sûre d’obte-nir en toute hypothèse unmontant correspondant à ladifférence entre le prix devente précisé dans l’option de vente et le coûtd’acquisition de cette option de vente.Enfin, quels que soient les outils utilisés, ilexiste des évènements que la communautéinternationale reconnaît comme des chocsexternes aux pays ou aux filières et qui peu-vent conduire à terme à la disparition de lafilière. Ni les acteurs par le biais de leurs ou-tils de lissage interannuel, ni le marché parle biais des produits dérivés ne peuvent faireface à cette situation. Face à ce qu’il estconvenu d’appeler une défaillance de mar-ché, l’Etat se trouve alors devant l’alternativesuivante : soit il ne bouge pas et il prend lerisque de voir la filière s’effondrer avec ce quecela suppose de dégâts d’ordre social maisaussi économique et fiscal, plus ou moinsconséquents selon l’importance de la filièredans l’économie nationale. Soit l’Etat décided’intervenir et le fonctionnement du fonds delissage lui permet de le faire de façon préven-tive, puisque dès la fixation du prix de ten-dance il est possible d’apprécier si l’annonced’un prix producteur trop faible risque de dé-courager les producteurs et conduire à unabandon brutal de la production de coton.

Mise en œuvre d’un mécanismeinnovant au Burkina FasoLa stabilisation du paysage institutionnelsuite aux processus de libéralisation / priva-tisation et la res ponsabilisation des acteursdans la gouvernance de la filière expliquentque le Burkina Faso soit le premier pays (etle seul jusqu’à présent) à avoir mis en œuvreun mécanisme de fonds de lissage destiné àtraiter le « risque maîtrisable » par les ac-teurs.L’Association Interprofessionnelle du Cotondu Burkina a validé officiellement débutmars 2008 le règlement du fonds de lissageet le montage institutionnel retenu (créationd’une association spécialement dédiée à lagestion du fonds de lissage, recrutementd’une banque dépositaire des fonds et ges-tionnaire de ceux-ci, la BOA, Bank of Africa).

L’AFD a été le seul bailleur à abonder lefonds de lissage grâce à un prêt souveraintrès concessionnel de 15 M€ et à une subven-tion de 3 M€, décaissés fin 2008 en faveur del’Association du Fonds de Lissage. La dota-tion initiale du fonds est cependant en deçàdes projections optimales définies par lesétudes de faisabilité (60 FCFA par kilo decoton fibre produit dans le pays).

Un mécanisme qui a rempli sesobjectifsLe mécanisme a été appliqué, avec un effetrétroactif pour la première campagne, depuis2006/07, et les acteurs en ont respecté les rè-gles. Le dispositif a fonctionné dans tous lescas de figure (dans des situations neutres,des situations où le prix de référence s’est ré-vélé supérieur au prix plancher, entraînant leversement de compléments de prix aux pro-ducteurs et des situations inverses où les so-ciétés ont acquis un droit de tirage.Les estimations pour la campagne en courssont très favorables. Le fonds de lissage de-vrait retrouver son niveau plafond à la fin dela campagne 20010/11. Un montant très im-portant restera disponible, qui permettra no-tamment la distribution aux producteursd’un prix complémentaire très consistant.

Un échelon régional à construireet des partenaires à mobiliserL’ensemble du mécanisme de gestion inté-grée du risque prix n’est pas encore déployéau Burkina Faso mais il a déjà porté sesfruits. La filière burkinabè est la seule pen-dant la période de crise à avoir maintenu unniveau de production supérieur à 300 000tonnes de coton-graine. L’année en cours, qui a vu des variations ex-trêmes sur un temps très court, met en évi-dence certaines limites du système. Le prixproducteur 2010-11, basé sur un indice ex-terne (moyenne de l’indice A Cotlook sur lesdouze mois de la campagne), semble en effetincompatible avec les prix de réalisation des

sociétés cotonnières, qui ont vendu à termeen début de campagne alors que les prixn’avaient pas encore atteint les sommets ac-tuels.Une étude commanditée par l’Association In-terprofessionnelle AICB est en cours pourfaire un bilan du fonctionnement du méca-nisme et proposer des améliorations. Ellepourrait conduire à un aménagement des rè-gles actuelles (modification de la répartitiondu prix entre producteurs et égreneurs ; in-tégration du prix de la graine et de la qualitéde la fibre dans la fixation du prix plancher,élargissement des bornes du tunnel…). Cetaménagement devra également mieux pren-dre en compte la possibilité d’années aty-piques sans remettre en cause pour autant lesprincipes de base du mécanisme. Les pre-mières conclusions ont été présentées àl’AICB début février et celle-ci devra prendreses décisions avant le démarrage de la cam-pagne agricole 2011-12. Le dispositif régional, destiné à refinancer encas de nécessité les fonds de lissage natio-naux satisfaisants aux critères d’éligibilité dé-finis en matière de gouvernance des filières,n’est pas non plus en place dans la mesure oùle fonds de lissage du Burkina-Faso demeureà ce jour le seul.Plusieurs filières souhaitent constituer leurpropre outil de lissage national (Sénégal, Ca-meroun…) et les acteurs régionaux (UEMOA,BOAD) et certains de leurs partenaires finan-ciers, (Banque Mondiale, BAD, autres bilaté-raux…) s’intéressent deplus en plus à cette ques-tion de la gestion intégréedu risque prix.La conjoncture ac-tuelle, marquée à lafois par une volatilitétrès forte et un niveausoutenu des coursmondiaux du coton,semble ainsi favorableà l’essor de nouvellesinitiatives. n

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172+10ndnd9,4

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Production (t Fibre)Prix de base producteur FCFA/kgEquivalent Prix Réalisation FCFA/KgPrix complémentaire FCFA/KgIncidences sur le Fonds (Milliards F CFA)Situation du Fonds (Milliards F CFA) 11,81

pour 2010-11 : estimations en italiques

Production (t Fibre)Prix plancher au producteur FCFA/kgRéalisations (F CFA/kg)Prix complémentaire FCFA/KgIncidences sur le Fonds (Milliards F CFA)Situation du Fonds (Milliards F CFA)

Données concernant le dispositif Fonds de Lissage

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132,85,6

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A. LEGILE

J. TISSIER

P. DIERICKX

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GLOCAL

54 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

L’initiative sectorielle en faveur du coton africain : évolutions,difficultés et situations actuelles des débats et négociations

Interview avec SE L’AMBASSADEUR PROSPER VOKOUMA - Ambassadeur du Burkina Faso à GenèveCoordinateur du « C4 » à Genève

GLOCAL : Le 30 avril 2003 le C4 soumet l’initiative sectorielle enfaveur du coton africain au Comité de l’agriculture, pourriez-vous revenir sur la Genèse à un niveau diplomatique de la dé-fense du coton africain à l’OMC ?

PROSPER VOKOUMA : Fin avril 2003, le C4 (Bénin, le Burkina Faso,le Mali et le Tchad) déposait une proposition de négociation à l’OMC in-titulée «Réduction de la pauvreté : initiative sectorielle en faveur ducoton ». Les quatre pays membres de l’initiative sectorielle en faveur ducoton demandent aux Etats-Unis (EU) et à l’Union européenne (UE) demettre fin à leurs subventions à effet distorsif sur le commerce du coton.Les pays africains producteurs de coton exigent une compensation à hau-teur des dommages subis.Comme vous le savez sans doute, les Etats-Unis et l’Union Européennen’ont pas réagi par rapport à cette première intervention du C4. Pour euxl’initiative sectorielle en faveur du coton ne pouvait pas faire partie del’agenda de Doha qu’ils considèrent comme un nouveau dossier qui nefait pas partie du mandat donné par les ministres à Doha. Mais cette pro-position du C4 a été massivement soutenue par les pays en développe-ment. C’est dans ce cadre que Son ExcellenceMonsieur Blaise COMPAORE, Président du Bur-kina Faso s’est rendu en juin 2003 à Genève pourprésenter cette initiative à une importante réuniondu Conseil Général de l’Organisation Mondiale duCommerce. Il est important de rappeler que ce débata eu lieu à la veille de la conférence ministérielle deCancun en 2003.Dans son discours, le Président du Faso a dit ensubstance « pour la première fois, les pays africainsne demandent pas de l’aumône, nous demandonstout simplement que les membres de l’OMC respec-tent les règles de l’organisation, règles auxquellesils ont librement consenti ».C’était là le début de l’offensive diplomatique et stra-tégique en vue de faire adopter l’initiative sectorielleen faveur du coton comme faisant partie intégrantedu programme de l’agenda de développement de Doha.Naturellement pour atteindre ce but, le soutien des différents groupes(groupe africain, groupe PMA, groupe des ACP) de négociations s’avèreindispensable. Après un grand travail diplomatique et un lobbying très offensif avec l’ap-pui des médias, ces groupes ont décidé d’adopter l’initiative sectorielle enfaveur du coton comme leur dossier. C’était là une première victoire di-plomatique pour le dossier. Pendant une réunion importante du ConseilGénéral de l’OMC qui s’est tenue au mois d’août 2003 à Genève, dans lecadre des préparatifs pour la Conférence ministérielle de Cancun, legroupe africain, les ACP et les PMA ont tour à tour apporté leur soutienà l’initiative sectorielle en faveur du coton. Des pays en développementcomme le Brésil, l’Inde, la Chine ont apporté également leur soutien. Ilen est de même des pays africains dans leur discours individuel. Ce n’estqu’après ce grand soutien général des pays en développement et dequelques pays développés que les Américain ont fait une courte déclara-tion pour reconnaître que la question était d’importance et méritait d’êtreexaminée.C’était là l’un des premiers et plus importants succès diplomatiques del’initiative sectorielle en faveur de coton. A partir de cet instant, les consul-tations ont commencé pour faire accepter l’initiative sectorielle en faveurdu coton comme faisant partie intégrante du programme de Doha. Fina-lement à partir de septembre 2003, il est envisagé que le coton puisse fi-gurer au programme officiel de la conférence ministérielle de Cancun. Aumême moment, les consultations et l’offensive diplomatique ont conti-nué. Tous ces efforts croisés ont fait que le programme de la conférenceministérielle de Cancun a inscrit le dossier à l’ordre du jour, tout justeaprès les discours d’ouverture. Cela a été une grande victoire d’étape pour

le C4, le groupe africain, les PMA et les ACP. Lors de la Conférence mi-nistérielle de l’OMC à Cancún, l’Afrique a focalisé l’attention sur le dossiercoton. Portes drapeaux de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), lesquatre pays soumissionnaires ont stigmatisé les contradictions liées auxconditions de la production de coton dans le monde et, au-delà, les condi-tions de l’insertion internationale des pays africains dans un monde li-béralisé. La disproportion des chiffres et l’iniquité flagrante mises enévidence dans les argumentaires ont permis au dossier du coton africainde bénéficier d’une très large sympathie et de nombreux soutiens lors dela Conférence de Cancún. Le facteur de blocage principal a été le refusdes pays en développement de débattre des « questions de Singapour »concernant la concurrence, les investissements, la facilitation deséchanges et la transparence des marchés publics. Ces questions ont étéun point de blocage central entre l’UE et les pays en développement. Maisce sont les désaccords sur le dossier agricole en général et sur le coton enparticulier qui cristalliseront les divergences pendant la conférence. Pourla première fois, une négociation commerciale internationale achoppaitsur une revendication africaine reconnue comme légitime par la plupart

des autres pays.

GLOCAL : Pensez-vous que cetteinitiative sectorielle soit un casd’école ? Si oui, pour quelles rai-sons ? Quelles ont été les princi-pales leçons ? La mécanique denégociation, de travail en com-mun ? La dynamique africaine etinternationale développée pour ladéfense du coton a-t-elle été utiledans d’autres négociations ? A-t-elle donné lieu à la création d’ins-tances, de méthodes decommunication de concertation,de stratégies diplomatiques sousré gionales utilisées pour la dé-

fense d’autres matières premières, d’autres sujets de négocia-tion ?

PROSPER VOKOUMA : La solidarité développée autour de ce dossiernous a permis de ne pas baisser les bras et de continuer le combat. A cer-tains égards, le dossier coton peut apparaître comme un avant goût decombats plus larges ou d’une autre nature. D’un côté, plusieurs paysconnus pour leurs positions libérales ont rapidement soutenu les Afri-cains dans leurs positions, en particulier en ce qui concerne la suppres-sion des subventions agricoles (c’est le cas par exemple du Canada, del’Australie et de l’Argentine, connus comme des membres actifs du«Groupe de Cairns»). (C’est d’ailleurs cette menace qui semble pouvoirexpliquer certaines des réticences de l’UE à s’engager fermement dansun soutien du dossier coton à Cancún, craignant des critiques trop viru-lentes sur le processus de réforme de la Politique agricole commune(PAC)). D’un autre côté, des organisations de la société civile vont s’em-parer du dossier coton, en y voyant un cas d’école idéal pour mettre enrelief les incohérences entre politiques commerciales et politiques de coo-pération au développement de l’UE et des EU. Le coton est aussi, pourplusieurs ONG, un support de communication idéal pour questionner lalégitimité des instances internationales en charge de la régulation ducommerce et du développement économique.

GLOCAL : Le débat autour des subventions est complexe (leursrôle et effets sur l’économie mondiale, leur suppression, leurdéfense, leur classification et transfert dans les différentesboites de l’OMC…) pourriez-vous nous résumer la position duC4 dans ce débat ?

PROSPER VOKOUMA : Dans l’Accord sur l’agriculture, toutes les me-

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sures de soutien réputées avoir des effets de distorsion sur la productionet les échanges sont interdites. En ce qui concerne le coton, le marché mondial de ce produit est faussédu fait de l’attribution par les pays développés notamment par les Ad-ministrations américaine et européenne de subventions énormes àleurs cotonculteurs (en moyenne, 3 milliards de dollars par an du côtéaméricain et autour de 900 millions d’euros du côté européens), ce quipermet aux exportateurs américain et européens de casser les prix etdonc de fausser gravement la concurrence.C’est dans ce sens que suite à l’Accord cadre de juillet 2004, d’intégrerle coton dans les négociations globales sur l’agriculture, mais avec pourcondition de le traiter de façon « ambitieuse, rapide et spécifique », ac-cord entériné en décembre 2005 par la conférence ministérielle deHong Kong, le C4 a fait des propositions sur les trois piliers des négo-ciations (accès au marché, soutien interne et concurrence à l’exporta-tion) en juin 2006, à travers notamment une formule de réduction dessoutiens internes de la boîte orange accordés au coton (voir docu-ment de l’OMC sous la côte TN/AG/SCC/GEN/4 du 16 juin 2006).Cette formule précise également les concepts de modalités applicablesà la boîte bleue, spécifiquement en matière de coton, la période de ré-férence pour le coton et la période de mise en œuvre. Les expressionsboîte bleue, boite orange ou verte servent à désigner les catégories desoutiens ayant des effets de distorsions des échanges selon la gravité deceux-ci.Après quelques avancées sur l’accès aux marchéset sur la concurrence à l’exportation, le soutieninterne, est et demeure le levier sur lequel il fautrapidement agir à ce jour pour donner un signalfort à l’ensemble des pays les moins avancés pro-ducteurs du coton.

GLOCAL : L’Argentine exprime des réservessur l’évolution positive vers une réductiondes subventions en mentionnant les trans-ferts dans la boite verte de certaines me-sures de la boite bleue. Partagez-vous cetavis. Quelles sont selon vous les mesuresprincipales impactant le coton africain fai-sant l’objet de ce « jeu de passe-passe » ?

PROSPER VOKOUMA : Un des défis princi-paux du cycle de Doha est d’éviter ce qu’on ap-pelle le « box shifting » c’est-à-dire remplacerdes mesures orange et en voie d’élimination par des mesures bleues ouvertes, encore tolérées. C’est pour cela que la négociation des conditionset règles qui vont gouverner l’utilisation de la boîte bleue et verte aprèsla conclusion du cycle Doha ont une importance énorme en général etpour le coton en particulier. Les éléments clefs dans ce contexte sont lesannées de base qui devront être utilisées pour déterminer soit les sur-faces ou les quantités auxquelles seront appliquées les procéduresbleues et les limites applicables en fonction des valeurs des produits.

GLOCAL : Les pays africains avaient placé beaucoup d’espoirsdans la mise en place du Comité spécial sur le coton. Quels ensont les résultats ?

PROSPER VOKOUMA : Suite à l’Accord cadre de juillet 2004 pré-voyant que le coton sera traité “de manière ambitieuse, rapide et spéci-fique”, dans le cadre des négociations sur l’agriculture. Le Sous-comitécoton a été crée le 19 novembre 2004 avec pour mandat de faire porterses travaux sur « toutes les politiques ayant des effets de distorsion deséchanges affectant le secteur », dans les trois domaines clés des négo-ciations sur l’agriculture (accès aux marchés, soutien interne, et concur-rence à l’exportation). Mais ce volet commercial est lié aux négociationssur l’agriculture et il n’y a pas eu d’évolution majeure par refus catégo-rique de nos partenaires d’entrer véritablement en négociation. Le Souscomité a fait un travail remarquable, mais les résultats ne dépendentpas de lui car ce sont les membres qui négocient au sein du sous- comitécoton.

GLOCAL : Dans le rapport de situation du secrétariat du SousComité du Coton d’octobre 2010, il est souligné que le mandatspécifiant que la question du coton devait être traitée de ma-nière « ambitieuse, rapide et spécifique […] était loin d’êtreaccompli ». Cet engagement mentionné en août 2004 dansl’Ensemble des résultats de juillet et dans la Conférence mi-nistérielle de Hong Kong en 2005 a-t-il jamais été respecté ?Si oui, dans quelle mesure ? Pour quels résultats ?

PROSPER VOKOUMA : Le mandat de la conférence ministériellede Hong Kong en décembre 2005 de traiter le coton de manière ambi-tieux, rapide et spécifique est loin d’être accompli. Que constatons-nousà ce jour? L’ambition est toujours proclamée, mais faute de résultat pro-bant elle est vidée de son sens.La rapidité est de loin ce qui n’a pas pu être atteint puisque depuis 2005,peu de progrès ont été accomplis sur le pilier soutiens internes. Enfin,la spécificité semble être également vidée de son sens au regard du peud’intérêt accordé par certains pays développés au traitement de ce dos-sier que nous refusons de voir relégué au dernier stade de la négocia-tion.

GLOCAL : Selon vous, comment ce mandat pourrait il être « ac-compli » dans la phase finale du cycle de Doha : quels sont lespoints de blocage principaux à lever ?

PROSPER VOKOUMA : Pour que ce mandat soit accompli, il fautque nos partenaires, notamment les Etats-Unis et l’Union européennes’engagent véritablement dans la négociation en acceptant les proposi-tions du C4 ou à défaut en faisant des contre propositions aux pays afri-cains producteurs de coton qui vont dans le sens du mandat de HongKong et compte tenu de l’engagement unique, il faudra que les autresdomaines de négociations évoluent parallèlement dans le même sens.

GLOCAL : Quel est selon vousl’impact de la « victoire » du Bré-sil sur une évolution positivedans le domaine de la réductiondes subventions ayant des effetsde distorsion ?Pensez-vous qu’en s’appuyantsur l’approche du Brésil les paysafricains devraient explorer lapiste du contentieux afin de bé-néficier d’une situation leurdonnant un pouvoir et des outilsde négociation plus importantsface aux Etats-Unis ? Le Brésil avait encouragé lespays africains à s’engager sur lapiste du contentieux au momentoù lui-même posait une plaintedevant l’ORD. Quelle est l’état

actuel de la coopération possible ou déjà engagée avec le Brésilpour le « montage » d’un dossier de contentieux ?Le Brésil, l’Inde et le Pakistan souhaitent s’engager activementdans une politique de soutien et de coopération Sud-Sud avecles pays africains producteurs de coton. Pourriez-vous nousprésenter l’état d’évolution de ces projets et les domaines par-ticuliers visés en ce qui concerne le Burkina Faso ?

PROSPER VOKOUMA : Le différend Etats-Unis/Brésil, initié en2002, a conduit effectivement à la condamnation des subventions queles Etats-Unis accordent à leurs cotonculteurs ; ce jugement a étéconfirmé par l’organe d’appel de l’OMC en 2005 et 2008. Malgré denombreuses consultations entre les Etats-Unis et le Brésil, aucun pro-grès n’avait pu être fait pour trouver une solution au différend sur lecoton dans la mesure où les Etats-Unis avaient toujours refusé d’entreren réelle négociation en se cachant derrière l’argument selon lequeltoute solution devrait être approuvée par un Congrès qui n’était de toutefaçon pas prêt à modifier le régime de soutien américain au coton. Pouréviter l’application des mesures de rétorsion et pour continuer les né-gociations en vue d’un accord, les Etats-Unis ont proposé la suppressiondes crédits de garantie à l’exportation GSM-102. Ceci représente unetoute première et bienvenue étape vers la mise en conformité de la po-litique des Etats-Unis avec certaines obligations de l’OMC. Un accordbilatéral passé entre les deux protagonistes offre également une com-pensation financière aux brésiliens d’environ 147.3 millions de dollarspar an pour fournir une assistance technique et un renforcement descapacités en faveur du secteur coton.Le verdict final de ce « deal » est donc toujours en suspens. Ce qui estpositif pour les pays africains producteurs de coton, c’est que l’accordmaintient la pression sur les Etats-Unis qui doivent se mettre en confor-mité avec les règles de l’OMC, Il a forcé les Etats-Unis à traiter au moinsune question (le système de garanties de crédit à l’exportation) d’unemanière systémique pour, il faut l’espérer, une mise en conformité to-tale avec les obligations de l’OMC.Quant à l’idée d’engager un recours contentieux, il faut noter qu’au

Saint Macary, Hervé - CAMEROUN - Champ de coton,capsules ouvertes, prêtes à récolter, les toits du villageen arrière plan - © Cirad

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Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

terme des travaux de la réunion de concertation des Ministres en chargedu commerce du C-4 tenue le 26 novembre 2011 à Cotonou (BENIN), lesMinistres ont demandé aux négociateurs à Genève de réfléchir sur l’op-portunité ou non de porter la question de l’initiative sectorielle en faveurdu coton devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC.En exécution des instructions des Ministres, une série d’activités ont étéorganisées au début de l’année 2011 à Genève et à Bruxelles. Il s’agit de :(i) l’atelier de réflexion sur le coton, organisé par le Secrétariat ACP, quia eu lieu le 27 janvier 2011 à Genève ; (ii) l’atelier de réflexion sur le rè-glement des différends : Un atout ou une contrainte pour la négocia-tion ? : le cas du Coton à l’OMC, organisé par le C-4, le 12 février 2011 àGenève ; et (iii) la réunion des Représentants basés à Bruxelles et à Ge-nève des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) producteursde coton, tenue les 16 et 17 février 2011 à Bruxelles (BELGIQUE). Auterme de ces activités un rapport a été établi. La suite appartient aux pre-miers décideurs de nos pays au niveau adéquat.Pour ce qui est de la coopération Sud-sud, lors des différentes séries deréunions au titre du Mécanisme du cadre consultatif en faveur du cotonle point de la coopération entre les producteurs de coton africains et despays comme, le Brésil, l’Inde et le Pakistan estpassé en revu.Il est important de signaler qu’au titre de la coo-pération Sud-sud en matière cotonnière, le Bré-sil et l’Inde ont fait à l’intention des pays du C4des offres intéressantes de coopération. En ce qui concerne le Brésil, cette offre de coo-pération s’est traduite par la mise sur pied d’unprogramme d’assistance en faveur des pays duC4 et à travers l’organisation en 2007 devoyages d’études au profit de producteurs, dechercheurs et de responsables de l’administra-tion publique du Bénin, du Burkina Faso, duMali et du Tchad ; et l’organisation d’une mis-sion tournante d’une équipe de chercheurs bré-siliens dans les pays du C4, à l’effet de définiravec leurs homologues les domaines de parte-nariat dignes d’intérêt. Ces partenariats seconstruisent progressivement, entre autres. S’agissant de l’Inde, l’offre de coopération faiteen 2007 aux pays du C4, a connu un début deconcrétisation avec l’organisation courant mai2010, d’une mission tournante d’experts in-diens, à l’effet d’évaluer les besoins d’assistancetechnique et de renforcement de capacité, detransfert de technologie, de recherche dévelop-pement dans les pays du C4, au Nigéria, au Kenya et en Ouganda ; et departager l’expérience des centres de recherche développement de l’Indeavec leurs partenaires des pays à visiter à travers des formations et desspécialisations très poussées.Au Burkina Faso, la délégation indienne a eu des séances de travail avecles services techniques de l’administration publique en charge du dossiercoton, l’Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina (AICB), larecherche cotonnière, la Chambre de Commerce et les opérateurs du tex-tile industriel et artisanal. Par ailleurs, tout comme en ce qui concerne le Brésil, au plan bilatéral, lacommission mixte Burkina Faso/Inde est également active et des axes decoopération sont en cours de réalisation dans divers autres domaines.Avec le Pakistan, nous avons engagé aussi les échanges ; tout comme avecla République Populaire de Chine qui ne veut pas être en reste dans cettecoopération.

GLOCAL : L’UE semble tenir le rôle du « bon élève » en ce quiconcerne la cohérence entre les engagements de Hong Kong etles actions conduites sur la réduction des mesures de soutieninternes au coton (suppression des aides de la catégorieorange), travail de découplage des aides, libéralisation de l’ac-cès au marché du coton, nombreux décaissements et projets dedéveloppement dans le secteur cotonnier… Existe-t-il des sub-tilités qui nuanceraient ou renforceraient encore plus cette vi-sion ?

PROSPER VOKOUMA : Il est vrai qu’il faut reconnaitre un effort dela part de l’Union européenne qui, avec sa réforme de 2004, confirméeen 2006 après la demande de mise en conformité requise par la Cour dejustice de l’union européenne, que l’EU a découplé 65% de ses subven-tions au coton et a transféré le reste des subventions ayant un effet de dis-torsion sur les échanges de la boite orange à la boite bleue, considérée

comme moins distortive. Nous avions à l’époque déjà salué cet élan positifet demandé un effort supplémentaire pour arriver à un découplage à100% et nous continuons à demander cet effort supplémentaire.En plus de cette réforme, l’Union européenne a lancé depuis 2004 unpartenariat en faveur du coton africain à travers lequel pas moins de 15millions d’euros sont alloués au renforcement du secteur coton. Mais, les subventions européennes restent les plus élevées au monde parkilo de coton produit, le taux de découplage du soutien au coton (65%)est substantiellement plus bas que le taux moyen de découplage des au-tres produits (>90%) contredisant ainsi l’engagement de l’UE pris à HongKong de faire plus dans le coton que dans le reste de l’agriculture, en rai-son de son importance pour le développement des pays pauvres.Les pays africains producteurs de coton considèrent qu’il s’agit là d’uneréforme incomplète qui ne remplit pas les obligations de Hong Kong.

GLOCAL : Quels sont les enjeux de la coopération et collabora-tion entre les pays africains producteurs de coton et la Chinedans un cadre plus large de diplomatie économique ?

PROSPER VOKOUMA : Je dirai que ces relations sont en train de pas-ser du bilatéralisme au multilatéralisme. Cette évo-lution importante est due au soutien de la Chine auxorganisations interafricaines. Depuis 2003, laChine renforce ces relations multilatérales avec lesorganisations régionales et sous régionales afri-caines. En effet, depuis le premier sommet sino-africain, la politique africaine de la Chine s’inscritdésormais dans une logique multilatérale, étant en-tendu qu’elle se définit par rapport au continentafricain dans son ensemble et non plus par rapportaux Etat pris individuellement.La satisfaction des besoins pour le renforcement del’économie chinoise ne se limite pas seulement l’ap-provisionnement en pétrole. L’économie de l’em-pire du milieu a besoin d’autres produits comme lecoton, etc. Il faut le rappeler, la Chine est le premierpays consommateur de coton au monde.En 2000, la relation Chine-Afrique a connu unecourbe ascendante en termes de qualité deséchanges économiques. D’environ 9 milliards dedollars en 2000, les échanges sino-africains se sontélevés à 40 milliards de dollars en 2005, puis 55milliards de dollars en 2006. Cette progressionpourrait atteindre plus de 100 milliards de dollarsen 2011, estiment certains analystes.

GLOCAL : Les Etats-Unis, au travers du Programme d’améliora-tion du coton de l’Afrique de l’Ouest (WACIP) parviennent-ils àpallier de manière satisfaisante au préjudice qu’ils font subiraux pays africains producteurs de coton au travers des subven-tions qu’ils allouent à leurs producteurs ? Auriez-vous des chif-fres permettant d’évaluer le montant des programmes duWACIP et le type de financement qui leur sont attachés (créditsà taux préférentiels, financements gracieux, marchés intéres-sants pour des semenciers et producteurs d’intrants améri-cains…) et l’estimation des préjudices subis par le C4 ?

PROSPER VOKOUMA : L’objectif global du Programme d’améliora-tion du coton Ouest africain (WACIP) est de réduire la pauvreté et la faimen augmentant les revenus des producteurs de coton et des transforma-teurs. Selon certains responsables du WACIP, pour résoudre les princi-paux problèmes liés au coton africain, il faut se concentrer sur des aspectstechniques tels que l’approvisionnement en intrants et le crédit, l’amé-lioration des techniques d’égrenage….etc. Le montant du programme WACIP était de vingt huit (28) millions dedollars USD sur la période 2006-2010. Notons que ce programme qui apris fin en 2010 a été renouvelé. Nous saluons cette contribution finan-cière et nous exhortons les EU à faire davantage preuve de générosité auregard des énormes difficultés (hausse du prix des intrants, des engraisen particulier, l’évolution incertaine de la chaîne de valeur du coton) aux-quelles est confrontée la filière cotonnière ouest africaine. Mais tout enmesurant l’importance de l’aide au développement en faveur du coton,nous voulons ici souligner qu’à nos yeux, l’aspect commercial reste la so-lution idoine pour nos filières cotonnières menacées de disparition.Quant à l’estimation des préjudices subis par le C4, Il est clair que les paysde l’Afrique de l’ouest et du centre en particulier ont subi et continuentde subir un préjudice grave du fait des subventions accordées aux pro-ducteurs de coton aux Etats-Unis. Ce préjudice pourrait même s’aggraver

Berger, Michel - TCHAD - Triage du coton graineaprés la récolte d'essai sur station © Cirad

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si les Etats-Unis ne se conforment pas aux règles de l’OMC à courtterme. Selon des études de la Banque mondiale, les subventions accor-dées aux Etats-Unis réduisent, à elles seules, de plus de 250 millions dedollars le revenu annuel que les agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest ti-rent de l’exportation de coton. Il est même possible que le préjudicesubi par les pays africains du fait des subventions agricoles américainesdépasse les avantages que ces pays pourraient retirer de la loi sur lacroissance et les potentialités de l’Afrique, qui accorde un accès préfé-rentiel aux produits africains sur le marché américain.

GLOCAL : Dans le cas du partenariat UE-ACP/Afrique, quelsont été les impacts des projets mis en place depuis l’initiativesectorielle ? Quelles sont les perspectives du nouveau cadred’action du partenariat UE-Afrique sur le coton ?

PROSPER VOKOUMA : Dans l’ensemble, la plupart des activitésprogrammées pour le volet coton semblent se dérouler normalement,même s’il est actuellement trop tôt pour évaluer leur efficacité et leurimpact. Cependant, on doit relever la lenteur excessive rencontrée dansle processus d’élaboration des stratégies coton pour l’Afrique de l’Ouestet du Centre. Pour l’Afrique de l’Ouest, la complexité est accruepar la nécessité de partir d’une actualisation del’Agenda pour la compétitivité de la filière coton-textile adopté par les Chefs d’Etat et de Gouverne-ment en 2003 et évoluer vers une stratégierégionale partagée par toutes les parties prenantes.Face au retard constaté, le Comité d’Orientation etde Suivi du coton a demandé à l’Unité de Coordi-nation relative aux produits de base agricoles d’ac-tiver son processus de décentralisation en Afriquede l’Ouest pour faciliter les travaux dans le cadred’une mobilisation de tous les acteurs en vue del’élaboration et l’adoption d’une stratégie régionalecoton. Ce document présente la dernière mise àjour de la mise en œuvre du partenariat UE-Afrique sur le coton qui a été conclu par l’UE et lespays africains en juillet 2004 (Forum de Paris). Cepartenariat s’est traduit par l’adoption d’un pland’action conjoint qui a évolué vers un cadre d’ac-tion. A la suite d’une évaluation à mi-parcours dupartenariat en juin 2009, le plan d’action a été ré-visé pour devenir le cadre d’action du Partenariat.Le cadre d’action réaffirme la pertinence du parte-nariat UE-Afrique sur le coton et la nécessité de le poursuivre en l’adap-tant au contexte actuel. Le cadre d’action est à la fois un documentstratégique de référence s’articulant avec les stratégies régionales cotonet un outil de suivi des actions menées dans le cadre du Partenariat UE-Afrique sur le coton. Il constitue un outil de suivi de l’ensemble des ap-puis spécifiques du coton africain qui est mis à jour périodiquement surla base d’informations obtenues auprès des divers bailleurs de fonds etdes organisations interprofessionnelles intervenant dans les filières co-tonnières africaines.

GLOCAL : De nombreuses agences conduisent des projets liésau coton dans les pays du C4 et en Afrique en général. Vousserait-il possible de nous dire dans quelle mesure il serait pos-sible d’avoir une synthèse des analyses d’impact, des évalua-tions des bénéfices réels, de l’atteinte ou non des objectifs deces projets afin de comprendre dans quelle mesure l’aide audéveloppement internationale contribue ou non à avancervers une sortie de crise des filières coton?

PROSPER VOKOUMA : La Conférence Ministérielle de Hong Kongde décembre 2005 a entériné l’option prise en juillet 2004 à Genèved’aborder la question du coton, non seulement du point de vue com-mercial, mais également à travers l’aspect développement.Le paragraphe 12 de la déclaration ministérielle de Hong Kong définitle cadre dans lequel il est demandé à la communauté internationale dudéveloppement d’intensifier encore son aide concernant spécifique-ment le coton. En même temps, les pays africains producteurs de cotonsont encouragés à poursuivre et à approfondir leurs efforts de réformeinterne visant à accroître la productivité et l’efficience.Dans le cadre de la mise en œuvre de ces dispositions à travers le mé-canisme du cadre consultatif du Directeur général de l’OMC en faveurdu coton, l’aide au développement en faveur du coton se répartit endeux catégories : aide au développement spécifique en faveur du cotonet aide au développement dans les domaines de l’agriculture et des in-

frastructures connexes. Il est constant que cette aide est fortementconditionnée à des mesures de réforme interne dont toutes n’ont pastoujours été positives surtout dans le cadre des processus de privatisa-tion.Six années après l’adoption de ces mesures, le bilan régulièrement en-registré par le Directeur général paraît plus que mitigé. En effet, les ap-ports fournis par les partenaires au développement dans le cadre del’aspect développement du dossier coton semblent, sous leur forme ac-tuelle, insuffisants. Il convient de relever également les similitudes entreles projets et programmes conçus et financés par les donateurs multi-latéraux et bilatéraux ; ce qui ne permet pas une rationalisation dansl’utilisation des ressources et une réelle efficience desdits projets et pro-grammes. Afin de corriger ces situations d’inefficience et dans le soucide mieux prendre en compte les spécificités des besoins de développe-ment du secteur coton des pays co-auteurs de l’initiative sectorielle enfaveur du coton (C-4), l’option a été prise au niveau du C-4 de tenircompte dans les négociations du nécessaire lien entre l’aspect déve-loppement du dossier coton et l’initiative de l’Aide Pour le Com-merce (APC) et définir, en lieu et place des projets nationaux épars

à l’impact relativement limité, un cadre pro-pice à la formulation d’un programme conjointmultidi mensionnel et intégré à soumettre auxpartenaires au développement.

GLOCAL : Dans une stratégie de valorisa-tion du coton et d’une plus grande trans-formation textile dans la région,comment voyez-vous l’articulation entrela préservation des relations commer-ciales et diplomatiques, le renforcementde la coopération Sud-Sud et la protec-tion d’une transformation et d’uneconsommation locales ou régionales ?PROSPER VOKOUMA : Dans une stratégiede valorisation du coton et d’une plus grandetransformation de la fibre, il faudra rendre dis-ponibles les stratégies nationales ou régionalesen faveur du secteur coton avec une indicationdes domaines d’intervention des bailleurs defonds sur le coton. Il faudra développer des pro-grammes de coopération Sud-Sud en vue d’unemeilleure intégration de la chaîne du coton, ycompris une plus grande transformation à

l’échelle régionale, il faudra également veiller à un renforcement de ca-pacité dans les pays africains producteurs de coton et à une améliora-tion de la compétitivité des filières à travers, entre autres, la baisse descoûts de production, la formation et la recherche.C’est dans ce cadre que la Commission de l’UEMOA a mis en place de-puis 2003, un agenda pour la compétitivité de la filière coton – textilequi avait pour objectif majeur de transformer 25 % de la production àl’horizon 2010. Cet agenda, qui n’a pas atteint les résultats escomptés en raison des dif-ficultés rencontrées dans sa mise en œuvre, est à ce jour en cours de ré-vision, notamment au niveau des objectifs stratégiques et opérationnelsde la filière coton-textile intégrant l’ensemble des préoccupations liéesà la compétitivité, à la transformation et à la commercialisation ducoton.Mais notre conviction profonde est que les importantes potentialités dela filière coton-textile pour le développement économique de nos pays,ne peuvent pas être durablement exploitées tant que la question de l’as-sainissement du fonctionnement du marché mondial du coton ne serapas une réalité.

GLOCAL : Coton et consolidation de l’intégration régionale -dans quelle mesure le coton est-il un instrument favorisantl’intégration régionale (politique, sociale, commerciale, cul-turelle) ? Dans quelle mesure pourrait-il jouer un rôle encoreplus grand ?

PROSPER VOKOUMA : Plus de 15 millions de personnes vivent di-rectement ou indirectement de la culture du coton en Afrique de l’Ouestet du Centre où ce produit est la principale source de revenus. (i) Il leurpermet d’abord, d’améliorer leurs conditions matérielles de vie, car lesrevenus tirés de la vente du coton leur permettent de satisfaire un grandnombre de besoins quotidiens. (ii) Ensuite il leur permet d’accéder àl’éducation et aux soins de santé à travers notamment la contributiondes paysans à la construction d’écoles, de centres de santé communau-

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58 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

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taires. (iii) Enfin, les autres cultures profitent de celle du coton entermes d’engrais, de savoir faire, de mécanisation et de crédits.A cela, il convient d’ajouter le rôle important en matière de désencla-vement et de politiques sociales joué par les compagnies cotonnièrescar, pour mieux assurer le transport du coton, ces compagnies contri-buent à la construction et à la réparation des routes et pistes ruralestant au niveau national que régional.Le désenclavement a un effet multiplicateur sur le bien-être des popu-lations à travers la connexion entre zones de production et zones decommercialisation.

GLOCAL : Le faible niveau actuel de transformation du cotondans toute la sous-région est une problématique qui est au car-refour de beaucoup d’autres (stratégie énergétique, finan-cements, infrastructures de transport…). Commentenvisagez-vous une évolution dans ce domaine, au Burkinaet dans la sous-région selon quel ordre de priorité ? Quelssont les points de blocages que les plus hautes autorités po-litiques étatiques peuvent contribuer à lever ?

PROSPER VOKOUMA : C’est un débat en cours au niveau de laCommission de l’UEMOA. Ce débat prendra en compte naturellementla sécurisation des revenus des producteurs de coton, l’attraction del’investissement privé dans la transformation de la fibre, et l’implicationdes égreneurs dans la transformation de la fibre. Donc je ne me pro-noncerai pas plus sur le sujet.

GLOCAL : Si vous deviez donner 2 écueils, sujets de crispation,vérités centraux mais difficiles à dire et à entendre en ce quiconcerne la situation actuelle du coton africain en Afrique del’Ouest et du centre, quelles seraient-elles ?

PROSPER VOKOUMA : Je ne sais pas s’il y a des vérités difficiles àdire et à entendre en ce qui concerne la situation actuelle du coton afri-cain. Mais pour que la production cotonnière des pays africains soit ren-table et puisse constituer une activité économique clé pour notreéquilibre socio-économique ; il semble nécessaire de traiter les pro-blèmes concurrentiels au niveau de l’OMC, avec deux objectifs princi-paux : obtenir l’arrêt des intolérables subventions américaines (voire,européennes) au coton et maintenir une « ceinture de sécurité doua-nière » aux frontières des pays africains, le temps qu’ils mettent enœuvre avec succès leur stratégie de filière et de valeur ajoutée «coton ».

GLOCAL : Dans le tandem peuple et leaders pour un dévelop-pement de l’Afrique : la « nécessité de s’assumer », est-ce uneresponsabilité historique de nos générations ?

PROSPER VOKOUMA : Il appartient aux générations actuellesd’assumer leurs responsabilités envers les générations futures. Par-tout dans le monde, la construction de nations modernes et la défini-tion de stratégies de développement ont du temps. L’Afriquen’échappe pas à cette règle, mais elle doit prendre effectivement sondestin en mains en s’engageant énergiquement dans un projet collectifdont la construction et la mise en œuvre appartiennent à la fois auxélites politiques et intellectuelles et à l’ensemble des acteurs sociauxdans et hors du continent.Dans cette voie, et en complémentarité avec les efforts consentis parles acteurs institutionnels et non institutionnels dans chaque pays, auniveau régional, continental et mondial, nous ne devrons plus nouscontenter seulement de faire des bilans, mais plutôt œuvrer à faireémerger une Afrique ayant sa propre vision du monde, sa propreconception de la gouvernance et son propre itinéraire de développe-ment ancrés dans les réalités du continent et répondant aux défis dela modernité et de la mondialisation. Les générations actuelles ont laresponsabilité de léguer aux générations futures : (i) une Afrique quia trouvé elle-même sa voie en tirant le meilleur parti de ses traditions,revisitées à la lumière des défis du 21e siècle, et le meilleur de l’expé-rience internationale, librement interprétée par elle et non imposéesous forme de normes et de conditionnalités ; (ii) une Afrique dotéed’un système de production et d’échange lui permettant à son tour debénéficier des avantages de la mondialisation mais aussi d’énoncerses propres règles du jeu afin de préserver ses écosystèmes, de déve-lopper progressivement ses propres compétences et son propre sys-tème productif, de concevoir son propre développement durable ense réappropriant son riche potentiel ;et (iii) une Afrique qui a renou-velé ses relations et renforcé un partenariat juste et équitable avec lesautres pays et continents du monde, qui est sortie de la dépendanceet qui fait entendre sa voix dans le concert des nations.

GLOCAL : En prenant la question du coton comme illustration,selon vous, comment l’Afrique peut-elle avancer vers une plusgrande liberté (gagnée) de faire ses choix et exercer une plusgrande capacité à les défendre ?

PROSPER VOKOUMA : J’ai déjà répondu à cette question en partie,au risque de me répéter je dirai que le dossier coton a fini par devenirun dossier emblématique du Cycle de Doha. La question des subven-tions agricoles présente de sérieuses menaces sur la crédibilité del’OMC. L’impossibilité de trouver une réponse adéquate à l’initiativesectorielle en faveur du coton est jusqu’à ce jour un des facteurs para-lysant du Programme de Doha pour le Développement. Les pays du C4 et l’ensemble des pays africains se sont donnés commemot d’ordre de ne pas abandonner le combat et de maintenir la pressionsur les pays qui octroient des subventions distorsives à leurs produc-teurs de coton. Ils doivent rester solidaires et soudés y compris avecles organisations paysannes ainsi que les Organisations non gouverne-mentales nationales et régionales pour une même cause comme cela atoujours été le cas du dossier coton. C’est de cette manière que l’Afriquepeut faire entendre sa voix et défendre ses intérêts et cela ne pourra sefaire sans solidarité, unité et engagement.

GLOCAL : Qu’avons-nous oublié de vous demander qui voussemble crucial dans cet état des lieux sur le coton africain?

PROSPER VOKOUMA : Depuis huit ans, nous n’avons cessé demontrer à la communauté internationale la détresse que vivent les pro-ducteurs de coton des pays africains. Nous l’avons dit et répété, pournous, ce qui se joue à l’OMC n’est ni plus ni moins que la crédibilité dusystème commercial multilatéral auquel nous devrions être tous atta-chés. Avec, les Etats-Unis d’Amérique, le tableau est beaucoup moins encou-rageant. Non seulement il s’agit de la plus importante source de distor-sion en volume du marché du coton, mais de surcroît, et malgré unecondamnation à l’OMC dans un différend avec le Brésil, aucun signepositif n’a été enregistré dans le sens d’un alignement de leurs pratiquesde soutien sur celles autorisées par le système commercial multilatéral.Nous fondons beaucoup d’espoir dans la réforme prévue de la FarmBill (loi agricole américaine) de 2013 pour enfin voir ce grand pays seconformer aux règles de l’OMC. Les cotonculteurs africains ne deman-dent pas un traitement de faveur, ni un traitement spécial et différencié,mais simplement l’application des règles et principes que les membresde l’OMC se sont eux-mêmes donnés. L’augmentation des prix du coton constatée depuis juillet 2010 n’estpas une raison suffisante pour ne rien faire et cette augmentation reflèteun déséquilibre structurel de l’offre et de la demande. Lors de la der-nière campagne 2009/2010, les pays ACP ont produit 800.000 tonnesde coton-fibre, soit 3,5 % de la production mondiale. Alors qu’il y aquelques années le Burkina et le Mali à eux seuls produisaient plus quecela. A court terme, les prix du coton devraient se maintenir à un niveautrès élevé. Mais les cotonculteurs des pays africains ne profitent pas decette hausse. A moyen et long terme, les perspectives sont moins ré-jouissantes et plus aléatoires. D’une part, parce que l’augmentation desprix du coton va se traduire, théoriquement et mécaniquement, par uneaugmentation des prix des produits textiles et des vêtements.. De tellesaugmentations ne peuvent pas être supportées par le marché mondialdes produits finis textiles et de vêtements. Ceci aura pour conséquence,soit d’inciter les consommateurs à réduire leurs achats vestimentaireset textiles, soit de reporter leurs achats sur des produits vestimentaireset textiles autres qu’en coton. Dans tous les cas, cela devrait peser surla consommation mondiale de coton. Plus fondamentalement les prix du coton et donc le revenu des coton-culteurs seront au cours des prochains mois directement fonction de laproduction mondiale de coton et donc des conditions météorologiques.Si les conditions météorologiques dans les principaux pays producteurssont mauvaises, la production sera faible et les prix seront élevés, et in-versement. Enfin, permettez-moi de vous remercier etremercier à travers votre agence, tous ceuxqui luttent pour notre cause. n

PROSPER VOKOUMA

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G- Le coton africain dans le cycle de Doha 59

Les opinions exprimées dans cet article n’enga-gent que son auteur et non Oxfam Internatio-nal.En septembre 2002, le Brésil dépose uneplainte auprès de l’Organe de Règlement desdifférents (ORD) de l’Organisation Mondiale duCommerce (OMC) contre les subventions amé-ricaines au coton. Le problème est des plus sim-ples : les cours mondiaux sont au plus bas et lesEtat Unis sont devenus le principal acteur surle marché du coton avec 40% des exportationsmondiales en 2003, contre 17% en 1998. Ce suc-cès parait davantage basé sur un très généreuxsystème de subventions aux 25 000 produc-teurs américains, qui touchent jusqu’à plus de$3 milliards par an en subventions, que sur lacompétitivité des producteurs locaux1. Selon lathèse du Brésil, Ces subventions conduisent àune baisse des prix mondiaux en isolant com-plètement les producteurs américains des si-gnaux du marché. Les autres producteurs, qu’ilssoient brésiliens, chinois, indiens ou africains,sont ainsi les grands perdants face à cetteconcurrence déloyale.En Afrique de l’Ouest notamment, la questiondu marché international du coton et de l’impactdes subventions américaines va progressive-ment prendre toute sa place sur l’agenda poli-tique régional suite aux interpellations desorganisations de producteurs de coton. Et pourcause : le coton est la principale source de reve-nus agricoles, avec 10 millions de producteurset un rôle prépondérant dans les économies lo-cales. Hors, cette filière, qui fait face à des défismajeurs au niveau national entre privatisationdes sociétés cotonnières et manque d’investis-sement chronique, est directement menacéepar la volatilité des prix et les pratiques dé-loyales des Etats-Unis.Le constat est sans appel : les subventions tirentà la baisse les prix mondiaux et permettent auxproducteurs américains d’accaparer le marchéau dépend des autres pays producteurs, parmilesquels on trouve certains pays parmi les pluspauvres du globe. La question du coton devientdonc une illustration parfaite de ce qui est enjeu à l’OMC : Le système commercial multilaté-ral doit permettre de remettre à plat des règleset pratiques commerciales qui sont biaisées enfaveur des pays les plus riches, entravant ainsile développement économique des pays du sud.C’est tout l’objet du cycle de Doha, ou du moins,c’est sur cette base que le nouveau cycle de né-gociation a été vendu aux pays en développe-ment à Doha en 2001. Ceux-ci étaient en effetdans leur grande majorité réticents à l’idée delancer de nouvelles négociations alors mêmequ’ils n’avaient pas encore complètement misen œuvre les accords issus du cycle précédent.

Ils se sont toutefois laisses convaincre par lapromesse « d’un cycle sur le développement ».Contrairement au Brésil, les pays d’Afrique del’Ouest du C42 décident de défendre leur causedans ce cycle de négociations, à travers une ini-tiative spécifique sur le coton visant à supprimerles subventions ayant un impact sur le com-merce. Plusieurs raisons peuvent expliquer cechoix : Une procédure légale devant l’ORD del’OMC demande des ressources financières ethumaines qui ne sont qu’à la portée des paysdéveloppés ou émergents. Ainsi, aucun pays du

groupe des Pays les Moins Avancés (PMA) n’aà ce jour déposé de plainte auprès de l’ORD.Dans le cas présent, les risques politiques liés àune attaque frontale des Etats-Unis ont aussiété jugés trop importants. Il est notamment in-téressant de constater à ce sujet que la premièreinitiative sectorielle sur le coton déposée par leC43 s’inscrivait dans une logique systémique deréduction des subventions au delà du seul casdes Etats-Unis. Enfin, la complémentarité entreles initiatives brésilienne et africaine devait per-mettre de renforcer leurs demandes respectives,de garder le sujet à l’agenda politique et média-tique et, au final, d’obtenir une élimination dessubventions ciblées.2005 fut ensuite une année clé pour ces proces-sus. En Mars, les membres de l’OMC adoptentle rapport de l’Organe d’Appel4. Le Brésil gagnedonc sa longue bataille juridique avec les Etats-Unis. Les subventions américaines au cotonsont illégales et causent un préjudice certain auBrésil, et par extension aux autres pays produc-teurs. La même année, la Conférence Ministé-rielle organisée à Hong Kong confirme que le

cycle de Doha doit traiter de la question ducoton de manière ambitieuse, rapide et spéci-fique5. On pense alors que ces résultats sur leplan légal et politique vont être suivis d’unemise en œuvre aux Etats-Unis. Apres tout, le ca-ractère contraignant des décisions de l’OMC estsouvent célébré comme un atout phare du sys-tème commercial multilatéral.6 ans plus tard, alors que le dixième anniver-saire du cycle de négociation de Doha se profilea la fin de l’année, le problème des subventionsau coton reste entier. Le cycle de Doha est mo-

ribond et n’a toujours pas été finalisé, et lesappels des dirigeants du G20 à conclure lesnégociations en 2011 n’engagent plus queceux y croient. Ces mêmes pays ne paraissentpas en mesure de faire les compromis etconcessions nécessaires pour boucler un ac-cord. La plupart des pays en développement,qu’ils soient émergents ou non, souhaitent enfinir et conclure ce cycle, davantage pour desraisons systémiques et pour sauvegarder lesystème, que pour la valeur économique dupaquet sur la table. Face à eux, l’administra-tion américaine court le risque de détricoterles avancées effectuées depuis 2001 en conti-nuant de réclamer toujours davantage deconcessions de la part des grands pays émer-gents dans l’espoir d’obtenir l’indispensablesoutien du Congrès. Si l’on observe en ce début d’année 2011, unecertaine reprise de l’activité à Genève, le cotonreste essentiellement absent des discussionstechniques en cours. Le coton fait en effet par-tie des questions qui nécessitent un arbitrage

politique au plus haut niveau et qui ne pourrontdonc être traitées qu’au niveau ministériel, aumieux lors d’une potentielle réunion en juillet2011, si l’on en croit le calendrier adopté endébut d’année. Nul doute que cette questionreste néanmoins un dossier central dans les né-gociations. Si le cycle devait effectivement seconclure, il serait évalué en partie à travers lesrésultats obtenus sur la réduction des subven-tions au coton.La voie des négociations choisie par les paysafricains n’a donc jusqu’ici pas mené aux résul-tats espérés, malgré les engagements pris àHong Kong. De même, plus de 5 ans après ladécision de l’ORD condamnant les subventionsaméricaines, ces programmes sont donc tou-

Par ROMAIN BENICCHIO - Conseiller politique et media, Oxfam International

Le dossier coton à l’OMC : Des victoires juridiques et politiques qui restent à concrétiser

Gawrysiak, Gérard - CAMEROUN - Balles decoton-graine sur le marché de Ngong - © Cirad

1 “Cultivating Poverty: The impact of US cotton subsidies on Africa”,Oxfam briefing Paper, Sept. 2002, http://www.oxfam.org.uk/re-sources/policy/trade/downloads/bp30_cotton.pdf2 Benin, Burkina Faso, Mali, Tchad3 WTO document : TN/AG/GEN/4, 16 mai 20034 WTO document : WT/DS267/AB/R, Mars 20055 Déclaration ministérielle adoptée le 18 décembre 2005 :http://www.wto.org/french/thewto_f/minist_f/min05_f/final_text_f.htm#cotton

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60 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

jours en place. Les Etats-Unis ont utilisé toutesles options juridiques à leur disposition pour re-tarder la mise en œuvre des décisions de l’Organed’Appel. Ceci leur a d’ailleurs permis de recon-duire les programmes de subventions condam-nés une fois malgré les décisions l’OMC lors dela précédente Farm Bill de 20086.Aujourd’hui, les programmes de subvention aucoton américains sont toujours en place, mêmesi le caractère contra cyclique de certains faitqu’ils ne sont pas actionnés en période prix éle-vés. Mais non content de continuer à subvention-ner le « roi coton » à hauteur de $ 2.2 milliardsen 20097, le contribuable américain doit désor-mais aussi subventionner les producteurs brési-liens, à hauteur de $ 147 million par an. La longue procédure de règlement des différentsn’a en effet pas abouti une élimination des pro-grammes incriminés, mais à l’accord suivantentre le Brésil et les Etats-Unis : Les premiers sesont engagés à ne pas utiliser dans l’immédiatleur droit à imposer des mesures de rétorsion, enéchange de quoi les seconds se sont engagés àverser une compensation à un institut de re-cherche brésilien sur le coton. Cet accord doitpermettre à l’administration américaine de tra-vailler sur la mise en œuvre d’une reforme dessubventions dans le cadre de la prochaine FarmBill en 2012. En d’autres termes, Les Etats-Unissubventionnent les producteurs brésiliens pourpouvoir continuer à subventionner leurs propresproducteurs. Le fonds du problème lui demeure.Le Brésil renonce donc pour le moment à sa stra-tégie initiale qui était d’imposer des mesures derétorsion croisées, dans les secteurs des servicesou de la propriété intellectuelle, afin de pousserces secteurs économiques influents et peuconcernés par les subventions agricoles à pousserune reforme des subventions au coton aux Etats-Unis. Une stratégie séduisante sur le papier quiimpliquait toutefois des risques commerciaux etdiplomatiques certains pour le Brésil. Un autreélément qui a également pu influencer la straté-gie brésilienne est le fait que de telles mesures derétorsion auraient pu avoir un impact contre pro-ductif dans l’actuel contexte politique américain.Il était ainsi envisageable que de telles mesuressoient perçues comme une déclaration de guerrecommerciale par les acteurs politiques améri-cains et non comme la suite logique à l’absencetotale de mise en œuvre d’une décision de l’OMCpar les Etats-Unis. Après neuf années de combat politique et juri-dique, il est désormais établi que les subventionsaméricaines seront reformées dans le meilleurdes cas en 2012. On peut d’ores et déjà imaginerque malgré les menaces de sanction brésilienneset la volonté observée de réduire le budget fédéralau sein du Congres, les défenseurs des subven-tions au coton vont continuer de se battre bec etongles pour le maintien de ces généreux pro-grammes.Les forces en présence sur le marché du coton

ont également changé depuis 2002. La produc-tion américaine a baissé de plus de 40% entre2004 et 2009. Malgré cela, les Etats-Unis restentle premier exportateur mondial. Dans le mêmetemps l’Inde devenait un pays exportateur enaugmentant sa production de 20%. La Chine,plus grand importateur mondial de coton, aug-mentait également sa production de 13%. Surcette même période, la production africaine a ellebaissé de plus de 40%8. Ces chiffres soulignent l’extrême vulnérabilité dela filière cotonnière africaine ainsi que les défis

qu’elle doit affronter. Si ces défis ne se limitentbien évidemment pas àla question de l’impactdes subventions améri-caines, Il n’en reste pasmoins que jusqu’ici, lesystème commercial in-ternational n’a pas été en me-sure d’apporter unecon tribution concrète au sau-vetage des filières africaines. n

Etude de l’impact des subventions du coton américainsur les pays d’Afrique centrale et de l’Ouest : Examendes problématiques et analyses - Résumé d’une étude ana-lytique en cours de publication par 2ACD»

Les subventions du coton ont été à la une dans les politiques et négociations commercialesinternationales pendant une décennie. Au début du développement de l’Agenda des né-gociations de l’OMC à Doha, les P-4, pays de l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso,Tchad et Mali) ont appelé à l’arrêt des subventions du coton américain, car elles causaientla baisse du prix du coton sur les marchés mondiaux. Depuis lors, les négociations del’OMC se sont poursuivies sans qu’aucune résolution ne soit prise sur les questions liéesau coton. Toutefois, dans un différend bien connu au sein de l’OMC, le Brésil a clairementdémontré que les subventions du coton provoquent la chute des prix du coton et portentun sérieux coup à l’industrie du coton brésilien. Après avoir perdu le procès, les Etats-Unis ont refusé de supprimer les subventions les plus nocives, mais se sont plutôt proposéde verser une compensation au Brésil. Entre 2001 et 2010, les dépenses engagées par le gouvernement Américain au titre de sub-vention du coton se chiffrent à environ 26,4 milliards de dollars U.S. Le présent articleévalue, à travers un modèle de simulation empirique, comment les subventions du cotonaméricain affectent le coton en Afrique centrale et de l’Ouest. Par l’usage des taux de sub-vention et des estimations des paramètres de l’offre et de la demande, le modèle révèleque les subventions du coton américain ont causé une perte de revenu de plus de 1,6 mil-liards de dollars U.S. aux 12 pays producteurs du coton en Afrique centrale et de l’Ouestau cours de la période 2001-2010. Les impacts des subventions varient annuellement àl’inverse des prix du coton ; à titre d’exemple, en 2006, les subventions du coton américainont réduit le revenu du coton dans les pays sus-évoqués de plus de 200 millions de dollarsU.S., dont environ 65 millions de dollars U.S. pour le Burkina Faso et 25 millions de dollarsU.S. pour le Benin, deux des pays les plus pauvres de la planète. L’une des composantesdes subventions du coton, le Marketing Loan Program (Programme de Prêt du Marché),a contribué pour près de la moitié des pertes de revenue dues aux subventions. Le présent article évalue les perspectives économiques qui permettront aux pays africainsde poursuivre avec succès le règlement des différends à l’OMC suivant l’orientation géné-rale de l’affaire du coton américain portée par le Brésil. L’OMC n’a pas de dispositions vi-sant à payer des compensations pour des pertes passées ou permettant à des tierces partiesde recevoir des compensations pour un différend où elles n’étaient pas engagées. En outre,compte tenu des prix du coton actuels et envisagés, les effets du programme du coton amé-ricain seront probablement plus faibles que pendant la décennie écoulée. Plus importantencore, les avantages du Marketing Loan Program seront probablement de zéro à courtterme. Ainsi, il est peu probable que les pays africains bé-néficient facilement d’un nouveau différend à l’OMC. Tou-tefois, avec une pression international permanente, etcompte tenu du budget et des d’autres préoccupations, lesEtats Unis pourraient réduire les subventions du cotonunilatéralement dans le Farm Bill 2012, et l’Afrique pourraitaider à l’accélération de telles réformes. n

Par DANIEL A. SUMNER - Director, University of California Agri-cultural issues center and Frank H. Buck, Jr. Professor, Departmentof Agricultural and Ressources Economics

DANIEL A.SUMNER

6 “Square pegs in round holes: How the Farm Bill squanderschances for a pro-development trade deal”, Oxfam briefing note,July 2008: http://www.oxfamamerica.org/publications/square-pegs-in-round-holes/?searchterm=farm%20bill7 EWG farm subsidy database:http://farm.ewg.org/progdetail.php?fips=00000&prog-code=cotton8 Source: http://www.africancotton.org/doc/Edition%20Spe-ciale%20de%20Cotton%20Outlook_English-310709.pdf

ROMAINBENICCHIO

NB: Ce texte en français n’est pas la version originale, mais une traduction libre d’untexte initialement écrit en anglais (Voir version anglaise de ce Numéro spécial).

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G- Le coton africain dans le cycle de Doha 61

GLOCAL : Pourriez-vous revenir, enquelques mots, sur la genèse du « com-bat » brésilien pour sa production ducoton? Qu’est-ce qui a provoqué laplainte déposée contre les Etats-Unis ?

FLÁVIO S. DAMICO : Au moment où leBrésil avait requis des consultations avec lesEtats-Unis en septembre 2002, la US FarmBill 2002 et d’autres lois américaines garan-tissaient et autorisaient le paiement d’unlarge éventail de subventions à l’industrie lo-cale et d’exportation pour la production, l’uti-lisation et l’exportation du coton uplandaméricain. Les producteurs américains decoton upland figuraient parmi les produc-teurs de coton upland les plus chers dumonde, avec des coûts totaux moyens large-ment au dessus des prix des marchés améri-cains et mondiaux au cours d’une période decinq ans, qui a précédé la requête du Brésilpour la mise en place d’un panel en février2003. Depuis 1998, ces coûts avaient connuune augmentation, mais dans le mêmetemps, les prix mondiaux du coton avaientfortement chuté. Cette situation a perduréjusqu’à une date récente.Le pourcentage de la production américaineexportée s’était tant accru que la part des ex-portations des Etats-Unis était passée de25% à 38% du total des exportations mon-diales vers le deuxième trimestre l’année2002. Cette augmentation a fait des Etats-Unis, de très loin, le plus gros exportateur decoton upland du monde. Le Brésil a subi ungrand préjudice causé par les faibles prix etla part du lion que s’étaient taillé les Etats-Unis dans le marché des exportations depuis1999. Les prix brésiliens et mondiaux, quiavaient piqué du nez à cause des subventionsdu coton upland américain, avaient eu unimpact négatif sur le revenu agricole brési-lien, l’équilibre commercial, les services liésau coton, les revenus fédéral et gouverne-mental, l’emploi, etc.La Farm Bill 2002 et d’autres lois autori-saient le paiement de nombreuses subven-tions jusqu’en 2007. Ces subventionsgarantissaient des niveaux de subventionspermettant aux Etats-Unis de poursuivre uneproduction massive du coton upland sans sesoucier des coûts de production et des prixmondiaux du coton upland Les prévisionsdes Etats-Unis de l’époque démontraientqu’au cours de la durée de vie restante de laUS Farm Bill 2002, la production américaineresterait très élevée tandis que le prix mon-dial anticipé resterait largement en deçà ducoût de production américain.

GLOCAL : Pourquoi le Brésil a-t-il choisil’approche juridique pour défendre saproduction du coton ? L’option de la né-gociation avait-elle été envisagée ?

FLÁVIO S. DAMICO : Avant de demanderla mise en place d’un panel, le Brésil et lesEtats-Unis avaient tenu trois consultations surles subventions entre décembre 2002 et jan-vier 2003. Ces consultations n’avaient pas dé-bouché sur une solution satisfaisante pour lesdeux parties. Le problème auquel le Brésilétait confronté était de trouver la meilleure so-lution à une situation pour laquelle nousétions persuadés que les subventions améri-caines ne concordaient pas avec les disciplinesde l’OMC. Le recours au mécanisme de règle-ment de différends de l’OMC constituait l’outille plus adéquat disponible pour s’attaquer à ceproblème.

GLOCAL : Pourriez-vous identifier etcommenter les moments clés, les tour-nants décisifs et les arguments qu’a pré-senté le Brésil jusqu’au verdict finalprononcé par l’Organe de Règlement desDifférends de l’OMC ?Pourriez-vous expliquer les points im-portants de l’accord trouvé entre les

deux pays ?FLÁVIO S. DAMICO : Le Brésil et les Etats-Unis ont décidé d’un cadre pour une solutionadoptée par entente mutuelle au différendsur le coton à l’Organisation Mondiale duCommerce (WT/DS267) en date du 25 juin2010. Le cadre ne constitue guère en lui-même une solution adoptée par entente mu-tuelle au problème. Il fixe les paramètres dediscussions pour une solution par rapport auxprogrammes intérieurs d’appui au cotonupland aux Etats-Unis, et un processus d’opé-rations de révision conjointes des garanties decrédit d’exportation fixées dans le cadre duprogramme QSM-102. Le Brésil et les Etats-Unis ont également consenti à tenir desconsultations au moins quatre fois par an,sauf accord contraire, afin de parvenir à une

convergence de points de vue pour trouverune solution au différend cotonnier. Le cadrestipule également que, après promulgation dela loi qui remplacera la Farm Bill 2008, le Bré-sil et les Etats-Unis se consulteront pour dé-terminer si une solution concertée audifférend cotonnier a été trouvée. Le Brésil et les Etats-Unis on également signéun protocole d’accord le 20 avril 2010, danslequel les Etats-Unis ont commencé à effec-tuer des paiements mensuels dont le montantatteint 143,3 millions de dollars US par an, àune institution désignée par le Brésil. Lessommes reçues serviront au financement desactivités autorisées dans les domaines de l’as-sistance technique et du renforcement des ca-pacités liées au secteur du coton au Brésil,ainsi que de la coopération internationaledans le même secteur (par exemple dans lespays de l’Afrique sub-saharienne).

GLOCAL : Que pensez-vous de la situationdans laquelle se trouve le cycle de Dohaen ce moment ? Comment pourrait-onrelancer la dynamique de négociation ?

FLÁVIO S. DAMICO : Les négociations ontatteint un niveau critique. Nous étionspresque parvenus à une éventuelle conclusionéquilibrée en 2008. Depuis lors, certains Etatsmembres développés ont joint leur voix à celledes Etats-Unis, cherchant à accroitre l’ambi-tion de manière sélective dans le cycle, solli-citant des concessions supplémentaires de lapart des pays en développement ayant un rôleclé au sein du NAMA et dans le domaine desServices, tandis qu’aucun membre n’était dis-posé à faire des concessions supplémentairesdans le domaine agricole. Cette situationpourrait modifier fondamentalement l’équili-bre réalisé dans le package de 2008. Le seulmoyen de trouver une solution au cours desquelques opportunités qui se présenteront en2011 serait d’explorer le package de 2008, quiconstitue la seule base réaliste et pragmatiquede négociation.

GLOCAL : Combien ont réalisé les Etats-Unis en termes de réduction de subven-tion du coton depuis l’introduction parle C4 de l’initiative sectorielle en faveurdu coton africain en 2003 ?

Entretien avec M. FLÁVIO S. DAMICO - Ministre Conseiller, Mission Permanente du Brésil à l'OMC etauprès d'autres organisations économiques basées à Genève

La défense du coton brésilien, rétrospective et analyses

Le problème auquel le Brésil étaitconfronté était de trouver la meilleuresolution à une situation pour laquellenous étions persuadés que les subven-tions américaines ne concordaient pasavec les disciplines de l'OMC. Le re-cours au mécanisme de règlement dedifférends de l’OMC constituait l’outille plus adéquat disponible pour s’atta-quer à ce problème.

Le seul moyen de trouver une solutionau cours des quelques opportunités quise présenteront en 2011 serait d'explo-rer le package de 2008, qui constitue laseule base réaliste et pragmatique denégociation.

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62 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

FLÁVIO S. DAMICO : Jusqu’ici, les résultatsen matière de baisse de subvention sont trèsfaibles. La baisse relative des subventions ducoton américain au cours des dernières annéesest tributaire de la situation du marché où pré-valent les prix internationaux élevés. Ainsi, lasituation actuelle n’est pas le produit de ré-formes substantives des programmes de sub-vention du coton aux Etats-Unis. En cas debaisse du prix, si les Etats-Unis maintiennentleurs politiques actuelles, les subventions, enraison de leur nature contracyclique, augmen-teront à nouveau. Dans ce contexte, il importeégalement de noter que jusqu’à présent, lesEtats-Unis n’ont pas entièrement mis en œuvreles conclusions de notre différend sur le coton.

GLOCAL : Qu’en est-il des subventionsaméricaines aujourd’hui ? Ont-elles en-core un impact sur le coton brésilien au-jourd’hui ?

FLÁVIO S. DAMICO : Les mesures inté-rieures d’appui qui étaient contestées par leBrésil et dont les preuves étaient établiesqu’elles avaient un effet préjudiciable sous laforme de compression de prix du marché mon-dial restent en vigueur et n’ont connu aucunchangement. Bien que les effets de telles me-sures soient atténués de façon provisoire àcause des prix élevés en vigueur, le fait que lespolitiques de distorsion soient toujours enplace donne la latitude aux fermiers bénéfi-ciant des subventions de continuer d’étendreleur production. Ce faisant, ils sont moins ex-posés aux risques du marché que leurs concur-rents des pays en développement qui nebénéficient d’aucune subvention.

GLOCAL : A votre avis, que peut-on atten-dre de la Farm Bill 2012 en matière de ré-duction des subventions appliquées aucoton ?

FLÁVIO S. DAMICO : Le résultat des discus-sions de la Farm Bill 2012 restent ouverts. LesEtats-Unis indiquent que les réformes du pro-gramme de subvention dépendent des conclu-sions du cycle. De toutes les façons, si lescenario des prix élevés du coton se confirme,les Etats-Unis pourraient avoir une plus grandepossibilité de modifier leurs programmes, cequi pourrait favoriser l’application des résultatsde notre différend à l’OMC et une réponse à nospréoccupations actuellement sur la table desnégociations à Doha. Selon des articles de jour-naux récemment publiés, La US National Cot-ton Association axe sa demande en ce momentsur la poursuite des programmes considéréscomme «boite verte», notamment « les paie-ments directs découplés de la production », oul’assurance récolte spécifique ‘non-product’, quisont les seuls programmes fonctionnels du mo-ment, à cause des prix internationaux élevés.Ces tendances et les pressions intérieures pourles coupes budgétaires pourraient avoir un im-pact sur la facilitation des réformes dans lesprogrammes les plus perturbateurs tels que les« crédits d’aide à la commercialisation » et les« paiements contracycliques ». Pour le mo-ment, nous ne sommes pas sûrs que ce soit lecas.

GLOCAL : Pensez-vous que «le problèmedu coton africain» trouvera une solutionà l’OMC ? Peut-on envisager cela dans unfutur proche ?

FLÁVIO S. DAMICO : C’est très difficile deprédire si «le problème du coton africain» trou-vera une solution satisfaisante aux yeux du C4.En outre, il est clair que cette question a misplus de temps qu’il n’en fallait et que les pro-ducteurs africains ont subi de grosses pertes aufil du temps. En tout cas, en 2012, dans le cadredes discussions liées à la Farm Bill, nous avonsbon espoir que les résultats du panel de l’OMCseront pris en compte et que les législateursamèneront les Etats-Unis à se conformer enprocédant à une réforme approfondie de telsprogrammes. Si une telle avancée est réalisée,alors ce problème connaîtra un progrès remar-quable dans sa résolution. S’agissant du cyclede Doha, qui est une autre source de pressioncomme indiqué plus haut, les négociations ontatteint une étape décisive et, à ce moment, cen’est pas sûr que nous soyons en mesure d’at-

teindre des résultats en 2011. GLOCAL : En suivant l’exemple de votrepays, que pensez-vous d’une éventuellesaisine par les pays africains de l’Organede règlement des différents de l’OMC,contre les subventions soutenant le cotonaméricain ?

FLÁVIO S. DAMICO : Les mesures inté-rieures d’appui qui étaient contestées par leBrésil et dont les preuves étaient établiesqu’elles avaient un effet préjudiciable sous laforme de compression de prix au marché mon-dial restent en vigueur et n’ont connu aucunchangement. A cet effet, en ce qui concerne l’in-terprétation des dispositions juridiques, un dif-férend soumis par d’autres membres de l’OMCpourrait largement s’appuyer sur la jurispru-dence développée dans le différend soumis parle Brésil. D’autre part, la situation actuelle dumarché est très différente de celle qui prévalaitau moment où le Brésil avait décidé de saisirl’organe de règlement des différends. Cecipourrait avoir un impact sur la manière dont lepanel évalue les effets défavorables causés parles subventions, la nécessité de fournir davan-tage de preuves avec l’impact éventuel sur lescoûts que pourraient subir les plaignants.

GLOCAL : Y a-t-il d’importantes leçons ti-rées par la délégation brésilienne (docu-ments produits par les experts pourétayer les arguments, techniques de né-gociations, travail avec les ONG et les or-ganisations de producteurs…) quipourraient être utiles aux pays africainssi ces derniers déposaient une plaintecontre les subventions pratiquées par les

Etats-Unis pour soutenir leur coton ? FLÁVIO S. DAMICO : Pour déposer uneplainte, il est important d’avoir une base juri-dique solide, une très bonne compréhension dela législation des Etats-Unis, ainsi qu’une basede données bien fournie sur les détails de laproduction, les coûts, les tendances des prix etle mode opératoire des acteurs du marché. Auniveau du panel, le témoignage des producteursavertis qui sont familiers avec le fonctionne-ment du marché du coton (et la façon dont lessubventions influent sur le marché) peut êtred’une grande utilité.

GLOCAL : Tous ces arguments gardent-ilsleur pertinence, étant donné les prix éle-vés du coton sur le marché en ce momentet la future évolution des prix internatio-naux du coton ?

FLÁVIO S. DAMICO : La situation actuelledu marché est véritablement différente de celleà laquelle le Brésil était confronté quand il a ini-tié son procès. Ces développements peuvent in-fluer sur l’analyse factuelle des effets dessubventions.

GLOCAL : La coopération Sud-Sud est uneavancée intéressante. Pourriez-vous nouséclairer davantage sur les projets liés aucoton africain dans lesquels votre pays estengagé (types de projets, pays, res-sources, organisations brésiliennes im-pliquées…) ?

Sur quel diagnostic ces projets repo-sent-ils? Y a-t-il déjà des impacts visi-bles ?FLÁVIO S. DAMICO : Le Brésil est en trainde mettre en œuvre un ambitieux programmede coopération, d’assistance technique, detransfert de technologie et de renforcement decapacités avec le Bénin, le Burkina Faso, leTchad et le Mali dans le domaine du coton.L’Agence Brésilienne de Coopération (ABC) etle Société Brésilienne de Recherche Agricole(Embrapa) nous envoient des rapports surl’état d’avancement de la coopération et la miseen œuvre de ce programme. Les principales activités sont entre autres: (a)la construction et le développement d’une«Plantation Modèle de Coton » au Mali au pro-fit de tous les pays de Coton-4 (dont la valeurest estimée à 5,5 millions de dollars US) ; (b) lerenforcement des capacités dans le domaine dela culture du coton l’amélioration génétique ;(c) l’introduction des variétés ; (d) la lutte bio-logique contre les épidémies ; et (e) l’accroisse-ment de la rentabilité de l’industrie du coton. n

M. FLÁVIO S.DAMICO

C’est très difficile de prédire si "le pro-blème du coton africain" trouvera unesolution satisfaisante aux yeux du C4.En outre, il est clair que cette questiona mis plus de temps qu’il n’en fallait etque les producteurs africains ont subide grosses pertes au fil du temps.

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G- Le coton africain dans le cycle de Doha 63

IntroductionDepuis que les pays africains ont commencé àfaire le lien entre les difficultés de leur filière co-tonnière, la dépréciation des prix au niveau in-ternational et les subventions américaines, ils sesont efforcés de trouver des solutions. Il n’a ja-mais été question, pour eux, de remettre en causeles problèmes intrinsèques de la filière au niveaulocal. Tout autant, les subventions américainesont toujours été considérées comme un élémentimportant du problème du coton africain. Beau-coup de concertations formelles et informellesont été organisées. Plusieurs organisations, inter-gouvernementales et de la société civile, ont étéimpliquées. Au final, la décision de privilégier uneInitiative sectorielle au détriment de la saisine del’Organe de Règlement des Différends (ORD) aété prise. Cette Initiative avait ses mérites et seslimites. Son mérite principal a été d’avoir posé leproblème du coton africain à l’OMC. Sa limiteprincipale a été d’exclure la possibilité d’uncontentieux contre les Etats Unis. Les négociations durent depuis huit ans mainte-nant. L’un de ses acquis majeurs a été la miseplace d’un Comité spécial sur le coton en Novem-bre 2004. Depuis lors, les résultats se font atten-dre. C’était pourtant prévisible. Le coton reste unproduit agricole. Toute solution « exception-nelle » appliquée au coton devait se baser sur lasolution « de principe » appliquée à l’agriculture.C’est l’exception qui confirme et qui suit la règle.Une décision sur le coton est impossible tant qu’iln’y a pas d’accord sur l’agriculture. La mise enplace d’un Comité spécial sur le coton était doncune suite logique du Paquet de Juillet 2004 quimettait le coton sous la tutelle du Comité spécialsur l’agriculture. En 2011 encore, il n’y pas d’ac-cord sur l’agriculture ; il n’y pas de sérieuses dis-cussions sur le coton. C’est logique ! Le Brésil a gagné le contentieux qui l’opposait auxEtats Unis sur le même dossier et sur la mêmeproblématique. Ils ont trouvé un arrangementcommercial qui convient aux deux parties, à l’ex-clusion de toutes les autres. Le système de l’OMCle leur permet. Leur arrangement d’avril et dejuin 2010 est de nature strictement privé. Le dif-féré de l’application de contre mesures est une fa-culté offerte à la partie gagnante. Il s’inscrit dansl’esprit de la flexibilité des mesures de rétorsioncroisées qui visent à lui garantir le règlement quiconvient le mieux à ses intérêts. C’est légal. Et cesont des droits conférés à postériori au Brésil parle simple fait de sa saisine de l’Organe de Règle-ment des Différends (ORD). Ce qui n’est pas lecas des pays africains. Il s’y ajoute, et ce n’est pas de la moindre impor-tance, que toute solution trouvée par les pays afri-cains, dans le cadre de négociations à l’OMC, necommettra des droits nouveaux que pour le futur.C’est le propre de la négociation. Alors que la spé-cificité du contentieux est de reconnaitre le pré-

judice passé et de le prendre en compte. L’objetde cet essai est de montrer que si le dossier ducoton africain s’est enlisé à l’OMC, le contentieuxreste l’ultime option à explorer.

L’enlisement du dossier coton afri-cain à l’OMC : Rigidités systé-miques et Stratégies conflictuellesLa légitimité du dossier du coton africain àl’OMC n’a jamais fait l’objet de doutes. A priori,il était difficile de trouver les raisons de son échecou de son enlisement au point que le C4 n’en tirepas de bénéfices substantiels au bout de huit ansde procédure. Si les résultats escomptés ne sontpas au rendez vous, cela est dû à la combinaisonde quelques principes de l’OMC au fonctionne-ment assez rigide et d’approches stratégiquesafricaines pour le moins équivoques.

Une série de requêtes africaines inadap-tées au système de l’OMCL’Initiative Sectorielle sur le coton africain com-porte deux requêtes importantes. Une demanded’indemnisation d’une part ; et la proposition defaire du coton africain un produit spécial. Ellesrésultent d’une approche novatrice et pas forcé-ment incohérente, mais ne cadrent pas avec lesprincipes de fonctionnement de l’OMC.

Une demande d’indemnisation inap-propriée

En invoquant une solution d’urgence pour laprise en charge du dossier coton, les pays afri-cains ont demandé à être indemnisés. Ils postu-lent que dans la mesure où l’élimination totaledes subventions américaines présumées illégalesprendrait un certain temps, une indemnisationfinancière doit leur être accordée pour compen-ser les pertes de ressources qu’ils subissent. Ilsconsidèrent que la seule mesure à court termeréalisable est une indemnisation financièrecontractuelle qui rééquilibre les engagements ré-sultant du cycle de Doha, pour les membresconcernés. Cette indemnisation devrait être cal-culée au prorata des subventions accordées parles pays qui soutiennent leur production coton-nière. Elle diminuera et/ou s’arrêtera, au fur et àmesure que ces subventions seront réduites et/ousupprimées. Pour les pays du C4, la demande d’indemnisationse justifie par l’inefficience des instruments decompensation dont ils disposent à l’OMC. Eneffet, la compensation consistant en l’offre deconcessions supplémentaires sur d’autres pro-duits ne peut pas être efficiente pour les PMAproducteurs de coton qu’ils sont. Les rares autresproduits d’exportation dont ils disposent bénéfi-cient déjà d’un accès préférentiel dans d’autrescadres commerciaux. Le deuxième mécanismequi consiste en l’augmentation des droits dedouane sur les produits d’importation ne feraitque fragiliser d’avantage les PMA producteurs decoton puisque la plupart de leurs importationssont essentielles au développement et à la luttecontre la pauvreté dans leur propre pays. Cesdeux instruments de compensation se révèlentdonc contre-productifs. Ne leur restait alors que

cette demande d’indemnisation. Quoique clas-sique sur le plan international, elle est inédite etinappropriée hors du cadre du contentieux àl’OMC. Elle est certes originale, mais n’est pasprévue par le système commercial dans leschéma utilisé par l’Initiative sectorielle sur lecoton. Il est finalement apparu qu’insister surcette demande pourrait aboutir à une impasse.L’OMC ne pourrait pas y déférer. Une réponsepositive de sa part constituerait un «précédent»qui, à force d’être usité, exploserait le systèmecommercial.

Une requête de faire du coton un pro-duit spécial décalée

L’Initiative sectorielle sur le coton demande clai-rement que le coton africain soit considérécomme un Produit Spécial dans le cadre del’OMC ; ce qui lui conférerait un régime particu-lier en termes d’accès au marché. Cette requête aété formulée dans le contexte des négociationssur le cycle de Doha au moment où les sessionsspéciales du Comité de l’agriculture préconisaientla mise en place d’un régime de produits spéciauxpour les pays en développement. Ces produitssont considérés comme spéciaux en raison deleur importance en matière de sécurité alimen-taire, de développement rural et/ou de garantiedes moyens d’existence. L’Initiative sectorielle asurfé sur cette vague, et les pays du C4 ont de-mandé l’élargissement du concept aux intérêtsoffensifs des pays en développement, lorsquel’exportation de tels produits s’avère essentiellepour le développement agricole et la survie despopulations rurales des PMA, comme cela est lecas pour le coton. Ils demandent aussi que lui soitgaranti, à ce titre, un accès équitable sur le mar-ché mondial. Mais il est apparu très vite que cette démarchen’avait pas de chance de réussir. En effet, dans lecadre de l’OMC, un produit spécial s’applique àdes intérêts défensifs liés à la protection d’unebranche qui joue un rôle de premier plan dans ladéfense de considérations autres que d’ordrecommercial. Le produit spécial est donc, par dé-finition, sous un régime de traitement spécial etdifférencié. Cela est confirmé par l’usage qui enfait dans le Paquet de juillet 2004. Il ne peut êtreinvoqué que dans les cas où le produit en ques-tion ne porte pas en lui même son titre de com-pétitivité sur le marché international. Ce qui n’estpas le cas du coton africain dont les difficultés ré-sultent de l’altération du système commercial parles subventions. La valeur intrinsèque du cotonafricain lui confère un certificat de compétitivitédont les africains sont les premiers à se prévaloir.Vu sous cet angle, il ne peut pas être considérécomme un produit spécial. L’Initiative a tenté defaire du concept de produit spécial un usage of-fensif. Mais en définitive, il n’en reste pas moinsun outil audacieux mais inopératoire.

Une combinaison de stratégies conflic-tuelles défavorables au dossier africainLe choix d’une stratégie de défense du dossiercoton à l’OMC n’a pas été aisé. La naissance del’Initiative sectorielle est née de l’exclusion de

Par DR EL HADJI A. DIOUF - Directeur Exécutif de l’Agence Africaine pour le Commerce et leDéveloppement (2ACD) Synthèse d'une Etude analytique en cours de publication par 2ACD

Le dossier du coton africain à l’OMC : L’ultime option du contentieux

Cette Initiative avait ses mérites et seslimites. Son mérite principal a étéd’avoir posé le problème du coton afri-cain à l’OMC. Sa limite principale a étéd’exclure la possibilité d’un conten-tieux contre les Etats Unis.

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64 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

l’option du contentieux. Cette exclusivité ne s’estpas avérée heureuse. Il en est de même de l’asso-ciation des questions de commerce et de dévelop-pement, alors que l’essence du dossier estcommerciale.

Un choix exclusif de l’option de la négo-ciation assez réducteur

Si le dossier coton s’est révélé comme une expéri-mentation par les pays africains des modes defonctionnement de l’OMC, la faible participationdans les différents cycles de négociation et lemanque d’engagements aux procédures judiciairesde l’institution confirmaient la présence passive ducontinent dans le processus décisionnel. Il n’estpas exagéré de dire que tout leur bénéfice décou-lant du système commercial résultait plus d’unevolonté unilatérale ou d’un souci d’équilibre desautres membres que d’une quête argumentée etvolontaire. Dès lors, cette Initiative imposait uneimmixtion dans les arcanes de l’OMC ; ce qui allaitposer une question préjudicielle de méthode. Lecontentieux ou la négociation : quelle est la voie dusalut ? Le choix ne s’est pas avéré aisé eu égardcertes à la méconnaissance des rouages, mais sur-tout à l’envergure du protagoniste du camp d’enface. Ce sont les Etats-Unis qui sont en ligne demire. Pour les partisans de la négociation commerciale,les USA sont un ogre économique et politique queles PMA du continent n’ont pas intérêt à affronter.Toute initiative ayant pour effet de les contrarierpourrait avoir des répercussions économiquesbien supérieures aux dégâts causés par leur poli-tique de subvention. Ils considèrent que la voie laplus directe consiste à négocier une réduction ef-fective des soutiens à l’agriculture dans le cadre despourparlers à l’OMC. Cette stratégie multilatéralea l’avantage de leur permettre de chercher des al-liances auprès d’autres pays en développement etd’accroître ainsi leurs poids dans la négociation. Ce choix de la négociation a pu paraitre exclusif,notamment à cause des difficultés à saisir l’organede règlement des différends de l’OMC. Un certainnombre de questions préjudicielles liées au pré-contentieux ont été brandies. Elles rendaient lasaisine de l’ORD aléatoire pour les pays africains.Il fallait démontrer que la clause de paix, qui estcontenue dans l’article 13 de l’Accord sur l’agricul-ture et qui s’opposait à tout contentieux dans le do-maine pendant 9 ans, était éteinte par le volumedes subventions américaines par rapport à l’annéede référence 1992. Ensuite, il fallait bâtir un argu-mentaire autour des niveaux d’engagements desEtats-Unis. Leurs subventions étaient-elles endeçà ou au-delà du niveau sur lequel ils se sont en-gagés ? L’inexistence de certitudes sur ces ques-tions et l’absence d’expertise propre ont pu êtreconsidérées comme des obstacles à une procédurecontentieuse crédible devant l’ORD. Il n’est pas su-perflu de mentionner, qu’au moment d’écarterl’option du contentieux pour les raisons ci-avantévoquées (Janvier-Mars 2003), le Brésil avait déjàsaisi l’ORD qui, au final, lui a donné raison aussibien sur la clause de paix que sur les niveaux d’en-gagement des Etats Unis.En fin de compte, les arguments débattus en fa-veur d’une plainte, reposaient essentiellement surle besoin des pays africains d’exiger ce qui leur estdû par les voies légales et sur la volonté d’éprouverles mécanismes du système de l’OMC. Cette voiene sera pas retenue, par méconnaissance peutêtre, par manque de moyens et d’expertises cer-tainement. Mais les lourds enjeux politiques sou-levés par ce dossier auront joué un rôledéterminant. Les décisions séparées du Bénin etdu Tchad de se constituer tierces parties dans laplainte du Brésil relèveront pour leur part d’uneanalyse souveraine de la situation et en dehors detout processus participatif.

Une association des questions de com-merce et de développement rejetée àl’OMC

L’OMC est elle l’enceinte idoine pour traiter desquestions de développement et de réduction de lapauvreté ? La question a pu se poser dès le mo-ment de l’élaboration de l’Initiative sectorielle et apu constituer un moment de tension autour del’orientation systémique à donner à la soumissionafricaine. Le problème du coton est multidimen-sionnel. S’il est social et économique dans sa ge-nèse, ses manifestations internationales ren voientplutôt à une injustice sociale découlant du non res-pect d’un certain nombre de prescriptions com-merciales internationales. Dans son intitulé, l’Initiative appelle à la réductionde la pauvreté. Or la participation au combatcontre le sous développement relève du pouvoirdiscrétionnaire strict des partenaires économiquesles plus nantis. Elle n’est invocable qu’en vertu deconsidérations morales ou de solidarité. Les ar-canes du système international sont ainsi faitsqu’historiquement, des enceintes ont été aména-gées dans le but d’harmoniser les mécanismes éco-nomiques d’intervention, bilatéraux oumultilatéraux, ayant pour effet d’appuyer les stra-tégies de réduction de la pauvreté. Les modes defonctionnement des institutions comme le FMI, laBanque Mondiale, voire l’OCDE sont suffisam-ment explicites pour qu’on y accorde ici de largesdéveloppements. Dans le domaine commercial,cette participation à l’effort de développement semanifeste par les offres unilatérales de concessionscommerciales du type Système Général de Préfé-rences. On reste alors dans un domaine dépouilléde toute idée de concurrence ou de compétitivitéet où l’octroi d’avantages reste volontaire et unila-térale. Cela se justifie par le fait que rien dans lediagnostic de la situation précaire des bénéficiairesde l’aide ne fait état d’une responsabilité ou d’unefaute imputable à l’Etat pourvoyeur. Dès lors, l’invocation de la réduction de la pauvretéapparait comme un moyen surabondant dontl’usage est contre-productif pour la défense dudossier coton. Certes, un éventuel retrait des sub-ventions permettrait au coton africain de mieux sevendre et aurait une incidence directe sur la réduc-tion de la pauvreté. Mais, il reste que le but visén’est pas une concession unilatérale fondée sur desconsidérations morales, mais le respect des enga-gements communs pris indépendamment des ni-veaux de développement des uns et des autres. Enorientant l’Initiative dans la voie déclarée de la ré-duction de la pauvreté, l’Afrique a pu donner l’im-pression de quémander ce qui lui est pourtant dû. Depuis l’échec de Cancun, le coton semblait perdudans les méandres des négociations commercialesqui n’offraient aucun signe viable de reprise. Lesdiscussions informelles qui se sont tenues entre-temps avaient laissé entrevoir deux idées-forcesnouvelles: l’inclusion du coton dans les négocia-tions du Comité de l’agriculture et la séparationstricte entre le volet commercial et le volet Déve-loppement du dossier coton. Des voix se sont éle-vées contre le traitement d’un dossier qui sefocalisait sur les questions de développement parl’OMC. C’est ainsi que celle-ci a organisé les 23, 24et 25 mai 2004 à Cotonou, une conférence inter-nationale sur le coton africain. En initiant cette

rencontre autour d’un ordre du jour exclusivementlié au volet Développement, l’OMC semble avoirfait un choix systémique qui ne fait pas l’unani-mité, mais dont les protagonistes semblent s‘ac-commoder. Le consensus qui s’est dégagé de cetterencontre est que le rôle de l’OMC serait finale-ment d’intermédiation, pour aider à trouver unesolution d’urgence hors de ses bases, et en diffé-rant la prise en compte effective du volet commer-cial du dossier coton au paquet de juillet de 2004. Pour les pays du C4, l’heure est au réalisme. Onobserve que si on en est arrivé à un agenda et à dessolutions exclusivement liés au développement,c’est parce qu’il y a un souci de ne pas casser le sys-tème OMC. Ils ont abouti à la conclusion qu’il fal-lait accepter quelque chose pour que la filière nemeurt pas ; et pour rester en cohérence avec le ca-ractère d’urgence invoqué dans l’Initiative. La sé-paration du volet commercial et du voletdéveloppement du dossier est donc entériné. Ellese présente comme un élément d’une stratégieafricaine, un pis-aller qui offre un répit aux petitspaysans, et qui intègre le fait que le volet commer-cial sera repris dès que le contexte internationals’avérera plus propice. Mais l’option Développe-ment de Cotonou décrédibilise de fait l’invocationdu caractère d’urgen ce dans l’Initiative sectorielle;et le passage sous silence du problème des subven-tions a favorisé l’adoption d’une vraie fausse thé-rapie à une crise qui est avant tout systémique.

La solution du règlement des diffé-rends pour le coton africain àl’OMC :Ecueils d’hier et Stratégies pour lefuturIl est clair que les pays africains n’avaient pas pri-vilégié l’aspect contentieux de leur dossier. L’op-tion collective d’un non-contentieux a eu l’effet demarginaliser les C4 dans la résolution du litigeentre le Brésil et les Etats Unis. Mais cette oppor-tunité ratée ne bouche pas tous les horizons. Lasaisine de l’ORD est encore possible. Il suffit de s’ymettre à temps et de se donner les moyens poli-tique, juridique et financière d’y arriver.

Une posture marginale dans le contentieuxBrésil/Etats Unis sur le cotonLes statuts de tierces parties du Tchad et du Béninne relevaient pas d’une approche stratégiqueconcertée, mais de décisions individuelles souve-raines. Le vrai problème réside dans le fait que cestatut de tierces parties ne confère que des droitslimités à ses titulaires. Pire, il n’est plus d’aucuneutilité si les parties principales au litige ne s’enten-dent pas dès l’entame, sur les modalités de miseen œuvre de la décision de l’ORD.

Un statut de tierces parties africainesinefficient

Le Bénin et le Tchad ont réservé leurs droits detierces parties. L’article 10.2 du Mémorandumd’Accord permet aux membres de l’OMC ayant unintérêt substantiel dans une affaire de notifier leurintérêt en participant au différend. Cela leur donnela possibilité de se faire entendre par le Groupespécial et de pouvoir présenter des communica-tions écrites. En règle générale, les Membres del’OMC utilisent cette procédure lorsqu’ils ont desintérêts substantiels et lorsqu’il y a des intérêts sys-témiques qui les concernent.En leur qualité de tierces parties, le Bénin et leTchad ont eu la possibilité de donner leur point devue au Groupe spécial sur les différents points dé-battus et de faire enregistrer leurs préoccupations.Mais ils n’ont pas eu une grande marge de ma-nœuvre pour influer sur les décisions du Groupespécial. Le Bénin et le Tchad n’ont pu participer nià la sélection des membres, ni aux réunions d’or-ganisation du Groupe spécial pendant lesquelles

Mais, il reste que le but visé n’est pas uneconcession unilatérale fondée sur desconsidérations morales, mais le respectdes engagements communs pris indé-pendamment des niveaux de développe-ment des uns et des autres. En orientantl’Initiative dans la voie déclarée de la ré-duction de la pauvreté, l’Afrique a pudonner l’impression de quémander cequi lui est pourtant dû.

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est fixé le calendrier des travaux. Ils sont aussidésavantagés pour ce qui concerne l’applicationdes décisions et des recommandations finales del’ORD. La législation de l’OMC exige que les re-commandations et les décisions d’un Groupe spé-cial soient appliquées sans discrimination, sur labase de la clause de la nation la plus favorisée(NPF). Cependant, le résultat d’un différend n’estcontraignant que pour les principales parties.Dans le cas du dossier coton, cela signifie que lesÉtats-Unis qui ont perdu dans la procédure –leurs subventions étant déclarées incompatiblesavec leurs obligations au titre des accords OMC -devraient appliquer cette décision d’une manièrenon discriminatoire par rapport aux autres Mem-bres de l’OMC. Mais, en vertu de l’article 21.5 duMémorandum d’accord, seul le plaignant, le Bré-sil, avait la possibilité de demander à un Groupespécial de vérifier si toute nouvelle mesure adop-tée par la partie mise en cause, en l’occurrence lesEtats-Unis, est conforme aux règles de l’OMC.Par ailleurs, seul le Brésil disposait de la possibi-lité de négocier une compensation en cas de non-respect des décisions par les Etats-Unis etd’adopter des mesures de rétorsion au cas où lesdécisions et les recommandations du Groupespécial n’étaient pas mises en œuvre. C’est là leprincipal inconvénient du statut de tierces partiesafricaines. Cette option avait la commodité de ga-rantir les PMA qu’ils sont, en manque de res-sources financières, une participation à unelongue procédure de règlement des différendssans engager une procédure autonome propre.Malheureusement, les gains possibles attendusont été annihilés par la survenance d’un conten-tieux dans la mise en œuvre des décisions del’ORD sur le coton. Les Etats Unis et le Brésil quin’étaient pas tombés d’accords sur les modalitésd’application de la décision les concernant ont dûrecourir à une série d’arbitrages, jusqu’à en arri-ver à la mise en place d’un Groupe spécial de miseen œuvre.

Un palier supplémentaire dans lecontentieux Brésil/Etats qui exclut lapossibilité de bénéfices collatérauxpour les pays africains

Suite aux différentes décisions de l’ORD et des ar-bitrages effectués, le contentieux sur la mise enœuvre persistait. Le Brésil continuait d’estimerque les mesures américaines de compensationenvisagées n’étaient pas conformes aux décisionsdes juges de l’OMC. Il a dès lors demandé, sui-vant les prescriptions de l’article 21.5 du MA, lamise en place d’un Groupe Spécial de mise enœuvre. La détermination du bénéfice potentielque pourraient tirer les pays africains de cettenouvelle procédure est liée à la nature de la déci-sion finale du Groupe spécial de mise en œuvre.Est-elle la suite logique de la décision du GroupeSpécial initial ? Est-ce une mise en œuvre différéedes recommandations initiales de l’ORD ; et doncune décision ayant un caractère NPF applicableà tous les Membres de l’OMC ? Nous estimons que la réponse à cette question estnégative. Quel serait en effet l’intérêt d’une nou-velle procédure dont le but est de reprendre àl’identique les incantations antérieures de l’ORD? Si la décision du Groupe Spécial de mise enœuvre doit produire les même effets, en termesde droit et d’obligations, que celle du Groupe Spé-ciale initial, la procédure de l’article 21.5 qu’a ac-tivée le Brésil ne serait plus qu’un instrumentlégal du dilatoire des Membres pris en défaut parl’ORD. Elle ne serait qu’une opportunité de pro-longer indûment les avantages commerciauxtirés de mesures illégales. En termes de compu-tation des délais, cela reviendrait simplement àconsidérer que la victoire brésilienne sur lesEtats-Unis connaitrait un décalage constitué par

toute la période du délai raisonnable de mise enœuvre, ajoutée à la durée normale de 90 jours dela nouvelle procédure ; compte non tenu de lapossibilité supplémentaire d’appel qui lui est af-férente. Cette incongruité juridique se solderaitpar des pertes économiques. Le non retrait desmesures déclarées illégales continuent, pendantce temps, de causer des préjudices dont la priseen compte n’est pas clairement définie par le sys-tème commercial. Suivant quelle logique lespertes commerciales éprouvées par un Membreplaignant seraient « ignorées » par un défautunilatéral et volontaire de mise en œuvre par leMembre mis en cause ? Outre le fait qu’une tellevision rendrait la procédure de l’article 21.5 re-dondante, c’est toute la cohérence et la crédibilitédu Système qui serait mise en cause. Cette interprétation est confirmée la pratique desMembres et de l’ORD dans le débat sur la hiérar-chie entre la procédure de l’article 21.5 et celle del’article 22 du Mémorandum d’accord sur le rè-glement des différends de l’OMC (MA). Celle del’article 21.5 organise le recours au Groupe spécialoriginel pour résoudre tout différend sur laconformité des mesures prises pour la mise enœuvre de recommandations ; alors que celle del’article 22 prévoit la possibilité, pour la partieplaignante et après expiration du délai de mis enœuvre, la suspension de concessions et autresobligations. Le fait que le Mémorandum n’ait pasétabli de relation de hiérarchie entre les deuxpose un problème d’interprétation qui peut por-ter préjudice à la partie vainqueur du litige. Il estsorti de la pratique que la suspension de conces-sions doit être précédée de la détermination deconformité effectuée par le Groupe Spécial origi-nel. En l’espèce, cela signifie que la saisine duGroupe Spécial originel par le Brésil relève de lavolonté de se doter de garanties légales d’exécu-tions de suspensions de concessions et d’obliga-tions futures. Et qu’elle est un préalable quilégalise les mesures de rétorsions envisagées. Dèslors, la primauté de la procédure de l’article 21.5sur celle de l’article 22 du MA induit que les me-sures de mise en œuvre qui seront prises par leBrésil le seront dans un cadre bilatéral et ne pour-ront pas bénéficier aux pays africains, ni sous laforme NPF, ni en leur qualité de tierces parties. En définitive, cette nouvelle plainte brésiliennene pouvait pas affecter positivement la situationdu coton africain qui continue de pâtir des sub-ventions américaines. La raison est simple. Ce ni-veau supplémentaire de contentieux en fait uneaffaire privée qui exclut les autres membres del’OMC des bénéfices éventuels du règlement dulitige. Dès lors que les mesures litigieuses origi-nelles ne sont pas retirées, - ce qui aurait bénéficiéà tous -, toute solution consensuelle ultérieure nepeut concerner que les parties au litige pleine-ment impliquées dans le contentieux. C’est ce quiexplique la marge de manœuvre dont ont dispo-sée les Etats Unis et le Brésil pour élaborer leurarrangement du 5 Avril 2010.

Une plainte à l’OMC comme ultime optionpour le coton africainSaisir l’ORD de l’OMC pour faire reconnaitre lepréjudice des pays africains n’est il pas l’ultimeoption pour le coton africain ? Non seulementtoutes les autres options et stratégies n’ont pasabouti aux résultats escomptés, mais le momen-tum apparait favorable, les modalités fonction-nelles et le gain assuré.

Des délais non extensibles, un mo-mentum favorable

Depuis la plainte du Brésil contre les Etats Unissur le coton en Septembre 2002, la possibilitéd’une plainte africaine est toujours restée ou-verte. Les pays africains auraient pu, individuel-

lement ou collectivement, porter plainte contreles Etats Unis. Ils auraient aussi pu, dans lamême démarche, joindre la partie brésilienne.Cela aurait permis de bénéficier de l’argumen-taire technique du Brésil, d’amoindrir les impactsfinanciers d’une plainte autonome et de garantirune mutualisation des bénéfices en cas de succès.Rien de tout cela n’est arrivé. C’est une occasionperdue. Néanmoins, au moment où le Brésil sa-voure les résultats du succès de son contentieux,rien ne s’oppose toujours à une plainte africaine.Il y a certes du retard, mails n’est pas trop tard.Mais pour combien de temps encore ?A la base de certains problèmes du coton africain,il y a les subventions américaines autorisées parla Farm Bill de 2002. C’est la mesure litigieuseremise en cause par le Brésil et visée par le Béninet le Tchad dans leur statut de tierces parties. Ellea été déclarée incompatible, en partie, avec les en-gagements commerciaux des Etats Unis. Il fallaitdonc la retirer ou accorder d’autres compensa-tions commerciales, comme le système de l’OMCpeut le permettre. Tant que cette loi agricole amé-ricaine est en vigueur et produit des effets de dis-torsion sur le commercial international, lapossibilité d’une plainte africaine reste ouverte.Les Etats Unis ont pris une autre Farm Bill en2008. En quoi est-elle différente de celle de2002 ? Sur la politique des subventions perti-nentes qui nous concernent, il s’agit de la conso-lidation des mêmes pratiques adossées à unebase légale formellement modifiée. Ce qui nechange ni sa nature, ni son contenu, encoremoins ses effets. La Farm Bill de 2008 est uneprorogation de celle de 2002. Dès lors, la possi-bilité d’une plainte africaine contre les Etats Unisreste ouverte. Elle peut s’appuyer su la Farm Billde 2008, mais avec l’effet négatif de ne circons-crire d’éventuelles réparations qu’à partir de cettedate. En revanche, en s’appuyant sur les FarmBill de 2002 et de 2008 combinées, il est possiblede prouver que le préjudice africain dure depuis2002, sans discontinuer ; et que la computationdes délais pour toute réparation ultérieure doitpartir de cette date. Il en ressort que même avec neuf années de re-tard, une plainte africaine a toutes les chances deproduire les mêmes effets que celui du Brésil,avec une reconnaissance rétroactive du préjudicesubi et une réparation propor tionnel le mentconséquente. Seulement, il se profile à l’horizonun délai au-delà duquel, sous certaine conditions,une plainte africaine ne donnerait plus la garantiede la reconnaissance du préjudice antérieur. LesEtats Unis projettent une nouvelle Farm Bill pour2012. L’arrangement qu’ils ont trouvé avec leBrésil les y incite fortement. Cette nouvelle loiagricole diminuera substantiellement leurs sub-ventions et leurs effets sur le commerce interna-tional, y compris les parts de marchés africains.Cette nouvelle Farm Bill ne sera probablementpas litigieuse, les Etats Unis en auront profitépour se conformer aux décisions de l’ORD. Maissurtout, elle entrainera le dépérissement des loisagricoles antérieures qui ne seront plus en vi-gueur. Leurs effets subsistent indu bita blement,alors que le sujet a péri. Toute plainte africaineserait sans objet et les arguments avancés inopé-rants. Si les lois litigieuses ne sont plus en vi-gueur, il n’y aura pas de plainte possible. Larecevabilité des plaintes à l’OMC se juge non passeulement sur des effets induits, mais sur la réa-lité de l’existence d’une pratique basée sur une loiintérieure en force. On peut en conclure qu’unenouvelle Farm Bill américaine en 2012, qui réfor-merait sa politique de subventions agricoles dansle sens demandé par l’ORD, éteindrait toute pos-sibilité de plainte africaine contre les Etats Unis,dans le domaine précis des subventions au coton.Cela signifie que malgré l’illégalité incontestable

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GLOCAL

66 G- Le coton africain dans le cycle de Doha

Revue Africaine sur le Commerce et le Développement

EL HADJI A.DIOUF

des subventions américaines, confirmées parl’OMC, le préjudice incontestable des pays afri-cains ne sera jamais reconnu, encore moins ré-paré. Et ce ne sont pas les négociations qui ychangeront quelque chose. Si les pays africainsdonc veulent saisir l’ORD, il est impératif qu’ilssoient conscients que les délais de réflexion et d’ac-tion dont ils disposent depuis 2002 seront proba-blement échus en 2012.

Recouvrer ses droits, seul ou ensem-ble : la voie de la « plainte collective »

Plusieurs raisons avaient été évoquées par ne passaisir l’organe de règlement des différends del’OMC. Les PMA africains ont souvent pensé qu’at-traire les Etats Unis devant l’ORD était « inamical»et pouvait les exposer à des représailles. La pertepossible d’une partie de l’aide américaine au déve-loppement, en plus du risque de ne pas être sélec-tionné dans l’AGOA les avaient convaincu de sefocaliser sur une approche exclusivement négocia-trice. Le manque de ressources financières pourfaire face à des longues et coûteuses procédurescontentieuses avait été aussi évoqué. L’une dansl’autre, ces raisons ne peuvent pas être des obsta-cles dirimants à la prise en charge du dossier cotonafricain à travers la procédure contentieuse del’OMC.L’inimitié n’est pas une caractéristique du systèmede règlement des différends de l’OMC. Celui-cin’est pas conçu dans un esprit punitif ou vindicatifqui viserait à jeter l’opprobre sur la partie défen-deresse ou à amoindrir ses capacités commercialesintrinsèques. L’objectif du règlement des diffé-rends est de garantir le rééquilibrage des droits dela partie plaignante par le retrait ou la non appli-cation d’une mesure d’un membre qui aurait deseffets de distorsion sur le commerce. Les EtatsUnis et l’Union Européenne s’affrontent réguliè-rement dans le cadre du système de règlement desdifférends de l’OMC, sans pour que cela remetteen cause leur partenariat commercial. Les paysémergents comme l’Inde, le Brésil ou la Chine uti-lisent le système à très bon escient contre leurspartenaires commerciaux qui auraient des ten-dances protectionnistes. Ils les « attaquent» àl’OMC pour les emmener à ouvrir davantage leurmarché et à mieux commercer avec eux. Il est donc impérieux que les pays africains pro-ducteurs de coton se départissent de cette vision« idyllique » des échanges commerciaux interna-tionaux qui les empêchent d’utiliser les possibilitésoffertes par le système, de façon optimale. Une« action collective » serait de ce point de vue salu-taire, pour eux, à tous les niveaux. Elle permettraitd’annihiler les effets négatifs possibles d’uneplainte contre les Etats Unis. Au lieu d’une plainteindividuelle qui pourrait exposer un pays quel-conque plus que de raison, la solution réside dansune multiplication des plaignants autour de laquestion du coton. Les règles de l’OMC le permet-tent. Les paragraphes 2 et 3 de l’article 9 du Mé-morandum d’Accord sur le Règlement desDifférends légifèrent sur les procédures applica-bles en cas de pluralité de plaignants. Le caséchéant, un Groupe spécial unique est mis en placepour examiner le dossier et présenter ses conclu-sions de manière à ne compromettre en rien lesdroits dont les parties aux différends auraient jouisi des groupes spéciaux distincts avaient examinéleurs plaintes respectives. Cette forme de plainte collective est donc une série

de plaintes individuelles agrégées à postériori. Ellepeut aussi être conçue à priori, par une série deconsultations informelles entre les plaignants po-tentiels et aboutir à la mise en place d’un Groupespécial unique au sens du droit de l’OMC. En l’es-pèce, l’existence d’un noyau dur avec le C4 simpli-fie la question. Les quatre pays concernés peuventdéposer une plainte collective à l’OMC contre lessubventions américaines, seuls ou en s’élargissantà tout autre membre de l’OMC, africain ou non,qui défendrait les mêmes positions. Cette dé-marche présente plusieurs avantages.D’abord, elle « dilue » le sentiment d’inimitié en-vers les Etats Unis et surtout, dissipe les craintesde représailles individuelles. Qu’un pays africainporte plainte contre les Etats Unis, à titre indivi-duel, serait dans l’ordre naturel des choses. Ce se-rait même le bienvenu. Mais le contexte pourraiten faire un acte téméraire que la plainte collectivepermet d’assagir. Il est en effet difficilement ima-ginable que les Etats Unis amorcent des mesuresde représailles collectives, vis-à-vis des PMA parmiles plus défavorisés du monde, juste pour s’être vuréclamé le retrait d’une loi agricole présumée in-compatible avec ses engagements commerciaux.Les Etats Unis ne prendront pas le risque de cham-bouler durablement toute leur politique de coopé-ration au développement en Afrique de l’ouest etdu centre, à cause d’un contentieux commercialconjoncturel.Ensuite, la plainte collective remet à plat l’argu-mentation sur les moyens humains, financiers etinstitutionnels qui feraient défaut. Il est difficiled’envisager qu’un groupe de pays africains, fus-sent-ils des PMA, qui en plus subissent un préju-dice étalé sur plusieurs années, ne consentent pasà mutualiser leurs moyens financiers pour espérergagner une bataille qui leur permettrait de rentrerdans leurs fonds et d’obtenir réparation pour lepréjudice subi. Il s’y ajoute que des institutionscomme le Centre Consultatif pour le Législation del’OMC (ACWL) dont le mandat est d’accompagnerles PMA dans ce genre de procédure, ainsi qued’autres expertises que l’Afrique a eu à bâtir et àentretenir à travers les multiples programmes derenforcement des capacités, restent mobilisablespour garantir une procédure de règlement des dif-férends avec un minimum de moyens et un maxi-mum d’efficacité.

Gagner un différend à l’OMC. Et après ?Malgré le temps perdu pour actionner une plainteafricaine et le long temps de mise en œuvre prispar les Etats Unis pour se conformer aux prescrip-tions de l’ORD, la « victoire » brésilienne se pré-sente, paradoxalement, comme le catalyseur d’uneprochaine plainte des pays africains. Les mêmessubventions américaines ont produit les mêmeseffets sur les pays africains. La même loi agricolesera visée, les panels de l’OMC feront les mêmesraisonnements et parviendront aux mêmesconclusions ; et les pays africains profiteront d’unedécision favorable tant que les Farm Bill de 2002et 2008 sont en vigueur. On a pu entendre que lahausse des prix du coton ces dernières années peutêtre préjudiciable aux pays africains à l’OMC. Celapeut se vérifier, peut être, au niveau des négocia-tions, mais pas dans le cadre du contentieux. Ceshausses de prix sont conjoncturelles. Or, l’atténua-tion conjoncturelle des effets de la loi américainelitigieuse ne remet en cause son caractère illégal.Le contentieux ne se focalise pas que sur les effetsprésent des Farm Bill, mais sur les dommagesqu’elles ont pu causer à partir de leur date d’entréeen vigueur et jusqu’à leur retrait définitif. Lecontentieux à l’OMC ne s’accommode pas des fluc-tuations du marché. Si les pays africains venaient à obtenir gain decause à la suite d’une plainte contre les Etats Unis,ils pourraient attendre deux choses. D’abord, le re-

trait de la loi agricole américaine litigieuse. Vu lesdélais, il est possible que cela soit fait avant la finde la procédure et suite à l’accord entre le Brésil etles Etats Unis. C’est un bénéfice commercial anti-cipé qui assouplit la procédure de mise en œuvreultérieure des décisions de l’ORD. Ensuite, ils au-ront le grand privilège de voir leur préjudice re-connu pour le passé et évalué sur cette base,comme pour le Brésil. Il restera alors la délicatequestion de la mise en œuvre de la partie perdante,les Etats Unis en l’occurrence. Pour certains ob-servateurs, le système de règlement des différendsde l’OMC n’est efficace que dans la mesure où lapartie gagnante dispose de moyens de rétorsion ef-ficaces qui peuvent contraindre la partie perdante.C’est le cas dans le contentieux entre le Brésil et lesUSA. Ces derniers n’auraient certainement pas ac-cepté de dédommager le Brésil si celui-ci n’avaitpas les moyens de rétorsion sur la propriété intel-lectuelle par exemple. Suivant ce raisonnement, onpeut penser qu’une victoire des pays africains surles Etats Unis n’aurait qu’une valeur morale im-possible à transformer en crédits commerciaux. Etque pour cette raison, une plainte africaine ne ser-virait pas à grand-chose. Ce pessimisme ne doitpas prospérer pour les raisons suivantes :Une victoire morale est toujours bonne à prendre.C’est la reconnaissance d’un tort et la prise encharge d’une souffrance. Dans le contexte del’OMC, elle donne aux PMA le signal d’un systèmeéquitable et prévisible qui peut garantir leur inté-gration graduelle dans l’économie mondiale. Lesnégociations sur le coton ont débuté depuis 2003.Un Comité spécial sur le coton existe depuis No-vembre 2004. Mais cela n’a pas permis d’avancer.Parce qu’il n’y a pour aucun pays une obligation denégocier. Or, un règlement des différends attrairaitles Etats Unis devant un panel et les obligerait.On ne peut pas préjuger de la mauvaise foi desEtats Unis s’il leur arrivait de perdre un différendsur le coton devant les pays africains. Rien ne s’op-pose à ce que les Etats Unis mettent en œuvre debonne foi les décisions de l’ORD. Ils pourront re-tirer leurs subventions litigieuses et le cas échéantconsentir à un dédommagement juste qui réparele préjudice des pays africains.

Une absence totale de mise en œuvre par les EtatsUnis mettrait à nu le système. Car cela voudraitdire que le système de règlement des différends del’OMC n’est opérationnel que pour les grandespuissances commerciales, entre elles. Il n’est pasformaté pour les PMA qui n’auraient dès lorsaucun moyen de faire respecter leur droits.Le préjudice reconnu des pays africains et l’obli-gation de réparation qui s’en suit ne peuvent pasfaire l’objet de prescription. Mieux, le préjudice estreconnu depuis la date d’entrée en vigueur de la loiagricole américaine ; et les réparations afférentessont déterminées sur cette base. Même si la répa-ration arrive à ne pas être effective, elle ne s’étein-dra pas pour autant. Elle restera exigible ad vitamaeternam. n

Néanmoins, au moment où le Brésilsavoure les résultats du succès de soncontentieux, rien ne s’oppose toujoursà une plainte africaine. Il y a certes duretard, mais il n’est pas trop tard. Maispour combien de temps encore ?

Si les pays africains donc veulent saisirl’ORD, il est impératif qu’ils soientconscients que les délais de réflexion etd’action dont ils disposent depuis 2002seront probablement échus en 2012.

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l’Ouest : OMC, APE et Intégration Régionale.Dr El Hadji A. DIOUF,

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GLOCAL, Revue Africaine sur le Commerce etle Développement, N° 2, Octobre 2010

GLOCAL, Revue Africaine sur le Commerce et le Développement, N°3, Janvier-février 2011

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de l’Afrique de l’Ouest et Centrale par les subventions du coton américain est-elle encorepertinente aujourd’hui ? Daniel A. SUMNER

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Mettre le commerce au service du développement de l’Afrique

Agence Africaine pour le Commerce et le Développement

(2ACD) 45/47A Rue de Lausanne 1201

Genève -SUISSE Case postale 2173, 1211 Genève 2 Téléphone : +41 22 732 47 37 - Fax : +41 22 732 47 35

E-mail : [email protected] Site web : http://www.2acd.org

L’Agence Africaine pour le Commerce et leDéveloppement (2ACD) est une OrganisationInternationale Non Gouvernementale (OING)régie par les articles 60 et suivants du CodeCivil suisse. Elle a été créée à Genève le 7 Juillet2010. C’est une Organisation à but non lucra-tif qui vit des subventions et ressources auto-risées par la loi et les règlements suisses. Ellea son siège à Genève et des représentationsrégionales et nationales sur le continent afri-cain.

Ses missions essentielles sont : n La mise en cohérence des différentes po-litiques commerciales africaines, aux ni-veaux multilatéral, régional et bilatéral ;n La mise à la disposition des négociateursafricains de l’information technique néces-saire à l’élaboration de positions de négocia-tions ;n Le renforcement des capacités des partiesprenantes africaines dans les négociationscommerciales : gouvernements, Société Ci-vile, Secteur productif, milieux académiquesetc.

EQUIPE D’ÉDITION :

Directeur Exécutif El Hadji A. DIOUF

Chargée du Développement institutionnelet du Partenariat

Imane EL HACHIMI

Assistante de Recherche Fatima Badet MAHMADOU

Responsable projet CotonAnnick GOUBA

Chargé de l’Assistance technique et de laFormation :

Oumar SISSOKO

Avec la collaboration de : Folake IDOWU

Les opinions exprimées dans les articles signés sont cellesde leurs auteurs et ne reflètent pas

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La Revue GLOCAL a pour ambition detraiter les questions commercialesd’une importance particulière pourl’Afrique, aux niveaux national, bilaté-ral, régional, interrégional et multilaté-ral. Nous nous ferons un plaisir de vouspublier si vous avez des réflexions quientrent dans ce cadre. Merci d’envoyervos contributions, commentaires ousuggestions à [email protected].

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