L’héritage des Chatsfield -...

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L’héritagedesChatsfield

DerrièrelessomptueusesportesdeshôtelsChatsfieldexisteunmondefaitdeluxe,deglamouretdevolupté,réservéauxélites,auxrichesetauxpuissants.Etdepuisdesdécennies,GeneChatsfield,lepatriarche,estauxcommandesdecetempirehorsducommun,tandisqueseshéritiersparcourentle

mondepours’adonneràleursplusscandaleuxplaisirs.Aujourd’huipourtant,toutestsurlepointdechanger:GeneanomméunnouveauP.-D.G.Unhommequ’onditfroidetimpitoyable.Unhommequin’ajamaisconnul’échecetdontlamissionestdefaire

rentrerleshéritiersChatsfielddanslerang.Passezlesportesdel’hôtel,installez-vousconfortablementdanslaluxueusesuitequivousaétéréservéeetassistezauxbouleversementsquivontsecouercetuniversdescandaleetdepassion…

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1.

—Occupez-vous-enmaintenant.La voix de Christos Giatrakos était dure mais beaucoup trop sexy à son goût…Assise dans le

bureau du directeur général, Lucilla Chatsfield attendait sur des charbons ardents qu’il ait terminé saconversation téléphonique. Elle détestait ce Christos ! Alors pourquoi était-elle aussi troublée par savoix?

Parcequ’ilressemblaitdavantageàunmannequinpoursous-vêtementsqu’àundirecteurgénéral?IldevraitêtreentraindedéfileràMilanaulieud’êtreassislà—danssonfauteuil,danslebureauqu’elledevraitoccuper!—déterminéàrendrelavieimpossibleàtoutlemonde.

Enparticulier la sienne…Elle travaillait tropdur, depuis trop longtemps, pour que ce dieugrecdoubléd’unarrivisteusurpesaplaceàlatêtedel’empirefamilial.Sielles’écoutait,elleselèveraitetellequitteraitlapièce.Saufqu’ilfallaitéviterdeluimontrerqu’illamettaithorsd’elle.Ohoui,elleledétestait ! Non seulement il l’avait convoquée par mail, comme à son habitude, mais il l’obligeait àpoireauterpendantqu’ilpassaitdescoupsdefil!

Seredressantsursonsiège,Lucillaconsultasamessageriesursatablette.Ill’ignorait?Lemieuxétaitd’enfaireautant.Ellepromenaunregardfurtifsurlebureauquiauraitdûluirevenir.Christosnesel’étaitpasappropriéenchangeantcomplètementledécorcommeelles’yattendait.Cependant,certainestouches discrètesmarquaient sa présence.La position de l’ordinateur, parfaitement perpendiculaire aubureau,celledesonstylo—qu’ellenepourraitpass’offriravecunmoisdesalaire—bienparallèleauclavier,etpuisunepetitepiècedemonnaieposéeàdroitedustylo.Unemonnaieétrangère,d’aprèscequ’ellepouvaitenvoir.

Lesphotosposéesautrefois sur lebureaudesonpèreavaientété reléguéessuruneétagèrede labibliothèque,derrière lebureau.En revanche, l’éditionanciennedesFablesd’Esope de samère étaittoujoursàsaplacedanslavitrine.

—Sivousn’yparvenezpas,inutilederappeler.LegroupeChatsfieldad’autresfournisseurs,Ron.Jen’hésiteraipasàfaireappelàeux.

Christos raccrocha et marmonna quelque chose en grec. Puis il posa ses yeux bleu glacier surLucilla.Réprimantlefrissonquicouraitlelongdesonépinedorsale,ellesoutintsonregard.

—QuelestleproblèmeaveclaréceptiondumariageFrost,ceweek-end?Ellesehérissa.Nibonjournitoncourtois.Justeunequestionagressiveetinsultante.—Unproblème?Iln’yapasdeproblème,Christos.TouslesemployésappelaientlenouveaudirecteurgénéralM.Giatrakos,maispoursapartelles’y

refusait absolument. Et pour cause ! Elle n’était pas une employée. Elle était la directrice générale

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légitime du groupe Chatsfield, et elle refusait de se montrer servile juste parce que son père, GeneChatsfield,luiavaitpréférécethomme.Ilnemanqueraitplusqu’ellerampedevantsonrival!

—J’aientendudirequ’ilyavaitunproblème,insistaChristos.Combiendefoisdéjàavait-elleeuenviedel’étrangler?Lucillas’exhortaaucalme.—Pourtant,iln’yenapas.ElleconsultasursatablettelapagedetâchesrelativeaumariageFrost.—Laseulechosequiauraitpu—éventuellement—êtreconsidéréecommeunproblèmec’estle

placementàtabledupèreetdelamèredelamariée.Maisilyalongtempsquej’aifaitlenécessaireàcesujet.

—Pourquoicelaaurait-ilpuposerunproblème?—Parcequ’ilssontenpleindivorceetqueM.Frostvientaccompagnédesanouvellepetiteamie

—beaucoupplusjeunequesafutureex-femme.LeregarddeChristosrestafroid.—LuccaacertesréussilecoupdusiècleaveclesuccèsdumariageroyalàPreitalle.Maisdepuis,

lesprojecteurssontplusquejamaisbraquéssurnous.Ilestdoncimpératifdenousmontreràlahauteur.OrlemariageFrostestunévénementàhautrisque,Lucilla.Vousveillerezàcequ’ilnetournepasàlacatastrophe.

Lucillaselevaens’efforçantderesterimpassible.Quelleplaie…Chaquefoisqu’ilprononçaitsonprénom,elleétaitenvahieparunevivechaleur.Sansêtrefort,sonaccentgrecétaitperceptibleetdonnaitunenote incroyablement sensuelle à chaque syllabede sonprénom.C’était trèsperturbant.Cependant,s’ilne l’appelaitpasMlleChatsfield,c’étaitparcequ’elle refusaitde l’appelerM.Giatrakos.Ellenepouvaitdoncs’enprendrequ’àelle-même…

—J’aitoujoursveilléàéviterlescatastrophesetj’aibienl’intentiondecontinuer,répliqua-t-elled’unevoixcrispée.Mêmequandvousneserezpluslà.

Cequi ne saurait tarder si le planqu’elle avait élaboré se déroulait commeprévu…Si l’O.P.A.lancéeàsademandeparAntoniosurlegroupeKennedyaboutissait,sonfrèreetelleapporteraientàleurpèrelapreuvequ’ilsn’avaientpasbesoindeChristosGiatrakospourdonnerunnouvelessoraugroupeChatsfield.

Cependant,Antonioavaitmanquéleurrendez-vouslasemainedernière.Etàvraidire,ill’inquiétaitunpeu.Ilavaitbeauvivredepuispeudansl’hôtel,ellenelevoyaitpasplusqu’auparavant.Et,lorsdeleurdernièrerencontre,illuiavaitparu…différent.Plusagité,plusanxieux…

Lucilla s’efforçadechassermomentanément cettepréoccupationde sonesprit pour se concentrersurl’hommeassisenfaced’elle.S’ilsparvenaientàsedébarrasserdeChristos,lavieredeviendraitplusfacile. Tout le monde recommencerait à respirer, quand Antonio et elle seraient de nouveau auxcommandesdel’empirefamilial.Etelleavaitbienl’intentiond’atteindrecetobjectif,coûtequecoûte.

UnsourirenarquoisétiraleslèvresdeChristos.Ellesemaudit.Pourquoiavait-elleunefoisdeplustrahisonirritation?Parmomentsc’étaitplusfortqu’elle.

—Pourl’instantjesuislà,Lucillamou,etvousferezcequejevousdisoubienvousensubirezlesconséquences.

Elle serra lesdents.D’accord, elle feraitmieuxde resterdemarbre.Mais impossiblede laisserpasserça.

—Vous n’avez aucun pouvoir surmoi, Christos, quoi que vous en pensiez. Oui, vous contrôlezl’empireChatsfield ainsi que l’accès àma rente.Mais vous ne réussirez pas àm’intimider comme lerestedelafamille.

Posant lesmains sur le bureau, elle se pencha versChristos et plongea son regard dans le sien.Commentcontinueràsetairealorsqu’ellebouillaitdepuisdessemaines?Depuisquecethommeétaitarrivéetdonnaitdesordresàtoutlemonde…

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—Jenemelaisseraipastyranniserparquelqu’uncommevous.Vousavezbesoindemoi.Ilestdansvotreintérêtquejecontinueàtravaillercommejel’aitoujoursfait.Jedirigecethôteldepuisdesannées.Renvoyez-moietvousverrezcequisepassera.Monpèrevousjetteradehorssansl’ombred’unremords,sivouséchouezdanslamissionqu’ilvousaconfiée.

LesyeuxdeChristosjetèrentdesétincelles.Lucillaseredressatandisqu’ilselevaitlentement.—Vousaviezenviedevidervotresacdepuisunmoment,n’est-cepas?Elleserralesdents.Oui,elleseretenaitdepuisdessemaines.Etoui,çafaisaitdubiendedireenfin

cequ’elleavaitsurlecœur.Malgrétout,elleavaitcommisuneerreur.Ellevenaitderévéleràl’ennemiqu’elleétaitfurieused’avoirétédépossédée,alorsquelabonnetactiqueseraitdenerienlaisserparaîtrepourl’endormiravantdel’éliminer.

Ilnefallaitsurtoutpasqu’ilpuissesedouterdecequ’ilspréparaient,Antonioetelle.Parcequ’elleétaitbiendéterminéeàéliminerceGrecarrogantd’unemanièreoud’uneautre.Le

règnedeChristosGiatrakosseraitbref.Unépisodeinsignifiantdel’histoiredugroupeChatsfield.Elleétaittoujourspiquéeauvifquesonpèreluiaitpréférécetétranger,maiselledevaitmettreunesourdineàsonressentimentsiellevoulaitréussiràretournerlasituation.

Oui,elleauraitdûadopterunprofilbas.Maispuisqu’ellen’avaitpassusetaire,ellen’avaitplusqu’àassumersespropos.Lucillarelevalementon.

—Eneffet.Vousêtespeut-êtretrèssatisfaitd’avoirimposévotrevolontéàmesfrèresetsœur,maisnecomptezpasmemanipuleraussifacilement.

Christospromenalentementsonregardsurelle.—Ilnemeviendraitjamaisàl’idéedevousmanipuler,Lucilla.Maissijelefaisais,soyezsûreque

vousvousplieriezàmavolonté.Etquevousadoreriezça…Elledéglutitpéniblement.Parlait-iltoujoursdutravail?—Vous vous faites des illusions, Christos. Je vousméprise et je ne souhaite qu’une chose. De

retournerd’oùvousvenez.LesourireamusédeChristoss’évanouitetsamâchoiresecrispa.Ilparaissait…blessé?Maisnon,

c’étaitimpossible,seditaussitôtLucilla.ChristosGiatrakosnepouvaitpasêtreblessé.Iln’avaitaucunesensibilité.

—Jememoquedecequevouspensezdemoi,Lucillamou.Vousêtesaussigâtéeetsuperficielleque vos frères et sœur. Oh ! bien sûr vous jouez à travailler et vous vous en sortez assez bien à ladirectionduserviceclients.Etvousavezraisonquandvousditesquej’aibesoindevous.Maisnevousytrompez pas. Si un jour j’estime que je dois vous renvoyer, je le ferai. Personne n’est indispensable,Lucilla.Mêmepasvous.

—Nivous.—Nimoi.Commeilsedoit.Touteentreprisedontlabonnemarchedépendd’uneseulepersonne

est une entreprisemal gérée.Mon objectif est de faire retrouver au groupe Chatsfield sa position deleaderdansl’hôtelleriedeluxe.Maisjen’aipaslaprétentiond’êtreindispensableàsagestion.Etjen’ytienspasnonplus.Là,mesemble-t-il,estladifférenceentrenous.Vousêtesprêteàmettrelegroupeenpérilparrancune.Moi,jesuisdéterminéàlehisserausommet.

Lucilla suffoqua d’indignation. Comment osait-il ? Elle aussi voulait que le groupe Chatsfieldretrouve la première place. Elle estimait juste qu’il n’était pas utile de faire appel à Christos pouratteindrecetobjectif.Elleauraitpuyarriversisonpèreluienavaitlaissél’occasion.Maisiln’étaitpastroptard.Elleprituneprofondeinspiration.

—JeneferaisjamaisrienquipuissemettrelegroupeChatsfieldenpéril.Jenecomprendsmêmepasquecetteidéepuissevouseffleurer.

— Alors arrêtez vos enfantillages et prouvez-le. A présent, si vous voulez bien sortir de monbureau,j’aidutravail.

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Sielleneseretenaitpaselleluijetteraitsatabletteàlatête!—Avosordres,moncommandant.Pivotant sur ses talons, elle quitta le bureau d’une démarche altière. Son sang bouillait dans ses

veines,mais à son grand dam elle n’était pas seulement furieuse. Elle vibrait autant de désir que decolère.EllepassadevantJessie—saprécieuseassistante—entradanssonbureau—beaucouppluspetitqueceluidudirecteurgénéral—etclaqualaportederrièreelle.Puiselleselaissatomberdanssonfauteuiletfermalesyeux.

Pourquoi ne pouvait-elle pas voir cet homme détestable sans se demander quel goût avaient seslèvres?Quand ilétaiten faced’elle,elle rêvaitde l’embrasser,depromener lesmainssursoncorpsmusclé…Maisc’étaitsanature.Elleavaittoujoursétépleinedecontradictions.Quandellevoulaitalleràdroite,elletournaitàgauche.C’étaitplusfortqu’elle.Ilsuffisaitqu’onluisuggèrequ’ellen’étaitpascapabledefairequelquechosepourqu’elleentreprennedeprouverlecontraire.

Diriger le groupe Chatsfield, par exemple. Elle avait passé des années à démontrer sescompétences.EtsonpèrenetrouvaitriendemieuxàfairequedenommerunGrecodieuxetultra-sexyaupostequ’ellesepréparaitàoccuperdepuistoujours!Elleétaitdevenueadulteàquatorzeans,contrainteetforcée,quandsamères’étaitévanouiedanslanature.Aprèsledépartdesafemme,leurpèreavaitétéincapabledefairefaceàlasituation,sibienqu’Antonioetelleavaientdûendosserlerôledeparentsets’occuperdeleursfrèresetsœur.

Plustard,Antonioétaitpartiàsontour,sursesencouragements.Lesresponsabilitésqu’elleavaitdûassumerseuleétaientbientroplourdespouruneadolescente,maisellen’avaitjamaisflanché.Aprésent,elle voulait son dû. La direction de l’empire Chatsfield. Les hôtels faisaient partie de sa vie depuistoujoursetluirevenaientdedroit.Christosn’étaitpasunChatsfield.Aucunliensentimentalnel’attachaitaugroupe.

Lucillasoupira.DèssonarrivéeelleavaitfaitdesrecherchessurChristos,maisilrestaitplusieurszonesd’ombredanssonparcours.Ilsemblaitvenirdenullepartetn’avaitaucunefamille.Impossibledetrouver lemoindre renseignement leconcernantavant l’âgedevingt-cinqans, lorsqu’ilavait remissurpiedunevénérablecompagniedenavigationgrecque.

Fortdecesuccès,ils’étaitspécialisédansleredressementdesentreprisesendifficulté.Inflexible,il était d’une efficacité redoutable. Soumises à des mesures draconiennes, les entreprises finissaienttoujoursparrenaîtredeleurscendres,plussolidesetplusprospères.

Ilétaitefficace,maisellen’avaitpasconfianceenlui.Commentsonpèreavait-ilpudéléguersonpouvoiràunhommedontilssavaientsipeudechoses?Geneavaitremislesclésdesonroyaumeàuninconnu,puisilétaitrepartiauxEtats-Unisrejoindresanouvellefiancée,commesiderienn’était.

Il fallaitqu’elleenapprennedavantage.EllevoulaitsavoirquiétaitvraimentChristosGiatrakos,d’oùilvenaitetpourquoiilétaitaussi implacable.Ensuite,ellelepousseraitdehors.Lucilladécrochasontéléphone.Pourobtenirdesinformations,lemomentétaitvenudeserappeleraubonsouvenirdetousceuxquiluiétaientredevables.

***

UngalaétaitprévulesoirmêmedanslagrandesallederéceptionduChatsfielddeLondres.Unevente aux enchères d’œuvres d’art organisée au profit d’une association caritative, à laquelleassisteraientlesmembreslesplusfortunésdelahautesociétélondonienne.Entantquedirecteurgénéral,Christossedevaitd’êtreprésentpourreprésenterlegroupeChatsfield.IlétaitdéterminéàfaireoublieraupubliclesfrasquesdesenfantsChatsfieldquiavaientternilaréputationdelachaînehôtelière.Celaprendrait du temps, mais il redorerait le blason de l’entreprise. Lorsqu’il se fixait un objectif, ill’atteignaittoujours.

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Ilplissalefront.Lucillaavaitétéparticulièrementhostileaveclui.Ellenel’aimaitpas.C’étaituneévidence.Illeluirendaitbien.Elleétaitpeut-êtreunpeumoinsnullequesesfrèresetsœur,maisçanel’empêchaitpasd’êtreuneenfantgâtée.

Pourtant, il la trouvait étrangement attirante.Par exemple, sesyeuxnoisette étaientpailletésd’or.Commentavait-ilremarquécedétail?Iln’enavaitaucuneidée.Maischaquefoisqu’ellevenaitdanssonbureau, il se surprenait à se demander si ses prunelles prenaient d’autres nuances sous l’effet de lapassion.A quoi ressemblait la très guindéeLucilla une fois échevelée ?Difficile de l’imaginer. Il nel’avaitjamaisvuequ’avecunchignontorsadéouunequeue-de-cheval.Quantàsestailleurs,ilsétaientnitropstrictsnitropsexy.

Enfait,ilnedevraitpasluiprêterlamoindreattention.Ellen’avaitpasgrand-chosepourluiplaire.Sesjouesétaientunpeutroprebondiesetseshanchesunpeutroppleines.Parailleurs,elleavaitunairtropsérieuxetellefronçaitsansarrêtlessourcils.

Ehbien,malgrétoutça,ilnepouvaits’empêcherdel’imaginernue,étenduesursonlit,attendantsescaresses.Preuvequ’iltravaillaittrop!Heureusementcesoirilseraitaccompagné,parunefemmequiluiavaitlaisséentendreplusd’unefoisqu’elleseraitdisponibletoutelanuit.

Aprèsêtrerentréchezluipoursedoucheretsechanger,ChristospritlevolantdesaBugattiVeyronetallachercherVictoriachezelle.Ellel’attendaitderrièrelesportesvitréesduhalldel’immeuble,sessomptueusesbouclesblondesruisselantsursesépaules,vêtued’unerobemoulantecoupéedansuntissuluisantquiressemblaitàducaoutchouc.

Ellesortitdel’immeubled’unedémarcheondulante,etdeuxhommesquipassaientsurletrottoiraumêmeinstantsemirentàbaverlittéralement.Entoutelogique,ildevraitêtreémoustillé,songeaChristosenluiouvrantlaportière.Aulieudeçailétaitunpeudéçu.Elleétait…pasmal.Oui,pasmal.

—J’aihâted’êtreàplustard,susurra-t-elleenposantlamainsursacuissedèsqu’ileutreprissaplacederrièrelevolant.

Ilne ressentit rien.Savirilité finitpar réagirà seseffleurements,mais ilne futpas submergédedésir.

—Çasuffit,Victoria,dit-ild’untonsec.Nousavonsd’abordunelonguesoiréedevantnous.Ellegloussa.—J’aihâtequ’ellesoitterminée!Quelquesinstantsplustard,ilsarrivèrentauChatsfield.AprèsavoirconfiélesclésdelaBugattiau

voiturier,ChristosrejoignitVictoriasurletapisrouge.Lesflashesdesphotographesmassésderrièredescordonsdevelourscrépitèrenttandisqu’ilssedirigeaientversl’entréedel’hôtel.

Lorsqu’ilspénétrèrentdanslasallederéception,legalabattaitsonplein.Levolumedémesurédelapièce et son style Arts déco en faisaient un lieu d’exposition idéal. Des hommes en smoking et desfemmes vêtues de robes chatoyantes déambulaient devant lesœuvres d’art et cochaient celles qui lesintéressaientdansleurscatalogues.

Christos circula parmi les invités, serrant des mains, bavardant, accueillant avec le sourire lescomplimentssur ledécoret leservice.VitefatiguédelaprésencedeVictoriapendueàsonbras, il lalaissaavecungroupedefemmesquidiscutaientdesméritesrespectifsdeleursstylistesattitrés.

Ilcontinuadedéambuleretdesemêleràdiversgroupesenattendant ledébutde lavente.Alorsqu’il n’écoutait qued’uneoreille distraite la conversation en cours, son regard fut attiréparun éclairrougeunpeuplusloindanslafoule.Unefemmebrune,mouléedansunerobefourreaurubisparseméedepaillettes,contemplaituntableau.Seule,dedos,éclairéeparunfaisceaulumineux,elleavaitlesépauleslégèrementcourbées,commesilepoidsd’uneimmensetristessepesaitsurelle.

Christosfutprisd’uneenvieirrésistibledevoirl’œuvrequilafascinait.Sasolitudeéveillaitdesrésonancesenlui.Pendantsonenfance,ilavaitétéobligéd’apprendreàs’isolerpoursurvivreàl’enfer.

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C’étaitunecapacitéqu’ilavaitpossédéepleinementdèsl’âgedequatorzeans.Unrefugeindispensablepournepassombrerdanslafolieaucentrededétentionpourmineursoùilavaitétéenvoyé.

Christos s’excusa auprès du groupe auquel il s’étaitmêlé et se dirigea vers l’inconnue. Il fallaitabsolumentqu’ilsachequielleétaitetcequil’affectaitàcepointdanscetableau.

Elleseretournatoutàcoupetilsefigea.LucillaChatsfield.Lestraitsaltérésparlatristesse.Maisd’unebeautésublimedanslefaisceaudelumière.

Celui-cisculptaitsestraits,mettaitenvaleursonteintlumineuxetallumaitdesrefletscuivrésdansl’épaissechevelurebrunequitombaitencascadedanssondos.C’étaitbienLucilla,maistellequ’ilnel’avait jamaisvue…Christos fut submergéparunevaguededésir qui lui coupa le souffle. Ilmouraitd’enviedeluienlevercetteroberougepourdénuderlapeaucrémeusequisecachaitdessous.Ilmouraitd’enviedevoirs’allumerdanssesyeuxnoisetteuneflammequichasseraitcettetristessedesonregard…Queluiprenait-il?

Iln’étaitpasdisponiblepourcegenrededélire.LucillaChatsfieldétaitunobstaclesursonchemin,pasunefemmeàséduire.D’autantplusqu’elleledétestait…

Ilpritdeuxflûtesdechampagnesurleplateaud’unserveuretsedirigeaverselle,tandisqu’ellesetournaitdenouveauversletableau.Sonregardfutirrésistiblementattiréparlesrondeursdeseshanches,la finesse de sa taille, la luxuriance de ses boucles brun cuivré qui flottaient sur ses épaules.Heureusementqu’àl’ordinaireelleattachaittoujourssescheveux!Ilétaitsitentantdeplongerlamaindedans…

—Cetableauvousplaît?Elletressaillitetseretournavivement,unemainsurlecœur.—Oh!monDieu,vousm’avezfaitpeur!—Jesuisdésolé,dit-ilenluitendantuneflûte.Ellelapritetregardadenouveauletableau.—Elleestbelle,n’est-cepas?C’étaitunportraitdefemme.Depetitformat.Nitrèsanciennitrèsrécent.Etpasdutoutguindé.La

femme, qui portait une robe longue, des perles et un vison, riait d’un rire joyeux, très naturel.Curieusement,sonvisageétaitfamilier.Christosjetauncoupd’œilàLucilla.Mêmestraitsquelafemmeauportrait…Ilfutassailliparuneboufféed’indignation.GeneChatsfieldavaitmisenventeunportraitdesapremièrefemme?PasétonnantqueLucillasoitbouleversée!

Personne ne savait où se trouvait LilianaChatsfield.Un jour elle avait quitté sa famille pour nejamais revenir. Il connaissait l’histoire, comme beaucoup de gens. Mais il n’avait jamais réfléchi àl’impactquecedépartavaitpuavoirsursesenfants.Etilnepouvaitpass’empêcherd’éprouverdelacompassionpourLucilla.

—Oui,trèsbelle.Votremère,jesuppose?LesmainsdeLucillatremblaient,constata-t-ilalorsqu’ellebuvaitunegorgéedechampagne.—Oui.—Etçavousennuiequecetableausoitmisenvente.—Biensûrquenon,répliqua-t-ellesansleregarder.C’estpourunebonnecause.GrahamLaurent

l’apeintavantdedevenircélèbre,cequivafairemonterrapidementlesenchères.Monpèrelesait.Etsurtout,GeneChatsfieldseremariaitbientôt,songeaChristos.Safuturefemmen’avaitsansdoute

pas envie qu’il garde un portrait de l’ancienne.Mais pourquoi n’offrait-il pas ce tableau à un de sesenfants?

—Vouspourriezl’acheter.Lucillase tournavers luiet il futélectriséparsonregard intense.Lespaillettesd’orscintillaient

danslalumière.—Oh!non,ceseraitinconvenant.

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Pourquoi?Ilnecomprenaitpas,maisaprès toutcen’étaitpassonproblème,décidaChristos.Siellenevoulaitpasachetercetableau,qu’est-cequeçapouvaitbienluifaire?

—AvousdevoirLucillamou.Pourquoil’appelait-il«maLucilla»?Lapremièrefoisqu’ill’avaitfaitelleavaitparuirritée,si

bien qu’il avait continué juste pour le plaisir. Sauf qu’à l’instant il l’avait fait spontanément. Sans lamoindreintentiondel’agacer.Maisça,ellenepouvaitpaslesavoir…

—Vousn’êtespascenséprofiterdelasoiréepouracheterdesâmes?lança-t-elled’untoncrispé.Jenevoudraissurtoutpasvousretenir.

ChristoséclataderireetLucillaneparvintpasàréprimerunsourire,malgréseseffortsmanifestespourgarderunairrenfrogné.

—J’aidéjàfaitlepleind’âmespourlajournée,plaisanta-t-il.Satanestderelâche,cesoir.Ellearquaunsourcilnarquois.—Demain sera un nouveau jour. Je suis certaine que vous aurez trouvé des dizaines de vies à

transformerenenfer,avantlafindelamatinée.Christosbutunegorgéedechampagne.Contretouteattente,ils’amusaitbeaucoup.Lucillaavaitun

humourcaustiqueetl’espritderepartie.Çalechangeaitdesfemmesqu’ilfréquentaitd’ordinaire…—C’estprévu,eneffet,répliqua-t-ilavecunsouriremalicieux.Lucilla prit une profonde inspiration et se détourna du tableau, comme si elle avait décidé de

s’arracherdéfinitivementàlafascinationqu’ilexerçaitsurelle.—Parlez-moi un peu de vous, Christos.Où avez-vous grandi ?Quelles étaient vos occupations

favoritesquandvousétiezenfant?Christoseutl’impressionderecevoirunedouchefroide.Ilneparlaitjamaisdesonenfance.C’était

tropdouloureux.Tropsordide.—J’aigrandienGrèce.J’aieuuneenfanceheureuse, j’ai faitdesétudeset jesuisentrédans le

mondedutravail.Quediredeplus?Lesmensongessortaientdesaboucheavecfacilité.Normal.Ilavaitdesannéesdepratiquederrière

lui.—OùçaenGrèce?Auborddelamer?Danslesterres?—EnGrèceonestpartoutauborddelamer.—C’estuneréponsebienvague.Ilhaussalesépaulesavecunedésinvoltureétudiée.—Nousnesommespasamis,Lucilla.Nousn’avonsaucuneraisondenousraconternosvies.Vous

vousmoquezdemonenfanceetmoide lavôtre.Cequivous importec’est la façondont jegèrevotreprécieuseentreprise,etdemoncôtécequim’importec’estdeluiredonnertoutsonprestige.Quoiquevous en pensiez, nous ne sommes pas des adversaires.Mais rien ne nous oblige non plus à papotercommesinousnousentendionsàmerveille.

—Aveccegenred’attitude,pasétonnantquevousn’ayezpasd’amis.Vousgardez tellementvosdistancesquepersonnen’aaucunechancedenouerdesliensavecvous.

Ilémitungrognementdédaigneux.—Avez-vousréellementenviededevenirmonamie?Oucesquestionscachent-ellesautrechose?Lucillarelevalementon.—Nil’unnil’autre.J’essayaisjusted’êtrepolie.Jemedisaisquelavieseraitpeut-êtreplusfacile

sinousfaisionssemblantdenousapprécier.Christosfitunpasenavant.—Jesuistoutàfaitprêtàfairesemblant,Lucillamou.Ilsetrouvequejesuisfascinéparcetterobe

etparlemystèrequisecachedessous.Sivousvoulez,nouspouvonspartirensembleetfairesemblantdenousapprécierdansmonlit.

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Lesyeuxécarquillés, les jouesécarlates,Lucilla restabouchebée.Puissursonvisage lastupeurlaissaplaceàlacolère.Elletapadel’indexcontreletorsedeChristos.

—Commentosez-vous?Cen’estpasdrôle.—Jen’essayaispasd’êtredrôle.—Jevousaivuarriver,j’aivuavecquivousêtes.N’essayezpasdevouspayermatêteenfeignant

demetrouverplusattirantequevotrepetiteamietopmodel.Jenesuispasstupideàcepoint.

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2.

LecœurdeLucillabattaitàtoutrompre.Elledevaitêtreécarlate.Etsaroberubisn’arrangeaitsansdouterien.Pourquoiavait-ellechoisideporterdurouge,cesoir?

Parcequ’ellesavaitqueChristosseraitlà.Non,rienàvoir.Elle avait choisi de mettre sa robe la plus sexy parce qu’elle aimait se sentir belle. Pas parce

qu’ellesavaitqueChristosGiatrakosseraitlà,unefoisdeplusaccompagnéd’untopmodel.Depuissonarrivée au Chatsfield, il avait souvent assisté aux soirées en compagnie de femmes superbes. Unedifférentechaquefois,enfait.

Etcesoir,ilsepayaitsatête.Ilfeignaitdelesimaginerensembledansunlit,alorsquerienn’étaitpluséloignédesonesprit.Ilvoulaitjustelatroubler.

Et,lepire,c’étaitqu’ilyarrivait!Maispasquestiondelemontrer.Relevantlementon,elledardasurluiunregardnoir.Leregardquis’étaitsouventrévélétrèsefficaceavecsesfrèresetsœurquandilsétaientpetits.

Christos eut un petit sourire narquois. Puis il fit glisser ses yeux sur son cou, son décolleté, sesseins…Asongranddamelle futparcouruede longsfrissons,commesic’étaientsesmainsetnonsesyeuxquisepromenaientsurelle.

—Jevousassurequejesuis trèssérieux,Lucillamou.Sivousendoutez,donnez-moi lamainetsuivez-moi.

Elle crispa le poing. Pas question de céder à la tentation. Non qu’elle ait vraiment envie de seretrouverdansunlitavecChristos,maisilétaittentantdeleprendreaumot.

Parcequ’ils’amusaitàlatourmenter.Iln’étaitpassérieux.Etrienneseraitplussatisfaisantquedeleluifaireadmettre.

—C’estçavotretechniquedeséduction?Jetrouvequ’ellemanquesingulièrementdesubtilité.Lesyeuxbleuglacierétincelèrent.—Votrerefusprouvequej’airaison.Vousêteslâche,Lucilla.Voilàpourquoivousnepouvezpas

dirigerleshôtelsChatsfield.Vousnevoulezpasprendrederisques.— Cette tactique ne vous mènera à rien, répliqua-t-elle, furieuse. Je vois clair dans votre jeu,

Christos.Vousvoulezmepousseràfairequelquechosedestupide.Riennevousferaitplusplaisirquedemevoirmeridiculiser.

—Vousvousdébrouilleztrèsbientouteseule.—Commentosez-vous?Ilarquaunsourcilnarquois.

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—J’oseparcequedevotrecôtévousn’osezpas.Parcequevousavezpeur,Lucilla.Vousêtesunepetitefillegâtée,incapabledeprendredesdécisionsdifficiles.Jesuismeilleurquevous.

—Jevoushais,murmura-t-elle,lecœurbattant.—J’ensuisbienconscient.Etjesuiscertainquejepeuxrendreencoreplusbrûlantecetteflamme

quibrûleentrenous.—Iln’yapasdeflamme.Et pourtant…Elle semaudit intérieurement.Comment pouvait-elle être aussi excitée ?Comment

pouvait-ellemourird’envied’embrassercethomme?Que lui arrivait-il ?D’oùvenait cette faiblesse?Elle était en trainde regarder leportraitde sa

mèreetilavaitfalluqu’ilarrivepourqu’elles’enflammetoutentière.Maissansdouteétait-ceparcequelacontemplationdutableaul’avaitrenduetristeetvulnérablequ’ilavaitréussiàlatroubleràcepoint.C’étaitlaseuleexplicationpossible.

Ils’approchaencore,jusqu’àêtretoutprèsd’elle.—Ilest tempsquevousarrêtiezdevousmentir.Vous ressentez lamêmechosequemoi.Etvous

l’avezressentiedèslepremierinstant,commemoi.Brûlonsensemble,Lucilla,etdébarrassons-nousdecette attirance inopportune. Nous travaillerons beaucoup mieux une fois que nous aurons évacué ceproblème.

Elleavaittouteslespeinesdumondeàrespirer.Iln’étaitplusqu’àquelquescentimètresd’elleetcetteproximitédécuplaitsontrouble.Ellefitunpasenarrièreetprituneprofondeinspiration.

—Jesuisdésolée,Christos,maisvousvoustrompez.Cetteattirancen’existepas,entoutcasencequimeconcerne.Jenevoussupportepasetjen’éprouveaucundésirpourvous.

—Vouspouvezessayerdevousenconvaincre,maisvoussavezaussibienquemoiquec’estfaux.—Vousnesavezriendemoi.Aprésent,sivousvoulezbienm’excuser,j’aiunesoiréeàsuperviser.—Prenezlafuite,Lucilla.Maisnousn’enavonspasterminé.—Jevousassurequesi.Bonsoir,Christos.Pivotantsurelle-même,Lucillas’éloignadanslafoule.Asagrandeirritation,elletremblaitdela

tête auxpieds.Pourquoi se laissait-elle déstabiliser ?Pendant des semaines elle l’avait ignoré et touts’étaittrèsbienpassé.

Maisaujourd’huielleavaitfiniparperdresonsang-froid.Touteslesémotionsqu’elleavaitréussiàcontenir jusque-là avaient fini par la submerger. Et malgré tous ses efforts, elle ne parvenait pas àreprendrelecontrôled’elle-même.

Maisellefiniraitparyarriver.Elleavaitunplan,etceplanexigeaitqu’ellecontinueàsecomportercommeellel’avaittoujoursfait.Selonsesprévisions,Christosseraitpartiavantlafindel’été.Ilsuffisaitqu’elleresteforteetconcentréesursonobjectif.

Lucilla se rendit dans les toilettes pour dames, où elle se recoiffa et se remit du rouge à lèvres.Reculant d’un pas, elle s’étudia dans lemiroir. Elle nemanquait pas de charme,mais elle n’était nigrandenipourvuedejambesinterminables.Niminceaupointd’êtrefantastiquequoiqu’elleporte.Elleavaitdescourbesprononcéesetsesjouesétaienttroprebondies.Etelleétaitpetite,mêmesisestalonsde10centimètresmasquaientcedéfaut.

Sesyeuxétaientmarron,sescheveuxchâtainsetsabouchetropgrande.Cependant,elleavaitdesseinsfabuleux.Elleglissa lesmainsdessouset lesadmiradans lemiroir.Oui, ilsplaisaientbeaucoupauxhommes.AChristosaussi,peut-être.Maisilétaitbeaucoupplusprobablequ’ils’amuseavecelle.Sans doute cherchait-il à lui faire avouer qu’elle était attirée par lui afin de pouvoir la rejeter et semoquerd’elle.

Çan’arriveraitpas.Aprèsavoirarrangéunedernièrefoissescheveux,elleretournadanslasallederéception.Sourire

aux lèvres, elle semêla aux invités etdiscuta avec lesuns et les autres tout en s’efforçantde chasser

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Christosdesonesprit.Cequin’étaitpasfacileparcequ’ellesentaitqu’ill’observait.Attendait-ilqu’ellecommetteuneerreur?Ellel’aperçutàplusieursreprisesaucentred’ungroupe,lagrandeblondetoutenjambesà la robeultra-moulantecolléeà lui.Aunmoment il surprit sonregard,ellese forçaànepasdétournerlesyeux.Ilssefixèrentpendantquelquesinstantsetlagrandeblondefinitparremarquerquecen’étaitplussurellequel’attentiondeChristosétaitconcentrée.Ellesepenchaversluipourluimurmurerquelquechoseàl’oreilleetilluiadressaunsourireéblouissant.

A son grand dam Lucilla ressentit une immense frustration, comme s’il venait de la rejeter.Complètement ridicule !Si seulement elle était accompagnée…Il y avait desmois qu’elle n’était passortieavecunhomme,parcequ’elleavaitététropaccaparéeparlegroupeChatsfield,maisdèsdemainelleallaitremédieràcettesituation.Ilétaitstupidedesenoyerdansletravailaupointdenégligersaviepersonnelle.Siellenes’étaitpassentieseule,ellen’auraitpasététroubléeparChristos.Parcequeoui,ill’avaittroublée.Ilfallaitbienlereconnaître.Mêmesielles’envoulaitterriblementd’êtreattiréeparunindividuaussidétestable,soncorpsneparvenaitpasàignorerqu’ilétaitdiaboliquementsexy.

Lorsquelaventeauxenchèresdébuta,Lucillaattenditquelquesinstantspourvoirsitoutsepassaitbien,puiselleseretiradanssonbureauendemandantàJessiedevenirlachercherencasdeproblème.Ellen’avaitaucuneenvied’êtrelàquandleportraitdesamèreseraitmisauxenchères.Pourquoi?Ellenesavaitpastrop.Aprèstout,LilianaChatsfieldn’avaitpashésitéàabandonnersonmarietsesenfants,laissantauxdeuxaînéslesoind’éleverlesplusjeunes.Pourquoiserait-elleattachéeàsonportrait?sedemandaLucilla.C’étaitdelanostalgiepureetsimpleetiln’étaitpasquestiond’ycéderuneminutedeplus.

Elles’assitàsonbureauetconsultaleplanningdelasemainesuivante.Leprogrammeétaitchargéetsonrôleétaitdefaireensortequetoutsepassebien.Toutàcoupsaportes’ouvrit.Ellelevalesyeuxetsoncœurfitunbonddanssapoitrine.Cen’étaitpasJessie,commeelles’yattendait,maisChristos.Toujoursaussisexydanssonsmokingetsachemiseblanche.

—Oui?dit-elled’untonaussineutrequepossible.Ilentradanslapièceetfermalaporte.Lecœurbattantàtoutrompre,elledéglutitpéniblement.—Vousêtespartieassezsoudainement.Toutvabien?—Pourquoiçan’iraitpas?—Avousdemeledire.Ellesoupira.—La journéea été longue,Christos. Je suis fatiguéeet j’aibeaucoupde travail. Jene restepas

jusqu’àlafindechaquesoirée.Jessiesaitoùmetrouvers’ilyaunproblème.—Vousêtesfâchéecontremoi.— Contrairement à ce que vous semblez croire, tout ne tourne pas autour de vous. Je ne vous

appréciepas,maisjenepassepastoutmontempsàpenseràvous.Enfait,si.Maisc’étaitsurtoutpoursedemandercommentsedébarrasserdelui.Elleeutungeste

désinvoltedelamain.—Notrediscussionm’estsortiedel’espritdèsquej’aicommencéàdiscuteraveclecommissaire-

priseur.Pastoutàfaitvrai,maisiln’avaitpasbesoindelesavoir…Christoss’installanonchalammentdanslefauteuilsituéenfacedubureau.—Tantmieux,Lucillamou.Parcequ’ilfautquenousdiscutions.Asongranddam,ellefutparcourued’unlongfrisson.—Jevousseraisreconnaissantedenepasm’appelercommeça.Jenesaispascequeçasignifie,

maisçam’exaspère.—Jesaisbien.C’estpourçaquejelefais.EtçasignifiemaLucilla.—JenesuispasvotreLucilla.JenesuislaLucilladepersonne.

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—Queldommage…Unefemmeaussiattirantequevousdevraitavoirunhommedanssonlit.Envahieparunevivechaleur,Lucillasemaudit.Queluiavait-ilprisdelaisserentendrequ’iln’y

avait personne dans sa vie ? Et, surtout, comment pouvait-elle être troublée par un homme aussiimpertinent?

—Sivousn’êtespasicipourdesraisonsprofessionnelles,jevouspriedevousenaller,déclara-t-ellesèchement.

Christoseutunsourirenarquois.—Mesraisonssontpurementprofessionnelles.Maisjenepeuxpasm’empêcherdevoustaquiner,à

présentquej’aicomprisquevousn’êtespasinsensibleàmoncharme.—Oh!jevousenprie!Vousn’avezaucuncharme!Arrêtezvotrecinémaetvenez-enaufait.Ilsepenchaenavantetmitlescoudessurlebureau.— Après l’assemblée des actionnaires du mois d’août, je prévois de me rendre dans plusieurs

hôtelsChatsfield.Vousm’accompagnerez.—Moi?Pourquoi?Vousn’avezpasuneassistantequipeutlefaire?Ilsefrottalalèvreinférieureetellesesurpritàsuivredesyeuxlemouvementdesondoigt.—Sivoussouhaitezdirigercegroupeunjour,jevoussuggèredefairecequejevousdemande.Ellepressaunetouchedesonclavier,feignantdel’ignorer.— Je ne suis plus certaine de vouloir diriger le groupe, finalement. Je vais peut-être créer ma

propreentreprise.—Vouspouvezessayer.Oubienvouspouvezm’accompagneretm’aideràréglerlesproblèmes.Elleserralesdents.Aenjugerparlafaçondontillaregardait,ilnedoutaitpasunseulinstantdesa

réponse.Etilavaitraison…Maiselleallaitlefaireattendreunpeu.—Vous n’espérez sûrement pas que je vais vous aider. Je suis superficielle et gâtée, vous vous

souvenez?—Oui.Jen’aipaschangéd’avisàcesujet.Cependant,jesuissatisfaitdelaréceptiondecesoiret

devotre travailengénéral. Ilest tempsdepasserà lavitessesupérieure,Lucilla.Deprouverdequoivousêtescapableoudevousécarterdemonchemin.

Ellecrispalesdoigtssurlestyloqu’ellevenaitdeprendre.Quellearrogance!—Jesuiscapabled’accomplirtouteslestâchesquevousm’imposerez,monchou.—Monchou?—Agaçant,n’est-cepas?rétorqua-t-elleavecunedésinvolturequ’elleétaitloinderessentir.J’ai

décidéderendrecouppourcoup.SijesuisvotreLucilla,iln’yapasderaisonpourquevousnesoyezpasmonchou.

Christos arqua un sourcil et un frisson la parcourut. Elle avait la très désagréable impressiond’avoir réveilléun tigreassoupi…Sansdoute ferait-ellemieuxde s’abstenirde lenarguer,mais il leméritaitamplement.Etsijoueraveclefeuneluiressemblaitpasdutout,ilfallaitbienreconnaîtrequecen’étaitpasdésagréable.

—J’attendsavec impatience les inévitablesconflits,Lucilla.Une impatiencequevousnepouvezpasimaginer.

Ellelaissatombersonstylo.—Parcequevousaimeztravaillerdansladiscorde?Ehbienpasmoi.Maisjenemelaisseraipas

malmenernonplus.Alorsattendez-vousàcequejerestefermesurmespositions,monchou.Il se leva.Elle en fit autant, déterminée à ne pas rester en position d’infériorité. Ils restèrent un

instant silencieux, les yeux dans les yeux, et une fois de plus un trouble profond s’empara d’elle.ImpossibledenierqueChristosGiatrakosétaittrèsattirant.

Siseulementiln’étaitpasaussiodieux…

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—Jetrouvequenousdevrionsscellercetaccordd’unemanièreoud’uneautre,murmura-t-ild’unevoixcaressante.

Réprimant un frisson, elle contourna son bureau et lui tendit lamain. Pas question de se laisserimpressionner.

—Jecroisquelamanièrelaplushabituelleestdeseserrerlamain.Ilbaissalesyeuxsursamain.—Eneffet,acquiesça-t-ilenrefermantlasiennedessus,dansungestequisemblaitincroyablement

intime.Submergée par une chaleur intense, elle n’opposa aucune résistance lorsqu’il l’attira vers lui.

Commeensorcelée,elleselaissaallercontresoncorpspuissant,tandisqu’ilglissaitunbrasautourdesataille.Luiprenantlementon,ilplongeasonregarddanslesien.

—Jepensequequelquechosedepluspersonnels’impose,murmura-t-ilavantdeposersabouchesurlasienne.

Le cœur battant à tout rompre et les jambes en coton, elle se cramponna aux revers de sa vestetandisquesesyeuxsefermaientd’eux-mêmes.LalanguedeChristossepromenasurseslèvres,puisseglissaentreellesetsemêlaàlasienne.Lecorpsenfeu,ellelaissaéchapperungémissementétranglé.

Depuis combien de temps n’avait-elle pas éprouvé de telles sensations ? Cela lui était-il déjàarrivé,d’ailleurs?Elleavaitdéjàeudesamants,biensûr.Maissadernièrerelationdataitdeplusieursmoisetjamaisaucunhommenel’avaittroubléeàcepoint.Cebaiserétaitunerévélationàplusd’untitre.

D’abord, Christos embrassait divinement. Ensuite, l’antipathie bien réelle qu’il lui inspiraitsemblaitrendrel’expérienceencoreplusexcitante…Ilapprofonditsonbaiseretelle luiréponditavecuneardeurredoublée.Oh!commeelleavaitenvied’allerplusloin,beaucoupplusloin!

Maisc’étaitChristos.Christos.L’hommeque sonpèreavait engagéaupostequ’elleétait censéeoccuper. L’homme qui se croyait supérieur à elle dans tous les domaines. L’homme qui se montraitintraitableavectoutlemonde.

Christos avait envoyé Lucca sur une île de la Méditerranée, Cara à Las Vegas et Franco enAustralie. Il avait dépêché son assistante auprès de Nicolo, cloîtré à Chatsfield House, pour leconvaincred’assisteràlaprochaineassembléegénéraledesactionnaires.Ilvoulaitfaired’Orsino,pourl’instantenconvalescence enFrance, lanouvelle égériedugroupe.Enfin, il avait confié àAntonio ladirectionde la stratégiemarketing.Bref,Christos se tenait au centrede la toiled’araignéequ’il avaittisséepourpiégerchacundesenfantsChatsfield.

Cependant, siAntonio avait accepté le poste de directeur de la stratégiemarketing, c’était parcequ’ellel’avaitsuppliédel’aideràéliminerChristos.LucillacrispalesdoigtssurlesreversdelavestedeChristos.Elleavaitlechoix.Soitellemettaitfinimmédiatementàcettefolie,soitelleentiraitparti.Bienentendu,ellen’avaitjamaisjouélesséductricesauparavant.Maisçanevoulaitpasdirequ’elleenétaitincapable.Ellepouvaittrèsbienutilisercetteattirancemutuellepourleprendreàsonproprejeu.

Surmontantsonappréhension,ellesepressaplusétroitementcontreChristos.Ilrefermalesmainssurseshanchesetplaquasonbassincontrelesien.

Oh…Savirilitéétaitpleinementéveillée. Iln’yavaitaucundoute là-dessus. Jusque-là,ellenepouvait

s’empêcherd’avoirundoute.Ellesedemandaits’ilnefaisaitpassemblantd’êtreattiréparelle…Unechaleur liquideserépanditentre lescuissesdeLucilla tandisqueChristosondulaitdeshanchescontreelle.Lesoufflecourt,elleglissalesmainssoussaveste.

Uncoupfutfrappéàlaporteetcelle-cis’ouvritavantqueLucillaaitletempsderéagir.—Oh!excusez-moi!LaporteserefermaenclaquantetLucillas’écartavivementdeChristos,lesjouesenfeu.Oh,mon

Dieu!Ellevenaitd’êtresurpriseparJessiedanslesbrasdupatron.Parcequec’étaitainsiquetoutle

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monde,àpartelle,considéraitChristos.Direqu’elleétaitpersuadéedemaîtriserlasituation!Queluiavait-il donc pris ? Elle n’était pas une séductrice et elle ne savait absolument pas comment elle s’yprendraitsiellecouchaitavecChristos.Enquoicelaservirait-ilsacause?Detouteévidence,elleavaitperdulatête.Et,àprésent,Jessielesavait.Quid’autreseraitaucourantd’icilafindelasemaine?

Contrairementàelle,Christossemblaitparfaitementcalme.—Ilsemblequenousayonsétéinterrompus,déclara-t-ild’untonneutre.Justeàtemps,j’imagine.Ellerepritplacederrièresonbureau.Mieuxvalaitmettreunobstacleentreeux,puisqu’ellen’avait

visiblementpastoutesaraison.—Jenevoispaspourquoivousditesça.Ilneseseraitrienpassé.—Nevousmentezpas,Lucilla.Nousvoulionsexactement lamêmechose. Il aurait suffidecinq

minutesdepluspourqueçasepassesurvotrebureau.—Vousvousfaitesdesillusions.Jevousailaissém’embrasser.Riendeplus.—Racontez-vouscettehistoiresiellevousaideàvousendormir,maisvoussavezaussibienque

moiàquoiauraitabouticebaiser.Ellecroisalesbrasenpriantpourquelespulsationsfrénétiquesdesonpoulsnesoientpasvisibles

danssoncou.—Sivousvoulezbienm’excuser,jecroisqueJessieveutmevoir.Christosinclinalatête.—Biensûr.Justeavantd’atteindrelaporte,ilseretournaetluilançaunregardbrûlant.—Cen’estpasterminé.Enfait,çavienttoutjustedecommencer.Sansattendrederéponse,ilouvritlaporteetsortit.Jessieentraaussitôtdanslebureau.Elleétait

écarlate,maiselleévitajudicieusementdefairelamoindreallusionàcequ’elleavaitvu.Lucillas’assitens’efforçantdeprendreunairdétaché.—Ehbien,unecatastropheàsignaler?Apartlefaitd’avoirlaisséChristosl’embrasseretlapriverdesaraison,biensûr…—Aucune.Vousm’aviezdemandédevousdirequiavaitachetéleportraitdevotremère.Allonsbon,elleavaitpresqueoublié…Lucillahochalatête.—Oui,eneffet.—Ehbien…c’estunacheteuranonymequienchérissaitpartéléphone.Letableauluiaétéattribué

pourcentmillelivres.Lucilla eut un pincement au cœur. Jamais elle n’aurait pu se permettre de faire une offre aussi

élevée,mêmesielleavaiteul’intentiondeparticiperauxenchères.—Merci,Jessie.Jevaisresterencoreunmoment.Venezmecherchersionabesoindemoi.—D’accord,mademoiselleChatsfield,répliquaJessie,avantderegagnerprécipitammentlasortie.Lucillafermalesyeuxetserenversacontreledossierdesonsiège.Ellesentaittoujourslabouche

deChristosmêléeàlasienne,savirilitédurciecontresonventre…Réprimantunfrisson,elleseredressaetouvritsamessagerie.IlfallaitsedébarrasserdeChristos.Leplusvitepossible.

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3.

Christosétaitdemauvaisehumeur.Ilétaitàcranetn’avaitaucunepatience.Assisàsonbureau,ilpensaitauxdernierscomptesrendus.Oh!ilsétaientbons.Ilyavaitdesprogrèssurtouslesfronts.Luccanesedonnaitpasenspectacle,Caraétaitenpassedesortirindemnedelatempêtemédiatique,provoquéeparletournoidepokerqu’elleavaitaniméàLasVegas,etFrancoprogressaitdanssesnégociationsaveclesvinsPurman.

Etenplus,SophieavaitréussiàconvaincreNicolod’assisteràl’assembléedesactionnairesprévuepourlasemaineprochaine.Orsinonerépondaittoujourspasàsescoupsdetéléphone,maisc’étaitsansdouteunequestiondetemps.LesenfantsChatsfieldrentraientpeuàpeudanslerang.

Leplusgrosproblème,c’étaitLucilla.Impossibled’oubliercebaiserdanssonbureau, le soirde laventeauxenchères.Ça faisaitdeux

semainesetiln’arrêtaitpasd’ypenser.Elleavaitréponduavecunetellefougueàsonbaiser…Etsoncorps s’était alangui contre le sien d’unemanière si prometteuse… Sur lemoment, il l’avait désiréecommeunfou.Etc’étaitréciproque.Ilenavaitlacertitude.Elleétaitprêteàs’abandonnerdanssesbrasquandlaportes’étaitouverte…Etdepuis,plusrien.

Depuisdeuxsemainesellel’évitait.Ilssevoyaienttouslesmatinsauxréunionsdupersonnel.Elleluitransmettaitsesrapports.Maisellenevenaitjamaisdanssonbureau.Etilnelaconvoquaitjamais.

Ilvoulaitluiprouver—etparlamêmeoccasionseprouveràlui-même—qu’iln’étaitpasaffectépar cequi s’était passé entre eux.D’accord, il avait eu terriblement envie d’elle.Mais il n’avait pasbesoin d’elle pour autant. Pour lui les femmes étaient interchangeables. Tout ce qu’il leur demandaitc’étaitquelquesheuresdepassiondanssonlit.Riend’autre.

Iln’avaitbesoinderiend’autre.Saufqu’iln’arrêtaitpasdepenseràlabouchedeLucillamêléeàlasienne,àsoncorpssoupleet

chaudcontrelesien…Laissantéchapperunjuron,Christosseleva.Lesmainsenfoncéesdanslespochesdesonpantalon,

ilsedirigeavers labaievitréeetcontempla leparcde l’autrecôtéde larue. Il lui fallaitunefemme.N’importequellefemme.Çalecalmeraitetçaluiremettraitlesidéesenplace.

IlpourraittrèsbientéléphoneràVictoria.C’étaitunemaîtresseenthousiaste,mêmesiellelelaissaitfroid.Ill’avaitramenéechezellel’autresoir,aprèssonbaiserinterrompuavecLucilla.Ilavaitassouvisondésirfrustréavecelle,maisensuiteilavaitéprouvéuncertaindégoûtdelui-même.Ill’avaitquittéeenluipromettantdel’appeler.

Ilne l’avaitpasfait,biensûr.Et iln’enavaitpas l’intention.Pourtant,ceserait lasolutionàsonproblème.

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Christossepassalamaindanslescheveuxenjurant.Iln’yavaitqu’uneexplicationàl’effetqueluifaisaitLucilla.Siellel’enflammaitàcepoint,c’étaitàcausedel’antipathiequ’elleéprouvaitpourlui.D’ordinaire, il semoquaitéperdumentdeceque lesautrespensaientde luidumomentqu’ils faisaientleurtravail.

Et même si c’était pareil avec elle, il ne pouvait s’empêcher d’être intrigué par son attitude.Personne ne lui tenait tête comme elle le faisait. Personne ne le défiait jamais. Et, curieusement, iltrouvaitçaagréable.

Il était du genre à obtenir ce qu’il voulait. Et, en ce moment, ce qu’il voulait c’était LucillaChatsfield. Il lavoulaitnuedans son lit.Disant sonnomavecpassionplutôtqu’avecdérision.C’étaitdangereuxd’avoirdetellesenvies,maisc’étaitplusfortquelui.Ilétaitmûparunbesoinirrépressiblequiremontaitàsonenfancemisérable.

Al’époque,ilétaitungamindesrues.Unmoinsquerien.Ils’étaithisséhorsdubourbieràlaforcedupoignetetils’étaitjuréd’obtenirtoutcedontilavaitétéprivé.Iln’étaitpasnéavecunecuillèreenargentdanslabouche.Ilavaitdûsebattrepoursurvivre.Auproprecommeaufiguré.

LucillaChatsfield, en revanche, avait grandidansunedemeure somptueusedunomdeChatsfieldHouse,oùelleavaitétéserviepardesdomestiques.Ellen’avaitjamaismanquéderienetavaitreçulameilleureéducationquel’argentpouvaitoffrir.Sonaccentétaitdistingué,sesmanièresraffinéesetsonélégancediscrète.Elleneseraitjamaisgauche.Ellen’auraitjamaislesentimentdenepasavoirsaplacedanslasociété.

Alorsqueluiconnaissaitbiencesentiment,mêmes’ill’avaitlaisséloinderrièrelui.Ils’étaitfaitun nom, il avait fait fortune et il avait toutes les femmes qu’il voulait. Des héritières. Des richesdivorcées.Desfemmesd’ascendanceillustre.

MaisilyavaitquelquechosechezLucillaChatsfield.Quelquechosequiluidonnaitenviedelavoirnueetvibrantdedésirdevantlui.Lesuppliantdel’embrasseretdelacaresser.Suppliantl’anciengamindesruesdeluidonnerduplaisir.

Parcequ’elleluirappelaitsesracinesetqu’iln’aimaitpasça.Elleluidonnait lesentimentdenepas être à sa place, alors qu’il n’avait pasménagé ses efforts pour prouver le contraire. Pendant desannées,iln’avaitplusjamaiseul’impressiond’êtreunbonàrien.Jusqu’àcequeLucillaletraitedehautetluidisederetournerd’oùilvenait.

Cependant,ellen’étaitpas lapremièreà luidireça.Etelleneserait sansdoutepas ladernière.Alors,pourquoiluifaisait-elleunteleffet?Christosexpiralentement.Iln’yavaitqu’unseulmoyenderésoudreceproblème.

***

Lucillagoûtaitlesplatsproposésparlechefpourlemenudelasaison,quandChristosentradanslacuisine.Son cœur fit unbonddans sa poitrine,mais elle s’efforçade rester impassible tandis qu’ellemordaitdanslecrostiniauchèvreetàl’huiledetruffeconfectionnéparHenri,lechefcuisinier.

—Succulent,commenta-t-elleaprèsavoiravalésabouchée.—Monsieur?ChristospritlecrostiniqueluitendaitHenrietledégustalentement.—Excellent,Henri.Félicitations.Rayonnant,lechefdiscutaquelquesinstantsdesmenuspuisils’éclipsa,laissantLucillaseuleavec

Christos.Dumoinsaussiseulequ’onpouvaitl’êtredansunecuisineoùrégnaituneactivitédébordante.C’étaitlapremièrefoisqu’ellelerevoyaitdepuislebaiserquiluiavaitfaitperdrelatête.Etàsa

grande frustration, elle ne disposait toujours pas d’informations lui permettant de l’évincer du groupeChatsfield.Mais elle ne perdait pas espoir. Elle attendait encore des réponses. Et puis il y avait le

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dernier mail de Sara Norrington, la détective qu’elle avait engagée pour enquêter sur Christos. Saral’avaitinforméequ’elleétaitsurunepiste,sansvouloirendireplustantqu’ellen’avaitriendeconcret.UnvagueremordseffleuraLucilla,maiselles’empressadel’ignorer.Pourquelleraisonsesentirait-ellecoupable ? Elle ne préparait pas un crime. Elle voulait juste le pousser à démissionner et à partirtravaillerailleurs.

Pressantsatablettecontresapoitrine,ellelevalesyeuxversChristos.Siseulementilnelatroublaitpas à ce point ! Le seul fait de le regarder suffisait à faire courir des frissons le long de son épinedorsale…

—Jepeuxfairequelquechosepourvous?demanda-t-elled’untonneutre.Il arquaun sourcilnarquois et elle fut aussitôt envahieparunevivechaleur.Quelle idiote !Elle

n’auraitpaspuchoisirunequestionplusambiguë…Contrairementàcequ’elleredoutait,iln’ironisapas.—Jevoulaisseulementvousrappelerquel’assembléedesactionnairesalieulasemaineprochaine

etquenouspartironstoutdesuiteaprès,répliqua-t-ilavecunefroideurquilahérissa.C’était comme si leur baiser n’avait jamais existé…Elle aimerait pouvoir se dire qu’il y avait

penséaumoinsuntoutpetitpeudepuis.Maisellen’ensauraitjamaisrien.Cesoir-là,ilétaitparticommeilétaitarrivé.Avecsontopmodelaubras.Ensemoquantd’elleinpetto,sansaucundoute…

—Jelesais.—Maisvousn’avezpasdaignérépondreàmonmail.Detouteévidence,ilavaitdécidédel’irriter…Etçamarchait.Elleprituneprofondeinspiration.—Qu’yavait-ilàrépondre?Vousm’avezenvoyéunitinérairedétaillé.J’enaiconcluquej’avais

justeàmemettreaugarde-à-vous.—Ça n’exclut pas d’accuser réception dumessage. Comment voulez-vous que je sache si vous

l’avezbienreçu?—JevaisdemanderàJessiederépondreimmédiatement.—N’ymanquezpas,rétorqua-t-ilentournantlestalons.—Vousauriezpum’appeler,lança-t-elle,deplusenplusirritée.Comment osait-il venir lui faire des reproches puis s’en aller comme si de rien n’était ? Il se

retournaverselle.—Vousnerépondiezpasautéléphone.—J’étaisoccupée.LesyeuxdeChristosétincelèrent.—Moiaussi.J’aiautrechoseàfairequevenirvousrelancer,jevousl’assure.—Alors pourquoi n’avez-vous pas demandé à votre assistante d’appelermon assistante ? Vous

n’étiezpasobligédeperturbervotreemploidutempssurchargé,pourvenirmeparlerenpersonne.Christos jeta un coup d’œil par-dessus son épaule en direction du personnel qui s’affairait pour

préparerleservicedusoir.Etquineperdaitsansdoutepasunemiettedeleurconversation,vuqueletonn’avaitcessédemonter,songea-t-elle.

— Il semble que nous attirions l’attention, mademoiselle Chatsfield. Vous voulez bien que nouspoursuivionscettediscussiondansmonbureau?

Elledéglutitpéniblement.Siellerefusait,ceseraitunepreuvedefaiblesseauxyeuxdetousceuxquilesregardaient.Sielleacceptait,elleseretrouveraitseuleavecChristos.Or,ellen’enavaitaucuneenvie. C’était tellement humiliant…Depuis deux semaines elle ne cessait pas de penser à ce baiserincendiaire,alorsquedesoncôté,iln’avaitvisiblementpasétéperturbéparcesouvenir.

Cependant,ellen’avaitpaslechoix.— Bien sûr, répliqua-t-elle en passant devant lui, pour le mettre dans la position de celui qui

suivait.

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Elleparcourutlescouloirsetlesbureauxàgrandspas,beaucouptropconscienteàsongoûtdesaprésencederrièreelleetdestêtesquisetournaientàleurpassage.Jessieavait-ellerépétéàquelqu’uncequ’elleavaitvulesoirdelaventeauxenchères?C’étaitunebonneassistante,maisilsuffisaitd’unseulcommentairelâchéétourdiment,pourquelanouvelleserépandecommeunetraînéedepoudre.Commedansn’importequelenvironnementdetravail.

Lucillapassasanss’arrêterdevant l’assistantedeChristos,Sophie,quivenait justede rentrerdesonséjouràChatsfieldHouse,etentradirectementdanslebureaudecedernier.Enentendantlaporteserefermerelleseretourna,lecœurbattantàtoutrompre.

—Jevousseraisreconnaissantdenepasmetenirtêtedevantlepersonnel,asséna-t-ilavantqu’elleaitletempsd’ouvrirlabouche.Çacréeunprécédentfâcheux.

— Alors ne venez pas sur mon territoire pour m’admonester devant mon personnel. Je ne letoléreraipas.

Ilplissalesyeux.—Vousneletolérerezpas?Avez-vousoubliéquidirigecethôtel,mademoiselleChatsfield?« Mademoiselle Chatsfield ». C’était la deuxième fois qu’il l’appelait comme ça en quelques

minutes, alors qu’il ne l’avait jamais fait auparavant… Pourquoi en était-elle aussi irritée ? Elle neregrettaitpourtantpasdutoutqu’ilnel’appelleplusmaLucilla…

Lucilla ferma brièvement les yeux. Elle ne savait plus du tout où elle en était. Qu’il ait changéd’attitudeàsonégardneluiplaisaitpas.Maisqu’ill’appelleLucillamouneluiplaisaitpasdavantage.

Qu’avait-elledonc,bonsang?—Vousdirigezpeut-êtrecethôtel,maispasmoi,Christos.Jerespectelefaitquemonpèrevousait

engagé,etjesuismêmeprêteàcroirequevouspensezsincèrementfairedubontravail.Maisjen’admetspasquevousmeréprimandiezdevantlepersonneletjerefusedemetairequandvousmemettezhorsdemoi.Vousn’êtespasundieuetlegroupeChatsfieldn’estpasvotreroyaume.

LesyeuxdeChristoslancèrentdeséclairs,puiscontretouteattenteilpouffa.—Vousm’amusez,Lucilla.Beaucoup.Sivousétiezquelqu’und’autrejevousauraisrenvoyéedès

lepremierjour.Il l’appelait de nouveau par son prénom… La satisfaction de Lucilla fut intense, mais très vite

balayéeparlacolère.Ellel’amusait?S’imaginait-ilqu’elleenétaitflattée?Quantàlarenvoyer…—Vousaurieztoujourspuessayer.Vousn’auriezpasréussi.—Oh!jenesaispas.J’auraispufairechangerlesserruresdevotrebureau.Commentyseriez-vous

entrée?—Jesuiscertainequej’auraistrouvéunmoyen.Elleserralesdents,tandisqu’ilpromenaitlentementsonregardsurelle.Aujourd’hui,elleportait

unerobetrèssageàcolmontantetmancheslongues,maisilparvenaitàluidonnerlesentimentd’êtreendéshabillé…

—Oui,sansdoute,acquiesça-t-il.—Avez-vousautrechoseàmedire?demanda-t-ellesèchement.J’aidutravail.Ilmit lesmainsdanssespochesets’avançaverselle.Ellesentit soncœurs’affoler. Ilétaitvêtu

d’uncostumegrisetd’unechemiseblanchedontlecolétaitouvert.Ilportaitrarementunecravate.Cequiétaitennuyeux,parcequesonregardétait irrésistiblementattiréparlepetit triangledepeaurévéléparcetteouverture.

—Jemedemandesivousyavezpenséunpeu.Elledéglutitpéniblement.—Penséàquoi?—Vousetmoi.Dansunlit.Ousurunbureau.Çam’estégal.

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Asongranddam,ellefutsubmergéeparunevaguededésir.Pourvuqu’ilneremarquepasquelespointesdesesseinssedurcissaientsouslasoiedesarobe…Instinctivement,elleserrasatablettecontresapoitrine.

—Jen’yaipaspenséunseulinstant.Quelmensonge!Elleavaiteudumalàpenseràautrechose.Surtoutlesoir,quandellesecouchait

touteseule.—Jenevouscroispas,Lucillamou.Allonsbon,pourquoiéprouvait-elleuntelplaisiràl’entendrel’appelerainsi?Quelleplaie!—Croyezcequevousvoulez,Christos.Avez-vousquelquechosed’importantàmedireoubien

puis-jeretournertravailler?—Ah,maiscesujetesttrèsimportant.Ils’approchaencoreetellefutassailliepardeseffluvesdesonparfum.Malgrélesfrissonsquila

parcouraient,ellenereculapas.—C’estduharcèlement.Jepourraisvousdénoncer.Iltiradoucementsurlatabletteetlaposasurlebureau,révélantlespointeshérisséesdesesseins,

bienvisiblessouslasoie.—Etquediriez-vous?demanda-t-ilenplongeantsonregarddanslesien.Quejevousexcite?Que

vousavezenviedemoi?—C’estpeut-êtrevrai,murmura-t-elle.Maisc’estimpossible.CefutautourdeChristosdedéglutirpéniblement.— Il n’y a pas de raison pour que ce soit impossible, répliqua-t-il d’une voix rauque. Pourquoi

résisteràundésiraussibrûlant?Oui,pourquoi?Oh!monDieu,elleavaittellementenviedecéderàlatentation…—Jen’éprouveaucunesympathiepourvous.Ellefermalesyeuxetsecoualatête.—Jenedevraispasvousdésirer.—Etpourtantc’estbienlecas.—Peuimporte.Ilnesepasserarien.—Pourquoipas?Noussommesadultes,non?—Voussavezpourquoi.—Jecrainsquenon.Ellelevalesbrasavecexaspération.—Parcequej’auraisl’impressionderenoncer!—Renonceràquoi,Lucilla?Alasolitude?Aunlitvide?—Quivousditquemonlitestvide?J’aiuneviesexuelleintense.Toutletemps.Commevouset

cette…cettefemmesquelettique.Christosplissalefront,puissonregards’éclaira.—Ah,vousparlezdeVictoria.Jalouse,Lucillamou?—Bien sûrquenon !Dequoi serais-je jalouse?Cen’estpasparcequ’onpeut sepermettrede

porterunerobemoulanteencaoutchoucqu’ondoitlefaire!Christospouffa.—Çameplaîtquevoussoyezjalouse.Oh!sielleneseretenaitpas,elleluiflanqueraitunebonnegifle!Puiselleleprendraitdansses

braspourl’embrasser…—Jenesuispas jalouse!Jevousméprise!Vousavezunsouriresexyetuncorpssublime,mais

vousêtesunhommeodieux.Etsij’aienviedevousenpermanence,çane…Elles’interrompitbrusquement.Quelleidiote!

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—Enpermanence.Çameplaîtbeaucoup,ça…—Malangueafourché.Illapritdanssesbrasetellecrispalespoingssurlesreversdesaveste,sanssavoirsic’étaitpour

lerepousseroupourl’attirerplusprès.—Lucilla,murmura-t-ilàsonoreille.Vousmerendezfou.—Oh…non,nefaitespasça,protesta-t-elled’unevoixrauque,tandisqu’ilparsemaitsoncoude

baisers.—Pourquoipas?Parcequec’étaittropbon.Parcequ’elleruisselaitdedésiretqu’ellecraignaitdeperdrelatête.Il

traçaunsillondebaiserslelongdesaclavicule,luiarrachantunsoupir.—Christos…Nousnepouvonspas…—Maissi…Illasoulevadeterreetl’assitsursonbureau.Soncœurs’emballaetellefutprisedevertige.Le

momentétaitdécisif…Christoss’installaentresescuissesetluipritlevisageàdeuxmains.Oh!commeelleavaitenvie

decebaiser !Maisellenepouvaitpas sepermettredecéderà la tentation. Il était inenvisageabledecapituler.

La bouche de Christos s’approcha de la sienne. Les lèvres frémissantes, elle ferma les yeux.L’imagedeJessiefaisantirruptiondanslebureaus’imposaàelle,luifaisantl’effetd’unedouchefroide.RepoussantChristosavecvigueur,elledescenditdubureau.Lafrustrationétaitinsupportable,maiselleavaitprislabonnedécision.Oui,elleavaitprislabonnedécision,serépéta-t-ellefermement.

—Jeneveuxpasdevenirunobjetderagotspourlepersonnel.Jeneveuxpasqu’ilssachent…Christostressaillitcommesiellel’avaitinsulté.—Biensûr.Ceseraitdéplacé.LaprincesseChatsfieldetleGrec.—Cen’estpascequejevoulaisdireetvouslesavez.—Vraiment?—Vousêtesdepassage,Christos.Unefoisquevousaurezaccomplivotremission,vouspartirez

ailleurs.Maismoijeresterai,parcequemaplaceestici,àlatêtedugroupeChatsfield.Jeneveuxpasqu’onpuissepenserquej’aicouchépourréussir,lejouroùj’accéderaienfinaupostequimerevientdedroit.

—Vousêtessûredevous,n’est-cepas?Vousavezlacertitudequevousyaccéderez.Ellerelevalementon.—Absolument.—C’estcequej’aimechezvous,Lucilla.Vousnebaissezjamaislesbras.—Non,eneffet.Ellerepritsatabletteetlaserradenouveausursapoitrinecommeunbouclier.—Pourtant,ilvousarrivedevousdérober.Quandlesdéfisdeviennenttroppersonnels.Elleserralesdents.Etait-elledoncsitransparente?Elleavaitrenoncéàtantdechosesdepuistant

d’années…Elleavaitrenoncéàavoirunevieprivéepourseconsacrercorpsetâmeaudéveloppementdugroupe.Maisaujourd’hui,elleétaitencoreunevulgaireemployée.Encoreen traindesebattre.Detravailleravecacharnementpourfairesespreuves.

Etellenepouvaitpasabandonnercecombat.Pasencore.Etsurtoutpaspourunesimpleattirancephysique.Elleavaitenviedelui,maisellenepouvaitpassepermettredecéderàcetteenvie.C’étaittropdangereux.Quandillatouchait,elleperdaitlatête.

—Jenemedérobepas.Touslesdéfisnevalentpaslapeined’êtrerelevés.Ellevenaitdemarquerunpoint,comprit-elleenvoyantChristoscrisper lamâchoire. Ildevait la

prendre pour une snob et cette idée n’était pas très plaisante, mais s’il fallait en passer par là pour

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l’inciteràgardersesdistances…Christosreculad’unpas.—Biensûr.Maiscettenuit,quandvousserezseuledansvotrelit,Lucillamou,demandez-voussi

vousneseriezpasmieuxdansmesbras.Transpercéeparuneflèchededésir,elledéglutitpéniblement.—Allez-vous-en,dit-elled’unevoixrauque.—Maisc’estmonbureau,rétorqua-t-ild’untonmoqueur.Aucomblede l’humiliation,elle futassaillieparuneboufféedehaine.Elleavaiteuraisonde le

repousser.Ohoui,elleavaitvraimenteuraison.Ellesedirigeaverslaporteàgrandspas.Avantdel’ouvrir,elles’immobilisaetlançapar-dessus

sonépaule.—Cebureauneresterapaséternellementlevôtre.Ça,jevouslepromets.

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4.

Christostravaillatard,puisilrentrachezlui.Maislanervositélefitressortir.Ilserenditchezletraiteur grec du coin de la rue et acheta à dîner pour deux. Il allait appeler une de ses maîtressesoccasionnelles,décida-t-il.Dînercalme,unpeudevin,unpeudesexe.C’étaitcedont ilavaitbesoinpourchasserLucillaChatsfielddesonesprit.

L’horripilanteettrèssexyLucilla.SonattirancepourelledataitdesonarrivéeauChatsfield,maiselles’étaitintensifiéeaucoursdesdernièressemaines.Peuàpeu,sansqu’ils’enrendevraimentcompte.C’étaitenlavoyantdanscetteroberouge,àlaventeauxenchères,qu’ilavaitprisconsciencedelaforcedesondésir.

Elleneminaudaitpaspourleséduire.Soncompteenbanquenel’intéressaitpas.Siellepouvaitsele permettre elle l’enverrait au diable avec plaisir. Et, pourtant, elle le désirait. Elle l’avait reconnuaujourd’hui. D’ailleurs, les pointes de ses seins semblaient vouloir déchirer le tissu de sa robe…Transpercéparuneflèchededésir,Christosréprimaunjuron.Bonsang,ill’auraitprisesurlebureausiellel’avaitlaisséfaire.Commedeuxsemainesplustôt,lorsquesonassistantelesavaitinterrompus…

Cequ’ellepouvaitêtreentêtée!Quandellel’avaitrepoussé,ilavaitétésurpris.Puis,contretouteattente, blessé. Il avait eu beau se dire que c’était ridicule, il n’avait pas pu s’empêcher de se sentirhumilié.Elleneconnaissaitpassonpassé.Ellenesavaitpasquesarésistanceranimaitenluiunvieuxsentimentd’exclusion.Elleétaitjusteterrifiéeàl’idéedecequipourraitsepassersiellecédait.

Aulieuderentrerchezluicommeilenavaitl’intention,Christossesurpritàpartirdansladirectionopposée.Leventforcissaitetlesnuagess’amoncelaient.Bientôtilpleuvraitetilseraittrempéjusqu’auxos.Siseulementçapouvaitempêchersonsangdebouillirdanssesveines…

Maislapluienetombapasetilfinitparseretrouverdevantl’immeubledeLucilla.Etait-cedoncchezellequesespasleconduisaientdepuisledébut?Apparemment,oui…

Ilgagna l’entréede l’immeubleet sonnachezLucilla.Quelquessecondesplus tard, ilentendit savoixdansl’Interphone.

—Oui?—Vousavezdîné?—Christos?Ilest21heures!Quefaites-vousici?—Jevousdemandesivousavezdînéoubiensivousaveztravaillétroptardpourça.—J’aimangéunepomme,répondit-elleaprèsunbrefsilence.—Cen’estpassuffisant,Lucilla.Vousavezbesoindequelquechosedeplusconsistant.Cesoirje

suisvotrelivreur.—Vousavezapportéàdîner?—Oui.

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—Vousêtessûrdevous,n’est-cepas?—Pasdutout.Maisjesuislàetj’aiapportéuneoffrande.Laissez-moientrer,belleLucilla,oubien

chassez-moi.Avousdechoisir.—Jesuisencolèrecontrevous.—Jesais.J’aiapportéungagederéconciliation.Elleneréponditpas.Maislaportesedébloquaetilentra.

***

LecœurdeLucillabattaitàtoutrompre.Ellejetauncoupd’œildanslemiroirdel’entréeetplissale front. Elle s’était changée en rentrant. Elle avaitmis un pantalon de yoga et unT-shirt ample avecl’intentiondelirelesrapportsdesesemployés,lovéesurlecanapé.

Ellenes’attendaitpasàrecevoirlavisitedequelqu’un.EtencoremoinsdeChristos.Elleentenditson pas dans le couloir et ouvrit la porte. Il était toujours en costume et le vent avait ébouriffé sescheveux.Illuitenditunsac.

—Souvlaki,pita,riz,feuillesdevigneetbaklavas.—Nemeditespasquevousfaiteslacuisine.—Si,maiscen’estpasmoiquiaicuisinéça.Malgrétout,jevousprometsquec’estbon.Elles’écartapourlelaisserentreretsentituneodeurd’airfraisavecunepointedeparfumépicé.

Ellerefermalaporte,puis,nesachantpasquoidireellegagnalacuisine.Ellesortitdesassiettesetdescouverts,tandisqu’ilalignaitlesbarquettesdenourrituresurlecomptoir.

Comme c’était étrange… L’atmosphère pouvait paraître cordiale, alors qu’en réalité ils étaientennemis. Mais des ennemis très attirés l’un par l’autre… A tel point qu’elle avait renoncé à touteprudence et l’avait laissé entrer.Lucilla jeta un coupd’œil à la bouteille de vin qu’elle s’apprêtait àouvrirunpeuplustôt,avantderépondreàuntextod’Antonioetdel’oubliercomplètement.Elleéprouvaunepointederemords.CetéchangedetextosconcernaitChristos.Et,plusexactement,lamanièredontilscomptaients’yprendre,Antonioetelle,poursedébarrasserdelui.

—Duvin?demanda-t-elleenprenantlabouteille.Poursapart,elleenavaitbienbesoin.—Avecplaisir.S’efforçant d’ignorer les frissons déclenchés par le sourire deChristos, elle prit le tire-bouchon

dans un tiroir.Mais sesmains tremblaient tellement qu’après deux tentatives elle n’avait toujours pasréussiàdéboucherlabouteille.

—Laissez-moifaire.Christosluipritletire-bouchonetlabouteilledesmains,puisilladébouchaavecdextérité.—Vousavezdûêtreserveur.Ilarquaunsourcil.—Oui,eneffet.Maispastrèslongtemps.—Çanevousplaisaitpas?Ileutunsourireamusé.—Non,j’aiachetélerestaurant.Elleauraitdûs’endouter…—Deserveurvousêtesdevenupropriétaire?Combiendetempscelavousa-t-ilpris?—Sixmois.Elleretintunsifflementadmiratif.—Vousavezunesacréeréputation,Christos.

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Tout ce qu’elle avait appris, depuis qu’elle avait entrepris des recherches sur lui, le désignaitcommequelqu’unhorsducommun.Christosréussissaitlàoùlesautreséchouaient.Touteslesentreprisesdanslesquellesilétaitpasséavaientvuleursrésultatss’améliorer.

Ilétaittrèsefficace.Iln’yavaitaucundoutelà-dessus.Cependant,ellesavaitqu’ellepouvaitl’êtreautantquelui.DumoinsencequiconcernaitlegroupeChatsfield,qu’elleconnaissaitparfaitement.Defemme de chambre à directrice du service clients, en passant par réceptionniste, elle y avait exercépratiquement toutes les fonctions.Elle sepréparait à le dirigerdepuis toujours,mais sonpèrene l’encroyaitpascapable.

Cemanquedeconfianceétaittrèsduràaccepter.D’ailleurs,ellenes’enétaittoujourspasremise.Leseul faitdepenserà sonpère ravivait sacolèreet sonhumiliation.Mieuxvalait lechasserde sonesprit.Cen’étaitpaslemomentdeselaisserdéstabiliserpardespenséesnégatives.Elledevaità toutprixgardersaprésenced’esprit.Unhommetrèsséduisantettrèsdangereuxsetrouvaitdanssacuisine.

Orelleignoraittoujourscequ’ilfaisaitlà.Etpourquoiellel’avaitlaisséentrer.Illuitenditunverredevinettrinquaavecelle.—C’estparcequejetienstoujoursmespromesses,répliqua-t-ilaprèsavoirbuunegorgée.Toutes

mespromesses.Asongranddam,ellefutassaillieparuneboufféededésir.—Commentvousyprenez-vouspourdonner l’impressionquetoutcequevousditesaundouble

sens?demanda-t-elleavecagacement.Ilpouffa.—Peut-êtreparcequec’estlecas.—Pourquoiêtes-vousici,Christos?—Pourlamêmeraisonquecellepourlaquellevousm’avezlaisséentrer,Lucillamou.— Je vous ai laissé entrer parce que vous apportiez à manger, rétorqua-t-elle en s’efforçant

d’ignorerlavivechaleurquiserépandaitdanstoutsoncorps.—Biensûr.Ilposasonverreetenlevasaveste.Lagorgesècheelle retintsonsouffle,mais ilsecontentade

relever ses manches, révélant des avant-bras musclés. Puis il déposa des feuilles de vigne sur uneassiette.

—Tenez,goûtezça.Vousallezavoirl’impressiond’êtreauparadis.Elle tressaillit.Commentpouvait-ilpenseràmangeralorsqu’ellenepensaitqu’ausexe?C’était

pourtantluiquiluiavaitmiscesidéesdanslatête.Siellel’avaitlaisséentréc’étaituniquementparcequ’ilapportaitàdîner.

Biensûr…Ignorantlapetitevoixintérieurequisemoquaitd’elle,Lucillas’assitsuruntabouretetmorditdans

unefeuilledevignefarcieàlamenthe,aurizetàl’agneau.C’étaittièdeetdélicieux.Ellemangeaaussitôtunedeuxièmebouchée.

—C’estfantastique,commenta-t-elle,surprisedesedécouvriraffamée.Lesoir,ellesecontentaitsouventdegrignoter.Maisilfallaitbienreconnaîtrequ’unepommec’était

trèsinsuffisant.Absorbéedanslalecturedesrapportsdupersonnel,elleavaitretardélemomentdeseleverpourchercherquelquechosedeplusconsistantdansleréfrigérateur.

—Oui,c’estvrai.Avez-vousessayélesouvlaki?Ellegoûtaunmorceaud’agneauépicé.—Oh!çafonddanslabouche…PrenantconsciencequeChristoslaregardaitmâcher,ellefutdenouveauassaillieparuneboufféede

désir.Dehors,unéclairzébraleciel.—Oui,eneffet,acquiesça-t-il.

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Ilsmangèrentensilencependantunmoment,tandisqueletonnerregrondait.Lesyeuxfixéssursonassiette,Lucillan’osaitpasregarderChristos.C’étaitridicule,finit-elleparsedire.Elleétaitunefemmeadulte.Pasuneadolescentegaucheettimide.Ellepouvaitleregarder.Ilsuffisaitdeleverlatêteet…

LalueurquidansaitdanslesyeuxbleusdeChristosdécuplasontrouble.—Nemeregardezpascommeça.Ilbutunegorgéedevinavantderépondre.—Pourquoipas?Vousêtesbelle.J’aimevousregarder.—Jenesuispasunedevosconquêtes,Christos.Vouspouvezgardervoscompliments.Ilhaussalesépaulesetreposasonverredevin.—Expliquez-moipourquoivousêtesaussidifférentedevosfrèresetsœur.—Jenecomprendspascequevousvoulezdire.—Vousêtestrèssérieuse,trèstravailleuse.Vousnefaitesjamaislaunedelapressepeople.Vous

n’avez pas de liaisons scandaleuses.Et vous ne semblez pas intéressée par la notoriété.En fait, voussemblezmêmelafuir.Parailleurs,vousvousfâchezquandjevousfaisdescompliments.

Quedire?Lucilladéglutitpéniblement.Siellen’aimaitpaslescomplimentsc’étaitparcequ’ilsluisemblaient toujours hypocrites. Tout au fond d’elle-même, elle resterait toujours la petite fille qui neméritaitpasd’êtreaimée.Samèrelesavaittousquittés,etsonpèreleuravaitlaisséàAntonioetàellelesoind’élever leurs frèreset sœur,pendantqu’ilvivait savieàLondres.Sans jamais leurexprimersareconnaissance…

Pours’ensortir,elleavaitchoisid’êtreunefilleexemplaire.Commentsesparentspourraient-ilsnepasaimerunefilleexemplaire?Sielleavaituncomportementirréprochable,samèrereviendraitpeut-être, pensait-elle quand elle était plus jeune. Aujourd’hui, elle avait conscience de la naïveté de ceraisonnement.Maisàl’époqueilluiavaitservidelignedeconduite.Et,aufildesans,ilavaitfiniparfaçonnersapersonnalité.Ellebutunegorgéedevin.

— Tous les Chatsfield n’ont pas besoin d’être sous les projecteurs. Et je sais accepter lescompliments.Maisjepréfèrequ’ilssoientsincèresplutôtquechargésd’intentionscachées.

—Quivousditquelesmiensnesontpassincères?Jevousassurequevousêtesréellementbelle.Jevousdésire,Lucilla.Jepensequevouslesavez.

—Commentpuis-jeêtresûrequecenesontpasquedesparoles?Christos Giatrakos était une araignée tissant sa toile pour prendre les autres au piège. Il l’avait

prouvéavecsesfrèresetsœur.N’était-ilpasentraind’enfaireautantavecelle?—Jecroyaisl’avoirprouvé.—Parl’éveildevotrevirilité?lança-t-elled’untondédaigneux.Ilvoussuffitdefermerlesyeuxet

depenseràvotretopmodelenrobedecaoutchoucpourêtreexcité.Jenesuispasnaïveaupointdemelaisserprendreàcegenrederuse.

Christos laregardaavecuneincrédulitémanifeste.Puis il luiprit lamainet laportaàses lèvrespourdéposerunbaiseraucreuxdesonpoignet.

—Croyez-moi,laseuleraisonpourlaquellejepourraisavoirbesoindepenseràelle,quandjesuisavecvous,ceseraitpourcalmermavirilité.Paspourl’éveiller.

—Vousêtesunmenteur,répliqua-t-elle,lesoufflecourt.Ilplongeadanslesienunregardétincelant.—Faitesletestvous-même,Lucilla.Emmenez-moidansvotrechambreetvousverrez.Ellefutenvahieparunevivechaleur.Impossiblederelevercedéfi…—Vousn’allezpasprétendrequevousn’avezpascouchéavecelle.—Non,eneffet.Ceseraitunmensonge.—Jelesavais.—Quelrapportavecvousetmoi,ici,encemoment?

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Unnouveléclairtroualeciel,lalumières’éteignitunedemi-seconde.Lucillalibérasamain.—Jeneveuxpasêtreuneconquêtedeplus.Jenevoispasl’intérêt.Ilmangeaunebouchéed’agneau.—Vraiment?Delapartd’unefemmequiauneviesexuelleintense,c’estétonnant,non?Ellesentitsesjouess’enflammer.—Justement.Sij’aibeaucoupd’autresamants,jen’aipasbesoindevous.—Jesuismeilleurqu’eux.—Quellearrogance!Ileutunlargesourire.—Non,c’estjustedelalucidité.Sij’étaisvotreamant,aucunautrehommenevousexciteraitautant

quemoi.Allons bon, à présentmême ses oreilles étaient brûlantes, constata-t-elle.Mais le vin faisait son

effetetpourlapremièrefoisdepuisplusieursjours,ellesesentaitmerveilleusementdétendue.—Peut-êtrequejesuisinsatiable.Christoslâchasafourchette.—Nememettezpascetteidéedanslatête.Monimaginationsedéchaîne.Ilétait tentantdedemanderquelleschoses il imaginait.Maisceseraitunemauvaise idée.Lucilla

butunegorgéedevin.—Sivousétiezquelqu’und’autre…—Arrêtezderaconterdeshistoires.Le ton de Christos était moqueur mais sans méchanceté. Et sa voix était comme une caresse…

Lucillaréprimaunfrisson.—Jenecomprendspascequevousvoulezdire.—Jepensequesi.Ilsepenchaverselleetluicaressalajoue.—Vousêtesunbourreaudetravail.Vousrentreztardchezvouslesoir,seule.Etvousarriveztrès

tôtàl’hôteltouslesmatins.Votreviesexuellen’estpasintense,elleestinexistante.Elleaimeraitlenier,maisàquoibon?—C’estimpolidetraiterunefemmedementeuse.—Vraiment?Maislapolitessen’estpasundemespointsforts,detoutefaçon.—Jevousleconfirme.Etsivoussaviezmaviesexuelleinexistanteencemoment,pourquoivous

êtes-vousvantéd’êtremeilleurquemesamantsimaginaires?Christos pouffa et Lucilla fut parcourue d’un long frisson. Pourquoi trouvait-elle son rire aussi

agréable?—Commentaurais-jepu laisserpassercetteoccasiondevousdirequ’avecmoivousseriez très

heureuseaulit?—Vousêtesdécidémenttrèsimbudevous-même.—Ilyaunmoyentrèssimpledevérifiersijedisvrai.Ellecroisalesbras.—Vousnerenoncezjamais,n’est-cepas?—Jesuisunhomme.Jen’hésitejamaisàinsisterquandjedésireunefemme.Ellesentitunechaleurliquideserépandreentresescuisses.Oh!commeilétaittentantdeselaisser

aller!Ilyavaittellementlongtempsqu’unhommenel’avaitpastouchée…—Nouspourrionspeut-êtreparlerd’autrechosependantquelquesinstants?suggéra-t-elle.Ilfallaitabsolumentchangerdesujet,sinonelleallaitfinirparcraqueretsejetersurlui…—Dequoiaimeriez-vousdiscuter?

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—Jenesaispas.Parlez-moidevotrevie.Dites-moipourquoivousêtesvenuàLondres,alorsquevouspourriezêtreentraindevousprélassersuruneplageenGrèce.

—SijemeprélassaissuruneplageenGrèce,j’auraispeudechancesderéussirdanslavie,vousnecroyezpas?

—Jesuissûrequevouspourriezvouspermettredevousprélasserunpeu.N’avez-vouspasdéjàréussidanslavie?

D’aprèssessources, ilavaitamasséune fortuneconsidérable.Et,pourtant, il travaillaitpoursonpère.Non,cen’étaitpas toutà faitexact, reconnutLucilla intérieurement.Christosétaituneespècedestar dumondede l’entreprise. Il se faisait payer très cher, et pendant sesmissions, onnepouvait pasvraimentdirequ’iltravaillaitpourunpatron.Iltravaillaitpourlui-même.Lorsqu’ilestimaitavoiratteintl’objectiffixé,ilpassaitàlamissionsuivante.

—C’estvrai,acquiesça-t-il.Maiscen’estjustementpasenmeprélassantsurdesplagesquej’ensuisarrivélà.

—Vouspouvezsûrementprendredesvacancesdetempsentemps.—Jen’aipasbesoindevacances,Lucillamou,répliqua-t-il,levisageimpénétrable.J’aibesoinde

travailler.—Çadoitêtrelassant.Ilarquaunsourcilnarquois.—Etvous,quandavez-vousprisdesvacancespourladernièrefois?—L’annéedernière.J’aiprisunweek-endprolongéetjesuisalléeàPreitalle.—AuChatsfielddePreitalle,jesuppose?—Oui.Ilsecoualatête.— Vous êtes aussi irrécupérable que moi. Et c’est une des choses que j’aime chez vous.

Contrairementàvosfrèresetsœur,voussaveztravailler.Elleposauncoudesurlecomptoir.—Jecroyaisquej’étaisunepetitefillegâtée.—Oui.Maisçaneveutpasdirequevousn’êtespascapabledetravaillerdur.—Parmoments,voustenezdesproposincohérents,Christos.—Pasdutout.VoustravaillezparcequelegroupeChatsfieldestimportantpourvous.Maisvous

n’avezjamaisétévraimentobligéedetravailler.Lucillaréprimaunemouededérision.Pasquestionderaconterqu’elles’étaitoccupéedeNicolo

après son accident. Pendant un certain temps elle avait été la seule personne que Nicolo laissaitapprocher.Cequis’étaittraduitpardenombreusesnuitssanssommeil,enplusdesjournéespasséesàlesoigner. Malheureusement, aujourd’hui Nicolo ne se laissait plus approcher par personne. C’étaitpréoccupant,maisilétaitadulteetilchangeraitdeviequandilledéciderait.

IlyavaiteuaussiCara,quin’étaitencorequ’unbébéquandleurmèreétaitpartie.Elleétaitbienplacéepoursavoirletravailquedemandaitl’éducationd’unenfant.Ohoui,travaillerdurellesavaitcequec’était.Maiscelaneleregardaitpas.

—Jevoussignalequej’aiétéfemmedechambrependantunmois,déclara-t-elleavecfierté.Ileutungrognementdédaigneux.—Oui,maisensachantquevouspourriezarrêteràn’importequelmomentsansrisquerdemourir

defaim.Vousn’avezjamaisétéobligéedevousbattrepoursurvivre,Lucilla.UnenoteinhabituelledanslavoixdeChristosserralecœurdeLucilla.—Maisvous,si,n’est-cepas?—Oui.

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Impulsivement,elle luipressa lamain.Il laregardaavecuneperplexitémanifeste,commesielleappartenaitàuneespècerare.

—Jesuisdésoléepourvous.—Iln’yapasdequoi,glykiamou.J’aiétéobligédetravaillerdurpourgagnermavie.Sinon,je

n’auraispaseudequoim’acheteràmanger.Cen’estpasunemauvaisechose.C’estunesituationtoutàfaitnormalepourtoutepersonnen’appartenantpasauxclassesprivilégiées.

Elle déglutit péniblement. L’espace d’une seconde elle s’était sentie proche de lui. Elle avait eul’impressiondelecomprendre.Maisilvenaitdeluiprouverqu’ellenecomprenaitrien.Non,ellen’avaitjamaiseupeurdenepaspouvoirsenourrirnideseretrouversanstoitau-dessusdelatête.Cependant,elleavaitmanquéd’affectionetçan’avaitriend’uneexistencedeprivilégiée.

Mais Christos ne serait certainement pas d’accord sur ce point. Elle retira sa main, soudainembarrassée.

Illuipritlementonetplongeasonregarddanslesien.—Prudence,Lucilla,dit-ild’unevoixdouce.Jepourraispenserquejenevoussuispasindifférent.—Ceseraituneerreur.J’étaisjustepolie.Christospouffadenouveau.—Voussemblezattacherunegrandeimportanceàlapolitesse.—C’estcommeçaquej’aiétéélevée.—Etmoij’aiétéélevépourdirecequejepenseetprendrecequejeveux.Ellesentitsoncœurs’affolerdanssapoitrine.—Onnepeutpastoujoursavoircequ’onveut,Christos.Ileffleurasajoue,puissoncouduboutdudoigt.—Pourquoipas?Partagéeentreledésiretlapeur,elles’humectaleslèvres.—Parcequesuivresesenviesestparfoisunetrèsmauvaiseidée.LesyeuxbleusdeChristosbrillaient,pleinsdepromesses.—Parfois.Maisparfoisc’estunetrèsbonneidée.Etsicesoirc’étaitlecas?

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5.

ChristosregardaitlaveinequibattaitfrénétiquementàlabaseducoudeLucilla.Ilmouraitd’enviedepresserseslèvresdessus…Maispasquestiondelefairesansqu’ellel’yinvite.

—Jenesaispascommentvouspouvezdireça,déclara-t-elle.Maiscefutavecdesdoigtstremblantsqu’ellepritsonverredevin.Christosréprimaunsourirede

satisfaction.Pasdedoute,elleétaittroublée.—Lapassion,glykiamou.C’estunequestiondepassion.Lanôtrenaîtpeut-êtred’unprofond…

désaccord,maisc’estquandmêmedelapassion.Lucillaarquaunsourcil.—J’aidumalàimaginercommentvousenvisageruneliaisonentrenous?Nerisquez-vouspasde

nepasapprécierquejenedisparaissepasdevotrevielelendemainmatin?Vousmeretrouveriezassiseàlamêmetablequevousensallederéunion.Ceseraitgênant.

—Vouscherchezdesexcusespourvousdéfiler,Lucilla.Nousnesauronspastantquenousn’auronspassautélepas.

—Jenesuistoujourspasconvaincue.Lucillaselevaetrassemblalesassiettesetlescouverts.—Jen’arrivemêmepasàcroirequenousayonscettediscussion.Toutàl’heure,sij’avaispuvous

désintégrerd’unseulregard,jel’auraisfaitavecunimmenseplaisir.Christos pouffa.Ce n’était pas le genre de réaction qu’il avait l’habitude de provoquer chez les

femmes…—Jesuisheureuxquecesoitimpossible.Il se leva, ferma les barquettes et les rangea dans le réfrigérateur, tandis que Lucilla mettait la

vaisselledansl’évier.Lorsqu’elles’écarta,ilpritsaplaceetouvritlerobinet.—Quefaites-vous?Illuijetaunregardenbiais.—Lavaisselle.Elleécarquillalesyeux.—Vousn’êtespassérieux.—Pourquoi?Elleestsale,non?—Jepensaislalaisserpourdemainmatin.Etpuis,avecl’orageilrisqued’yavoirunecoupurede

courant.—Onverrabien.Sans doute avait-elle une femme de ménage, songea-t-il. Lui-même avait depuis longtemps

découvert leplaisird’avoirquelqu’unàquiconfier toutes les tâchesménagères.Cependant, ilpouvait

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bienfairelavaisselledetempsentemps.Lucilla prit un torchon et essuya les assiettes et les couverts au fur et àmesure qu’il les lavait.

Lorsqu’ilseurentterminé,elledéclara:—Jen’arrivepasàcroirequevousavezlavélavaisselle.J’auraisdûvousfilmerpourmettrela

vidéoenligne.Ils’appuyacontrel’évieretcroisalesbras.—Dansquelbut?Prouverqu’ilm’arrivedefairelavaisselle?Dequoidéclencherunscandale!Lucillaeutunsouriremalicieux.—Ah,maissijeprécisaisquec’estmavaisselleetquevousêtesmonesclavesexuel,çapourrait

nuireàvotreréputation.Des tasdefemmessombreraientdans ledésespoiretvousperdriez lerespectdeshommesquitravaillentavecvous.

Christoséclataderire.—Ce que vous ne semblez pas comprendre, Lucilla, c’est que jememoque de ce que les gens

pensent de moi. Dumoment que le travail est fait, ils peuvent bien penser que je porte des dessousfémininsunefoisrentréchezmoi.

Lucillaouvritdegrandsyeux.—C’estvrai?Vousenportez?Ilréprimaunsursautd’indignation.Ilsemoquaitdecequelesgenspensaientdelui,d’accord.Mais

pasdecequeLucillapensaitdelui.Seredressant,illasaisitparlesavant-brasetl’attiracontrelui.Ellenerésistapasetposalesmainssursontorse.

Biensûr,ellepouvaitchangerd’humeurd’uninstantàl’autreetlerepousser.Maispourl’instant,ilallaitprofiterpleinementdesonattitudecoopérative…

—Les seuls dessous féminins quim’intéressent, ce sont les vôtres. Et je n’ai pas envie de lesporter,maisdevouslesarracher.

Elledéglutitpéniblement.—Jepensetoujoursquec’estunemauvaiseidée.—C’estseulementvotreespritquipenseça.Votrecorpsestd’unavistrèsdifférent.Ellebaissalesyeuxsursesmains,toujoursposéessursontorseetildevinasacapitulationavant

qu’ellereconnaissedansunsouffle:—Jesais.

***

Elleétaitcenséeavoiruncomportementexemplaire.Eviterlesfauxpas.Nejamaisflancher.Maisvoilà qu’elle se trouvait avecChristosGiatrakos— l’homme contre qui elle complotait—et elle nepensaitqu’àunechose.Savourerpleinementlecontactdesoncorpsmusclécontrelesien.

Lucilla appuya son front contre le torse de Christos et s’efforça de contrôler sa respiration. Ilpromena les doigts le long de son épine dorsale.De haut en bas puis de bas en haut, très lentement,encoreetencore.Ledésirquimontaitenellesemêlapeuàpeudefrustration.Pourquoisecontentait-ildefaireça?Pourquoin’allait-ilpasplusloin?Elleenmouraitd’envie…Maisellevoulaitquecesoitlui qui fasse le premier pas. Pour pouvoir se dire plus tard qu’elle avait été victime de sa libido etqu’ellen’avaitriendécidéconsciemment…

—Jenecomprendspas,déclara-t-elle.Jenevoussupportepas.Jenesupportepasdevousvoirassisàmonbureau,donnantdesordresàtoutlemondecommeuntyran.

—Çavousrendfollequejesoisauxcommandesdugroupe,n’est-cepas?—Vouslesavezbien.—Etcommentréagirez-vousquandjeprendrailescommandesaulit,Lucilla?

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Ellefrissonna.—Jenevouslaisseraipeut-êtrepasfaire.L’éclatdesyeuxbleuss’intensifia.—Ah,unautrechampdebataille…J’ailesentimentqueçavaêtreunebatailleexplosiveetdes

plusagréables.—Pourquoifaut-ilquetoutdevienneunebatailleavecvous?—Pourquoidites-vousça?—Vousavezunbesoinimpérieuxdeconquérir,Christos.Jevousaiobservédansdesdizainesde

réunions.Pourvouscesonttoutesdesbatailles.Christosrestasilencieuxuninstant,l’airsongeur.—Cen’estpeut-êtrepasfaux.Maiscesoir,jen’aipasenviedelivrerunebataillecontrevous.Je

veuxvousconquérir,çaoui.Maispacifiquement.Delamanièrelaplusexcitantequisoit.—Pourquoinepourrions-nouspasnousconquérirmutuellement?—Nouspouvonspeut-être.Il se pencha et déposa un baiser sur la clavicule de Lucilla. Elle ferma les yeux et étouffa un

gémissement,tandisqu’ilfaisaitcourirseslèvresetsalanguesursapeau.Oh!monDieu,elleétaitfolledelelaisserfaireça…Folled’envisagerdecoucheraveclui…

—J’aimeraiscomprendrecequisepasse,commenta-t-elleensoupirant.Illevalatêtepourlaregarder.—C’estjusteunequestiondedésir,Lucilla.—Ça,jesais.Maisj’aimeraiscomprendrepourquoi.Pourquoivous?—Iln’yapasderéponse.C’estcommeça.C’esttout.Elleplissalefront.—Çaimpliquequenousnesommespasresponsablesdenosactions.—Maissi.J’aichoisidevenirici.Vousavezchoisidemelaisserentrer.Alorsqu’ilsepenchaitpourreprendresesbaisers,Lucillasedéroba.—Etsijevousdemandaisdepartir?Iln’hésitapasuneseconde.—Jem’enirai.Maisellen’enavaitpasdutoutenvie…Ellepoussaunsoupirdefrustration.C’étaitvraimentgênant

dedésirerl’hommedontoncherchaitàsedébarrasser!—Nepréféreriez-vouspasquejedémissionneetquejeparteenpèlerinageauTibetouailleurs?— Ça me faciliterait peut-être la tâche au Chatsfield, mais je préfère vous garder avec moi,

répondit-ilenlapressantétroitementcontrelui.Oh!monDieu.Cecorpsmusclé…Ellel’admiraitdepuisdessemaines,luijetantdescoupsd’œil

furtifsàlamoindreoccasion,commetouteslesfemmesquitravaillaientàl’hôtel.Et,biensûr,elleenviaittoutescellesquiavaient lachancedeseretrouveràsonbras.Toutensedisantqu’ellenedevraitpas.Elleétaitmêmetrèscontrariéedelesenvier.

Il fitglisser sesmains le longde sondoset les refermasur seshanches.Au lieude l’embrassercommeelles’yattendait,ilplongeasonregarddanslesien,etdéclaraavecleplusgrandsérieux.

—C’estlemomentoujamaisdemediredem’enaller.—Jesais.Lecœurbattantàtoutrompre,elleprituneprofondeinspiration.Ellen’avaitaucuneenviequ’ils’en

aille.Maisavait-ellelechoix?Elleôtalesmainsdesontorseets’écartadelui.—Je…Jepensequ’ilvautmieuxquevouspartiez.—Vraiment?Oubienestimez-voussimplementquec’estcequevousdevezdire?Ellecrispalespoings.Lapluiecinglaitlesvitres.

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—Vousdevezcomprendre.Jenepeuxpascoucheravecvous,Christos.Mêmesij’enaienvie.—Trèsbien.Ilpritsavestesurlachaiseoùill’avaitposéeetellefutassaillieparunefrustrationinsupportable.—Vousvoulezemporterlesrestes?—Gardez-les.Ilsortitsontéléphonedelapochetoutensedirigeantverslasortie.Ellelesuivitdesyeux,lecœur

serré.Toutesavieelles’étaitsacrifiéepoursafamilleetsacarrière.Résultat,elleétaitseule,enferméedans sa tourd’ivoire.Alorsqu’elle se sentait sibiendans lesbrasdeChristos…Quandpourrait-elleenfinsepermettredes’accorderunpeudeplaisir?

Quandceplaisirnerisquerapasdecompromettretaréussiteprofessionnelle,réponditunepetitevoixintérieure.

Elle prit une profonde inspiration et rejoignit Christos alors qu’il atteignait la porte. Il enfila saveste.Puisilseretournaverselle.Plongeantsonregarddanslesien,illuicaressalajoue.

— Nous avons passé un moment agréable pour une fois, Lucilla mou. Pas de dispute, pasd’agressivité.Noussommespeut-êtrecapablesdebiennousentendre,finalement,non?

Impulsivement,elleposalamainsurlasienneetlapressacontresajoue.—J’endoute.Dèsdemain,vousmemettrezdenouveauhorsdemoiavantmêmequej’aiebuma

premièretassedecafé.Maisc’estvrai,nousavonspasséunmomentagréable.Ileutunsourirequilachavira.—Jesuisheureuxquevouslereconnaissiez.Ilyeutunenouvellecoupuredecourant.Pluslonguequelaprécédente.—C’estvraimentungrosorage,murmura-t-elle.—Oui.—Vousn’avezmêmepasdeparapluie.—L’idéequejememouillevousennuie?Ellehaussalesépaulesens’efforçantdeprendreunairdésinvolte.—Pasvraiment.Etsivouspouviezêtrefoudroyé,çam’arrangeraitbeaucoup.Ilécarquillalesyeux,puisiléclataderire.—Vousêtesimpitoyable,n’est-cepas?Elleposalamainsursonbras.—Jeplaisante.Jeveuxquevouspartiez,maisquevousrestiezvivantetentier.—Ehbien,jesupposequejedoisenêtrereconnaissant.—Oui.Ilyaunmois,jenemeseraisjamaispréoccupéedevotresécurité.—Danscecas,jem’estimeheureux.Ildéposaunbaisersursa joue.Unbaiseraffectueux,quin’avait riendesexuel.C’étaitdélicieux

maisunpeufrustrant,songea-t-ellemalgréelle.Ilouvritlaporte.Aumêmeinstant,lalumières’éteignit.Tous les bruits de l’appartement — bourdonnement du réfrigérateur et de divers appareilsélectroniques—s’interrompirent.

—Vousnepouvezpaspartir,dit-elleaprèsunsilence.Elleperçutunmouvementetunelumières’alluma.LetéléphonedeChristos.—J’aidelalumière.Etjevaisappeleruntaxi.—Vousn’êtespasvenuenvoiture?—Non.—Les feux de signalisation doivent être éteints aussi. Ça va être la pagaille jusqu’à ce que le

courantsoitrétabli.Le Chatsfield n’était pas loin,mais il disposait d’un groupe électrogène permettant d’éviter tout

désagrémentàlaclientèle.

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—Etes-vousentraindemeproposerderester,Lucilla?—Jusqu’àcequelecourantsoitrétabli,oui.—Vousavezpeurdunoir?—Pasdutout!Autrefois, lorsqu’il y avait des coupures de courant à Chatsfield House, elle transformait

l’expérienceenjeupourlesenfants.Maiselleétaitjustemententouréed’enfantsetdedomestiques.Maisici?Cen’étaitpas lapremièrepanne,nisansdoute ladernière,etàvraidireellen’aimaitpasresterseuledanslenoiretlesilence.

Christosrefermalaporte.Son téléphoneémettaitune lueurbienvenueetellesentait lachaleurdesoncorps.C’étaitréconfortant.

—Ehbienmoi,j’aipeurdunoir,déclara-t-ild’untonneutre.—Jenevouscroispas.Illapritparlesépaulesetlaguidaverslacuisine.—Vousavezraison.Maisjemedisaisquevoustrouveriezçaréjouissant.Elleroulalesyeux.—Depuisquandéprouvez-vouslebesoindem’amuser?—Peut-êtrequej’aimebienvousvoirsourire.—Jesourissouvent.—Pasàmoi.—Vousnefaitesjamaisrienpourlemériter,Christos.Levezunpeuvotretéléphonependantqueje

cherchedesbougiesdanslestiroirs,s’ilvousplaît.Elle trouva les bougies et un briquet pour les allumer. Elle les disposa sur le comptoir et ils

reprirentleursplacessurlestabourets.—J’aimevousvoirsourire,répéta-t-il.Lecœurbattant,elles’efforçademasquersontrouble.—Quelbaratineur!PasétonnantquevousayezcouchéaveclamoitiédesLondoniennes.—LamoitiédesLondoniennes?Jenesavaispasquevousaviezremarqué.—C’estimpossibledel’ignorer.Quandvousn’assistezpasàchaquesoiréeduChatsfieldavecune

nouvellefemmeàvotrebras,onvousvoitavecelleenphotodanslesmagazinespeople.—Jen’aiaucuncontrôlesurcequ’imprimentcestorchons.—Commenoustous.—Vouscherchezàfairepasserunmessage,jesuppose?—JesaisquelesChatsfieldn’ontpasdonnéunetrèsbonneimaged’eux-mêmescesdernierstemps,

maislesjournauxenrajoutentsouventpourfairegrimperlestirages.—J’ensuisconscient.Lucillaeutunpincementaucœur.—Caraestperturbée,Christos.Maisellen’estpasdépravée.—Jen’ai jamaisditqu’elle l’était.Je l’ai justeenvoyéelàoùsesextravagancesont lemoinsde

chancesdefairedesvagues.—AVegas.Lucillaréprimaunsoupir.PourvuqueCaraneseretrouvepasdansunnouveaupétrin…Maiselle

étaitadulteaujourd’huietn’appréciaitpasdutoutqu’onsemêledesesaffaires.—Vousvousinquiétezpourelle.—Oui,répondit-elle,surprisequeChristosl’aitremarqué.Elleestsijeune.Etimpulsive.—Commelaplupartdesjeunes.Elleleconsidéraaveccuriosité.Detouteévidence,ilparlaitd’expérience.—Moi,jenel’étaispas.

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Illâchaunpetitrireétranglé.—Ça,jeveuxbienlecroire!Elledutfaireuneffortpourdissimulerqu’elleétaitvexéeparcecommentaire.—Qu’est-cequivousfaitdireça?—Lucillamou,sivousétiezuntantsoitpeuimpulsive ilya longtempsquenousaurionscouché

ensemble.—Vousmetaquinez,commenta-t-elleens’efforçantd’ignorerlachaleurquil’envahissait.—Unpetitpeu.Ilpritleverrequ’iln’avaitpasterminéetbutunegorgéedevin.—Maisc’estvrai.Vousn’êtespasimpulsive.Vouspeseztoujourslepouretlecontre.—Jenesuispassûred’apprécierd’êtreanalyséeparvous.Ilhaussalesépaules.—Vousnepouvezpasm’enempêcher.Vouspouvezjustem’empêcherdedirecequejepense.Ilsepenchaverselle,commepourladéfierdeposerlamainsursabouchepourlefairetaire.Elle

nebougeapas.— Je pense que vous réfléchissez trop. Prenez des décisions, Lucilla. Appliquez-les. Tirez les

conclusionsdevoserreurséventuellesetnelesrenouvelezpas.Elleseraidit.—Vousinsinuezquejesuismoinsapteàgéreruneentreprisequevousetjen’appréciepasçadu

tout.—Cen’estpascequej’aidit.Maissic’estcequevouscomprenez…—J’auraisdûvouslaisserpartiretvousfairetremperparl’orage.Oh!etàproposdelafoudre,je

seraisassezraviequ’ellevousfrappe,finalement.Christospouffa.—Avecquelqu’und’autrequemoivousnevoussentiriezpasaussiinsultée.Vousêtestrèsefficace

dansvotretravail.Jen’aipasditlecontraire.Cequej’aiditc’estquevousnesuivezpasvotreinstinctaussisouventquevousledevriez.Parfoisc’estlaseulechosedontnousdisposonspournousguider.

Ellelefoudroyaduregard.—Vousm’exaspérezvraiment,Christos.Ileffleurasonbrasduboutdesdoigts.—Maisjevousexciteaussi.Elleserralesdents.C’étaitvrai,malheureusement!—Peuimporte.Vousnepouvezpasm’insulteretespérerquejevoustombedanslesbras.—Alorsdites-moicequ’ilfautfairepourçaetjeleferai.—C’estvousl’expert.Trouvezlaréponsetoutseul.Desétincellesmalicieusesjaillirentdanslesyeuxbleus.—Vousnem’avezpasenvoyéaudiableetjeconsidèreçacommeencourageant.Elle se servit du vin et but une gorgée. Il y avait aumoins un quart d’heure que le courant était

coupé. L’appartement était silencieux, mais dehors le tonnerre grondait toujours et la pluie tombait àverse.Parmoments,onentendaitlescoupsdeklaxond’automobilistesimpatients.

—Lucilla.LavoixdeChristosétaitdoucecommeunecaresse.Elletournalatêteversluietfutélectriséepar

l’intensitédesonregard.—Ilnefautpasprendretoutcequejedispourdesinsultes.Jenemâchepasmesmotsparceque

vousêtesassezfortepourm’entendre.Sicen’étaitpaslecas,jenegaspilleraispasmasaliveavecvous.Aulieudemalleprendre,elleétaittrèsflattéeparcecommentaire,constata-t-elleavecunepointe

d’agacement.

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—J’aiétudiéàOxford,Christos.Jenesuispasuneidiote.—Eneffet.Cependantj’aiplusd’expériencequevous.Vouspouvezapprendreàmoncôté.Toutce

quivousmanquec’estunpeud’expérience.Etvousfinirezparobtenircequevousvoulez.—Nevousest-iljamaisvenuàl’idéequevouspourriezapprendrequelquechoseauprèsdemoi?Pourquoicettequestion?sedemanda-t-elleaussitôt.Cequ’ellevoulaitc’étaitqu’ildisparaisse,pas

qu’ils’associeavecellepourdirigerleshôtels.—Biensûr.Maispourçailfautquevoussoyezdisposéeàtravailleravecmoi.—Jetravailleavecvous.Ilsourit.—Non,vousvousopposezàmoi.Atoutpropos.—Pasàtoutpropos.—Si, à tout propos. Si je veux un décor bleu pour une soirée, vous optez pour le rouge. Si je

choisisunmenuparticulier,vouslechangezpourunautre.Sijedisquejeveuxrecevoirtelgroupe,vousenchoisissezunautre.

Elle se mordit la lèvre. C’était vrai. Elle s’opposait systématiquement à lui. Mais elle n’avaitjamaiseulesentimentquec’étaitdélibéré.

—Çan’ariendepersonnel.Jefaisleschoixquimeparaissentlesmeilleurspourl’hôtel.Ilarquaunsourcil.—Vousêtessûre?Vousneprendriezpasplutôtunmalinplaisiràcontrecarrermesplans?—Jen’aipasl’impressionqu’ilyaitgrandmondequicontrecarrevosplans.—Vouslefaites.Enpermanence.—L’obéissanceaveuglepeutêtretellementennuyeuse.—Vousn’êtespasennuyeuse,glykiamou.Loindelà.—Encoredelaflatterie,Christos.Ellenevousmèneraàrien.Ilseleva.—J’ensuisconscient.Etjecroisqu’ilesttempsquejem’enaille.Ilposasonverreetpritsontéléphonequ’ilavaitposésurlecomptoir.—Kalispera,glykiamou.Ellesautadesontabouret,complètementperdueàl’idéequ’ilallaitlalaisserseule.—Ilpleuttoujours,Christos.Etlecourantn’estpasrevenu.Vousnepouvezpaspartir.Vousrisquez

demettredesheurespourrentrerchezvous.—Peut-être,maisj’ailesentimentd’avoirabusédevotrehospitalité.Ellecrispalespoings.Quelleidiote!Dansl’ensembleilavaitétécharmant.C’étaitellequiavait

dumalàsurmontersonanimosité…etsapeur.—Excusezmonirritabilité.C’estplusfortquemoi,parmomentsvousm’exaspérez.Maisrestez,je

vousenprie.J’aiunechambred’amis.Vouspouvezl’utiliseraussilongtempsquevouslesouhaitez.Christosmitsilongtempsàrépondrequ’ellecrutqu’ilallaitrefuser.Sesyeuxbleusbrillaientàla

lueurdesbougiesetelledutfaireuneffortsurhumainpourréprimerl’enviedeseblottircontrelui.—D’accord,dit-ilenfin.C’esttrèsgentilàvous.J’acceptevotreproposition.

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6.

Lucillasetournaitetseretournaitdanssonlit.Impossibledetrouverlesommeil.Ilrégnaitdanslamaisonunsilenceabsolu.Maiscen’étaitpasleproblème,biensûr.Leproblèmec’étaitChristos,danslachambrevoisine. Ilsavaientdiscutéencorequelquesminutesde toutetde rien,puis ilavaitmanifestél’intentiond’allersecoucher.Ellel’avaitdoncconduitàlachambred’amisetelleluiavaitdonnédesbougies.Puiselleétaitalléedanslasienne.

Il y avait deuxheuresqu’elle était couchée et elle n’arrivait pas à dormir.Elle n’arrêtait pasdepenseràChristos,couchéluiaussi,toutprès.Ilavaitdûsedéshabiller.Peut-êtreétait-ilallongésurlesdraps,uniquementvêtudesonslip…Acetteidée,ellefuttranspercéeparuneflèchededésir.

Çafaisaittroplongtempsqu’ellevivaitcommeunenonne.Elledevraitpeut-êtres’acheterunsex-toy… Avec un grognement étouffé, elle enfouit son visage dans l’oreiller. C’était ridicule, mais ellesentaitsesjouess’enflammeràlaseuleidéed’entrerdansunsex-shop.Peut-êtrepourrait-ellecherchersurInternet.Oui,ceseraitlameilleuresolution…

Unbruitl’arrachaàsespensées.Quelqu’unavaitcrié?Christos?Elleseredressadanssonlitettenditl’oreille.Unnouveaucriluiparvintdelachambrevoisine.L’estomacnoué,elleselevaetenfilaunpeignoir en toute hâte. Puis elle prit son téléphone, activa l’application lampe torche et sortit dans lecouloir.

Christoscriadenouveau.Ellefrappaàsaporte.—Christos?Toutvabien?Christos!Laportes’ouvritquelquessecondesplustard.Commeellel’avaitimaginé,ilneportaitriend’autre

qu’un boxer noir. Elle déglutit péniblement. Son torse était luisant de sueur, comme s’il avait fait del’exercice.Ilavaitlescheveuxenbataille…etl’airhagard.

—Çava,dit-ild’unevoixétranglée.—Excusez-moidevousdéranger.J’aientendu…Ilpassalamaindanssescheveux.—Uncauchemar.Çam’arrivedetempsentemps.Cen’estrien.—Vousvoulezenparler?Ilarqualessourcils.—Parler?Non.Sivousavezuneautresuggestion,jesuisprêtàlaconsidérer.Maisparler?Non,

pasdutout.—Je…jesuisdésoléedevousavoirdérangé.Ellefitunpasenarrière,presséederetournerdanssachambre.Christosditquelquechoseengrec.

Puisill’attiraverslui.

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—Jesuisdésolé,dit-ild’unevoixrauque.Laissez-moivoustenirdansmesbras,vousvoulezbien?C’estcedontj’aibesoinàl’instant.

Ellerefermalesbrassurluietappuyalefrontcontresontorse,tandisqu’ilposaitlementonsurlehautdesoncrâne.Ilsrestèrentainsipendantquelquesminutes.LecœurdeChristosbattaitàgrandscoupsetLucillasesurpritàluicaresserledospourtenterdeleréconforter.Elleavaitélevédesenfantsetellesavaitquec’étaitcedontilsavaientbesoinaprèsuncauchemar.

Qu’est-cequipouvaitbienfairecrierunhommecommeChristosdanssonsommeil?Ellen’enavaitaucuneidée,maisçadevaitêtrequelquechosequiluifaisaitpeur.Allonsbon…Ellen’avaitpasenvied’éprouver de la compassion pour lui. Et encore moins de commencer à le trouver attachant. Maiscommentnepasêtretouchéeendécouvrantqu’ilétaithumainetvulnérable?

—Vousdevriezretournervouscoucher,finit-ilparmurmurer.—Jenedormaispas,detoutefaçon.Ill’écartalégèrementdeluietellelevalesyeuxverssonvisage.Cequ’ellevitdanssonregardfit

bondirsoncœurdanssapoitrine.—Va-t’enavantquejet’embrasse,glykiamou.Parcequesijet’embrasse,jenem’arrêteraipaslà.Ilfallaitqu’elles’enaille,sedit-elle.Maissespiedssemblaientrivésausol.Commentserésigner

àretournerdanssachambrequandsoncorpstoutentiervibraitdedésir?QuandChristossemblaitaussiseuletperduqu’ellel’étaitelle-mêmebiensouvent?

—Alorsembrasse-moi,répliqua-t-elled’unevoixaussirauquequelasienne.Ilmurmuraquelquechoseengrecavantdes’emparerdesabouche.L’incendiequicouvaitentreeux

éclataaussitôt. Ilétait tard. Il faisaitnoir.C’était lemomentpropiceoùledésirdevenait impossibleàcontenir. Lucilla s’agrippa à Christos tandis qu’il plongeait la langue entre ses lèvres, exigeant uneréponse.Ellelaluidonnaavecardeuretillaissaéchapperungrognementétoufféavantderesserrersesbrasautourd’elleetd’approfondirsonbaiser.

Ilss’étaientdéjàembrassésdeuxfoisauparavantetchacundecesdeuxbaisersl’avaitenflamméetoutentière,luidonnantlevertige.Maiscelui-ci…Oh!cebaiserétaitdixfoisplusdévastateur.Centfoisplus…

Jamais elle n’avait éprouvé un désir aussi intense pour un homme. C’était comme si son corpsrattrapait le retard accumulé pendant toutes ces semaines où elle avait réprimé son attirance pourChristos.

Elleavaitenvied’explorerchaquemillimètredesoncorps,deseglissersoussapeaupour fairepartiedelui.Illacouvraitdecaressesfébrilestoutenpressantsoncorpspuissantcontrelesienetellesentaitsavirilité,durecommede lapierre,contresonventre.Refermant lesmainssursesfesses,elleplaquasonbassinencoreplusétroitementcontrelesien.

Ungrognements’échappadelagorgedeChristosetellesentitunflotdechaleurserépandreentresescuisses.Sonpeignoirlagênait…MaiscommentserésoudreàneplustoucherChristosletempsdel’enlever?C’étaittellementgrisantdepromenerlesmainssursoncorpsmusclé!Aprésentqu’elleavaitenfincédéaudésirquilaconsumait,ellen’avaitplusaucuneretenue.Ellevoulaittout.Toutdesuite.

Soudain,Christoss’arrachaàsaboucheet la soulevade terre. Il sedirigeaàgrandspasverssachambreetlareposaparterreaupieddesonlit.Lesoufflecourt,ellesecramponnaàsesépaules.Elleprenaitungrandrisqueens’abandonnantàl’élanirrésistiblequilapoussaitdanslesbrasdesonennemi.Maisàcetinstantprécis,elles’enmoquait.

— Tu portes toujours les cheveux relevés, dit-il en défaisant le chignon lâche qu’elle avaitconfectionnépourdormir.

L’élastiquetombaparterretandisquesesbouclessoyeusesruisselaientsursesépaules.Christosyplongealesdoigts.

—Jepréfèrequandilssontlâchés.

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—Alorsjecontinueraiàmefairedeschignons,rétorqua-t-elle,parcouruedelongsfrissons.Elle voulait qu’il l’embrasse encore, tout de suite, avant qu’elle ait le temps de réfléchir à ce

qu’ellefaisait.Pourquoisecontentait-ildepasserlesdoigtsàtraverssescheveux?—Parcequetuaimesfairetoutlecontrairedecequejeveux?Sijetedisquejepréfèrequetu

resteshabillée,tedéshabilleras-tu?—C’estpossible.Ilrefermalesmainssursatailleetl’attiracontrelui.—Alorsrestehabillée,glykiamou.Nem’embrassepas.Nemetouchepas.Neposesurtoutpastes

lèvressurmoncorps.Ilsepenchalentementverselle.—Nerépondspasàmonbaiser,Lucilla…Il l’embrassa avec une passion qui lui coupa les jambes. Elle s’affaissa contre lui, mais elle

réponditàsonbaiserbiensûr.Avecunepassionégaleàlasienne.IlluienlevasonpeignoiretglissalesmainssousleT-shirtqu’elleavaitmispourdormir.Sesdoigts

effleurèrentlespointesdesesseins,puisilinterrompitleurbaiserletempsderemontersonT-shirtetdelefairepasserpar-dessussatête.Lorsqu’ilsemitàluicaresserlesseinseninsistantsurlesdeuxtétons,ellelaissaéchapperungémissement.Puisellefitglissersonslipsursescuissesetrefermalamainsursavirilitéfrémissante.

—Glykiamou,vas-ydoucement…Ellefutélectriséeparsavoixrauque.Visiblement,ilcraignaitdeperdrelecontrôledelui-même…

Accentuantlapressiondesesdoigts,ellesemitàlecaresser.—Lucilla…Iltraçaunsillondebaiserslelongdesoncou,poursuivitsadescente…etrefermaleslèvressurla

pointed’unsein,qu’ilaspiragoulûment.Avecuncriétranglé,ellelâchasonsexepoursecramponneràsesépaules.

—Tuasdesseinsfantastiques.Sisensibles.Siparfaits…—Christos,s’ilteplaît…Je…Ilcontinuadesucer,lécheretmordillerlapointedurcie,lamettantausupplice.Eperduededésir,

ellevacillaitsursesjambes.Ilfitglisserlaculottesursescuissesetlalaissatomberàsespieds.Puisillapoussadoucementsur

lelitetsepenchasurelle.Sonsouffleétaitaussicourtquelesienetsonregardbleuélectriquesemblaitscrutersonâme.Iln’yavaitplusdesecrets,plusdecomplotsnid’ennemis. Iln’yavaitplusquedeuxêtresdévorésparlapassion,impatientsdesefondrel’undansl’autre.

Mais peut-être n’était-ce qu’une illusion ? Peut-être n’était-elle qu’une conquête de plus pourChristos?Etait-il en trainde lamanipuler,comme ilavaitmanipulé ses frèreset sœur?Non,ellenedevaitpassemettrecegenred’idéesdanslatête…

Lucilla fit rouler Christos sur le dos et se pencha sur lui. La chambre était plongée dans lapénombre,maiselledistinguaitlescontoursdesoncorps.Uncorpssplendide.Etquediredesavirilitéfièrementdressée?Ellerefermalesdoigtsdessuspuisluidonnauncoupdelangue.Ilseraidit.

—Nefaissurtoutpasça…—D’accord.Jeneleferaipas.Ellepritsavirilitédanslabouche,luiarrachantunrâleextatiquequil’aiguillonna.Elleaccentuales

caresses avec délectation. C’était la première fois qu’elle tenait Christos à sa merci… La voixentrecoupéeaveclaquelleilprononçaitsonprénomnelaissaitaucundoutesurlepouvoirqu’elleavaitsurlui.Unpouvoirgrisantquidécuplaitleplaisirqu’elleprenaitàhonorersonsexedresséetdontelleavaittrèsenvied’useretd’abuser.Quellesatisfactionceseraitdelefairebasculerdanslegouffredelavolupté…

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MaisChristostrouvalavolonténécessairepourl’interrompreetlahisserdanssesbras.S’emparantdesabouche,illafitrouleràsontoursurledosets’installaentresescuisses.

—S’ilteplaît,dis-moiquetuascequ’ilfaut,glykiamou.Contrairementàcequetuaspupenserquandj’aisonné,jen’avaispaspréméditédefinirlasoiréeaulitavectoi.

—Dansletiroirdelatabledenuit.Heureusementqu’elleavaittoujoursuneréservedepréservatifs!Mêmes’ilyavaittrèslongtemps

queçanes’étaitpasrévéléutile…Ilsortitunpréservatifdupaquet.Elleleluipritdesmainsetleluimitelle-même.Maisaumomentoùilentraenelle,uneboufféedepaniquel’assaillit.Quefaisait-elle?Queluiprenait-ildecoucheravecChristos?CoucheravecChristos!

Ils’immobilisa.—Lucilla?Tuaschangéd’avis?Cen’estpaslemomentidéal…,maisonarrête,sic’estcequetu

veux.Ilprituneprofondeinspiration.—Tuasl’impressiondecommettreuneerreur?—Jenesaispas…Ildonnauncoupdereinsnonchalant,luiarrachantungémissement.—Non,jeneveuxpasqu’onarrête.—Commentpourrait-ce êtreuneerreur, alorsquenousenmouronsd’envie tous lesdeuxdepuis

l’instantoùnousnoussommesrencontrés?—Jeveuxcontinuer…—Avecplaisir,glykiamou.Christos s’emparade labouchedeLucilladansunbaiserardent,puis il semitàbougerenelle.

Accélérantpeuàpeu le rythme, ilquitta ses lèvrespour ses seinset suça tourà tour lesdeuxpointesdurcies.Assailliepardessensationsinouïes,ellefutemportéedansunespiraledefeutourbillonnante.Leplaisirmontaitparvaguesduplusprofondd’elle,imminentetfuyantàlafois.Soudainellebasculadansungouffresansfond,ensanglotantlenomdeChristos.

—Oui,murmura-t-ilàsonoreille.Oui…Puisillarejoignitencriantsonnomd’unevoixrauque.

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7.

Lorsqu’elle se réveilla, Lucilla était seule. La pâle clarté de l’aube filtrait à travers les rideauxéclairantlesdrapsfroissés.Elletenditl’oreille.Aucunbruit.Elleseleva,enfilasonpeignoiretserenditdanslesalon.Lecourantétaitrevenu,maislapièceétaitvide.

Elleserenditdanslachambred’amis.Vide.Ilétaitparti.Ellerestauninstantfigéedanslecouloir,hébétée.Ellegardaitdanstoutsoncorpslesouvenirdelanuittorridequ’ilsavaientvécueetilétaitpartipendantqu’elledormait.Sansunaurevoir.Sansunmerci-pour-le-sexe-et-à-un-de-ces-jours.

C’esttonchoix,sedit-elleavecamertume.Voilàcequiarrivequandonlâcheprise.Oui,elleavaitenfinlâchéprise.Elleavaitcessédebridersesélansetelleavaitdonnélibrecoursà

lapassionquicouvaitenelledepuisdessemaines.Elleavaitassouvisondésir,encoreetencore,jusqu’àcequ’ilssoientépuiséstouslesdeux.Ilss’étaientendormisenlacés,encorevibrantdeplaisir.

Elles’attendaitàseréveillerauprèsdelui,maisaprèstoutc’étaitpeut-êtreunebonnechosequ’ilnesoitplus là.Prenantuneprofondeinspiration,elleredressa lesépaules.Oui,c’étaitmieuxainsi. Ilsn’étaientpasamants.Cen’étaitpasuneliaisonetçavalaitbeaucoupmieuxainsi.Moinscompliqué.

Ils avaient eu une aventure sans lendemain. Parce qu’il était sexy, qu’elle était seule et quel’occasions’étaitprésentéeaubonmoment.

Cen’étaitpasuneraisonpourqueçaserenouvelle.Nipourqu’elleenaitenvie…Non,ellenesouhaitaitpasallerplusloinavecChristos.Elleavaiteucequ’ellevoulait.C’étaitun

amant fougueux, mais son désir pour lui était assouvi et elle pouvait se remettre au travail l’esprittranquille.

Lucillapritunedoucheetchoisitsatenueavecsoin.Talonsaiguillesvertigineuxàimpriméléopard,jupecrayonnoireetchemisierblanc.Ellelacomplétaparuneceintureblancheetétudiasonrefletdanslemiroir.Christosluiavaitditqu’ill’aimaitaveclescheveuxlâchés…S’efforçantd’oublierquesavoixrauqueluiavaitdonnélesentimentgrisantd’êtreterriblementdésirable,ellesefitunchignonstrict.

Unefoissatisfaitedesonimage,ellegagnalacuisineetsefituncafé.Enouvrantleréfrigérateurpourprendredulait,elleeutunpincementaucœuràlavuedesbarquettesdudînerdelaveille,maisellel’ignora résolument. Après avoir mangé une banane, elle quitta son appartement et héla un taxi. Ellearrivaàl’hôtelà8heures.Souriante,ellegagnasonbureauenbavardantavectoutlemonde,commeàsonhabitude.

Lorsqu’ellepassadevant lebureaudeChristos,soncœursemitàbattre lachamade.Etait-il là?Pensait-iluntoutpetitpeuàelle?Oubienavait-ildéjàtournélapage?Elledéglutitpéniblement.L’idéequ’ellen’avaitpeut-êtreétépourluiqu’uneoccasiondesatisfairesalibidoétaittrèsdésagréable.Maisc’était le scénario leplusprobable.Etde toute façonc’était réciproque,non?Après tout, juste avantqu’ilsonne,elleenvisageaitd’acheterunsex-toy.

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Elle s’installaà sonbureauetconsulta samessagerie.Elleavaitune longue listedemailsetunematinée chargée devant elle. Une réception de mariage était prévue pour le week-end, un séminaired’entreprisepourlelundi,etbiensûrilyavaitl’assembléedesactionnaires—etlatournéedeshôtelsquisuivrait—àpréparer.

Unnouveaumessagearrivadanssaboîtederéception.

De:[email protected]:[email protected]:PRIVETrouvésatrace.S.N.

Sonestomacsenoua.Ellerestaunlongmomentimmobile,lesyeuxfixéssurl’écran,partagéeentrelacuriosité etunvif sentimentdeculpabilité.L’imagedeChristosen sueur, les cheveuxenbataille etl’air hagard après son cauchemar s’imposa à elle. Puis ce fut le souvenir de leur nuit de passion quiassaillitsonesprit.Submergéeparunevivechaleur,ellefermalesyeux.

Lasonneriedutéléphonelafitsursauter.Ellepressalebouton.—Oui?—M.Giatrakossouhaitevousvoirdanssonbureau,annonçaJessie.Uneboufféedepaniqueluicoupalesouffle. Il laconvoquaitpar l’intermédiairedesasecrétaire,

aprèstoutcequis’étaitpasséentreeux?Elleétaitcenséearriverdanssonbureau,enfaisantcommesiderienn’était?

—Dites-luiquejesuisoccupée.—Bien,mademoiselleChatsfield.Elle reporta son attention sur son écran, déterminée à traiter ses mails. Le message de Sara ne

quittaitpassonesprit,maistoutàcoup,ellen’avaitplusaucuneenviedesavoircequ’avaitdécouvertladétective.

C’étaitridicule.EtçadonnaitraisonàChristosenfaisantd’elleunefemmeindécise,incapabledeprendredesdécisionsdifficiles…ElleramassasonportableetcherchalenumérodeSara.

Aumêmeinstantlaportedubureaus’ouvrit.Lecœurbattantàtoutrompre,ellelaissatombersonportablesurlebureau.Christosétaitplusséduisantquejamaisdansuncostumetaillésurmesurequiluiallaitcommeungantetunechemisebleuequimettaitenvaleurlacouleurdesesyeux.

Asongranddam,ellesentitunechaleurliquideserépandreentresescuisses.Ohnon…—Puis-je vous aider,monsieurGiatrakos ? demanda-t-elle d’une voixmoins assurée qu’elle ne

l’auraitvoulu.Christosplissalesyeux.Ilfermalaporteetavançaverselled’unedémarchesouple.—Vousn’êtespasvenuecommejel’aidemandé.Elle se renversa contre le dossier de son fauteuil en s’efforçant demaîtriser les frissons qui la

parcouraient.—Detouteévidence,cen’étaitpasutile.Vousêtesvenuàmoi.Ill’étudiacommesielleétaitunenouvelleespècerécemmentdécouverte.—Vousm’évitez,mademoiselleChatsfield?—Pasdutout.Elleindiquasonordinateur.—Commevouspouvezlevoir,jesuisoccupée.Jenepeuxpaslaissertombercequejefaispour

allerfairedescourbettesdevantvous.—Voustravaillezici.Quandj’aibesoindevousparler, j’aibesoindevousparler.Ilnevousest

pasvenuàl’espritqueçapourraitêtreimportant?

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—Cen’étaitpasprécisédansvotreconvocation.Ilplongeasonregarddanslesienetelledutfaireappelàtoutesavolontépournepasdétournerles

yeux.—Tuesencolèrecontremoi.Elledéglutitpéniblement.Ellen’avaitaucuneenvied’évoquercequis’étaitpasséentreeux,maisil

n’allaitpasluilaisserlechoix.—Pourquoileserais-je?—Parcequejen’étaispluslàquandtut’esréveillée.Ellehaussalesépaulesavecunedésinvoltureétudiée.—Nousavonscouchéensemble,Christos.Jen’avaispasbesoindecâlinslelendemainmatin.Tu

étaisparti.Quelleimportance?EllecrutdécelerdelasurprisedanslesyeuxdeChristos,maiscefuttrèsfugitif.—Tuesraisonnablepourunefemme.Elle serra les dents. Pour qui se prenait-il ? Pour un amant si exceptionnel que les femmes ne

pouvaientpass’enpasser?—Quet’imaginais-tu?Quej’allaistesupplierdem’accorderuneautrenuitavectoi?Quetuallais

metrouverenlarmesparcequetuétaispartipendantmonsommeil?Ellesecoualatête.—J’aiétésoulagéeenvoyantquetun’étaispluslà.Çam’aévitédetedemanderdepartir.Christosplissalesyeux.Quesepassait-ildanssonesprit?Impossibledelesavoir,maisilyavait

deschancespourqu’ilsoitaumoinsunpeusurpris.Elleréprimaunsouriresatisfait.Prendsça,M.Sexe.—Ehbienlesoulagementestpartagé,déclara-t-ild’untonneutre.Elleeutunpincementaucœur,maiselles’efforçade l’ignorer.Pourquoiserait-elledéçue?Elle

avait toujours su à qui elle avait affaire. Et elle avait couché avec lui en connaissance de cause. Ilsavaientpasséunenuitensemble—unenuitexplosive,inoubliable,entoutcaspourelle—etl’histoires’arrêtaitlà.

Elledevraitêtresoulagée.Alorspourquoinel’était-ellepas?—Tantmieux,commenta-t-elle.Maispourquoivoulais-tumevoir?J’aiunefouledechosesàfaire

d’icilasemaineprochaine,sijedoist’accompagnerdanslatournéedeshôtels.Amoinsquetusoisvenumedirequemaprésencen’estplusnécessaire?

Pourvuquecesoitlecas,pria-t-elle.Maisenmêmetemps,s’illuidisaitça,ellenelesupporteraitpas…Elleavaitenviedefairelatournéedesautreshôtels.Etcurieusement,elleavaitenviequeChristoslatraitecommesielleétaitunélémentimportantdugroupeChatsfield.

— Il est toujours prévu que vous m’accompagniez, mademoiselle Chatsfield. Ce que je voulaisc’était le rapport d’activité de votre service pour le mois dernier. Vous voyez de quoi je parle, jesuppose?

Asongranddam,ellesentitsesjouess’enflammer.—Biensûr.Vousavezenvoyéenvironunecentainedemémosconcernantces rapportsd’activité

mensuels.—Et,pourtant,vousnem’aveztoujourspasremislevôtre.Etvousêteslaseulechefdeserviceà

êtreenretard.Assaillie par une bouffée de colère, elle s’exhorta au calme et accrocha à ses lèvres un sourire

froid.—Danscecas,ilvautmieuxquevousmelaissiezafinquejepuisseleterminer.—Surmonbureauavantmidi,mademoiselleChatsfield,ditChristosensedirigeantverslasortie.—Avosordres,moncommandant,répliqua-t-ellesanscesserdesourire.

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Illuilançaunderniercoupd’œilpar-dessussonépauleetquittasonbureau.Dèsqu’ileutrefermélaporte,ellepritsonportableetappelaSaraNorrington.

***

Christosregagnasonbureauetclaqualaportederrièrelui.Ilsedirigeaàgrandspasverslafenêtreetcontemplaleparcdel’autrecôtédelarue.Ilavaitrarementétéaussifurieux…Etfrustré.C’étaitçaleplus surprenant. Il avait couché avec Lucilla Chatsfield — à de nombreuses reprises — la nuitprécédente, mais il n’était pas rassasié. Il avait envie de recommencer. Ce qui était inhabituel. Etinquiétant.

Il veillait à ne jamais tisser de liens avec personne. Très tôt, il avait appris que s’attacher àquelqu’un rendait horriblement vulnérable. Il avait aimé une personne dans sa vie et il avait faillisacrifier tout son avenir pour elle.Quand il pensait au visage de samère— son beau visagemeurtriinondédelarmes—etàlaragemeurtrièrequis’étaitemparéedelui,quandsonpèreétaitrentréivreencherchantquelquechoseàcogner,celaluirappelaitpourquoiilnes’autorisaitpasàéprouverlemoindresentimentpourquiconque.

Maiscen’étaitpasparcequ’ilavaitpasséunenuitdans le litdeLucillaqu’iléprouvaitquelquechosepourelle.Loindelà.Ils’étaitréveillévers4heuresetilluiavaitfalluquelquesinstantspourserappeleroùilsetrouvaitetavecqui.Elleétaitblottiecontrelui,unbraspossessifrefermésursataille,etilétaitrestéunmomentimmobileàpenseràtoutcequis’étaitpasséentreeux.

Il aimait le sexeet lesaventuresmultiples. Il avait couchéavecdes femmesplus hardies et plushabiles.Et,pourtant,àcetinstant,iln’avaiteuqu’uneenvie.Laréveilleretrecommencer.

C’était un sentiment inhabituel. Or il n’aimait pas les sentiments inhabituels. Ils étaient tropdéroutants.Ils’étaitdonclevéavecprécautionetilavaitregagnélachambred’amis,oùils’étaitrhabillédanslenoir,déterminéàs’enalleravantqu’elleseréveille.

Malgrétout, iln’avaitpaspupartirsanslacontemplerunedernièrefois.Sescheveuxétaienttoutemmêlésetils’étaitsurprisàtendrelamainpourleslissersurl’oreiller.Pourquoi?Iln’enavaitaucuneidée,maisils’étaitraviséetavaitquittélapiècesansunregardenarrière.LucillaChatsfieldn’étaitpasdifférentedesautres femmes.Sielle l’avait tant fascinéc’étaitparcequ’elle luiavaitd’abord résisté,contrairementauxautres.Dansletaxiquil’avaitramenéchezlui,ils’étaitditqu’elleauraitdésormaisune autre attitude. Que, lorsqu’il la convoquerait dans son bureau, elle arriverait en courant et qu’ilpourraitlaprendredanssesbrass’ilenavaitenvie.

Puis il avait décidéqu’il devait recoucher avec elle, juste pour s’assurer de sadocilité et de sacoopération,letempsderétablirleprestigedugroupeChatsfield.Unefoiscetobjectifatteint,ilpourraitrompreendouceuravecLucilla.

Ilavaitététrèssatisfaitdeceplan.Jusqu’àcequ’ellerefusederépondreàsaconvocation.Jusqu’àcequ’elleluidisefroidement,enleregardantdanslesyeux,qu’elleavaitétésoulagéed’avoirtrouvésonlit vide à son réveil parce que cela lui avait évité de lui demander de partir. Il avait eu l’impressiond’êtrearrivédansunmondeparallèle,danslequellesrôlesétaientinversés.

Uneimpressiondésagréable.Trèsdésagréable.Christoss’écartadelafenêtreensepassantlamaindanslescheveuxetselaissatomberlourdement

dans son fauteuil. Lucilla n’était rien pour lui. Absolument rien. Si elle voulait faire comme s’ilsn’avaientjamaisétéamants,pasdeproblème.Aucunproblème.Dumomentqu’ellerestaitefficacedanssontravail,peuimportaitcequ’ellefaisaitpendantsesloisirs—etavecqui.

Cependant,hierelleavaitreconnuquesaviesexuelleétaitinexistanteencemoment.Ill’avaitdéjàcomprisavantqu’elleleluidise.Ellefaisaitpassersontravailavanttoutlereste.

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Ehbienluiaussi.Ilétaitlàpouraccomplirunemissionetc’étaitcequicomptaitleplus.Ilyavaitlongtempsqu’ilaccordaitlaprioritéautravail.Danslecentrededétentionpourmineurs,ils’étaitjurédene plus jamais laisser ses émotions lui dicter ses actions. Au début, il avait dû se battre presquequotidiennement pour imposer son autorité,mais une fois qu’il n’avait plus rien eu à craindre de sescodétenus,ilavaitconsacrétoutsontempsàliredanslabibliothèque.

Lorsqu’ilavaitétélibéré,àdix-huitans,ilavaittoutchangédelui-même—sonnom,sonaccent,sesmanières, son éducation—et il était devenu quelqu’un d’autre. Il n’avait aucune raison de resterceluiqu’ilavaitété.Samèreétaitmorteetsonpèreétaituneordurequinerisquaitplusdesefrotteraufilsqu’ilavaitbattusauvagementplusd’unefois.

Apartirdecejour,iln’avaitplusjamaisregardéenarrière.Christos se frotta la tempe tout en parcourant les rapports affichés sur l’écran de son ordinateur.

Certes,parfois ilavaitdescauchemars. Il ressentaitdenouveau lapeuret la ragequi l’avaientétreintcettefameusenuitchezsesparents,ettouteslesautresnuitsquandsonpèreétaitrentréivre,aprèss’êtreremis à boire pour la énième fois. La vie familiale se partageait entre périodes de calme et crisesépouvantables.C’étaientcescrisesquiavaientfaçonnél’hommequ’ilétaitdevenu.

Etc’étaientcescrisesqui restaientgravéesdanssamémoire,malgrésaréussite.L’enfantbattuetrévoltéqu’ilavaitétérevenaitdanssesrêves.Etilavaitbeauluiassurerquetoutallaitbiensepasser,cetenfantnepouvaitpasl’entendre.Prisonnierdesapeuretdesacolère,ilcommettaitdesactesqu’iln’auraitpasdûcommettre.

L’Interphonesonna.Christospressaleboutond’ungesteimpatient.—Qu’ya-t-il?LetondeSophieétaitd’uneneutralitétrèsprofessionnelle,maisilsavaitqu’ellenel’appréciaitpas

particulièrement. Surtout depuis qu’il l’avait envoyée à Chatsfield House avec pour mission deconvaincreNicolod’assisteràl’assembléedesactionnaires.Elleétaituneautrefemmedepuissonretour.Maiselleavaitréussil’impossibleetc’étaittoutcequicomptaitpourlui.

L’impossibleétaitsaspécialité,aprèstout.—MlleChatsfieldestlà,monsieur.Ellevoudraitvousvoir.Uneboufféed’excitationassaillitChristos,àsongrandagacement.—Faites-laentrer.—Bien,monsieur.Laportes’ouvrit surLucillaet il restaun instant sansvoix.Lorsqu’elleétaitassiseà sonbureau

quelques instants plus tôt, il n’avait vu que son chemisier blanc. Sa jupe crayon noire n’avait rien desurprenant,maisces talonsaiguilles léopard…Ils faisaientparaîtreses jambesplus interminablesquejamais.Desjambesquis’étaientnouéessursesreinsàplusieursreprisesaucoursdelanuit…

Transpercéparuneflèchededésir,Christoseuttouteslespeinesdumondeàprendreunairdétaché.—Qu’ya-t-il,mademoiselleChatsfield?Pasquestiondeselever.Elleremarqueraitimmédiatementl’éveildesavirilité…Ellefermalaportederrièreelleets’avançajusqu’àsonbureau.—Jeveuxquevouspartiez,dit-elled’unevoixcalme.—Cen’estpasunsecret,Lucillamou.—Je suis sérieuse,Christos.Cette foisvousvousenallez.Appelezmonpèrepour luiprésenter

votredémission.Etensuite,disparaissezdemonentrepriseetdemavie.Unfrissond’inquiétudecourutsurlanuquedeChristos.Ilselevalentementetplongeasonregard

dansceluideLucilla.— Je crains de ne pouvoir vous donner satisfaction, mon ange. Je ne partirai pas tant que ma

mission ne sera pas accomplie. Si ce qui s’est passé cette nuit vous pose soudain un problème deconsciencej’ensuisnavré,maisçanechangerien.Jesuisicipourrester.

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Soutenantsonregard,ellerelevalementon.— Vous allez devoir reconsidérer votre réponse. Ou bien expliquer dans quelques jours aux

actionnairesquiestNikosStavrou.Ilsentitsonsangseglacerdanssesveines,maisilrestaimpassibleetdemandad’unevoixsuave:—Etquiest-ce,selonvous?Elledéglutitpéniblement.—C’estuncriminel.Etc’estvous.

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8.

Lucillaavaitencoredumalàcroirecequ’ellevenaitd’apprendre.Curieusement,elleneressentaitaucunesatisfaction.Certes,elleespéraittrouveruneinformationquiluipermettraitd’obligerChristosàquittersonposte,maisça…non,ellenes’yattendaitpas.

Lesyeuxétincelants,ilétaitvisiblementfurieuxmaispasintimidé.—J’ignorecequevouscroyezsavoiràmonsujet,Lucillamou,maisriendecequevouspourrez

direnemeferapartir.Elledéglutitpéniblement.Cettenuitilavaitétéunamantfantastique,àlafoistendreetfougueux,qui

luiavaitfaitvivredesmomentsd’uneintensitéinouïe.Maisiln’étaitpasceluiqu’ellecroyait.Cen’étaitpasl’hommecharmantetraffinépourlequelilse

faisaitpasser.C’étaitunhommeviolent,uncriminel.Entoutcas,ill’avaitété.—Vousavezfaillituerunhomme,déclara-t-elle,lagorgenouée.Votreproprepère.LestraitsdeChristossefigèrentenunmasquefroidetsonregarddevintvide.LecœurdeLucillase

serradouloureusement.C’étaitpirequetout.Elleauraitpréféréqu’il resteencolère.Oumieuxencorequ’ilexprimedesremords.Qu’ilreconnaisseuneerreurdejeunessequil’avaitpousséensuiteàdevenirunhommemeilleur.

Maiscette impassibilité…C’était insupportable.Ellesesentait trahieet triste.Si triste.Quiétaitl’hommeavecquielleavaitvécuunenuitdepassion?Elleneparvenaitpasàoublier sonairhagardlorsqu’ilavaitouvertlaportedelachambred’amisaprèssoncauchemar.Ilsemblaitsiseul,siperdu…Maisquellienavecl’hommedontellevenaitdedécouvrirlepassé?

—Eneffet,acquiesça-t-ild’unevoixmorne.Etj’aipurgémapeine.Ellecroisaétroitementlesbras.—Maisvousl’avezcaché.Etvousavezchangédenom.LacolèrecrispabrièvementlestraitsdeChristos.—Biensûr.J’étaisunenfantetj’aicommisuneerreur.Suis-jecensélepayertoutemavie?—Maisvotrepère…Elle-mêmeéprouvaitdessentimentscontradictoirespoursonpère,maispaslegenredehainequi

pourraitlapousseràletuer.—Cen’estpasparcequ’unhommefaitunenfantàunefemmequ’ildevientforcémentpère.—Cen’estpasuneraisonpourfairecequevousavezfaitauvôtre,murmura-t-elle.Elleavaittoujoursdumalàcroirecequeluiavaitrapportéladétective.NikosStavrouavaitpasséquatreansdansuncentrededétentionpourmineursaprèsavoirfaillituer

sonpère.Certes, lavien’était pas rose chez lesStavrou.Lepèrebuvait et il n’était pas rareque les

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voisins appellent la police à cause de querelles domestiques.Mais de là à frapper son père avec ungourdinaupointdel’envoyeràl’hôpitalpendantdeuxmoisetdelelaisserinvalideàvie?

L’estomacdeLucillasenoua.Direquec’étaitlemêmehommequil’avaitcaresséetendrementcettenuit…

—Jen’aipasl’intentiondediscuterdeçaavecvous,Lucilla.Çanevousregardepas.Elle sentit sa gorge se serrer. Même si elle était horrifiée par ce qu’il avait fait, elle avait le

sentimentd’avoirététroploinensoulevantleproblème.Maisellen’avaitpaslechoix.Ellenepouvaitpaslaisserunhommecommeluidirigerl’entreprisefamilialeets’érigerenjugedetoutlemonde.

— En effet, mais ça regarde le groupe Chatsfield. Et je veux que vous partiez. Démissionnez,Christos.Appelezmonpèreetannoncez-le-lui.

LesyeuxdeChristoslancèrentdesétincelles.—Jen’aipaspeurdevous,Lucilla.— Je vous laisse jusqu’à l’assemblée des actionnaires. Si vous n’êtes pas parti d’ici là, j’aurai

beaucoupdechosesàdirequandviendramontourdeprendrelaparole.—Quellesalegarcevousêtes.Sisûredevotresupérioritémorale.Siméprisante.Maisn’oubliez

pasquejevousaientenduecrierdeplaisir.Jevousaientenduemesupplier,Lucilla.Encoreetencore.Elledéglutitpéniblement.—C’étaitavantquejesache…—Vousmesupplieriezdenouveau,ici,maintenant,sijevousembrassais.N’oubliezjamaisça.Ellereculad’unpas,lecœurbattantàtoutrompre.S’ilfaisaitletourdubureauetlaprenaitdans

sesbras,ilrisquaitdeprouverqu’ilavaitraison,malheureusement.Parcequetoutaufondd’elle-même,ellegardaitlesouvenirdel’hommeperduqu’elleavaitréconfortéenletenantcontreelledanssesbras,avantqu’ilstrouventrefugedanssonlit.Cettenuit,pendantquelquesheures,ilsn’avaientplusétéseulsnil’unnil’autre.

Uneillusion,sedit-elleaussitôt.Christosavaitdissimulésonpasséetsavéritableidentité.Ilétaitparfaitement capable de lui avoir joué la comédie cette nuit. De lui avoir donné l’illusion qu’ilspartageaientquelquechosedespécial,alorsquepourluilesfemmesétaientinterchangeables.

—L’assemblée,Christos, rappela-t-elleensedirigeantvers la sortie.Donnezvotredémissionetvouspourrezdirecequevousvoudrezauxactionnaires.Quevousavezreçuuneautreproposition,parexemple.Çam’estégal.Maissivousnedémissionnezpas…

Impossible de regarder plus longtemps son visage crispé par la rage, la frustration — et leregret ?— sans avoir envie de se précipiter vers lui et de le prendre dans ses bras… Elle ouvritprécipitammentlaporteetquittalebureau.Unefoisderetourdanslesien,tremblanteetoppressée,elleprit conscience que ses joues étaient mouillées. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas pleuré. Silongtemps…Se laissant tomber dans son fauteuil, elle enfouit son visage dans sesmains et éclata ensanglots.

***

La sonnerie de son portable fit tressaillir Lucilla. C’était le soir et elle s’était assoupie sur soncanapé avec, éparpillés autour d’elle, des documents sur lesquels elle avait tenté en vain de seconcentrer.Ellecherchasonportableàtâtonsetletrouvasousunepiledefeuilles.Christos.Soncœurseserra,puis,inexplicablement,segonfladejoie.

—Oui?dit-elled’unevoixmalassurée.—Ilfautquejevousparle.—Vousêtesentraindelefaire.—Faceàface,Lucilla.

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—Jeseraiàmonbureaudès8heuresdemainmatin.—Maintenant.—Alorsautéléphone.C’estçaourien.Ilsoupira.—Trèsbien.Jeveuxsavoircommentvousavezobtenucetteinformation.—J’aiengagéquelqu’un,répondit-elle,lecœurserré.—Biensûr.Ç’adûvouscoûterunefortune.LetonfroiddeChristosaccrutledésarroideLucilla.— J’ai de l’argent. Vous le savez bien puisque mon père vous a confié la responsabilité de la

fiduciefamiliale.—Exact.Maisj’aidumalàcomprendrequevousn’ayezpasachetéleportraitdevotremère,mais

quevousayezdépenséunefortunepourvousrenseignersurmoi.Mehaïssez-vousdoncàcepoint?Elle sentit sa gorge se nouer. S’abstenir de faire une offre pour le tableau avait été un sacrifice

nécessaire. Alors pourquoi se sentait-elle coupable, tout à coup ? Et pourquoi était-il si douloureuxd’entendrelavoixdeChristos?

—Jenevoushaispas.Jeveuxjustelaplacequimerevientdansmonentreprise.—Ce n’est pas votre entreprise. C’est celle de votre père. Et de vos frères et sœur. Elle vous

appartientàtous.Etjesuislapersonnelapluscompétentepourluifaireretrouvertoutsonprestige.—Jesuiscompétente.—C’estvrai.Maisvousmanquezd’expérience.J’airemisplusd’entreprisessurpiedquevousne

pouvezl’imaginer.Maisallez-y,Lucillamou.Prenezleschosesenmain.Elleretintuneexclamationdesurprise.—Vousdémissionnez?—Vousêtescontente?Oui.Etnon.Bonsang!—Biensûr.Elleinspiraprofondément.—Jenedirairienàpersonne,Christos.Vousavezmaparole.Jevaisdéchirerlerapport.Ellecrutentendreunrireétouffé.— Vous êtes dure, mon ange. Le groupe Chatsfield est à vous. Laissez-le péricliter. Ça m’est

complètementégal.—Jenecherchepasàvousblesser,murmura-t-elle.—Meblesser?répéta-t-il,visiblementsurpris.Vousn’enavezpaslepouvoir,Lucilla.Ilraccrochaetellerestaunlongmomentimmobile,l’appareilcontresonoreille,avecunsentiment

devideinsupportable.

***

Les jours suivants, Lucilla ne ressentit aucune satisfaction à l’approche de l’assemblée desactionnaires.LaplupartdutempsChristosfaisaitcommes’ilnelavoyaitpas.Etquandilluiarrivaitdeposer lesyeuxsurelle, son regardétaitglacial.Ellen’avaitparléàpersonnedurapport.MêmepasàAntonio.Sanstropsavoirpourquoi,ellepréféraitattendrepourluidonnerl’information.Detoutefaçon,iltravaillaittoujoursaurachatdeshôtelsKennedyetilvalaitmieuxéviterdeledistraire.CetteopérationconsolideraitsapositionlégitimededirectricegénéraleunefoisqueChristosseraitparti.

UnefoisqueChristosseraitparti.Pourquoi cette perspective ne la réjouissait plus comme autrefois ? se demanda-t-elle, furieuse

contreelle-même.Pourquoiétait-elleaussisentimentale?Parcequ’ilsavaientpasséunenuitensemble?

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Parcequ’ellel’avaitvuvulnérableethumain?C’étaitridicule.Ellen’avaitaucuneraisond’éprouverdelacompassionpourlui.

Laveilledel’assembléedesactionnaires,elletravaillatardàpeaufinersonplandedéveloppementde l’entreprise. Après le départ de Christos, son père risquait de vouloir engager quelqu’un pour leremplacer,mais ellen’avaitpas l’intentionde lui en laisser l’occasion.Elle allait luiprouverqu’elleétait prête à prendre la direction du groupe. Son projet serait si convaincant qu’il comprendrait enfinqu’elleétaitàlahauteurdelatâche.

Lorsqu’elle eut terminé, elle éteignit sonordinateur et consulta samontre. Il était unpeuplus de20heures.Réprimantunbâillement,ellese leva,rangeatoussesdossiersdanssonporte-documentsetquitta sonbureau.EnpassantdevantceluideChristos, ellevitque laporteétaitouverteet la lumièreallumée.Sonpremierréflexefutdepoursuivresoncheminsansbruit,puiselleseravisa.Redressantlesépaules,elles’avançajusqu’auseuildelapièce.

Christoslevalatête.—Ah,Lucilla,entrez.Ilselevaetsedirigeaverslebuffetdestyleédouardien,aménagéenbar.—Prenezunverreavecmoi.—Jenedevraispas,objecta-t-elle,assailliederemords.—Justeun.Pourporteruntoastàl’avenir.Votreavenir.Elleentradanslebureauàcontrecœur.—Justeun.Commentrefuser,alorsqu’elleavaitobtenucequ’ellevoulait?Elleavaitgagné.Ellel’avaitchassé

desonentrepriseetsavictoireseraitentérinéedemain.Christosversadelavodkadansunverre,puisajoutadutonicetuneécorcedecitron.—C’estvotreapéritiffavori,n’est-cepas?dit-ilenluitendantleverre.—Oui,répondit-elle,stupéfaite.Ilavaitremarqué?— J’observe, Lucillamou, déclara-t-il, visiblement conscient de sa surprise. Vous buvez de la

vodkatonic,dupinotgrisetducabernetsauvignon,ainsiquedumalbecdetempsentemps,pourchanger.Cesontvosboissonspréférées.

Elleposasonporte-documentsdansunfauteuil.—Eneffet,acquiesça-t-elleavecembarras.Desoncôté,elleseraitincapablededirequellesétaientlessiennes.Ilavaitbuduvin,lesoiroùils

avaientdînéensemblechezelle,maisellenesavaitpascequ’ilaimait.Ilseservitunwhisky.Ehbien,elle avait déjà une partie de la réponse, songea-t-elle. Mais aussitôt son cœur se serra. Quelleimportance,àprésent?

Illevasonverre.—Avous,Lucilla.Vousavezgagnélabataille.—Jesuisdésolée,Christos,sesurprit-elleàrépliquer.Ilhaussalesépaulesetbutunegorgée.Puisils’appuyacontrelebuffet,lesyeuxfixéssurelle.—Vousnebuvezpasàvotretriomphe?Acetinstantprécis,ellen’avaitpasvraimentenviedeboiredel’alcool.L’estomacnoué,elleavait

l’impressiond’êtreredevenueunefilleàpeinesortiedel’enfance.Unefilleangoissée,inquiètepoursafamilleetquinesavaitpascommentarrangerleschoses.Elleavaitfaittoutsonpossible,maiscelaluiavaitbeaucoupcoûté.Sesrêves,sonindépendancependantlongtemps,etmêmesasanté,lorsqu’elleavaiteuunulcèreàdix-septans.

Maislesannéesavaientpasséetellen’avaitplusd’ulcère.Lavodkaluibrûlalagorge.Ellefaillittousser,maiselleseretint.Lorsqu’elleeutfinisonverre,elleleposasurlebureau,puisellerepritson

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porte-documents. Ses jambes flageolaient, constata-t-elle avec agacement. Il fallait vraiment qu’ellesurveille son alimentation. Elle ne pouvait pas continuer à se nourrir de boissons énergétiques et depâtisseries—etun fruitde tempsen temps—siellevoulait tenir lecoupauxcommandesdugroupeChatsfield.

—Jesuisdésoléequeçasepassecommeça…Avait-ellevraimentdumalàarticuleroubienétait-ceune impression?Elleporta lamainà son

front.Christoslarejoignit.—Sivousvousasseyiezuninstant.Vousêtestoutepâle.Il l’installa dans le fauteuil et elle se laissa aller contre le dossier. Elle n’avait qu’une envie.

Dormir…Christosl’observait,lefrontplissé.—Excusez-moi.Jesuisépuisée.—Ehbien,fermezlesyeuxetreposez-vous.Elles’efforçadegarderlesyeuxouvertsettentadeselever.—Non,ilfautquejerentrechezmoi.J’aiencoredestasdechosesàpréparer.LamaindeChristosseposasursonépauleetlarepoussadoucementcontreledossier.—Dormez,glykiamou.Quandvousvousréveillerez,toutiramieux.

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9.

Lucillaseréveilladansunlit.Ellerestaunmomentimmobile,l’espritembrumé.Commentétait-ellearrivéelà?Enquittantsonbureau,elles’étaitarrêtéepourboireunverreavecChristos.Aprèsça,ellene se souvenait de rien.La fatigue, sans doute.Elle avait dû prendre un taxi pour rentrer chez elle ets’écroulerdanssonlit.

Elleseredressasuruncoudeetsonpoulss’accélératoutàcoup.Aquoipensait-elle?Aujourd’huic’étaitl’assembléedesactionnaires!Cen’étaitvraimentpaslejouroùarriverenretard.Christosallaitannoncersondépartetilfallaitqu’ellesoitlàpourprendrelarelève.

Elle rejeta lescouverturesd’ungestevifet se leva.Puiselle s’immobilisa,décontenancée.Cettechambreneluisemblaitpasfamilière…Lesstoresétaientfermés,maislalumièrefiltraitàtravers.Lesstores?Ellen’avaitpasdestores!Lecœurbattantàtoutrompre,Lucillaseprécipitaverslafenêtrelaplusprocheetrelevalestore.

Aveuglée par le soleil, elle cligna les paupières pendant quelques secondes avant de distinguerquelquechose.Ellesecoualatêteaveceffarement.Etait-ellevictimed’unehallucination?Partoutoùsonregardseposait,iln’yavaitquedubleu.Unétageplusbas,unegrandeterrasseaboutissaitàunepiscineàdébordement,etau-delàonnevoyaitquelamerjusqu’àl’horizon.Uneboufféedepaniquel’assaillit.

Pivotant sur elle-même, elle courut jusqu’à la porte. Mais lorsqu’elle voulut l’ouvrir, celle-cirésista. L’angoisse lui noua l’estomac, puis laissa très vite place à la colère. Elle ignorait où elle setrouvait,maiscen’étaitpasenAngleterre.Detouteévidence,quelqu’unl’avaitkidnappéeetéloignéedeLondresavantl’assembléedesactionnaires.

Christos,bienentendu.Quid’autre?Maisoùl’avait-ilenvoyée?Etcommentallait-elles’yprendrepours’échapperetretournerauChatsfieldpourlemettredehorsunefoispourtoutes?Touteslesfenêtresétaientbloquéesellesaussi,constata-t-elle.Ellepourraitpeut-êtrebriserunevitreàl’aided’unfauteuil.Maisàquoicelal’avancerait-ilsielleseblessait?Danslaréalité,casserdescarreauxn’étaitpasaussifacilequeçaenavaitl’airaucinéma.

Ilyavaituntéléphonesurlatabledenuit…Elledécrocha.Pasdetonalité!Ellereposalecombinéd’ungesterageur.Aumêmeinstant,ellevitlapoignéedelaportetourner.Déglutissantpéniblement,elleregarda la porte s’ouvrir lentement. Et resta un instant bouche bée. Elle ne savait pas à quoi elles’attendait,maiscertainementpasàça…

—Christos?Ilavaitunplateaudanslesmainsetunebonneodeurdenourriturefitgargouillersonestomac,mais

elleétaittropfurieusepourmanger.—Bonjour,Lucilla.Jesupposequetuasbiendormi?Ellecrispalespoings.

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—Oùsuis-je?Qu’as-tufait?demanda-t-ellealorsqu’ilposaitleplateauaupieddulit.Puiselledécidadenepasattendrelaréponseetseprécipitahorsdelapièce.Aprèsavoirdescendu

un escalier, elle arriva dans un salon spacieux et inondé de lumière, ayant lui aussi vue sur la mer.Cependant,depuiscecôtédelamaisononapercevaitégalementunvillageetunportencontrebas.Lesmaisonsétaientd’uneblancheuréclatanteetlesolautourvisiblementvolcanique.Desrocherss’élevaientàpicau-dessusdelameretonapercevaitaulargedesîlespluspetitesparseméesdevert.

Elle se retourna.Christos était derrière elle, lesmains dans les poches. Ses yeux, fixés sur elle,étaientdumêmebleuquelamer.

—LaGrèce?Tum’asamenéeenGrèce?dit-elle,aucombledelaconfusion.Ilhaussalesépaules.—Tunem’aspaslaissélechoix.Ellepassalamaindanssescheveux.Puiselleaperçutsonrefletdansunmiroir,àl’autreboutdela

pièce.Lescheveuxébouriffés, le teintpâle,elleportait justeuneculotteetunT-shirtpourtouriste,quiproclamait«ICéphalonie».

—Jenet’aipaslaissélechoix?Christos,tum’askidnappée!Ellecompritsoudaincommentils’yétaitpris.—Tum’asdroguée!—Commejeviensdeledire,tunem’aspaslaissélechoix.Lesyeuxnoyésdelarmes,ellesecoualatêteavecvigueur.Direqu’elleavaitvoulucroireenlui…

Non,elleavaitcruen lui.Elles’étaitditqu’ilavaitcommisuneerreurde jeunessequidataitde loin.Qu’il n’était plus un enfant et qu’il n’était pas violent. Mais il était malhonnête. Et peut-être était-ilégalementviolent,enfindecompte.Qu’ensavait-elle?L’estomacdeLucillasenoua,maisaussitôtsoncœurlarassura.Non.Ilneluiferaitpasdemal.Ilavaitététrèsattentionnéettrèstendrelanuitoùilsavaient fait l’amour.Or rien ne l’y obligeait. Et après son cauchemar, il était si vulnérable…Elle nepourraitjamaisl’oublier.Maisqu’ilaitosélakidnapper…Çadépassaitl’entendement.

—Jeveuxpartir.Toutdesuite.—Tupeuxpartirquandtuveux,Lucilla.Maisjetedemandederester.Ellecroisalesbras.—Pourquelleraisonresterais-je?Commentveux-tuquejetefasseconfiance?Tum’asenlevée!—Tumenaçaismacarrière.Etlaviequej’aiconstruiteàlasuitedetouslesévénementsquiont

faillimedétruire.—Pasdutout.Jet’aiditquejen’enparleraisàpersonne.Jet’aipromisdedétruirelerapport!LamâchoiredeChristossecrispa.—Etjedevraistecroire?Tuétaisprêteàmedénoncerauxactionnairessijenefaisaispasceque

tu réclamais !Commentpuis-je être sûrque tuneme soumettraspas àunnouveauchantageplus tard,quandtuestimerasquejesuisdenouveauunobstacleàtacarrière?

—Jeneferaisjamaisça.Christoseutunrireamer.—Biensûr…Sijetravaillechezungroupeconcurrentetqu’unjourilmenaceletien,tun’utiliseras

pasceque tu sais surmoipourm’obligerà fairemachinearrière?Commentpourrais-je te laisserenpossessiond’unearmeaussiredoutable,sanst’obligeràprendreconnaissancedetouslesdétailsdemonpassé?Siensuite tues toujoursdéterminéeàmedétruire, tantpis.Maistuneleferaspassanssavoirexactementcequetuasdécidédedétruire.Tumedoisbiença.

—Jenetedoisriendutout,objecta-t-elleenréprimantleremordsquimenaçaitdel’assaillir.Pourquoi lui devrait-elle quelque chose ? Il n’avait rien fait pour elle. Il l’avait droguée, puis

kidnappée!Ilarquaunsourcilnarquois.

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—Vraiment ?Neconnaîtrais-tupas lemontantdemon indemnitédedépart,Lucillamou ? Si jepars, comme tu le souhaites si ardemment, le groupe Chatsfield devra me verser une indemnitéimportante.Pasaussiélevéequesitumelicenciaisofficiellement,maisasseztoutdemêmepourgreverlebudgetdel’entreprise.Resteiciavecmoi,acceptedevoircequej’aiàtemontreretjeneprendraipasunpenny.

Elledéglutitpéniblement.Pourquoin’avait-ellepaspenséàsonindemnitédedépart?C’étaituneerreurdesapart.LecontrataccordéparsonpèreàChristosneprévoyaitsansdoutepasuneindemnitédépassant les limitesdecequ’ilspouvaientpayer,mais il étaitpossiblequ’elle lesobligeàcertainesrestrictions budgétaires pendant quelque temps. Mais si elle acceptait de rester et de faire ce qu’ilvoulait,elleneluidevraitplusrien.Çavalaitlapeine.Cependant,ill’avaitenlevée.Commentoublierça?

—Pourquoinem’as-tupasdemandéçaàLondres?Pourquoias-tuéprouvélebesoindem’amenericicontremongré?

Il la regardacommesielleétaitstupide.Etàvraidire,elleavaitpresque l’impressionde l’être.Elleneraisonnaitpascommelui.Elleétaitincapablededuperie.

—Tum’auraisriaunez,déclara-t-ilsèchement.Tupensaisavoirtouslesatoutsenmain.—J’avaisréellementtouslesatoutsenmain.Sinontuneseraispasalléjusqu’àm’enlever.—Touché,Lucilla.Tucommencesàcomprendrelesrèglesdujeu.Eneffet,tuavaistouslesatouts

enmain.Ettun’auraisjamaisacceptédemesuivrejusqu’ici.—Tum’asdroguée!—Oui.Avecunedrogueinoffensive,uniquementdestinéeàt’endormir.—Tum’asdéshabillée.Tuauraispumefairen’importequoi!LedégoûtquisepeignitsurlevisagedeChristosserralecœurdeLucilla.—Premièrement,jenesuispasenmanqueaupointd’abuserd’unefemmedroguée.Deuxièmement,

jenet’aipasdéshabillée.C’estlagouvernantequis’enestchargée,avecl’aidedesafille.Lucillapromenaunregardfurtifsurlapièce.C’étaitdéjàassezembarrassantd’êtredanscettetenue

devantChristos.Ellen’avaitaucuneenviedevoirsurgirlesinconnuesquil’avaientdéshabillée…—Ellessontrepartieschezelles.Lagouvernanteestjustevenueouvrirlamaisonets’occuperde

toi.—Depuiscombiendetempssuis-jeici?—Noussommesarrivéstôtdanslamatinée.Aprésentilestmidi.—Tuasmanquél’assembléedesactionnaires.Christoshaussalesépaules.—Reportéeàladernièreminute.Gênantpourtoutlemonde,maisinévitable.Ilss’enremettront.—Oùsommes-nouscensésnoustrouver?—Nous sommespartis pour la tournée prévue.En cemoment, nous visitons diverses propriétés

pourdenouveauxinvestissementséventuels.—Dansquelleîlesommes-nous?—C’estécritsurtonT-shirt.—Jecroyaisquetuétaisd’Athènes.—J’yaivécu,maisjesuisoriginairedeCéphalonie.Tudevraislesavoir,étantdonnéleprixquetu

aspayépourterenseignersurmoi.Elledéglutitpéniblement.—Lerapportconcernaitseulement lecentrededétentionet laraisonpour laquelle tuyavaisété

envoyé.—Jevois.L’estomacdeLucillagargouillaetelleeutunvertige.Elles’appuyaaudossierd’unfauteuil.

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—Ilfautquetumanges.Christosluipritlebras.Elletentadesedégager,maisilaccentualapressiondesesdoigts.—Soisraisonnable,Lucilla.Illaraccompagnadanslachambreetl’installaàlatablesurlaquelleilposaleplateau.Ellen’avait

aucuneenvied’êtredocile,mais ellemouraitde faim.Elle souleva le couvercleposé sur l’assiette etsalivaà lavuedesœufsau jambonaccompagnésde toasts.Christosversaducafédansune tasseetyajoutadelacrème.Elles’efforçademasquersasurprise.Décidément,ilétaittrèsobservateur.Ilsavaitaussicommentelleprenaitsoncafé.

—Vais-jemerendormirsijeboisça?—Non,répondit-ilenposantlatassedevantelle.Ellelapritethumasoncontenu.L’odeurducafésemblaitnormale.—Tucomprendrasquejenetefassepasentièrementconfiance.C’estmonpremierenlèvement.—Moiaussi,répondit-ild’untonpince-sans-rire.Asongranddam,elledutseretenirpournepaspouffer.—Pourquoilaporteétait-elleverrouillée?—Parcequejenevoulaispasquetu t’aventuresdehorsavantquej’aieeule tempsdeteparler.

Désormais,elleresteraouverte.—Letéléphonenemarchepas.—Eneffet.—Oùestmonportable?—C’estmoiquil’ai.—Jeveuxlerécupérer.—Mange,Lucilla.Réfléchisàmaproposition.Jetedemandejustederestericipourécouterceque

j’ai à te dire et voir ce que j’ai à temontrer. Tu récupéreras ton portable quand tum’auras donné taréponse.

—Etsic’estnon?—Alorsilfaudrapuiserdanslescoffres,glykiamou.Parcequejeréclameraimonindemnité.—Jepourraistemenacerderévélercequejesaisàtonsujet.—Tupourrais.Maisçanetedispenseraitpasdemeversermonindemnité.Ilindiqualavue.—Mange.Profitedupaysage.Etviensmevoirquandtuaurasprisunedécision.Surcesmots,ilquittalapièce.Ellerestauninstantlesyeuxfixéssurlaporterestéegrandeouverte.

Puiselledévoralesœufsaujambon.

***

Deboutsurlaterrasse,Christosregardaitlamer.IlnerevenaitpassouventàCéphalonie,mêmes’ilyavaitachetécettemaison,symboleducheminqu’ilavaitparcouru.Lefilsdepêcheurétaitaujourd’huiassez richepouracheterson îlenatales’ilenavaitenvie,mais ilgardait surtout lesouvenirdes joursheureuxqu’ilyavaitpassésquandilétaitenfant.AvantquesonpèrelesemmènesamèreetluiàAthèneset tente de changer demétier.Depuis qu’il était devenu adulte, il gardait soigneusement ses distancesavec les autres, se moquant de ce qu’ils pouvaient penser de lui. Mais avec Lucilla il s’était passéquelquechosedetoutàfaitinhabituel,lanuitoùilétaitalléchezelle.Iln’étaitpasamoureux—pasdutout !—,mais il était attiré par elle comme il ne l’avait jamais été par personne d’autre. Or, ça lepoussait à se comporter d’unemanière extravagante, dont il n’était pas fier. Oui, c’était son premierenlèvement…

—J’acceptetaproposition.

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Ilseretourna.Lucillasetenaitàlalimitedelaterrasseetdusalon.Sescheveuxmouilléstombaientlibrement dans son dos et son visage était débarrassé de toute trace de maquillage. Le jean et ledébardeurdesoiequ’elleportaitprovenaientdelasériedevêtementsqu’ilavaitfaitenvoyerd’Athènes.Ilsluiallaientparfaitement.Elleétaitsplendide.

—J’ensuisheureux,répliqua-t-il.Ellehaussalesépaulesetavançasurlaterrasse.—Jen’avaispasvraimentlechoix.Çanemecoûteriend’écoutertesexplicationsetdevoirceque

tuasàmemontrer.Maisçaneremetpasenquestiontondépartdugroupe,Christos.—Commetuveux.Elle le rejoignit, et avant qu’il ait le temps de deviner son intention elle lui assena une gifle

retentissante. La joue en feu, il crispa les poings. Pas question de lui rendre sa gifle. Il ne frapperaitjamaisunefemme,quellesquesoientlescirconstances.Maisilyavaitlongtempsqu’iln’avaitpasreçudecoupetc’étaituneexpériencetrèsdéstabilisante…

—Ça,c’estpourm’avoirdroguée,commenta-t-elled’unevoixvibrantdecolère.Commentas-tuosé?

Cédantàuneimpulsionirrésistible,illapritdanssesbrasets’emparadesabouchedansunbaiserrageur.Voilàunebonnemanièredelapunir.Maisquipunissait-illeplus?sedemanda-t-ilalorsqu’uneflèchededésir le transperçait. Il serraLucillacontre lui à l’étoufferet approfondit encore sonbaiser.Curieusement, elle ne le repoussait pas. Elle lui répondait même avec ardeur… Il fallait qu’il seressaisisse avant de perdre complètement le contrôle de lui-même.Avant de la renverser par terre etde…Ils’arrachaàsabouche.Elleavaitlevisageenfeu,leslèvresgonfléesetlesoufflecourt.Danssesyeuxétincelants,ledésirsemêlaitàlacolère.

—Ça,c’estpourm’avoirgiflé,murmura-t-il.Elleleregardauninstantsansriendire,puiselles’éloignad’unedémarchenonchalante,commesi

derienn’était.—Maintenantqueceproblèmeestréglé,onvapouvoirpasseràautrechose.Son ton était désinvolte,mais sa voix tremblait légèrement…De toute évidence, elle n’était pas

aussiindifférentequ’ellevoulaitleparaître.Acettepensée,Christossentitsoncœursegonflerd’unejoieridicule.Lucillas’immobilisaauborddelapiscine,lesyeuxfixéssurlamer.

—Mercipourlesvêtements,lança-t-ellepar-dessussonépaule.Jenesuismêmeplussurprisequetuconnaissesmesgoûtsdanstouslesdomaines.Etmataille,apparemment.

—Jefaisattentionauxdétails,Lucilla.C’esttout.Elleseretournaverslui.L’éclatdesesyeuxn’étaitplusdûàlacolèremaisàautrechose,constata-

t-il.Déception?Confusion?Elleseressaisittrèsvite.—Tuestrèsimpressionnant.Pourmapart,jeseraisincapablededirecequetuaimesmangerou

boire.Etencoremoinsquelleesttapointure.—Tuasdînéunefoisavecmoi.Tudoisaumoinssavoircequej’aimangécesoir-là.AlagrandesatisfactiondeChristos,Lucillas’empourpra.—Oui,jem’ensouviens.—Ettuconnaisdestasdechosesmeconcernant.Bienpluspersonnellesquemapointure.Ellerelevalementon,maiselleévitasonregard.—Jen’avaispaslechoix.Jesuisprêteàtoutpourprotégermonhéritage.Ileutunemouededérision.—Cen’estpasaurapportquejefaisaisallusion.

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10.

Lucilla sentit son cœur s’affoler, tandis qu’une vive chaleur envahissait tout son corps.Oui, elleconnaissaitdestasdechosesconcernantChristos.Desdétailsquin’avaientrienàvoiraveclerapportdeladétective.Legoûtdesesbaisers.L’odeurdesapeau.Sesgémissementsquandellehonoraitsavirilitéavecsabouche.Savoixrauquelorsqu’ilmurmuraitsonnomàsonoreille.Satendresse,sapassion,soninsatiabilité…Etàprésentqu’illeluiavaitrappelé,ellenepouvaitpluspenseràautrechose.

—C’étaituneerreur,murmura-t-elle,lagorgenouée.Commentoublierqu’ilavaitpresquetuéunhomme?Qu’ill’avaitdroguéeelle,puisenlevée?—Peut-être,maisc’estuneerreurquetun’aspashésitéàrépéterencoreetencore,cettenuit-là.Ilpromenasurelleunregardquiluidonnal’impressiond’êtreentièrementnue.—Combiendefoisas-tusombrédansleplaisirencriantmonnom?Tunet’enlassaispas,glykia

mou.Neprétendspaslecontraire.—Cen’étaitquedusexe.Riendeplus.—Là-dessusjesuisd’accord.Cen’étaitquedusexe.Maisbrûlant,explosifetaddictif.UnechaleurliquideserépanditentrelescuissesdeLucilla.Ohoui,tellementbrûlant,explosif,et

addictifqu’elledonneraitn’importequoipourrecommencer…Avantqu’elleaitletempsderéfléchiràunerépliquedésinvolte,Christosquittalaterrasse.Ilrevintpresqueaussitôtetluitenditsonportable.

—Jesuissurprisequetumefassessuffisammentconfiancepourmelerendre,dit-elleenleprenant.—Jenefaisconfianceàpersonne,Lucilla.Maistutiendrasparole.—Commentpeux-tuenêtrecertain?—Tutienstropàtonentreprisepourgreversonbudgetavecunedépensequetupeuxéviter.Même

situn’enasaucuneenvie,turesterasici.—C’estvrai,reconnut-elleàcontrecœur.Alorsmaintenantdis-moiexactementpourquoijesuisici.Mieux valait en finir au plus vite, décida-t-elle. La compagnie de Christos était beaucoup trop

déstabilisante.—Cesoir,nousdîneronsauvillage,répondit-ild’unairénigmatique.—Tunem’aspasamenéeenGrècepourm’inviteràdîner,Christos.Ileffleurasajoueduboutdesdoigts.—Patience,Lucillitsa.Tudoisapprendrelapatience.Elledéglutitpéniblement.Cequ’elledevaitapprendreavanttout,c’étaitàétoufferlefeuquicourait

danssesveinesaumoindrecontactphysiqueavecChristos…

***

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Lucilla regagnasachambre—spacieuseetbienaménagée—et travaillasursonordinateur,queChristos lui avait rendu également.Lesmails concernant le report de l’assemblée étaient agacésmaisrésignés. Elle en avait reçu quelques-uns d’Antonio qui voulait savoir si elle avait découvert desinformations utiles, ainsi que des rapports sur les événements programmés pour la semaine. Plussurprenant,Sophieavaitbesoind’uncongéprolongépourraisonspersonnelles.Jessiel’informaitdansunmail,dontelleavaitenvoyéunecopieàChristos,qu’elleétaitprêteàassumerlesfonctionsdeSophie,enplusdessiennes,jusqu’àcequ’uneautresolutionsoitmiseenplace.

Enprévisiondelatournéedeshôtels,Lucillaavaitprislesdispositionsnécessairespourquetoutsepassebienpendantsonabsence.SeretrouverenGrècecontresongréétait irritant,mais il fallaitbienreconnaître qu’elle était séduite par le paysage qu’elle voyait de sa fenêtre. Elle n’avait pas pris devacancesdepuisuneéternitéetleseffluvesdecitronquiflottaientdansl’airlarendaientfolle…ParmilesaffairesqueChristosavaientachetéespourelle,setrouvaitunbikini.Pourquoinepasprofiterdelapiscine?Avantqu’elleaitletempsd’enfilerlemaillot,unploufretentissantsefitentendre.Ellesortitsurlebalcon.Christosnageaitsibienqu’ellerestalààleregarderenchaînerleslongueurs,fascinée.Auboutd’unlongmomentilfinitpars’arrêter.Ils’accoudaauborddelapiscineetcontemplalamer.Detouteévidence,iln’étaitpasconscientd’êtreobservé.Raisondepluspourcontinueràsavourerlespectacle,décida-t-elle.

Ilnagea jusqu’à l’autrebordpuissehissahorsde l’eau.Alavuedesoncorpsmuscléruisselantd’eau,ellefutenvahieparunevivechaleuretrentraprécipitammentdanslachambre,lecœurbattantàtoutrompre.Quelquesminutesplustard,ellel’entenditparlerengrecjustesoussafenêtreetelleressortitsurlebalcon.Uneserviettenouéesurleshanches,ilparlaitautéléphone.Ilsavaientcouchéensemble,maisàlalueurdesbougiesellen’avaitpasbienvusoncorps.Commeilfallaits’yattendre,ellen’étaitpasdéçue.Largesépaules,hanchesétroites,fessesfermes,jambesfines,ilétaitsuperbe.Ilquittal’ombrepourlesoleiletelleretintdejustesseuncristupéfait.

Sondosétait couvertdecicatrices.Très fines, ellespassaient inaperçuesaupremiercoupd’œil.Maisenpleinsoleil,ellesétaientbienvisibles.Ellesentitsagorgesenouer.Pourquoinelesavait-ellepassenties,cettenuit-là?Commentavait-ellepupartagerdesmomentsaussiintimesavecluisansrienremarquer ? Etait-elle donc égocentrique à ce point ? Christos pivota sur lui-même et elle rentra denouveaudans lachambreen toutehâte,auborddes larmes.Quelssévicesavait-il subispouravoirdetellescicatrices?Quellessouffrancesavait-ilendurées?Direqu’ellel’avaitgiflé…Etqu’elleenavaitéprouvéuneintensesatisfaction…Aprésent,cetteidéeluiétaitinsupportable.Elleserassitdevantsonordinateuret s’efforçade travailler.Mais l’imagedes cicatricesdeChristos lahantait et unequestiontournaitenboucledanssonesprit.Queluiétait-ilarrivé?

Lorsquecefutenfinl’heuredudîner,ellerevêtitunerobeenmousselinedesoiemandarinequ’elletrouva dans la penderie, et enfila des sandales plates ornées de paillettes. Elle regretta ce choix dèsqu’ellearrivadanslehalloùl’attendaitChristos.D’ordinaireellesesentaitdéjàtroppetiteàcôtédelui,maissanstalonsc’étaitbienpire…Ilétaitvêtud’unpantalondetoilebeigeetd’unechemisenoire.Ellescrutasonvisage,maisriennelaissaitsupposerqu’ilsavaitqu’elleavaitvusondos.Detoutefaçon,ilavaiteudestasdemaîtresses.Parconséquent, iln’étaitsûrementpasdansseshabitudesdedissimulersescicatrices.Ilfallaitabsolumentqu’ellesacheàquoiellesétaientdues.Commentsondospouvait-ilenêtrecouvert?Enavait-ild’autres?Acôtédequoid’autreétait-ellepassée?

—Tuesbelle,Lucillitsa.—Merci,répondit-elle,lesjouesenfeu.Etquelestcenouveaunom?Queveut-ildire?C’étaitladeuxièmefoisqu’ill’appelaitcommeçaetilfallaitreconnaîtrequec’étaittrèsagréable.

Savoixétaitcommeunecaressesursapeau…—Çaveutdire«petiteLucilla».—Trèsbien,monchou,plaisanta-t-elleavecunedésinvolturequ’elleétaitloinderessentir.

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Ileutunlargesourire,puisill’entraînadehors,oùlesattendaituneMercedesdécapotable.Ilpressaunboutonpourreleverlacapote,puisilsquittèrentlapropriétéets’engagèrentpourunerouteétroitequisinuaitàflancdefalaiseavantdes’élargiretdelongerlamer.Unquartd’heureplustard,alorsquelesoleildescendaitrapidementdansleciel,ilsarrivèrentauvillage.Quiétaitbeaucoupplusgrandqu’ellenel’imaginait,constata-t-elle.Constituéd’unmélangedemaisonsblanchesetcolorées,ilsedéployaitenéventaildepuisleport.Aprèss’êtregarés,ilscontinuèrentàpiedd’unpasnonchalant.

Aunmoment,Christos s’arrêta devant une ruelle où des enfants jouaient, tandis que des femmesassisessurlepasdesportesépluchaientdeslégumesenbavardant.Lesmaisonsétaientmoinspimpantesquecellesdevantlesquellesilsétaientpassésauparavantetlesenfantsétaientsales,maispasplusquesesfrèresetsœurquandilsjouaientdehorsautrefois,sedit-elle.Christoss’étaitimperceptiblementraidietelleeutbrusquementenviedeluiprendrelamainpourl’inciteràpoursuivresonchemin.Malgrétout,elles’abstint.

—J’avaisoublié,murmura-t-il.—Oubliéquoi?—Cen’estrien.Viens,allonsdîner.Illapritparlebrasetelleselaissafairesansprotester.Pasdedoute,ilétaittendu.Maisquoilui

dire?Ellerestasilencieuse.Ilsarrivèrentsuruneplacepittoresqueets’installèrentàlaterrassed’unetaverne.Unpetitorchestre,constituéentreautresdebouzoukis,demandolinesetde tambourins, jouaitune musique très belle et très exotique pour Lucilla. Elle aimait cet endroit et elle se sentaitmerveilleusementbien.EtantdonnélescirconstancesdesonséjourenGrèce,c’étaituncomble,sedit-elleaussitôt.

EllefutlégèrementagacéequandChristoscommandaledînerengrecsansluidemandersonavis,maiscefuttrèsfugitif.Levinarrivabientôt.Fraisetléger,constata-t-elleaprèsl’avoirgoûté.Délicieux.

—Lamusiqueteplaît?—Oui,beaucoup,répondit-elleavecsincérité.Ellebutuneautregorgéedevinensavourantlacaressedelabrisequivenaitduporttoutproche.

Mais elle n’était pas ici en vacances, se rappela-t-elle. Il ne fallait pas oublier que Christos l’avaitamenéesurcetteîlepourluimontrerquelquechoseetqu’ilyattachaitunetelleimportancequ’ilétaitprêtàrenonceràsonindemnitédedépart.

—Jenesaistoujourspaspourquoijesuisici,Christos.J’attendsquetumeledises.Etait-celiéàsescicatrices?Lagorgenouée,elledutseretenirpournepasluipresserlamain.—J’aigrandiici,répondit-ilaprèsunlongsilence,lesyeuxdanslevague.Etpasdanslavillaoù

nousséjournons,commetul’assansdoutedeviné.Ilplongeasonregarddanslesienetellecroisasesmainssursesgenoux,pourmieuxrésisteràla

tentationdeluiprendrelamain.—Cetteruelle,toutàl’heure.C’étaitlàquenousvivions.Monpèreétaitpêcheuretmamèrefemme

aufoyer.J’étaisfilsunique.Lerapportmentionnaitdesquerellesdomestiques,maisellenes’étaitpasvraimentdemandéquelle

réalitéçarecouvrait,reconnut-elleintérieurement.—Jesaisquetonpèreétaitviolent.Christoseutunrireamer.—Toutlemondelesavait,glykiamou.Maisçan’apassuffiàsauvermamère.Nimoi.Leserveurapportalesplatsetelleenprofitapourrefoulerdiscrètementleslarmesquiperlaientà

ses paupières.Christos se tut et ilsmangèrent en silencependant un si longmoment qu’elle tressaillitlorsqu’ilrepritlaparole.

—Tuasperdutamèrequandtuétaisjeune,n’est-cepas?—Oui,répondit-elleàcontrecœur.

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—Ques’est-ilpassé?Elle déglutit péniblement. Il était tentant de répondre que ça ne le regardait pas et qu’elle n’en

parlaitjamais.Maiscommentpourrait-elleluidireça,alorsqu’elleavaitpayéunedétectivepourfouillerdanssonpassé?Pourlabonnecause,certes.Pourpréserverl’entreprisefamiliale.Malgrétout,ellesesentaitdeplusenpluscoupable…

—Unjourelleestpartie,etellen’estjamaisrevenue.Ilyaenvironvingtansquenoussommessansnouvelles.

—Jesuisdésolé.—Ellesouffraitdedépressionpost-nataleetjepensequ’ellenes’estjamaisremisedecellequia

suivilanaissancedeCara.Alorselleestpartie.—Quelâgeavais-tu?—Quatorzeans.Lucillaremuaitsamoussakaduboutdesafourchettesanslamanger.—C’estmoiquiaiélevéCara.Maisjeneconnaissaisrienaurôledemèreetj’aicommisbeaucoup

d’erreurs.C’estmafautesielleestaussiimpulsive.— Non, Lucilla. Ce sont surtout tes parents qui sont responsables. Ta mère parce qu’elle a

abandonnésesenfants.Tonpèrepourt’avoirlaisséeéleverunbébéalorsquetuétaisencoreuneenfanttoi-même.

Lagorgesèche,ellelaissatomberlafourchettedanssonassiette.—Pourquoisommes-nousentraindeparlerdemoi?Jecroyaisquec’étaitpourparlerdetoique

nousétionsici.—Denousdeux.Tuasperdutamèreàquatorzeansetç’aétédurpourtoi.J’aiperdulamiennetrès

jeuneégalement.Maispouruneraisontrèsdifférente.ChristossetutetLucillaeutenviedehurlerJet’aiditcequiétaitarrivéàlamienne!Qu’attends-

tupourenfaireautant?Lesoleils’étaitcouchéetleslumièresdelaplaces’étaientallumées.—Tuasfinidemanger?demandaChristos.—Oui.Elleétaitincapabled’avaleruneseulebouchéedeplus.—Danscecas,jevaisteracontercequiestarrivéàmamère.Maispasici.Unefoisqu’ileutpayél’addition,ChristospritLucillaparlamain,l’aidaàseleveretl’entraîna

versleport,oùlesbarquesdepêcheurssebalançaientdoucementsurl’eau.Ilspoursuivirentleurcheminau-delàduportjusqu’àunepetiteéglise.EnentrantChristossesigna,cequilasurprit,puisill’entraînajusqu’à une porte latérale qui donnait sur le cimetière. Il la conduisit ensuite jusqu’à un ossuaire.Plusieursrangéesd’ossementsétaientempiléessousundemi-dômeenpierreprotégéparunegrille.

—Mamèreestici,déclaraChristosàmi-voix.Ellerestamuettedesaisissement.—EnGrèce, nous ne pratiquons pas la crémation, poursuivit-il.Nous enterrons lesmorts,mais

provisoirement seulement. Parce qu’il n’y a pas assez de terre. Seules les familles très riches ont lesmoyensd’acheteruneconcessionàperpétuité.Etàl’époquejen’étaispaslà.

—Jesuisdésolée.Que dire d’autre ? se demanda-t-elle. Comment exprimer la compassion qu’elle éprouvait pour

Christos?Ellenesavaitpasoùsetrouvaitsamèrenisiellevivaitencore.Christossavaitoùsetrouvaitlasienneetenmêmetempsilnelesavaitpasvraiment.Cettepenséeétaitdéchirante.

—Jepensequec’estmoiquil’aituée.Moietmonpère.Luiill’abriséephysiquementetmoijel’aiachevéequandjemesuisattaquéàlui.

LucillapressalamaindeChristos.—Jesuisdésolée.Jenesaispasquoitedire,maisjesuissincèrementdésolée.

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Ilportasamainàseslèvresetydéposaunbaiser.—Jen’endoutepas,Lucilla.Ilinspiraprofondément,puisilrepritd’unevoixmalassurée.—Monpèrel’aviolée.Ellenem’avaitpasdésiré,maisellem’aaiméquandmême.Elleaépousé

monpèrepourassurermonavenir.Etjen’arrivaispasàlaprotégercontrelui.Etpuisunjour,àl’âgedequatorzeans,jesuisrentréàlamaisonetjel’aitrouvéeensang,lamâchoirebriséeetl’épauledémise.Jesuisarrivétroptard,maisj’aiprislapremièrechosequim’esttombéesouslamain.Legourdinaveclequelilvenaitdelafrapper.Etjem’ensuisservicontrelui.

—Christos…Lucillaneparvenaitplusà retenirses larmes.ElleavaitenviedeprendreChristosdanssesbras

pourleréconforter,maisellen’osaitpas.—Ilnel’aplusjamaisbattue.Tuasraison,j’aifailliletuer.J’enavaisenvie,jelereconnais.Mais

ellem’asuppliéd’arrêterdelefrapper.Ilpritdenouveauuneprofondeinspiration.—Jepourraist’endiredavantage,maisjemerendscomptequejen’aipaslecouragedecontinuer.

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11.

Lucillaétait lapremièrepersonneà laquelle ilparlaitde sonpassé.Et, àprésent, ellepleurait àcausedelui.Ilsavaientpourainsidireperduleurmèreaumêmeâge.Lucillaavaitquatorzeansquandsamèreétaitpartie,etc’étaitàcetâgequ’ilavaitétéenvoyéencentrededétention.Lorsqu’ilenétaitsortiàdix-huitans,samèreétaitretournéeàCéphalonie,oùelleétaitmortedechagrin.

—Lucillitsa,murmura-t-ilenresserrantsesbrasautourd’elle.Elleseblottitcontreluietcontinuadepleurer.Ilregardal’ossuairepar-dessussatêteetsesyeux

s’embuèrent.Vlakas.Queluiavait-ilprisdel’amenerici?Çaneservaitàriensinonàlesbouleversertouslesdeux.Partoutailleurs,riennepouvaitl’atteindre.MaisquandilrevenaitàCéphalonie,quandilvenaitdanscecimetière,cequ’iln’avaitpasfaitdepuisplusieursannées,lasouffranceétaitaussiaiguëquelapremièrefois.Ilsrestèrentsansriendirependantunlongmoment,puisLucillafinitparmurmurer:

—Jesuisdésolée.Jenesaispaspourquoijesuisaussibouleversée.Illuifrottaledos.—Parcequesousdesdehorsplutôtdurs,tuasuncœurtendre.Ellelevalatêteversluietileutenviedel’embrasserpourchasserlatristessedesonregard.Illui

envoulaitdesesmenaces,maisàcetinstantilavaitdumalàs’ensouvenir.—Jenetevoulaispasdemal,Christos.Jevoulaisjustequetumerendesmonentreprise.Ilessuyasesjouesduboutdespouces.—Cen’estpasmoiquitel’aiprise,glykiamou.—Jesais.Maisjevoulaisladirection.Ilfautquejeluiprouve…Ellebaissalatête.Asamanière,elleétaitaussiperduequelui…Etreintparuneémotionétrange,il

s’écartad’elleetluipritlamain.—Viens,partonsd’ici.Elleregardal’ossuaireetlaissaéchapperunsoupirtremblant.—Oui.Ilsrebroussèrentcheminàtraverslecimetièreetl’église.Unefoisdanslarue,Christosaspiraune

grandeboufféed’air.Lucillaluipressalamain.—Çava?—Apeuprès.Elleglissalesbrasautourdesatailleetseserracontrelui.Ilenfouitsonvisagedanssescheveuxet

humaleurparfumfleuri.Savirilités’éveilla,puis ilsentitque larespirationdeLucillas’accélérait. Ilfallaitqu’ill’embrasse.Ilenavaittropbesoin…Illuipritlementonetposaseslèvressurlessiennes.Elletressaillit,puiselles’emparadesabouchedansunbaiserfervent.Ilss’embrassèrentavecpassion,se serrant l’un contre l’autre à s’étouffer.D’un légermouvementdubassin,Christosplaqua savirilité

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gorgéededésircontreleventredeLucilla.Legémissementétrangléqu’ellelaissaéchappergonflasoncœurd’unejoieintense.

Auprixd’unimmenseeffort,ils’arrachaàsaboucheets’écartad’elle.Mieuxvalaitarrêteravantdeperdre lecontrôlede lui-mêmeetdesouleversa robepour laprendresauvagementcontre l’église,dansuneruelleoùquelqu’unpouvaitpasseràtoutinstant…

—Jeteramèneàlavilla.Pourcoucheravectoi,Lucilla.Situn’espasd’accord,ilfautmelediremaintenant.

—Queferas-tusijerefuse?demanda-t-elled’unevoixhachée.Tumelaisserasici?—Biensûrquenon.Maisjetedéposeraisàl’entréedelapropriété,puisjecontinueraisàrouler.—Ettuchercherasunecompagnepourlanuit?— Lucillitsa… Je suis un homme adulte, capable de surmonter sa frustration sans sauter sur la

premièrefemmequipasse.Siturefuses,jesurvivrai.Ceserapénible,maisjesurvivrai.Elleeffleurasamâchoireduboutdesdoigts.—Jedevraisrefuser,maisj’ensuisincapable.J’aienviedetoi,Christos.Il la prit par lamain et ils regagnèrent la voiture en un temps record. Sur la route en lacets qui

conduisaità lavillaperchéeausommetde la falaise,Christosexultait.Encorequelquesminuteset ilsseraientdenouveaunusdanslesbrasl’undel’autre.Ilallaitluifairel’amourdanssonimmenselit,ausonduressac.Ilallaitluifairel’amouravecunetellepassionqu’ellen’oublieraitjamaiscettenuit.Audétourd’unvirage,ilpila.Untroupeaudechèvrestraversaitlarouteenbêlant.Certainess’arrêtèrentetfixèrentlesphares,visiblementpeupresséesdebouger.Ilfitdemi-tour,parcourutquelqueskilomètresettournadansuncheminquiconduisaitàunpointdevuenichédanslapinède.Ilsegara,descendit,ouvritlaportièredeLucilla,l’aidaàsortir,puislaplaquacontrelacarrosserie.

—Quefaisons-nousici?s’exclama-t-ellealorsqu’ilposaitleslèvressursonépaulenue.—Jen’aipasenvied’attendre.Il ouvrit la fermetureEclair de sa robe et baissa celle-ci jusqu’à sa taille.Le ciel était parsemé

d’étoilesetuncroissantdelune,encorebasdansleciel,répandaitsurlamerdesrefletsnacrés.LesseinsdeLucillasemblaientvouloirs’échapperdesonsoutien-gorge.Ildégrafacedernieretle

lança dans la voiture.Refermant lesmains sur les deux globes crémeux, il aspira une pointe hérisséeentreseslèvres.

—Christos…Jeperdslatêtequandtufaisça…—Necherchesurtoutpasàlaretrouver.Ilouvritcomplètement la fermetureEclairet la robe tombapar terre. Il luidemandade lever les

pieds,ramassalarobeetlalançaàsontourdanslavoiture.—Toiaussi,murmura-t-elled’unevoixrauque.Jeveuxtetoucher.Elledéboutonnalachemisependantqu’illéchaitetmordillaitlapointedel’autresein.Lorsqu’elle

fitglisserlachemisesursesépaules,illalaissatomberparterresansprendrelapeinedelaramasser.Lecontactde sesmains sur sapeau l’électrisa. Il tombaàgenouxdevant elleet lui enlevaprestement saculotteavantdedéposerunbaisersursontrianglesoyeux.Puisilluiécartalescuisseseteffleurad’uncoupdelanguelepointleplussensibledesaféminité.Ellepoussauncriétrangléetenfonçalesdoigtsdanssescheveux.Illuifitleverunejambequ’ilcalasursonépauleavantd’honorersafleurhumideavecsalangue,approfondissantpeuàpeusescaressesjusqu’àcequ’elleatteignelesommetdelavoluptéencriantsonnom.

Au comble de l’excitation, il se releva et enleva son pantalon. Il la saisit par les hanches et lasouleva contre la voiture enmême temps qu’elle nouait les jambes autour de sa taille.Des ondes deplaisirlaparcouraientencorequandils’enfonçaenelleetildutfaireappelàtoutsonsang-froidpournepasselaissersubmergerparunevagueirrésistibleaupremiercoupdereins.Ellerefermalesbrassursesépaules et captura sa bouche dans un baiser ardent, tandis qu’il accélérait peu à peu le mouvement.

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Bientôt, elle sombra de nouveau dans le gouffre du plaisir en criant son nom. Le cœur gonflé d’uneémotioninconnue,ildonnaencorequelquescoupsdereins,puisilseséparad’elleàregret,justeavantd’êtresecouéparuneexplosiondévastatrice.

***

Dans lavoiture,Lucilla se fustigea.Que luiavait-ilprisde recoucheravecChristos?Avait-elleperdu la raison ? Oui, sans aucun doute, puisqu’elle ne pensait qu’à recommencer… Ils avaient faitl’amourcommesi leurvieendépendait. Jamaisellen’avaitvécuuneexpérienceaussi intense.Etelleavait beau se répéter que si elle voulait protéger sa carrière il fallait qu’elle s’en aille, elle en étaitincapable.

Quelquesinstantsplustard,Christossegaradanslegaragedelapropriété,puisilsentrèrentdanslamaison.Ils’immobilisadanslesalonbaignéparleclairdeluneetsetournaverselle.Sonsoutien-gorgeetsonsacàlamainelleattendit,l’estomacnoué.

—Jesuisdésoléd’avoirétéaussiexpéditif,déclara-t-il.Elleleréduisitausilenceenposantlesdoigtssurseslèvres.—S’ilteplaît,negâchepascequivientdesepasseravecdesexcuses.C’étaitfantastique.Ill’attiracontreluiets’emparadesaboucheavecunedouceurquilabouleversa.—Jeveuxrecommencer,Lucillitsa.Jeveuxtoutcequetupeuxencoremedonnerd’icilafindela

nuit.Refusantdes’attardersur«d’icilafindelanuit»,ellerépliqua:—Moiaussijeveuxrecommencer,Christos.Illasoulevadeterreetlaportajusqu’àsachambre.

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12.

Cettefois,lorsqueLucillaseréveilla,ellen’étaitpasseule.Christosétaitallongéàcôtéd’ellesurleventre,unbrasau-dessusdelatête.Aunmomentdelanuit,ilsavaientrejetélescouverturesparterreetsoncorpssuperbeauraitétéexposéàsavue.S’efforçantd’ignorerlesentimentpossessifquigonflaitsoncœur,ellelecontemplalonguement.Puiselles’assitpourregarderdeplusprèsl’enchevêtrementdecicatricesquicouvraitsondos.

—Quefais-tu,agapimou?Elletressaillitetsentitsesjouess’enflammer.—Jeregardetondos.Ilroulasurledosetcroisalesbrasderrièrelatête.Ellel’admiradenouveau,ens’efforçantdene

pasdévorerdesyeuxsavirilitéquicommençaitàs’éveiller.—J’aiautrechosedeplusintéressantpourtoiàregarder,commenta-t-ilavecunsouriremalicieux.—J’aimeteregardertoutentier.Illasaisitparlesbrasetl’allongeasurlui.—Etmoij’aimetesentirtoutentière.Ellefutparcouruedelongsfrissons,tandisquesavirilitésedurcissaitcontresonventre.—Jeveuxsavoircequit’estarrivé,murmura-t-elle.LedésirquibrillaitdanslesyeuxdeChristoss’éteignitetsonvisageseferma.—Tunedevinespas?—Tonpère?Ilcrispalamâchoire.—Biensûr.C’étaitunhommecruel.Ilaimaitfairesouffrirlesautres.Elleeutunpincementaucœur.Direqu’elleconsidéraitsonproprepèrecommecruelparcequ’illes

avaitignorés,elleetsesfrèresetsœuraprèsledépartdeleurmère…Enréalité,ilétaitjusteégoïste.Cen’étaitpasunmonstre,maisunhommequiavaitdesdéfauts.

—Jesuisdésoléequ’ilt’aitbattu,dit-elle,lagorgenouée.—J’aivupire.Christoslafitroulersurledosetbaissalesyeuxsursesseins.—Maisjepréféreraisnepasparlerdeçamaintenant.Pouvait-elle lui envouloir ?Elle avait envie de le réconforter et il n’y avait qu’unmoyende le

faire.Ilrefuseraitsacompassion,maisilaccepteraitleréconfortquepouvaitluiapportersoncorps.—Alorsfais-moil’amour,Christos.J’aienviedetoi.Il entra en elle d’un seul coup de reins puissant et elle ferma les yeux, étreinte par une émotion

indicible.Elledonneraitn’importequoipourresterainsijusqu’àlafindesesjours…Acettepensée,ses

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yeuxsenoyèrentdelarmes.RienneluiétaitaussiindispensablesurcetteterrequelajouedeChristoscontrelasienne…Elletournalatêteetl’embrassaalorsqueleslarmesserépandaientsursonvisage.

Ilrelevalatêteetmurmurad’unevoixétranglée:—Non,Lucillamou,s’ilteplaît.Tumedéchiresquandtupleures.—C’estplusfortquemoi.Illuipritlevisageàdeuxmainsetessuyaseslarmesavecdesbaisers.Touchéeenpleincœur,elle

renonça à se voiler la face. Elle était tombée amoureuse de lui. Tout le monde le croyait froid etinsensible,maisellesavaitquecen’étaitqu’uneapparence.Ilgardaitsesdistancesavectoutlemondeparcequ’ilavaitbeaucoupsouffertetnesavaitpasfaireconfianceauxautres.Parviendrait-elleàgagnersaconfiance?Etsonamour?C’étaitsonvœulepluscher.Etellepréféraitnepasimaginercequ’elledeviendraits’iln’étaitpasexaucé…

Elle enfonça les doigts dans les cheveux deChristos et l’embrassa avec fougue en ondulant deshanches.

***

Ilspassèrentlesdeuxjourssuivantsdanslesbrasl’undel’autre.Cependant,lesmailsetlescoupsdetéléphoneenprovenancedubureauétaientdeplusenplusnombreux,mêmes’ilsévitaientd’aborderlesujet.Ilrestaittropdenon-ditsentreeux.Çanepouvaitpasdurercommeça,etpourtantilavaitdumalàenvisager le retour à la réalité, reconnutChristos intérieurement. Il n’avait jamais de relations à longterme,mais il severraitbienfaireuneexceptionpourLucilla.Justepourquelque temps,biensûr.Paspourtoujours.Surtoutpaspourtoujours.Cetteseuleidéeluiglaçait lesang.Maislaperspectivedeneplus voirLucilla lui glaçait le sang également.Un soupir lui échappa. Il n’avait pas l’habitude d’êtrepartagéentredessentimentscontradictoiresetc’étaittrèsdésagréable…

Lesoirilsdînèrentàlataverne.Incapabledesedétendre,ilposadesbilletssurlatableàpeinelerepasterminé.

—Allons-y,dit-ild’untonbrusque.Lucilla,qui regardait lesmusiciens,se tournavers lui.L’inquiétudesuccédaà lasurprisesurson

visage.Ilsemauditintérieurement,maisselevaetluitenditlamain.Ilsregagnèrentlavoitureensilence,maisaumomentoùils’apprêtaitàluiouvrirlaportière,elleposalamainsursontorse.

—Quesepasse-t-il,Christos?—Rien.—Jenetecroispas.A sa grande irritation, il fut touché par la douceur de sa voix et il eut soudain très envie de la

prendre dans ses bras.Que lui arrivait-il, bon sang ? Ce genre de réaction ne lui ressemblait pas. Ill’avaitamenéeicipourprotégersacarrière—etpourlapunird’avoirfouillédanssonpassé—,maisiln’avaitpasprévudedeveniraussidépendant.Depuis lemomentqu’ilsavaientpartagéaucimetière, ilavaitlesentimentdeneplusêtreseulaumonde.Unsentimentdangereux,parcequel’expérienceluiavaitapprisqu’onpouvaittoutperdredujouraulendemain.

Ilétaitgrandtempsdereprendresavie.Ilfallaitmettreuntermeàcettesituation.Trancherdanslevif,commeillefaisaitd’habitudedanstouslesdomaines.Iln’yavaitplusderaisondeprolongerleurséjour.

—Nous sommes ici depuis plusieurs jours, Lucilla. Il est temps de partir. J’ai une entreprise àdirigerettoiaussituasdutravail.

Voilàc’étaitdit.Commeundéfiqu’il lui lançait. Ilétait toujours ledirecteurgénéralde l’empireChatsfield.Commentallait-elleréagir?Siellelemenaçaitdenouveau,leschosesseraientclaires,non?

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Ilpourraitoubliercetteattiranceinopportuneettournerlapageaveclesidéesclaires.Ceseraitcequipourraitluiarriverdemieux.

—Oui,j’ensuisconsciente,acquiesça-t-elle.Noussommescensésvisiterlesdifférentshôtelsdugroupe.

—Oui.Mais je pense qu’il vaudrait mieux que tu rentres à Londres. J’ai besoin de toi là-baspendantquej’effectuelesvisitesprévuesdanslesautresétablissements.

DevantleregardblessédeLucilla,ilsemaudit.Iln’avaitpasprévudedireça,maisilvenaitdeprendreconsciencequ’ilavaitbesoindes’éloignerd’ellequelquetemps,pourreprendresavieenmain.Elledéglutitpéniblementetilfaillittomberàgenouxpourlasupplierdeluipardonner.

—D’accord.Contre toute logique, sadocilité lemithorsde lui.Elle avait fouillédans sonpassé, elle l’avait

menacé,et,aujourd’hui,elleétaitprêteàluiobéircommesiellen’avaitjamaischerchéàl’évincer?—Alors,çayest,Lucilla?Tuacceptesquejeresteàladirection?Plusdemenacesnidecrisesde

colère?Elleouvritdegrandsyeux.—Descrisesdecolère?Parcequ’ilm’estarrivédenepasêtred’accordavectoi, tudisqueje

piquedescrisesdecolère?RetrouverlaLucillarebelleétaitréjouissant,songea-t-il.Cependant,ildevaitresterfermeavecelle

s’ilvoulaitremettrelegroupeChatsfield—etsavieprivée—surlesrails.—Peuimportelenomquetuveuxleurdonner,maisjepréfèrequetun’exprimespastondésaccord

devantlepersonnel.LesyeuxdeLucillalancèrentdesétincelles.—J’exprimeraimondésaccordavectoichaquefoisquej’enauraienvie.Et,non,jenevaispaste

menacer.Elleprituneprofondeinspiration,visiblementauborddeslarmes.Denouveau,ileutenviedelui

présenterdesexcuses,maisilseretint.—TuesledirecteurgénéraldugroupeChatsfield,Christos.Monpèret’achoisi,etmêmesijene

suis pas d’accord avec cette décision je dois la respecter. Mais ne t’imagine pas me voir obéiraveuglémentà tesordresparceque jemesenscoupabled’avoiressayéd’utiliser tonpassécontre toi.Quandtutecomporterascommeunpauvreimbécile,jenemegêneraipaspourteledire.

Elleouvritlaportière,montadanslavoitureetluilançaunregardnoir.—Cesoirtutecomportesjustementcommeunpauvreimbécile.Surcesmots,elleclaqualaportière.

***

Lorsqu’ilsarrivèrentàlavilla,Lucillamontadirectementdanssachambre.Ellen’yavaitpasdormidepuislejourdesonarrivée,maiscesoirelleétaittropfurieusecontreChristospourpartagersonlit.Ellesortitsurlebalcon,lecœurlourdetleslarmesauxyeux.Quelleidiote!Elleavaitlaissésoncœurs’emballeretvoilàqu’elleaimaitunhommequinepensaitqu’àsacarrière.Ellecrispalespoingssurlabalustrade.Christosnel’aimaitpas.S’iléprouvaitlemoindresentimentpourelleiln’auraitpasétéaussifroidetautoritaire.Ilvoulaitqu’ellerentreàLondrespourdirigerlegroupependantqu’ilfaisaitseullatournéedeshôtels.C’étaitunmanipulateur.Ill’avaitamenéeiciparcequ’ilsavaitcommentelleréagirait.Iln’étaitplusquestionqu’ellerévèlesonpasséàquiconque,biensûr.Ellen’étaitpasassezcruelle.Peut-êtreétait-cecelaquiluimanquaitpourréussir.Lacruauté.Ellen’étaitpasprêteàpiétinerlesautrespourgagner.Maisdumoinspouvait-elleseregarderdanslaglace.

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Enrevanche,pasquestionde resterunesecondedeplus ici.Elle rentradans lachambrepoursechanger. Après avoir enfilé un jean et une chemise de soie, elle prit un pull, son sac et son porte-documentsetdescenditaurez-de-chaussée.

Labaievitréeétaitouverteetellesortitsurlaterrasse.Christosétaitdeboutauborddelapiscine,unverre à lamain. Il semblait perdu et très seul,mais pas questiond’essayer de le réconforter. Il nevoulaitpasdesacompassion.Ilnevoulaitpasd’elle.

—Jeveuxpartirmaintenant,déclara-t-elle.Ellenesupporteraitpasdepasserunenuitdeplusdanscettemaison,ensachantqu’ellenedormirait

plusjamaisdanssesbras.—Maintenant?Ilestplusde23heures.—Etalors?Commandeunhélicoptère.Ouunhors-bord.Çam’estégal,maisjeveuxpartir.—Lucillitsa…—Arrête.Nem’appelleplus jamaisautrementqueLucillaouMlleChatsfield.Tum’asbien fait

comprendrequec’étaitfini,alorsplusdepetitsnomsaffectueux.Plusrien.Jeveuxjustem’enaller.—Turéagisdemanièreexcessive,commenta-t-il,imperturbable.Oh!monDieu,ellemouraitd’enviedelegifler!Maisaussideseblottircontreluienlesuppliant

de l’aimer…C’était horrible.Elle avait déjà traversédesmomentspéniblesdans savie,mais jamaisaussidouloureuxquecelui-ci.Ilfallaitàtoutprixqu’ellequittecetteîleavantdes’effondrer.

—Çapeutattendredemain,ajouta-t-il.—Non.Toutdesuite,Christos.Tum’asamenéeicicontremongréetmaintenantjeveuxm’enaller.

Immédiatement.Il la contempla longuement. L’espace d’un instant, elle retint son souffle. Son visage allait-il

s’adoucir?Allait-illaprendredanssesbrasetl’embrasserenlesuppliantdeluipardonner?Ridicule.Cegenredechosesn’arrivaitqu’aucinéma.

—D’accord,dit-ilensortantsonportabledelapoche.

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13.

Unesemaineplustard,Lucillaavaitencoredumalàcroirequ’elleétaitderetouràLondres.C’étaitcommesisaviesedivisaitendeuxparties.AvantlaGrèceetaprèslaGrèce.Plusrienn’étaitcommeavant.Lemondeétaitpluscrueletelleétaitmeurtrieàjamais.Maisellesurvivrait.Personnenesavaitquesavieavaitétédévastéeetellen’avaitpasl’intentiondelerévéleràquiconque.

Elle était toujours Lucilla Chatsfield, le roc sur lequel toute sa famille pouvait s’appuyer.Récemment,elleavaitvuCaraaudînerdegaladescosmétiquesDemarche,maissapetitesœur,commesesfrères,n’avaitplusbesoind’ellecommeautrefois.C’étaitnormaletçanel’empêcheraitpasderestertoujoursdisponiblepoureux.Pendantquelquetemps,auprèsdeChristos,elleavaitpenséd’abordàelle,àsesrêves,àsesdésirs.Maisc’était terminé.Elles’absorbaitdenouveaudansletravail,enespérantqu’avecletempssasouffrancefiniraitpars’estomperunpeu.

Déglutissant péniblement, Lucilla parcourut les rapports de la matinée. Depuis que Christosparcouraitlemonde,elles’étaitinstalléedanssonbureau.Unbureautrèsagréable,quiauraitpudevenirlesiensiellen’avaitpasétéassezstupidepouraccepterderesterenGrèce.Siseulementelleavaitpuquitter lavilladès lepremier jourenacceptantde luipayer son indemnitédedépart !Maiselleétaitrestéepourécoutercequ’ilavaità luidire.Et,après tout,ellene le regrettaitpas.Ellen’étaitpasdugenreàignorerlasouffrancedesautres.Tantpissicelavoulaitdirequ’ellen’étaitpasaussidurequ’elleledevrait.

Elleterminal’étudedesrapports,puiselleenvoyadesinstructionsauxchefsdeserviceetsetournaverslafenêtrepourcontemplerleparc,del’autrecôtédelarue.Alavued’uncoupleentraindejoueravec un enfant, elle sentit son cœur se serrer. Pourquoi était-ce aussi douloureux de voir les autresheureux?Elleavaitpourtantl’habitude…

Laportes’ouvritetellepivotasursonsiège,prêteàdemanderàJessiepourquoielleentraitsansfrapper.Soncœurfitunbonddanssapoitrine.Cen’étaitpasJessie…Christosétaitplusséduisantquejamaisenpantalonnoiretchemiseblancheàrayuresgrises.Sescheveuxétaientenbatailleetsesyeuxinjectés de sang.Sapremière impulsion fut de se lever et d’aller vers lui,mais elle se força à resterassise.

—Nousnet’attendionspassitôt,déclara-t-elled’untonneutre.JetecroyaisàMoscouaujourd’hui.Ilpassalamaindanssescheveux.—J’enviens.Il laissa tombersonporte-documentsdansunfauteuilet s’avançavers lebureau. Ilnes’étaitpas

rasé,constata-t-elle.Etapparemmentiln’avaitpasdorminonplus.Elleseleva,lagorgenouée.—Quesepasse-t-il,Christos?

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—Jenesaispas.Ilsepassaunemainsurlevisage,puisplongeasonregarddanslesien.—Tumemanques,Lucilla.Cen’étaitpasprévu.Unefouled’émotionslasubmergea.Espoir.Amour.Colère.Peur.Désespoir.—Jenecomprendspas,Christos.C’esttoiquiasdécidéquec’étaitfinientrenous.—J’aipeut-êtrecommisuneerreur.Ellesentitsoncœurs’affoler.C’étaitcequ’ellevoulait…Maiscen’étaitpasassez.Ellesavaitquel

genred’hommeilétait.Unhommeàfemmes.Orellenevoulaitpaslepartager.Ellelevoulaittoutàelle.Etelleleméritait.

—Queproposes-tu?Quenousreprenionslàoùnousenétionsrestés?Quejetombedanstesbras,enacceptantavecreconnaissancelesmiettesd’affectionquetudaigneraiséventuellementm’accorder?

Ilplissalefront.—Jen’aipasditça.—Alorsexplique-toi.Jenecomprendspascequetuveux.—N’est-cepasévident?JeveuxretrouvercequenouspartagionsenGrèce.—Quoi,exactement?Jenesuispascertainedesavoircequec’était.Christosplissadenouveaulefront.—Dusexe.Delapassion.Delacomplicité.—Tupeuxtrouverçan’importeoù.Ilyadestasdefemmesquinedemandentqu’àcoucheravec

toi.—Maisellesnem’intéressentpas.C’esttoiquejeveux.LecœurdeLucillafitunbonddanssapoitrine.C’étaitcequ’ellevoulaitentendre.Etpourtant…

non,pastoutàfait.—Est-cequetum’aimes,Christos?Illaregardad’unairinterloquéetellesentitsoncœurseserrer.—Je…J’aidel’affectionpourtoi.Ellefitletourdubureau.—Del’affection?Jecrainsqueçanesuffisepas.Asongranddam,elleétaitauborddeslarmes.Ellecaressasamâchoirerugueuseetilfrottasajoue

contresapaume.—Jeveuxplusqueça,murmura-t-elle,unpincementaucœur.—Plusqueça?Elleluipritlevisageàdeuxmains.—Jenepourraispasmecontenterd’uneaventure.Nipassermontempsàmedemanderquandtu

m’annoncerasquec’estfini.NitevoirarriveràunesoiréeduChatsfieldavecuneautrefemmeaubras.Alorssic’estcequetumeproposes,ilvautmieuxquenousenrestionslà.

LesyeuxdeChristoslancèrentdesétincelles.Puisillapritdanssesbrasets’emparadesabouche.Elles’alanguitcontreluiavecungémissementétouffé.Maisilnefallaitpascéder,sedit-elleaussitôt.Cebaisern’étaitpasuneréponse.Elleposalesmainssursontorseetlerepoussa.Illalâcha.

—Lucillitsa…Jenepeuxrientepromettre.Toutcequejepeuxtedirec’estquetumemanques.J’aiessayédemepasserdetoi,maisjen’aipasréussi.Etjen’aijamaiséprouvéçapouraucunefemmeavanttoi.

—Çanesuffitpas,répliqua-t-elle,lagorgenouée.Elles’était tropsouventcontentéedepeuparceque lesgenssedisaient incapablesde luidonner

davantage.— J’en ai assez de tout donner et de ne recevoir que desmiettes en retour. Je ne peux plusme

contenterdedemi-mesures.C’esttoutourien,Christos.

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Illaregardalonguement,lesyeuxétincelants.Puisilrepritsonporte-documents.—Jen’airienàtedonner,Lucilla.Rien.

***

Christos était amer.Le lendemaindudépart deLucilla, il avait quittéCéphaloniepour lesEtats-Unis.Pendantlespremiersjours, ilavaitréussiàs’absorberdanssontravailetàmettreenœuvredeschangementsimportantsdansleshôtelsdeNewYorketdeSanFrancisco.Ils’étaitmêmefélicitédesacapacitéàseconcentrer.Maislanuitilvivaitunvéritableenfer.Lucillaluimanquaitatrocement.C’étaità la fois inattendu et exaspérant. Il n’avait besoin de personne. Avoir besoin de quelqu’un rendaitvulnérable. Il l’avait apprisquand il était enfantet il avait retenu la leçon.Lavieétaitbeaucoupplusfacile quand on n’aimait personne. Quand on n’attendait rien des gens, ils ne risquaient pas de vousdécevoir.Pourquoifallait-ilqueLucillaexigedeluideschosesqu’ilétaitincapabledeluidonner?

Il entra chez lui et laissa tomber son porte-documents par terre. L’appartement était calme, vide.Pour la première fois, ce vide lui déplut. Peut-être devrait-il prendre un chat. Lâchant un juron, il sedirigeaverslebaretseservitunwhisky.Ilenvisageaitdeprendreunchat?Enétait-ilvraimentarrivélà?Ilgagnalabibliothèque,oùuntableaurecouvertd’untissuétaitposésurunchevalet.Queluiavait-ilprisd’acheterceportrait?Etallait-iloserlecontempler?Furieuxcontrelui-même,ilarrachaletissu.Lafemmequileregardaitenriantressemblaitdemanièresaisissanteàcellequ’ilvenaitdelaisserdanssonbureauauChatsfield.

Elle était belle,mais pas autant queLucilla. Elle semblait heureuse, et pourtant elle avait été simalheureusequ’elleavaitquittésafamillevingtansplustôtetn’avaitplusjamaisdonnédenouvelles.Ilcomprenait qu’on puisse être malheureux à ce point… Christos vida son verre d’un trait et quitta labibliothèque.

***

Lesjourssuivants,LucillaévitaChristos.Ellen’assistapasauxréunionsquotidiennesdupersonneletilnelaconvoquapas.Ilcommuniquaitavecelleparmails.EllerépondaitauxplusurgentsetlaissaitJessietraiterlesautres.LajeunefemmeremplaçaitSophieavecunetelleefficacitéqueChristosassuraitqu’iln’avaitpasbesoind’uneautreassistantedansl’immédiat.

Ilavaitfixéunenouvelledatepourl’assembléedesactionnaires.C’étaitlaseuleréunionqu’ellenepouvaitpasmanqueretellesepréparaitmentalementà l’affronterce jour-là.Le jourJ,ellechoisitdemettreun tailleur aubergineetunepairedechaussuresà talonsaiguilles.Elle appliquaunecouchederougesurseslèvres,puisellecommençaàfairesonchignon.Maisdevantlemiroirellechangead’avisetdécidadenepasattachersescheveux.PaspourplaireàChristos,maisparcequ’elleenavaitenvieetqu’ellesesentaitplusséduisanteainsi.Unefoisprête,ellepritsonsacetsonporte-documentspuisellequittasonappartement.

Lasallederéceptiondel’hôteldanslaquelledevaitsetenirl’assembléeétaitdéjàpleine.Lucillaypénétrad’unpasfermeetgagnasonsiègeaupremierrang.Christossetrouvaitsurlatribunequiavaitétéinstalléeàceteffet,penchésursesnotes.Contrairementàsonhabitude,ilportaitunecravate,constata-t-elle.Elles’imaginaentraindeladénoueretfermalesyeux,submergéeparunesouffranceaiguë.Jamaisplusellenepartageraitdesmomentsintimesaveclui.Cettepenséeétaitinsupportable,maisellen’avaitpaslechoix.Ellenevoulaitpasvivreavecluidansl’angoisse,àsedemanderchaquejoursicen’étaitpasledernierdeleurhistoire.

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— Bonjour à tous, déclara-t-il. Bienvenue à l’assemblée générale des actionnaires du groupeChatsfield.Celle-civadébuterparlalecturedesrapportshabituels,puisvousdevrezélirelesmembresduconseild’administration,commechaqueannée.Voustrouverezlesfichesdeprésentationdescandidatsdansledossierquivousaétéremis.Commevouslesavez,leconseild’administrationnommeraensuiteledirecteurgénéral.Parconséquent,j’aiuneannonceàfaireavantquenouspoursuivions.

LecœurdeLucillasemitàbattreàgrandscoups.Christoslevalatêteetplongeasonregarddanslesien.

— Aujourd’hui, je donne ma démission et je suggère que Lucilla Chatsfield devienne votredirectricegénérale.

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14.

Des exclamations de surprise fusèrent de toutes parts et plusieurs personnes se levèrent, dontLucilla.Christosnevoyaitqu’elle.Sesbeauxyeuxnoisettepailletésd’orétaientagrandisparlastupeuretelleavaitl’airblessé.Lorsquecertainsdesjournalistesprésentstentèrentdel’approcher,ildécidadereprendreleschosesenmain.Ellen’étaitpasdutoutpréparéeàrépondreauxquestions.D’icilafindel’assembléeelleauraiteuletempsdes’habitueràl’idéedesanominationetellesauraitquoidire.Maispourl’instantilfallaitrétablirlecalmeetpasseràlasuite.

Elevant la voix dans lemicro, il demanda à tout lemonde de se rasseoir. Au bout de quelquesinstants, la salle redevint silencieuse.Lucilla s’était laissée tomber dans son siège,mais elle le fixaittoujours.

—Ilyauradu tempsplus tardpour lesquestions,mais il est tempsdepasserà l’ordredu jour,reprit-il.

Ilcommençaàanimerl’assemblée,maissanscesserdepenseràLucilla.Aucoursdelasemaine,ilavaitprisconsciencequ’ilnepouvaitpasresteràLondres. Il luiétait impossibledecontinueràvivredans la même ville qu’elle et encore moins de travailler dans la même société. La frustration étaitbeaucouptropgrande.Ilfallaitabsolumentqu’ilselibèredecettedépendance.

Etildevaitluirendrel’héritagequiluirevenait.Elleavaittouteslesqualitésrequisespourdirigerl’empirefamilial.ElleétaitlaseuleChatsfieldenquiilcroyait.Laseuleenquiilavaitconfiance.Etilnevoulaitpasresterentraversdesonchemin.Ellevoulaitqu’ils’enaille.Ilétaitincapablederépondreàsesautresexigences,maisilluioffriraitaumoinsça.C’étaitlemoinsqu’ilpouvaitfaire.

Alafindel’assemblée,ilquittalasalleparuneportedederrièreettraversalesbureauxjusqu’àlasortie devant laquelle l’attendait une limousine. Le chauffeur démarra au moment où un groupe dejournalistesprenaitd’assautl’entréeprincipaledel’hôtel.

Quelques secondes plus tard, le portable deChristos sonna. Il reconnut le nomde la société quil’appelait, mais au lieu de répondre il éteignit l’appareil. Il connaissait ce jeu. La nouvelle de sadémission commençait à se répandre et les offres d’emploi allaient pleuvoir. Elles pouvaient attendredemain. Il n’avait pas envie de s’en occuper aujourd’hui. La limousine le déposa au pied de sonimmeuble.Quechoisir?ResteràLondresencorequelquesjoursoubiensauterdanssonjetdèscesoir?sedemanda-t-ilenentrantdanssonappartement.Ilpouvaitalleroùbonluisemblait,maisiln’avaitpasl’habituded’êtredésœuvré.Depuislejouroùilétaitsortiducentrededétention,iln’avaitjamaiscessédetravailler.Chaquefoisqu’ilavaitquittéunemploic’étaitpourunautreplusintéressant.

C’était la première fois de sa vie qu’il démissionnait à cause d’une femme. Il s’immobilisa aumilieudusalon,prenantpleinementconsciencedel’énormitédesadécision.Ill’avaitpriseunpeuplustôtdanslasemaine.Ils’étaitd’abordenivré,cequineluiressemblaitpasdutout.Puisaumilieudela

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nuit,aprèsavoirenpartiedessoûlé,ilavaitappeléuntaxipourallerchezLucilla.Ilétaitrestéunlongmomentdanslarueàregardersafenêtre,mourantd’enviedemonteràsonappartementetdelaprendredanssesbras.Etparcequ’ilenmouraitd’envie,ilétaitremontédansletaxietilétaitrentréchezlui…

Christos gagna sa chambre et prit une valise dans le placard. Il avait l’habitude de tout laisserderrièreluietdetournerlapage.Ilallaitprendreletempsdechoisirunenouvelleentrepriseàredresseretilseferaitenvoyersesaffairesunefoisqu’ilseseraitfixéprovisoirementquelquepart.Ilfitsavalise,commandaunevoitureetserenditdanslabibliothèque.Ils’immobilisadevantleportrait.Ilnel’avaitpas recouvert. Il s’était forcé àvivre avec jour après jour, comme si çapouvait le vacciner contre lasouffrance.

MaisilenavaitfiniavecluicommeavectoutleresteàLondres.IlallaitlefaireenvoyeràLucilla.Anonymement,biensûr.Ellen’avaitpasbesoindesavoirquec’étaitluiquil’avaitacheté,lesoirdelaventeauxenchères.Ilnesavaitpastrèsbiencequil’avaitpousséàlefaire.Maiselleétaitsiaffectéecesoir-là,qu’illuiavaitparuimpossibledelaissercetableaupartirchezquelqu’und’autre.

Ilentenditlaportedel’ascenseurs’ouvrir.Pourquoileportieravait-illaissémonterlechauffeur?Iln’avaitpasbesoind’aidepourportersesbagages.Ilregagnalesalonetsoncœurfitunbonddanssapoitrine.

Lucillaétaitmanifestementfurieuse.—Espècedelâche!Pauvreimbécile!Qu’est-cequit’apris?

***

Lucillatremblaitderage.ElleavaitenviedesejetersurChristosetdeluiarracherlesyeux.Maisaussideselaissertomberàsespiedsenluidemandantpourquoi.Pourquoinepouvait-ilpasl’aimer?Pourquoi était-il aussi déterminé à gâcher tout ce qu’il avait accompli jusque-là à la tête du groupeChatsfield?

Ilarquaunsourcil.—Jet’aitoutsimplementdonnécequeturéclamesdepuistoujours.Mondépart.—Tuauraispumedemandermonavis!—Tonavis?Tun’asjamaiscachécequetuvoulais.Elleréprimaunsoupir.Avraidire,depuisqu’ilavaitfaitcetteannoncedeuxheuresplustôt,ellese

demandait pourquoi elle lui en voulait à ce point. Parce qu’il avait raison. Elle avait toujours vouluprendre ladirectiondugroupe.Elle s’estimait faitepourceposte.Et le jouroù il le luioffrait surunplateau,çalamettaithorsd’elle.Pourquelleraison?

—Jecroyaisqu’ilyavaiteuquelquechoseentrenous,enGrèce.A peine eut-elle prononcé ces mots qu’elle se maudit. Et maintenant voilà qu’elle se mettait à

pleurnicher!—C’estvrai.Ellefutsubmergéeparunmélangededésiretdedésespoir.—Alorspourquoi,Christos?Pourquoim’as-turejetée?Etpourquoipars-tu?Ilpassasesdeuxmainsdanslescheveuxetsecoualatête.—Jenesaispascommentfaireça,Lucillitsa.Ellefitunpasverslui,lecœurbattant.—Fairequoi?Ilplongeasonregarddanslesien.Danssesyeuxbleussereflétaientdesémotionsqu’ellen’yavait

jamaisvuesauparavant.—Jenesaispascomment…t’aimer.Ellesentitdeslarmesperleràsespaupières.

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—Jecroisquetum’aimessanslesavoir.Ilsecoualatête.—Ilvautmieuxquejeparte.C’estmieuxpournousdeux.Ellelefoudroyaduregardàtraversseslarmes.—Jusqu’àaujourd’hui,jenet’avaisencorejamaisconsidérécommeunlâche,Christos.Unjourtu

m’as dit que j’étais incapable de prendre des décisions difficiles,mais c’est toi qui en es incapable.C’esttoiquiprendslafuitequandtudevraisrester,c’esttoiquirenoncesquand…

LavoixdeLucillasebrisa.Elletentadefinirsaphrase,maisaucunsonnesortitdesagorge.Ellepivota sur elle-même. Inutile d’insister. Il était déterminé à ne rien ressentir pour personne. Elle sedirigeaversl’ascenseur,maisdeuxbraspuissantsserefermèrentsurelle.Incapablederésister,elleselaissaallercontreChristos.

—Lucilla.Jesuisdémoli,Lucillamou.Cassé.Jesuisincapabledetedonnercequetuattendsdemoi.J’aimeraispouvoir,maisjefiniraiforcémentpartefairesouffrir.

Elleseretournaetluipritlevisageàdeuxmains.—Jet’aime,Christos.Etjesaisfairedeschoixdifficiles.Sit’aimerestunchoixdifficile,alorsje

lefais.Unelarmeroulasursajoue.—Tunepeuxpasm’empêcherde t’aimer.Tupeuxpartiret fairecommesi riennes’étaitpassé,

maisjet’aimeraiquoiquetufasses,oùquetuailles.—Jenesaispassijesuiscapabledet’aimer.Jenesaispassijesuiscapabled’aimerquiquece

soit.—Si,Christos. Je l’aientendudans tavoixaucimetière. Je l’aivudans tesyeux.Tuasaimé ta

mèreettul’asperdue,maiscen’estpaspourçaquetuesmortàl’intérieur.—C’estpourtantl’impressionquej’ai,agapimou.Enpermanence.Depuistoujours.— En permanence ? Tu avais en permanence l’impression d’être mort à l’intérieur quand nous

étionsensemble?Pendanttouslesmomentsquenouspassionsensemble?Christosdéglutitpéniblement.—Non.Pastous.Ellesourit.—Tuvois?Illuisaisit lespoignetsetécartalesmainsdesonvisage.Ildéposaunbaiseraucreuxdechaque

paume,puisillalâcha.—Çanesuffitpas.Paspourtoi.Tuméritesmieuxqueça.—Voilàqueturecommencesàchoisirpourmoi,dit-elle,lagorgenouée.Maisjesuiscapablede

décidermoi-mêmecequiestbonpourmoi.Ilconsultasamontre.—Lavoituredoitm’attendre.Ilpritsavaliseetsedirigeaversl’ascenseur.Avantd’ypénétrer,ilseretourna.— Il y aquelque chosepour toi dans labibliothèque. J’avais prévude te le faire envoyer,mais

puisquetueslàtupeuxleprendretoi-même.Ilentradanslacabineetelleeutl’impressionqu’unepoignedeferluibroyaitlecœur.—Si tu t’envas, jene t’attendraipaséternellement. Je trouveraiquelqu’und’autreàaimeret je

t’oublierai.Ellenel’oublieraitjamais,biensûr.Maisellesouffraittrop.Ilfallaitqu’ellesedéfoule.Mêmede

manièredérisoire.Christoseutunsouriretriste.—Jel’espère,Lucillamou.

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***

La limousineétaitsur lepointd’arriverà l’aéroportquandsoudainChristossuffoqua.Posantunemainsursontorse,ils’appliquaàinspirerpuisexpirerprofondémentàplusieursreprises.Ilavaitdéjàétésubmergéparlapaniquequandilétaitenfantetqu’iltentaitd’échapperàlacolèredesonpère.Puisplus tard, aucentrededétention,quand il luttaitpour sa survie.Trempéde sueur, il ferma lesyeuxetrenversa la tête contre ledossier en attendantque lepoidsqui lui écrasait la poitrinedisparaisse.Cen’étaitrien.Justeuneattaquedepanique.Çafiniraitparpasser.

Le visage de Lucilla altéré par la souffrance s’imposa à son esprit. Elle lui avait dit qu’elle nel’attendraitpaséternellement,qu’elletrouveraitquelqu’und’autreàaimer…Ladouleurdanssapoitrines’intensifia.Puisilseremémoralesmainssursonvisageetsavoixdoucequiluidisaitqu’ellel’aimait.«Ellel’aimait».Ladouleurs’atténuaetsarespirationredevintnormale.Maislorsquelechauffeurpritlasortie d’Heathrow, il se sentit de nouveau oppressé. Il se vitmonter à bord de son jet et attacher saceintureaprèsavoirdemandéaupilotedel’emmener…oùdonc?Iln’enavaitaucuneidée.Ilnesavaitpasoùilavaitenviedeseretrouver.

Faux.Illesavait.DanslesbrasdeLucilla.C’étaitleseulendroitaumondeoùilavaitenvied’être.Maisildevaitfairecequiétaitlemieuxpourelle.Sortirdesavie,lalaisserdirigersonentreprise,lalaissertrouverunhommequil’aimeraitcommeelleleméritait.LadouleurseréveilladanslapoitrinedeChristos,plusviolentequejamais.Lucilladanslesbrasd’unautrehomme?Cetteidéeétaitintolérable.

Il la voulait pour lui. Dans ses bras et dans sa vie. Il voulait essayer de lui donner ce qu’elleattendaitdelui.Ladouleurs’estompa,laissantplaceàuneémotioninconnue,douceetintenseàlafois.

—Chauffeur,ilfautfairedemi-tour!

***

Lucilla n’avait pas le courage de quitter l’appartement de Christos. Elle se rendit dans labibliothèque et resta bouche bée devant le tableau. Sa mère était très belle et elle semblaitmerveilleusementheureuse.Siseulementelleétaitlà…Siseulementellepouvaits’asseoiràsespieds,poserlatêtesursesgenouxetdonnerlibrecoursàseslarmes…

Elleselaissaglissersurletapisetrestaassisedevantleportrait,lecœurpleind’amertume.Ellen’avaitjamaiseupersonnesurquisereposer.Jamais.Christosnevoulaitpasd’elle.Samèrenevoulaitpasd’elle.SonpèreétaitenAmériqueavecsanouvellefiancée.Etsesfrèresetsœurvivaienttousleurvie.Elleétaitplusseulequejamais…Submergéeparlacolère,ellecriblaletapisdecoupsdepoingtoutensanglotantetencriantsarage.Elleétaitpathétique,songea-t-elleconfusément.Maisc’étaitplusfortqu’elle.Ellenepouvaitpass’arrêter.Lorsqu’elleeutépuisétoutesseslarmes,elleserelevad’unbondetdonnauncoupdansletableau,quitombaduchevaletfacecontreterre.Elleinspiraprofondément.Oh!commeelleavaitenviedepiétinercefichutableau!Maisaussideleramasser,deleprendredanssesbrasetdes’excuserauprèsdesamère…

—Lucillitsa.Ellepivotasurelle-même.—Allonsbon,marmonna-t-elleavechumeur.Ilavaitdûoubliersonpasseportouquelquechosedanslegenre.Etillatrouvaitentraindesemer

lapagailledanssonbelappartement.—Jesuisdésolé.—Désolé?Ellecrispalespoings.

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—Ce n’est pas ça qui risque deme consoler. J’aimerais que tu n’aies jamaismis les pieds auChatsfield,Christos.Etj’aimeraisencoreplusnejamaisêtrealléeenGrèceavectoi.

—Agapimou.Elleserralesdents.—Qu’est-ceque je t’aidit,Christos?Plusdepetitsnomsaffectueux !Etquesignifiecelui-ci?

Monpetitflocondeneigeouuntrucridiculedumêmegenre?—Çasignifie«monamour».Sesyeuxs’embuèrentdenouvelleslarmes.Ellelesferma.—Cen’estpasdrôle.—Cen’estpascensél’être.Ellerouvritlesyeux.—J’allaispartir.Prendscequetuasoubliéetnet’occupepasdemoi.—Lucillitsa.Illuipritlamain.Ellevoulutlalibérermaisillaretintfermementetlaposasursontorse.—Sensça.Sensl’effetquetumefais.Ellesecoualatête,tropéchaudéepours’autoriserlemoindrerayond’espoir.—Jenecomprendspascequeturacontes.Jesuisfatiguée.Jeveuxjusterentrerchezmoi.Ilposal’autremainsursajouepuisl’enfonçadanssescheveux.—Moncœur,Lucilla.Sensmoncœur.Ellepritconsciencedesbattementsfrénétiquesdesoncœursoussapaume.—S’ilbataussivitec’estparcequejesuisterrifié.Dis-moiquejen’arrivepastroptard.Dis-moi

quejenet’aipasperdue.Ellesentitsonproprecœurs’affoleràsontour.—Non,tunem’aspasperdueenl’espaced’uneheure.Illapritdanssesbrasetlaserracontrelui,maiselles’écartalégèrementpourscrutersonvisage.— Je ne comprends toujours pas. Tu es parti aprèsm’avoir dit que tu ne pouvais pasm’aimer.

Pourquoies-turevenu?—Parcequetuavaisraison,agapimou.Jesuislâcheetstupide.Quandlasituationsecompliqueil

estplusfaciledepartirquederester.—Tuescapabled’affrontern’importequellesituation,Christos.Tul’asprouvé.Tuasreconstruitta

vieettuesdevenuunhommebrillantethonorable.Tamèreseraitfièredetoi.—Jepense,oui.Maisjepenseaussiqu’elleauraitétéfâchéecontremoi,pourt’avoirquittéetoutà

l’heure.Parcequ’elleauraitsucequejen’avaispasencorecompris.LecœurdeLucillas’affoladeplusbelle.—Quoidonc?—Queje t’aime,Lucilla.Tueslafemmelaplusforte, lapluscourageuseet laplusbellequeje

connaisse.Etmoijesuisl’hommequetumérites.Aucunautrenet’aimerajamaisautantquemoi.L’espaced’uninstantLucillafutprisedevertige.Puisellepouffa.—VoilàleChristosquejeconnaisetquej’aime.Arrogantetautoritaire.Ilenfonçalesdoigtsdanssescheveux.—Çat’excitequandjesuisautoritaire.—Oui,jelereconnais.Çamedonneleplaisirdefairetoutlecontrairedecequetumedemandes.Christospouffaàsontour.—Alorsnem’embrassepas,Lucilla.Nemetouchepasetnemedispasquetum’aimes.Jamais.—Marchéconclu.Ellepromenalesmainssursontorseavantd’ajouter:—Jet’aime,Christos.

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Puisellel’embrassa.

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Epilogue

Plusieursmoisplustard…

LemariagedeGeneChatsfieldetd’HelenaMorganfutunévénement trèsmédiatisé.LaréceptioneutlieuunpeuavantNoëlauChatsfielddeLondres,établissementpharedel’empirehôtelierfamilial,oùtouslesenfantsChatsfields’étaientdonnérendez-vouspourcélébrerl’uniondeleurpèreetdelafemmequiavaitconquissoncœur.

LamariéeétaitresplendissantedansunerobecrèmedecoupesobreetGenetrèsélégantdanssonsmoking.IlétaitvisiblementtrèsamoureuxdesanouvellefemmeetLucillaétaitheureusepourlui.Lorsd’unediscussionqu’ils avaient eueunpeuplus tôt, il lui avaitditqu’il était très fierd’elle etde sontravail à la direction du groupe. Elle ne recherchait plus son approbation à tout prix, mais sescomplimentsluiavaientfaitnéanmoinschaudaucœur.

Elles’arrêtaaubarpourparlerauchefréceptionniste.Lemomentdutoastapprochaitetellevoulaits’assurerqu’ilavaitprévusuffisammentderubida,unexcellentvinpétillantdeleurnouveaufournisseuraustralien,lesvinsPurman.Francoavaitnégociéavechabiletéuncontratd’exclusivitéaveclabrillanteœnologue qui gérait cette société familiale en collaboration avec son grand-père. Il avait égalementréussiàlaconvaincredesefianceravecluietilsétaientvisiblementaussiheureuxl’unquel’autre.

A l’autreboutde la salle,Antonioétait encompagniede sa jeuneépouse,Orla, auprèsdequi ilsemblaitavoirenfintrouvéunesérénitéinespérée.Leregardéblouidontill’enveloppaitnelaissaitaucundoutesursonbonheur.

Lucillacontinuadepromenersonregardsurlafoule,àlarecherchedesesautres«bébés».NicoloétaitassisàunetableencompagniedeSophie,l’anciennesecrétairedeChristos,qu’ilavait

épouséeetquiattendaitunenfant.LucillapouffadiscrètementausouvenirdelatêtedeChristos,lejouroùilavaitprisconnaissancedeladémissiondesasecrétaireetdelaraisondecedépart.

AlamêmetableétaientassisOrsinoetPoppy,quisetenaientlamainetéchangeaientdesregardsbrûlants toutendiscutantavecLuccaetCharlotte. IlyavaitégalementAaliyah, lademi-sœur,que leurpèreavaitprésentéetoutrécemmentàsesautresenfants.Trèsbelle,elleétaitencompagniedesonmari,CheikhSayedbenFalahalZeena,princehéritierduZeenaSahra.Aupremierabord,ellesemblait trèstimide, mais Lucilla s’était rapidement rendu compte qu’elle avait une forte personnalité. Découvrirqu’ilsavaientunedemi-sœurdont ils ignoraient toutavaitpour lemoinssurpris lesenfantsChatsfield.Cependant,fidèleàsanature,Lucillal’avaitaussitôtprisesoussonaile.

Enfin il y avait Cara, qui se tenait à côté de leur père et de sa nouvelle épouse, en compagnied’Aidan,sonmari.Lucillaaimaittendrementtoussesfrères,maissapetitesœuroccupaituneplacetrès

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spéciale dans son cœur.VoirCara apaisée et heureuse était un grand soulagement et une joie intense.Peut-êtren’avait-ellepastropmalremplisonrôledemère,finalement.

—Turéfléchistrop,murmuraChristosenseglissantderrièreelle.Ilrefermalesmainssurseshanchesetl’attiracontrelui.—Jemeréjouisdelaréussitedecettejournée.Toutlemondeal’airtrèsheureux.Ill’embrassadanslecou.—Moientoutcasjesuisheureux.Merveilleusementheureux.—Moiaussi.Surtoutaprèscetrucquetuasfaitcematin…Ilpouffa.—Jerecommenceraisvolontiers.Sinousnouséclipsionsunmomentpourallerdanstonbureau?—Vilaingarçon.Plustard.Illapressaplusétroitementcontrelui.Lecontactdesavirilitépleinementéveilléecontresesfesses

luiarrachaunpetitgémissementétouffé.—Christos,tumedonnesenviedemeconduiretrèsmal…—J’espèrebien.Elledéglutitpéniblement.—Malheureusementilfautattendre.Ilyaletoast,puislebal,etensuitejenesaisquoid’autre…Illafitpivotersurelle-même.—Ilyaautrechosedontnousdevonsparler,Lucilla.— De quoi ? Tes honoraires de consultant ont encore augmenté ? Tu sais que je paierai. Le

Chatsfieldabesoindetesconseilsd’expert.—Non,cen’estpasça.Sous son regard étincelant, elle sentit une vive chaleur l’envahir.MonDieu, il lui donnait envie

d’enleversarobeici,toutdesuite…—Cettefièvredumariage,c’estcontagieux,Lucilla.Ellesentitsoncœurfaireunpetitbonddanssapoitrine.—Jevoulaisattendreunpeuplustardpourteledire,maisjesuistropimpatient.Jeveuxquetu

m’épouses,Lucilla.Meréveillerdans tesbrasnemesuffitplus.Jeveuxtegarderauprèsdemoipourtoujours.JeveuxvoirtonventregrossiretjeveuxtenirtamainsurlaplageenGrèce,quandnousseronssivieuxquenosenfantsserontobligésdenouspousserdansnosfauteuilsroulants.

—C’estlachoselaplusbellequetum’aiesjamaisdite,répliqua-t-elle,lesyeuxnoyésdelarmes.—Jeveuxtediredesbelleschosestouslesjours,jusqu’àlafindenotrevie.Lecœurprêtàexploserdebonheur,elledéposaunbaisersurseslèvres.—Oui,Christos.Jeveuxt’épouser.Elleluipritlamainetlaposasursonventre.—Ça tombebienque tuenaiesparlé,parcequemonventre risquedegrossirplus tôtque tune

l’imagines.Ilrestabouchebée,puisilfermalesyeuxetrenversalatêteenarrièreenmurmurantengrec.Elle

l’enveloppad’unregarddébordantdetendresse.Ellen’avaitdécouvertl’heureusenouvellequequelquesjoursauparavantetelleavaitprévudelaluiannonceràCéphalonie,oùilspartaientdeuxjoursplustardpourypasserNoël.

Maisc’étaittrèsbienainsi.Jamaisellen’oublieraitsonvisagerayonnantdebonheuretd’amour—pourelleetpourleurbébé.

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TITREORIGINAL:HEIRESS’SDEFIANCE

Traductionfrançaise:ELISABETHMARZIN

HARLEQUIN®

estunemarquedéposéeparleGroupeHarlequin

Azur®estunemarquedéposéeparHarlequin

©2014,HarlequinBooksS.A.

©2015,Traductionfrançaise:Harlequin.

Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:

HARLEQUINBOOKSS.A.

Tousdroitsréservés.

ISBN9782280350136

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.

HARLEQUIN

83-85,boulevardVincent-Auriol,75646PARISCEDEX13

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Gwenaimaitlecourttrajetentrel’ascenseuretlachambre.Elleaimaitaussilacaressedeladoubluresoyeusedutrenchsursapeaunue,lebruitfeutrédeses

talonssurlamoquetteducouloirdel’hôtel.Illuiarrivaitdecroiserd’autresclients,maisàcetteheure-ci—endébutdesoirée—,laplupartétaientdéjàsortispourdînerousedivertir.

Ses sens s’aiguisaient quand elle approchait de sa propre source de divertissement. La longueinspirationqu’ellepritgonflasapoitrine,etlesatintièdefrôlaalorsleboutdesesseins.

Ellecommençaitàdeveniraccroàcesmoments-là,elleenétaitconsciente,maiscommen’importequeldrogué,ellesefichaitdetoutsaufd’obtenirsadose.

Ellefrappaàlaporte.Ilnelafaisaitpasattendre.Jamais.Paspourluiouvrirlaporte,entoutcas.Ilétaittoujours,comme

elle,d’uneponctualitéirréprochable.Enrevanche,unefoisqu’ilsavaientcommencé,ilsavaitlatorturersansmercienprenantsontemps…

Unepartied’elleauraitvouluinterprétercetteattitudecommelesignequ’ilattendaitleursséancesavecunehâteégaleàlasienne,maisc’étaitunsouhaittrèsromantiqueetGwenn’étaitaucunementfleurbleue.Dumoinsn’avait-ellepasledroitdel’être,àplusforteraisonquandellevenaitici.Savieentièreétaitrégieparunfroidréalisme,desrèglesinnombrablesetunprotocolestrict,ausommetduqueltrônaitlapolitesse—àlaquellelesgensdesonmondesacrifiaient,coûtequecoûte,l’expressiondesvéritablessentiments.

Elleréprimalesourirequiluimontaitauxlèvresetarboracelui,àpeineperceptible,propreàladyGwenHamilton-Smythe.Quiétait,aprèstout,lapartd’elle-mêmequ’ellevenaitmaltraitercesoir.

Feindrel’indifférencedevintplusdifficilelorsqu’ilfitunemouedédaigneuseenfixantlaperruquequ’elleavaitchoisie,blancheavecunemèchedecouleur.

«Appelez-moiHayes»,avait-ildit lorsde leurpremierrendez-vous.Hayes,quisonnaitpresquecomme«haze»,labrume.Gwennesavaitpassic’étaitàcausedelacouleurtroubledesesyeux,quihésitait entre le vert et le marron, ou bien s’il s’agissait de son nom de famille ou de son véritableprénom.Ellesavaitseulementqu’elles’étaitpenchéesurcesyeuxpâlesetsereinscejour-làetqu’elles’était toutde suite sentieenconfiance.Probablementà tort,probablementde façonstupide,maisellerevenaittouslesmois.

Hayesneportaitqu’unjean,commes’ilavaitenlevésachemisesuruncoupdechaud.Elleauraitvouluyvoir lesignequ’ilattendait leursséancesavec impatience,maiselle repoussadenouveausonfantasmed’unequelconqueconnexionémotionnelleetseconcentrasurl’aspectphysique.

Elle passa en revue la peau hâlée de ses épaules superbes, les pectoraux tendus et les abdos entablettedechocolat.Ilavaitappuyéunemainnonchalantesursatailleétroitealorsquedel’autre,iltenait

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encorelaporte.Ellenotaimmédiatement,d’uncoupd’œilàsabraguette,qu’ilétaitaussiexcitéqu’elle.Ellesentit

sonpoulsaccélérer.— Non ! fit-il d’un ton sec lui intimant de lever les yeux et de les confronter à son regard

implacable.Ellecontemplasonvisageà l’expressionmécontente, lementonombréd’unebarbenaissante, les

cheveux bruns de nouveau trop longs, en désordre, comme s’il s’était passé les mains dedans. Et sabouche,biensûr…Seigneur,cettebouchesiérotique,avecledessinsévèredel’arcdeCupidonquelacourbegourmandedelalèvreinférieurecontredisait!Cettebouchequi,encemomentprécis,setendaitenunelignedurepourmontrerquicommandait.

Il la traitaitpresque toujoursainsi, commes’il était l’undeces salaudsarrogants avecunnomàparticulequi régissaient savie ;maisparfois,mêmesi c’était rare, il se changeait enquelqu’unde sidouxet—dedangereux—qu’ellenevoulaitmêmepasypenser.

—Jeregardeoùjeveux,riposta-t-elle.Etjefaiscequejeveux.Cequiétaitexactementcequ’elleavaittoujoursvouludireàcesaristosconservateursauxquels,de

par sa naissance et en tant que femme, elle était subordonnée. Elle entra dans la chambre en laissantdélibérémentsavalisedanslecouloir.Detempsentemps,quandellevoulaitleprovoquer,elleaimaittraiter Hayes comme un garçon d’écurie. Après la semaine infernale qui venait de s’écouler, elle necherchaitpaslabagarre:ellevoulaituneguerre!

Sansrécupérerlavalise,illâchalaportequisefermaenclaquantviolemment.Elleavaitchoisiunmauvaisjourpours’affirmer,songea-t-elle,leventrenouéparl’appréhension.

Toutesaviesetrouvaitdanscettevalise.Nonseulementdenouveauxjouets,qu’ellecomptaitessayercesoir avecHayes,mais surtout un courrier très personnel qu’elle avait récupéré dans sa boîte postaleanonyme.Uneréponsequ’ellen’avaitpaseulecouragedelire,etqu’ellen’avaitpasnonplusosélaisserdanslaboîteàgantsdesavoiture.Lespaparazzislaharcelaientdéjàassezcommeça:s’ilsapprenaientcertaineschosestroppersonnellessurelle,ceseraitlahonte,l’opprobreetledéshonneur.

—Nousenrestonslà,alors?demanda-t-elle,impérieuse.Lapaniquel’envahitens’entendantlancercetultimatum.Elleavaitbesoindecesmoments.Delui.

Commeelleétaittombéebas…Elleespéraitseulementqu’ilnes’enrendaitpascompte.Hayes plissa les yeux un instant et elle eut l’impression qu’il retenait son souffle en prenant sa

décision.—Enlèvelaperruque,dit-ilenfinencroisantlesbras.UnevaguedesoulagementtraversaGwen.Hayesluiavaitdonnéunordre:luinonplusnesouhaitait

pasenfinir.C’étaitunebonnenouvelle,maisellen’obéitpaspourautant.Sonattentionétaitécartelée.D’uncôté,ellevoulaitcrierqu’ilfallaitabsolumentmettrecettevaliseensécurité,del’autreellerefusaitde donner une telle preuve de faiblesse. Sans compter qu’elle n’avait pas encore sorti sa meilleurearme…

Défaisantaveccalmelaceinturedesontrench,ellel’ouvritetlelaissaglisserlelongdesesbras,puis le jeta au pied du lit. Elle passait des heures à la gym, sans parler du temps qu’elle dédiait àl’équitation.Quandelleentraitdanslemanège,elleétaitaussienformequesonpur-sang.Apartunbleuoccasionnel, aucun défaut ne gâtait ses longsmembres.Elle n’ignorait pas qu’elle n’était que courbesbienproportionnées,desesseinsgénéreuxàsesfessesfermes.Laréponsedeshommesàsoncorpsétaittoujoursenthousiaste.

Juchéesurseshautstalons,elleseredressadansuneposededéfi,unpeucommeWonderWoman,l’héroïnedesajeunesse,jambesécartées,mainsauxhanches,mentonhaut.EllelançaalorsàHayessonregard«etmaintenant?»

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Sans laquitterdesyeux,sansmêmese rajuster l’entrejambealorsque la fermetureEclairdesonpantalonsemblaitsurlepointd’exploser,ilrouvritlaporteetlatintouverte:

—Tupeuxlaprendretoi-même.Quelmufle ! Le parfait salaud. Elle l’aimait et le détestait pour cela, de lamême façon qu’elle

aimaitetdétestaitBlackSatinàcausedesonespritindomptableetentêtéquilamettaitaudéfideresterenselledèsqu’ellelemontait.

Dieumerci,lavalisen’avaitpasbougé.Gwendutfaireunimmenseeffortpournepasseprécipiterverselleetsecontenterdeladésignerd’ungeste.

—J’aiapportéquelquesgadgetsquiontattirémonattention.—Moiaussi,répondit-il.Elle chercha à déchiffrer son expression, mais ne rencontra que le regard assuré de celui qui

maîtrisecomplètementlasituation.Unespiraled’excitationémailléedepeurluinoualeventre.C’étaitdanscetteassurance,comprit-elle,quesetrouvait lasourcedupouvoirdeHayessurelle.

Gwentenaitlesrênesdesavievingt-neufjourssurtrente,maisquandsontempsdedétentearrivait,ellelâchait prisepourdebon.Ellene le faisait qu’ici, cependant.Derrière cetteporte, avec lui pour seultémoin. Elle desserrait son emprise sur les brides puis, après s’être abandonnée complètement, ellerevenaitlentementàelle,ramassaitsoncourageetreprenaitlecheminharassantduquotidien.

En tenant la porte ouverte, Hayes la défiait de déplacer l’expérience hors de cette chambre. Cequ’ellenevoulait,ninepouvaitfaire.Celadevaitresterentrecesquatremurs.Entreeuxdeux.

Donc,toutenlehaïssantjusqu’auboutdesonglesdelaforceràsesoumettre,elleretiralaperruquedesoncrâneetlajetaàsespieds.

—Bravefille,dit-ilavecunsourirecondescendant.Elleretintuncrioutragé.Oh!qu’elledétestaitquandill’appelaitcommeça!Elleseconsolaenlevoyantprendrelavalise.

Laporteclaqua.Ilbloqualeloquet,uneprécautionqu’iln’oubliaitplusdepuisqu’unefemmedeménageavaitfailli

lessurprendre,troismoisplustôt.—Tuvasmedirepourquoituesdesimauvaispoilaujourd’hui?dit-ilencroisantlesbras,toute

sonattentionportéesurelle.—Tuveuxmedirepourquoitoi,tul’es?Lasurpriseadoucitfugacementsonvisagesévère.—J’ignoraisqueturemarquaismesétatsd’âme,milady.— Comment ne pas s’en rendre compte ? fit-elle en fixant délibérément le renflement de sa

braguette.Elle préférait revenir sur ce terrain. Chaque séance, la tentation d’en savoir plus sur lui,

d’apprendre à le connaître, devenait plus dure à combattre.Mais ce qu’ils partageaient n’incluait pascettesorted’intimitéetnel’incluraitjamais.

—Etnem’appellepasmilady.La première fois qu’il l’avait fait, elle avait lâché son safe word pour interrompre le jeu, en

ajoutant:«Cen’estpaspourçaquejesuisici».—Ahnon?avait-ildemandéaprèsuninstantderéflexion.Pourquoipas?—J’ail’aird’unelady,là?Elleavaitposélaquestionalorsqu’elleétaitattachéeàlatêtedulit,lesfessesenl’air,lesgenoux

écartés.Attirerl’attentiondeHayessursapositions’étaitrévélélabonnestratégiepourqu’ilcessedequestionnersapsychétordue,etilsn’avaientplusabordélesujet.Jusqu’àaujourd’hui…

— Je croyais qu’on jouait à la châtelaine et le roturier, répondit-il en surjouant son accentirlandais,d’habitudepeumarqué.

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Endépitdesonimmobilité,illadévoraitdesyeux,cequilarassurait.Ilétaitpourtantévidentqu’ilétaitaussiénervéqu’elle.Gwendutfaireappelàtoutelaforcedesavolontépournepaslequestionneràcesujet.

—Non,asséna-t-elle.A son grand dam, sa façon de parler, même sur un mot aussi court, révélait qu’elle était une

aristocrateetjouissaitdetouslesprivilègesqu’unetellenaissanceentraînait.Ensepassantlamaindanslescheveux,elleregonflasesbouclesbrunesquelaperruqueavaitaplaties.

—Onvajoueraumêmejeuqued’habitude,ajouta-t-elle.—Lamégèreàapprivoiser?suggéra-t-ilavecunsourireindéfinissableenavançantverselle.Une poussée d’adrénaline l’électrisa : fuir ou combattre, c’était le moment de choisir. Lorsque

Gwenportait des talons, commeen cemoment, leursyeux se trouvaient à lamêmehauteur.Toutefois,avecsacarrured’athlèteetlaforcequisedégageaitdelui,Hayesrestaitintimidant.

Ilsetenaitsiprèsàprésentqu’ellepouvaitsentirlachaleurdesoncorpssurlapeaufraîchedesesseinsnus.Elleavaittellementenviequ’illaserreetl’écrasecontresontorse,qu’elleenavaitmal.Hayessecontentadeluiempoignerlescheveuxpourl’obligeràluioffrirseslèvresetluiexposersoncou.

—Oui,jouonsàlasalopequicroittoutmaîtriseralorsqu’ellenemaîtriserien…Cellequipenseêtreauxcommandesalorsquepasdutout.

Enguisederéponse,GwenlaissacourirsesonglessurletorsedeHayes.D’ungesterapide,illuipritlespoignetsetlestintderrièresondos.

—Tuesd’unedrôled’humeur,jeta-t-il.Ellepoussaleshanchesvers luietsefrottacontresonjean,savourant la façondont il retenaitsa

respiration.Desamainlibre, il l’empêchadebouger;del’autre,avecuneautoritédélicieuse,ilserradavantagesespoignetsdanssondos.

—Jen’étaispassûrquetusoisprêtepourcequej’aiapporté,maisjevoisquesi.Embrasse-moi,pensa-t-elle.Jette-moisurlelitetprends-moifortetvite.Parfoisellesedisaitque

çaluisuffirait,maiselleavaitbesoindetoutlereste,aussi.Commes’ilpouvait liredanssespensées, lespupillesdeHayessedilatèrentetsonsoufflesefit

caressant. Sesmains se resserrèrent encore plus fort.Gwen sentit ses seins pointer furieusement et ledésirl’inondaend’exquisespulsations.

UneombretraversalesyeuxdeHayes—commeunbesoindésemparéetirrépressible.Peut-êtreenavait-ilautantbesoinqu’elle,enfait.

—Puisque tuasétésiagaçante,dit-ild’un tonrugueuxcommedupapierverre, tuattendrassansbougerletempsquejemeprépare.

Vatefaire…—Là,là,fit-il,taquin,commes’ilcalmaitunepoulichetropfougueuse.Ill’obligeaàsemettrecontrelemur,d’ungestebrutalquirisquaitdeluilaisserunemarquesurle

bras.—Tusaisquej’aimevoirdesfessesbienrouges.Situmeparlesdemanièreaussivulgaire,c’est

cequetuauras.C’estceladonttuasenvie,enfait?Non.Ilsavaientessayélespaddles,encuiretenbois,etlescravaches.Ellen’avaitpasaiméces

instruments-là.Ilnel’avaitfesséequ’unefois,maisiln’avaitpaspeurdebrandircettemenacelorsqu’ilétait d’une humeur âpre. Gwen le connaissait assez bien désormais pour ne pas le provoquer : lesmenacesdeHayesressemblaientplusàdespromessesqu’àdesparolesenl’air…

Ilsconnaissaientsibienleslimitesl’undel’autrequec’enétaiteffrayant,surtoutsi l’onsongeaitqu’ilsneseretrouvaientqu’unefoisparmois.Ilsavaitcommentlapousserjusqu’àcettelignesi ténueentre l’enduranceet lapeur sans jamaisaller trop loin.C’étaitgrâceàcettehabiletéques’étaitbâtie,pierre aprèspierre, leur confiancemutuelle.Ainsi, endépit desvaguesd’appréhensionqui envahirent

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Gwenquandill’obligeaàposerlesmainssurlemur,commeundélinquantquisefaitfouiller,puisqu’illuiécartalesjambesdupied,ellelelaissafaire.

Il la récompensa en portant son attention sur ses fesses, qu’il pressa tour à tour d’un geste depropriétaire.Sapaumeétaitsichaudeetsipossessivequ’elleneputquesepressercontreelle.

Il glissa plus bas, vers la moiteur entre ses jambes, puis plus bas encore, dessinant une lignetortueuse sur l’intérieur de sa cuisse, avec une lenteur paresseuse qui mettait Gwen à l’agonie. Ellevoulait sesdoigtsenelle, toutdesuite !Mais,biensûr,Hayesn’en fit rien,etaudésir insatisfaitvints’ajouterlafrustrationd’êtreignorée.

—Jetehais,murmura-t-elle.—Jetehaisaussi,moncœur.Sontons’étaitfaitplusdoux,cetontendrequiluifaisaitfermerlesyeuxetrefoulerl’enviedese

blottirdanssesbras,delesupplierdedevenirtoutpourelle,passeulementsonexutoire,passeulementlemurcontrelequelellesejetaitpourêtrecertainequ’ilétaitassezfortpourlaprotéger…

Il s’éloigna. Gwen laissa sa tête pendre sur sa poitrine. Comme chaque fois, une sorte de voixintérieure lui demanda ce qu’elle faisait. Leur premier rendez-vous datait presque d’un an et elle nesavaitplustropcommentcelaavaitcommencé,oucontinué,niencoremoinscommentcelafinirait.

Adirevrai,ellesedoutaitdelafin.Cettesemaine,safamilleavaitlancéunenouvelleoffensive,etmêmesagrand-mère,mêmesonplusjeunecousinluiavaientdemandéquandallait-ellesemarier.Jen’aiquevingt-troisans,avait-elleenviedehurler.Posezlaquestiondansdixans.

Maislesbonspartisallaientparaderdevantellequidevraitenchoisirun;etselonsesparents,leplustôtseraitlemieux.Alors,elledevraitrenonceràsesrendez-vousavecHayes.

Ungouffred’angoisses’ouvritdanssapoitrine.Elleravalasonenvied’éclaterensanglots.

***

En tendant la corde en nylon d’un bout à l’autre de la chambre,Hayesmanqua par deux fois lecrochetsurlemuropposétantsesmainstremblaient.IlavaitdumalàdétournersesyeuxdesfessesdeladyHamilton-Smythe.Sonenvied’elle,uneenviedésespérée—lemotn’étaitpastropfort—,ramenaitsonregardencoreettoujoursverscettezoned’ombreentresescuisses,sidouce,sichaude.Etmoiteàprésent.Acausedelui.Pourlui…

Cette certitude lui tournait la tête, faisait trembler tout son corps. Il avait enviede se jeter à sespiedspour l’adorer.Enfait,c’était luiquiétaitsonesclave.Leseulréconfortpoursafiertémâleétaitqu’elleignoraitl’étenduedesonpouvoirsurlui.Sesjoursetsesnuitstournaientautourdumomentoùilarrivaitdanscettechambreetcommençaitàl’attendre.

Safaçondecourberl’échineaujourd’huil’inquiétait,cependant.Etcettemanièredelaisserpendrela tête entre les épaules ne présageait rien de bon. En général, elle se comportait en véritable garce,tellementconvaincuedesasupérioritéqu’iln’avaitaucunmalàlafairedescendredesesgrandschevauxaveccespetitsjeuxqu’elleaimaittant.Elleaimaitvraimentça.Ellecriaitsonplaisircontrel’oreilleroucontresamainchaquefois.

C’était la seule raisondesapropreprésence ici,d’ailleurs, se répéta-t-ilpournepas l’oublier :procureràsaladydesorgasmesrenversants.

Au début, il avait cherché àmettre un peu de piment dans sa vie érotique, désireux de vivre denouvellesexpériences.Avingt-cinqans,ilavaitconnupasmald’aventuresclassiques.LessuggestionsoutrageusesdeladyGwenHamilton-Smythel’avaientintriguéassezpourqu’ilselance,rienquepourlefrisson.Combiend’hommespouvaientsevanterd’avoirreçuunetelleoffre—delapartd’unvéritablemembredel’aristocratieanglaise,excusezdupeu…

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Seulbémol:ilnepouvaitpasenparleràquiquecesoit.Lesjeuxqu’ilspratiquaientétaientdeceuxque l’on révèle seulement dans des mémoires à publier cent ans après la mort des deux partiesimpliquées.

Quelquechosede très frustrant s’étaitglissédernièrementdans leurs séances.Sacuriosité s’étaitmuéeeninquiétude.L’amusementétaitdevenuaffection,mêmesi,commeilnecessaitdeselerappeler,Gwenétaitunevéritablegarce.Ilnedevraitpasavoircebesoincroissantdelavoir,maisunefoisparmois,çaneluisuffisaitpas.Neluisuffisaitplus.

C’était la raisonde son irritationactuelle.La raisonaussipour laquelle il avait fait les centpasderrière la porte de la chambre, en se retenant de surveiller le couloir pour voir si elle arrivait. Ildétestaitdevoirattendrequatresemaines,détestaitêtreseulementsonpetitvicesecret,détestaitqu’elleaitdécrétéqu’iln’étaitpasassezbienpourelle,sansmêmesavoirtoutcequ’ilyavaitàsavoirsurlui.

Par-dessustout,ildétestaitqu’ellevoied’autreshommes.Qu’est-cequ’ellecroyait,qu’ilnelisaitpaslesjournaux?Ilécrivaitpourlapresse,bonsang!

Cettefrustration,c’était lefardeauqu’ildevaitporter.Apparemment,elleavaitaussi lesien,et ildevaitêtretrèslourdàenjugerparlafaçondontsesépaulesdélicatessemblaientsurlepointdecédersouslepoids.

Pauvrepetitefilleriche…Saufqu’iln’ycroyaitpasvraiment.DepuislepremierappeldeGwen,alorsmêmequ’endécouvrantsonaccenthuppéilétaitpratiquementconvaincuqu’oncherchaitàluifaireduchantage,ilavaitétéincapabledesesoustraireàl’intérêt,àlafascination,qu’elleéveillaitenlui.

Etàuneexcitationfolle!Ilseforçaàfinirsoninstallation.Lasécuritéd’abord,ricana-t-ildanssonforintérieur.Puis,d’une

voixquivenaitd’unendroitbientropprofonddanssapoitrine,illança:—Viensici,Gwen.Elleseretournaetleregardaàtraverslesfilsdelatoiled’araignéeennylonqu’ilvenaitdetendre.

Sesyeuxsuivirentlescordes,verslespitonsvissésauxmurs,avantdedescendreverslespetitstasdepoussièreausolàlaverticaledechaquetrou.Oui,ilavaitvandalisélachambre;oui,ilavaitperforélesmurspouryinsérerdeschevillesetdesgondsdefixation.Ilétaitmêmevenuexprèsàl’hôtelquinzejoursplustôtpourtoutmesureretplanifier.Latâchen’avaitpasétéaiséeétantdonnélaformedelapièceetlaproximitédulit,maisaprèsavoirvul’installationdansunsex-shopBDSM,ilétaitdéterminéàl’essayer.

L’expression de Gwen trahissait un mélange d’appréhension et d’anticipation. Ses cilspapillonnaient,commesiellen’encroyaitpassesyeux.Elleavaitpressésescuissesl’unecontrel’autre,enunedecesdélicieusesréactionsmalmaîtriséesquilerendaientfouchaquefoisqu’ilssevoyaient.

Ilbridalesouriredeplaisirquiluimontaitauxlèvresenvoyantqu’elleétaitaussiexcitéequelui.Commed’habitude,ellecherchaàmasquersonémoiavecunepique:—Etcommentcomptes-tuexpliquerlesdégâtsenpartant?—J’aiapportédel’enduit.Maintenant,vienslà!Elleobéit,sanstoutefoissedépartirdesonregardleplussnob,cequ’ilinterprétacommelesigne

qu’ilnes’étaitpastrompé.Certainsjours,ilssecomportaientcommedesenfantslorsqu’ilsdéballaientleursjouetsnouveaux:ilsplaisantaientetsetaquinaient,aussiamusésqu’excités.Aujourd’hui,lasoirées’annonçaitextrême,cequiseyaitbienàsaproprehumeur.Ilfallaitjustequ’ilprennesoindenepasallertrop loin. Gwen était une dure à cuire, elle n’accordait, par exemple, aucune importance à un bleupresquenoirquelaruaded’unchevalluiavaitimprimésurlacuisse,maisildétestaitlaisserlamoindremarquesursoncorps,neserait-cequ’unebrûluredesabarbedetroisjourssurlacourbedesesseins.Elleétaitparfaiteetdevaitlerester.

Elleledéfiadesesyeuxgris,orageuxdelapassionqu’ellesedonnaittantdemalàcacher.—Tourne-toi,ordonna-t-ilàmi-voixendésignantdumentonunpointderrièreelle.Regarde.

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Ellecarralesépaulesetprituninstantavantd’obéir.Quandellelefit,ellesefigea.Ilneputquesourireenvoyantsasurprisereflétéedanslesportesduplacard.IltenditlebraspourattirerGwendanssatoile.

—Jet’aidéjàditàquelpointçam’excitedetevoirattachéeetàmamerci.Aujourd’hui,onvavoirqueleffet,cettevisionaurasurtoi.

—Jen’aijamais…Il lui avait fait lever le bras au-dessus de la tête,mais il interrompit son geste. Comme elle ne

prononçapassonsafeword,ilfermalamenotteautourdesonavant-brasetluipritl’autrecoude.—Tun’asjamaisquoi?demanda-t-il.—Jenesaispassijeveuxmevoircommeça.—Attachée?demanda-t-il,surpris.Elleadoraitpourtantlorsqu’illuidécrivait,danslestermeslespluscrus,cequ’ilvoyaitetpourquoi

ilaimaitça.Sielleavaitlesyeuxbandés,ilpouvaitpresquelafairejouirenluidisantcequ’ilvoulaitluifaire.Plusilétaitprécisdanssesdescriptions,plusellelesuppliait.«Fais-le!»

Elleneréponditpas.Ilétudiasonrefletetylutdel’hésitation,maisellenel’arrêtapasquandilpassaunemainentreles

cordespourlaluiglisserentrelescuisses.Ilavaitenviedetaquinersonsexeduboutdesdoigts,jusqu’àcequ’ellegémisseetqu’elles’arc-boutecontresacaresse.

Ledésirluitournaitlatête.Ilvoulaitlaprendresur-le-champ.Néanmoins,ilsecontentadefermerlesdoigtssurl’intérieurdelacuissefuseléedeGwenpourqu’ellelasoulève.Ill’attacha.Elleavaitlesjambesécartéesetnepourraitpaslesrefermer.

Elleprituneinspirationtremblanteetdétournaleregarddelaglace.—Tun’aimespasvoiràquelpointtuesexcitée?Moi,j’adore!Illuientouralatailled’unbraspourlasoulever.IlnelâchapasGwentantqu’ilnefutpascertain

quesatoiledecordespouvaitsupporterlepoidsdesoncorps.Ils’éloignaensuitedoucement,prêtàlarattrapersil’installationcédait.

Ellelançaunpetitcrisurpris,puisfitrebondirdoucementlescordes,lesyeuxpleinsd’étincelles.Puisquelasécuritéétaitaurendez-vous,illuipritl’autrejambeet,sansfairecasdesestentatives

de résistance, la fixa avec l’autre menotte qu’il avait prévue. Elle était attachée et offerte, le corpsfrémissant sur les cordesvibrantesde la toile.C’était la vision la plus excitante qu’il ait jamais vue,mêmesiGwen,hélas,s’entêtaitàluirefusersonvisage.

—Regarde-moi!ordonna-t-il.Ilsetenaitderrièreelle,desortequelescordesquimordaientledosdesaproiefrôlaientaussison

torse.Ilfaufilalamainpourluicaresserlesseins,l’intérieurdescuisses.Ill’effleurait,l’aguichait,luirappelaitquec’étaitluiquicommandait.Illapritparlementonpourl’obligeràredresserlatête.

Ellerésistaavectouslesmusclesdesoncorps.Alors, il changeade stratégie et jouadenouveaude ses doigts.Elle était si douce, si prête… Il

laissaéchapperunpetitgémissementdeplaisirauquelGwenréponditpardesbruitsdegorgerauques,presque des plaintes.Mais il n’était pas question de lui donner tout de suite ce qu’elle réclamait. Ilremontalelongdesoncorpspourroulerentresesdoigtsl’undesesmamelons.Ensuite,illuiagrippalescheveux—cescheveuxmagnifiquesqu’elleavaitessayédeluicachersousuneperruque,alorsqu’elleadoraitqu’il lesempoigne. Il l’obligeaàpencher la têteenarrièreautantqu’ellepouvait lesupporter,puisluifourraundoigtencorehumidedanslabouche.

C’étaitlegenredebrutalitéquiluiavaitvaluparlepasséd’êtremordu,maisill’avaitcettefois-ciobligée à pencher la tête dans un angle tellement inconfortable pour sa prisonnière, qu’elle pourrait àpeineluifairemal.Aprésent,elleavait,telcommeill’avaitvoulu,levisageenfacedumiroir.

—Regarde!

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Elleobéit,moinsparenviequeparréflexe.Lorsqu’ellesurpritsonimagedanslaglace,sonregardrévélaune tellevulnérabilitéqu’il frissonna. Il avaitdéjà surpriscetteexpressionàcertainsmoments,lorsqu’ilsallaientloindansleursjeuxetqu’entreeuxcrépitaituneviolenteintensité.

Maisàlafaçondontelledétournalesyeux,ildevinaitqu’elle-mêmenes’étaitjamaisvuecommeça.Oupassouvent.Etquecen’étaitpasuneimaged’ellequ’ellevoulaitvoir.

L’espace d’une seconde, lorsqu’elle tourna la tête en déglutissant avec difficulté, il crut qu’elleallaitutilisersonsafeword.Laculpabilitéetlapeurd’êtreallétroplointroublèrentsonexcitation.

—C’esttout?lâcha-t-elleenfinalorsavecunpetitsourireprovocant.Alors,lefeududéfil’embrasa.Bien.Iln’étaitpasallétroploin.Saproieavaitenviedejoueretn’avaitpasfroidauxyeux.Elle

voulaitexplorersacolère,passafragilité.Quoiquecesoitquilarongedel’intérieur,celarisquaitdesortiravecviolencecesoir.L’énergie

réprimée qu’elle emmagasinait dans son joli corps bien ferme était époustouflante. Si elle n’était pasattachée,ellepourraitledétruireets’autodétruireaupassage,aucundoutelà-dessus.

Ilreculadequelquespasverslachaisequ’ilavait installée,desortequ’ellelavoiederrièresonproprereflet.Ilouvritsonjean,soulagédepouvoirenfinlibérersonsexedressé.Ilsecaressad’unemainlégère, de bas en haut, avec lenteur. Il se contrôla, car il aurait pu jouir rien qu’en regardant le jolipapillonauxailesdéployéesqu’ilavaitcapturédanssatoile.

Gwensedébattitlorsqu’ellecompritcequ’ilavaitentête.—C’estàmoi,ça!décréta-t-elleavecunepossessivitéaussidépravéequecharmante.Illaissaunriredetriomphemonterdanssagorge.—Viensetprends-le,monange!Ilserralepoingetaccéléralemouvementdesamain.Etilseperditdansleplaisirenlaregardantexploserderage,d’impuissanceetdefrustration.

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2

Gwenserelevaenappuisurlecoudeetconsultalapendule.Bientôt1heure…Sajambeétaitpasséesur le flancdeHayes,desortequ’ellesentaità l’intérieurdesacuisse les

fessesmuscléesdesonamantetcontresonsexel’arêteeffiléedesahanche,elleallongealebraspar-dessus la silhouette immobile et attrapa la bouteille de boisson énergisante qu’il ne manquait jamaisd’apporterpourelle.

« Bois, disait-il lors des rares pauses qu’ils s’accordaient. Reprends des forces. » C’était uneattention étonnante, touchante aussi, de la part d’un homme qui pouvait prendre les chevilles de samaîtressemenottéeauxmontantsdulit,lesposersursesépaules,puisluifairel’amourjusqu’àplussoif.

Elledevrait être épuisée, après l’énergiequ’ils avaientdéployéece soir.Après lui avoirpermisd’écoulerunebonnedosedecolère,impuissante,attachéesurlatoilependantqu’ilsecaressait,Hayesavaitpasséunlongmomentà joueravecelle.Trèsintense.Aveccetteconcentrationminutieusedont ilétaitcapable,ill’avaitfaitjouirpardesmoyenssiinventifsetimpitoyablesquesescrisauraientalarmélepersonneldel’hôtelsiHayesn’avaitpaspenséàlabâillonner.Lorsqu’ill’avaitfinalementrelâchée,elleétaitsiaffaibliequ’elles’étaitécrouléedanssesbras.

Alors,ill’avaitpriseunedernièrefoisavecuneardeurrenouvelée.Commentpouvait-ilavoirautantd’énergiealorsqu’elleétaitlittéralementincapabledesaisirlabouteillequ’illuiavaittendueaprès?

Pourtant,endépitdesoncorpsrompuparlafatigue,quandGwenreposalaboissonsurlatabledechevet pour se draper comme une couverture autour du corps chaud de Hayes, elle était encoreparfaitementréveillée,lessenscomblésparsaprésence.Sonodeur.Leursodeurs,cemélangemusquéàlafoissexyetdoux.

Desamain,silourdeauboutdesonbrasqu’ellearrivaitàpeineàlasoulever,elleneputrésisteràl’enviedesuivreleslignesdecedoslargeetbiendessiné.

—Pourquoitun’arrivespasàdormir?grommela-t-il,lavoixétoufféecontrelematelas.—Jenesaispas,soupira-t-elleenroulantpours’éloignerdelui.Elledétestaitl’idéequ’ilaitsurpriscecâlinclandestinqu’elleavaiteul’impressiondevoler.Ilseredressalégèrementet,d’unemainetunejambe,lafitvenirpratiquementsouslui.Sachaleur

et son geste étaient très réconfortants, mais elle devinait qu’il la scrutait dans le noir et cela ladécontenançait.

—Lèche-moi,fit-elled’untonàmi-cheminentrel’ordreetlasupplique.L’éclaird’unsourire,cesouriresiblanc,traversalevisagedeHayes.—C’estseulementquandtudors,ça.Tulesais.Oui,ellelesavait.Unsoupirrêveurluiéchappaenserappelantlescoupsdelangueaguicheursqui

la réveillaientparfois,quandHayesvoulaitpréparersoncorpspour revenirenelle. Ilappelaitçason

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«snackdeminuit»,cefouinsatiable…Sansypenser,elleenfouitlevisagecontresontorse,frottaleslèvressursapeau.Lescajoleriesne

faisaientpaspartiedeleurrelationquinetournaitqu’autourdusexe.Dusexeanimal,brut,désinhibé.Orelleenvoulaitencoreunpeu.Maisdulent,dutendre,dudoux.Commeàleurhabitudeàcette

heure-ci, avant de se rendormir de nouveau puis de s’accorder au réveil un dernier galop, elle àcalifourchonsursontoujoursinfatigableétalon.

Etaient-ilsprévisiblesàcepoint?Commeunvieuxcouplemarié?Cette pensée lui donna des frisons. Elle détourna son esprit de cette idée étonnamment tendre et

fermalesdoigtsautourdusexedeHayes,quirecommençaitàsedressercontresonventre.—Tum’asléchéequandj’étaisépingléeàtatoile,luirappela-t-elle.Cen’estpasseulementquand

jedors.Avecunpetitgrognementdesatisfaction,ilpoussaleshanchescontreelle.—J’aiaimél’épisodedelatoile.Ettoi?—Mmm,acquiesça-t-elle.—Tun’aspasl’airenchantée.Illuipassaunemaindanslescheveuxpourluifairereleverlatêteetvoirsonvisage.Ellerésista

toutenluiassurant:—J’aiaimé.Jenereviendraispaschaquefoissijen’aimaispascequ’onfait.Mais elle était engluée dans une sensation oppressante, ce soir. Une appréhension dont elle

n’arrivait pas à se débarrasser. Pour faire distraction, elle serra lamain autour du sexe de Hayes etsuggéra,enunmurmurecontresonmenton:

—Onpourraitselécherl’unl’autre.Ilsecontractacontresapaume.Ellesourit.—Tuesinsatiable…—Lesfemmessontprogramméespourlefaireet lerefaire.Quelleest tonexcuse?Regarde-moi

cette érection, ajouta-t-elle avec une caresse appuyée. Comment est-ce possible, alors qu’on n’a pasarrêtédelanuit?

—Unmoisd’attente,voilàl’explication,répondit-ild’unevoixtraînante.Unlongsilencesuivitsonaveu,commesicesproposlesavaientpristouslesdeuxaudépourvu.Si

depuis leurpremière foisensemble,Gwenn’avaitcouchéavecpersonned’autre,pasunesecondeellen’avaitsongéqu’ilétaitresté,luiaussi,fidèle.

Ilrepoussabrusquementlescouverturespourplongerlevisageentresescuisses.Sansfaçons,illuiécartalesjambespourmordrelachairtendretoutprèsdesonsexe.Unepunition,compritGwen,encoretroublée par l’étrange onde de complicité qui avait vibré entre eux— et qu’elle ne savait commentinterpréter.C’étaitàlafoisdouxeteffrayant,carellelevoulaitdetoutsoncœur.

Hayeslissalamorsureavecsalangueetilsroulèrentl’unsurl’autrepourfairecequ’ilsfaisaientlemieux:s’offrirmutuellementunplaisirdémentetsanségal.

***

Gwendétestaitseleveravantdel’avoirdécidéelle-même,etsoninsomniedespremièresheuresdelanuitluiavaitautoriséparlasuitetroppeuderepos,maisHayescontinuaitàl’appeler.Illasecouaitmêmeparl’épaule.

Ellel’envoyapaîtredansunlangagefleuri.—C’estl’alarmeincendie.Allez,insista-t-ilenluitirantsurlesjambespourqu’elleposelespieds

parterre.

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Illaforçaàserelever.ElleentenditunefermetureEclairmonter,ouvritlesyeuxetdécouvritHayesentraind’enfilerunT-shirt.Illuitenditsontrench-coat.

—Onyva.—C’estprobablementunefaussealerte,seplaignit-elle.Néanmoins,avecunentêtementtrèsagaçant,illuiglissaunbrasdanslamanchedumanteau.—Ilyatropdemouvementdanslecouloirpourquejeprennelerisque,dit-il.Allez,dépêche-toi!Ilguidaseschevillesverssesbottesbasses,sesbottesàlui,luiaccrochasonsacàmainàl’épaule

etl’entraînahorsdelachambresansfairecasdesesjérémiades.UnefaibleodeurdebrûlépoussaGwenàcesserderésisteretàpresserlepasderrièreleflotde

clients,habilléseuxaussiàlahâte,quidescendaientl’airinquietl’escalierd’incendie.Cenefutquelorsquel’airfraisfouettasesjouesqu’elleeutunchoc.—Mavalise!Paniquée,ellefitdemi-tourpourretourneràl’intérieur.Hayeslaretint.—Non!—J’enaibesoin!protesta-t-elleententantd’échapperàsonemprise.—C’estdelavraiefumée.Ecoute.Dessirènesdecamionsdepompierss’entendaientauloin.—Turestesdehors,ajouta-t-il.—Mais…Etsitoutbrûlait?Ellenesauraitjamaiscequ’onluiavaitrépondu.Pire:sidespompiersentraient

dans leur chambre et ouvraient la valise ? Et si n’importe qui s’en emparait ? Ce serait la fin. Ladéchéance.

—Jedoisyretourner!Vraiment.—Arrêtetoncaprice,s’agaçaHayes.Ilétait trèscostaud,maiselle-mêmen’avait riend’unepetite fleurdélicate.Cependantson trench

dissimulait à peine son corps nu et elle ne pouvait prendre le risque de se lancer dans une disputemaintenant.

Des téléphones tenus à bout de bras enregistraient le panache de fumée qui sortait de l’une desfenêtresdel’immeuble,etcesvidéosnetarderaientpasàatterrirdanslesrédactionsdesmédiasetsurlesréseauxsociaux.Onpourrait la reconnaître. Ilcommençaità faireassez jourpourque l’œilexercéd’unjournalistelarepère.Personnenesavaitqu’ellevenaitauChatsfieldunefoisparmois.Personnenesavaitquielleyretrouvait,etencoremoinscequ’elleyfaisait…

Seigneur!Elle fourra lamaindans lapochedu trenchet la fermaavecgratitudeautourdeson trousseaude

clés.Elle segarait toujoursdans leparkingdu spavoisin, où ses amis et sa famille croyaientqu’ellepassaitlepremiervendredisoirdechaquemois.

—Ilfautquej’yaille,murmura-t-elle.Onnepeutpasmevoiravectoicommeça.L’étonnement puis la colère se succédèrent sur le visage deHayes. Il la lâcha comme pris d’un

dégoûtsoudain.Ilnepouvaitpasêtreaussisurprisquecela : ilsavaitparfaitementcequ’ilsfaisaient.Qu’ilss’éclatentavecleursjeuxentreadultesconsentantsnesignifiaitpasquec’étaitacceptableauxyeuxdelasociété.Et,pourl’amourduciel,ilnedevaitpasoublierqu’elleétaitunelady!

Unelady…Etait-celàlasourcedecetteappréhensionquil’avaitaccompagnéetoutelasoirée,etquilasuffoquaitàprésentcommeunsacenplastiquecolléàsonvisage?

Ellequittalesbottesbeaucouptropgrandespourelleets’enfuitenmarmonnantdesjuronsquandlesgravierssurlaroutes’enfoncèrentdanslaplantedesespieds.

***

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Aprèsêtreretournéeàl’appartementfamilialetavoirprisunedouche,Gwens’étaithabilléepourlajournée et avait regardé les nouvelles. Elle avait appris que l’incendie n’était qu’un incident sansimportance.Elleétaitsifatiguéequeladernièrechosedontelleavaitenvie,c’étaitdetraverserlavilleensensinversepourretrouversavalise.Hélas,elledevaitlefaire.Ellen’avaitpaslechoix.

Avecunsoupir,elleregagnasavoitureetdémarra.Commeiln’étaitpasencoremidi, lachambrenedevaitpasavoirété relouée.Elleymontadonc

directement.Ellelatrouvaouverte,laporteretenueparlechariotdeservice.—Bonjour?lança-t-elle.Unefemmedechambresortitde lasalledebains.Elleportait l’uniformede l’hôtel,desgantsen

latexettenaitàlamainlabrossedestoilettes.LebadgesursapoitrineappritàGwenqu’elles’appelaitAlly.

—Oui?demandacelle-ci.Lajeuneemployéeétaitétonnammentjolieetétrangementfamilière,maisGwenfutincapabledese

rappeleroùellel’avaitdéjàvue.Ici,sansdoute,supposa-t-ellesanstropdeconviction.—J’aipassélanuitdanscettechambre,mavaliseétaitici.Vousl’avezvueenarrivant?Allys’approchaduchariotetouvritlaporteducompartimentàlingesale.—Apparemmentpas.—Vousnevousrappelezpassivousl’avezvueounon?demandaGwen,labouleauventre.Allylâchaunrireamusé.—Non,jenemesouvienspasavoirvuunevalise.Maisjetravailledefaçonsiautomatiquequeje

nepensepasvraimentàcequejefais.Gwencilla.Alafoisinquièteàcausedeladisparitiondelavaliseetagacéeparcettetêtedelinotte

incapabledel’aider—dontlevisageluidisaitquelquechose,enplus.Elleavaitunvaguesouvenirdecevisagedegamine,surfonddecostumemasculinsombre.

—Ons’estdéjàrencontrées?demanda-t-elleàbrûle-pourpoint.Voustravaillezailleursaussi?—Euh…Non,fitAlly.Mais l’employée la scruta avec attention, jusqu’à ce qu’un éclair de reconnaissance traverse son

visage, avant de se muer aussitôt en appréhension. Gwen s’en souvint en même temps que la jeunefemme:

—Dansuntrucd’art,non?Vousétiezavec…Oh!Seigneur,cethomme!Allait-elleprononcersonnom?—…Barnaby,lâchafinalementGwen.—SirBarnaby!Oui,exact.Noussommessortisensemblequelquesfois.Uneoudeuxfois,balbutia

Ally,rougecommeunetomate.Vousdevriezvousadresseraudirecteur,M.Cavello.Pourvotrevalise,jeveuxdire…

Sasuggestionfutaccompagnéed’ungrandsourirequivoulaitdire:«Ets’ilvousplaît,disparaissezmaintenantquevousm’avezpercéeàjour.»

Barnaby, songea Gwen avec un pincement d’anxiété au ventre. L’homme qui ne voyait pasd’inconvénient à monnayer la compagnie d’une femme — sans doute la raison de la gêne d’Ally.L’hommequ’elleavaitentenduparhasardparlerdeHayesunanplustôt,àuneautrefemme:«Ilestprêtàtout.Quellequesoittaperversion,tun’aspasàpayerpourl’assouvir.Ilyaunmondesouterrainpeuplédegensquilefontparcequ’ilsaimentça.Tudevraisparleraveclui.Jevaistedonnersonnuméro.»

Gwen avaitmémorisé ce numéro qui ne lui était pas destiné, et passé ensuite des semaines à setorturerpourdécidersielledevaitappeleroupas,jusqu’àcequ’elleréussisseàentrouverlecourage.

En retournant vers l’ascenseur après avoir quitté la chambre, elle se rappela son excitation lapremière fois qu’elle en était sortie, sans savoir à quoi s’attendre. Elle n’avait pas expliqué àHayes

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comment elle avait obtenu le numéro et s’était cantonnée à dire qu’elle voulait discuter de rumeursqu’elleavaitentenduesàsonsujet.Ellen’étaitpaspréparéeàl’impactdesaprésence,niàl’agressivitésourdequ’ilirradiait,quiallaitbienau-delàd’unlookdemauvaisgarçon.Ilétaitsûrdelui,vaguementamuséetaucunementdupequandelleavaitdit:«J’aiuneamiequiestintéresséeparquelquechosequiapparemmentvousintéresseaussi.»

Elleétaitrestéeprèsdelaporte;luisetenaitàunedistancerespectueuse,àcôtédelafenêtre.Ellelui avait révélé qu’elle savait qu’il avait certains penchants et qu’elle espérait, pour rendre service àcette amie, qu’il veuille bien lui expliquer comment s’établissait une relation qui était plus uneexplorationintime,presqueuneintrospection,qu’uneattiranceémotionnelle.

—Toutcequisedira ici resterastrictementconfidentiel, ilvadesoi,avait-elleajoutésans tropbredouiller.

—Jenerévèlejamaismessources,avait-ilrépliquéavecunemoueironique.Gwenavaitappréciésonhumourpince-sans-rireetlafaçonréfléchiedontilconsidéraitsespropos

avantd’yrépondre,sanstirerdeconclusionshâtives.—Pourquoivotreamie,avait-ilcommencéavecunenouvellemoueironique,pense-t-ellevouloir

êtreattachée?—Pourquoilesgensont-ilsdesenvies?Parfoisonlituntrucintéressantsurunlieuinconnuetsoit

unjouronsedonnelesmoyensd’yaller,soitonmeurtenregrettantdenepasl’avoirfait.Elleavaitentenduledoutedanssaproprevoix,alorsquetoussesfantasmessexuelsincluaientdes

menottesetdescontraintes,des rapportsde force.Avantde rencontrerHayes,Gwens’intéressaitdéjàauxromansérotiques,auxblogsBDSMetauxlivresdevulgarisationpsychologique.Ilnes’agissaitplusd’assouvirunecuriositépassagère,maisdecomblerunbesoinqu’ellenepouvaitplusignorer.

—Evidemment,quandmonamiepartenvacances,c’est toujoursenpremièreclasse.Si j’aibiencompris,vousêtesuneagencedevoyagesdeconfiancequisauralaguiderpourtrouverleslieuxd’intérêtlesplus…satisfaisants.

L’expressiondeHayesétaitdevenueindéchiffrable,avantqu’ilnerépondesansdétour:— Je peux trouver quelqu’un qui attachera votre amie.Mais si votre amie, c’est vous, je m’en

occuperai personnellement.Ma discrétion est bien sûr garantie. Rien de ce qui se passera dans cettechambren’ensortira.

Elleavaitplongédanssesmagnifiquesyeuxverts,quiressemblaientàunlitdemousseéclabousséparlesoleil,etavaiteuenviedesedéshabillercommeunenymphedesboispours’yprélasser.

Cependant,sacuriositéavaitétéplusforte:—Pourquoivousseulementsic’estmoi?Soncœurbattait la chamade.Elleétait excitée, impatiente. Il étaitmagnétiqueet elleaimaitdéjà

l’idéequecethommesoitsoninitiateur.Ilavaitsourietluiavaitexpliqué,dansdestermesconfinantàlagrossièreté,quesonphysiqueluiplaisaitbeaucoup.

Cesmotssicrusquiauraientdûlarefroidiravaientété,aucontraire,unsoclesolidedefranchisesur lequel bâtir leur confiance réciproque. Ainsi, leur première fois, qui aurait dû être terriblementembarrassante,avaitétéaucontrairesiexcitante,queGwenenfrémissaitencoreenyrepensant—toutensuivant les panneauxqui indiquaient le bureaududirecteur.Elle avait l’esprit envahi parHayes et saconcentrationsilencieuse.Samaîtrisedechaqueinstant.

L’excitationavaitembrasélecorpsdeGwenlorsqu’illuiavaitmontrécommentenleversapremièrepairedemenottes.Ilavaitglissésamainhardieentresesjambes,alorsqu’ilnel’avaitmêmepasencoreembrassée.C’étaitosé,absolumentérotique.Etelleavaitgémidedésir.

Il lui avait affirmé qu’elle était une fille très chaude et très ouverte, avant d’ajouter d’autresqualificatifsbeaucoupplusvulgairesqui l’avaientpousséeà répondredans lemêmeregistre.Tous lesdeuxs’étaientemparéspleinementdeleursrôleslorsqu’ill’avaitattachéeaulit.Ils’étaitmontrédélicat

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etattentif,toutensuivantlescénarioqu’ilsemblaitavoirentête,etc’étaitellequiluiavaitdemandédeserrer lescordes.Delasoumettrequandelle lui résistait.D’êtrebrutal.Alafin, ilss’étaientregardésdanslesyeux,etHayesavaitsembléaussisidéréqu’elleparlapuissancedecequ’ilsvenaientdevivre.Alorsqu’ilétaitM.ExpérienceetelleladyCandide…

Gwendéglutitavecdifficulté,leventrenoué,commeàchaquefoisqu’elleserappelaitqu’ilavaitdonnélemêmeplaisiràd’autresfemmes.Adesdouzainesdefemmes.Descentaines,même.Etpourtant,aujourd’hui,ellen’arrivaitpasàs’ôterdelatêtesesmotsdelaveille:«Unmoisd’attente.»

—Oui?demandaunevoixmasculine.Ellerevintàlaréalitéavecunsursaut.Avait-ellefrappéàcetteporte,surlaquelleétaitfixéeune

plaquequiannonçait«Directeur,MatthiasCavello»?Ellefranchitleseuilcommeunautomate.—BonjourMonsieur.J’ai…euh…oubliéunevalisecettenuit.L’alarmeincendies’estdéclenchée

etj’aidûpartirencatastrophe.Gwen toucha sa joue brûlante,mal à l’aise à l’idée qu’il puisse deviner les raisons de sa gêne

confuse.—Est-cequequelqu’unl’aparhasardtrouvée?demanda-t-elle.—Laplupart des clients sont retournésdans leur chambredans l’heurequi a suivi l’évacuation.

Vousétiezseule?—Je…ne…Non.Elle essuya sapaumemoite sur la hanche. Jamais elle n’avaitmanqué à cepoint d’aplomb.Elle

s’étaitditqueHayesavaitdûprendrelavalise,maisellevoulaitencoreespérerqu’il l’avait laisséeàl’hôtelpourqu’ellelarécupère.

—Jevoussuggèrealorsdevérifierauprèsdevotre…ami,proposaledirecteurenl’étudiantdelatêteauxpieds.

Ceregardmâle,quisemblaitnepasmanquerundétaildesonanatomie,paraissaitdevinerquesousson apparence impeccable, elle venait à l’hôtel chaque mois pour une nuit de débauche dans lachambre823.

Le visage en feu, elle quitta le bureau et sortit le portable de son sac. Hayes et elle necommuniquaientpasentre les séances.Après sapremièrenuit à côtéde lui, comblée et en sueur, elleavaitdemandé:

«Lequeldenousgardelachambre?»—Tupeuxresteroupartir,commetuveux.Jesuistropfatiguépourbouger.Ilsavaientdormicôteàcôte,s’étaientréveillésetavaientjouiensemble,ensepassantcettefois-ci

demiseen scène, l’intensitéde leurétreintemultipliéepar le souvenirdecequ’ils avaientpartagé laveille—c’étaitentoutcaslaraisonqueGwenavaittrouvée,pourexpliquerpourquoil’extaseavaitétésiparfaite.Lorsqu’elleétaitsortiedeladouchedanslalumièrevivedumatin,iln’avaitsurluiquesonvieuxjean.Riend’autre.

—Alors?Tuasvutoutcequetuvoulaisvoir?Hayesavaitsemblésoudainplusdur,trèsdistantaussi,maiselleétaitgriséeetenforme.Fourbue

pourlesbonnesraisons.Appuyéecontrelechambranledelasalledebains,elleavaitcherchéàétabliruneconnexionaveclui,danssonterritoiredemâledominateur.

—Jediraisquec’estletyped’endroitqu’onpeutvisitersouventsansselasser,carilyatoujoursdeschosesàdécouvrir.

Ill’avaitfixée,lalignedesesépaulesmoinstendue.—Ah,bon?Tuveuxrecommencer?JeparsenIrlandepourquelquessemaines,mais…Ilss’étaientaccordéssurlepremiervendredidumoissuivant,etc’étaitdevenulejourfixedeleurs

rendez-vous.

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Mêmesiellenel’avaitappeléqu’uneseulefois,pourleurpremièrerencontre,elleavaitencorelenuméroclairementimprimédanssamémoire.EllechoisitleSMS,enproieàuneétrangecrisedetimiditéàl’idéed’entendresavoix.

C’estmoi.Tuasmavalise?

Enmêmetempsqu’elleenvoyaitlemessage,ellesedemandas’ilsauraitquiétaitce«moi».Quelmessageidiot…

Ilréponditimmédiatement:

Oui.

Elle marqua une pause en sortant de l’hôtel, aveuglée par la lumière extérieure. A l’ombre duportique,ellerenvoya:

Tupeuxmel’apporter?JesuisauChatsfield.

Laréponseclaqua:

Jesuisoccupé.Jet’yretrouvecesoir.

Elle rédigea sonmessaged’unemain rageuse, frustrée de ne pas être disponible.Elle en crevaitd’envie.

Paspossiblepourmoi.

Lerestedesavieétaitemplid’engagementsetobligationsauxquelsellenepouvaitsesoustraire.C’étaitexactementpourcelaqu’elleavaitbesoindel’exutoirequeHayesluioffrait.

Commed’habitude,alors?

Ellesecoualatête.Ellenepouvaitpasattendreunmoispourrécupérersavalise!

J’enaibesoinavant.

Unefoisencore,larépliquefusa:

Denotrerdvoudelavalise?

Ellejuraentresesdents.

Delavalise.

GwenvitlesourirenarquoisdeHayescommes’ilétaitenfaced’elleetluidisaitdevivevoix:

Bienentendu,milady.Jeferailenécessaire.

Enle traitantde tous lesnomsentresesdentsserrées,elle luicommuniqua l’adressedudomainefamilial et adressa au concierge de l’hôtel un sourire tendu en attendant que le voiturier amène sonvéhicule.

***

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Comanse laissaaller enarrièredans son fauteuil,derrière sonbureau, et regarda lavalisequ’ilavaitposéeàcôtéducanapé.Ilétaitunpeuivre,voireassezivresiontenaitcomptedel’heuredelajournée,etencorevexéparlafaçondontGwenluiavaitfaitcomprendrequ’ellenevoulaitpasqu’onlavoieaveclui.Ilnemanquaitplusqueça:qu’elleletraitecommeungarçondecourses.

Ilselevaetposalavalisesurl’assiseducanapé.SacouleursombreetraffinéeluirappelacelledescheveuxdeGwen.Elleavaitsansdoutefermésonbagageavecuncode.Pourtant,quandilsoulevalaserrureducôtédroit,elles’ouvrit.Mêmechosecôtégauche.

Ehbien,qui l’auraitcru?Aprèsunrapidecoupd’œilà l’intérieur, ilcompritque lui, levice lemieuxgardédeladyHamilton-Smythe,étaitsurlepointderencontrertoussesautressecretsinavouables.

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3

Lavalisen’arrivapaslelendemain,commeGwenl’espérait.Alaplaceellereçutunelongueboîteétroite.

Elle la reconnut car c’était elle qui l’avait achetée, comme elle aurait choisi un flacon deshampooingouunetablettedechocolat.Ellel’avaitmisedanssavalisedanslebutdenepasl’oublieràLondres.Lescravachesétaientdanssavieunproduitd’usagecourant,aumêmetitrequeledentifriceoulestampons.

Lanotemanuscritequiaccompagnaitlaboîtelasurprit:«Cesalaudadelachance.Dis-luiquejesuisjaloux.»Lemessageluilaissaunedrôledesensation,quifaisaitéchoàladéceptionqu’elleavaitressentie

lorsqu’elle avait fesséHayesavec lepaddle.La séanceprécédente, c’était lui qui s’en était servi surelle. Un fiasco. La douleur ne lui procurait aucun plaisir, et Hayes n’avait pas semblé ravi de la luiinfliger.Lorsque,lemoisd’après,ilavaitinsistépourqu’ilséchangentlesrôles,ill’avaitencouragéeàs’ydonneràcœurjoie.Elleavaitdétestél’expérience,aupointdesetrouverauborddeslarmespendantqu’elle frappait les fesses blanches etmusclées deHayes— qui encaissait les coups de façon assezstoïque.Alorsqu’useravecprécision,afindegardersamontureenligne,d’unecravachecommecellequ’ellevenaitde récupérerne luiposaitaucunproblème,elleavait jeté lepaddle à l’autreboutde lapiècedansunaccèsderageetprononcésonsafewordpourmarquerunepause.

Hayesavaitdûlacajoleret l’amadouerpourlasortirdelazoned’ombreoùelleavaitatterri,unendroitbeaucoupplussinistrequeceluioùelles’étaittrouvéeaprèsqu’illuiavaitdonnélafesséelafoisprécédente.Quelescoupsneluiaientfaitaucuneffetl’avaittoutsimplementdéçue,maisfrapperHayesdanslebutdeluilaisserdesmarquesl’avaitrenduemalade.

Voilà pourquoi le petit mot de Hayes lui semblait hors sujet. Soudain, elle se rappela uncommentaire qu’il avait fait un jour, après qu’elle eut chevauché ses hanches avec folie et abandon :«Teschevauxnesaventpasquellechanceilsont.»Surlemoment, laremarquel’avaitfaitrire;enyrepensant,ellesemorditlalèvreparcequetoutàcoup,Hayesluimanquaitterriblement.Cependant,elleétaitassezcontrariéepourluienvoyeruntextosec:

Jeveuxlereste.

Elleattenditlaréponse,envain.Cenefutquequelquesheuresplustard,enconsultantsoncompteTwitter,qu’elletrouvaunephotographiequ’onluiavaitadressée:unetoiled’araignéeauxfilsdélicatsetsoyeux,avecdesgouttesderoséeétincelantsousunrayondesoleilcommelespluspursdesdiamants.

J’aivuçaetj’aipenséàtoi.

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Elle avait répondu avec l’image d’une veuve noire, avant de cliquer sur le profil anonyme. Lecompteavaitétéouvertlejourmême.

Bizarre…Envoulantpoursuivresonenquête,Gwenserenditcomptequ’ellen’ensavaitpasassezsurHayes

pourletrouver.Elleignoraitmêmesonnomcomplet!Qu’ilsoitenpossessiondesavalisedevenaitdeplusenplusinquiétant…

Elle songea à appelerBarnaby pour obtenir des renseignements,mais se ravisa. Il allait vouloirsavoirpourquoielle s’intéressaitàHayes,or ilvalaitmieuxquepersonnenesachequ’ilsavaientdesliens—etsurtout,plusconcrètement,queltypedeliensilsavaient…

***

Deux jours passèrent sans nouvelles deHayes.Gwen n’avait pas voulu le harceler ni jouer à lapauvrefille,maiselleestimaitqu’elleétaitendroitdesemanifesterdenouveau.Lesoirmême,ellefêtaitavecsapetitebandel’anniversairedeKatie,unedeleursamies.IlsferaientletourdesclubsdeLondres.Elle décida de communiquer à Hayes sa destination en temps réel chaque fois qu’elle changeraitd’endroit,dansl’espoirqu’illuiramènelavalise.

Maisaprèstroisclubsàlamode,lespaparazzislesrepérèrentetcommencèrentàlesharceler,àlarecherchecommed’habitudeduclichéchocd’unefilledelahautesociété,trahieparunerobetropcourteouembrassantquelqu’unqu’ellen’auraitpasdû.GwenenétaitpresqueàespérerqueHayesneviendraitpasàsarencontre.

Ilsvenaientd’arriverauFreaky’s, ledernieravatard’unclubpourtant légendaire,quichangeaitàprésent de propriétaire aussi souvent que deDJ en résidence.Avec ses trois bars, ses deux étages etsurtoutsonlabyrinthedepiècessombresetdeportesdérobées, ilétaitplusconnuparsadénominationofficieuse:leFucky’s.

Gwen dansait sur le rythme entêtant d’une boucle électronique lorsqueKatiemontra du doigt unpointindéfiniderrièreelle,encriantàsonoreille:

—Iln’arrêtepasdetemater,lemec,là-bas.Elletournalatêteetsoncœurfitlegrandplongeon,avantderebondirverslastratosphère.

***

Accoudé au bar, Hayes tenait une bouteille de bière à la main, les yeux braqués sur elle. SonblousonencuirétaitouvertsurunT-shirtblanctoutsimple.C’étaitvraimentsurprenantquelesvigiles,trèsàchevalsurledresscode,luiaientpermisd’entreraveccejeanenfindevieetcesbottesmilitairescomplètementdéfoncées.

Ilavaitunairdangereux,avecungrandD…UnDgéantennéon,même,sedit-ellelorsqu’ilsortitunechaîneducoldesonT-shirtpourluimontrercequ’ilyavaitaccroché.Untémoinnonavertin’auraitvuqu’unesimplecléUSBensilicone,maisellesavaitqu’ils’agissaitd’unvibrateuraveccommandeàdistanceetellesedoutaitqueHayesétaitdéjàaucourant.Laclénecontenaitpasdedonnées,puisqu’elleétaitneuve,maisGwenavaitcraquépourlejouetetavaitprévudeleluimontreravantqu’ilnedégainesatoiled’araignéedetouteslesextases.

Ellequittasongroupeetfenditlafoulededanseurspourallerlerejoindre.—C’estàmoi,ça,dit-elle.Quandilsepenchapourluiparler,ellefutfrappéeparsonparfum,unmélangedecuiretd’airfrais

épicéparl’odeurdesapeauchaudeennotedefond.Elleinspiragoulûmentenréprimantl’enviedese

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colleràlui.—Quedirais-tud’inscrirequelquesdonnéeslà-dessus?demanda-t-ilenagitantlejouet.Unejoieridicules’emparad’elle.Soncœurmanquaunbattement.—Jenepeuxpas,répondit-ellepourtantenluitendantlamainpourqu’illuirendelaclé.Enréponse,ilfouilladanslapocheintérieuredesavesteetsortitquelquechosequ’ildéposadans

sapaumeouverte.C’étaitdenouveaul’undesobjetsqu’elleavaitachetésrienquepourl’utiliseraveclui,unstringtoutenperles…

—Arrêtedefouillerdansmesaffaires,protesta-t-elle.Ilmurmuraàsonoreille:—Mets-le.Etapporte-moilaculottequetuportes.Gwensentitsonpoulss’emballer.Al’exceptiondel’autrematinàl’extérieurduChatsfield,ilsne

s’étaient jamais vus en public. Elle dut se rendre à l’évidence : l’effet queHayes produisait sur elledépassait les limites de la chambre 823. C’était une force capable de la chambouler complètementn’importeoù,unfluideinstableettrèsdangereux.

—Tumerendrasmavalisesijelefais?Tout en posant cette question, elle se dit qu’elle devrait couper les ponts pour de bon avec cet

homme.Saréponse—hochementdetêteethaussementd’épaules—luiparutsincère.AlorsGwenserendit

auxtoilettes.Sansdoutequesoncôtéleplustorduaimaitluiobéir,etl’idéedel’exciterenéchangeantsonstringendentelleparlejoujouérotiqueachetéenpensantàlui.

Danslacabine,elleajustalerangdeperlessursonpubis,lepressadoucementetimaginaHayesentrain de la caresser, de nicher ces perles rondes et dures dans son sexe pour les frotter délicatementcontresonclitoris.

Ravalantungémissement,elleremitsarobeenplaceetsortitdestoilettesaveclestringendentellerouléenbouledanssonpoing.

Hayesl’attendaitdanslecouloir.Elles’arrêta,surprise.Iltenditlamainetelleluimontralesous-vêtement en dentelle dans sa paume, en proie à une envie soudaine d’éclater de rire. Au lieu de leprendre,illasaisitparlebrasetl’entraînaderrièreuneportemarquée«Service».

—Non!protesta-t-elle.Non!Ilnesegênapaspourluimontrerquiétaitleplusfortetlaplaquacontrelaporte.—Stop!Cen’estpasdrôle,Hayes.—Tusaiscommentm’arrêter,dit-ilenluiprenantlestringdesmainspourleluipasserautourd’un

poignet.Lespulsationsdelamusiqueluiparvenaientassourdiesàtraverslesmurs,commeunfondsonoreau

rirediaboliquequ’illâchaenfinissantdel’attacher.Ilsétaientpratiquementdanslenoir.—Tunevaspasfaireçaici,fit-elleententantdeselibérer.Onnevapasfaireçaici.—Jediraisquesi,monange.Ilavaitnouéhabilementlestringautourdesesmainspourl’immobiliser.PlusGwensedébattait,

plussapropreexcitationmontait.—Tuavaistoutprémédité?Elletentadelerepousser,maisHayesattrapasoncoudeet,d’undoigt,luichatouillalescôtes.Elle

tentades’ysoustraireet,letempsqu’ellecomprennesamanœuvre,ilavaitaccrochélestringàlapatèrefixéeàlaporte.Ellesedemandas’ilavaitfaitunrepéragepréalabledeslieux.

—Tune devrais pas être si surprise, trésor.Quand tu laisses vingt-neuf jours à un hommepourpenseràcequ’ilvoudraittefairelaprochainefoisqu’ilteverra,ilaletempsdebétonnersondossier.

Ilserrasonsein,fort,s’arrêtantàlafrontièredeladouleur,exactementcommeelleaimait.Elleluirappela,lesoufflecourt:

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—Çanefaitmêmepasunesemaine…—Pasassezlongpourquejetemanque?taquina-t-ilenluipinçantbrièvementletéton.Puis,aprèsavoirsortiunpréservatifdelapochedesonjean,ilouvritsabraguette.—Tunevaspasmebaiserdansunplacardàbalais!Elleavaitbeaurâler,tenterdeselibérer,elleaimaittroplafaçondontill’avaitattachéeetlepoids

desoncorpsquil’écrasaitcontrelaporte;beaucouptroppourquecelanemenacepassonéquilibre…Hayesdéchiral’emballageenplastiqueaveclesdentsetenfilalepréservatifd’uneseulemain.—Teprendreicimesemblefortapproprié,vulemalquetutedonnespourcachernosrelations.Tu

asmiscedrôledetruccommeunefilleobéissante?Commelavilainefillequetuesenréalité?Il glissa unemain sous sa robe.Gwen se déhancha pour se dérober à sa caresse. En vain. Il fit

précisémentlegestequ’elleavaitfantasmé:lamainencoupesursonsexe,ilappuyasurlesperles.Cettepressionlacalmaaussitôt.

—Tuessidocile,murmuraHayes.Toutemouillée,déjàprêtepourmoi…Ilseplaquacontreelle,instinctivement,elleécartalesjambes.—Commesitun’avaispasenvie,toi!riposta-t-elle.Ilvenaitdeluiretrousserlajupesurleshanches,etellenepouvaitpenseràriend’autrequ’àson

sexedresséetchaudcontresacuisse.—J’encrève,lâcha-t-ildansungrognementbourruettendreàlafois.D’unecaresse,ilécartalerangdeperlesetguidasonérectionversl’oréedesonsexe.Gwenleva

unejambe.Ellelevoulait.Elleavaitbesoindelui,deça.Sur-le-champ.Sansmanières.—Ilyauneétagèrederrièremoi,dit-il.Posetonpied…voilà.Avecun râle guttural, il la pénétra d’un seul coupde reins.Elle s’arc-bouta pourmieux s’offrir.

Seigneur,commeilétaitdur!C’étaittellementbon…Mêmesicesfichuesperlesgâchaientunpeusonplaisir,lemêlantd’unedouleurmalvenue.Ellesetortillapouressayerdelesrepousser.Ill’aidaàgarderl’équilibre.

—J’iraidoucement.Çavaaller.Elle aimait ce ton-là, rassurant et tendre, désespéré également, comme s’il était prêt à tout pour

qu’ellelelaisseresterenelle.Ils s’embrassèrent enfin, et sonamant semit àbouger avecune lenteur exquisequi réinventait le

plaisir,lasubmergeaitdesensationsérotiques.Toutl’excitaitets’entrelaçaitpournourrirsonplaisir:lepoidsdeHayesquil’écrasaitcontrelaporte,lesmainsattachéesetengourdiesau-dessusdesatête,soncorpsenfeu,lesbattementsdelamusique…

Pourquoi n’avaient-ils jamais songé à introduire de la musique dans leurs jeux ? C’était unevariation terriblement sexy, qui les faisait bouger en cadence dans leur danse de va-et-vient etgémissements,demorsuresetdebaisers,siperdusdansleursébatsqueGwenauraitpucroirequ’ilssetrouvaientencoreunefoisauChatsfieldetnondansleplacardd’unnight-club.

Lesgensallaientlesentendre,ellegémissaittropfort,Hayesn’allaitpastarderàlagronder,voireàlamuselerpourétouffercespetitscris,maiscommentfairequandillaremplissaitainsietluimaltraitaitsidélicieusementlesseins,dontilpinçaitlesbouts?

—Plusfort,haleta-t-elleens’écartantlégèrementdelui.Cequ’elleregrettaaussitôt,carlestupidestringàperless’enfonçaitdanssapeau.Avecunjuron,

Hayesglissalamainentreleurscorpsettirasurlefil.Lapluiedeboulesenplastiquetombasurlesolenbétonavecunbruitdegrêle.Gwenéclataderire,pendantquesonamantallaitetvenaitenelledeplusenplusfort.Deplusenplusdéterminé.

Oh!oui!Elle riait et jouissait enmême temps.Hayes s’agitait et transpirait, ce qui la faisait rire de plus

belle.Ilsrirentensemble,essoufflés, jusqu’àcequ’ilsdépassent lepointdenon-retour,ensemble,arc-

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boutésl’unàl’autre,enfusion.—Ohoui,ohoui,ohoui!

***

Iln’avaitaucuneenviedecesserd’embrasserGwen.Deplus,ilétaitpersuadéques’ilbougeait,ilglisseraitsurlesperlesetseretrouveraitlesfessesparterre.Aprèscequivenaitdesepasser,ilneluirestaitplusnicoordinationniréflexes.Etcommes’ilavaitbesoind’uneautreraisonpournepasmettrefinàl’étreinte,iltrouvaittoujoursGwenextrêmementséduisantequandelleétaitdanscetétat,alanguieaprès l’orgasme,maisencoreassezexcitéepour luimordiller les lèvresetondulercontre lui ;douce,docileetsisexyqu’ilauraitpurecommencertoutdesuite…

Maisquelquechosesemitàvibrerdanssonsoutien-gorge.—Mesamiesmecherchent,murmura-t-elleavecunpetitmouvementdelajambepourluidemander

delalibérer.Son endurance physique l’étonnait parfois, presque autant que la facilité avec laquelle elle se

laissaitentraînerdanslesaventureslesplusosées.Ilrésistaitencoreàl’idéedesortirdesoncorps,maisil savait qu’il n’avait pas le choix.Donc il se pencha pour l’aider à reposer le pied par terre et luidétachalesmains.Ilenlevalepréservatif,lerouladanslestringetjetalesdeuxàlapoubelle.

—Tuviensdejetermaculotte?J’enaibesoin!—Maisnon!Turentresavecmoi.Elleneluiréponditpasetsortitletéléphonedesonsoutien-gorge.Lalumièredel’écranéclairason

visage.—J’aimeraisvraiment,maisjenepeuxpas,déclara-t-elled’unevoixsincère.C’estl’anniversaire

deKatie.Elletraverseunesalepériodeetceseraitlecomblesijeluifaisaisfauxbondenplus.Ellen’apasdanssavieunhommegentilquil’attacheavecsespropressous-vêtementsetlasautedansdeslieuxpublics.

Illuipritlementonetl’obligeaàleregarderdanslesyeux.—Tuasunsafeword,situn’aimespasça,luirappela-t-il.Avecunedouceurquiledésarma,elleposalamainsursontorseetlecaressa.—Jenem’enplaignaispas.Elle pencha la tête et le fixa. Quand ses yeux arboraient cette expression déconcertante de

vulnérabilitésitouchante,ilnesavaitpasquoifaire;toutessesdéfensess’écroulaient.—J’auraisdûdirequeKatien’apasquelqu’unquiluidonnecedontelleabesoin.Elleesquivasonregard,commesiellecraignaitd’enavoirtropdit.Ellelaissatomberlamainqui

lecaressaitets’humectaleslèvres,nerveuse.—Nonpasquejecroiet’avoir,ouquetuesàmoi,ouavec…bref,jenecroisriendecegenre.Tu

vois,jenedispasquetues…Elle s’interrompit et soupira, consciente sansdoutequ’elle s’enfonçait.Enentendantcesmots, le

célibataireendurciaufonddeluicria:Enfuis-toi!C’étaientdesmots lourdsdesens,desmotsqu’onutilisaitpourparlerd’unevéritablerelation—autantdire,unedimensioninconnueethostilepourlui.

Pourtant, il sepenchapourembrasserGwen, lesmainsappuyéesàpeinesur seshanchespour laplaquerencorecontrelaporte.Maiscettefois-ci,elleavaitlesbrasautourdesoncouetluicaressaitlescheveux.

— Retrouve-moi demain soir au Chatsfield, lui intima-t-il, ses lèvres contre les siennes. Jet’apporteraitaprécieusevalise.

—Jenepeuxpas. Je croisque tune te rendspascomptecombienc’est compliquépourmoidem’échapperdéjàunefoisparmois.

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—Non,tunemel’asjamaisdit,répondit-ild’untonmorne,irritéd’avoiràaffronterlaquestionquile taraudait depuis des semaines. On attend donc le premier vendredi du mois prochain, commed’habitude?

Ilentenditlanoted’agacementdanssavoixetsedétestadenepasparveniràsemontrerindifférent.Surtoutquandellerépondit:

—Jenepeuxpas,laprochainefois.C’étaitcommemarchersurunevoieferrée,dansuntunnel.Ilentendaitlebruitdelalocomotivequi

fonçaitverslui,maisnepouvaitbouger.— J’ai un impératif, un truc familial, expliqua-t-elle. C’est auChatsfield, d’ailleurs.Mais je ne

pourraipasallerdanslachambre.Jeseraipiedsetpoingsliéstoutelasoirée.Façondeparler,biensûr:pascommeavectoi.

—Invite-moipourquejesoistoncavalier.Cequiétaitunefaçonlâchederepousserlemomentoùildevraitdévoilersavéritableidentité,au

lieudelaluiavouertoutdesuite.—On a décidé avecmon frère d’être le cavalier l’un de l’autre. C’est pour protester contre la

pressionimposéeparnosparentspourqu’onsemarie.Ilsn’arrêtentpasdefavoriserdesrencontresavecdesgensqu’onnepeutpassupporter.C’estlaseulefoisquejemanquerainotrerendez-vous,Hayes.

Aumoins,ellen’allaitpassortiravecunmembredelafamilleroyale,commedeuxmoisplustôt,auxcourses.

—Jeserailà,tusais,avoua-t-il.—Non,s’ilteplaît.Elleluiserralebras.— S’il te plaît, ne viens pas juste pourm’attendre. Je serai incapable deme libérer et ce sera

horriblepourmoisijesaisquetuesàl’étage.—Cen’estpasceque…LeportabledeGwenvibradenouveauetellel’empêchadefinirsaphrase:—Jedoisyaller.Tum’envoiesmavalise,d’accord?—Vienslarécupérerquandtuveux,fit-il,sec.Ettantpispourelle.Siellenepouvaitmêmepasimaginerqu’ilsoitinvitéàl’unedesessoiréesde

galaàlanoix,elleméritaitd’êtrefoudroyéeparlechoclorsqu’elleleretrouveraitparmilesparticipants.—Envoie-laencontre-remboursement, si tuneveuxpaspayer l’expédition, lança-t-elled’unair

agacé.—Jepeuxmelepermettre.Vajoueravectescopines.Jeresteauplacardaveclesautresoutilsqui

fontlesaleboulot.

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4

Gwenserafraîchitdanslestoilettespourdames,lesjouesrougesdecolèreetdeculpabilité.Parchance,sesamiesdécidèrentdecontinuerlafêteailleurs,cequil’éloignadeHayes.Maiselle

passalerestedelanuitàsongerqu’elleneportaitriensoussarobe,etsesouvenirdelaraisondecetteabsencedeculotte.

Alafindelasoirée,alorsqu’ellesétaienttoutesfatiguéesetunpeuivresdanslalimousinelouéepourl’occasion,Katieluidemandasoudain:

—CommenttuconnaisComanWard?—Qui?—Lemecavecleblousonencuir,auFreaky’s.C’étaitComanWard.Ward’sGroup,EmeraldEye

Press,çateditquelquechose?expliquasonamieenlavoyantdécomposée.Jen’auraispascruquetufrayaisaveccesgens-là,vucommetonpèrelesdéteste.

Gwenfutsoudainenproieàuneangoisseterrifiante.Elles’excusa,prétextantqu’elleavaittropbu,et décida de rentrer à l’appartement familial au lieude suivre les filles dans la suite qu’elles avaientréservéeensembleauChatsfield.

—Tunousrejoindraspourlebrunchdemainmatin,insistaKatie.Onboiradesmimosas!Aprèsavoirpromisqu’elleyserait,Gwensortitpresqueencourantdelalimousineets’engouffra

danssonimmeuble.Lesmainsmoites,elletrouval’ascenseurextrêmementlentettrépignadanslacabine.Dèsqu’ellearrivaàl’appartement,elles’assitdevantl’ordinateursansmêmeenleverlechâleautourdesoncou.

ComanHayesWardétait le filsdu tristementcélèbreBalkeWardquiavaitépouséunecharmantefillecatholiqueenIrlande,qu’ilavaitlaisséependantqu’ilbâtissaitàLondressafortunedansl’édition—toutenenchaînantlesaventuresextraconjugales.

Coman était un fin observateur de la politique irlandaise, mais son principal gagne-pain étaitl’EmeraldEyePress,unpetitmagazinequ’ontrouvaitlevendredidanslesgaresetleslieuxbranchésetquiinformaitdesspectaclesetdesconcertsduweek-endetdelasemaineàvenir.Onnetrouvaitpasdanssespagesdesarticlesincendiairesclouantlescélébritésaupilori,maisplutôtdescritiquesdespectaclesetdeschroniqueshautesencouleursurlesculturesurbaines—etnotammentlacommunautéBDSM…

Hayes— son second prénom, découvrit Gwen— avait d’ailleurs gagné un prix de journalismel’année précédente pour une série de reportages, fouillés et réfléchis, sur les pratiques sexuellesalternatives.

Labouchesèche,ellelutendiagonalelesarticlesenligneencraignantdetrouverdesallusionsà«Milady»ou,l’horreur,sonvéritablenom!Heureusement,iln’enfutrien.

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C’étaiteneffetdubonjournalisme.Hayesracontaitsansjugeretinstruisaitlelecteursuruntondesidérationamusée. Il avait fréquenté toutes sortesd’antresetdonnait laparoleàdes libertinsdont lespenchantslesferaientpasser,Hayesetelle,pouruncouplevictorienlorsdeleurnuitdenoces.Laseulechoseayanttraitàelle,danscesarticles,étaitlerapportsommaired’uneremarquequ’elleavaitfaite.

Chers amis, quand il est question de sex-toys, il ne faut pas regarder à la dépense afind’acquérirquelquechosequiaitdustyle.Commelerésumaituneamieàmoil’autrejour,cen’estpasparcequ’onestunevilainefillequ’onaimecequiestmoche.J’avouequej’aiétésurpris,carpersonnenerisquedeconfondremonbas-ventreavecunobjetd’art.Pourtant,un petit tour au rayon sex-toys des sex-shops à l’ancienne montre que les modèles sontl’équivalentensiliconed’unbonhommelourdaud,bedonnantetdégarni.Sicequejeviensdedirevousfaitcraindrepourvotreimageaulit,jevousrecommandeinstammentdevouschoisirunenouvelleidentitéparmilesjouetshautdegammequ’onatestéspourvous.

Elle se souvenait d’avoir refusé sans appel la panoplie de jouets qu’il avait apportée à l’unedeleurspremièresséances.Elleavaitprisungrosvibromasseurbeigedont lemoteurvrombissaitcommeunebétonnièremalhuiléeetavaitricané:«Sijevoulaiscoucheravecunhommelourdaud,bedonnantetdégarnitouslessoirs,j’enépouseraisun.»

Envérifiant lesdatesdeparution,elleremarquaqu’ilavaitfinisasériedereportagesà lafindel’annéeprécédente. Ilavaitpourtantcontinuéà la fréquenter.A l’attacher.Soudain,ellesedemandasic’étaitvraimentsontruc,cequ’ilsfaisaientensemble…

Elleretournaàl’originedelasérieetrelutledébutdupremierarticle,oùHayes(soncerveauneparvenaitpasàl’appelerparsonvraiprénom)avouaitnepastropsavoiroùcommenceràchercherdesgensvoulantracontercequ’ilsfaisaientdansl’intimité.

Etsielleavaitmalcompris?EtsisirBarnaby,lorsqu’elleavaitsurprislafameuseconversation,étaitentraindedirequeHayess’intéressaitauxpratiquesextrêmes,etnonpasqu’ilpouvaitarrangerunerencontre?

Seigneur…Hayessavait-ilseulementcequ’ilfaisait,aucoursdeleurpremièreséance?Etdepuis?Elle se remémora leurs débuts, songea à toutes les précautions qu’il prenait alors, à sa prudence dechaqueinstant,àsasurprisedevantlesrésultats.

—Lesalaud,protesta-t-elleens’écartantdel’écran.L’infâmesalaud!Ellebalayad’ungestetoutcequ’ilyavaitsurlatableetcriasansretenue,selaissantalleràses

émotionscommeellenel’avaitjamaisfait.Al’exceptiondesmomentsoùHayes—ouplutôt:ComanHayesWard—l’avaitligotéedansune

chambred’hôtel.

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5

Coman ouvrit sa page Facebook et vit qu’il avait une demande d’amitié de la part de GwenHamilton-Smythe. Il poussa un long soupir. Voilà, le moment tant redouté était arrivé. Il accepta larequête.Ensuite,ilappelaGwen.Elleneréponditpas.Unquartd’heureaprès,ellel’avaitsupprimédesalisted’amis.

Complètementprévisible. Il ricanaensedisantqu’iln’yavaitpasderaisond’éprouverune telledéceptionetpritsontéléphonepourluienvoyerunmessage:

Tun’aspasdemandé.

Pasuneseulefois.Est-cequ’elleenétaitconsciente?Ellen’avaitjamaisdemandécequ’ilfaisaitquand il n’était pas en trainde l’attacherbras et jambesécartéespour apprendre, commesi savie endépendait,lagéographiedeseszonesérogènes.

Il songea à l’enveloppe, à présent décachetée, qu’il avait laissée sur son bureau, chez lui. Ilsauraientpuparlerécriture,parexemple.

Letéléphonesurlatableretentit,maislorsqu’ildécrocha,leseulsonquiluiparvintfutlebrefclicquiindiquaitquelacommunicationavaitétéinterrompue.Ilselevaetpassalatêteparlaportedesonbureau.

—Lise?Çaacoupé.C’étaitqui?Sasecrétairehaussalesépaulessansmêmeleverlesyeuxdesonécran.Commechacundanscette

rédactionensous-effectifs,elleétaitdébordéeetsedémenait,enespérantquelejournaln’aitpascoulélelendemain.

Comanmisait tout sur l’application qu’ils étaient en train de développer pour les tirer d’affaire.C’était un pari. Un pari que son père ne regardait pas tout à fait d’un bon œil, mais « s’adapter oumourir»étaitunpeuladevisedeHayes.Leurmagazinemourraits’ilsnetentaientpasquelquechosedenouveau.Avecunpeudechance,l’applipourraits’étendreau-delàdeLondreset,enplusdefournirauxusagersdesautreslocalitésdesinformationsentempsréelsurlesévénementsprochesdechezeux,ellepourrait être utilisée pour les touristes. Dès leur arrivée dans une nouvelle ville, ils recevraient cesmêmes informations, enrichies des actualités concernant leurs groupes préférés — ou autres centresd’intérêts’ilsavaientchoisidepersonnaliserleurprofil.

Ils’assitens’intimantdereplongerdansleboulot,maissonregardrevenaitinlassablementsursonportable.Ilvérifia.Gwenn’avaitpasrépondu.

Il lâcha un juron entre ses dents serrées. Puis il regarda son téléphone fixe en lui ordonnant desonner.Envain.Aprèsunnouveaujuron,ilconsultadenouveausapageFacebook.

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Soudain,uneaccalmiedanslebrouhahahabitueldelarédaction,àl’extérieurdesonbureau,luifittendrel’oreille.

—Laporteàdroite,entendit-ilLisedire.Lemartèlementd’unepairedestilettosportéeavecaplombdevintplusproche.Unejoieabsurdecaracolaaucreuxdesonventre.Unfrissond’anticipationbalayasoncorpsenlui

donnantlachairdepoule.QueGwenviennelechercherluiproduisaituneffetpourlequeliln’yavaitpasdemot,mêmesielleavaitunregardassassinlorsqu’elles’arrêtasurleseuildesaporteouverte.

***

Bon sang, comme elle était sexy ! Il se rendit compte avec surprise qu’il ne l’avait jamais vueautrement que vêtue de son trench-coat. Pas en chair et en os, en tout cas, mais il avait étudié avecattentionpresque toutes les imagesdisponibles en ligne— et la trouvait particulièrement excitante entenuedecavalière.Aujourd’hui,elleavaitchoisiuntailleurivoirefluide,léger,élégant.Etterriblementaristocratique.

—Tul’asici?demanda-t-elle,hautaine.—Non.Comanselevaetpritsesclés.—Jel’ailaisséeàl’appartement,maisc’esttoutprès.Pratiquementàl’angledecetterue.—J’attendsici.Brascroisés,ellefixaitunpointdroitdevantelleetnedaignapassetournerversluilorsqu’ilarriva

à sa hauteur. Ilmarquaunepause en tentant de deviner avecprécision l’intensité de son courroux.LacolèredeGwenpouvaitmontertrèsviteettrèshautpourretomberaussitôt.

Danslesilence,elleditunmot,unseul,enleprononçantdefaçonclaireetdistincte:—Gelding.C’étaitsonsafeword…Illereçutdirectaucœur,commeuneflèchequis’enfonceetvibresurlacible—uneflèchequile

clouaitsurplace.C’étaitàpeines’ilpouvaitrespirer.—Gameover,reprit-ellesurlemêmetonneutre.Non!Non…Unesueurfroidecoulaitlelongdesondos.—Onpeutfaireautrement,onpeutchangerlesrègles,proposa-t-il.Sespropreslèvresluisemblaientenduitesd’unpoisonparalysant,ungoûtamerbaignaitlefondde

sagorge.Ilaimaitl’attacher,certes,maisc’étaitd’elletoutentièredontilavaitbesoin.—Jesaisquetuenveuxplus.Ellebraquasurluisesyeuxgris,embuésettroublésparledoute.—J’ailutonmanuscrit,expliqua-t-il.J’aicomprisquetu…—Tul’aslu?lecoupa-t-elle.Une succession d’émotions profondes traversa son visage : l’incrédulité, l’humiliation, le dégoût

faceàlatrahison.—Netefâchepas,s’ilteplaît,reprit-il,commes’ilétaitunéditeurquiménageaitl’egod’undeses

auteurs.Gwenétaittropintelligenteettalentueusepourmanquerdeconfianceenelle.—Etnecroispasunmotdecettestupidelettrederefus,ajouta-t-il.Ilsnet’ontpascomprise.Moi,

jetecomprends.Elle pâlit.Même ses lèvres blanchirent. Son regard se figea. Et Coman comprit,mais trop tard,

qu’ellen’avaitpaslucettefichuelettred’accompagnement,qu’elleignoraitquesonmanuscritavaitétérejetéetqu’elleallait…

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Ilarrêtasamainavantqu’ellenegriffesajouedesesonglesbienmanucurés.—Ducalme,milady,fit-ilengrinçantdesdents.—Jenetepardonneraijamais.Jamais!D’ungestevif,ellearrachasamainàsonétreinteetpartitencourantsanss’arrêterquandilcriason

prénom.

***

Gwen resta auprès de son cavalier, un ancien camarade de son frère àCambridge, qu’elle avaitappeléà ladernièreminuteetqu’elleutilisaitdemanièreéhontéecommeboucliercontrecemisérableComanWard.Ce dernier représentaitWard’sGroup à la soirée de gala. Son père, le sulfureuxBalkeWard,avaitpayéleprixexorbitantdemandépourassisteraudînerdesoutiendelaFondationHamilton-Smythe.Toutcelaafinquesonrejetonfrayeaveclegratinlondonien,etnonpasparcequel’unoul’autreportaitlemoindreintérêtaucentreéquestrepourenfantsdéfavorisésquelesdonsdevaientfinancer—c’étaitlaseuleraisonpourlaquelleGwenétaitvenue.

Ilsuffitquesoncavaliers’absenteunesecondeetlalaisseseulesurletoit-terrasseduChatsfieldpourqueWardsematérialisederrièreelle.Ellereconnutsesmains,laprécisiondelaforceaveclaquelleelles se posèrent sur ses bras, et une sensation de soulagement l’envahit, comme si elle rentrait à lamaisonaprèsunlongvoyage.

—Tavaliseestdansnotrechambre.Vienslaprendre,dit-il.—Non.Maissoncœurbattaitlachamade,cetraître!Wardrelâchalégèrementsaprise.—Jen’auraispasdûliretonmanuscritsanstedemanderlapermission,concéda-t-il,decetonqui

latouchaitprofondément.Cetonquisemblaitdirequ’ilvoulaitplongerenelleet luienrober lecœurdesesmainspour le

protéger.—Jenesuisplusunécrivainnovicedepuislongtemps,reprit-il.J’avaisoubliéàquelpointilest

durdelaisserquelqu’unentrerdansnotreuniversquandonvientdecommencer.—Etlereste?dit-elle,leregardposésurleslumièresscintillantesdeLondres.Lescordesetles

menottes.Tun’étaisplusnovicedepuislongtemps,aussi?Ilparlaaucreuxdesonoreille,sonaccentplusmarqué,savoixtimideetamuséeàlafois:—Jediraisquenousavonspratiquementlemêmeniveaud’expériencedanscedomaine.Ellesecoua la tête, lagorgeserréeenunnœuddouloureuxdemotsécorchésqu’elleauraitvoulu

hurler.—Tonchevalierservantrevient,dit-ilenluiserrantlesbrasunedernièrefoisavantdelalâcher.Je

tiensàdirequejesouffrequetul’aiespréféréàmoi.Jet’attendraidanslachambre.Ne fais pas ça, eut-elle envie de crier alors qu’il partait et que toutes les cellules de son corps

semblaientvouloirlesuivre.Jenepeuxpas,jenepeuxpas.Jenepeuxpas.Cesquatremots tournèrent enboucledans sespenséespendant lesvingtminutesqui suivirent.A

côté d’elle, sa mère jouait avec elle comme d’un cavalier sur l’échiquier, menant une stratégiematrimonialecomplexe.

Gwens’excusasoudainpourallerauxtoilettes,maissesurpritàlesdépasser,puisàs’engouffrerdansl’ascenseur.Sonsangbouillonnait,l’emplissantd’unechaleurcuisanteetcruelle.

Unefoisàlaportedelachambre,alorsqu’elleétaitsurlepointdefrapper,elles’arrêta.Qu’est-cequ’ellefaisaitlà?

Laportes’ouvrit.Ilsetenaitdevantelle,danssonsmokingparfaitetpourtantincongruétantdonnéqued’habitude,danscescirconstances,ilneportaitqu’unjeanetunechemise.

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Elles’avançajusqu’aupieddulit,salonguerobefendueondoyantautourdeses jambesnues, lesmainsetlecouglacésparlanervosité.

—Hayes,pourquoi?Danscettechambre,iln’étaitniComanniWard.IlétaitHayes.—Pourquoiquoi?Pourquoij’aiinsisté?Parcequejeneveuxpasquecesoitfinientrenous!—Non.Jeveuxdire:pourquoituasvoulufaireçaavecmoialorsquetunel’avaisjamaisfait.—Unefemmesublimemeditqu’elleveutqu’unhommel’attacheetutilisesoncorpsjusqu’àplus

soif.Commentvoulais-tuquejeréagisse?Elleluilançaunregardnoir.Ilhaussalesépaulessanslamoindrecontritionetpoursuivit:—Pourcequeçavaut,j’avouequejemesuisposébeaucoupdequestionsavantdemelancer.Mais

aprèslapremièrefois,j’étaisaccro.Tuesplusaddictivequeladroguelapluspure,moncœur.Ellecroisalesbrasetletoisa.—Charmant,laissa-t-elletombersèchement.Mais elle était flattée. Les mains fourrées dans les poches, il baissa le regard sans pour autant

cesserdelafixeràtraversseslongscils.—Jepourraistedemandertesraisons,maisjecroisavoircompris,dit-il.Jet’aiobservéecesoir

pendantqu’on te faisait exécuterdes figureset sauterdesobstacles,caracoleretpiaffer, faire tous lestrucsqu’ontedemandeentantquepoulichebiendresséedelahautesociété.Mêmepasledroitàunpasdetravers,n’est-cepas?Mêmetonrireestcalibrépournepasprendretropdeplace.

Elle regarda ailleurs, certaine qu’elle avait rougi comme une pivoine. C’était dur de s’entendretraiterd’imposteur…

—Onnepeutpastoussepermettreleluxed’êtrenous-mêmes,rétorqua-t-elle.—Tulefaisavecmoi,dit-iltoutbas,tendre.Il s’approcha, avec sur le visage une expression qui alarma Gwen parce qu’elle fit s’agiter

dangereusement la petite boîte hermétique dans laquelle elle avait rangé, très serrées, au fond d’elle,toutessesémotions.

—Jelepense,Gwen.Ilmitlamainsursajoue,caressantsalèvredupouce.—Jeneparlepasquedecettechambre,nidesmomentsoùj’airefermélesmenottesautourdetes

poignets. Tu peux toujours être toi-même avecmoi. J’aime plutôt bien la garce que tu es derrière tonminoisguindédefilled’aristocrate.

Elles’écartabrusquementenlefusillantduregard,maiselledutcontenirunsourire.Lepoidsdesesobligations,quis’étaitàpeineallégédurantcesquelquesminutes,revintpeserencorepluslourdsursesépaules.

—Tun’espasmonpetitsecrethonteux,Hayes.Biensûrquejeneveuxpasqu’onsachecequisepasse entre nous. Tu dois admettre que, sauf pour la faune décrite dans tes excellents articles, tout lemondenoustraiteraitdepervers,mêmeànosmomentslespluscâlins.

Ilhaussalesépaules.Gwensedétendituntoutpetitpeu.C’étaittellementreposantdesavoirqu’ilacceptaitcecôté-làdesapersonnalitésanslajuger.

—Etj’admetsvolontiersque,quandjecroyaisquetuétaisunesortedelégendedanslemondeduBDSM,jen’étaispasenchantéeà l’idéequ’onnoussacheamis.Cen’estpasque j’avaishontede toi,crois-moi,jevoulaisjusteéviterlesrumeurs.

—Etàprésentquetusaisquejesuisuncitoyenrespectable,tuoseraistemontreravecmoi?—C’estàvoir,riposta-t-ellefroidement,avantdesemordrelalèvre,lecœurdéfaillant.Qu’est-ce

quetumedemandeslà,aujuste?Sijevaissortiravectoiauvuetausudetous,pourqu’onpuissesefaufilerdansleplacardàbalaisentredeuxcoursesàl’hippodrome?

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—Tuveux?ladéfia-t-ild’untoncalme.Outuveuxquelqu’unquipartagetavieettonlit,touslesjoursettouteslesnuits?

Elleosaitàpeinecroisersonregard.Jamaisellenes’étaitsentieaussivulnérable,pasmêmeauxmomentsoùelleétaitligotéeetnue,offerteàlui.

—Jet’aiditquejesavaistecomprendre,Gwen.Toutcequetues.Tonlivren’estpasunromanérotique,c’estdelaromance.Iln’yaaucunehonteàchercherl’amour.

—Mesparentsnesontpasdecetavis.Elleavaitbeau fairebonne figure, elle était auborddes larmes.C’étaitmortifiantqu’il ait lu ce

petitcapricelittéraire,qu’elleavaitvoulusexyetprovocateuretquiavaittournéàlaconfessionnoirsurblancdesesaspirations lesplus intimes.A la fin,elleavaitmis tantd’elledanscettehistoirequ’ellel’avait envoyée auxéditeursde façonanonyme, terrifiée à l’idéequequelqu’unpuissedeviner cequeladyGwenHamilton-Smythevoulaitvraimentdanssoncœur.

—Dansmonmilieu, l’amournefigurepasentêtedela listequantauxqualitésattendueschezunfuturconjoint,ajouta-t-elle.

Puis,seforçantàconfrontersespeurs,elleluidemanda,dutonleplusblasédesapanoplie:—Ettoi?Tucherchesl’amour?—Jenelecherchaispas,maisilestvenusonneràmaportel’annéedernière.J’aimisdutempsà

ouvrir.Cependant,ilatellementinsistéquejel’ailaisséentrer.Jenesaispasvraimentcommentonenestarrivéslà,maismaintenantiln’yapasmoyendeledéloger.

Ilsefrotta lementonavecunregardperplexequisemblaitsincère,mêmesi l’ombred’unsourireplanaitsurseslèvres.Ellesourit,elleaussi.

—Figure-toi que j’ai exactement lemêmeproblème,dit-elle, lesyeux rivés au sol,mal à l’aisecommetoujourslorsquesesémotionsladépassaient.J’étaistrèsangoissée,jem’étaispersuadéequesij’attendaisplusdetoi,denotrerelation,j’allaisruinercequ’onavaitetqu’onallaitcesserdesevoir.Etj’avais tellementbesoind’êtreavec toi,Hayes.Pasquepour le sexe. Jevoulaisêtreavec toipourdebon.

Elles’obligeaàleverlesyeuxpourqu’ilpuissevoirqu’elleneluicachaitplusrien.—Jen’aipasbesoindeconnaîtretaprofessionpoursavoirqueltyped’hommetues.J’aicraqué

pourtoidèsqu’ons’estrencontrés.—Moiaussi,jemedisaisqueçadevenaittropsérieux,etqueç’allaitmalfinir.Aujourd’hui,jene

peuxmêmepasimaginerqueçapuissefinir.Gwenpoussaunlongsoupirlorsquesapochette,qu’elletenaittoujoursàlamain,vibra.—Onmecherche.Tuesprêtàentrerdans lemanègeavecmoi?A trotteretàpiafferet tout le

tralala?—J’ailedroitdefroissersachemiseàplastronaumecguindéquiétaitavectoisurlaterrasse?—Non.ElledécochaunregardtendreàHayesavantd’ajouter,d’untonbeaucoupplusavenant:—Maisjereviendraiicitoutàl’heure.—Trèsbien,alors.Illuiouvritlaporte.—Etpourrécupérermavalise…,ajouta-t-ellepourleplaisirdeleprovoquer.Avecunregardsévère,ilrépliqua:—Tuvoiscenœudpapillon?dit-ilenlissantsonrubandesoienoire.Ilvameserviràt’attacher

aupommeaudedouche,etjefourreraiungantdetoilettedanstabouchependantquejenettoieraichaqueplietchaquecreuxdetoncorpsdepetitevicieuse.Tupourrasrécupérertavaliseensuite.Jetelaisseypenserjusqu’àlafindelasoirée.

Quelsalaud!Ilsavaitqu’ellenepourraitpluspenseràriend’autredelasoirée.

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—Jetehais,Hayes,dit-elled’untonquicontredisaitsesparoles.Vraiment.Elle sentit sur la cambrurede sondos lamain chaudeet tendre—etpossessive—de l’homme

qu’elleaimait.—Moiaussi,moncœur,jetehais.Moiaussi.

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TITREORIGINAL:THESECRETINROOM823

Traductionfrançaise:ALBANERI

©2014,HarlequinBooksS.A.

©2015,Traductionfrançaise:Harlequin.

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.

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83-85,boulevardVincent-Auriol,75646PARISCEDEX13

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