Nummer 113 December 1983 -...

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E.Lozovan D. Cantemir: Nummer 113 December 1983 ,,Monarchia'rum physica examinatio" Romansk Institut K0benhavns Universitet Njalsgade 78-80 2300 Kbh. s K0benhavns Unive .., yr ,OO kr. ROMANSK BIBUOTEK

Transcript of Nummer 113 December 1983 -...

E.Lozovan

D. Cantemir:

Nummer 113 December 1983

,,Monarchia'rum physica examinatio"

Romansk Institut K0benhavns Universitet

Njalsgade 78-80 r::-:-~---~........,---P' 2300 Kbh. s K0benhavns Unive .., yr ,OO kr.

ROMANSK BIBUOTEK

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SOMMAIRE

Introduction

Manuscrits, éditions, commentaires

Portée de l'essai

L'Examinatio et la "philosophie de l'histoire"

L'Examinatio et les écrits parallèles

Transcription du texte

Fac-similé du manuscrit latin

Fac-similé de la traduction slave

3

INTRODUCTION

Manuscrits, éditions, commentaires .

Jusqu'il y a une trentaine d ' années,ce petit écrit de D. Cante­

mir n'était connu que par son titre . En 1877, lors de son voyage

d'études en Russie, Gr. G. Tocilescu ne réussit pas à le locali ­

ser. Il se trouve aujourd'hui, redécouvert, à la bibliothèque de

l'Académie de Léningrad parmi les papiers de Pierre le Grand ac­

compagnant, entre autres , le Panégyrique.

Voici la liste assez réduite des éditions (traductions) et corn-

mentaires:

GH . HAUPT, Studiu asupra naturii monarhiilor. Un document inedit

al lui o. Cantemir, " Studii" 4 (1951) p. 210- 222. Cette étude

m'est restée inaccessible mais, d ' après P . P. Panaitescu et I .

Sulea-Firu (ci- après), la traduction roumaine (p . 218- 222) serait

déparée par de graves erreurs .

P. P . PANAITESCU, dans: Dimitrie Cantemir . Viata •i opera, Bucarest,

1958, p . 192- 195 . Analyse sommaire de l ' essai dans lequel l'au­

teur voit "u n mélange étrange d ' idées mystiques, de pensée philoso­

phique et une tentative d'ai lleurs intéressante de philosophie de

l'histoire" .

r . SULEA- FIRU, o scrisoare inedita a lui D. Cantemir [ . ] Monar­

chiarum physica examinatio, "Studii 'i cercetiri de bibliologie"

5 (1963) p . 267-276 . Transcription approximative du texte latin,

traduction roumaine passable, commentaire sans envergure concer­

nant surtout le titre de l'opuscule .

D. BÀDÀRAU dans : Filozofia lui Dimitrie Cantemir, Bucarest, 1964 ,

p. 164-167 . On reconnaît à l ' Examinatio le c~rac tère d'avant-cou­

reur du grand ouvrage Historia incrementorum atque decrementorum

aulae othomanicae . Cependant p . 176- 177 l'auteur congédie sans ~ mé­

nagements l ' hypothèse de N. Iorga se l on qui Montesquieu aurait

bâti là- dessus sa propre conception des Considérat ions sur les

causes de la grandeur des Romains et de leur décadence . L'histo­

rien roumain, fertile en ressources, avait imaginé que Antiokh

Cantemir, ambassadeur tsariste à Londres, aurait communiqué au

marquis de La Brède le manuscrit de l ' ouvrage de son père ! Ce

4

raisonnement s ' écroule devant l'impossibilité chronologique du

contact entre les deux hommes de lettrés.

N.M. DJUVARA, D. Cantemir philosophe de l'histoire,"Revue des

études roumaines" Paris, 13- 14 ( 1974) p. 65-90. C'est l'analyse

la plus pénétrante de l'essai en question, placée avec largeur de

vues à la fois dans l'oeuvre du prince aussi bien que parmi les

travaux de cyclolog i e historique.

Manuscrit latin, 14 pages, de la main de D. Cantemir, reproduit

ci - après. La translitération suit les règles habituelles de la

diplomatique.

Monarxij fisiceskoe rassuzdenie, traduction slave, 17 pages . On

reproduit ici seulement les pages 1 , 3,17. Il est probable que cet­

te vers ion soit due à une autre personne que D. Cantemir, par

exemple son secrétaire Ivan Il'inskij. Une analyse graphologique

serait déci sive à cet égard . Mais, par ailleurs , il est déjà clair

qu'en 1 713-14 - après seulement 2-3 ans de séjour en Russie - D.

Cantemir n ' était pas en état de traduire lui-même son texte. En­

s u ite, le mot arabe beniasfar est transcrit et la le ttre ha est

omise 1

: preuve évidente que l'auteur de la traduction n•etait

pas orientaliste.

Portée de l ' essai.

La tradition a imposé à l ' exégèse des oeuvres de D. Cantemir

une double démarche : 1) l 'identification des citations directes

et indirectes (souvenirs, all u sions , paraphrases) et 2) l'éta­

blissement des rapports de filiation entre les différents écrits.

J'ai appl iqué moi-même cette méthode dans une série de travaux:

- D. Cantemi r et l'expansion russe au Caucase (1722-1724), " Re­

vu~ des études roumaines" 1 3 - 14 (1974) p. 91 - 105 .

- " La lettre sur la conscience" de D. Cantemir , ibid . 15 (1975) p . 67- 84 .

- L'acclamation impériale de Pierre de Grand , " Romanica" La Plata

5 (1972 - 1974) p. 201- 210 .

- Une f ai 11 ite diplo~_? tig_~<:...:__l,_'_Al_l ia_n<:~ __ d_-=_~s;an tern i r a vec Pie rre

Y Plus e xactement : la note sur ha, qui ne figure pas dans la tra­

duction, est repor tée sur le manuscrit lat i n, à ce qu'il semble par une a u tre main (D . Cantemir?).

5

le Grand (1711), "Buletinul Bibliotecii Române" Freiburg i. Br. 7

(9) n . s . (1979) p . 1-36.

- o. Cantemir avant les Lumières, Copenhague, RIDS nr. 77 , (oc­

tobre 1980) 19 p. + VII pl.

- o. Cantemir: "Le Panégyrique de Pierre le Grand", Copenhague,

RIOS nr . 92 ( décembre 1981 ) 50 p .

Pour ce qui est de l'Examinatio nous avons a f fai r e à trois caté­

gories de renvois: citations théologiques, classiques et orienta­

les, c'est-à-dire les domaines habituels où l'érudi t i o n de D. Can­

temir se donnait libre cours.

Il reste é t abli - depuis l'analyse du Panégyrique (c f. ci- des­

sus) - que D. Cantemir possédai t en Russie un exemplaire de la

' · 1 · • ta' plei·nes mains. C'est donc là qu' il f aut Vulgate, ou i puisai

chercher l'origine des citations de Daniel , Genèse, Psaumes, Ac­

tes des Apôtres Sain t Jean. En revanche, le mo t final emprunté à

Saint Grégoire (Bonum coniectorem, bonum esse vatem) res t e encore

à localiser . Il en est de même de l 'H istoire Tadzittcuarich .

L'auteur en avait- il un exemplaire sous la main ou bien les

éléments qu'il y a empruntés sont-ils fournis par sa fabuleuse mémoi ­

re? (Laquelle le trahissait souvent. Ses ci t ations du Coran sont

rarement exactes). Dix ans plus tard il traitera amplement

l'épisode des Beniasfar dans son "Système de la religion mahomé-1)

ta ne"

Le renvoi à Aristote (dans la note à la l igne 1 57) nous engage

en revanche sur une piste riche en résu l tats. La citation d u ~

coelo (avec deux erreurs: II, 1 5 au lieu de II,14 et circulationis

à la place de circun l ationis) apporte la pr euve que D. Cantemir a

employé la traduction latine d'Averroès . Un contrôle de tous les

passages où o. Cantemir se réfère à Aristote - qu ' il avait fré­

quenté depuis sa jeunesse studieuse - éluciderait l a q uestion de

savoir s'il possédait e n Russ ie la totalité de l'oeuvre dans

l'édition vénitienne ( 10 volume s , 1562- 1574) ou de f a~on acciden­

telle le seul tome cinq.

1 cf . Sistemu l sau î ntocmi rea re ligiei muhammedane, t r aducere , studiu introductiv ~i comentarii de Virgil cândea, Bacarest, 1977, p . 11 7-121 .

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QE:intum.. Volumen...

ARISTOTELIS D E C OE LO>

De Generatione & Corruprione., lvleteorologicorum.., '

De Plantis CVM

AVERROIS CORDVBENSIS VARIIS IN EOSDEM

ÇOM"M ENT ARIIS,

M. A. Zimarz. Conm.diaionum Solutioncs in libres de <:a:loo &1n =de Gcocnao11e, Ile Comiptiooc.

H# ""1ml If*' f..0• Jittfl• fat•'" cAflÎ[.•1'• "'mfa f"t""' tJ'fiKAt.

l'ENETIIS APVD IVNCTAS. M. D. 1. XII.

Le De Coelo a été largement mi s à contribution à l a fois dans le

Panégyrique et dans l'Examinatio. On pourrait dire qu'il constitue

le liant de ces deux volents complémentaires et inséparables du

diptyque. Soit la proposition fi nale du Panégyrique : Ab arctico

Polo omnia fluunt ad Antarc ticum , accompagnée du commentaire:

Pythagoreana haec est sententia , licet Aristoteles contrariae sit

opinionis. Ipsum tamen errasse experientia quae ex situ ~~:~~~[7)

sumitur probat. Ceci n 'est qu'une formule très dépouil lée qui

résume le long passage (II, 10 et sui van ts) où le Stagirite dis-

cute en opposition avec les Pythagoriciens l'orientation géo-

7

physique de la gauche et de la droite. D. Cantemir se range

évidemment dans l e sillage d'Aristote ,je tant ainsi les bases

solides de son édifice théorique : l'avènement inéluctable de la

quatrième monarchie universelle, celle de la Russie de Pierre.

L'élimination de l'Empire ottoman est faite de façon cavalière.

Puisqu'on a affaire à un "avorton illégal de la nature" ( aborti ­

vus et exlex naturae foetus, ligne 216) on n'a pas à trop s'inter­

roger sur lui . Il est en dehors du droit fil de l'Histoire. Quant

à la succession irréversible des quatre monarchies (il n'y en

aura pas de cinquième !) elle est démontrée ••• rat i onabiliter ••• et

physicè declarata ••• Voilà qui est vite dit .

Il n'y a pas lieu de s'attarder sur l es bévues de o . Cantemir;

sa grande érudition avait, elle aussi, ses limites. Peu importe

s'il met parmi les Scythes ••• les Chinois, les Gètes, les Saxons,

les Goths et final ement Volgii, sive hodierni Rossi ( l ignes 141-

142). Dix ans plus tard, lors de ses investigations au Caucase,

il prendra l es caractères d'une inscription pehlvi-sassanide,

gravée sur une pierre basculée de 90°, pour des "hiéroglyphes

chinois". Le mur de Derbend, d ' origine géorg ienne assez tardive,

ne serait que le prolongement de la muraille de l'Empire du mi ­

lieu. (Voilà une monarchie universelle qui bouscule le schéma car-

dina! de notre auteur). N'insistons pas. D. Cantemir n'était

pas sinologue et d'autant moins un indo-européiste avant la let­

tre.

L'Examinatio et "la philosophie de l 'histoire ".

Il n'y a presque aucun parmi les exégètes de D. Cantemir qui

n'ait essayé de dire s o n opinion sur l'origina lité de ce qu'on a

voulu quali f ier de "philosophie de l'histoire". N. Iorga -- on l'a

vu - n'hésitait pas ~ présenter notre prince comme l 'émule et

même l'inspirateur secre t de Montesquieu . D'autres qu i en savaient

plus long sur le mouvement des idées dans ce b ouillonrant XVIIIe

siècle ont ajouté le nom de Luigi Ferdinando Marsigl i avec son:

Stato mil itaire dell'Impero ottomano,increment o e decremento del

medesimo, La Haye - Amsterdam, 1732 . Ainsi Montesquieu ne fait plus

cavalier seul comme pire de la formule heureuse de "grandeur et

décadence". Et l 'on s'étonne qu'il ai t pu occuper si longtemps une

place qu'il n'a n i briguée ni usurpée, mais que des commentateurs

8

pressés lui ont attribuée avec complaisance.

Aujourd'hui nous pouvons dire sans vanité qu'il vaut mieux

laisser à Montesquieu et à D. Cantemir d'autres mérites que celui

d'avoir imaginé un "système" herméneutique qui s ' avère être la

réaction presque élémentaire de tous ceux qui tournent leur re­

gard vers les institutions humaines - ces machinae transiturae de

Saint Augustin.

Si l'on remonte à Polybe et à la "ruine des choses" (phthorà),

à Cicéron avec son "déclin de l'Etat" (inclinatio rei publicae),

à Lucrèce avec sa "destruction du siècle" (fracta est aetas) on

hésitera à épiloguer à la légère sur "l'originalité" d'une idée . . 1) ' 1 l' . . ' aussi ancienne . Apres 'Ecc esiaste il y a tres peu de réflexions

à ajouter sur les vanités d'ici-bas. Et qui d'ailleurs n'a pas lu

!'Ecclésiaste? 2 l

Pour en finir avec l'explication facile des "influences",il n•y

a qu•à évoquer d'autres géographies spirituelles entre lesquel­

les le contact est exclu.

Le Ragnarok de la mythologie scandinave n'a rien à voir avec les

déchirantes psalmodies médiévales: solvet saeclum in favilla. Le

monde pré-colombien des Aztèques a imaginé, sans connaître !'Apoca­

lypse de Saint Jean, le jour o~ "le soleil sera châtré•. Quant au

"retour de Queltzalcoatl" il ne s'inspire pas non plus de ia~­

rousie de Jésus. Le Çivaisme ne savait rien sur Amargeddon au mo­

ment d'imaginer la vanité de l'effort cosmique 3 )

l)cf. Santo MAZZARINO, La fine del mondo antico, Milano, 1959, Garzanti.

2 ) En 1558 Joach 'm DU BELLAY f . ·t " . . ~ aisai paraitre ses Antiquitez de Rome contenant une générale description de sa grandeur et comme une déploration de sa ruine. Est-ce à dire que nous av~ns la le germe de "la poésie des ruines" de C.F. VOLNEY et d'autres romanti­ques? (cf. Les Ruines ou méditations sur les révolutions des empi­res, 1791). --Edward GIBBON aurait aussi imaginé sa conception sur "Dec line and Fall" parmi les ruines du Capitole à la date précise du 15 octobre 1764. Coïncidence ou rational~sation après coup? Cf. H.I. MARROU, De la connaissance historique , Paris, 1958, Seuil, p . 278.

3 l f R ' ' c . ene GROUSSET , Sur une pensee de Pascal. Le seul problème, dans: Bilan de l'Histoire, Paris, 1946, Pion, p. 361-366.

9

D. Cantemir - nourri de lectures théologiques, connaisseur

achevé des classiques, des byzantins, des orientaux - a glossé

sans prétention en marge de lieux communs, devenus de façon étrange

des têtes de chapitres de l'historiographie moderne. Par l à même il

a été entraîné posthumement dans des débats dont il aurait été le

premier à récuser une place inattendue. Quant au Panégyrique et à

l'Examinatio ils doivent être jugés sous un autre jour et surtout

mis en rapport avec les événements qui ont scellé le destin de leur

auteur.

L'Examinatio et les écrits parallèles.

Si les deux opuscules en question constituent un paquet

quant à la date de présentation (mars 1714) et de rédaction (au-

tomne 1713), peut-on serrer de plus près la chronologie? Lequel des deux

à été écrit le premier? Il semble que le mot de Saint Grégoire,

rapporté au contenu, nous indique la réponse avec une grande pré­

cision.

L'Examinatio est un travail d'érudition qui doit établir sur la

base des témoignages historiques l'inéluctabilité de l'avènement

de la quatrième monarchie. Le Panégyrique constitue un vatici­

nium qui annonce dans un style envolé la réalisation de la grande

attente usque ad dies Magni Petri. Il y a donc d'abord la conjec­

ture, ensuite la prophétie. En d'autres mots, si par la bouche de

$erban Cantemir on proclame publiquement que le temps du salut des

peuples chrétiens subjugués par l'Islam est proche, que Pierre le

Grand est le nouveau redempteur qu'on attendait, on peut le faire

en toute certitude : l'oracle a une base documentaire. Ce faisant

on suit la tradition. Si la parousie de Jésus a été annoncée par

l'Ancien Testament, les "fils du nouvel Adam" sont également aver­

tis sur l'imminence de la temporis plenitudo en la personne du

tsar Pierre. On peut s ' étonner du ton inhabituel des deux opuscules. "In­

habituel" certes, si l'on en exige une sobriété stylistique qui

est de mise dans les travaux historiques et non pas dans les pro­

clamations oraculaires. On ne peut pas imaginer Isaïe, Jérémie,

Daniel employant un registre aux accents feutrés. D. Cantemir con­

naissait bien ses modèles et il a su les imiter fidèlement.

Voyons maintenant les conditions psychologiques de l ' auteur au

10

cours de l'automne de l'an 1713. Au mois de juillet 1711 il avait

perdu son trône et sa patrie, précipitée dans l'abîme par une al­

liance malheureuse et prématurée. (L'Empire ottoman n'était pas

encore "l'homme malade" de ses voeux et le tsar orthodoxe ne cor­

respondit pas à la salutatio de "nouveau sauveur"). De plus, il

avait charge d'âme. L'élite moldave (4.000 personnes en dehors des

petits, des sans-grade) suivit le poimen sur la route de l'Exode.

Dans ses rêveries bibliques, D. Cantemir se considérait comme un

nouveau Moise: Domine nos enim populus tuus et oves pascuae tuae.

Ce qui implique l'obligation de guider ses ouailles aux abords de

la Terre Promise.qu'il ne lui appartiendrait non plus de revoir.

(La biographie du prince a suivi de près ses anticipations érudites).

Les pérégrinations et les installations provisoires en Russie -

Kharkov, Moscou, Komarnickaja - correspondent réellement à une

traversée du désert. Le 11 mai 1713, in terra aliena meurt la femme

de D. Cantemir - Cassandre Cantacuzène, la princesse qui avait fait

de lui le parent des empereurs byzantins et avait fourni ainsi une

justification légale à ses rêves de grandeur.

L'apparition de D. Cantemir en mars 1714 à la cour de Saint-Pé­

tersbourg avec les deux textes - le Panégyrique prononcé par :;ier­

ban lactisugis labiis et l'Examinatio en tant qu•argumentation

écrite.parallèle - a dû avoir lieu dans un état d'esprit très spé­

cial. Le prince accablé de malheurs était carrément traumatisé,ce

qui explique ses excès verbaux, souvent dépourvus de diplomatie et

même de bienséance. C'est ici qu'il faut rappeler la "rédaction

double" des deux écrits: les hosannas oratoires et les malédic­

tions contextuelles cachées. C'est à se demander si les insistances

répétées qui faisaient toujours appel aux obligations contractuel­

les de 1711 n'avaient pas fini par lasser le tsar. L'ancien allié -

loyal il est vrai, qui avait tout joué sur une seule carte - de­

venait encombrant, voire irrévérencieux avec ses reproc hes qui

visaient à donner mauvaise conscience. Une relecture de la corres-

pondance de D. Cantemir, faite dans cette lumière, déchire un

voile qu'on n'a pas encore soulevé.

Pour conclure.il faut retenir que dans l'oeuvre de D. Çantemir

il n'y a pas d'écrits mineurs, mais "parallèles". Entre la pro­

c lamation, le traité de 1711, la campagne sur le Prut et le mani­

feste d'Astrakhan, l'équipée du Caucase en 1722,tout se tient dans

ce qui est sorti de sa plume à cet égard. La "Description de la

11

Moldavie" et la "Chronique des Roumano-Moldo-Valaques" devaient

proclamer à la face du monde savant le droit des Roumains à la

dignité dans l'Histoire . La trilogie islamique, non achevée, de­

vait fournir la documentation irréfutable prouvant que l'expres­

sion naturae foetus exlex n'était pas une simple métaphore mais

une réalité: l'Empire ottoman constituait l'édifice à abattre,

action digne et moralement obligatoire pour tout souverain chrétien.

Finalement, l'aventure caucasienne.dans laquelle D. Cantemir s'est

engagé corps et âme.nous révèle un stratège de taille, qui pro­

mène, avec aisance, son regard sur les grands espaces. Une action

directe de libération de la Moldavie n'était pas possible. Une

"opération Barbarossa"du côté de Constantinople n'étai t pas conce­

vable l). Il restait alors à prendre i•Etat ottoman à revers. En

contournant l'Asie mineure, en avançant à partir du Caucase vers

le Golfe Persique on le frappait au défaut d~ l a cuirasse. Reconqué­

rir la Moldavie après avoir poussé vers l'Ethiopie et l' Egypte.

(note à la ligne 259) est une rocade stratégique que le XXe siècle

pourrait envier à D. Cantemir. On serait même tenté d'affirmer q ue la

conquête actuelle de 1 'Afghanistan, constitue en fin de compte 1 'ac~

complissement de ce vieux rêve. Si les commissaires sont les lé­

gataires universels des tsars , les visions impériales de la

"sainte" Russie sont exaucées par les Soviets. Le knout n ' a changé

que de main et pas de maître. Deux cents cinquante ans après, les

"conseils" érudits de D. Cantemir 21 sont plus actuels que jamais.

1) Le projet d'une telle action militaire a habité le cerveau de D. Cantemir. Sur la carte d'Istamboul, compul sée et dessinée par lui avec un art consommé, on trouve des indications stratégiques telles que: les endroits favorables au débarquement, les casernes et les camps de manoeuvres des janissaires , la profondeur des c~enau~ dans la corne d'Or déterminant l e tirant d'eau des bateaux d'invasion, etc.

21 C'est la nova plantatio d'une doctrine dont il semble être le dernier représentant et fourrier efficace. Voir l'étude documentée de P.9. NASTUREL, Considérations sur l'idée impériale chez les Rou­mains, "Byzantina" Salonique 5 (1973) p. 397-413 .

12

Transcription du texte.

5

13

MONARCHIARU<M> 11 PHYSICA EXAMINA

TIO

Sacra Dei Scriptura, Cleme<n>tr§si Imperator,

a tempore Daniëlis Prophetëe, usq<ue> ad Ierusale<m>

desolatione<m>, et ablationem principatus populi

Israelitici, quatuor pote<n>tissimas , et omnium

absolutissimas, nwnerat Monarchias. His

Daniël.c.7

10 ta<n>dem successorem Aquilonica<m> inducit Monar­

chia<m>, ea<m>q<ue>, universo Antarctico Orbi prëevalitu-

ra<m> passim prëedicit. Huicigitur licet pia, Daniël.c.11

ut par est, obediendum sit aure, licet Sa<n>cti nostri

Interpretes supra ha<n>c expositione<m> grandia lucub-

15 raverint volumina; attame<n> mysticu<m> eius sen­

su<m>, et sensus pura<m> et genuina<m> explicationem,

humano intellectui penè inenucleabile<m>, inex­

plicabile<m>q<ue>, o<m>nes unanimitèr affirmant. Et hoc

quidam ita, de ipsa autem litera asserunt,

20 post habitum eius spirituale<m> sensu<m>, ea<m> quoq<ue> 12 salvari debere, ita ut quando rite santeque

explicatur , quid intelligendu<m> sit, de Aquilone;

tandem nos scire jube<n>t talem in Universo regi-

one<m> infallibilitèr alicubi reperiri, ita ut ne

25 appareat nobis S[acram) Scriptura<m>, inania, et ni­

hil significantia nomina fingere. Similitèr

30

+ + +

etJ.am

qua<n>do mysticè quëeda<m>, et sub nomine aliquo,

{ut est Aquilonis Monarchiëe} velata, prëedi-

cit, ea re ipsâ in reru<m> natura, aut prëese <n>tia

omninô esse, aut necessariô futura, alioqui<n>

de veritate S[acrëe) Scripturëe dubitaretur, quod

apage! Qua<n>d6q<uidem> + + + Sacrée Scripturëe prëedictivœ

veritati, no<n>nullos Ethnicoru<m> co<n>sentire vide-

35 mus, ut sunt Arabu<m> peritissimi, necn<n> Rab­

binoru<m> doctissimi quida<m>. Qui Aquilonem

ta<n>dem cu<n>ctis Orbis habitati partibus prëeva­

liturum ingenuè fate<n> t ur: imô Arabes, utpo-

te in rebus physicis scruta<n>dis, cëeteris longè

14

40 dilige<n>tiores , sub hoc ta<m> vasto Aquilonis tra ­

ctu , {Aquilo eni<m> arctici ve<n>ti nome<n> est} inter­

que tot , ta<n>tasque, ha<n>c pla ga<m> habitantes gen­

tes , futur œ ta<m> amplœ Monarchiœ, speciale

3f designa (n) t nomen: quod v e rnaculè, J~ \ j?(beni- Histor<ia>

5 f ) d . f . 1 .. E Tadzittcuarich 4 as ar vocant , quo interpretatur i iJ x- dicta

50

55

60

65

peditionis, sive Exercituum. Talia in libris

suis c œteresq<ue>monume<n>tis scripta reliqueru<n>t,

talia tota ferè rudior plebs, à maioribus suis,

persuasa, affatim fate<n>tur, et pro indubitato

tenent. mirabilis Deus in operibus Suis, Qui

irrationalia quoq<ue> jume<n>ta in Rhetores qua<n>doq<ue>

vertit: animalia, cœteraq<ue> inse<n>sibil ia creata,

ad sensus perceptionem i lluminavit, quô magis

ta lia rationalia anima lia, ad propheticœ prœ­

dictioni adhœrendu<m>; imô insci e ntèr veritatem

fatendu<m> , adigere poterit! Cum autem

h.:ec duplice de causa, mortalibus nimis i mper­

via videantur. Sacr.:e ne<m>pè Scriptur.:e, se<n>sus

qui ta<m> mysticè, quàm literalitèr intelligi debet.

Et quô ad mysticu<m> se<n>su<m>, abundè, et veritati co<n> ­

se<n>taneè interpretatu<m>, libentèr fatemur, aliàs

quis Dei consiliarius? Eq<ui>dem S[acr.:e) testa<n>tur. Quô

aute<m>, ad ipsa<m> litera<m> , in co<n>fesso est, illas, 4,

Monarchias tessera sua fu<n> c t as ess e . {De qui­

bus nobis nullus est s e rmo, siquidem te<m>poru<m>

scriptores de illis, satis dixisse, eoru<m> innu-

mer.:e ferè exta<n>tes [ ..•••.• ) lucubrationes ·: Item Eth- 14 ' patefaciu(n)t.

70

75

nicor<u>m prœdictiones, co<n>vale<n>tesq<ue> us us, pro me­

ris superstitionibus, humanisq<ue> coniecturis

sinè jactantiis accipientes. {Licet nostrae operae

no (n)nihil adjuvare videantur. } impresentiis

calamum refr.:enando, ad propositum veniamus.

Quis mortalium {exceptis divine quo<n>da<m>

afflatu impulsis,} . futuros noverit fines:

quoru<m> principia, et ex pri<n>cipiis datis, me­

dia, priùs sibi nota, minimè habuerit?

Quod autem ex principiis, ut par est, notis,

ut sequens colligitur: et quod ininter[r)uptus

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15

naturalis ordo , juxtà propria<m> natur.:e nor-

ma<m> operatur, id exculto, e t perspicaci intellectui,

se se manifestare, atq<ue> declarare, posse, no<n>

erat fortè qui dubitet. alioquin et natura

frustrà operaretur, {in cassu<m> eni<m>.} et Ima-

go divina frustra immortale illud mutua-

retur lume<n>, _siquidem nul las igno ranti.:e

tenebras illuminare, atq<ue > illustrare posset.

At ipso in nobis latita<n >te divine lumine, duce

clarescit. Omne principiatum, naturali-

tèr, ta<n>dem et finem habituru<m> . et secu<n>dum

hoc infallibile axioma, omnia qu.:evoca<n>t 15 et sunt particularia, oriri e t interire, muta-

ri et transformari, nasci et mori, vel quocu<m>q<ue>

dicas modo ta<n>dem fine <m> sui esse {Excepta di­

vin;:e gratiœ co<n>servatione} obtinere; in quo

termine ex corruptione unius, alterius gene-

ratione<m> succedere, et ratio, et experie<n>tia docet.

At in his particularibus ipsas qu6q<ue> Monar-

chias co<n>numerat, quis me<n >tis co<n>mpos inficias

ibit? {Unica eni<m> et sola est universalis divi-

na Monarchia, qUëe ideô et finis expers est.}

hoc ut verè est, ita posito. Sequitur, ecqui-

dem necessariô, juxtà modu<m> nempè ortus, et

interitus, monarchias quoq<ue> physicum

quenda<m> et impermutabilem percurrere cir-

culu<m>, ita ut in iisquoq<ue> pr.:eteriti, prœsentis,

et futuri, prout in reliquis, necesariis

servetur ordo. {nihil enim Deus e t natura

novit, aut facit frustrà, id est, sine ordi-

ne.} Qua<m> ob rem Physici philosophi, hasce

totius Orbis Monarchias, no<n> secundu<m> nume­

re<m>, aÙ•OKPa•oPLKWO dominantium: sed secu<n>du<m> 1

quatuor mundi cardines, o<m>nes omniu<m> monar-

charu<m> ge<n>tes ambie<n>t es , numera<n>t. Orie<n>tale<m> 16 nempè, Meridionalem, Occidentale<m>, et Bore-

alem. Igitùrex facto ipso physicè,

et rationabilitèr cognoscere p o ssumus {: si­

lea<m> hic gratià studij t o t, tan-

120

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130

135

140

145

16

tosq<ue> fide dignos scriptores} dominantium

mundi partium prima<m> fuisse orie<n>talem:

in qua Indi, Assirij, Medij, Parthi et his et alijs,

excelle<n>tiores PerS<E, qui monarchiae titulu<m>

usq<ue> ad Alexandru<m> Magnu<m> tenueru<n>t. Se­

cunda<m> aute<m> fuisse Meridionale<m>; in qua flo­

rueru<n>t JEgyptij, Aphricani, +Habyssini, Cy-

prij, Crete<n>ses, et his aliisq<ue> celeberiores Gr<E­

ci Macedones. Qui Monarchia<m> Persica<m>

juxtà vaticiniu<m> Daniëls, ad Grceco s tra<n>s ­

tulerunt. Tertia<m> deniq<ue> fuisse Monar-

chia<m> Occide<n>talem, in qua anté bellum

Troianu<m> primo Latij sivè Latini, postea

à Troianis Grëecis, Latini subacti, Imperi-

u<m>, et Genus successive usq<ue> ad Romulu<m>,

Rom.:e Urbis fundatore<m> produxerunt.

ab hoc Romanus Monarchatus exordiu<m>

ducit. Quarta<m> tame<n> Boreale<m>

in qua sempèr quidem floruere diversa, et 17 magna dominia, nu<n>qua<m> tame<n> totius pla­

gëe Monarchia<m> una<m> aliqua<m> gente<m> occu­

passe perhibetur. C.:eteris aute<m> emine<n>tiores

fuerè Scythae. {Scythis adnumera<n>tur etia<m>

Chine<n>ses} Getae, Saxones, Gothi, et his

o<m>nibus pr.:ecelluerè Volgii, si vè hodierni

cap:S.

Rossi, quoru<m> no<n> minima<m> parte<m>, Istru<m> trans-

fretasse, ibide<m>q<ue> colonias fundasse, no<n> so­

lu<m> o<m>nes ferè tradunt scriptores, sed ipsa

Gens usq<ue> ad Sinu<m> Venetu/m> propagata, evi­

de<n>tissimu<m> prëebet argume<n>tu<m> .

Haec itaq<ue> naturali ge<n>tiu<m> , atq<ue> Monarchi-

150 aru<m> dispositione rationabilitèr, ut opi-

namur, et physicè declaratà, restat ut ea-

ru<m> monarchiaru<m> naturale<m> ortus , aucti­

onis, declinationis, senectutis , ac ta<n>dem

inte ritus modu <m>, quèm brevissimè e t su-

155 ccintè valebimus, e xaminemus.

[ 12 5] + Arabicè aspim:tiva litera ( é J scl"ibitul", ideo addidimus h •

160

165

170

175

180

( 15?]

[165]

[ 176]

17

A Philosophoru<m> Principe Aristotele, u­niversi, Orientalis pars, +pars dextra no­

minatur. quod ipsa natura probat , si-

quide<m> Ipsum Primum mobile , ab Orie<n>te , ad

Occide<n>tem feri Creator jussit Altissimus. 18 Et cu<m>, eo motu, cu<n>cta in Universo Ent ia ra­

pi necesse sit, ordine naturali, et necessa-

rio, convenit, imô debuit, Prima<m> Monarchi-

a<m>, circularitèr ab Orie<n>te versùs alias mu<n>­

di partes progredi , *qlVIE'! indè {ut primitivi

Monarchie! motus partus, } initiu<m>, ut ita

dici fas sit, vitae suëeadepta, per singu-

las aucta ëetates, sibi vicinas meridionales

subegit partes. Quà senesce<n>te {breves

faciamus tàm lo<n>gissimas historias om-

nia enim tenera, naturalitèr senescu<n>t quoq<ue>:}

sive ut magis physicè loquar, corrupta,

ex eius corruptione subnat a est Monar-

chia Meridionalis . Qu<:eut ce<n>tralis, et

Occide<n>ti, ac Orie<n>ti media, o<m>nes in mundi

partes sese dilatando , +tu<m> Asiëe, tu<m> Aphri­

Cëe, tu<m> deniq<ue> lEuropëe vastissimas quidem,

sed no<n> tatas sibi adiu<n>xit Monarchias, {to-

tu<m> eni<m> uni, nu<n>qua<m> co<n>cessit natura} t ame<n>

Orie<n>tali multo auctior, robustiorq<ue> evasit.

+ Dext1'Wrl · · . _ enun un'Z-usquisq<ue> dicimus , unde principium est e'l.us! qu1: s~cu_ndu<m> locum fit motus: ciroulationis autem cœ~'I. pnnc1;p1-um est, unde ~stroru<m> ortus sunt: quare hoc ut1-Q<ue> .ent de:r:tru<m>, ub'I. autem occasus, sinistru<m>. De Cœ lo. LT-b . 2 Tex: 15 .

*Confirmatur hœc.sententia ex sacris literis, quœ prohibent, i:eum creass;; hom~em, et paradisum, in quo eu<m> coZZ.ocavero:t, 1-n plaga 01'1.entah, ut patet ex descriptione 4 fluminu<m> ex fluvi~ ~radisi in 4 capita divisoru<m>. Gens . c.2 . et 1 ~o: Bened'!.X'l.tq<ue> illis Deus et ait . Crescite et multiplicamini et .r~pl~te t~rra<m>, et subiicite eam, clarescit, ab oriente pl'U71U17l 1-ncep'Z-sse motu<m> dominij in alias mundi partes. + . Hu•cus aute<m> capral'W71, [Quem inferius interpretatur Primu<m>

Regem Grœcoru<m>, id est Alexandru<m> magnu<m> nt:zcedone<m> ) rrv:ignus factus est nimis. [et inferius ] De uno autem ex eis egressum e~t .cornu unum modicu<m>, et factu<m> est gro:nde contra merT-d'!.em, et co<n>tro: oriente<m>, et co<n>tra fortitu-

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205

210

1 8

Cui itide<m> senio labe s ce<n >ti , successit Monar­

chia Occide<n>talis , {servato ne<m>pè natur ali

motu cir culari.} Quae li cet mul ta per sœcu- l 9

la , lo<n>gè, lateq<ue> sese in alias exte<n>derit Monar­

chias, nihilotame<n> minùs , cùm in mu<n>di par-

te , no<n> aute<m> in ipso ce<n>tro orta fuerit, nega-il le vit illi, providus naEurœ ordo, plus ultra se

extendere, quàm in Asia<m>, 'ad Parthoru<m> usq<ue> 'quidem

limites , intacta ne<m>pè India; in Aphricam

aute<m>, ad Carthaginis usq<ue> termines , illëesis

scilicet, Ammonis citerioribusq<ue> eius regio-

nibus, et Nili alumna<m> Lybia<m> . In huius

tandem Monarchiëe canitie, {no<n>du<m> eni<m> de -

crepitëe ëetatis, d'ici poterat} Principia sui

rnonarchatus, in reliquas Boreales Ge<n>tes,

indicare occepit, Rossiaca Monarchia.

Quà secu<n>du<m> ordinem à natura ipsa num-

qua<m> violabilem, { : suu<m> eni<m> instt~u<m> nescit,

mutare natura,} et ëeternè {: co<n>cede<n>te divinà

volu<n>tate,} legitimè observandu<m>, ad instar

Centralis illius Grëecëe Monarchiëe, {Quia

Borealis quoq<ue> pars respectu Orientis , et Occi­

de<n>tis, Centralis, et media est,} sese exten-

dere, atq<ue> porrigare necessè erat. Veru<m>tame<n>,

quemadmôdu<m> no<n> raro in cëeteris quoque

naturalibus observare licet, in genera<n>t i bus , 110

nasce<n>tibus , atq<ue> cresce<n>ti bus, aliquando prëe­

ter naturëe institutu<m>, quœda<m> à naturali de­

viare via, obsta<n> t e , nempè et inpedie<n>te a l i -

quo exotico et adscititio accide<n>te, quo in ca-

su , s i vè abort i vus editur , s i vè mo<n>stru<m>

aliquod naturëe leg i horre<n>du <m> , s ubnasc i t ur ,

sivè no<n> secu<n>du<m> naturëe i nceptu<m>, atq<ue> Idea <m>

crescit . +I t a h i s persimi l ima consider ari

dinem . [ubi observa<n>du<m> Aqui ionis nuiia<m> fie r i mentio­ne<m> . ] Dan . c . 8 .

[ 214] +Huis Regni tyra<n>nici ortu<m> probè potest inteilegi ex eode<m> Danië le. C. 11 . ver . J? .

215

220

225

1 9

potest SéE!Va Othomanoru<m> Monarchia.

Quœ ut abortivus, et exl ex naturée fœtus,

Genuini, naturalis, et legitimi fili j , atque

successoris, hoc est Borealis Monarchiœ,

in Monarchatum, aliqua<n>tispèr retarda-

vi t progressum, et naturale<m>, debita<m>q<ue> cres­

ce<n>tia<m>. Est tame<n> et aliud naturale,

et verissimu<m> axioma, quod affirmat,

Remanere naturas, prout incepère, u<n>de

prooè colligimus, non duratura illa, quœ

secundu<m> natura<m> no<n> inceperunt, et con­

seque<n>ter, o<m>nia ad propria<m> sibi, natura­

le<m>ve co<n>verti sede<m> debere. ah Juste Deus,

prudensq<ue> natura! fac ta<n>dem!

11f Haru<m> éeternce, ut dico solent, veritatis pr<emissaru<m>

230 siquis syncera<m> et pura<m> co<n>seque<n>tia<m> inf~re co-

235

240

245

250

naretur, profectô ille ta<m> admirabile , qua<m> o<m>ne<m>

admiratione<m> supertranscendens veritatis exa-

men eliceret; et equidem tù<m> rationabilitèr, tum

experime<n>talitèr. Quod tàm angustis paginis,

co<n>cisisq<ue> sermonibus, prout ipsius consequentiëe

dignitas fert, circu<m>scribi et co<n>cludi minimè

posse, clementèr judicaret, et nos quoq<ue> no<n> van<e

frivolëeq<ue> gloriolée captatores existimaret; nèc

deniq<ue> nimis, in futuris co<n>tinge(n)tibus, {de quibus

nulla<m> dari vera<m> propositione<m>, sapie<n>tissimus do­

cet Stage ri ta.} prcedice<n>dis ut parcu<m>, si vè o<m>ninô ig­

naru<m> obiurgaret. Libenter enim fatemur, qua<m>-

vis evide<n>tissima quaru<m>dam futuraru<m> rerum

necessariô adve<n>turu<m> principia, physico, et ra-

tional! argume<n>to cognita esse<n>t, nihilominus

tamen quicqua<m> de futura veritate intrepidè,

et sine dilige<n>ti cautela, proferre possumus . no<n>

enim nostru<m> est cognoscere tempora, et occasi­

ones, sed illius, in cuius potestate posita su<n>t.

Act us Apost. c.1.

Qua<m> ob rem hui us conseque<n>tice, sec undu<m> ratione <m>

necessariu<m> exame<n> adferre, omninô inidoneu<m>,

esse, dico et affirma. Nec eni<m> sunt tantëe, in Na- 11 2

turali philosophia, fœ licitatis, qui naturale s

255

260

265

270

275

280

20

necessitates, ut prodigia, et miracula, audactèr, pr.:e­

dicem , pr.:edicem, sive venditare possim.

Verumtame<n>, supra hoc examine, illi qui me, in

hac professione innumeris parasa<n>gis supera<n>t,

quid senserint, in propatulo exponere, nèc t.:ede­

bit, nèc pudebit fortè . +

Exsuprà adlatis naturalibus pr.:emissis, huius

ce modi co<n>clusione<m>, adulationis inscij profer<n>t.

Iàm tempera appropi<n>quant; Iàm etia<m> illa te<m>­

pora adveniunt. {progrediente ne<m>pe co(n)tinuo

naturalis actionis cursu.} in quibus multa na-

tur.:earcana {Hoc est co<n>tinge<n>tia a<n>tequa<m> fiere<n>t

mortalibus, minimè prrecognita} revelabu<n>tur.

Iàm illa quarta monarchia Borealis, incipere

(hoc est accrescere.) debet. Iam te<m>pora in propi<n>­

quis sunt, {observare ne<m>pè •natur.:ecirculari

motu, et mutationis mode,} Mater Scie<n>tiaru<m>

veniet, et maiora elucidabu<n>tur, quàm in his

tribus prreteritis Monarchiis, facta. {Quia

ni f allor naturalis motus ad perfectione<m> circuli

properat.} Quonia<m> hanc Monarchia<m>, ut ve-

teres divinarunt, plantavit Deus per Unu<m> ex Pri<n>- 113

cipibus, omnibus virtutibus ditatu<m>, Que(m) forta-

ssè nobis iam tempera produxerunt. {: Presse

videlicet sub profundo sile<n>tio, proprio nomine,

nomina enim no<n> essentialia, sed accidentalia

sunt.} Habemus inquiunt, in hac Boreali par-

[259] + Huia co<n>clusioni favet vatiainiu<m> ejusde<m> DaniiiZis. C. 11. fere totu<m>, et prœcipue, ver. 15. Et veniet [ inquit] Rex Aqui­lonis, et comportabit aggerem, et capiet urbes munitissimas, et brachia Austri no<n> sustinebunt, et co<n>surgent electi eius ad resistendu<m>, et no<n> erit fortitudo. Et ver: 40 . Et in tempore prœfinito prœZ.iabitur adversus eum rex Austri, et quasi tempestas veniet co<n>tra illu<m> Rex Aquilonis, in currubus, et in equitibus, et in classe magna et per eas ibit et introibit terra<m> gZ.oriosam. [id est IerusaZ.e<m>.] et ver: 42. Et mittet manu<m> sua<m> in terras, et terra /Egyp ti no<n> effugiet . et ver: 43. et dominabitur thesauroru<m> auri, et arge<n>ti, et in omni­bus prœtiosis /Egypti, Lybyam quoq<ue>, et /Ethiopia<m> transibit, et ver: 44. Et fama turbabit ab Oriente, et ab Aquilone, et veniet in muZ.titudine magna ut conterat, et interficiat pZ.urimos. ver. 45. Et figet tabernacuZ.um suum Apadno, inter maria super montem Incly­tu<m>, et sanctum.

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290

295

300

305

21

te Principem Sapie<n>tissimu<m> , et bellicosissimu<m> .

{ : O divinanpé'voLa , Quis ta<n>dem sit ille. } Que(m)

nullus Monarcharu<m>, humanitate, et pietate

excellit. (Utrum sit, de quo nos speramus!)

I n hac Boreali Mo narchia, Deus omnium

reru<m> conditor, maiora arcana sine dubio, in

rerum natura elucidabit, quàm illis temporibus,

ubi aut Paganorum, aut Tyra<n>norum sedes, fuit.

Veru<m>tamen has Monarchias philosophi, cùm

secundu<m> mundi cardines co<n>stituant, Hanc Bo ­

realem, in ultimo circuli pu<n>cto, et Septe<n>triona­

li vertice esse affirmant. Qua<m> peculiari quasi

nomine, Polarem, et Antarctica<m> Monarchiam

nu<n>cupant, in cuius felici Dominic, bona a<n>te

multa srecula à divine Psalmista prrecantata,

cÔrespondere augurantur. +Misericordia, et

pax oviabunt sibi. Pax et Justitia oscula-

buntur, Veritas de Terra orietur, et Justitia 114

de C.:elo prospiciet, et erit unum ovile, et unus

Pastor. Joha<nnes>: c. 10. v. 16.

H.:ec Physic.:e Ausculta tores, Expecta<n>tissime

Monarcha, ex physicis pri<n>cipiis prremittu<n>t,

et ex his prremissis talem da<n>t

conclusionem. Ego autem

cu<m> S. Theologo Grœgorio,

stabo.

Qui dicit, Bonu<m> co<n>ie­

ctorem, Bonum esse

vatem.

Psal. 84

( 296 J +In huius AquiionaZis monarchiœ fine, ex va t icinio, eiusdem DaniiiZ.is apertè secu<n>du<m> adve<n>tu<m> D<omi>ni Jesu Chris­ti inteZ.Z.igitur. In tempore [inquit ] iZ.Z.o consurget MichaiiZ. Princeps magnus, qui stat pro fi liis populi tui, et veniet quaZ.e no<n> fuit ab eo ex quo gentes esse coeperunt usq<ue> ad tempus ilZ.ud, et in tempore iZ.Z.o saZ.vabitur popuZ.us tuus , omnis qui inve<n>tus fuerit scriptus in Z.ibro . Et muZ.ti de his , qui dormiu<n>t in terrœpuZ.ve~ , evigilabunt, alii in vita<m> œtJerna<m>, et alii i n opprobrium ut videant sempèr. Qui aute<m> docti fuerint fu lgebunt quasi splendor f irmame<n>ti, et qui ad justitia<m> erudiunt multos, quasi steUœ in pel'f>etuas œter­nitates. C. 12 ver . 1, 2,3. et tande<m> finem suœ Prophetiœ ponit.

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Fac-similé du manuscrit latin.

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Fac-similé de la traduction slave.

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K0benhavns Universitet ROMANSK BIBUOTEK

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Nummer 114 April 1984

Finn S0rensen

Duetstrategien eller forskydnings­strategien

Et strategivalg for franskunder­

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