Note de synthèse - ecricome.org · une note de synthèse, titrée, présentant les idées...

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SUJET D'ENTRAINEMENT Tournez la page s.v.p. tremplin CONSIGNES Aucun document n’est permis. Ce document est la propriété d’ECRICOME, le candidat est autorisé à le conserver à l’issue de l’épreuve. Le concours ECRICOME TREMPLIN est une marque déposée. Toute reproduction du sujet est interdite. Copyright ©ECRICOME - Tous droits réservés Note de synthèse Durée : 3 heures L’énoncé comporte 7 pages. Cet exercice comporte deux parties OBLIGATOIRES 1. - SYNTHESE (60 % de la note) 2. - REFLEXION ARGUMENTEE (40 % de la note) Correction lors du LIVE FACEBOOK le mercredi 7 mars 2018 à 18h Envoyez votre copie à [email protected]

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SUJET D'ENTRAINEMENT

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CONSIGNES

Aucun document n’est permis. Ce document est la propriété d’ECRICOME, le candidat est autorisé à le conserver à l’issue de l’épreuve.

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Note de synthèse

Durée : 3 heures

L’énoncé comporte 7 pages.

Cet exercice comporte deux parties OBLIGATOIRES

1. - SYNTHESE (60 % de la note)

2. - REFLEXION ARGUMENTEE (40 % de la note)

Correction lors du LIVE FACEBOOK le mercredi 7 mars 2018 à 18h

Envoyez votre copie à [email protected]

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Cet exercice comporte deux parties OBLIGATOIRES

1. - SYNTHÈSE (60 % de la note)

Le candidat rédigera une note de synthèse, titrée, présentant les idées essentielles des trois textes de ce dossier, en s’abstenant d’énoncer tout jugement personnel et en évitant toute citation ou toute paraphrase. Il confrontera les points de vue exposés par les auteurs sur l’objet commun de leurs réflexions. Confronter signifie mettre en valeur les convergences et les divergences entre les auteurs, ce qui implique bien évidemment que chaque idée soit attribuée à son auteur désigné par son nom.

Cette note comportera 550 mots (+ ou - 50 mots). Toute tranche entamée de 25 mots, au-delà ou en deçà de ces limites, entraînera une pénalisation d’un point, avec un maximum de deux points retranchés. Le titre ne compte pas dans le nombre de mots. Les références aux auteurs et aux textes cités sont comptabilisées.

On appelle mot toute unité typographique limitée par deux blancs, par deux signes typographiques, par un signe typographique et un blanc ou l’inverse. Les lettres euphoniques ne sont pas considérées comme des mots. Un millésime (2015 par exemple) est un mot. La mention d’un auteur (patronyme voire prénom plus patronyme) est comptabilisée comme un mot. À titre d’illustration : « c’est-à-dire » compte pour quatre mots, « aujourd’hui » pour deux mots et « va-t-on » pour deux mots, car « t » en l’occurrence lettre euphonique, ne compte pas.

Le candidat indiquera le nombre de mots à la fin de sa synthèse. Il insérera dans le texte de sa note de synthèse, tous les cinquante mots, une marque très visible, faite à l’encre et composée de deux traits : //, cette marque sera reproduite dans la marge. Il donnera aussi un titre à la synthèse du dossier. Ce titre ne compte pas dans le nombre de mots mais sera pris en compte pour affiner la notation.

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Les éléments de la notation seront les suivants :

- perception de l’essentiel (c’est-à-dire compréhension des idées et élimination de l’accessoire, aptitudeà mettre en évidence les points communs et les divergences), pertinence du titre.

- composition d’un compte-rendu aussi fidèle et aussi complet que possible (c’est-à-dire restituantexhaustivement la confrontation). La synthèse doit être entièrement rédigée et ne pas comporterd’abréviations ou de noms d’auteurs entre parenthèses par exemple.

- clarté de la synthèse, c’est-à-dire, aptitude :*à présenter clairement ce dont il est question,*à élaborer un plan rigoureux et pertinent envisageant successivement les différents aspects du thème,*à exposer ces aspects dans des paragraphes distincts, éventuellement en ouvrant chacun à l’aide

d’une question,*à faire ressortir nettement ce plan par la présence obligatoire de courtes introduction et conclusion en

tête et en fin de la synthèse.

- présentation matérielle et expression : orthographe, syntaxe, ponctuation, accentuation, qualité dustyle, vocabulaire (clarté et précision, absence d’impropriétés, maîtrise des polysémies). Un barème depénalisation sera appliqué en cas d’inobservation des règles de l’expression écrite :

3 fautes = -1 point,6 fautes = -2 points.

Le retrait maximal de points pour la formulation est de deux points.

- respect des consignes données. En cas de non-respect des consignes autres que celles portant sur laformulation ou la quantité de mots, il sera enlevé au maximum un point au total.

2. - RÉFLEXION ARGUMENTÉE (40% de la note)

Ensuite, par un paragraphe de 120 à 150 mots maximum, le candidat répondra à la question suivante :

« La sélection par le mérite prend-elle en compte l’égalité des chances ? »

Le candidat justifiera sa réponse, personnelle, avec un ou deux arguments essentiels qu’il peut éventuellement illustrer.

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TEXTE N° 1

L’inégalité d’éducation est, en effet, un des résultats les plus criants et les plus fâcheux, au point de vue social, du hasard de la naissance. Avec l’inégalité d’éducation, je vous défie d’avoir jamais l’égalité des droits, non l’égalité théorique, mais l’égalité réelle, et l’égalité des droits est pourtant le fond même et l’essence de la démocratie.Faisons une hypothèse et prenons la situation dans un de ses termes extrêmes : supposons que celui qui naît pauvre naisse nécessairement et fatalement ignorant ; je sais bien que c’est là une hypothèse, et que l’instinct humanitaire et les institutions sociales, même celles du passé, ont toujours empêché cette extrémité de se produire ; il y a toujours eu dans tous les temps, – il faut le dire à l’honneur de l’humanité, – il y a toujours eu quelques moyens d’enseignement plus ou moins organisés, pour celui qui était népauvre, sans ressources, sans capital. Mais, puisque nous sommes dans la philosophie de la question,nous pouvons supposer un état de choses où la fatalité de l’ignorance s’ajouterait nécessairement à lafatalité de la pauvreté, et telle serait, en effet, la conséquence logique, inévitable d’une situation danslaquelle la science serait le privilège exclusif de la fortune. Or, savez-vous, messieurs, comment s’appelle,dans l’histoire de l’humanité, cette situation extrême ? c’est le régime des castes. Le régime des castesfaisait de la science l’apanage exclusif de certaines classes. Et si la société moderne n’avisait pas àséparer l’éducation, la science, de la fortune, c’est-à-dire du hasard de la naissance, elle retournerait toutsimplement au régime des castes.À un autre point de vue, l’inégalité d’éducation est le plus grand obstacle que puisse rencontrer lacréation de mœurs vraiment démocratiques. Cette création s’opère sous nos yeux ; c’est déjà l’œuvred’aujourd’hui, ce sera surtout l’œuvre de demain ; elle consiste essentiellement à remplacer les relationsd’inférieur à supérieur sur lesquelles le monde a vécu pendant tant de siècles, par des rapports d’égalité.Ici, je m’explique et je sollicite toute l’attention de mon bienveillant auditoire. Je ne viens pas prêcher jene sais quel nivellement absolu des conditions sociales qui supprimerait dans la société les rapports decommandement et d’obéissance. Non, je ne les supprime pas : je les modifie. Les sociétés anciennesadmettaient que l’humanité fût divisée en deux classes : ceux qui commandent et ceux qui obéissent ;tandis que la notion du commandement et de l’obéissance qui convient à une société démocratiquecomme la nôtre, est celle-ci : il y a toujours, sans doute, des hommes qui commandent, d’autres hommesqui obéissent, mais le commandement et l’obéissance sont alternatifs, et c’est à chacun à son tour decommander et d’obéir. (Applaudissements.)Voilà la grande distinction entre les sociétés démocratiques et celles qui ne le sont pas. Ce que j’appellele commandement démocratique ne consiste donc plus dans la distinction de l’inférieur et du supérieur ;il n’y a plus ni inférieur ni supérieur ; il y a deux hommes égaux qui contractent ensemble, et alors, dans lemaître et dans le serviteur, vous n’apercevez plus que deux contractants ayant chacun leurs droits précis,limités et prévus ; chacun leurs devoirs, et, par conséquent, chacun leur dignité. (Applaudissementsrépétés.)Voilà ce que doit être un jour la société moderne ; mais, – et c’est ainsi que je reviens à mon sujet, – pourque ces mœurs égales dont nous apercevons l’aurore, s’établissent, pour que la réforme démocratiquese propage dans le monde, quelle est la première condition ? C’est qu’une certaine éducation soit donnéeà celui qu’on appelait autrefois un inférieur, à celui qu’on appelle encore un ouvrier, de façon à lui inspirerou à lui rendre le sentiment de sa dignité ; et, puisque c’est un contrat qui règle les positions respectives,il faut au moins qu’il puisse être compris des deux parties. (Nombreux applaudissements.)Enfin, dans une société qui s’est donné pour tâche de fonder la liberté, il y a une grande nécessité desupprimer les distinctions de classes. Je vous le demande, de bonne foi, à vous tous qui êtes ici et quiavez reçu des degrés d’éducation divers, je vous demande si, en réalité, dans la société actuelle, il n’ya plus de distinction de classes ? Je dis qu’il en existe encore ; il y en a une qui est fondamentale, etd’autant plus difficile à déraciner que c’est la distinction entre ceux qui ont reçu l’éducation et ceux qui nel’ont point reçue. Or, messieurs, je vous défie de faire jamais de ces deux classes une nation égalitaire,une nation animée de cet esprit d’ensemble et de cette confraternité d’idées qui font la force des vraiesdémocraties, si, entre ces deux classes, il n’y a pas eu le premier rapprochement, la première fusion qui

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résulte du mélange des riches et des pauvres sur les bancs de quelque école. (Applaudissements)L’Antiquité l’avait compris et les républiques antiques posaient en principe que, pour les enfants des pauvres et pour les enfants des riches, il ne devait y avoir qu’un même mode d’éducation. La société antique, excessive en toutes choses et facilement oppressive, parce qu’elle se confinait en général dans les murs d’une étroite cité, ne craignait pas d’arracher l’enfant à la famille et de le livrer tout entier, corps et âme, à la République.

Discours de Jules Ferry à la salle Molière, prononcé le 10 avril 1870.

TEXTE N° 2

Dans les faits, l’égalité des chances méritocratique est dominée par un tropisme élitiste. On fixe plus volontiers le regard et les indignations sur les classes préparatoires aux grandes écoles que sur les lycées professionnels où la ségrégation n’est pas moins forte quand on examine les origines sociales des élèves ; on mesure plus volontiers le taux de filles dans les écoles d’ingénieurs que dans les filières de secrétariat et de « technicien de surface » des lycées professionnels. On croit, ou on fait semblant de croire, qu’il suffirait d’ouvrir l’accès aux élites pour changer profondément l’ordre des choses. Or, les « masses en présence » ne sont pas du même ordre en haut et en bas du système scolaire. Le doublement du nombre d’élèves d’origine modeste dans les classes préparatoires serait un exploit, mais il concernerait, au mieux, quelques milliers d’élèves alors que 150 000 élèves quittent l’école sans le moindre diplôme.Imaginons que, demain, le mérite des élèves soit vraiment reconnu ; le jeu social n’en serait pas moins cruel. Dans la mesure où les vainqueurs de la compétition scolaire ne devraient leur succès scolaire qu’à eux-mêmes et pas à des avantages liés à leur naissance, on ne voit guère ce qu’ils devraient aux autres et rien ne pourrait entraver leur prétention à accaparer les meilleures positions et les meilleurs revenus puisqu’ils pourraient se prévaloir d’un vrai mérite. De ce point de vue, le mérite scolaire ne servirait plus seulement à « blanchir » les inégalités de naissance puisque ce sont généralement les plus favorisés qui en bénéficient, mais il « blanchirait » plus encore les inégalités issues de la compétition scolaire dès lors qu’elle serait perçue comme plus juste. Autrement dit, rien ne permet de penser que les élites sélectionnées de manière plus équitable seraient plus généreuses et plus solidaires. En revanche, il est certain que les vaincus de la compétition méritocratique seront de plus en plus conduits à ne s’en prendre qu’à eux-mêmes puisqu’ils auront simplement manifesté leur absence de mérite, en ayant eu la même chance que les autres de réussir. Non seulement on pourra blâmer les victimes, mais celles-ci seront invitées à se blâmer elles-mêmes. Ce qu’elles ne feront certainement pas de bon gré comme l’indiquent déjà les conduites de décrochage scolaire, d’absentéisme et, parfois, de violence chez les élèves se sachant condamnés à perdre la partie.Plus nous sommes convaincus que les politiques scolaires sont capables de reconnaître le mérite des individus, plus nous pensons qu’il est juste que les diplômes déterminent plus encore la vie professionnelle des individus, et plus s’accroît l’emprise des diplômes sur la société. Mais dans ce cas, l’égalité des chances peut se retourner contre elle-même. Les familles et les élèves acceptant que tout le destin des individus se joue à l’école, ils développent les conduites compétitives et instrumentales (choix judicieux des établissements et des filières…) afin de creuser les petites différences scolaires qui font les grandes différences sociales. Comment imaginer que les catégories sociales qui ont aujourd’hui le quasi monopole de l’accès aux filières d’élite aient la courtoisie de laisser la place aux challengers sans se défendre en renforçant la sélectivité scolaire ? Ce scénario n’est pas une fiction : plus l’emprise des diplômes sur l’accès à l’emploi est forte, plus les inégalités scolaires sont élevées et plus la reproduction sociale est forte, plus les enfants ont de grandes chances d’occuper les mêmes positions que celles de leurs parents. La confiance dans la méritocratie scolaire et l’emprise des diplômes qui en découle expliquent, pour une part, le paradoxe de l’école française : alors que, comparée aux pays comparables, la France est un pays plutôt égalitaire, les inégalités scolaires y sont plus fortes qu’elles ne devraient l’être. Comment pourrait-il

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en être autrement quand on croit que les hiérarchies scolaires sont justes et qu’il est donc juste qu’elles déterminent les hiérarchies sociales ?Nous pourrions aussi nous demander s’il est véritablement souhaitable que l’école ait une quasi exclusivité de la définition du mérite des individus. Il existe bien des formes de mérite, de compétences et de qualités, que l’école ignore ou méprise. Or, personne ne pourrait nier que les individus n’ayant guère eu de mérite scolaire occupent des emplois dont notre société ne pourrait se passer. Quitte à croire au mérite, dont la définition est toujours des plus flottantes, il n’est certainement pas juste de croire que l’école doit en avoir le monopole et sans doute serait-il plus juste de diversifier les systèmes de formation capables de faire émerger des formes de mérite que l’école ignore. C’est en multipliant la nature des épreuves, y compris non scolaires, que les individus auraient plus de chances de faire valoir leurs mérites.Toutefois, l’égalité des chances est un principe de justice incontestable parce qu’il est juste que les sociétés démocratiques permettent à tous les individus de prétendre occuper toutes les positions sociales. Mais rien ne prouve que la justice faite aux individus se transforme naturellement en justice pour la société. Au contraire même. Imaginons que, demain, 10% des élèves parmi les plus méritants des quartiers les plus défavorisés quittent leur école pour des filières d’excellence : ce qui sera bon pour eux sera catastrophique pour leur quartier alors privé de ses éléments les plus actifs, les plus « intelligents » et les plus ouverts. Dans ce cas, le quartier défavorisé sera progressivement appauvri et ghettoïsé. [...] De ce point de vue, il n’y a d’ailleurs pas de contradiction dans la politique d’un gouvernement qui, d’un côté, lutte contre les discriminations et promeut l’égalité des chances d’accès à l’élite, et qui, d’un autre côté, stigmatise comme des classes dangereuses les jeunes des quartiers qui n’ont pas su saisir leur chance. Il est même possible que les deux politiques soient logiquement articulées : internats d’excellence pour les uns, police pour les autres.Il reste que si l’égalité des chances est un modèle de justice incontestablement juste, la promotion du mérite individuel est indifférente aux inégalités sociales elles-mêmes. Elle ne met pas en cause le fait que les plus méritants occuperont les meilleures positions et les autres, les plus mauvaises. Peut-être est-il temps de rappeler avec force qu’il existe un autre modèle de justice visant moins l’égalité des chances que l’égalisation des conditions. On peut sans doute promettre aux enfants d’ouvriers qu’ils ont le droit d’échapper à leur sort, mais on pourrait aussi améliorer la condition des ouvriers afin que ceux qui seront un jour ouvriers ne soient pas « punis » de n’avoir pas saisi leur chance. Et comme les opportunités de mobilité ascendante sont fatalement plus rares que les concurrents à la mobilité, comme l’égalité des chances exige sa part de vaincus, la justice sociale passe d’abord par la réduction des inégalités entre les revenus, les conditions de vie et les conditions d’éducation. Ajoutons que plus une société est relativement égalitaire, moins l’égalité des chances y est une chimère : plus il est facile de monter puisque les distances sociales sont faibles, moins il est tragique de descendre puisque, là aussi, les distances sociales y sont plus faibles. Autrement dit, l’égalité sociale devrait avoir la priorité sur l’égalité des chances.

Observatoire des inégalités, « Les paradoxes de l’égalité des chances »,François Dubet, rédaction le 7 janvier 2010

TEXTE N° 3

L’école n’a pas encore pour fonction de compenser les inégalités sociales, mais elle devient le lieu où une compétition équitable est possible de telle sorte que l’élite qu’elle produit soit reconnue comme légitime (c’est « l’élitisme républicain »). Au demeurant, cette compétition ne concerne que l’enseignement secondaire, qui a en charge de dégager cette élite. L’école primaire n’y participe que très indirectement, en distinguant les enfants du peuple les plus méritants, c’est-à-dire les quelques-uns qui seront autorisés à participer à la compétition. Pourtant, dès lors que le principe méritocratique est introduit, il ne peut, en vertu des exigences inhérentes à la logique des sociétés démocratiques, que se généraliser. Il faut ouvrir la compétition à tous pour s’assurer que ce sont bien les meilleurs qui ont gagné. La logique de

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la massification, qui ne se déploiera véritablement qu’à partir des années 60-70, est en germe dans la logique méritocratique. Ce processus est bien connu [...], mais il convient ici de souligner un aspect dont, souvent, on ne mesure pas assez l’importance. Si les destins scolaires sont alors « dénaturalisés » en même temps que le principe de la mobilité sociale est, du moins formellement, généralisé, l’idée d’un partage des tâches qui commandait l’organisation de l’école républicaine traditionnelle (rassembler, intégrer d’un côté, rôle de l’école primaire, hiérarchiser, sélectionner de l’autre, rôle du secondaire) est abandonnée. C’est l’ensemble du système éducatif qui est ainsi soumis à l’exigence méritocratique et à la logique compétitive. S’ensuit une série de conséquences qui continuent de marquer la situation actuelle, au-delà de la persistance d’un échec scolaire socialement marqué : consumérisme scolaire, rapport stratégique aux études, instrumentalisation du savoir et de la culture... S’ouvre alors le troisième moment : celui de l’égalité des chances à l’école. L’école n’est plus seulement le dispositif qui permet de réaliser l’égalité des chances. Elle devient elle-même l’objet de ce programme et on vise alors une démocratisation qui doit aller au-delà de la seule massification : une démocratisation de l’école elle-même et pas seulement de son accès. C’est l’objectif récurrent des réformes successives, comme celle de l’éducation prioritaire, qui prolongent le mouvement des réformes structurelles qui a conduit à l’instauration du collège unique.L’égalité des chances aujourd’hui... et demainIl apparaît pourtant aujourd’hui que les résultats de ces différentes politiques « compensatrices » ne sont pas à la hauteur des espérances qu’elles avaient pu susciter. Il semble même, par certains côtés, que la démocratisation (de l’école) ait régressé et, au total, c’est l’ambiguïté qui caractérise peut-être le mieux la situation actuelle. Si le stade de l’égalité formelle a bien été dépassé et si les inégalités réelles entre les élèves sont bien aujourd’hui prises en considération, elles le sont selon deux modalités sensiblement différentes. D’une part, à travers des politiques publiques affichées qui visent à « donner plus à ceux qui ont moins », mais selon une logique qui relève plus de l’assistance (et de la pacification sociale) que d’une véritable solidarité (mutualisation des risques... et des chances). Mais, d’autre part, à travers des logiques d’acteurs qui conduisent à donner plus à ceux qui ont déjà beaucoup : un investissement public dans l’enseignement supérieur (en particulier dans ses filières les plus sélectives) qui, de fait, profite en priorité aux élèves issus des classes les plus aisées, une reprise de l’éducation prioritaire dans la logique méritocratique, une désectorisation, engagée au prétexte de la lutte contre la ghettoïsation, qui risque au contraire de la renforcer,... À partir de ce constat, certains (F. Dubet, M. Duru-Bellat,...) s’interrogent sur la pertinence de l’idéologie méritocratique sous-jacente au programme de l’égalité des chances et du discours qui fait de la formation des élites, même légitimes, l’objectif principal de l’école républicaine. Idéologie et discours qui continuent d’accompagner les politiques de démocratisation scolaire. La question posée est, au fond, la suivante : l’école pourra-t-elle être considérée comme une institution juste lorsque l’échec scolaire sera devenu socialement aléatoire, lorsque, par exemple, la proportion d’enfants d’ouvriers en classes préparatoires sera conforme au poids de leur classe sociale dans la société ? [...] Peut-on continuer de considérer l’égalité des chances comme la valeur cardinale de l’école dès lors que la référence à cette égalité a pour fonction de légitimer l’inégalité des résultats, en faisant appel au principe méritocratique et en transformant, du même coup, l’espace scolaire en espace compétitif ?D’abord le socle pour tousParmi ces principes complémentaires, F. Dubet mentionne, en particulier, la nécessité de définir les limites d’une éducation de base (primaire) pour tous qui doit être maintenue à l’écart de toute compétition et de toute logique méritocratique et dont la formulation du « socle commun » dans la loi de 2005 apparaît comme une bonne approximation. On renouerait ainsi, d’une certaine façon, avec la sagesse des Pères Fondateurs, lorsque ceux-ci faisaient supporter par deux dispositifs distincts les deux fonctions, potentiellement contradictoires, de tout système éducatif : faire du même d’un côté, faire du différent de l’autre.Pourtant, ce principe, dès lors qu’il reste en position seconde par rapport au principe central de l’égalité des chances, ne perd-il pas l’essentiel de sa portée et n’est-il pas susceptible de donner lieu à une critique du même ordre que celle qui a pu être adressée à l’idée de « socle commun » par ceux qui n’y voyaient que le « lot de consolation » réservé aux perdants de la compétition ? Ne faudrait-il pas alors inverser

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les priorités et n’accorder de légitimité au principe de l’égalité des chances (méritocratie et compétition équitable) qu’une fois cette exigence de l’éducation de base, inconditionnelle et commune, satisfaite ? Mais il faudrait alors, au-delà de la méritocratie, engager la problématisation de la fonction certificative de l’école (du moins dans sa composante « obligatoire ») dans la mesure où il n’y a compétition que parce qu’il y a enjeu et récompense (le diplôme) ? S’ouvrirait ainsi une nouvelle étape dans ce processus historique, que nous venons de dessiner à grands traits, de décantation d’une exigence égalitaire qui doit rester conforme, malgré tout, aux dimensions démocratiques et individualistes de nos sociétés.

Cahiers pédagogiques, N° 467, Dossier « Egalité des chances ou école démocratique ? »« L’Egalité des chances ou comment ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ? »

Roger Monjo.