Nouvelles 82-83
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8/2/2019 Nouvelles 82-83
1/9
82-83
A quiprofite ledveloppement?
La sdentarisation
des Innu
Nature sauvageet peuplesindignes
Retrouver lelion
Survivalles nouvelles de
mars 2012
-
8/2/2019 Nouvelles 82-83
2/9
Rpression en Ethiopie
Une centaine d'opposants au barrage
hydrolectrique de Gibe III, en
construction dans la valle de l'Omo,
appartenant pour la plupart aux tribus
mursi et bodi, ont t arrts et
incarcrs fin septembre. Les Nations-
Unies ont demand l'Ethiopie de
fournir les preuves que des tudes
d'impact indpendantes ont bien t
menes et que les peuples indignesconcerns ont t dment consults.
L'Unesco a pour sa part appel un
arrt immdiat du chantier et
recommand aux institutions
financires participantes de geler leurs
investissements. La valle de l'Omo et
le lac Turkana sont inscrits sur la liste
du patrimoine mondial de l'Unesco.
Violences au Kenya
Les Samburu, une tribu kenyane du
district de Laikipia, ont t victimes de
violences aprs le rachat de leurs terres
par des organisations de protection de
la faune sauvage. En dcembre
dernier, la police kenyane a
brutalement expuls les Samburu,
incendiant leurs villages, tuant et
drobant leurs troupeaux et agressant
hommes, femmes et enfants. Deux
mille familles vivent dsormais dans
des campements improviss la limite
de leur territoire et mille autres ont t
relocalises de force. Les Samburu ont
dpos une plainte et Survival a crit
aux Nations-Unies, demandant que
des mesures urgentes soient prises
pour mettre fin la violence et fournir
une assistance aux Samburu.
Rpression en Papouasie
Dix personnes ont t tues par les
forces de scurit indonsiennes qui
dispersaient les participants au
troisime congrs de Papouasie
indpendante en octobre dernier. Une
vido choquante diffuse
clandestinement montrait les forces
indonsiennes en train de frapper
brutalement les civils. Plus de 100 000
civils auraient t tus depuis le dbut
de loccupation de la Papouasie par
lIndonsie en 1963.
Offensive au Bangladesh
Une attaque lance au mois de
dcembre par des colons dans un
march des Chittagong Hill Tracts a
fait un mort et une dizaine de blesss
parmi les Jumma. Cet incident est le
dernier dune srie dattaques qui a
fait de nombreuses victimes depuis
lt 2011. Les Jumma subissent
galement une violente rpression de
larme. Le gouvernement duBangladesh a favoris l'installation de
centaines de colons dans cette rgion
qui abrite onze groupes connus sous le
nom collectif de Jumma.
Menaces sur les Indiens du Brsil
En janvier dernier, deux mois aprs
l'assassinat de leur leader Nsio Gomes,
les Indiens guarani de la communaut
de Guaviry dans le Mato Grosso do
Sul ont reu des menaces de la part de
fermiers locaux dont les hommes de
main font circuler une liste noire de
leurs prochaines victimes. Nsio
Gomes avait t brutalement abattu
aprs avoir organis le retour de sa
communaut sur son territoire
ancestral occup par les fer miers.
Survival a appel le gouvernement
brsilien prendre durgence des
mesures pour assurer la protection des
Guarani et de leur territoire.
Un enfant aurait t brl vif par des
bcherons qui ont envahi le territoire
des Indiens aw dans lEtat du
Maranho. Une soixantaine d'Aw
vivent isols dans cette partie du nord-
est de l'Amazonie brsilienne. Ils sont
l'un des derniers groupes de chasseurs-
cueilleurs nomades du Brsil. Leurs
territoires, qui subissent une invasion
massive et illgale de bcherons,
connaissent actuellement le taux de
dforestation le plus lev d'Amazonie.
Les Aw sont rgulirement victimes
d'attaques brutales de la part des
bcherons pour les empcher de
retourner dans la fort. Survival fait
pression sur les autorits brsiliennespour expulser les bcherons des
territoires aw.
Indiens isols du Prou
Survival a diffus dernirement des
photos extrmement prcises d'une
famille isole de la tribu mashco-piro
dans le parc national de Man, au
sud-est du Prou. Les bcherons qui
exploitent illgalement les forts de ce
parc national forcent les Indiens
sortir de leur isolement. Survival a
appel le gouvernement pruvien
faire cesser l'exploitation forestire
illgale qui menace dangereusement la
vie de ces groupes isols.
Cannibalisme aux Marquises
Survival a dpos une plainte officielle
auprs de la Commission britannique
de la presse pour les allgations
mensongres parues dans la presse
internationale selon lesquelles un
touriste allemand aurait t dvor,
dbut octobre, par des cannibales dans
lle de Nuku Hiva. Ce genre de
strotype raciste qui a t utilis pour
justifier les spoliations territoriales des
peuples indignes tout au long du
XIXe sicle, na pas sa place dans le
journalisme moderne.
Victoire en Tanzanie
Les Hadza, une petite tribu de
chasseurs-cueilleurs denviron 1 500
personnes vivant au nord-ouest du
pays, ont obtenu en novembre dernier
la reconnaissance officielle de leurs
droits fonciers les protgeant ainsi de
linvasion dautres tribus. Cest la
premire fois quun gouvernement
tanzanien accorde de tels droits une
tribu minoritaire.
32
Echos des campagnesSomm
aire
Echos des campagnes
A qui profite le dveloppement?
Stephen Corry
Retrouver le lion
Gordon Bennett
La sdentarisation dtruit les
Innu du Canada
George Rich
Nature sauvage, imagination
humaine et peuples indignes
Joanna Eede
Action urgente
Les Jarawa ont besoin de vous
Les Nouvelles de Survival n82-83, mars 2012
Prix de ce numro : 6 abonnement : 15
Directeur de la publication : J.-P.Razon
Rdaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. Razon
Traductions : J.Main, S. Dourche, M.Legrand
Imprimerie : Corlet, Cond-sur-Noireau
ISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188
Dpt lgal : 1er trimestre 2012
Survival International (France)
Association reconnue dutilit publique
Photo couverture : Femme bushman de la rserve
du Kalahari central, Botswana. Survival
Le supplment de limpression en quadrichromie de
ce numro spcial a t gnreusement offert par
notre imprimeur.
Ce numro peut tre lu en ligne ou tlcharg en
format PDF ladresse suivante :
www.survivalfrance.org/actu/publication
Survival International France18 rue Ernest et Henri Rousselle
Paris 75013T (33) 1 42 41 47 62
Survival aide les peuples
indignes dfendre leur vie,
protger leurs terres et
dterminer leur propre avenir
Survivalles nouvelles de
Un objectif majeur du processus
de dveloppment entam dans
les annes 1980 consistait
garantir que les populations
concernes bnficieraient
rellement des investissements
en capital, des innovations
technologiques, de la modernisation, en un mot du
Progrs. On lira dans ce numro quen ce qui concerne
les peuples indignes, cet objectif est loin davoir t
atteint. Les planificateurs et les praticiens du
dveloppement ont en effet souvent prfr fermer les
yeux devant des problmes qualifis sans vergogne de
cots sociaux invitables en esprant que les populations
vises finiraient bien par jouir elles aussi des avantages de
la modernisation. Pire encore, comme on pourra le
constater dans linterview du leader innu George Rich, les
peuples indignes ont souvent fait lobjet dune stratgie
dlibrment destructrice poursuivie par lEtat, les
planificateurs du dveloppement ou les lites dominantes.
Hlas, les effets multiples du dveloppement de la
dsertification et de la dforestation la pauprisation, la
marginalisation et la dpendance, en passant par la
pollution et la dtrioration des ressources naturelles dont
les populations tirent leurs moyens de subsistance
reprsentent probablement lune des tragdies humaines
les plus graves de notre poque. I
3
4
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16
ditorial
PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO
Merci...
'Sans vous, nous serions encore en train de
pleurer la perte d'autres chefs guarani.
Nous vous remercions du fond du cur.'
Ce message a t adress aux
sympathisants de Survival par
Valdelice Veron, la fille du leader
guarani Marcos Veron assassin en
2003.Survival tient galement
remercier tous ceux qui ont
gnreusement contribu notre
appel de soutien aux Guarani
victimes de violence et de racisme.
-
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3/9
Aquoi sert le dveloppement?
Il serait probablement utile ceux qui nont pas accs
leau courante ou un
systme dgout en zone
urbaine (la contamination fcale, pourtant
facilement vitable, est la plus importante
cause de mortalit d'origine humaine). Mais,
bien que ces besoins essentiels ne soient pas
la porte de millions d'individus, ils ne
reprsentent qu'une infime partie de ce qui
est aujourdhui considr comme le
dveloppement. Le cynisme rvoltant dont
font preuve les politiques gouvernementales
et le monde des affaires l'gard du
dveloppement renferme bien dautres
lments les armes par exemple dans la
mme catgorie.
Que peut signifier le dveloppement pour
ceux qui sont presque totalement
autosuffisants, qui assurent leur propre
subsistance et qui btissent leurs maisons l
o leau est encore limpide comme le font
la plupart des 150 millions dtres humains
qui appartiennent des minorits tribales
dans le monde? Le dveloppement leur a-t-
il t dune quelconque utilit, ou au
contraire leur a-t-il t dfavorable?
Il est ais den mesurer les consquences.
Sans compter les millions d'individus qui
ont succomb linvasion coloniale dans
certains des pays les plus dvelopps du
monde (Australie, Canada ou Etats-Unis), le
dveloppement a converti la plupart des
survivants en indigents dpossds de tout.
Essayez dvaluer ce qu'il devrait signifier:
revenus levs, accroissement de la longvit
humaine, plein emploi, sant florissante,
taux rduits d'addiction la drogue, de
suicide, d'emprisonnement et de violence
domestique, et vous constaterez que les
peuples indignes des Etats-Unis, du
Canada et dAustralie sont de loin les plus
dfavoriss sur la plupart de ces aspects
mais personne ne semble en tirer les leons.
Les consquences de cette dpossessionsont encore plus radicales en Amrique du
Nord et en Australie que partout ailleurs sur
la plante. Les colons taient dtermins
spolier les terres indignes, sans remettre en
cause leur propre supriorit. Ils ont adopt
des modles socio-conomiques selon
lesquels les travailleurs produisaient pour de
lointains marchs, et devaient payer pour ce
privilge. Les autochtones, qui nutilisaient
pas dargent, qui ne payaient pas d'impt et
qui contribuaient peu au march tant quils
ny taient pas forcs, taient considrs
comme des arrirs. Au mieux, ils taient
destins tre intgrs pour servir la socit
coloniale.
Le systme colonial les a privs de leur
mode de vie autosuffisant sur leur propre
territoire et les a amens en tant que serviles
domestiques une productivit leve sur
les terres dun autre. Il ne servirait pas
grand-chose de demander des excuses
rtroactives ce sujet car ce systme
n'appartient pas qu' un pass rvolu : la
plupart des projets imposs de nos jours aux
peuples indignes vont exactement dans le
mme sens.
Deux des axes principaux du
dveloppement sont l'habitat et lducation.
Les maisons traditionnelles ont beaucoup
davantages pas seulement parce qu'elles
ne ncessitent pas d'investissement financier
elles sont f raches sous les tropiques,
confortables sous les rigueurs de l'hiver
glacial des rgions subarctiques, toujours
conviviales, la plupart du temps
multifamiliales mais le dveloppement
considre quelles doivent tre remplaces
par des habitations modernes individuelles.
En Papouasie occidentale, les tribus gardent
leurs cochons dans les nouvelles maisons en
dur que le gouvernement leur a fournies et
vivent dans les anciennes. Le Rwanda a
4
A qui profite le dveloppement?
Nous devons nous
demander si le
dveloppement
bnficie ceux qui
sont presque
totalement
autosuffisants
comme cest le cas
de la plupart des
150 millions dtres
humains qui
appartiennent aux
minorits tribales
rparties dans le
monde entier.p
ar Stephen Corry*
*Stephen Corry est directeur
gnral de Survival International et
auteur de Tribal Peoples for Tomorrows
World, Freeman Press, 2011.
Photo page ci-contre : Femme
aborigne, Australie. Mikkel
Ostergaard/Panos
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Le lion et moi
sommes
frres, avait
confi un
Bushman gwi
du Botswana un reprsentant de
Survival International, l'poque o le
gouvernement entamait sa politique
d'expulsion des habitants de la rserve
du Kalahari central. Je suis rvolt
d'avoir quitter cet endroit, alors que
le lion peut y rester.
Les Bushmen sont les habitants
originaux de l'Afrique australe. Ils sont
probablement les seuls pouvoir
prtendre tre les plus indignes de
tous les peuples du monde, aprs avoir
vcu sur leurs terres plus l ongtemps
que quiconque sur la plante. Ils
connaissent intimement ce vaste lieu
ses forts d'acacias, ses prairies plates
et ses rivires fossiles sinueuses. Depuis
70 000 ans ou plus, ils survivent parmi
les lions et les girafes, chassant les
antilopes et les livres dans la chaleur
de l't, stockant l'eau sous la terre
dans des ufs d'autruche vids
lorsque leurs points d'eau ne sont plus
que poussire.
C'est leur foyer. Il en a toujours t
ainsi. En fait, il a pu tre autrefois le
lieu d'origine de nous tous on pense
en effet que le berceau de l'humanit
se situe en Afrique australe ou
orientale. Aujourd'hui, nous
dcouvrons que les Bushmen sont
gntiquement plus proches de nos
anctres que quiconque sur Terre.
Et pourtant, ils sont galement les
peuples qui ont t les plus victimes de
violence de toute l'histoire de l'Afrique
australe. Ils ont souffert pendant des
sicles de marginalisation et dune
brutale discrimination, tant de la part
des Bantous, ce peuple d'leveurs qui
arrivait du nord, que, plus rcemment,
des colons europens qui organisaient
des parties de chasse aux Bushmen
aprs avoir abord les ctes de
l'extrmit sud de l'Afrique.
Dans les annes 1980, on a
dcouvert que la Rserve du Kalahari
recelait les plus riches gisements de
diamants du monde. Ainsi de 1997
2002, l'impensable l'inadmissible
est arriv. La plupart des Bushmen
un peuple qui jadis vivait sur un
territoire s'tendant du bassin du
Zambze au Cap ont t arrachs
leurs foyers et conduits dans des camps
en dehors de la rserve. Leurs villages
ont t rass, les puits qu'ils utilisaient
dtruits, l'eau perdue dans le sable.
Nous tions faits de sable, nous
sommes ns ici, disent les Bushmen.
Mais pour le gouvernement
botswanais, leur patrimoine et leurs
droits de l'homme n'avaient plus
aucune importance puisqu'il y avait
des diamants exploiter. Le
gouvernement prtendait qu'en vertu
de la rglementation sur la faune
sauvage, les Bushmen devaient avoir
une autorisation officielle pour entrer
Retrouver le lionLes Bushmen du Kalahari clbrent lecinquime anniversaire de leur victoire
Nombreux ont t ceux
d'entre vous qui ont
contribu au financement dudpartement juridique de
Survival International et
c'est grce ce gnreux
soutien que Gordon Bennett,
avocat international
spcialiste des droits de
l'homme, a pu accompagner
les Bushmen de la rserve du
Kalahari jusqu leur
victoire juridique contre
leur gouvernement. Il
rappelle ici le rle qu'il a
jou dans l'un des plus
importants procs de
lhistoire du Botswana.
p
ar G
ordon Benn
ett*
* Gordon Bennett est lauteur deAboriginal Rights
in International Law, Royal Anthropological
Institute of Great Britain and Ireland, publi en
association avec Survival International,
Occasional Paper, n37, Londres 1978, 88 p.
Lorsque nous sommes retourns la rserve avec la bonne nouvelle, nous marchions la tte haute dansles villages. Metsiamanong, Botswana, 2006, Photo Survival.
rcemment interdit les toits vgtaux
qui doivent tre remplacs par la tle
ondule dont on peut douter du
confort quelle peut apporter sous des
climats tropicaux.
Quen est-il de lducation
moderne? En Australie, les enfants
mtisses ont t arrachs leurs
familles et conduits de force dans de
lointains pensionnats dans le but
d'liminer leur aboriginalit afin de
former une classe infrieure. Des
toundras glace de Sibrie aux dserts
arides du Botswana, les pensionnats
demeurent un argument majeur des
politiques dintgration qui dtruisent
plus quelles nduquent. Ce nest pas
une conspiration cache: il sagit
ouvertement de transformer les
peuples indignes en travailleurs
mprisant leur propre hritage
culturel.
De nombreux peuples indignes se
sont rendu compte que mme
l'assistance mdicale moderne que leur
apportent les gouvernements les plus
prospres ne sont pas en mesure de
gurir les maladies que les politiques
que ces mmes gouvernements leurs
ont infliges. Ce nest pas l'arriration
qui pousse les peuples indignes
rejeter les projets de dveloppement,
cest une anxit rationnelle
concernant l'avenir.
Quant au dveloppement
dinfrastructures grande chelle
barrages, mines, irrigation... son effet
rel est toujours denrichir l'lite tout
en appauvrissant les locaux.
Est-il alors possible d'apporter aux
peuples indignes de rels bnfices du
dveloppement? Oui, si nous
acceptons leur droit de rejeter ce que
nous, investis dune sagesse
suprieure, pouvons leur offrir. Nous
devons cesser de penser quils sont
purils lorsquils prennent des
dcisions que nous dsapprouvons.
Tous les gens veulent contrler leur
propre avenir, et tous nattendent pas
les mmes choses de la vie, mais de
telles vidences n'ont presque jamais
t mises en pratique.
Le dveloppement, du moins pour
la plupart des peuples indignes, n'a
pas pour vocation de sortir les gens de
la misre, mais bien de masquer la
prise de contrle de leurs territoires.
Le subterfuge fonctionne bien car la
conviction que nous savons mieux est
plus profondment enracine que
jamais; ltroitesse desprit de lpoque
victorienne est de retour. Comme me
le disait un Bushman du Botswana:
En premier lieu, ils nous dpossdent en
spoliant nos terres, en nous privant de nos
zones de chasse et de nos modes de vie.
Ensuite ils disent que nous ne sommes rien
car nous sommes sans ressources .
A une poque o l'eau, la
nourriture, le logement, lducation, la
sant et lnergie deviennent hors de
prix, l'autosuffisance se rvle un
mode de vie attractif. Certes, elle
n'augmentera pas les chiffres du PIB,
mais il existe encore de nombreux
peuples indignes dans le monde qui
vivent plus longtemps et plus
sainement que des millions de gens
dans les bidonvilles. Qui peut dire
quils ont fait le mauvais choix? I
6
Manifestation contre le barrage de Belo Monte, Londres en mars 2011 M. Cowan/Survival
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pas entirement gagne. La haute
Cour du Botswana avait seulement
jug qu'ils avaient le droit de retourner
sur leur terre ancestrale, mais n'avait
pas ordonn au gouvernement de leur
apporter les services de base qu'il avait
prcdemment fournis, comme l'eau.
Leur condition pouvantable,
qualifie de traitement dgradant par
Winnemem Wintu, Rapporteur spcial
sur l'eau de l'Instance permanente des
Nations-Unies sur les questions
autochtones, a continu. Legouvernement autorisa l'installation
d'un gte touristique l'intrieur de la
rserve, tout en refusant aux Bushmen
l'accs un puits, les forant
parcourir de longues distances dans la
chaleur torride du dsert, pour aller
chercher de l'eau l'extrieur de la
rserve. C'est une vie extrmement
difficile, disaient-ils, devoir chercher
des racines pour en extraire quelques
gouttes d'eau nous puise.
C'est alors que les Bushmen
retournrent la Cour pour contester
nouveau un gouvernement qui
essayait par tous les moyens de rendre
leurs vies misrables et leur retour
chez eux impossible. Essayer par tous
les moyens incluait le harclement, la
torture, les expulsions, les fusillades, les
arrestations et d'innombrables atteintes
aux droits de l'homme. Leur
revendication a t dans un premier
temps rejete en juillet 2010, mais en
janvier 2011, la Cour d'appel du
Botswana a annul une dcision qui
refusait l'accs l'eau aux Bushmen du
Kalahari sur leurs terres ancestrales.
Les juges d'appel qualifirent la
condition des Bushmen d'histoire
poignante de la souffrance humaine et
de dsespoir.
Les Bushmen ne demandent pas
l'aumne du gouvernement, ou bien
des routes ou des hpitaux. Ils veulent
cependant tre consults sur tout
projet de dveloppement de la rserve,
qu'il mane du secteur public ou priv.
Cette exigence ne semble pas
draisonnable, mais le gouvernement
n'a pas encore pris la peine de discuter
avec les Bushmen sur les projets qu'il
planifie dans la rserve, en dpit du
fait que le droit international prvoit
dsormais que les gouvernements et
les entreprises doivent obtenir le
consentement libre, pralable et
clair des peuples indignes avant
de se lancer dans un projet les
concernant.
Reste voir si le gouvernement ira
chercher ce consentement. Les avocats
peuvent ngocier des accords pour
limiter l'impact d'un projet et veiller
ce que les Bushmen en tirent quelque
profit, mais ils ne peuvent pas ngocier
avec eux-mmes. Si les politiciens et
les hommes d'affaires continuent
d'ignorer les communauts l'intrieur
de la rserve, d'autres actions la
Cour deviendront ncessaires.
Est-ce trop esprer que le bon sens
et la dcence puissent encore
l'emporter et que les Bushmen puissent
enfin avoir leur mot dire sur ce qui
se passe sur leurs propres terres? Les
premiers habitants de la Rserve du
Kalahari central ont le droit de rentrer
chez eux sans entrave, de revenir
leur vie et leurs terrains de chasse.
De retourner la case dpart, au
lion. I
dans la rserve de gibier, et sans elle,
ils n'taient que de criminels intrus. Il
a galement dcrt avec
condescendance que l'expulsion des
Bushmen tait en quelque sorte
planifie pour leur bien et qu'ils en
bnficieraient aux niveaux social et
conomique.
Cette promesse n'tait qu'un tissu de
mensonges, la ralit des expulsions fut
tout autre. Les Bushmen ont t forcs
de vivre dans des abris misrables des lieux de mort, comme ils les
appelaient o ils taient abandonns
et dsuvrs. Leur survie ne
dpendait plus de la chasse ou de la
cueillette, mais des rations qui
arrivaient par camion une fois par
semaine. Ils devaient faire la queue
pour les obtenir en signant le reu avec
l'empreinte de leur pouce.
Les Bushmen ont t en somme
privs de tout ce qu'ils avaient toujours
connu. Dpossds de leur territoire
ancestral, de leurs terrains de chasse,
de leurs mythes, de leur mmoire
collective sans pouvoir exercer leur
libre choix et le contrle sur leur vie
une dpression gnrale s'est installe.
Je ne veux pas de cette vie, mavait
confi Jumanda Gakelebone, un
Bushman gana. La dignit perdue,
l'alcoolisme prit sa place. Prostitution
et sida que les communauts bushmen
n'avaient jamais connus taient
dsormais devenus monnaie courante.
Avec le soutien de Survival, les
Bushmen ont port leur cause devant
la haute Cour. Ils ont fait valoir que la
loi devait respecter leur relation
particulire la terre et les droits dont
chaque clan jouit traditionnellement
au sein de son propre territoire. La
Cour a accept en dpit d'un
amendement de dernire minute la
Constitution visant contrecarrer
leurs revendications et a statu que
leurs droits devaient l'emporter sur lalettre stricte des rglementations en
vigueur.
La Cour a ensuite jug que les
Bushmen avaient t expulss
illgalement de la rserve, que le refus
de leur accorder des permis de chasse
tait galement illgal et que
l'expulsion force des Bushmen avait
affect leurs moyens d'existence, qui
taient entirement dpendants de
leurs terres. Dans les termes du juge
Phumaphi, le traitement inflig par le
gouvernement quivalait
condamner les rsidents de la rserve
la mort par la famine.
Survival m'a demand de
reprsenter les Bushmen l'audience
parce que j'avais dj dfendu des cas
similaires ailleurs en Afrique. Cette
affaire, cependant, s'est avre tre de
loin diffrente de toutes celles que
j'avais traites auparavant.
Nous avons commenc par un
voyage dans la rserve. Nous c'tait
trois juges, deux quipes d'avocats
botswanais, un avocat anglais et une
horde de journalistes et de cinastes.
Dans un camp de relocalisation situ
en dehors de la rserve, un tribunal de
fortune a t install parmi les vaches,
les nes et les chvres. C'est l que les
Bushmen ont tmoign dans leurs
propres langues en attendant
patiemment que leurs paroles soient
d'abord traduites en setswana, puis en
anglais.Aucun des Bushmen n'avait assist
un procs auparavant. Certains
n'avaient mme jamais t dans un
btiment en dur. Le verdict a t
rendu en direct la tlvision
nationale, des tentes spciales avaient
t installes pour accueillir les
nombreux observateurs qui arrivaient
de toute l'Afrique et d'autres parties du
monde. Le procs a soulev l'motion
du public : il opposait une
communaut analphabte et pauvre
dans sa tentative apparemment sans
espoir de protger un mode de vie
ancestral, contre un Etat tout-puissant
qui disposait de ressources apparem-
ment illimites.
Si le verdict est tomb comme une
surprise pour le corps assembl de la
presse, il a galement t un choc pour
les Bushmen. Ils croyaient avec ferveur
leur cause, mais leur lutte durant
vingt ans pour empcher leur
expulsion tait bien trop empreinte du
got amer de la dfaite. Finalement,
cependant, quelqu'un en position
d'autorit avait compris que la relation
des Bushmen avec leurs terres dictait
tout : qui ils sont, ce qu'ils font et
comment ils pensent. Enfin il tait
reconnu que sans leurs terres les
Bushmen ne survivraient pas.
La perte de leurs terres avait fait des
Bushmen des tres totalement
dpourvus, mais la perspective d'tre
en mesure de rentrer chez eux a
provoqu une jubilation comme j'en
avais rarement vu auparavant.
Lorsque nous sommes retourns dans
la rserve avec la bonne nouvelle, nous
marchions la tte haute dans les
villages.
Mais la cause des Bushmen n'tait
Ils devaient faire la queue pour obtenir les rations alimentaires en signant le reu avec l'empreinte de
leur pouce. Dominick Tyler/Survival
Molathwe Mokalake, un rfugi bushman du camp de New Xade. Dominick Tyler/Survival
Leau coule enfin dans la Rserve du Kalahari.
Vox United/Survival
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1110
Que reprsente le caribou pour les Innu?
Le caribou est notre principale
source de vie; nous dpendons de sa
viande pour nous nourrir et de sa peau
pour nous vtir et nous abriter. Nos
lgendes et nos mythes sur le caribou
montrent tout le respect et la gratitude
que nous lui portons.
Aujourd'hui mme, au XXIe sicle,
nous l'honorons en le faisant figurer
sur le logo de notre communaut et
sur notre drapeau.
Parlez-nous du savoir traditionnel des Innu
sur l'environnement naturel. Quelles plantes
mdicinales utilisez-vous?
Il y a des plantes et des parties
d'animaux qui sont utilises des fins
mdicinales pour soigner certaines
maladies comme la toux, la grippe ou
les douleurs musculaires.
Les femmes innu ont l'habitude de
cueillir les baies la fin de l't et au
dbut du printemps et de les conserver
pour les utiliser durant l'hiver. La
vsicule biliaire de l'ours est utilise en
de nombreux cas : pour stopper une
infection par exemple; elle peut
galement tre applique sur des
blessures ou des coupures. La graisse
des manchots est utilise pour des
refroidissements et des grippes, elle est
fondue et transforme en huile que les
malades boivent. Les excroissances
noirtres qui poussent sur les grosses
pierres sont crases, transformes en
poudre et bouillies pour en faire une
boisson.
Ma mre m'a racont qu'un jour
mon frre avait plein de verrues sur les
mains. Elle l'emmena chez un an qui
lui demanda de tuer une souris et de la
lui apporter. Ce qu'elle fit. L'an tira
le sang de la souris et le pulvrisa sur
les mains de mon frre. Quelques jours
plus tard toutes ses verrues avaient
disparu.
Quels changements constatez-vous aujourd'hui
dans le pays qui pourraient tre causs par le
rchauffement climatique?
Ces dernires annes, nous avons
remarqu un changement brusque de
temprature. Il pleut maintenant
durant les mois d'hiver et au dbut du
printemps. A la fin de l'hiver, nous
pouvons avoir un temps extrmement
froid pendant des jours. Cela provoque
parfois des problmes avec la faune. Il
est arriv, par exemple, qu'un ours
noir sorte de sa tanire au milieu de
l'hiver parce qu'il avait plu pendant
quelques jours. L'ours mourait de faim
parce qu'il n'y avait pas de nourriture
pour lui cette priode de l'anne.
Qu'enseignez-vous vos enfants aujourd'hui?
Aujourd'hui, les adultes de la
communaut conduisent les jeunes la
campagne pour leur enseigner les
savoir-faire traditionnels qui font partie
intgrante de notre mode de vie,
comme la chasse et le cano, et la
faon de prendre soin des animaux
quils chassent.
Par exemple, vous devez dcouper
un caribou d'une certaine manire. Si
vous le dcoupez d'une manire
irrespectueuse, vous offensez l'esprit
animal. Vous devez galement faire
trs attention o vous placez les os et
Enfant innu, Labrador, Survival
Combien de temps les Innu ont-il vcu dans le
Nord-Est du Canada?
Nous avons vcu sur cette terre que
nous appelons Ntessinan (notre terre)
pendant des milliers d'annes, en nous
dplaant rgulirement dans
l'intrieur et en t jusqu'aux rives
ctires.
Mon grand-pre vient de l'intrieur
de Ntessinan et a pass la plus grande
partie de sa vie dans le Nutshimits (le
pays). Lorsque les commerants et les
missionnaires ont dbarqu sur nos
ctes, notre peuple s'installa dans un
petit village pour y faire du troc avec
les produits de notre chasse.
Les Innu ont toujours suivi les
migrations des caribous, tout
simplement parce que le caribou est
notre principale source d'alimentation.
Nous connaissons bien les lieux o ils
mettent bas et ceux o ils hivernent.
Pratiquement tous les lieux de ce
territoire ont un nom innu.
Les Innu sont un peuple de chasseurs.
Comment ont-ils pu survivre sur des terres
aussi hostiles?
Ils ont une connaissance
extraordinaire des conditions propres
cette terre, de son climat, des
caractristiques environnementales et
des lieux frquents par les animaux.
Ces connaissances, nous les avons
transmises nos enfants; elles leur
permettent de survivre et leur sont
essentielles car ils doivent compter
constamment sur eux mmes.
Pouvez-vous dcrire le territoire d'o vient
votre famille?
Je vis actuellement Natuashish, sur
la cte du Labrador. Cette rgion est
entoure de forts borales et de
terrains montagneux; plus vers
l'intrieur il y a la toundra, cette terre
aride o nous chassons le caribou.
J'ai vcu la campagne jusqu' l'ge
de 15 ans. J'ai toujours vcu dans une
tente jusqu' ce que la nouvelle
communaut de Davis Inlet soit
construite en 1969. Le gouvernement
canadien voulait sdentariser notre
peuple pour duquer nos enfants
comme des Blancs.
Mes parents ont essay de maintenir
notre mode de vie jusqu'au moment
o nous avons emmnag dans notre
maison la fin des annes 1970 et c'est
cette date que nous avons t forcs
d'aller l'cole. Je me souviens qu'une
fois mon pre est venu nous y chercher
pour nous emmener rejoindre notre
campement d'automne. L'instituteur
nous a suivis jusque chez nous et nous
a ramens l'cole.
Vous attribuez une immense importance
spirituelle votre territoire. Pourquoi?
Comme le disent nos anciens, la
terre fait partie de notre v ie. Sans elle,
vous n'tes rien; les animaux, les
plantes et tout ce qui est li la terre
sont des symboles de l'identit innu
de ce que vous tes, en tant qu'tre
humain.
La sdentarisation dtruit lesIndiens innu du CanadaEntretien avec George Rich
Dans un entretien avec
Survival, George Rich,
grand chef adjoint de lanation innu du Labrador,
parle du dclin de son
peuple provoqu par la
sdentarisation force. Les
Innu du Labrador, qui sont
environ 2 400, vivent dans
les communauts de
Sheshatshiu et Natuashish.
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Certains pensent l'avenir de nos
communauts comme beaucoup plus
intgres dans le monde des Blancs, o
l'argent coulerait flots dans les
poches des Innu. Notre mode de vie
sera difficile maintenir, mme si nous
avons dj mis en place des
programmes de revalorisation de notre
culture, mais les problmes sociaux au
sein de nos communauts sont
vraiment trop graves.
Comment expliquez-vous que les
communauts innu connaissent l'un des plus
hauts taux de suicide au monde?
Nous pensions que la religion
chrtienne et la scolarisation avaient
t source de confusion par rapport
ce que nous avions appris chez nous,
ce qui nous a amens croire que
nous ne valions rien et que la vie ne
valait pas la peine d'tre vcue. En y
repensant maintenant, je crois que
certains enseignants blancs et des
prtres ont abus sexuellement des
enfants quand ils enseignaient dans
nos coles.
Ce processus d'assimilation continu
auquel sont soumis les Innu a de trs
fortes rpercussions sur nos jeunes.
Beaucoup d'entre eux n'ont plus
aucune estime de soi.
Nous vivons une vie qui n'est pas
une vie. Nous sommes pris entre deux
mondes, dont l'un a perdu ses liens
avec la terre et les animaux.
Beaucoup d'ides fausses circulent encore
propos des peuples indignes. Quel message
souhaiteriez-vous adresser aux gens qui ont
encore des croyances dsutes sur les peuples
indignes?
Il est difficile d'radiquer des ides
qui sont prjudiciables aux peuples
indignes. L'ducation est la rponse.
Dans toute socit, il existe un
manque de comprhension des
croyances culturelles et religieuses des
autres peuples, mais il faut dcouvrir
d'autres cultures et les apprhender
comme toute autre socit.
Dans la culture innu, chacun, depuis
l'enfant jusqu'au vieillard, est cout et
entendu, parce que nous croyons que
nous avons tous quelque chose
apporter et transmettre.
Si vous aviez un message adresser d'autres
peuples indignes du monde - d'Afrique,
d'Amazonie ou de l'Arctique - qui sont
confronts des problmes similaires, quelserait-il?
Maintenons la prise de conscience
de l'opinion et continuons informer
le public sur ce qui se passe chez les
peuples indignes dans le monde.
La disparition du mode de vie et de
la langue est le premier signe
d'extinction d'une culture. Nous avons
besoin de maintenir des modes de vie
diffrents pour la survie de tous les
tres humains.
Il y a dans le monde beaucoup de
gens bienveillants. Ils peuvent
contribuer changer le monde. I
la tte du caribou, parce que l'esprit
animal doit tre respect. Et la moelle
pinire du caribou doit tre traite
avec le plus grand respect. Un grand
rassemblement de la communaut a
lieu une fois par an au printemps,
propos de l'enseignement qui doit tre
donn la jeunesse innu pour survivre
sur notre territoire.
Parlez-vous innu-aimun ?
Ma langue maternelle est l'innu-
aimun que je parle la plupart du temps
la maison. Parler sa propre langue
tous les jours est une manire de forger
son identit. Notre langue fait partie
de notre patrimoine et de notre tre en
tant qu'Innu.
Comment les Innu peroivent-ils la relation
entre l'homme et la nature?
Elle est surtout faite de respect.
Lorsque j'tais jeune, on m'a appris
respecter la nature, la neige, l'eau, le
feu, les animaux. On m'a dit de
respecter ces lments tout comme on
respecte les autres tres humains.
Qu'est-il arriv dans les annes 1960?
Comment le gouvernement a-t-il persuad les
Innu de se sdentariser?
Ce fut une autre conspiration du
gouvernement qui visait assimiler les
Innu et les loigner de leur terre
ancestrale, de les contrler et de faire
d'eux autre chose que ce qu'ils taient.
Ils ont envoy des missionnaires pour
chasser le diable qui tait en nous et
nous transformer en chrtiens, mais
cela n'a pas fonctionn.
Quand ils ont russi obtenir des
Innu qu'ils quittent leurs terres
traditionnelles, ils les ont inondes et
ont abattu les arbres de la fort.
Nous nous sommes retrouvs
comme du btail dans un corral,
attendant l'aumne du gouvernement.
Comment cela a t-il affect l'estime de soi et
l'identit innu?
Si on vous apprend que votre mode
de vie ne vaut rien, que pouvez-vous
faire? Et lorsque vous tes forcs
d'adopter un nouveau mode de vie,
quelles chances pouvez-vous avoir?
Sans emploi et sans ducation dans le
monde des Blancs non seulement
vous ne pouvez pas rivaliser avec eux,
mais vous perdez galement la
connexion avec votre propre mode de
vie; alors vous devenez un paria dans
les deux mondes celui des Innu et
celui des non-Innu.
La seule solution pour masquer la
douleur est de se tourner vers lalcool,
le chemin de la destruction.
Quels ont t les rsultats de cette assimilation
et les problmes qu'elle a gnrs?
Nous avions l'habitude de vivre dans
des communauts viables et fortes,
mais aujourd'hui nous rejetons notre
mode de vie traditionnel. Nous avons
cr des communauts qui ne sont
plus du tout des communauts.
Chacun suit ses propres objectifs.
12
Ci-dessus, un chasseur innu au Labrador, ci-contre, convoi de motoneiges Dominick Tyler/Survival
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1514
des fins de conservation peut
paratre plus bnigne, mais pour eux,
les consquences n'en sont pas moins
catastrophiques. Une fois privs de
leurs terres, ils commencent oublier
leurs coutumes, leurs traditions, leurs
savoir-faire et leurs connaissances qui
forgent leur identit. S'ensuit alors unprofond dclin de leur sant physique
et mentale.
Cette sparation force des
habitants originaires de leurs terres a
galement des consquences nfastes
sur les terres en question. 80% des
zones les plus riches en biodiversit de
la plante sont les territoires de
communauts indignes qui, depuis
des millnaires, ont trouv des moyens
ingnieux de subvenir leurs besoins
tout en maintenant l'quilibre
cologique de leur environnement.
L'tat de la fort amazonienne
tmoigne de ces principes durables : la
plus grande partie de la fort vierge
qui se trouve en dehors des rserves
indignes a t rase, tandis quelle
reste largement intacte dans les
territoires indignes. De mme, la
seule fort vierge qui subsiste dans les
les Andaman se trouve dans la rserve
des Jarawa. C'est souvent prcisment
parce que ces rgions sauvages ont
t protges par leurs gardiens
indignes que les conservationnistes les
ont choisies comme rserves.
Les esprits ont incontestablement
volu depuis la cration du parc de
Yosemite et les attitudes ont chang
depuis la promulgation, en 1964, de la
loi nord-amricaine sur la protection
de la nature dfinissant la nature
sauvage comme un lieu o l'homme
n'est qu'un visiteur de passage'. Ladclaration des Nations-Unies sur les
droits des peuples autochtones,
adopte en 2007, tablit que ces
derniers doivent donner leur
consentement pralable, libre et
clair avant lapprobation de tout
projet ayant des incidences sur leurs
terres'. Jo Woodman, chercheur
Survival, estime qu'une nouvelle vision de
la conservation est en train de natre selon
laquelle les peuples autochtones sont de plus
en plus reconnus c omme les protecteurs
lgitimes de leurs terres. Le gouvernement
indien a rcemment frein sa politique
d'expulsion des peuples indignes des
zones riches en faune et en flore afin
de les transformer en parcs nationaux.
Mais il reste encore beaucoup de
chemin parcourir. Les peuples
indignes continuent d'tre mis
l'cart dans les discussions concernant
la protection de leurs terres, mme s'ils
ont toujours su les prserver. Stephen
Corry estime que la protection de la
biodiversit ne devrait tre promue
qu'avec l'accord des autochtones :
Protger les cosystmes ne signifie pas les
protger de ceux qui en ont toujours t les
gardiens. Le droit de l'environnement ne
devrait pas l'emporter sur le droit des peuples
indignes.
On pourrait galement envisager
une ambition culturelle plus large,
ayant pour but de remodeler l'ide
populaire de nature sauvage dansl'esprit occidental, en reconnaissant la
relation ancestrale qui lie l'homme la
nature. Car les attitudes destructrices
naissent en partie des ides
manichennes et de l'importance
accorde la dissociation entre
l'homme et la nature. Toute vision qui
encourage distinguer l'homme de la nature
tend renforcer les comportements
irresponsables explique William
Cronon5. Les peuples indignes
saisissent encore intuitivement cette
relation fusionnelle mieux que
quiconque. Pour reprendre les mots du
chamane yanomami Davi Kopenawa :
L'environnement n'est pas distinct de
l'homme. Nous sommes en lui et il est en
nous. I
* Editorialiste, Survival
1. Walden ou la vie dans les bois, Gallimard, 1990 (1re
dition 1854)
2. Ecrivain et naturaliste amricain (1838-1914)
qui a contribu sauver la valle du Yosemite et
dautres espaces naturels.
3. On peut voir quelques-unes de ses photos ici :
www.anseladams.com
4. William Cronon, ed., Uncommon Ground :
Rethinking the Human Place in Nature, New York : W.
W. Norton & Co., 1995.
5. ib.
A gauche, le canyon de Chelly en terre navajo (Arizona) vu par Edward Curtis en 1904. Ci-dessus, Jarawa sur une plage des les Andaman Salom/SurvivalLes grandes plaines
d'Amrique du Nord
s'tendent sur des
kilomtres travers la
steppe armoise du
Dakota du Sud, jusqu'aux Black Hills.
C'est l qu'en 1980, des hectares
d'picas et de canyons sculpts au fil
des sicles par les rivires furent
dclars rserve sauvage' par le
gouvernement amricain.
Toutefois, aux yeux des Indiensd'Amrique du Nord, cette rgion
n'avait rien de sauvage : Les grandes
plaines, les splendides collines vallonnes, les
ruisseaux tortueux et leurs algues emmles ne
nous paraissaient pas sauvages, disait
Luther Standing Bear, chef des Sioux
Lakota. Tout cela nous semblait apprivois.
Il n'y avait que pour l'homme blanc que la
nature tait sauvage. Luther Standing
Bear venait de formuler en quelques
mots deux approches trs diffrentes
de la nature.
Dans la culture occidentale, le
concept de nature sauvage est depuis
longtemps associ l'image de la
beaut d'une nature immacule non
contamine par l'homme : un refuge
paradisiaque, un antidote la vie
urbaine. Durant le XIXe sicle, de
telles ides se refltrent travers les
arts de l'poque : C'est dans la nature
sauvage que se trouve la prservation du
monde, crivit Henry Thoreau1.
Lcrivain-naturaliste John Muir2,
quant lui, communiait avec la nature
afin de purifier son esprit, et les
photographies du parc national de
Yosemite, prises par Ansel Adams3
sont notoirement connues pour ne
reprsenter aucun signe de vie
humaine.
Cependant, en attribuant la
nature des qualits thres et en laconsidrant comme un lieu sacr o
Dieu rside mais o l'homme ne le
doit pas, commencrent germer dans
les esprits les ides qui allaient mener
aux politiques de conservation de
l'environnement. Durant des dcennies,
l'ide d'une nature sauvage a t un principe
fondamental du mouvement
environnementaliste', crivit l'historien
William Cronon4. Ces politiques
affectrent les peuples indignes qui
considraient uniquement ces paysages
sauvages comme leur terre.
C'est Yosemite, prserv depuis
des gnrations par la nation
ahwahneechee, que fut cr le premierparc national au monde. Celui de
Yellowstone fut cr par la suite
lorsque le gouvernement expulsa en
1872 les tribus indiennes qui y
rsidaient probablement depuis plus
de 11 000 ans.
Il existe aujourd'hui environ
120 000 zones protges dans le
monde, couvrant prs de 15% de la
surface terrestre. La protection de
l'environnement est sans aucun doute
vitale, tant donn la menace qui pse
de nos jours sur la biodiversit de la
plante. Mais la dsolante toile de fond
de ces statistiques l'histoire que l'on
nglige dans notre dsir de prserverce qui est sauvage est celle d'une
intense souffrance humaine. Car la
cration de ces rserves a provoqu
l'expulsion de millions dtres humains,
pour la plupart indignes.
En Inde, des centaines de milliers de
personnes ont dj t chasses de
parcs au nom de la conservation,
tandis qu'en Afrique des expulsions
massives ont eu lieu dans des zones
protges. Les Pygmes batwa ont t
dlogs de force de la fort de Bwindi,
en Ouganda, afin de protger les
gorilles des montagnes, et avant den
tre expulss, les Waliangulu du Kenya
vivaient jadis dans la zone aujourd'huiprotge du parc Tsavo. Ce type de
spoliation territoriale est rapidement devenu
l'un des plus graves problmes auxquels les
peuples indignes sont confronts de nos jours,
explique Stephen Corry, de Survival.
Il importe peu ces derniers que la
spoliation de leurs terres ait t
entrane pour des raisons
conomiques ou environnementales.
L'expropriation des peuples indignes
Nature sauvage, imagination humaineet peuples indignes
Comment le concept
occidental de nature
sauvage et les politiques
de conservation de
l'environnement ont
affect les peuples
indignes.
par Joanna Eede*
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9/9
ACTION URGENTELes Jarawa ont besoin de vous
Qui sont-ils ?
Les Jarawa vivent dans la fort
tropicale des les Andaman depuis
environ 60 000 ans. Cet archipel, situ
dans le golfe du Bengale, colonis par
les Britanniques au XIXe sicle, fait
dsormais partie de l'Inde. Les Jarawa
comptent aujourdhui environ 360membres. Toujours en mouvement, se
dplaant par groupes de 40 50personnes, les Jarawa vivent
exclusivement des ressources de leur
fort. Ils rcoltent du miel, des racines,
des baies et chassent le gibier. Jusqu'en
1998, les Jarawa ont rsist au contact
avec les colons indiens de plus en plus
nombreux dans l'archipel.
Problmes actuels
Le principal axe routier de l'le
traverse la rserve des Jarawa, facilite
la pntration des braconniers, des
colons et des touristes au cur de leur
territoire. La fermeture de cette route
avait t ordonne en 2002 par la
Cour suprme indienne, mais cette
dcision n'a toujours pas t applique
par les autorits locales.
Safaris humains
Le journal britannique The Observerarvl en janvier dernier des preuves
de limplication de la police dans des
safaris humains aux les Andaman en
diffusant une vido montrant un
groupe de femmes jarawa dansant
devant les touristes la demande dun
policier. Les tour-oprateurs et leschauffeurs de taxi qui conduisent les
touristes sur la route illgale pour
accder la rserve de la tribu sont
galement impliqus dans ce scandale
que Survival dnonce depuis 2010.
Comment les aider ?
Survival exhorte le gouvernement
indien prendre des mesures de toute
urgence pour fermer la route qui
traverse la rserve des Jarawa et
mettre fin ces safaris humains
dgradants.
Votre lettre peut faire la diffrence.
Ecrivez au gouvernement indien envous inspirant de ce texte ou en
crivant librement :
Je suis extrmement proccup(e) par
la situation des Jarawa des les
Andaman. La Cour suprme indienne
avait ordonn en 2002 la fermeture de
la route qui traverse leur rserve et
pourtant elle reste encore ouverte ce
jour. Cette voie daccs la rserve
met rgulirement les Jarawa en
contact avec des colons, des
braconniers et des touristes. Tous ces
intrus apportent maladies, violence et
exploitation. De tels contacts peuvent
avoir des effets dvastateurs sur les
Jarawa en mettant en danger leur
survie en tant que g roupe. Je vous prie
instamment de prendre toutes les
dispositions pour protger la rserve
des Jarawa en fermant d'urgence la
route 'Andaman Trunk Road' et en
ouvrant une route ctire alternative
comme il a t annonc. Les Jarawa
doivent tre autoriss dcider eux-
mmes de leur propre avenir'.
Envoyez votre lettre :
Shri P Chidambaram
Minister of Home Affairs
North BlockCentral Secretariat
New Delhi 110001
Inde
Sur la vido rvle
par The Observer, en
fvrier dernier, un
homme lance une
banane une femme
pour la faire danser :
Je te lai donne, tu la
manges!Capture dcran The Guardian
Remplissez ce bulletin en lettres capitales,dcoupez-le et
retournez-le accompagn de votre rglement :
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Port tranger/avion, ajouter 7
Une route menace les membres de lune des dernires tribus
isoles des Iles Andaman en Inde. Vous pouvez les aider.