Noirs dans les camps nazisconcernaient aussi les Noirs. Il suffit, pour s’en convaincre, de...
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Noirsdanslescampsnazis
SergeBilé
NOIRSDANSLES
CAMPSNAZIS
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16. Hans MACCO, Rasseprobleme im Dritten Reich, Berlin,Schmidt,1934.17.EdwardSAÏD,LesVictimesoubliéesdunazisme,TheNewWestIndian,16mai2002.18.AdolfHITLER,MeinKampf,op.cit.19.EdwardSAÏD,LesVictimesoubliéesdunazisme,op.cit.20.ClarenceLUSANE,HitlersBlackVictims, Routledge, 2003,p.98.
D
ChapitreIV
STÉRILISATION
èsqu’ilarriveaupouvoirenjanvier1933,AdolfHitlers’empresse de construire des camps de concentrationpouryjetersesopposants.Lepremieràouvrirestcelui
deDachauenmarsaufinfonddelaBavière.Pour l’architecture et le règlement intérieur, les nazis n’ont
paseuàchercherbienloin.Ilssesontinspirésdel’expériencenamibienne : baraques en bois, barbelés, miradors, travauxforcés,humiliations,bastonnades.
Deuxansplustard,c’estlapromulgationenseptembre1935des fameuses loisdeNuremberg.Des loisqui,contrairementàune idée répandue, ne visaient pas que les juifs maisconcernaientaussi lesNoirs. Ilsuffit,pours’enconvaincre,deparcourir l’une de ces lois, comme celle, par exemple, surl’héritageallemand,quistipule,ensonarticle13:
« La terre ne peut appartenir qu’à celui qui est de sang allemand ouapparenté.N’estpasdesangallemandceluiquia,parmisesancêtres,ducôtépaternelouducôtématernel,unefractiondesangjuifoudesangnoir21.»
Tous lesautres textesconçusparHitleret les juristesnazissontexactementdumêmecru.
Quoi qu’il en soit, dès l’entrée en vigueur de ces lois deNuremberg, tous les Afro-Allemands sont privés de lacitoyennetéallemandeetleurspasseportsconfisqués.Illeurestdésormais interditdetravailler,defaire leurservicemilitaireetdefréquenterlesbainspublics.
Lesmariagesmixtessontégalementbannis,etceuxcélébrésantérieurement automatiquement annulés. Les enfants noirssont, eux, exclus des écoles et dumouvement des « jeunesseshitlériennes».Les étudiants afro-allemandsne sont pasmieuxlotis.
«Aujourd’hui,lesNoirsetlesjuifssontvictimesd’unterrorismefasciste,lit-on en 1933 dans le bimestrielTheNegroWorker destiné à la communautéafricaine de Hambourg. Les étudiants ne sont pas seulement exclus desuniversitésparlesfascistes,ilssontaussirouésdecoupslorsqu’ilsinsistentpourparticiperauxcours.»
Onpeutlireégalementdanscemêmejournal:
«Ilyaquelquessemaines, l’infâmecapitaineGoeringafaitarrêterGeorgePadmore, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs noirs deHambourg. Les nazis ont ensuite saccagé les locaux du syndicat et détruittoutlematérieldetravail22.»
George Padmore, qui est originaire de Trinidad, une îleanglaise desCaraïbes, aura finalement, si l’on peut dire, de lachance. Ilnepasseraquedeuxsemainesenprisonavantd’êtreexpulséversl’Angleterre.
D’autresactivistessontégalementpourchassés.C’est lecasdes membres de la section allemande de la « ligue pour ladéfense de la race noire » contraints de s’exiler en France, àParis, où se réfugie aussi le grand trompettiste noir américainJames Arthur Briggs qui fuit Berlin. Il sera malheureusementrattrapéen1940parlenazisme,arrêté,etenvoyéle17octobredelamêmeannéeaucampdeSaint-Denis.Briggssurvivraàsacaptivitéetreprendrasestournéesjusqu’àsonderniersouffleen1997.
«Enmars dernier, le patron du restaurant, où jeme produisais avecmonorchestre,àBerlin,m’aditqu’ilnepouvaitplusnousgarderparcequenous
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non loin de là, à quelque six cents tirailleurs du 44e régimentd’infanterie coloniale. Ces derniers, après avoir résisté pied àpiedà l’avancéeallemande, finirentparmanquerdemunitions.Ilsserontmassacrésjusqu’audernierauméprisdesconventionsinternationales.
Pas de quartier et pas de prisonniers non plus, envers lessoldatsafricainsdu25eRTS,quisesacrifientpourdéfendrelavilledeLyon.Ulcérésparleurbravoure,lesAllemandsfusillentles survivants (environ deux cents hommes), les écrasent avecleurscharsetexposentleursdépouillessurlaplacepublique.
Un témoin français de cette boucherie, l’adjudant MarcelRequier,racontel’horreur:
«Àhuitcentsmètresenviron,surlaroutedesChères,lacolonnefutarrêtéeetlestirailleursconduitsdansunpréenborduredelaroute.Àcemoment,unAllemand leur a fait signe de fuir dans la campagne.À peine quelqueshommesavaient-ilscommencéàsedéplacerque lesmitrailleusesdescharsrestés sur la route crépitaient et abattaient sans pitié nos malheureuxtirailleurs.De même, quelques Allemands tirèrent à coups de fusils sur les fuyards.Enfinlescharstirèrentàcoupsdecanonssurlamassedescorpsétendus.Uncharaensuitequittélaroutepourpoursuivrequelqueshommesquiavaientréussiàéchapperauxballes37.»
Estimant que les Noirs ne sont pas des êtres humains, lesAllemands refusent que les corps soient enterrés. Uneinterdiction que bravera un ancien combattant français de laPremière Guerre mondiale, Jean Marchiani. Il réunit seséconomies, rassemble les corps et construit un cimetière poursesfrèresd’armesafricains.Unenécropoleconnueaujourd’huisouslenomde«TatadeChasselay».
Encemêmemoisdejuin1940,àplusieurskilomètresdelà,l’aviationallemandebombardeunpetitvillageprèsdeChartres.Ilyabeaucoupdemorts.
Deuxofficiersallemandsvontplustardtrouverlepréfet,quin’est autre que Jean Moulin, et lui ordonnent de signer undocumentattestantquecesonten fait les tirailleurs sénégalaisqui ont massacré les habitants du village, tuant les enfants etmutilantlesfemmesaprèslesavoirviolées.
JeanMoulin,naturellement,refuse.Ilsera,pourcela,torturéet jeté dans un cachot où il passera la nuit avec unprisonniernoir, pieds nus et en manche de chemise, dont on ne saurajamaislesort.
« Comme nous connaissons maintenant votre amour pour les Nègres, luilancera ironiquement le SS, nous avons pensé vous faire plaisir en vouspermettantdecoucheravecl’und’entreeux38.»
PlusquecesNegerquileurtiennenttêteaufront, lesnazisdétestent par-dessus tout les Noirs qui font partie de laRésistance. Ils le montrent à l’un d’entre eux, le capitaineGérardPierre-Rose.
Ce Martiniquais, connu sous le pseudonyme de Manfred,puisdePrince,estàlatête,danslesAlpesdeHaute-Provence,d’ungroupederésistants,qu’ilabaptisé«Fort-de-France»,dunomdesavillenatale. Ilorganiseavecsuccèsdesembuscadescontrelesconvoisallemands.Mais,le18juillet1944,trahiparundesescompagnons,GérardPierre-Roseestarrêté.
Aux soldats qui le brutalisent, il répond : «Messieurs lesAllemands, apprenez qu’un officier de l’armée noire ne parlejamais!»Ilestimmédiatementabattu39.
Décimésparmilliersdèsledébutdelaguerre,lestirailleurssénégalaisnesontpasauboutdeleursouffrance.Ceuxquiontsurvécu aux massacres sont envoyés dans les stalags. Ondénombre, rienqu’enFrance,prèsde44000prisonniersnoirsen1942.
Parmieux,setrouveunjeuneprofesseurdelycée,totalementinconnu à l’époque, qui deviendra après-guerre un grand chefd’État:LéopoldSedarSenghor.
Senghor enseignait avant-guerre à Saint-Maur-des-Fossés.Mobilisé dès les premiers bruits de bottes, il est affecté au 3erégimentd’infanteriecolonialeenfévrier1940.Ilresteramoinsd’unsemestreaufrontavantd’êtrecapturé,enjuin,àlaCharité-sur-Loire.
«Dès que notre unité a été capturée, lesAllemands ont fait sortir tous lesNoirs du rang et les ont alignés, raconte un compagnon d’armes français.SenghoratoutdesuitecomprisquelesAllemandsvoulaientlesfusillersur-le-champ.Maisaumomentoùlepelotons’apprêtaitàtirer,nousavonstouscrié“VivelaFranceetvivel’Afriquenoire!”Les Allemands ont été surpris et ont déposé leurs armes. Finalement, unofficier a réussi à les convaincre de ne pas les exécuter en leur expliquantqueceseraitunetachesurleurhonneur40.»
Senghor l’a échappé belle. Il échoue néanmoins auFrontstalag230,àPoitiers,campdeprisonniersoùilseretrouveaveclesdeuxfilsdugouverneurFélixÉboué.
LesoldatLéopold serapar la suite transféréàRomilly-sur-Seine, puis àTroyes, d’où il repartira ànouveaupour le campd’Amiens.
C’est en captivité qu’il composera un de ses plus célèbrespoèmesinspirédel’appeldugénéraldeGaulle,poèmeoùl’onressent entre les lignes les dures conditions de captivité dessoldatsnoirs:
AuGuelowar!
Etnousvoilàprisdanslesrets,LivrésàlabarbariedescivilisésExterminéscommedesphacochères.
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nazisetlesforcesalliées.Unelibérationqu’elledoitauchefdelapolicedeCopenhague,unpassionnéde jazzquiadmiresontalent47.
Squelettiqueetméconnaissable,ValaïdarentreàNewYork.
« Je suis revenuede lamort, dira-t-elle en racontant les conditions de sonarrestation et de sa détention. Les coups et les coups de fouet étaientmonnaiecourante.Onn’avaitrienàmanger.Justeunepetitepommedeterretroisfoisparjour.Quandilsm’ontarrêtée,ilsm’onttoutpris,lesseptmilledollarsentravellerschèquesquej’avaissurmoi,toutemagarde-robe,mesbijouxetlatrompetteenorquem’avaitoffertelareineWilhelmine48.»
Très affectéepsychologiquement,Valaïda se replongecorpset âme dans la musique. Elle remonte la pente et renouetriomphalementaveclascène.
Une scène qu’elle quitte définitivement, le 30 mai 1956,emportéeparunehémorragiecérébrale.
47.ClarenceLUSANE,Hitler’sBlackVictims,op.cit.,p.170.48.Idem.
ChapitreXI
TERREMUETTEETSTÉRILE
Pourtousceuxquil’ontsubie,laSecondeGuerremondialen’a été qu’une longue succession de violences et d’horreurabsolue. Avec l’holocauste, les Européens découvrent pour lapremièrefois,dansleurchairetsurleursterres,toutel’étenduedes souffrances qu’ils ont eux-mêmes infligées par le passé àd’autres,àcommencerparlesNoirs.
DesNoirspourqui lenazismeapris,bienavantHitler, lestraits des négriers français, anglais, hollandais, portugais,allemandsouencoreespagnols.DesNoirsquiont,lespremiers,endurélesaffresdeladéportation:entrevingtettrentemillionsd’hommes,defemmesetd’enfantsafricainsenvoyés,enchaînés,àfonddecale,versleNouveauMonde.Plusdedixmillionsdemorts.
Ungénocidequin’ajamaiséténijugéniréparé.D’ailleurs, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate,
l’esclavageestabolidepuisseulementunesoixantained’annéesaux États-Unis. Mais la ségrégation bat encore son plein. Lacommunauté noire américaine se cherche un leader. MartinLutherKing,encoreenculottecourte, rêvededevenirmédecinouavocat.MalcolmXselivre,lui,entredrogue,prostitutionetparis clandestins, à toutes sortes de trafics qui le conduirontbientôtenprison.
Pendant ce temps, une Américaine est à Paris, où elleparticipe activement à la Résistance. Il s’agit de… JoséphineBaker. Recrutée par le deuxième bureau, lameneuse de revue
glane, au fil des soirées où elle est invitée, des informationsprécieusesauprèsdesofficielsallemandssur l’emplacementdeleurs troupes.Unengagementquesaluera legénéraldeGaulle,quiluiremettra,en1943,àAlger,pourlaremercier,unepetitecroixdeLorraine.
EnAfriquenoire, l’esclavage a fait place à la colonisation,avecsoncortèged’humiliationsetdetravauxforcés.Seulsdeuxpayssontàl’époqueindépendants:leLibéria,quisertdebasemilitaireàl’arméeaméricainecontrelespuissancesdel’Axe,etl’Éthiopie deHailé Sélassié, qui réussit en 1941 à chasser lestroupesmussoliniennesdesonterritoire.
En Afrique du Sud, c’est le grand paradoxe. Legouvernement, tout en épousant les thèses racistes d’AdolfHitler,prendlepartidesAlliéscontrel’Allemagne.
Un ralliement qui a toutefois ses limites. Après la défaitenazie en Afrique du Nord, des prisonniers allemands sontacheminés au Cap et exhibés dans les rues. Une scène vécuecomme une provocation par les nationalistes sud-africains,furieuxqu’onpuissehumilierdelasortedesBlancsdevantdesNoirs. Ils protestent avec tellement de véhémence que legouvernement est contraint d’expédier ces soldats enAustralie49.
En septembre 1941, Nelson Mandela est, lui, expulsé del’universitépouravoirorganiséunegrèveétudiante.Ilquittesaprovinceet s’installeàJohannesburgoù il fait laconnaissancedeWalterSisulu,qui l’initieraà lapolitiqueetdirade luidesannées plus tard : « Dès que je l’ai vu, j’ai su que c’étaitl’hommequejecherchaispourdirigerlepeupleafricain.»
Beaucoup plus loin au nord, à Fort-Lamy, Félix Éboué, lepremiergouverneurnoirdel’histoiredeFrance,proclamele26août1940leralliementduTchadaugénéraldeGaulle.C’estle
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prendalorssacarteàlasectionlocaledelaSFIOetseretrouvedeuxansplustardsurlalistedumairesortantpourlesélectionsmunicipales.Lalisteserabattue.
Nouvellesélectionsmunicipalesenmai1929.Cette fois, lalistesurlaquellefigureRaphaëlÉlizél’emportehautlamain.Etcomme un bonheur ne vient jamais seul, le vétérinairemartiniquais est, à sa grande surprise, élumaire par le conseilmunicipal,ledimanchesuivant,àlamajoritéabsolue.
Raphaël Élizé va dès lors mener, durant ce mandat et lesuivant,unepolitiquesociale,sportiveetculturelleambitieuse,modernisant sapetitevillemais aussimilitantpourdegrandescauses.
Il propose ainsi en juin 1931 à son conseil municipal demarquer son soutien aux républicains espagnols. Surprise etgrognements dans la salle : « Les affaires qui se passent enEspagnenenousregardentpas57!»
ÀquoiÉlizérépond:
«Iln’estpasquestiondenousimmiscerdanslesaffairesdel’Espagne.Nousnous contentons de lui adresser simplement le témoignage de notresympathie.Nousnousadressonspourcelaà tousceuxquiseréclamentdutitrede républicains, et ici nous le sommes tous, dumoins sur les affichesélectorales.Nous ne pouvons nous compromettre en votant ce vœu. Nous sommesnous-mêmesissusd’unerévolutionetnousjouissonsàcetitred’unrégimede liberté que nous souhaitons voir s’étendre aux peuples qui nousentourent.Jeneveuxpasvousconvaincrecaronneconvaincpersonne.Onseconvaincsoi-même.»
Discoursprémonitoire.Huitansplustard,c’estànouveaulaguerreet, avecelle, la libertédespeuplesdumondeentierquiest menacée. Élizé, mobilisé le 3 septembre 1939, est affectécommecapitainevétérinaireàHirsondansl’Aisne.
Mais il a très vite lemal de Sablé et encore plus lorsqu’il
apprend, en juin 1940, que sa ville a été bombardée par lesAllemands. N’écoutant que son courage, Élizé, qui se trouvepourtant avec son régiment en zone libre, décide de rentrer etréussit à se faire démobiliser. Mais, de retour chez lui, il seheurteauxnazisquirefusentdeluirendresonfauteuildemaire.
Un refus que la Feldkommandantur 755 du Mans justifiedansunelettreaupréfet:
«L’ancienmairedeSablé,quiseraitunofficierfrançaisetmulâtre,etquiaétéremplacéparunmaireinstalléparM.lepréfet,seraitrevenuetessaiedeprétendre à la reprise des fonctions de maire ou s’occuper d’affaires à lamairie.Il est incompréhensible pour le ressentiment allemand et pour le sens dudroit allemandqu’unhommede couleur puisse revêtir la charge demaire.De même, il est insupportable à l’administration militaire et à l’arméeallemande de reconnaître commemaire en territoire occupé un homme decouleur,nidediscuteraveclui.Iln’existedoncaucune raisonpour lepréfetde réintégrercetancienmairedanssesfonctions58.»
D’abordconsidérécomme«maireempêché»,RaphaëlÉlizéestdestituéenaoût1941.Ilreprendsontravaildevétérinaireetseraréquisitionnéparles…Allemandspoursoignerleschevauxde la Kommandantur. Une situation qu’il met à profit pourcollecter nombre d’informations utiles à la Résistance. Ilappartientauréseau«Buckmaster»,circuit«Butler»,groupe«Max»,quiestchargéd’organiserdesparachutagesanglais.
En septembre 1943, Élizé est découvert et arrêté. Il passequelquesmoisàlaprisond’Angerspuisdansuncamp,prèsdeCompiègne,avantd’êtredéportéle19janvier1944.
Quelques jours après son arrivée à Buchenwald, leMartiniquais est affecté à l’usine d’armement. Il y trouvera lamort, un an plus tard, le 9 février 1945, fauché par les…bombardementsalliés.
« Sa culture était d’un bon soutien dans des circonstances où les hommesbrisésparlamisèreavaienttendanceànevivrequepourmanger,écriraàsafamille,après-guerre,sonmeilleuramiaucamp,LucienCleret.Jepuisvousassurerqu’enaucuncasilneperditsadignitéetqu’ilœuvrapourlescausesjustes.Sasantéétaitbonne,trèsbonnemême,etsanscebombardementfaità tort et à travers et combien inutile à deuxmois de la fin, il vous seraitrevenucommeilvousavaitlaissés.Chaque jour, entre onze heures et douze heures, des centaines d’avionssurvolaient notre camp pour aller bombarder diverses villes des environs.Nous nous en faisions une joie, et je me rappelle une expressionbouillonnanteet rageusedeRaphaël : "BonDieu,qu’ilsnous tuent tous,etquelaterresoitdébarrasséedecessauvages59!"»
Raphaël Élizé ne sera pas oublié. Le 16 octobre 1945, leconseilmunicipaldeSablédécideà l’unanimitédedonnersonnomàlaplacedelamairie.
Unanplustôt,enjuillet1944,alorsquelaguerren’estpasencoreterminée,legénéraldeGaulle,depassagedanslapetiteville sarthoise, tiendra lui-même à rendre hommage à ce grandrésistant.
57.Passésimple,RaphaëlÉlizé,premiermairedecouleurdelaFrancemétropolitaine,1994,p.66.58.Ibid.,p.92.59.Idem.
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ChapitreXX
UNCONGOLAISÀDACHAU
C’est le dévouement et la générosité qui caractérisentégalementunautredéportéd’origineafricaine,plusprécisémentcongolaise,JohnVosté,quiseraenvoyé,lui,àDachau.
JohnVostévivait àMalines,dans labanlieuedeBruxelles,quandlaSecondeGuerremondialeaéclaté.LorsquelaBelgiqueestenvahieparHitler,enmai1940, ils’engage immédiatementdans la Résistance au sein du MNR, le Mouvement nationalroyaliste.
Le MNR était en fait une branche parmi d’autres de laRésistanceenBelgiquequi secomposait, côté flamandetcôtéwallon, d’une trentaine de groupements aux effectifs et auxobjectifsdifférentsmaiscoordonnés.
Au sein du MNR, John Vosté était un résistantparticulièrementactif.Ilaparticipéàdenombreusesmissionsdesabotage, notamment de lignes de chemin de fer essentiellespour l’acheminementdumatérielennemi.Devéritablesactionsde harcèlement qui nécessitent lors de chaque opération unegrandemobilitéetunegranderapiditédemouvement.
John Vosté aurait été fier de voir avec quellemaestria songroupementpritunepartdécisivedansladébâcleallemandeens’emparantduportstratégiqued’Anversenseptembre1944.Unport que l’occupant voulait garder coûte que coûte ou, pire,rendre inutilisable. Il sera finalement pris intact et remis auxAlliés grâce à l’action et à l’efficacité du MNR, appuyé pard’autresmouvementsdeRésistance.
Si JohnVosté n’a pas participé à cette victoire éclatante etimportante pour la libération de la Belgique, c’est parce qu’ilavaitétédepuislongtempsarrêté.Pourlui,laguerres’achèveen1942,lorsqu’aucoursd’unemissionilestrepéréetcapturéparles Allemands. C’est pour lui le début d’un insoutenablecalvaire, qui l’emmènera de geôle en geôle, de laBelgique enAllemagne,del’AllemagneenAutriche.
Onretrouved’abordsatraceàlaprisondeBochum.Commeil parle l’allemand, ses geôliers l’emploient comme traducteurlors des interrogatoires des prisonniers belges,wallons commeflamands.
JohnVostéestensuite transféréaucampd’Esterwegen,uneannexe de Neuengamme, près de Hambourg, où il resteraquelquessemaines.Delà,ilseraenvoyéàlaprisonautrichiennedeGratz,puisàHartheim,undesquarante-neufkommandosduterriblecampdeMauthausen.Ceserasadernièreescaleavantsadestinationfinale,lecampdeconcentrationdeDachau.
Dès son arrivée, John Vosté a la surprise de retrouver unefortecoloniebelge,etsurtoutundesesamisd’enfance,habitantMalinescommelui,JeanVolckaerts.
John Vosté sera d’un grand secours pour son ami et pournombredesescompatriotes.Ilavait,sil’onpeutdire,lachancede travailler dans un kommando et de pouvoir circuler àl’intérieur du camp. Du coup, chaque fois qu’il le pouvait, ilrapportaitunpeudepainqu’ildistribuaitautourdelui.Ilfaisaitparailleursprofitersescompagnonsde lamoindre informationqu’ilréussissaitàglanerdanslesalléesducamp.
C’est ainsi qu’il évitera à son ami JeanVolckaerts lamortdanslachambreàgaz.Unépisodequel’intéresséraconteavecdessanglotsdanslavoix.
«Ilyavaitplusieurspersonnesquidevaientpartirpourêtregazées.Moi je
ne le savais pas. Mais Johnny, lui, le savait. Comme j’étais handicapé etincapabledetravailler,ilsavaitqu’onallaitm’emmenerenpriorité.QuandlesAllemandssontarrivés,Johnnym’afaitdiscrètementsigneetm’ademandédesortir.Moi,jenecomprenaispascequ’ilvoulaitmediremais,vuqu’ilinsistait,jesuisquandmêmesorti.Etlàj’aivuqu’onregroupaitdesprisonniers.Finalement, quelqu’und’autre a été emmené àmaplace pour être gazé.Etmoij’étaissauvé.SauvégrâceàJohnny!Autantdireque,mêmes’ilestmortaujourd’hui, je lui serai éternellement reconnaissant. Il m’a sauvé la vie.Oui!Ilm’asauvélavie.Il a aussi aidé beaucoup deBelges. Il y avait beaucoup demalades parminousquimouraientdefaimetd’épuisementdanscequiservaitd’hôpitalaucamp.LeRevier!Johnleurapportaitunmorceaudecroûte.C’étaitunamipournoustous,ungarçontrèsgentil,avecunboncaractère.Enplus,ilétaittrèsémuetsurtoutilconnaissaitlafraternité68.»
Le 28 avril 1945, Dachau est libéré. John Vosté et JeanVolckaerts retournent dans leur petite ville de Malines enBelgique,heureuxd’avoiréchappéensembleàunefinhorrible.
Lesdeuxhommes,inséparablesavantguerre,nesequitterontplusjusqu’àlamortde«Johnny»,le6septembre1993.
68.Entretienavecl’auteur.
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80.InterviewauNewYorkTimes,1989.81.AsaGORDON,WilliamA.Scott,IIIandtheHolocaust.TheEncounterofafricanamericanliberatorsandjewishsurvivorsatBuchenwald,AtlantaDailyWorld26,28,30et31mars1995.82.WilliamA.SCOTT,III,WorldwarIIveteranremembersthehorror of the holocaust (D 805A2W66, 1990,UnitedStatesHolocaustMemorialMuseum.)83.YvanMATAGON,«DesCampstroisétoilespourprisonniersnazis»,Historia,1eroctobre2003.84.BenoîtHOPQUIN,«LaGuerreennoiretblanc»,LeMonde,4juin2004.85.Ibid.86.Ibid.
Table
ChapitreI:Konzentrationslager
ChapitreII:Raceinférieure
ChapitreIII:Lahontenoire
ChapitreIV:Stérilisation
ChapitreV:DeDares-SalaamàSachsenhausen
ChapitreVI:Cauchemar
ChapitreVII:AuGuelowar
ChapitreVIII:Exécutions
ChapitreIX:Nassy
ChapitreX:Piègedanois
ChapitreXI:Terremuetteetstérile
ChapitreXII:NegDoubout
ChapitreXIII:Tousesclaves
ChapitreXIV:Buchenwald
ChapitreXV:UnMartiniquaisdansl’enfer
ChapitreXVI:L’IvoiriendeNeuengamme
ChapitreXVII:L’autreGorée
ChapitreXVIII:LerévolutionnaireduSurinam
ChapitreXIX:Racisme
ChapitreXX:UnCongolaisàDachau
ChapitreXXI:LeNorvégiennoir
ChapitreXXII:Blanchette
ChapitreXXIII:L’Équato-GuinéendeMauthausen
ChapitreXXIV:KaponoiràAuschwitz
ChapitreXXV:Libérateursnoirs
Achevéd’imprimerparXXXXXX,enXXXXX2016N°d’imprimeur:
Dépôtlégal:XXXXXXX2016
ImpriméenFrance
