No201 - La mémoire

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LA MÉMOIRE

Sommaire Mars 2000 N° 201

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris

Ce numéro a été dirigé par Claudette Pluchon, orthophoniste

L’édifice immense du souvenir 3Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers

1. La mémoire : concepts théoriques 5Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers

2. La mémoire de travail 19Siobhan Fournier, psychologue, Cécile Monjauze, orthophoniste,CHU La Milétrie, Poitiers

3. Approche clinique des syndromes amnésiques 43Claudette Pluchon, orthophoniste, CHU La Milétrie, Poitiers

4. La plainte mnésique 55Claudie Ornon, psychologue, CHU La Milétrie, Poitiers

5. Mémoire et démences 71Roger Gil, neurologue, CHU La Milétrie, Poitiers

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1. Evaluation de la mémoire 79Véronique Bonnaud, psychologue, CHU La Milétrie, Poitiers

2. Neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire épisodique 95Frédéric Bernard, Béatrice Desgranges, Francis Eustache,INSERM U320, services de neurologie, CHU Côte de Nacre, Caen

3. Prise en charge des troubles de mémoire des patients traumatisés crâniens 123Mireille Beauchamps et Marie-Noëlle Besson, orthophonistes, CHU La Milétrie, Poitiers

4. La prise en charge de patients Alzheimer au stade débutant :rôle d’un centre de jour 143Stéphane Adam, Université de LiègeMartial Van Der Linden, Universités de Louvain et de Genève

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1. L’aide administrative, sociale et financière du patientayant une maladie d’Alzheimer. Comment soutenir sa famille ? 165M.D. Lussier, I. Migeon-Duballet, J.Y. Poupet, CHU La Milétrie, Poitiers

1. Quelques ouvrages de référence2. Adresses utiles

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L’édifice immense du souvenir

Claudette Pluchon

Nos souvenirs, tapis au fond de notre mémoire, sont prêts à resurgir dèsque nous entrouvrons la porte du passé. Et avec eux déferle la vague desémotions, des joies et des peines, des regrets, des remords aussi. Chacun

grave en lui les épisodes de sa vie que le hasard des rencontres ou des situationsrappelle à la surface de la conscience. Ce phénomène étrange qui, en nous per-mettant de revivre le passé, nous convainc d'exister, Marcel Proust saura le cer-ner et dire comment se construit, à partir d'une simple saveur, d'un simple par-fum, l'édifice immense du souvenir (C. Pluchon).

« Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pasle théâtre et le drame de mon coucher n'existait plus pour moi, quand un jourd'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, meproposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusaid'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de cesgâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été mou-lés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machina-lement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, jeportai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceaude madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteautoucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire enmoi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Ilm'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inof-fensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplis-sant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elleétait moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pume venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et dugâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature.D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une secondegorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième quim'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrête, la vertu dubreuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas enlui, mais en moi. Il l'y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéterindéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne

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sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouverintact, à ma disposition, tout à l'heure, pour un éclaircissement décisif. Je posela tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. Mais com-ment ? Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit cher-cher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer.Il est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser,puis faire entrer dans sa lumière.

Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, quin ' ap p o rtait aucune pre u ve logi q u e, mais l'évidence de sa félicité, de sa réalitéd evant laquelle les autres s'évanouissaient. Je veux essayer de le fa i re réap p a ra î t re.

... Arrive ra-t-il jusqu'à la surface de ma cl a i re conscience, ce souve n i r,l'instant ancien que l'at t raction d'un instant identique est ve nue de si loin solli-c i t e r, émouvo i r, soulever tout au fond de moi ? Je ne sais. Maintenant je ne sensplus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il re m o n t e ra jamais de sanuit ? Dix fois il me faut re c o m m e n c e r, me pencher ve rs lui. Et chaque fois lal â cheté qui nous détourne de toute tâche diffi c i l e, de toute œuvre import a n t e, m'aconseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennu i sd ' a u j o u rd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent re m â cher sans peine.

Et tout d'un coup le souvenir m'est ap p a ru. Ce goût, c'était celui du petitm o rceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour- l àje ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjourdans sa ch a m b re, ma tante Léonie m'off rait après l'avoir trempé dans soninfusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rap-pelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souve n taperçu depuis, sans en mange r, sur les tablettes des pâtissiers, leur image ava i tquitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-êtrep a rce que, de ces souve n i rs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, ri e nne surv ivait, tout s'était désagrégé ; les fo rmes - et celle aussi du petitc o q u i l l age de pâtisseri e, si grassement sensuel sous son plissage sévère etd é vo t - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la fo rce d'ex p a n s i o nqui leur eût permis de re j o i n d re la conscience. Mais, quand d'un passé ancienrien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules,plus frêles mais plus vivaces, plus immat é rielles, plus persistantes, plus fi d è l e s ,l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rap p e l e r, àat t e n d re, à espére r, sur la ruine de tout le re s t e, à porter sans fl é ch i r, sur leurgouttelette presque impalpabl e, l'édifice immense du souve n i r. »

Du côté de chez Swann.

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La mémoire : concepts théoriques

Claudette Pluchon

R é s u m éLa mémoire, qui nous permet d'acquérir, retenir et utiliser des savoirs et des « savoir-faire »,semble correspondre à une entité polymorphe et non unitaire. Si les phénomènes demémoire s'inscrivent selon un axe temporel, ils s'ancrent également dans un espace pluridi-mensionnel où l'information peut avoir un contenu épisodique ou sémantique, être présentede manière implicite ou explicite. Les divers réseaux neuronaux qui sous-tendent les activi-tés de mémoire contribuent ensemble à la création des multiples traces mnémoniques quisont le ciment de notre identité.

Mots clés : types de mémoire, processus mnésiques, supports neuroanatomiques et neuro-chimiques.

Memory : theoretical concepts

AbstractMemory, which allows us to acquire, retain and utilise information and « savoir-faire »,involves a polymorphous and pluralistic entity. Indeed, memory phenomena are not onlyrecorded according to a temporal axis, but they are also anchored in a multidimensionalspace where information can have an episodic or semantic content and can be present in animplicit or explicit manner. The various neural networks which underlie memory processescontribute as a whole to the creation of multiple mnemonic traces which represent the« cement » of our identities.

Key Wo r d s : types of memory, memory processes, neuro-anatomical and neuro-chemicalbases.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Claudette PLUCHONOrthophonisteUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur86021 Poitiers cedex

L a mémoire, qui correspond à cette capacité qu'ont les êtres vivants d'ap-prendre, de retenir et d'utiliser un ensemble de connaissances ou d'infor-mations, conditionne notre devenir. Nous construisons notre propre iden-

tité en puisant dans le réservoir immense de nos souve n i rs qui s'inscrive n tégalement dans l'histoire de notre peuple, et c'est en mémorisant au fil du tempsun savoir et un savoir-faire que nous devenons ce que nous sommes.

La mise en œuvre de la mémoire suppose qu'il y ait tout d'abord réceptionet sélection, consciente ou non, des informations au niveau des organes dessens, puis codage et stockage de ces informations au sein d'ensembles de neu-rones, et enfin préservation des capacités de rappel et de reconnaissance pouraccéder aux informations stockées.

Les concepts théoriques initiaux basés sur le modèle proposé par ATKIN-SON & SHIFFRIN (1968) stipulaient que l'enregistrement d'un stimulus enmémoire à long terme ne pouvait s'effectuer sans que l'information n'ait préala-blement transité par la mémoire à court terme. Ces données classiques ont étéremises en question lorsque certaines observations de patients amnésiques ontmontré que des performances satisfaisantes au niveau de tâches de mémoire àcourt terme (exemple : rappel sériel et immédiat d'une série de chiffres) pou-vaient coexister avec un déficit des capacités de mémorisation à long terme, etvice versa.

Les chercheurs s'accordent par ailleurs sur le fait qu'il existe non pas unsystème de mémoire mais différentes formes de mémoire. La mémoire seraitdonc polymorphe au lieu d'être unitaire. A l'appui de cette idée viennent s'ins-crire les données de la neuropsychologie moderne : un patient peut en effetavoir un oubli au fur et à mesure et conserver intacts ses souvenirs anciens ouprésenter des troubles au niveau de la mémoire verbale et non de la mémoirevisuelle.

Etudier l'acte de mémorisation consiste donc à envisager d'une part letraitement des informations selon un axe temporel en faisant référence aux

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notions de mémoire sensorielle, mémoire à court terme, mémoire de travail etmémoire à long terme, puis en s'intéressant aux différents domaines où opère lamémoire.

♦ Les temps de mémoire

I - Mémoire sensorielle & mémoire à court terme :

I-1- Les informations sensorielles qui nous parviennent sont tout d'abordmaintenues pendant un temps très bref, de l'ordre de 200 à 300 ms, et sousforme de traces, au niveau d'une mémoire sensorielle qui peut être visuelle ou« i c o n i q u e », auditive ou « é ch o ï q u e », sans oublier les autres fo rmes demémoire telle la mémoire olfactive.

I-2- La mémoire à court terme encore appelée mémoire immédiate oumémoire primaire permet quant à elle la reproduction immédiate d'un nombrelimité d'informations qui s'effacent au bout de une à deux minutes de notremémoire. Il s'agit ici en fait d'une restitution « sur le champ » d'un nombre res-treint d'éléments, ce nombre définissant ce qu'il est convenu d'appeler « l'em-pan » visuel ou auditif égal chez le sujet normal à 7 w 2. Nous pouvons ainsiretenir de 5 à 9 lettres, mots (empan verbal) ou chiffres (empan digital ou numé-ral).

La mémoire immédiate qui demeure préservée dans les syndro m e samnésiques rep o s e rait sur des modifi c ations électro p hy s i o l ogiques avec impli-c ation de certains systèmes neuronaux corticaux ou des boucles cort i c o t h a l a-m i q u e s .

I-3- A la notion de mémoire immédiate est ve nue s'ajouter celle demémoire de travail suite aux travaux de BADDELEY (1986) envisageant l'exis-tence d'un système de capacité limitée capable bien sûr de stocker temporaire-ment des informations mais aussi de les manipuler pendant les quelques minutesque requiert l'accomplissement de tâches cognitives comme la résolution de pro-blèmes ou certaines activités de compréhension.

Cette mémoire de travail qui permet de gérer des situations coura n t e s ,de donner des réponses immédiates, corre s p o n d rait en quelque sorte à lam é m o i re vive d'un ord i n ateur ou « m é m o i re - t a m p o n ». Il s'agit d'une mémoireo p é rationnelle reposant sur un modèle à plusieurs composantes avec un« a d m i n i s t rateur centra l » ou système de contrôle de l'attention aidé par dessystèmes dits escl aves dont la b o u cle phonologi q u e et le regi s t re visuo-spa-t i a l .

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❖ La boucle phonologique comporte une unité dite de « stockage phono-logique » qui reçoit l'information verbale présentée par la voie auditive : lestraces phonologiques peuvent y être réintroduites continuellement et par consé-quent maintenues grâce à un processus de contrôle articulatoire ou « boucled'autorépétition subvocale ». La récapitulation articulatoire permet aussi à uneinformation verbale présentée visuellement d'être transférée dans le système derétention phonologique après avoir été convertie en un code phonologique.

- L'existence du processus de contrôle articulatoire explique l'effet delongueur des mots que l'on observe chez le sujet sain : le rappel immédiatd'une série de mots longs est moins bon que le rappel immédiat d'une sérieconstituée d'un même nombre de mots courts. Ceci résulte du fait que les motslongs prennent plus de temps à être récapitulés que les mots courts, et les motsqui précèdent voient leur trace mnésique disparaître avant qu'ils ne puissent êtreréintroduits dans le stock phonologique par le biais de la récapitulation articula-toire.

- Le système de la boucle phonologique rend compte également de l'effetde similarité phonologique qui veut que les items phonologiquement prochescomme cave, car, cap, cane, case, soient moins bien rappelés que les itemssémantiquement proches mais phonologiquement différents comme case, hutte,tente, cabane, igloo. Ceci résulterait du fait que le stock phonologique est fondésur un code phonologique : plus les items sont similaires, plus il devient difficilede les distinguer et par conséquent de les récupérer.

La présence d'un effet de longueur des mots et d'un effet de simila-rité phonologique attestent du bon fonctionnement pour l'un, de la récapi-tulation articulatoire, et pour l'autre, du stock phonologique.

- Le modèle de la boucle phonologique permet par ailleurs d'interpréterl'effet de suppression articulatoire qui se manifeste lorsqu'on demande à unsujet de répéter un son sans signification (comme bla...bla...bla...) pendant quelui est énoncée une suite de chiffres ou de mots à mémoriser. Les performances

Modèle de mémoire de travail de Baddeley (1986)

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du sujet lors du rappel sériel immédiat deviennent alors moindres et l'empandiminue en raison d'un phénomène de saturation de la boucle. L'articulationconcurrente en occupant le processus de récapitulation articulatoire perturbe lemaintien des éléments qui se trouvent dans la boucle.

La suppression articulatoire abolit d'une part l'effet de longueur des motset d'autre part supprime l'effet de similarité phonologique pour un matériel àmémoriser présenté visuellement.

- Il faut toutefois noter que le modèle de la boucle phonologique tel queprécédemment décrit laisse toujours des interrogations en suspens ; le processusde récapitulation articulatoire fait par exemple encore l'objet de certains travaux.

❖ Le registre visuo-spatial encore appelé bloc-notes ou calepin visuo-spatial correspond quant à lui à un système de stockage temporaire des informa-tions visuo-spatiales. Il est donc alimenté soit par la perception visuelle, soit parl'imagerie mentale, et il est supposé fonctionner comme la boucle phonologiqueavec une aire de stockage passive des informations et un mécanisme qui main-tiendrait ces informations activées.

❖ La boucle phonologique et le registre visuo-spatial sont donc placéssous le contrôle de l'administrateur central qui gère les deux sous-systèmes, quiexécute des opérations de traitement avec sélection de stratégies cognitives etqui fonctionne comme un système attentionnel. BADDELEY suggère que lemodèle de contrôle attentionnel proposé par NORMAN et SHALLICE (1986)peut aider à comprendre le fonctionnement de l'administrateur central. Dans cem o d è l e, la majorité de nos actions ne font intervenir que des « s ch é m a s

Le Système de la Boucle Phonologique

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d'action » ou « routines » nécessitant peu de contrôle attentionnel. Mais il exis-t e rait un Système Attentionnel de Supervision (SAS) qui serait sollicitélorsque l'activation des seuls schémas d'action s'avère insuffisante, pour parexemple effectuer des changements de stratégies, s'adapter à une situation nou-velle ou quand les tâches impliquent une planification.

II - Distinction mémoire à court terme / mémoire à long terme :

II-1- La distinction entre Mémoire à Court Terme et Mémoire à LongTerme implique la notion de deux systèmes de stockage à des fins d'utilisationdifférente, et d'un fonctionnement en quelque sorte « en parallèle » de ces deuxsystèmes. Elle s'appuie notamment sur un ensemble de preuves émanant de l'ob-servation de patients ayant présenté des troubles de la mémoire consécutifs àdes lésions de régions cérébrales précises. L'un des cas les plus célèbres estcelui du malade HM (SCOVILLE & MILNER, 1957), devenu amnésique à lasuite de l'ablation bilatérale des régions temporales médianes envisagée afin dele soulager d'une épilepsie grave rebelle aux traitements pharmacologiques clas-siques. Après cette double lobectomie temporale incluant l'hippocampe, HMavait conservé une MCT normale avec un empan satisfaisant alors qu'il étaitincapable de tout nouvel apprentissage durable. HM ne pouvait mémoriser lesévénements survenus depuis sa lobectomie. La dissociation inverse était parcontre observée chez le patient KF (WARRINGTON & SHALLICE, 1969) dontl'apprentissage de listes de mots était normal mais dont l'empan numéral ou ver-bal était limité à 2.

II-2- Les effets de récence et de primauté plaident également en faveur del'existence de deux types de traitement en parallèle de l'information reposant surdes systèmes fonctionnels différents. Ainsi, dans une tâche de rappel immédiatoù des sujets normaux doivent restituer une liste de mots présentés auditivementet sans relation entre eux, ce sont les premiers et les derniers mots de la liste quisont les mieux mémorisés. L'effet de primauté avec restitution des premiersitems dépendrait de la mémoire à long terme, c'est-à-dire d'un système capablede stocker l'information de manière durable et faisant appel à un traitementsémantique ; l'effet de récence avec restitution des derniers items serait le pro-duit d'un stock phonologique à court terme auquel les stimuli auditifs ont unaccès obligatoire direct. Cet effet de récence disparaît si le rappel n'est pasimmédiat, mais précédé par exemple de l'apprentissage d'une nouvelle liste demots : intervient alors le phénomène d'interférence rétroactive qui correspondà l'impact négatif d'un second apprentissage sur le rappel du premier. Inverse-ment, un apprentissage ancien peut être réactivé et concurrencer un nouvelapprentissage : il s'agit alors d'une interférence proactive.

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II-3- Viennent également à l'appui de la théorie d'un fonctionnement enparallèle des deux types de mémoire certains cas d'aphasie de conduction auniveau desquels les patients répètent mal les mots qu'ils viennent d'entendre enraison de l'existence d'un déficit de la boucle phonologique, mais restituent avecexactitude en rappel différé à long terme le sens de ces mêmes mots dont ils ontmémorisé l'appartenance catégorielle, les attributs de forme, couleur ou autre,grâce à la mise en place d'un traitement de type sémantique.

III - La mémoire à long terme :

III-1- L'établissement de traces mnésiques durables repose sur le bonfonctionnement des circuits neuronaux impliqués dans les processus demémoire à long terme. Les informations pour être stockées vont devoir êtreorganisées au sein d'un réseau associatif multimodal : sémantique, spatial, tem-porel, affectif. Un apprentissage va ainsi pouvoir s'effectuer au niveau d'unemémoire dite secondaire et les données engrangées vont ensuite être consoli-dées pour enfin appartenir à la mémoire des faits anciens ou mémoire ter-tiaire. La consolidation des informations est fonction de leur répétition ; elle estégalement fonction de l'impact émotionnel des événements ou des données àengrammer.

La fixation mnésique nécessite l'intégrité du circuit de Papez, bilatéral etsymétrique, qui joue un rôle dans la régulation des émotions, et qui relie le cor-tex temporal au cortex frontal par l'intermédiaire de l'hippocampe, du fornix,des corps mamillaires, du faisceau mamillo-thalamique de Vicq d'Azyr, dunoyau antérieur du thalamus et du gyrus cingulaire.

Des interrelations entre le circuit de Papez et plusieurs sites disséminésdans le cerveau conditionnent également la consolidation des souvenirs. Leslésions du circuit de Papez annihilent l'apprentissage et entraînent un « oubli àmesure », sans que les souvenirs anciens soient effacés car devenus indépen-dants du circuit de Papez.

D'un point de vue neurochimique, « l'apprentissage et les modificationsneuronales et synaptiques qu'il suppose pourraient faire intervenir l'acide ribo-nucléique et/ou des peptides comme le suggèrent certaines expériences animalesde transferts biochimiques d'informations, et l'effet amnésiant de produits inhi-bant la synthèse protéique » (GIL, 1989). La mémorisation met en jeu plusieurssystèmes de neuromédiateurs : le rôle de l'acétylcholine dans la plasticité synap-tique est particulièrement important.

III-2- Les rep r é s e n t ations mnésiques maintenues en mémoire à longterme ont été l'objet de processus d'encodage, de stockage, et leur utilisationsuppose l'intervention de processus de récupération des informations.

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❖ L'encodage de données nouvelles peut ne reposer que sur des proces-sus automatiques qui ne requièrent pas d'attention particulière et sans qu'il y aitintention d'apprendre (mémorisation en condition incidente). Il peut par contrefaire appel à des processus « effortful » qui exigent de l'attention (mémorisationen condition intentionnelle).

Les travaux de HYDE & JENKINS (1973) ont montré que les résultatsd'un apprentissage incident pouvaient être comparables à ceux d'un apprentis-sage contrôlé. En fait, seule la nature du traitement effectué lors de la phased'encodage est primordiale. C'est ce sur quoi les travaux de CRAIK & LOCK-HART (1972) auront eu avant tout le mérite de mettre l'accent ; leur approcheintroduisait la notion de « niveaux de traitement » et distinguait un traitementsuperficiel ne portant que sur l'apparence physique du mot, de traitements enprofondeur axés sur les aspects phonologiques et sémantiques du mot (jugementde rimes, analyse des attributs conceptuels...).

Le circuit de Papez : circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire(d'après C. Duyckaerts & J.J. Hauw, 1996)

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❖ Les traces mnésiques ne sont pas statiques et fixes. Elles sont réacti-vées et par conséquent de nouveau mémorisées lors de l'acquisition de nouvellesdonnées. La consolidation des informations est fonction de leur répétition, maisaussi de leur impact émotionnel. Si certaines informations sont extrêmementrésistantes, l'oubli pose quant à lui le problème de savoir s'il correspond à uneperte réelle de l'information ou à une difficulté de récupération de l'information.

La sensibilité aux phénomènes d'interférence pourrait expliquer les diffi c u l-tés de mémori s ation du sujet normal, mais l'oubli pourrait aussi résulter d'unei n c o m p atibilité entre les conditions d'encodage et les conditions de récupérat i o n .

❖ Le concept d'indice de récupération s'est développé suite aux travauxde TULVING & PEARLSTONE (1996) qui ont montré que la récupération d'in-formations pouvait être améliorée si le sujet disposait d'indices contextuels lorsde la phase de rappel.

Un indice est en fait un fragment de la situation d'apprentissage. Ainsi,dans une épreuve de mémoire verbale où chaque item à mémoriser est associé àun autre mot au moment de l'encodage, le rappel est facilité si l'on fournit ausujet le mot initialement associé à l'item recherché.

Les performances sont meilleures quand les situations correspondant auxphases d'encodage et de rappel sont identiques : l'hypothèse de la spécificitéd'encodage conduit à penser que la récupération d'informations est optimiséelorsqu'elle se produit dans le même contexte que l'apprentissage.

♦ Les domaines de mémoire

I - Mémoire explicite (ou déclarative) et mémoire implicite :

La distinction opérée par GRAF & SCHACTER (1985) entre les situa-tions de rappel conscient, volontaire, d'informations particulières et les situa-tions où l'acte de mémoire ne transparaît qu'au travers de l'amélioration des per-formances sans qu'il y ait référence à la situation d'apprentissage oppose lec o n c ept de m é m o i re ex p l i c i t e à celui de m é m o i re implicite. La mémoireimplicite ne requiert donc pas de récupération consciente d'un épisode antérieurd'apprentissage. Elle se manifeste au travers du conditionnement, des effets depriming (amorçage), de la mémoire procédurale. Parmi les tests de priming,un exemple est celui de l'épreuve de complètement de trigrammes : on donne ausujet les 3 premières lettres de mots qu'il a étudiés antérieurement et on luidemande de compléter ces 3 lettres avec le premier mot qui lui vient à l'esprit.Les patients amnésiques, comme les sujets normaux, ont alors tendance à com-pléter les trigrammes en restituant les mots initialement présentés et qui sontrestés activés « inconsciemment ».

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II - Mémoire déclarative et mémoire procédurale :

SQUIRE & COHEN (1984) ont opposé la notion de mémoire procédu-rale, permettant l'acquisition d'« habiletés » perceptivo-motrices ou cognitivessans nécessité de faire référence aux expériences antérieures, à la notion demémoire déclarative où l'information est obligatoirement indexée, associée àson contexte spatio-temporel. C'est la distinction entre le « savoir que » (je saisque j'ai appris cela, je sais où je l'ai appris et qui me l'a appris) et le « savoir-faire » (le comportement signe l'apprentissage, mais je ne sais pas où, ni quandet grâce à qui je l'ai appris).

La mémoire décl a rat ive nécessite une récupération consciente et ve r b a l i s é ede l'info rm ation et peut se mesurer par des épre u ves de rappels, telles les épre u ve sd ' ap p re n t i s s age de listes de mots avec contrôle des conditions d'encodage et der é c u p é ration. La mémoire pro c é d u rale se juge quant à elle en comparant les per-fo rmances successives d'un sujet qui, confronté à une tâche nouve l l e, voit son effi-cacité augmenter au fur et à mesure que l'ex p é rience se répète - ce qui impliqueune mémoire - mais sans pour autant que le SOUVENIR de cette ex p é rience soitprésent et nécessaire. MILNER (1962) a ainsi montré que H.M. pouvait en effe tm a î t riser une tâche de dessin en miroir en trois séances, sans se rappeler d'uneséance à l'autre avoir déjà été soumis à cette tâch e. L'acquisition de pro c é d u re sp e rc ep t ivo - m o t rices ou perc ep t ivo - verbales (tâches de poursuite de cible en mou-vement, d'ap p re n t i s s age d'un laby rinthe ou de lecture de mots en miroir), ainsi quede pro c é d u res cog n i t ives (épre u ve de la « Tour de Hanoï »), supposeraient l'inté-grité des stru c t u res sous-corticales et notamment du stri atum (GIL, 1996).

III - Mémoire épisodique et mémoire sémantique :

TULVING, en 1972, suggère une distinction entre mémoire épisodique etmémoire sémantique, regroupées au sein de la mémoire déclarative.

La mémoire épisodique ou autobiographique ou mémoire pure stockedes événements ou « épisodes » appartenant à notre histoire personnelle ou àl'histoire de notre environnement (faits de société), et qui sont liés à un contextetemporel ou spatial précis.

La m é m o i re sémantique c o n c e rne les connaissances générales com-munes à une culture : elle définit le « savoir » d'un individu et correspond à unemémoire didactique, « décontextualisée ».

« La connaissance épisodique concerne non seulement ce qui s'est passémais également où et quand cela s'est passé, c'est-à-dire le fait et le contexte. Laconnaissance sémantique, par contre, transcende un contexte particulier. Il s'agitde la mémoire des connaissances (linguistiques et conceptuelles) » (VAN DERLINDEN, 1989).

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L'opposition entre mémoire sémantique et mémoire épisodique ne doitcependant pas être considérée comme absolue : il semble vraisemblable que cesoient les épisodes qui, en se répétant, s'affranchissent de leur contexte et aillentgrossir cette base de données universelles que constitue la mémoire sémantique.Certains auteurs et notamment WARRINGTON & McCARTHY (1988) suggé-reraient, plutôt qu'une distinction épisodique / sémantique, une représentation àplusieurs niveaux des faits et des événements.

IV - Mémoire rétrograde et mémoire antérograde :

On distingue classiquement en clinique le concept de m é m o i re rétro-gra d e ou mémoire ancienne du concept de m é m o i re antérogra d e q u is ' a d resse à la capacité de fi xer et de rappeler des données récentes, sach a n tque les souve n i rs anciens sont les plus résistants. L'ex p l o ration de la mémoirea n t é rograde utilise des questionnaires portant sur les dern i e rs événements bio-graphiques ; elle fait également appel à des tâches de rappel et / ou de re c o n-naissance de séries de mots ou d'objets après interférence de quelquesm i nu t e s .

V - Mémoire prospective ou mémoire stratégique :

La m é m o i re pro s p e c t ive, ainsi appelée par opposition à la mémoirerétrospective des faits du passé, se fonde sur la capacité à se souvenir de devoireffectuer une action précise à un moment donné dans un avenir plus ou moinsproche. Elle est en quelque sorte la mémoire des actions futures, non déterminéepar des indices externes explicites : ainsi doit-on se rappeler de prendre sesmédicaments aux heures indiquées, de payer son loyer avant échéance ou d'en-voyer à temps une carte d'anniversaire. Cette mémoire, qui permet d'accéder àdes informations ordonnées dans le temps et l'espace, est en étroite relation avecles capacités de planification et par conséquent très dépendante du lobe frontal :elle peut aussi être qualifiée de mémoire stratégique.

❖ M E ACHAM & LEIMAN (1982) distinguent deux cat é go ries d'acti-vités de mémoire pro s p e c t ive : les « a c t ivités hab i t u e l l e s », qui concern e n tdes actions accomplies en général de façon ro u t i n i è re (se souvenir d'ach e t e rson pain en re n t rant du travail), et les « a c t ivités épisodiques », qui re nvo i e n tà des actions moins fréquentes ou réalisées sur des bases irr é g u l i è res (penseren quittant son travail à se re n d re au bu reau de poste pour expédier unc o l i s ) .

❖ HARRIS (1984) propose quant à lui les oppositions suivantes au plande la mémoire prospective :

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a) tâches uniques / tâches doubles :Lorsque l'action dont on doit se souvenir est une partie de l'action princi-

pale en cours, avec un but unique (exemple : songer à mettre le sachet dans lathéière quand on prépare du thé), il s'agit d'une tâche dite unique. S'il y a deuxbuts et que l'une des actions ne fait habituellement pas partie de l'autre(exemple : récupérer ses chaussures chez le cordonnier sur le chemin de retourdu travail implique deux activités, autrement dit rentrer chez soi et récupérerses chaussures), la tâche est déclarée double.

b) tâches simples / tâches composées :La comparaison entre deux tâches doubles (se souvenir d'acheter son pain

en re n t rant du travail et se souvenir d'arrêter ses activités à 11 heures pour allerchez le dentiste) p e rmet d'écl a i rer cette distinction. Dans le premier cas, le sujet nedoit contrôler qu'une activité en cours, c'est-à-dire son trajet, afin de déterminer àquel moment il va devoir l'interro m p re pour entrer dans la boulange ri e. La tâch eest alors dite simple. Dans le deuxième cas, le sujet doit surveiller sa montre poura rrêter son activité à 11 heures, c'est-à-dire en fait contrôler un processus indépen-dant de l'activité qui va devoir être interro m p u e. La tâche est alors dite composée.

❖ L'utilisation d'aides externes (recourir à un agenda, programmer uneminuterie, établir une liste...) et internes (méthodes d'association verbales outechniques basées sur l'imagerie mentale) dans des situations de mémoire pros-pective a fait l'objet de diverses études. Les travaux d'INTONS-PETERSON &FOURNIER (1986) suggèrent ainsi que les aides externes sont plus souvent uti-lisées pour se souvenir d'avoir à effectuer une action.

VI - Mémoire automatique ou « incidente » et mémoire d'effortou « intentionnelle » :

La dissociation entre mémoire automatique et mémoire d'effort esthabituelle. Les deux processus sont par exemple concernés dans les tâches d'ap-prentissage de listes de mots : l'apprentissage incident de l'ordre des mots avecexistence d'un effet de récence obéit à des processus automatiques, alors que lerappel libre des items correspond à une tâche mnésique d'effort. La mémorisa-tion du contexte (environnement, circonstances...) pourrait également dépendrede processus automatiques nécessitant l'intégrité du lobe frontal.

VII - Mémoire factuelle, mémoire contextuelle et mémoire de source :

La mémoire des faits ou mémoire factuelle doit être distinguée de lamémoire contextuelle qui a trait d'une part, aux attributs spatio-temporels del'information ou mémoire de source (où et quand cela s'est-il passé ?), etd'autre part, aux modalités de l'information (comment cela s'est-il passé ?).

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La mise en mémoire du contexte de l'information conférerait à cette der-nière un caractère distinctif et permettrait de disposer ultérieurement d'indicesde récupération. BADDELEY introduit en 1982 les notions de « contexte indé-pendant » et de « contexte interactif » :

- le contexte indépendant a trait aux cara c t é ristiques spat i o - t e m p o re l l e sd'une info rm ation (le moment et le lieu de sa présentation), ainsi qu'au mode dep r é s e n t ation (visuel ou auditif par exemple) de l'info rm ation. Il n'influence pas l'in-t e rp r é t ation de l'événement-cible et serait encodé de manière plutôt automat i q u e.

- le contexte interactif désigne ce qui constitue l'arrière-plan de l'informa-tion à mémoriser mais qui affecte la signification de l'information-cible. Ainsi,un mot associé à un item à mémoriser modifie l'interprétation qui est faite de cetitem (exemple : la connotation du mot « pièce » suivi par « monnaie » sera dif-férente de celle du même item « pièce » suivi de « tissu ». Le contexte interactifdétermine les caractéristiques de l'information à encoder et influe sur le stoc-kage de cette information.

VIII - Mémoire et métamémoire :

La notion de métamémoire renvoie à la connaissance que le sujet a ducontenu et du fonctionnement de sa propre mémoire. Cette connaissance portesur les limites et les possibilités de notre mémoire (se savoir efficace au niveaude la mémorisation des visages), sur les caractéristiques du matériel et dest â ches qui peuvent améliorer nos perfo rmances (avoir la notion d'une plusgrande réussite en reconnaissance qu'en rappel), sur l'utilité de choisir et mettreen œuvre tel ou tel type de stratégie mnésique.

La décision de commencer une activité de recherche en mémoire est liéeà la faculté de juger de la probabilité d'un succès futur ou d'un échec de récupé-ration. Nos capacités d'estimation sont également sollicitées lorsque nous cher-chons à évaluer le résultat de notre activité de recherche en mémoire et que nousdevons porter un jugement de confiance sur nos réponses. Enfin, les stratégiesauxquelles nous avons recours durant une activité mnésique témoignent de ceque nous savons sur notre mémoire.

♦ Conclusion

Les différents processus mis en jeu dans les activités de mémoire se com-plètent et interagissent : les divers réseaux neuronaux qui sous-tendent l'acte demémoire fonctionnent ensemble pour permettre le stockage des informations etla création du souvenir. Si l'on considère la complexité des opérations d'enco-dage et la multiplicité des situations environnementales, on admet facilement

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que la connaissance du fonctionnement de la mémoire suscite encore beaucoupd'interrogations. La poursuite des études visant à mieux cerner les phénomènesde mémoire sera essentielle pour la compréhension et la prise en charge destroubles de la mémoire. Car l'objectif prioritaire est bien celui-là : tenter de res-tituer chez celui dont la mémoire a souffert ce qui fait de lui un être humaincapable de se reconnaître dans un passé qui est le sien et de se projeter dans unavenir dont il aspire à être l'un des acteurs à part entière.

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La mémoire de travail

Siobhan Fournier, Cécile Monjauze

R é s u m éLa mémoire de travail représente aujourd’hui un concept central dans l’étude de la mémoireen neuropsychologie. Après avoir globalement décrit le modèle de mémoire de travail deBaddeley, nous avons tenté de faire le point sur les différentes méthodes d’investigationdont on dispose actuellement pour évaluer les différentes composantes de ce modèle.Mots clés : mémoire de travail, évaluation, systèmes esclaves, administrateur central.

Working memory

AbstractThis article introduces a concept which is currently central to the study of memory in neuro-psychology: working memory. After giving a general description of Baddeley’s model of wor-king memory, we attempt to take stock of the different methods of investigation which arecurrently available for the evaluation of the functioning of each component in this model.Key Wo r d s : working memory, evaluation, slave systems, central executive.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Siobhan FOURNIERPsychologueCécile MONJAUZEOrthophonisteUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur86021 Poitiers cedex

Une distinction largement acceptée dans la littérat u re aujourd ’ h u iconcerne l’opposition entre deux systèmes de mémoire : un système ditde Mémoire à Court Terme (MCT), qui permet le maintien d’une petite

quantité d’info rm ations pendant une durée brève (sensiblement égale à 2secondes) et un système dit de Mémoire à Long Terme (MLT) permettant demaintenir une information de façon plus durable.

Le concept de Mémoire de Travail (MdT) est apparu au début des années70, dans la continuité des travaux réalisés sur la MCT. Il marque le passaged’une conception de stockage à court terme passif à celle d’un système de stoc-kage actif, impliqué dans le maintien mais également la manipulation de l’infor-mation. Ces différentes distinctions théoriques sont illustrées dans la figure 1.

Fig. 1 : schématisation des différents systèmes mnésiques

Le modèle de MdT le plus fréquemment rencontré dans la littérature estcelui de Baddeley (Baddeley et Hitch, 1974 ; Baddeley, 1986). Il conçoit laMdT comme un système de capacité limitée, destiné au maintien temporaire et àla manipulation de l’information au cours de la réalisation de diverses tâchescognitives telles que la compréhension, le raisonnement, la résolution de pro-blèmes, etc. Par exemple, comprendre une phrase syntaxiquement complexe

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nécessite à la fois le maintien temporaire et le traitement des différents mots quila composent afin d’accéder au sens.

♦ La conception de la MdT selon Baddeley Baddeley (1986,1993) conçoit la MdT comme un système tripartite. Son

modèle comprend une composante centrale (l’administrateur central) conçucomme un « gestionnaire » chargé de contrôler la répartition des ressourcesattentionnelles au cours de divers traitements cognitifs. Cependant, ses res-sources limitées ne lui permettent pas d’assumer à la fois le stockage et le traite-ment de l’information. Ainsi, pour réduire sa charge, il se fait aider de systèmes« esclaves », spécialisés dans le maintien temporaire de l’information. Prenonsl’exemple d’une tâche de calcul mental : l’Administrateur Central (AC) estch a rgé de planifier la résolution du pro bl è m e, de re ch e rcher en MLT lesconnaissances que nous avons des procédures de calcul, de s’assurer du bondéroulement des différentes étapes conduisant à la solution, pendant que les sys-tèmes esclaves maintiennent les données du calcul en cours.

On distingue au moins deux systèmes esclaves : la boucle phonologique,dédiée au maintien temporaire de l’information verbale lue ou entendue, et leregistre ou calepin visuospatial, dédié au maintien temporaire de l’informationvisuospatiale ainsi qu’à la génération d’images mentales.

A - La boucle phonologique

a) Présentation

La boucle phonologique est la composante du modèle de MdT la mieuxconnue. Elle comprend deux sous-composantes : une unité de stockage (le stockphonologique) dans laquelle la forme phonologique des informations verbaleslues ou entendues est momentanément conservée et un processus de récapitula-tion articulatoire qui permet la révision des informations contenues dans lestock phonologique, par une activité d’autorépétition subvocale (cf. figure 2).

b) Fonctionnement

L’information auditive fait d’abord l’objet d’une analyse phonologiquedont le produit va être maintenu dans le stock phonologique pendant une duréetrès brève (environ 2 secondes). Il doit donc être réintroduit systématiquementpar le mécanisme de récapitulation articulatoire pour différer le déclin progres-sif des traces mnésiques. Quant à l’information verbale présentée visuellement(mot écrit), elle fait l’objet d’une analyse graphémique puis d’un recodage pho-nologique qui lui permet d’accéder au stock phonologique par le biais du pro-cessus de récapitulation articulatoire.

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B - Le calepin visuospatial

Le fonctionnement du calepin visuospatial reste actuellement moins biencompris que celui de la boucle phonologique. Il serait également constitué dedeux sous-composantes : un équivalent du stock phonologique, appelé « fenêtrevisuelle », et un processus de « rafraîchissement » de l’image. Cependant, lesétudes menées par Logie et Marchetti (1991) amènent à différencier les deuxsous-composantes du calepin visuospatial sur la base de la nature de l’informa-tion en jeu. Ainsi, le modèle proposé par Logie (1995) distingue au sein du cale-pin visuospatial une sous-composante visuelle et une sous-composante spatiale.La première est conçue comme un stock visuel temporaire dans lequel l’infor-mation visuelle décline rapidement et est sensible à l’interférence. La secondeserait impliquée dans la récapitulation ou « rafraîchissement » des contenus dustock visuel, ainsi que dans la planification de déplacements dans l’espace.

Pour illustrer le fonctionnement de la MdT, Baddeley nous propose decompter mentalement le nombre de fenêtres de notre lieu d’habitation. La repré-sentation mentale de notre habitation dépend du registre visuospatial, et ledécompte à voix basse des fenêtres provient de la boucle phonologique. Enfin,l’établissement et le contrôle de ces opérations dépendent de l’administrateurcentral.

♦ Evaluation des systèmes esclaves et implicationsSur le plan clinique, l’évaluation de la MdT commence par les mesures

classiques d’empan (rappel sériel d’informations). Il est important d’évaluer à lafois l’empan verbal (chiffres / mots) et l’empan visuospatial, en proposant desséquences d’items de longueur croissante. On peut conseiller de proposer aumoins 3 séries de chaque longueur. L’empan correspond à la plus longueséquence correctement rappelée à au moins 2 séries d’une même longueur. On

Fig. 2 : structure de la boucle phonologique d’après le modèle de Baddeley (1986)

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considère traditionnellement que la taille de l’empan normal est de 7 w 2 (Mil-ler, 1956). Lorsque l’on observe un empan réduit, on peut suspecter un troubledu/des systèmes esclaves concernés et/ou de l’administrateur central. Dans cecas de figure, on commencera par évaluer l’intégrité de chaque système esclave.

A - Evaluation et implications de la boucle phonologique

Dans le cas d’un empan verbal réduit, on peut faire l’hypothèse d’un dys-fonctionnement de la boucle phonologique. L’objectif est alors de déterminerquelle sous-composante est perturbée (stock phonologique ou mécanisme derécapitulation articulatoire).

a) Evaluation du stock phonologique On évalue l’intégrité du stock en testant l’effet de similarité phonolo-

gique. En effet, la taille de l’empan verbal serait influencée par le degré de simi-larité phonologique entretenu par les items à rappeler. Ainsi, l’empan de lettresou de mots phonologiquement proches (ex : chapeau, râteau, bateau, gâteau) estgénéralement plus faible que celui de lettres ou de mots phonologiquement éloi-gnés (ex : avion, croissant, papier, lunettes), tant en modalité auditive qu’enmodalité visuelle de présentation. La présence d’un tel effet est un indice dufonctionnement normal du stock phonologique. Dans la mesure où l’informa-tion y est maintenue sous un format phonologique, cet effet serait interprétécomme le résultat d’interférences entre des traces mnésiques faiblement discri-minables à l’intérieur de l’unité de stockage phonologique (Salame et Baddeley,1982).

b) Evaluation du processus de récapitulation articulatoire On évalue l’intégrité du processus de récapitulation articulatoire en tes-

tant l’effet de longueur de mot, l’effet de suppression articulatoire ou encore, enmesurant le taux d’articulation.

❖ Effet de longueur de mot Quelle que soit la modalité de présentation (auditive ou visuelle), l’empande mots courts (monosyllabiques) est généralement meilleur que l’empande mots longs (Badd e l ey, Thomson et Buchanan, 1975). On re n d ra i tcompte de cet effet par l’existence d’une relation entre la taille de l’em-pan et de la vitesse articulatoire. Plus le mot est long, plus le temps mispour le répéter est grand, et plus la probabilité qu’il s’efface du stock pho-n o l ogique est import a n t e. L’ existence de l’effet de longueur de motatteste donc du bon fonctionnement du mécanisme de récapitulation arti-culatoire (remarque : les mots proposés pour évaluer cet effet doivent êtrede même fréquence et phonologiquement éloignés).

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❖ Effet de suppression articulatoire Il est possible de perturber artificiellement le fonctionnement du méca-nisme d’autorépétition subvocale par le biais d’une tâche de suppressionarticulatoire. Il s’agit, au cours d’une tâche d’empan de mots, courts oulongs, d’empêcher l’autorépétition en demandant au sujet de répéter unesuite de syllabes (dadada...), ou de chiffres (1, 2, 3, 4, 5/1, 2, 3, 4, 5...).On demande ensuite un rappel écrit des mots afin d’éviter la mise enœuvre de la récapitulation juste avant le rappel. En occupant de cette manière le système de récapitulation articulatoire,on observe chez le sujet normal :

- une réduction de l’empan verbal,- l’absence d’effet de longueur de mot aussi bien en présentation audi-tive que visuelle, - l’absence d’effet de similarité phonologique sur présentation visuelleuniquement, car le système d’autorépétition, occupé, empêche let ra n s fe rt de l’info rm ation visuelle ve rs le stock phonologi q u e(cf. figure 2).

Ainsi, chez un patient cérébrolésé, présentant une atteinte du mécanismede récapitulation articulatoire, on observera le même pattern de performancesqu’un sujet normal chez qui on empêche l’autorépétition.

❖ Evaluation du taux d’articulationIl s’agit de déterminer la vitesse d’articulation d’un sujet en lui deman-

dant soit de lire une série de chiffres, soit de compter à voix haute de 1 à 10 leplus vite possible, ou encore d’articuler des mots pendant un délai fixe. Le tauxd’articulation est alors égal au nombre d’items articulés par seconde. Dans lecas d’un déficit du mécanisme d’autorépétition, le taux d’articulation est réduit.

c) Tableau récapitulatif :

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d) Illustration : le cas RLBelleville, Peretz et Arguin (1992) ont étudié le cas d’un patient cérébro-

lésé, victime d’un accident vasculaire cérébral, présentant des perturbations auniveau de la MdT. On observait chez ce patient RL un empan verbal réduit,aucun effet de longueur de mot, aussi bien en présentation visuelle qu’auditive,aucun effet de similarité phonologique en modalité visuelle, et pas d’effet desuppression articulatoire. Les autres composantes de la MdT semblaient fonc-tionner normalement. Devant un tel pattern de performances, les auteurs conclu-rent à un déficit sélectif du mécanisme d’autorépétition subvocale, le stock pho-n o l ogique semblant intact. Dans les épre u ves testant la composantevisuospatiale, RL n’avait pas de difficultés particulières. Il présentait donc untrouble sélectif de la composante verbale de la MdT, c’est-à-dire la boucle pho-nologique.

e) A quoi sert la boucle phonologique ?

❖ Aspects développementaux L’évolution de l’empan verbal pendant l’enfance traduit un processusde mat u ration de la boucle phonologique (Gillet, Billard et Au t re t ,1996a).Chez les enfants de 4-5 ans, on peut observer un effet de similarité pho-n o l ogique et de longueur de mot, uniquement en modalité auditive(Hulme et Tordoff, 1989 ; Longoni et Scalisi, 1994). La présence de telseffets traduirait l’existence, dès 4 ans, d’un stock phonologique et d’unmécanisme de récapitulation articulatoire dit « primitif », caractérisé parla possibilité de répéter le mot qui vient juste d’être entendu (Gathercoleet Hitch, 1993).Ce n’est que vers 6-7 ans qu’apparaît l’effet de similarité phonologiqueen présentation visuelle, traduisant la mise en place du mécanisme derecodage phonologique (Hulme et Tordoff, 1989).Quant à l’effet de longueur de mot en présentation visuelle, il n’apparaîtque vers 8 ans (Hitch, Halliday, Dodd et Littler, 1989), lorsque l’autoré-pétition devient cumulative (Naus et Ornstein, 1983). A cet âge, la bouclephonologique semble être parvenue à maturité fonctionnelle et structurale(Gathercole et Hitch, 1993).

❖ Boucle phonologique et apprentissage de la lecture Certaines études laissent penser que la boucle phonologique joue un rôleimportant dans l’apprentissage de la lecture, comme le suggère l’exis-tence d’une réduction de l’empan verbal fréquemment observée chez lesenfants dyslexiques (Jorm, 1983). De manière générale, ces études sont

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peu nombreuses et relativement controversées. Ainsi, Siegel et Linder(1984) ont montré chez des enfants dyslexiques de 7-8 ans l’absence d’ef-fet de similarité phonologique tant en modalité auditive que visuelle, sug-gérant un déficit du mécanisme de stockage de l’information verbale sousun format phonologique (difficulté à utiliser les codes phonologiques).C ependant, d’autres auteurs ont montré qu’un groupe d’enfants dy s-lexiques de même âge présentait des effets normaux de similarité phono-logique quelle que soit la modalité de présentation (Johnston, Rugg etScott, 1987 ; Lecocq, 1986).Récemment, Gillet et Billard (en préparation) ont observé un effet de lon-gueur de mot réduit chez des enfants dyslexiques de 9-10 ans, comparati-vement à des enfants normo-lecteurs de même âge. Ces données semblentindiquer un dysfonctionnement du mécanisme de récapitulation articula-toire, et par là même un fonctionnement anormal de la boucle phonolo-gique.

❖ Boucle phonologique et acquisition de vocabulaire nouveau Quelques études de cas rapportées dans la littérature suggèrent l’interven-tion de la boucle phonologique dans l’acquisition à long terme de nou-velles formes phonologiques. Baddeley, Papagno et Vallar (1988) ontdécrit le cas d’une patiente PV souffrant d’une aphasie de conduction etprésentant un empan verbal anormalement réduit (empan de 2) attribué àun dysfonctionnement de la boucle phonologique. Les auteurs ont com-paré la capacité de PV à apprendre des mots familiers (mots de sa languematernelle) versus non-familiers (mots d’une langue étrangère). Dans unetâche d’apprentissage associatif de paires de mots familiers (tâche deMLT), PV présentait des performances tout à fait semblables à celles desujets contrôle d’âge et d’intelligence équivalents. En revanche, PV semontrait incapable d’apprendre des paires de mots / non-mots (le non-mot étant en réalité la traduction russe du 1er mot du couple). Ces don-nées ont conduit Badd e l ey et al. (1988) à avancer l’hypothèse selonlaquelle l’apprentissage à long terme de nouvelles formes phonologiques(pour lesquelles il n’existe donc pas de représentation lexicale en MLT)impliquerait nécessairement l’intégrité de la boucle phonologique (voirégalement Vallar et Papagno, 1993). La défaillance de la boucle observéechez PV était telle qu’elle empêchait la possibilité du codage phonolo-gique des mots russes.Par ailleurs, Barisnikov, Van der Linden et Poncelet (1996) ont décrit lecas de la patiente CS, présentant un syndrome de Williams (handicapmental sévère), et qui, en dépit d’un QI très faible et de troubles massifs

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de la mémoire épisodique, avait acquis la forme phonologique à longterme de trois langues qu’elle parlait couramment. Devant un tel tableauet d’après l’hypothèse de Baddeley et al. (1988) décrite ci-dessus, ondevrait prédire un fonctionnement normal de la boucle phonologique chezCS. Barisnikov et al. (1996) ont effectivement observé chez cette patientedes empans verbaux normaux ainsi que les effets de similarité phonolo-gique et de longueur de mot.La boucle phonologique jouerait donc un rôle crucial dans l’apprentissaged’une langue étrangère, ce qui a amené certains auteurs (Gathercole etBaddeley, 1989, 1990, 1993) à s’interroger sur son rôle dans le dévelop-pement du vocabulaire de la langue maternelle chez l’enfant. Ces auteursont testé cette hypothèse par le biais d’épreuves de répétition de non-mots. Ils ont examiné le rapport entre la capacité de répétition de non-mots et la taille du vocabulaire, et ont montré une corrélation nette entreces deux variables chez des enfants de 4 ans. De plus, ils observent que larépétition de non-mots est un bon prédicteur du développement ultérieurdu vocabulaire. Ces résultats sont compatibles avec l’idée que la bouclephonologique est fortement impliquée dans l’acquisition de vocabulairenouveau.L’hypothèse d’une altération de la boucle phonologique a été proposéepour re n d re compte des tro u bles de la lecture chez les enfants dy s-lexiques. Ce dysfonctionnement de la boucle pourrait également engen-drer un retard d’acquisition du vocabulaire dans cette population, ce qui aeffectivement été observé dans plusieurs études (Aguiar et Brady, 1991 ;Gillet, Billard et Autret, 1996b).

❖ Boucle phonologique et compréhension du langage Selon Baddeley (1993), la boucle phonologique interviendrait dans lacompréhension des phrases lues ou entendues, en particulier lorsqu’ellessont longues et complexes. En effet, il observe chez la patiente PV (voirplus haut) des difficultés de compréhension des phrases longues et ambi-guës. De même, d’importants troubles de la compréhension ont été mis enévidence chez le patient épileptique TB, chez lequel existait un dysfonc-tionnement de la boucle phonologique caractérisé par un empan verbalréduit, associé à l’absence d’effets de similarité phonologique et de lon-gueur de mot (Baddeley, Vallar et Wilson, 1987). Si la boucle phonolo-gique intervient dans la compréhension des phrases, les enfants dy s-lexiques devraient également présenter des troubles de compréhension, cequi a été confirmé par l’étude de Crain, Shankweiler, Macaruso et Bar-shalom (1990).

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L’ensemble des données observées chez les patients cérébrolésés et lesenfants dyslexiques laissent donc entendre que la boucle phonologiquejoue un rôle important dans l’acquisition de la lecture, de vocabulairenouveau, dans la compréhension de phrases. Il est possible qu’elle inter-vienne dans d’autres activités cognitives verbales. Ce concept de bouclephonologique pourrait constituer un cadre théorique utile, à la fois pourrendre compte des difficultés d’acquisitions scolaires, et pour orienter leprojet rééducatif.

B - Evaluation du calepin visuospatial

La dive rsité des épre u ves utilisées pour évaluer le fonctionnement duc a l epin visuospatial (épre u ves spatiales, visuelles, d’image rie mentale) aconduit les auteurs à s’interroger sur la nat u re du codage au sein de cette com-p o s a n t e. Une distinction entre des tâches de nat u re plutôt visuelle ou plutôts p atiale tend à ap p a ra î t re aujourd’hui, entraînant l’écl atement du concept dec a l epin visuospatial en deux sous-composantes, spatiale et visuelle (Logi e,1995). Cette distinction en terme de contenu sous-tend également une distinc-tion quant à la nat u re des traitements impliqués dans les tâches utilisées. L’ i n-fo rm ation spatiale est fréquemment présentée de manière séquentielle, lat â che consistant en un rappel de cette info rm ation, tandis que l’info rm at i o nvisuelle est souvent présentée de manière simu l t a n é e, la tâche consistant enune complétion de pat t e rn s .

a) Evaluation de la sous-composante spatiale

❖ La tâche la plus couramment utilisée est celle des blocs de Cors i( C o rsi bl o ck tapping test, Corsi, 1972). Des cubes sont disposés sur unep l a n che selon une certaine confi g u ration (cf. fi g u re 3). A chaque cube corre s-pond un nu m é ro connu de l’ex p é ri m e n t at e u r. Ce dernier touche successive-ment des cubes dans un ord re donné, et le sujet doit rep ro d u i re cette séquences p at i a l e. On utilise la pro c é d u re d’empan progressif (séquences de longueurc roissante). La plus longue séquence de frappes correctement rappelée à aumoins 2 séries de même longueur constitue une mesure de l’empan « s p atial »du sujet.

❖ T â che d’empan de localisation (Roulin et Loisy, soumis à publ i c a-tion)

Cette tâche est une adaptation informatisée du test des blocs de Corsi.Elle consiste à présenter sur un écran une grille de n x n cases (par ex : 5 x 5),où des cases s’allument séquentiellement. Le sujet doit rappeler la séquence de

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localisations en montrant sur une grille vierge les cases qui s’étaient allumées.L’empan dépasse rarement 6 cases rappelées.

❖ Epreuve de la matrice de Brooks (Brooks, 1967) Dans cette tâche, le sujet est amené à encoder le matériel soit verbalement

(par une stratégie d’autorépétition verbale), soit en termes d’imagerie visuelle(impliquant la participation du calepin visuospatial). Dans la condition avecconsigne d’imagerie, on présente au sujet une matrice carrée vierge de 4 x 4cases, l’une des cases étant identifiée comme la case de départ. On présenteensuite une série de phrases du type « dans la case de départ, mettre lechiffre 1 ; dans la case suivante, vers la droite, mettre le chiffre 2, etc. », que lesujet doit rappeler (cf. figure 4). Les sujets encodent ces séquences commel’image d’un chemin à l’intérieur de la matrice. En moyenne, ils sont capablesde rappeler 8 phrases en condition spatiale.

Fig.3 : disposition des cubes tels qu’ils sont vus par l’expérimentateurà l’épreuve des blocs de Corsi

Fig.4 : exemple de matériel créé par Brooks et utilisé dans les études concernant le calepinvisuospatial (d’après Brooks, 1967)

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b) Evaluation de la sous-composante visuelle

❖ Epreuve d’empan de patterns visuels (Wilson, Scott et Power, 1987,inspiré de Phillips et Christie, 1977) :

La tâche consiste à présenter une grille dont la moitié des cases sont aléa-t o i rement remplies, fo rmant ainsi un pat t e rn que le sujet doit encoder (cf.figure 5). Après un délai de quelques secondes, la grille apparaît à nouveau,avec une case manquante. Le sujet doit pointer cette dernière, réalisant ainsi unetâche de complétion. On commence à un niveau d’empan de 2 (grille de 4 casesdont 2 sont remplies), et on augmente de 1 en 1 jusqu’à ce que le sujet échoue.Dans cette tâche, le sujet doit mémoriser le pattern dans son ensemble, sansmorceler les localisations des cases : il s’agit donc plutôt d’une tâche de naturevisuelle où l’information est présentée de manière simultanée. Contrairementaux tâches spatiales, où l’empan est généralement réduit, l’empan de patternspeut monter jusqu’à 15, voire 16.

Fig.5 : exemples de grilles présentées dans la tâche d’empan de patterns visuels

Sur le plan clinique, une évaluation complète du bon fonctionnement ducalepin visuospatial doit inclure une mesure de l’empan « spatial » (ex : blocsde CORSI) et une mesure de l’empan « visuel » (ex : empan de patterns visuels),afin de s’assurer de l’intégrité de chaque sous-composante.

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C - Illustration : le cas ELD

Hanley, Young et Pearson (1991) ont étudié le cas d’une patiente ELDprésentant des difficultés dans le rappel immédiat d’une courte séquence dematériel visuospatial, suite à un anévrysme de l’hémisphère droit. Malgré desperformances faibles dans des tâches comme la matrice de Brooks, l’épreuvedes blocs de Corsi, dans des épreuves impliquant la MCT des visages, l’image-rie mnémonique ou la rotation mentale, ELD avait des performances normalesen rappel sériel de lettres, même en présentation visuelle. De plus, elle n’éprou-vait aucune difficulté à récupérer une information visuospatiale en MLT. Lesauteurs ont suggéré que ELD présentait un déficit du calepin visuospatial, enl’absence d’un déficit de la boucle phonologique. Cette étude n’a cependant paspermis de dissocier les aspects visuels et spatiaux du calepin puisque ELD étaiten échec sur les 2 versants.

♦ L’administrateur central : aspects théoriques et évaluation

Face à un empan réduit, et après s’être assuré du fonctionnement normalde chaque système esclave, on peut suspecter un trouble de l’AdministrateurCentral (AC) de la MdT. Comme nous l’avons décrit précédemment, la bouclephonologique et le registre visuospatial sont en contact étroit avec l’AC, conçucomme un système attentionnel de contrôle. Il aurait notamment pour fonctionde coordonner les flux d’informations en provenance de différentes sources, etd’allouer les ressources pour le traitement, au cours de la réalisation d’unegrande diversité de tâches cognitives.

A) Aspects théoriques

L’AC est longtemps resté la composante la plus floue du modèle, proba-blement parce qu’il n’est pas aisé de trouver des tâches dans lesquelles le rôlede l’AC et celui des systèmes esclaves soient clairement identifiables (Van derLinden, Bredart et Beerten, 1994). On a progressivement cherché à lui attribuerdes fonctions de plus en plus précises.

Une première étape dans cette démarche a consisté au rapprochement del’AC au Système Attentionnel Superviseur (SAS) du modèle de contrôle atten-tionnel de Norman et Shallice (1980) qui, selon Baddeley (1986), fournit unebase indispensable pour conceptualiser l’AC.

Norman et Shallice (1980) ont élaboré leur modèle dans l’objectif defournir une vue générale du rôle de l’attention dans le contrôle de l’activité.Selon ce modèle, les actions en cours peuvent être contrôlées par l’intermédiairede deux systèmes distincts. Le premier système ou « gestionnaire des propriétés

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de déroulement », se compose de schémas d’actions routiniers permettant deréaliser un grand nombre d’activités quotidiennes sans y prêter attention, c’est-à-dire de façon automatique. Baddeley (1993) illustre ce point par la conduiteautomobile : on peut parfois parcourir plusieurs kilomètres en pensant à autrechose, s’apercevoir que l’on n’a pas souvenir de ces kilomètres parcourus, alorsqu’on a été capable d’appréhender de façon efficace les obstacles de la routependant cette distance. Il peut arriver que deux activités en cours entrent enconflit. Ce système le prend alors en charge en donnant priorité à l’une des deuxactivités. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une personne qui conduit tout en dis-cutant s’arrête soudainement de parler plutôt que de risquer de renverser un pié-ton qui traverse sans regarder. Le gestionnaire est intervenu pour donner la prio-rité à la conduite.

Norman et Shallice (1980) proposent qu’un second système interviennelorsque cette « sélection automatique » est insuffisante ou inefficace. Il s’agit duSAS, système attentionnel superviseur, assimilé à l’intervention de la volonté dusujet. Ce système, de capacité limitée, est capable d’interrompre ou de modifierune activité en cours, d’inhiber les réponses automatiques déclenchées par unesituation donnée. Il serait impliqué dans les situations exigeant une prise dedécision, une planification, l’adaptation à une situation nouvelle, dangereuse, ouencore lorsque des réponses habituellement fortes doivent être contrariées.

Ainsi, Baddeley (1986) attribue à l’AC les fonctions du SAS de Normanet Shallice (1980).

Dans un article récent, Baddeley (1996) a distingué plusieurs fonctions del’AC, telles que la coordination de deux tâches, et plus généralement la capacitéà réaliser deux activités simultanément, la capacité à activer et récupérer desinformations en MLT, la capacité à alterner entre des stratégies de récupération,la capacité à sélectionner l’information pertinente tout en inhibant l’informationnon pertinente (« attention sélective »). Ces deux derniers aspects font appel auconcept d’inhibition et seront traités ensemble comme reflétant une fonctionplus générale d’inhibition.

B) Evaluation du fonctionnement de l’AC :

L’évaluation du fonctionnement de l’AC doit tenir compte de la com-plexité de cette composante qui assumerait plusieurs fonctions.

a) Coordination de deux activités simultanées

1 - Cet aspect du fonctionnement de l’AC peut être testé par le biais duparadigme de double tâche (Baddeley, Logie, Bressi, Della sala et Spinnler,1986 ; Baddeley, Bressi, Della sala, Logie et Spinnler, 1991) combinant une

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tâche de poursuite visuo-motrice (poursuite d’une cible visuelle sur un écran aumoyen d’un stylo optique) et une tâche d’empan de chiffres, chacune de cestâches étant sous la dépendance d’un des systèmes esclaves. Chaque tâche esteffectuée seule pendant deux minutes, puis les deux tâches sont couplées. Pourla tâche de poursuite, on évalue le pourcentage de temps passé sur la cible pen-dant les deux minutes ; pour la tâche d’empan de chiffres, on évalue le pourcen-tage de séries correctement rappelées. Dans la condition où les deux tâches sontcombinées, le sujet doit donc diviser son attention entre chaque tâche. En cas dedéficit au niveau de l’AC, les performances chutent beaucoup plus en situationde tâche double que celles d’un groupe de sujets contrôle appariés.

Baddeley, Della Sala, Papagno et Spinnler (1997) ont développé une ver-sion moins contraignante de l’épreuve, combinant toujours une tâche d’empande chiffres et une tâche de poursuite visuelle mais papier-crayon cette fois. Lesujet doit cocher une chaîne de carrés liés pour former un chemin. Chaquefeuille contient 80 carrés ; le sujet doit débuter à l’une des extrémités de lachaîne et placer une croix sur chaque carré successif le plus vite possible en untemps limité à 2 minutes. Le score correspond au nombre de carrés cochés. Encondition double, cette tâche est réalisée simultanément à une tâche d’empan dechiffres, pendant 2 minutes.

2 - La capacité à coordonner deux activités simultanément peut égalementêtre évaluée au moyen de tâches dites de MdT, associant une activité de stoc-kage et une activité de traitement, le traitement pouvant porter sur le produit dustockage ou en être indépendant. Il s’agit ici de coordonner l’information enprovenance de différentes sources et pas seulement celle issue des deux sys-tèmes esclaves.

Ces tâches de MdT se distinguent donc des tâches dites de MCT quin’impliquent que le stockage passif d’une petite quantité d’informations et leurrestitution littérale. Parmi les nombreuses tâches de MdT citées dans la littéra-ture, on peut trouver :

➯ la tâche de Brown-Peterson modifiée (Peterson et Peterson, 1959 ;Morris, 1986) :

On présente une série de 3 consonnes au sujet qu’il doit rappeler après undélai variable (0, 5, 10, 15 ou 20 secondes) ; pendant ce délai, il doiteffectuer une tâche interférente plus ou moins exigeante, qui va d’unesimple répétition de chiffres ou de syllabes à une tâche de tapping, decomptage à rebours ou d’addition de paires de chiffres. Ces tâches sontcensées mobiliser une part plus ou moins importante des ressources del’AC ne pouvant dès lors plus être consacrées à la répétition mentale deslettres initialement présentées.

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➯ l’empan de ch i ff res à l’enve rs (sous-test de la WA I S, We ch s l e r,1955) :

On présente au sujet des séries de chiffres de longueur croissante qu’ildoit rappeler dans l’ordre inverse de présentation.

➯ l’empan de lecture ou « reading span » (Daneman et Carpenter,1980) :

Les sujets doivent lire (traiter) une série de phrases non-reliées tout enretenant le dernier mot de chaque phrase ; à la fin de la série, le sujet doitrappeler dans l’ordre de présentation la série des derniers mots. L’empande lecture est déterminé par le nombre de mots correctement rappelés.

➯ l’empan d’opérations ou « operation span task » (Turner et Engle,1989) :

On présente au sujet une série d’opérations à résoudre mentalement dutype (3 x 4) + 11 = ?, suivies d’un mot à mémoriser ; à la fin de la série, lesujet doit rappeler la liste des mots présentés. L’empan correspond à laplus longue série d’opérations pour laquelle le sujet rappelle correctementles mots, après avoir correctement effectué les calculs. L’exactitude desréponses aux opérations permet de s’assurer que le sujet a effectivementréalisé un traitement et un stockage.

➯ l’empan d’écoute ou « listening span » (Daneman et Carp e n t e r,1980) :

Les sujets écoutent des phrases, et doivent retenir le dernier mot ou ledernier chiffre présenté à la fin de chaque phrase ; à la fin de la série, lesujet doit rappeler dans l’ordre de présentation la série de derniers motsou de chiffres. L’empan d’écoute est déterminé par le nombre de mots /chiffres correctement rappelés.

➯ l’empan de comptage ou « counting span » (Case, Kurland et Gold-berg, 1982) :

On présente un carnet au sujet dans lequel chaque page comporte unnombre différent de points rouges et verts. Le sujet doit compter surchaque page le nombre de points verts, puis, après n pages, doit rappelerle chiffre retenu pour chaque page dans l’ordre de présentation.

➯ l’épreuve du chiffre manquant ou « missing scan » (Wiegersma etMeertse, 1990) :

On présente au sujet une série de 8 chiffres compris entre 1 et 9 dans ledésordre (exemple : 3, 1, 7, 9, 5, 6, 2, 8) et il doit retrouver le chiffre man-quant (ici, la réponse est 4). Pour réaliser cette tâche, le sujet doit mainte-nir les chiffres puis les passer en revue pour déterminer celui qui manque.

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➯ la tâche d’empan alphabétique ou « alpha span task » (Belleville,Rouleau et Casa, 1998) :

Le sujet doit rappeler une série de mots correspondant à son niveau d’em-pan verbal moins un, soit dans l’ordre de présentation (tâche simple), soitdans l’ord re alphabétique (stock age et manipulation de l’info rm at i o nsimultanément). Dans la mesure où la charge en mémoire est égaliséeentre les deux conditions, la seule différence concerne l’intervention del’AC dans la condition de rappel alphabétique.

➯ l’épreuve de mise à jour ou « running span » (Morris et Jones,1990) :

On présente au sujet des séries de lettres de longueurs différentes (4, 6, 8ou 10) dont il ne connaît pas à l’avance la longueur ; on lui demande derappeler dans l’ordre, par exemple, les 4 dernières lettres de la série. Lesujet devra donc continuellement remettre à jour le contenu de sa MdT enfonction de l’arrivée de nouvelles lettres dans la séquence : lorsque 8lettres lui sont présentées alors qu’il ne doit en rappeler que 4, il devraéliminer les 4 plus anciennes.

b) Fonction d’inhibition d’informations

1 - Un premier aspect de cette fonction d’inhibition concernerait selonBaddeley (1996) la capacité à alterner entre des stratégies de récupération, tellequ’elle est reflétée dans la tâche de génération aléatoire de lettres. Dans cettetâche, on demande au sujet de produire une lettre prise au hasard parmi les 26lettres de l’alphabet, en suivant le rythme d’un métronome. La notion de généra-tion aléatoire est illustrée en demandant au sujet de s’imaginer face à un cha-peau contenant l’ensemble des lettres de l’alphabet, duquel il tire au hasard unelettre qu’il énonce à voix haute, qu’il remet ensuite dans le chapeau en mélan-geant les lettres avant d’en piocher une nouvelle, et ainsi de suite. On fait varierla vitesse de génération (1 lettre / 2 secondes, 1 lettre / seconde, 1 lettre / 0,5secondes, etc.). On observe que plus la vitesse de production imposée au sujetaugmente, moins les réponses fournies sont aléatoires. Ceci se traduit par la ten-dance à produire le même ensemble de lettres, ou des séquences alphabétiques(exemple : ABC, IJK), ou encore des sigles familiers (exemple : CB, USA). Ceprofil de performance peut être interprété selon Baddeley (1986, 1996) dans lecadre du modèle de Norman et Shallice (1980). En effet, produire un flot delettres au hasard nécessite d’inhiber la tendance naturelle à réciter la chaînealphabétique ou les sigles familiers (inhibition d’une réponse dominante, c’est-à-dire d’un schéma préexistant), de sélectionner de nouvelles stratégies lorsqueles réponses ne sont pas suffisamment aléatoires, ce qui suppose d’inhiber la

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stratégie précédente (alterner entre des stratégies de récupération). Cette tâcheexigerait l’intervention constante de l’AC ou du SAS, pour empêcher ou inter-rompre l’activation de schémas préexistants. Ainsi, plus la vitesse de productionimposée est élevée, moins le SAS sera en mesure d’éviter la production de cesséquences stéréotypées.

2 - Un second aspect de la fonction d’inhibition de l’AC concerneraitselon Baddeley (1996) la capacité à sélectionner les informations pertinentestout en inhibant l’effet distracteur des informations non pertinentes pour la tâcheen cours.

Baddeley (1996) propose de tester cette capacité par le biais d’une tâched’amorçage négatif. Les tâches d’amorçage négatif reposent sur le principe sui-vant : on présente au sujet deux stimuli sur un écran, l’un étant le stimulus cible,l’autre le distracteur. Le sujet doit presser une touche le plus rapidement pos-sible dès que le stimulus cible apparaît. A un certain moment, on s’arrange pourque le stimulus distracteur à un essai devienne le stimulus cible à l’essai suivant.Par exemple, si à un essai la lettre A est le stimulus distracteur parce qu’elle estprésentée en vert alors qu’il faut répondre à une lettre rouge, à l’essai suivant lamême lettre A est présentée en rouge et devient donc le stimulus cible. Onconstate alors que la sélection de la cible (A rouge) est ralentie. C’est ce ralen-tissement dans la sélection de la réponse pertinente que l’on appelle amorçagenégatif. En effet, lors du premier essai, le distracteur (information non perti-nente) est fortement inhibé ; lorsqu’il devient cible à l’essai suivant, sa sélectionest ralentie du fait de l’inhibition antérieure.

3 - En neuropsychologie, un dysfonctionnement des mécanismes d’inhi-bition est classiquement associé à des perturbations frontales. Shallice (1982) aattribué aux lobes frontaux les fonctions du SAS. Ainsi, l’idée d’un rôle de l’ACdans les mécanismes d’inhibition provient essentiellement du rapprochementAC/SAS qui fournit à l’AC de Baddeley un ancrage anatomique : les lobes fron-taux.

Il existe diff é rentes tâches utilisées couramment en neuro p s y ch o l ogi epour évaluer les capacités d’inhibition, telles que le test de classement de cartesde Wisconsin (Wisconsin Card Sorting Test ; Milner, 1963 ; Nelson, 1976), letest de Stroop (Stroop, 1935), et le test de Hayling (Burgess et Shallice, 1996).

➯ Le test de classement de cartes de Wisconsin :On place devant le sujet 4 cartes-stimuli qui diffèrent par la couleur, laforme, et le nombre. La tâche consiste pour le sujet à classer des cartesqu’on lui donne une à une, en les appariant à l’une des cartes stimuli,selon un critère de son choix (forme, couleur, nombre). Le critère choisi

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devra être conservé jusqu’à ce que l’expérimentateur donne la consigned’en changer, c’est-à-dire lorsque le sujet a réalisé six classements consé-cutifs corrects (version Nelson, 1976). L’épreuve est terminée lorsque lesujet a réalisé deux fois chacun des 3 critères de classement, ou lorsquel’ensemble des cartes a été distribué. On relève le nombre de réponsescorrectes, le nombre de catégories réalisées et le nombre d’erreurs, dontles erreurs persévératives qui consistent à garder le même critère de clas-sement malgré le feed-back négatif de l’expérimentateur fourni à l’essaijuste précédent. Ces erreurs persévératives sont interprétées comme reflé-tant un défaut d’inhibition. En effet, lorsque l’on demande au sujet dech a n ger de cri t è re de classement, cela suppose d’inhiber le plan deréponse en cours et d’en élaborer un nouveau.

➯ Le test de Stroop :Dans la version la plus classique, 3 conditions sont présentées : le sujetdoit lire à voix haute des mots qui désignent des couleurs (condition lec-ture), puis dénommer les couleurs de rectangles colorés (condition déno-mination), enfin il doit dénommer la couleur de l’encre de mots imprimésdans une teinte ne correspondant pas à celle évoquée par le mot (condi-tion interférence). Il est fréquemment inclus une condition supplémen-taire dans laquelle le sujet doit alterner entre la dénomination de la cou-leur de l’encre (par exemple pour les mots encadrés) et la lecture (pourles mots non encadrés), en utilisant les items de la condition interférence(condition flexibilité mentale).On relève le nombre d’items correctement lus ou dénommés dans chaquecondition, en un temps prédéterminé. Les conditions interférence et flexi-bilité mentale feraient intervenir l’inhibition d’informations perçues maisnon pertinentes (la couleur de l’encre, quand il faut lire le mot) et l’inhibi-tion de réponses dominantes (la lecture, quand il faut dénommer la cou-leur de l’encre).

➯ Le test de Hayling :Dans ce test, une réponse dominante est activée et doit être inhibée. Letest se compose de phrases présentées oralement dont le mot final estmanquant. Les phrases sont choisies de sorte qu’elles aient une haute pro-b abilité de donner lieu à une réponse spécifi q u e. Dans une pre m i è recondition (partie A « initiation »), le sujet doit compléter la phrase demanière adéquate, le plus rapidement possible (exemple : j’achète de laviande chez le... boucher). Dans la seconde condition (partie B « inhibi-tion »), le sujet doit fournir le plus rapidement possible un mot qui n’en-tretient aucune relation de sens avec la phrase, de quelque manière que ce

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soit (exemple : on se fait couper les cheveux chez le... guitare). Il doitdonc inhiber une réponse fortement dominante (coiffeur).Pour chaque partie, on détermine le temps de réponse moyen sur l’en-semble des phrases. On calcule la différence de latence entre les deuxparties (B - A) qui représenterait le temps supplémentaire nécessaire pourproduire un mot nouveau plutôt qu’une réponse automatique. On classeégalement les réponses obtenues dans la partie B selon trois catégories :(1) la réponse peut être un mot complétant la phrase de manière adéquate,transgressant la consigne ; (2) il peut s’agir d’un mot sémantiquementlié ; (3) le mot peut être non relié à la phrase, conformément aux instruc-tions. Cette classification donne lieu à un score d’erreurs.

c) Activation et récupération d’informations en MLT

Selon Baddeley (1996), l’AC de la MdT doit être en mesure non seule-ment de coordonner des informations en provenance de différentes sources,d’inhiber des informations mais aussi de récupérer et maintenir les représenta-tions temporairement activées en MLT. Selon Rosen et Engle (1997), l’AC joueun rôle dans un type spécifique de récupération en MLT : les processus de récu-pération contrôlée. Les tâches classiquement associées à ces processus sont lestâches de fluence verbale (Baddeley, Lewis, Eldridge, Thomson, 1984 ; Badde-ley, 1996).

Dans ces tâches, on demande au sujet de produire, en un temps donné, leplus de mots possibles appartenant à une catégorie sémantique donnée (fluencecatégorielle) ou commençant par une lettre donnée (fluence littérale) . On peutégalement demander au sujet d’alterner entre deux catégories sémantiques don-nées ( fluence altern é e ). Badd e l ey (1986) considère que l’AC est fo rt e m e n timpliqué dans ces tâches dans la mesure où l’on ne dispose pas de schémas rou-tiniers (préexistants) permettant de produire rapidement et sans faire de répéti-tions une telle série de mots. Ce dernier point suppose donc que des processusd’inhibition interviennent pour empêcher qu’un item déjà produit ne resurgissedans la suite de la tâche, et pour permettre l’accès à des représentation nou-velles.

Le concept d’administrateur central a évolué lentement. Aujourd’hui, ceconcept tend à se diversifier et est abordé sous différentes approches théoriques.Nous pouvons constater qu’on attribue à l’AC un rôle particulièrement impor-tant dans des opérations extrêmement diverses. On peut alors se demander sil’AC est de nature unitaire mais multicomposite, ou bien si sont regroupés souscette terminologie un ensemble de processus de contrôle pouvant intervenir demanière relativement indépendante.

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Cette dernière façon d’envisager l’AC constitue un rapprochement auconcept fort en neuropsychologie de fonctions exécutives, qui désignent l’en-semble des processus nécessaires au contrôle et à la réalisation des comporte-ments dirigés vers un but (Dubois, Pillon et Sirigu, 1994). Actuellement, lamajorité des recherches sur l’AC sont réalisées dans le domaine de le neuropsy-ch o l ogie à partir de populations présentant un dy s fonctionnement ex é c u t i f.Au t rement dit, l’étude de l’AC et l’étude des fonctions ex é c u t ives tendentaujourd’hui à recouvrir le même champ de recherche.

♦ ConclusionLe modèle de MdT tel que le conçoit Baddeley comporte encore à l’heure

actuelle un certain nombre de limites. En effet, si le fonctionnement et le rôle dela boucle phonologique sont aujourd’hui bien compris, nos connaissancesconcernant le fonctionnement et surtout les implications du calepin visuospatialdans les activités cognitives restent limitées. De même, en ce qui concerne l’AC,alors que la définition de cette composante devient de plus en plus précise sur leplan théorique, sa complexité en rend l’évaluation clinique délicate ; de plus, lesparadigmes permettant de l’étudier rendent la tâche plus difficile encore du faitde leur grande diversité.

Bien que présentant des limites, le modèle de MdT reste néanmoins unmodèle utile. En effet, il permet de rendre compte d’un certain nombre de com-portements que le concept de MCT ne permettait pas d’expliquer. Il possèdeégalement l’avantage d’avoir été élaboré sur la base de données expérimentales.Enfin, il présente des applications cliniques directes puisqu’il permet, face à unpatient présentant un déficit de rétention à court terme, d’approfondir l’analysedes troubles en précisant à quel niveau ils se situent. Une telle analyse rend alorspossible la mise en place de stratégies de rééducation plus adaptées.

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Approche clinique des syndromes amnésiques

Claudette Pluchon

R é s u m é

Les syndromes amnésiques de cause organique correspondent pour la plupart à une perteavec un gradient temporel des souvenirs antérieurs à la survenue du traumatisme ou de lamaladie (amnésie rétrograde), associée à une incapacité d’encoder et / ou de stocker et / oud’évoquer de nouvelles informations (amnésie antérograde). Les troubles mnésiquessévères dont ils sont synonymes contrastent avec une relative préservation des autres fonc-tions mentales. Une grande dichotomie pourrait être effectuée entre les amnésies de typehippocampique liées à des lésions temporales et les amnésies résultant de lésions plus dif-fuses (notamment diencéphaliques et fronto-cingulaires) auxquelles appartiennent les syn-dromes korsakoviens.

Mots clés : syndromes amnésiques, amnésie rétrograde, amnésie antérograde, lésions hip-pocampiques, syndrome de Korsakoff, ictus amnésique.

A clinical approach to amnestic syndromes

Abstract

Amnestic syndromes attributed to organic causes usually involve memory loss with temporalregression of memories prior to the trauma or illness (retrograde amnesia), associated withthe inability to encode and/or evoke new information (anterograde amnesia). Those severememory problems, which are basically what these syndromes are about, stand in sharpcontrast with the relative preservation of other mental functions. An important distinctioncan be established between hippocampal amnesias associated with temporal lesions, andthose amnesias connected with more diffuse lesions (especially diencephalic and fronto-cin-gular lesions) which are related to Korsakoff’s syndromes.

Key Wo r d s : amnestic syndromes, retrograde amnesia, anterograde amnesia, hippocampallesions, Korsakoff’s syndrome, transient global amnesia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Claudette PLUCHONOrthophonisteUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur86021 Poitiers cedex

L es troubles de mémoire sont divers et provoqués par des états patholo-giques variés. Les syndromes amnésiques de cause organique ne repré-sentent qu’une partie des amnésies : ils doivent être distingués des amné-

sies d’origine psychique ou des amnésies liées aux processus démentiels quiassocient au déficit mnésique une détérioration de diverses fonctions cognitives.Une distinction doit également être opérée entre les syndromes amnésiquesdurables par lésions généralement bilatérales du circuit de Papez et les syn-d romes amnésiques ap p a rentés post-tra u m atiques faisant appel à diff é re n t e sétiologies. Une place particulière doit enfin être réservée aux syndromes amné-siques transitoires dont l’ictus amnésique représente le prototype.

♦ Les principaux traits sémiologiques des amnésiques durables

Les syndromes amnésiques de cause organique s’inscrivent dans uncontexte séméiologique associant aux notions d’amnésie antérograde et rétro-grade celle d’éventuelles fabulations, avec respect des capacités de vigilance etpréservation plus ou moins totale des autres facultés cognitives.

1 - L’amnésie antérograde correspond à une impossibilité de mémorisa-tion des événements récents. Elle est donc responsable d’un « oubli à mesure »et altère la mise en mémoire des faits de la vie quotidienne. Après un délai de1 à 2 minutes meublé par une tâche interférente, le patient ne peut restituer l’in-formation visuelle, verbale ou tactile qui vient de lui être fournie, alors que lareproduction immédiate de cette même information était possible. L’oubli àmesure peut avoir pour conséquence une désorientation temporelle, voire spa-tiale et s’accompagne dans les troubles paroxystiques de questions itératives quireflètent l’anxiété d’un sujet privé de tout repère. L’amnésie antérograde semanifeste à partir de la survenue de la maladie ou de l’accident.

Différentes théories ont tenté de rendre compte des troubles de mémoireantérogrades présentés par les patients amnésiques. L’existence d’une altération

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d’encodage, de stockage ou de récupération a été envisagée. On ne peut cepen-dant encore actuellement interpréter de manière complète l’amnésie.

2 - L’amnésie rétrogra d e désigne quant à elle l’incapacité ou la diffi c u l t éà évoquer des événements du passé surve nus avant l’installation de la maladie oula surve nue de l’accident. La loi de RIBOT (1881) a établi un gradient tempore lqui fait que les souve n i rs les plus anciens sont les plus résistants. L’ e ffa c e m e n tdes souve n i rs peut concerner une période s’étendant de quelques jours à plu-s i e u rs années. La récupération s’av è re progre s s ive au fur et à mesure de l’évo l u-tion de la maladie, les tro u bles allant en régressant des souve n i rs les plus anciensve rs les plus récents qui, eux, re s t e ront défi n i t ivement effacés car seulement ins-c rits dans une mémoire labile non consolidée. Dans le cadre des maladies dégé-n é rat ives, comme la maladie d’Alzheimer, l’étendue de l’amnésie rétrograde estau contra i re de plus en plus importante et des tra n ches d’un passé toujours plusancien s’anéantissent peu à peu. Enfin, les observations cliniques ont montréqu’il pouvait exister des amnésies antérogrades sans amnésies rétrogra d em a j e u re et également, bien que plus ra rement, des amnésies rétrogrades sansamnésie antérograde (GOLDBERG, HUGUES, MATTIS & ANTIN, 1982).

Le fonctionnement de la mémoire rétrograde est au centre de nombre u s e sre ch e rches en psych o l ogie cog n i t ive. Les dern i è res études reconnaissent toutes àl’amnésie rétrograde un cara c t è re hétérogène : « En part i c u l i e r, les dissociat i o n so b s e rvées au sein même de la mémoire rétrograde semblent indiquer que laconnaissance des faits publics n’est pas stockée avec la connaissance des événe-ments personnels... Il se pourrait en outre que les connaissances autobiogra-phiques et les connaissances générales soient constituées de diff é rents types d’in-fo rm ations auxquels on accède par des voies diff é re n t e s » (VAN DER LINDEN,1 9 9 2 ) .

3 - Les fabulations résultent de la reconstruction anarchique d’un vécuoù souvenirs anciens et récents se télescopent et sont parfois même intriqués àdes événements imaginaires. Ces fabulations de remémoration peuvent surgirspontanément dans le discours mais apparaissent le plus souvent en réponse auxquestions de l’examinateur. Interrogé sur ses activités récentes, le patient pro-duit des réponses verbales erronées ou confabulations qui évoquent néanmoinsparfois des activités très voisines de celles de sa vie habituelle. Les fabulationsobservées dans les syndromes amnésiques neurologiques sont liées à l’oubliantéro et rétrograde accompagné d’une anosognosie.

Les fausses reconnaissances avec identification au présent d’un person-nage du passé, attribution à un inconnu de l’identité d’un proche ou intégrationd’un visage nouveau à la biographie, sont à rapprocher des processus de fabula-tion.

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4 - Si les désord res mnésiques peuvent s’accompag n e r, outre l’anoso-g n o s i e, d’une euphori e, parfois d’une ap at h i e, d’un manque d’initiat ive, vo i red’un déficit attentionnel ou de tro u bles du comportement, le respect de lav i gi l a n c e doit par contre être observé pour concl u re au diagnostic de syn-d rome amnésique. Un distinguo doit ainsi être effectué avec les sémiologi e sconfusionnelles dont les tableaux cliniques comportent la notion d’un oubli àm e s u re et d’une désori e n t ation temporo - s p atiale qui ne sont pas qualifi é sd ’ a m n é s i q u e s .

Par ailleurs, les fonctions intellectuelles et cognitives (langage, calcul,praxies, raisonnement logique) sont préservées, ou relativement épargnées, dansles syndromes amnésiques qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une altérationmentale globale.

♦ Les différents types de syndromes amnésiques durables

1- L’amnésie hippocampique :

Elle se caractérise par :➯ une amnésie antérograde massive pour toutes les modalités senso-rielles, avec un effacement en un temps très court (de l’ordre de 30secondes) des informations nouvelles après interférence.➯ le respect d’une mémoire très immédiate (empan normal) ainsi quecelui de la mémoire de travail, à condition que le délai séparant la présen-tation des données de leur restitution n’excède pas 30 secondes.➯ une amnésie rétrograde peu étendue.➯ le respect de la mémoire sémantique.➯ la préservation de la mémoire implicite.➯ l’absence de fabulations et de fausses reconnaissances.➯ la conservation des capacités d’attention et l’absence de déficit desfonctions exécutives.

Le cas du patient HM (SCOVILLE & MILNER, 1957 ; MILNER, 1962)opéré à l’âge de 27 ans d’une double lobectomie temporale incluant l’hippo-campe en vue de traiter une épilepsie sévère est l’illustration parfaite du syn-drome d’amnésie hippocampique. Après son intervention, HM a présenté uno u bli à mesure avec impossibilité d’acquisition de nouvelles info rm at i o n s ,disant avoir sans cesse l’impression de se réveiller. Soumis à des tests d’appren-tissage, HM a toujours eu des performances très déficitaires tant en rappelqu’en reconnaissance. Aucune fabulation ou fausse reconnaissance n’a jamaisété enregistrée. HM sait qu’il a des troubles de mémoire. Une amnésie rétro-grade d’environ 3 ans a également effacé de sa mémoire certains souvenirs

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(exemple : déménagement 11 mois avant l’opération). Obtenant de bons résul-tats aux tests d’intelligence générale, HM, dont l’empan de mémoire immédiateétait normal, put acquérir certaines habiletés perceptivomotrices (écriture enmiroir, mouvements de poursuite) tout en oubliant qu’il avait effectué les tâchescorrespondantes. La mémoire procédurale était donc partiellement respectée.Par contre, dans des épreuves de jugement d’identité de deux stimuli non ver-baux, auditifs ou visuels, les performances du patient se détérioraient avec l’al-longement du délai et les réponses n’obéissaient qu’à la seule loi du hasard au-delà de 60 secondes.

Une amnésie hippocampique, ou syndrome amnésique sévère et pur, peut,outre les cas neurochirurgicaux, être observée lors :

❖ d’un infarctus bilatéral dans les territoires des artères cérébrales pos-térieures. Les lésions consécutives des lobes occipitaux et des hippo-campes réalisent alors le syndrome de DIDE et BOTCAZO avec exis-tence d’une cécité corticale et d’une amnésie rétroantérograde de typehippocampique.❖ d’une encéphalite herpétique, l’amnésie pouvant coexister avec destroubles du langage et des troubles majeurs du comportement qui évo-quent le syndrome de KLÜVER et BUCY et témoignent de lésions asso-ciées du système limbique.❖ de séquelles d’anoxie après arrêt cardiaque ou intoxication à l’oxydede carbone.

L’amnésie hippocampique peut enfin correspondre à un mode de début dela maladie d’Alzheimer.

2 - L’amnésie diencephalique et frontocingulaire :

Les lésions de certaines structures cérébrales représentées par « les corpsmamillaires et le thalamus, le trigone (ou fornix), le télencéphale basal, le lobefrontal et en particulier le gyrus cingulaire » (GIL, 1996) peuvent être à l’ori-gine d’un syndrome amnésique dont KORSAKOFF (1889) réalisa une descrip-tion sémiologique précise chez des patients présentant pour la plupart un alcoo-lisme chronique.

❖ Le syndrome de Korsakoff peut, au cours de l’alcoolisme, s’installerprogressivement ou surgir lorsque se manifeste un état confusionnel cor-respondant à l’encéphalopathie de GAYET-WERNICKE. Une carence envitamine B1 est à l’origine des troubles et les lésions bilatérales et symé-triques concernent les tubercules mammillaires et le noyau dorsomédiandu thalamus.

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❖ Un syndrome de Korsakoff peut aussi être observé dans différentespathologies ayant d’autres causes nutritionnelles (exemple : le béri-bérien Extrême Orient avec carence d’apport en vitamine B1 ➯ alimentationà base de riz poli).

❖ Les tumeurs du plancher du IIIème ventricule ainsi que les tumeursbifrontales internes peuvent être responsables de l’existence d’un syn-d rome de Ko rs a ko ff. Pa rmi elles, les crânio-phary n giomes re n c o n t r é schez l’enfant présentent un intérêt théorique dans le sens où, bien que fré-quents, ils ne s’accompagnent pas, contrairement à ce que l’on observechez l’adulte, d’un syndrome de Korsakoff.

❖ Un syndrome de Ko rs a ko ff post-tra u m atique peut aussi ap p a ra î t reaprès la période confusionnelle consécutive à un coma lié à un trauma-tisme crânien.

❖ Les infarctus thalamiques bilatéraux ou unilatéraux (pédicule artérielp a ramédian ou interp é d o n c u l a i re pro fond) sont re s p o n s ables de syn-dromes apparentés se caractérisant par une amnésie antérograde intense etpure sans fabulation, avec une lacune rétrograde minime sauf dans les casavec extension sous-thalamique (VIGHETTO & al., 1986). Les infarctusunilatéraux gauches entraînent une amnésie qui affecte surtout le matérielverbal.

Sur le plan clinique, le SYNDROME DE KORSAKOFF se caracté-rise par :

❖ Une amnésie antérograde avec oubli à mesure (en quelques minutesou dizaines de secondes), mais le trouble semble plus se situer au niveaudu rappel des informations qu’au niveau du stockage proprement dit. Lesamnésies mamillothalamiques se différencient donc des amnésies hippo-campiques dans le sens où la présence d’indices de récupération facilite lerappel des informations (WARRINGTON & WEISKRANTZ, 1970) chezles patients ayant un profil korsakovien. LHERMITTE & SIGNORET(1972), MATTIS & al. (1978), avaient déjà indiqué la possibilité d’unedistinction entre les patients présentant une amnésie diencéphalique etceux présentant une amnésie temporale sur la base d’un taux d’oubli plusrapide dans le cas des atteintes temporales.Pour WINOCUR & al. (1981), l’amnésie diencéphalique correspond à lafois à un tro u ble de l’encodage et à un tro u ble du rappel desinformations : en effet, s’il y a facilitation du rappel par la reconnaissanceou l’utilisation d’indices, il y a aussi facilitation de l’apprentissage si l’onfournit au patient des stratégies d’encodage, des indices contextuels suffi-

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samment distincts. On peut donc considérer qu’il existe un déficit du trai-tement initial des informations avec défaut d’indexation contextuelle desdonnées. Les indices utilisés à la phase d’encodage doivent être fournisau patient au moment du recouvrement pour aider le malade à avoir accèsà l’information. Les processus d’encodage et de récupération semblentdonc impliqués dans le déficit des patients korsakoviens.

❖ L’existence d’une désorientation temporo-spatiale, conséquence del’amnésie antérograde.

❖ La préservation de la mémoire immédiate avec un empan digitalnormal.

❖ Une amnésie rétrograde constante qui s’étend sur quelques décenniesavant le début de la maladie et qui respecte tout du moins en partie lessouvenirs anciens et surtout le stock culturel (préservation de la mémoiresémantique). L’amnésie rétrograde épisodique est plus étendue que dansl’amnésie hippocampique.

❖ L’existence de fabulations avec incorporation des souvenirs anciens aupassé récent, télescopage de réminiscences biographiques mêlées derécits entendus au travers des médias.

❖ L’existence de fausses reconnaissances conduisant le patient à attri-buer à un inconnu l’identité d’une personne familière.

❖ Une a n o s og n o s i e c o n s t a n t e, accompagnée parfois d’une cert a i n eeuphorie bien que les patients puissent aussi à d’autres reprises restersemi-indifférents.

❖ Un respect relatif des facultés de raisonnement sans que soientexclus des désordres cognitifs évoquant des traits frontaux : déficit atten-tionnel, sensibilité aux interférences, incapacité à mettre en place desstratégies adaptées.

❖ L’épargne des mémoires résiduelles (mémoire implicite, mémoireprocédurale) montrée par exemple au travers des épreuves de priming oud’apprentissages gestuels et procéduraux.

3 - Les amnésies frontales :

3-1 - Les lésions du « basal forebrain » (DAMASIO et al., 1985), de lap o rtion postéri e u re des régions orbito-frontales, peuvent être à l’ori gine detroubles mnésiques complexes, avec association possible de signes frontaux.

Il en est de même des lésions cingulaires bilatérales qui entraînent égale-ment des désordres particuliers.

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❖ Une amnésie cingulaire, observée dans les lésions séquellaires des ané-v rysmes de la communicante antéri e u re, associe des confabu l at i o n sintenses souvent invraisemblables à un trouble électif du rappel spontanécontrastant avec une bonne reconnaissance. Des troubles de la personna-lité réunissent apathie et perturbations des conduites sociales. Il existe desparamnésies de reduplication et une aphasie transcorticale motrice peutcompléter le tableau clinique.

❖ ESLINGER & DAMASIO rap p o rtent en 1985 le cas d’un pat i e n tdevenu amnésique après ablation bilatérale du lobe frontal orbitaire etmésial. Le tableau clinique est celui d’une amnésie sociale et affectives ’ a c c o m p agnant de tro u bles d’évo c ation des comportements automa-tiques et adaptés aux situations concrètes. Il existe des troubles du carac-tère, de la personnalité, une sociopathie acquise. Les résultats aux testssont cependant normaux, le déficit ne se manifestant qu’en situation quo-tidienne et pragmatique.

3-2 - Les lésions de la portion dorsolatérale du lobe frontal entraînent unealtération de la mémoire de travail, de la mémoire temporelle, de la mémoirecontextuelle spatiale (erreurs répétées aux tests d’apprentissage de labyrinthes).La méta-mémoire est également perturbée ainsi que la mémoire de source.

♦ L’amnésie post-traumatique

Le tableau clinique qui s’installe après la période confusionnelle consécu-tive au coma post-traumatique se caractérise par une amnésie antérograde avecoubli à mesure, précédée d’une amnésie rétrograde. La question a souvent étéposée de savoir si la durée de l’amnésie antérograde pouvait être considéréecomme facteur prédictif de la qualité de la récupération ultérieure (BROOKS &al., 1980) ; il semblerait en fait qu’une amnésie post-traumatique supérieure àune semaine soit dans une certaine mesure corrélée à l’existence de séquellesdurables.

L’amnésie rétrograde peut s’étendre sur une période de plusieurs annéesavant la survenue du traumatisme ; elle s’accompagne à la phase initiale defabulations, voire parfois de paramnésies de reduplication avec dédoublementdes perceptions (je sais que je suis à l’hôpital, cet hôpital est celui de ma propreville mais pourtant je suis loin de la ville où j’habite). Un syndrome de Capgraspeut être associé : le patient n’identifie plus alors ses proches et croit qu’ils sontremplacés par des sosies considérés comme des imposteurs.

La fin de l’amnésie post-traumatique correspond en règle générale auretour à une orientation normale.

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L’amnésie rétrograde peut disparaître progressivement ; elle peut aussidemeurer permanente, la lacune rétrograde étant alors de durée variable.

Les localisations des lésions sont dive rses : les pôles temporaux, lesrégions orbito-frontales et les faisceaux d’association comme le fornix sont lesstructures les plus vulnérables (COUVILLE, 1945).

Les déficits résiduels d’une amnésie post-traumatique se situent au niveaudes capacités d’apprentissage avec présence de troubles de la reconnaissance.La mémoire verbale des traumatismes crâniens, explorée au travers de tâches derappel libre de listes de mots, a fait l’objet de plusieurs travaux : certains auteursont conclu à une atteinte des mécanismes de stockage consécutive au trauma-tisme (BROOKS, 1975).

Les effets différés d’un traumatisme crânien peuvent être observés plu-sieurs mois, voire plusieurs années après la survenue du traumatisme (MORTI-MER & PIROZZOLO, 1985).

Les difficultés attentionnelles, instrumentales ou intellectuelles liées autraumatisme crânien ne sont pas sans interférer avec les troubles mnésiques auniveau de l’évolution du patient.

♦ Les syndromes amnésiques transitoiresL’ictus amnésique est le modèle même du déficit pur de mémoire

(TRILLER & al., 1983). De surve nue bru t a l e, il se cara c t é rise par une amnésiea n t é rograde massive avec oubli à mesure mais sans fabu l ations. Le patient réitèreles questions car il ne fi xe pas les réponses qui lui sont fo u rnies et n’est pasconscient de son tro u ble de mémoire. Il n’existe pas de désori e n t ation spat i a l e.

L’amnésie antérograde est isolée, sans qu’il y ait altération de la vigilanceou des capacités perceptives, praxiques ou intellectuelles. Une amnésie rétro-grade intéressant les quelques heures ou quelques jours précédant l’ictus com-plète le tableau clinique. Un apprentissage implicite demeure possible pendantla durée de l’ictus.

Si dans 50% des cas, aucun cause déclenchante n’est décelable, certainsictus amnésiques surviennent dans un contexte de tension psychologique oud’effort physique (émotion forte, rapport sexuel, activité sportive... etc.).

L’ictus amnésique, générateur d’anxiété, peut durer de 4 à 6 heures maisrégresse de toute façon dans les 24 heures. Le patient conserve ensuite uneamnésie lacunaire de la période concernée et des quelques minutes ou heuresprécédant l’installation des troubles. La persistance de cette lacune amnésiquepermet d’attribuer le trouble antérograde à un déficit de l’enregistrement. Le faitque l’amnésie rétrograde régresse suggère par ailleurs qu’un déficit des méca-nismes de rappel accompagne celui de l’encodage et de la consolidation.

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Un ictus peut récidiver dans 15 à 25% des cas. L’hypothèse d’un vasos-pasme (mécanisme ischémique) accompagnant une migraine ou analogue à unmécanisme migraineux et responsable de la survenue de l’ictus amnésique a puêtre évoquée (GIL, 1996). Un mécanisme épileptique a également parfois étéincriminé. Les amnésies globales transitoires pourraient avoir comme dénomi-nateur commun, sur le plan étiologique, une souffrance hippocampique ou dien-céphalique.

♦ Conclusion« Les activités mnésiques impliquent plusieurs types de processus psy-

chophysiologiques et les lésions responsables des syndromes amnésiques peu-vent siéger en différents points du système limbique » (SIGNORET, 1996). S’ilexiste un noyau sémiologique commun aux amnésies neurologiques, les syn-dromes amnésiques peuvent semble-t-il être distingués en fonction de deuxprincipaux axes qui, pour l’un, correspondrait à un déficit du stockage des infor-mations (amnésies temporales), et qui, pour l’autre, associerait un trouble del’encodage à un trouble du rappel (amnésies diencéphaliques).

La complexité des structures cérébrales qui sous-tendent les processus demémorisation exige toutefois que l’on reste toujours très circonspect quant àl’interprétation des syndromes amnésiques : nombre de questions relatives auxamnésies organiques demanderont en effet encore à être résolues dans le futur.

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La plainte mnésique

Claudie Ornon

R é s u m éLa plainte mnésique, éminemment subjective, ne correspond pas à un profil neuropsycholo-gique particulier. Elle peut s’exprimer en l’absence de toute diminution du rendement cogni-tif, s’inscrire dans ce qu’il est commun d’appeler les oublis bénins de la sénescence, ou êtresatellite d’une souffrance dépressive. La principale question porte sur son devenir et sonéventuelle dimension « prédictive » d’une détérioration.Mots clés : vieillissement, plainte mnésique, oublis bénins, dépression, démence.

Memory-related complaints

AbstractMemory-related complaints are highly subjective and are not associated with any particularneuropsychological profile. They can be present without any decline in cognitive capabilities,or they can be part of what is commonly referred to as the benign forgetfulness of old-age.They can also be related to depression. The primary question regards the possible courseand outcome of such complaints as well as their utility in predicting future deterioration.

Key Wo r d s : aging, memory - r e l ated complaints, benign forgetfulness, depression,dementia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Claudie ORNONPsychologueUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur86021 Poitiers cedex

Comme le passant, sur ce passage mille fois regardé, jettesubitement un rega rd neuf, ainsi l’homme vieillissants’avise un beau matin de la cruelle réalité : un beaumatin il regarde ce visage fripé qui est le sien et qu’ilregardait jusque là distraitement...Il considère en silencele visage fripé comme si jamais il ne l’avait vu, commes’il le voyait aujourd’hui pour la première fois.

Vladimir JANKELEVITCH

Vieillir : « prendre de l’âge, s’approcher de la vieillesse ». Dans cetted é finition du Petit Robert, on voit ap p a ra î t re un processus : onDEVIENT vieux. Bien que le vieillissement soit à l’œuvre dès la nais-

sance, sa prise de conscience est plus tardive. Peut-être débute-t-elle au milieude la vie quand le temps qu’il nous reste devient potentiellement plus court quecelui que nous avons déjà vécu. Puis, au fil du temps, le poids des ans prend unetoute autre signification. Même si l’on ne se sent pas vieux, de nombreux mar-queurs biologiques, sociologiques ou psychologiques sont là pour nous rappelerque nous sommes engagés dans le dernier parcours.

Le vieillissement est en fait la double expression du déroulement dutemps biologique (la sénescence), et du temps chronologique (l’avancée en âge).Dans la réalité, l’âge biologique et l’âge chronologique ne coïncident pas forcé-ment ; il en va de même dans nos représentations psychiques. De nombreux fac-teurs peuvent influencer le processus de sénescence : les conditions de vie, laforme physique, le progrès médical, le niveau socio culturel, etc. Par contre,nous sommes toujours impuissants face à notre finitude.

Sur le plan psychique, le vieillissement entraîne de nombreux réaménage-ments. « Vieillir c’est déjà réaliser le deuil de soi-même en assumant ses pertessuccessives », soulignait P.L. ASSOUN (1983). Certes, cette étape de la vie estjalonnée de crises et de pertes, qu’elles soient sociales, affectives, fonctionnelles

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ou cognitives, mais le fatalisme n’est pas obligatoire. Il existe une grande varia-bilité interindividuelle : la santé des personnes âgées n’est pas forcément mau-vaise et la sénilité n’est pas inéluctable.

Le sujet vieillissant doit donc vivre au présent puisque l’avenir c’est lamort, déjà annoncée mais désormais imparable. Lucien ISRAEL (1988) rappelleà quel point « cet impératif de vivre l’instant », ce « carpe diem », si inhabitueldans la vie active, est intolérable à l’être humain et de ce fait source d’angoisse.

En gardant à l’esprit ces quelques considérations sur cette période de viesi particulière, nous pouvons peut-être mieux entendre les nombreuses plaintesdes sujets vieillissants.

A partir de 50 ans, la plainte mnésique apparaît de façon importante dansla population et sa fréquence ne cesse d’augmenter avec l’avancée en âge.

A l’arrière plan, on retrouve souvent dans le discours des patients lespectre de la Maladie d’Alzheimer. Certes, cette plainte mnésique peut s’avèrern’être que le constat anxieux de la vieillesse qui s’ébauche, mais il convient d’yêtre très attentif car elle peut aussi être le reflet d’un processus involutif débu-tant.

Avant de préciser la sémiologie de la plainte mnésique, ses méthodesd’investigation et son diagnostic différentiel sur le plan neuropsychologique,rappelons brièvement ce qu’est le vieillissement cognitif.

♦ Le vieillissement cognitifLe principal problème est de savoir si la plainte mnésique traduit une

réelle diminution des performances, ce qui peut être vérifié par un bilan neuro-psychologique, en comparant les performances du patient avec les normes de laclasse d’âge correspondante, c’est-à-dire la moyenne des scores obtenus par dessujets dont le vieillissement est considéré comme « normal ».

Mais qu’est-ce que le vieillissement cognitif « normal » ?

Sur le plan biologique, on sait qu’il existe avec le temps des modifica-tions au niveau sensoriel, dermatologique, circulatoire, etc. Notre cerveau n’estpas épargné, avec l’apparition d’une atrophie cérébrale liée à une dépopulationneuronale, une baisse progressive des neuromédiateurs et du débit sanguin.

L’une des caractéristiques du cerveau âgé la plus anciennement connueest la présence de plaques séniles. Entre 55 et 70 ans elles sont relativementrares, tandis que dans la septième décennie et plus tard, elles peuvent êtreobservées chez presque tous les individus.

Ce vieillissement cérébral normal va de pair avec une moins grande effi-cacité intellectuelle. Il ne s’agit pas d’une détérioration mais plutôt « d’une

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modification de l’architecture fonctionnelle de la cognition s’expliquant par desprocessus interdépendants » ( M.C. GELY-NARGEOT, A. MERGIS, 1998).

Bien que certains individus conservent, même très âgés, de très bonnesperformances, en règle générale on observe assez précocement une diminutionde l’efficience mnésique.

Cet affaiblissement cognitif se traduit surtout par des difficultés dans l’ac-quisition de nouvelles informations, et ce en raison des effets de trois facteursgénéraux qui sont :

➯ un ralentissement de la vitesse du traitement de l’information.➯ une moins bonne efficacité de la mémoire de travail.➯ des perturbations au niveau des mécanismes d’inhibition des informa-tions non pertinentes.

Ces trois principaux facteurs interagissent dans la résolution de tâchescognitives, quelle que soit leur nature. Dans le domaine mnésique par exemple,plus l’information cible sera complexe, plus la vitesse de traitement sera ralen-tie, ce qui accentuera l’oubli.

♦ Sémiologie de la plainte mnésiqueLa plainte mnésique consiste en l’expression, par le sujet lui-même, d’un

mécontentement quant à la mauvaise efficacité de ses capacités de mémorisa-tion.

C’est donc un phénomène essentiellement subjectif, qui dépend plus desc royances qu’a le sujet de son fonctionnement mnésique que d’un résultatobjectif.

Ce discours plaintif peut être influencé par les stéréotypes sociaux et leursacceptations (« en vieillissant, la mémoire flanche »...). La personnalité du sujet,ses exigences vis à vis de lui-même et le niveau d’activité intellectuelle main-tenu après la retraite, peuvent également prendre part à l’éclosion de ce mécon-tentement. Il n’est pas rare enfin que la lecture fortuite d’un article sur la mala-die d’Alzheimer amène le patient à consulter.

Les modalités d’expression de cette plainte sont variables mais le déficitinvoqué concerne toujours une diminution des performances dans la vie quoti-dienne.

Le patient se plaint d’oublier les noms propres, d’égarer ses objets per-sonnels, de ne pas pouvoir effectuer l’achat des provisions domestiques sansliste préalable, de ne pas retenir les numéros de téléphone, etc. Il s’agit donc dedifficultés à se rappeler une information immédiatement ou après un délai. Lediscours des patients est d’ailleurs souvent étayé par l’opposition entre des sou-

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venirs anciens très vivants et la douloureuse sensation de ne pas retenir le pré-sent.

Généralement, ces achoppements de la mémoire ne perturbent pas pro-fondément la vie sociale, mais ils sont source d’agacement et parfois d’inquié-tude.

Il n’existe pas de lien univoque entre ce que le sujet perçoit de son fonc-tionnement cognitif et les performances objectivées par l’examen neuropsycho-logique.

Ainsi, après confro n t ation des résultats obtenus, deux pro fils peuve n ts’observer :

➯ des sujets exprimant une plainte mnésique mais dont les performancesaux tests sont strictement normales. La plainte est alors le reflet d’unemauvaise estimation du fonctionnement cognitif, dont l’origine peut êtremultiple : déficit de la métamémoire, anxiété, etc. Il convient toutefoisd’être vigilant, des études (PAQUID) ont montré que malgré des résultatsnormaux aux tests, et en l’absence de syndrome dépressif, des évolutionsvers un état démentiel ne sont pas rares chez des patients présentant unprofil de ce type quelques années auparavant.➯ le bilan neuro p s y ch o l ogique inscrit cette plainte dans une réalité ave cd i m i nution signifi c at ive des perfo rmances mnésiques. Une surve i l l a n c eé t roite est alors de rigueur afin d’établir un diagnostic diff é rentiel précoce.

Un troisième cas de figure peut s’exprimer lors de l’évaluation cognitive :il peut exister de faibles performances en l’absence d’une plainte mnésique.Cette constatation peut être le reflet d’une complète anosognosie des troublesavec l’illusion d’un bon fonctionnement cognitif. Elle peut aussi traduire unaménagement défensif de la part du sujet face à une perception ressentie, maisdont la non reconnaissance traduit le vécu traumatisant.

Cette troisième éventualité n’est pas obligatoirement synonyme de dété-rioration débutante mais impose la vigilance. C’est pourquoi il ne faut pas sepriver lors de l’entretien de questionner le sujet sur son ressenti même s’il nel’exprime pas (souffrez-vous de votre mémoire ? des oublis perturbent-ils l’har-monie de votre quotidien ?, etc.), et être attentif à la façon dont le sujet répond àce genre de questions.

♦ Evaluation de la plainte mnésiqueLorsqu’un patient se présente à une consultation neuropsychologique, une

écoute particulière doit être apportée à la plainte, dans ses modalités d’expres-sion, sa nature et son retentissement sur la vie quotidienne.

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Confronté aux résultats psychométriques, le discours du patient et de sonentourage peut permettre d’affiner le diagnostic.

Cette évaluation se fait bien évidemment par l’entretien, et l’on peut s’ai-der de questionnaires d’auto-évaluation mnésique pour mieux quantifier et qua-lifier cette plainte.

1 - L’entretien :

Cet entretien peut être qualifié de semi-directif puisqu’il doit tenter defaire préciser cinq aspects :

➯ tout d’abord, cerner l’ORIGINE de la plainte. Qui se plaint ? Est-ce lepatient lui-même qui constate un moins bon rendement mnésique au quo-tidien ? Est-ce son entourage proche qui lui a fait remarquer et qui ai n s u fflé cet examen neuro p s y ch o l ogique ? Ou bien encore, est-ce lemédecin de famille qui détecte un changement inhabituel chez son patientbien connu, sans que ni lui ni l’entourage n’ex p rime la moindredoléance ?➯ le D E BU T des tro u bles et leurs C I R C O N S TANCES D’APPA R I-T I O N m é ritent d’être précisés. L’ i n s t a l l ation des tro u bles a-t-elle étéb rutale ou insidieuse ? L’anamnèse révèle-t-elle un ch a n gement de tra i t e-ment médicamenteux, une perte de connaissance, un tra u m atisme crâ-nien, etc. ? Les tro u bles sont-ils surve nus dans un contexte psych o - a ffe c-tif particulier ?➯ l’EVOLUTION des troubles est-elle rapide ou lentement progressive ?Se fait-elle par paliers successifs ou de façon continue ?➯ comment se définissent ces troubles, quelles sont leurs CARACTE-RISTIQUES ? S’agit-il d’oublis d’informations récentes ou anciennes,existe-t-il une répercussion sur l’orientation temporo-spatiale du sujet, surses facultés de reconnaissance des personnes ? A-t-il conscience ou nond’un dysfonctionnement mnésique ?➯ on évalue le RETENTISSEMENT DES TROUBLES SUR LESACTIVITES QUOTIDIENNES. Existe-t-il une réduction des activités,une perte d’intérêt, des incapacités au niveau de l’autonomie fonction-nelle et sociale du patient ?

Enfin, observe-t-on des troubles associés notamment sur le plan thymiqueet comportemental (souffrance morale avec aménagement dépressif, hallucina-tions, idées délirantes, etc.) ?

Cet entretien s’adresse au sujet lui-même et à son entourage, la comparai-son des réponses ayant parfois une grande valeur diagnostique.

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2 - Les questionnaires d’auto-évaluation :

Nous avons à notre disposition quelques outils comme le Questionnaired’Auto-évaluation de la Mémoire (Q.A.M) ou l’Echelle d’auto-évaluation desDifficultés Cognitives (E.D.C).

➯ le Q.A.M de VAN DER LINDEN et al.(1989) :Ce questionnaire a été construit de manière empirique par plusieurs neu-ropsychologues cliniciens (universités de Liège et de Louvain).Il comporte 64 questions regroupées en 10 rubriques, telles que « lesoublis concernant les conversations », « les oublis concernant les actionsà effectuer », « les distractions », etc.Une question générale (« avez-vous des problèmes de mémoire dans lavie quotidienne ? ») est proposée en début et en fin de questionnaire, cequi permet d’évaluer parfois la prise de conscience progressive par lepatient de difficultés mnésiques au cours du questionnaire.Ce questionnaire existe en deux versions : l’une est administrée au sujetlui-même et l’autre est remplie séparément par un proche du patient.

➯ l’E.D.C de MAC NAIR et KAHN (1984) : Cette échelle d’auto-évaluation des difficultés cognitives a été traduite enfrançais par Lucien ISRAEL (1986), et validée sur plus de 400 sujets(J.POINTRENAUD, L. ISRAEL et al., 1996).L’E.D.C se compose de 39 items avec, pour chacun d’entre eux, cinq pos-sibilités de réponse allant de « jamais » à « très souvent ». Ce n’est pas seulement une échelle de plainte mnésique, elle s’intéresseaussi à plusieurs facteurs (B.F. MICHEL et al., 1997) :

➯ l’attention / concentration (ex : « je perds le fil de mes idées enécoutant quelqu’un d’autre »).➯ la mémoire (ex : « il m’est difficile d’évoquer le nom des gens queje connais »).➯ l’orientation temporelle (ex : « j’oublie quel jour de la semainenous sommes »).➯ les difficultés cognitives diverses (ex : « je fais des fautes en écri-vant, en tapant à la machine ou en me servant d’une calculatrice »).

Ces questionnaires peuvent sembler un peu longs, mais ils permettent debien systématiser la nature et l’intensité de la plainte. L’obtention d’un scorerend plus objective la ré-évaluation de la plainte mnésique au cours d’un bilanneuropsychologique de contrôle

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3 - l’examen neuropsychologique :

La plainte mnésique dans sa dimension inter-subjective est l’expressiond’une souffrance à laquelle une réponse doit être apportée.

L’interrogation clinique porte sur le substratum de cette plainte.Est-elle à mettre en relation avec ce que l’on appelle « les oublis bénins

liés à l’âge » ? S’intègre-t-elle plus dans des troubles de l’humeur ? Est-elle plu-tôt le reflet d’un processus dégénératif débutant ou avéré ?

L’évaluation neuropsychologique apporte une orientation diagnostique,avec, en grille de lecture sous-jacente, le diagnostic précoce des syndromesdémentiels.

Ce bilan, détaillé, doit rechercher systématiquement les signes d’un dys-fonctionnement cognitif pouvant évoquer un mode d’entrée dans un processusinvolutif. Les compétences mnésiques doivent certes faire l’objet d’un examenapprofondi, mais l’on ne doit pas se priver d’évaluer les autres fonctions cogni-tives. La recherche de troubles neuropsychiatriques doit également s’intégrerdans ce bilan neuropsychologique, ainsi qu’une estimation de l’autonomie dusujet.

Sans que la trame qui va suivre soit exhaustive, voici une possibilité debilan neuropsychologique face à la plainte mnésique d’un patient :

➯ l’entretien et les questionnaires d’auto-évaluation (détaillés plus haut) ;➯ une évaluation rapide du niveau cognitif global (MMSE ou ERFC) ;➯ une estimation rapide du niveau antérieur (Automatismes Verbaux deBEAUREGARD ou Test de vocabulaire de BINOIS et PICHOT) ;➯ une évaluation mnésique, verbale et visuelle. L’épreuve de GROBERet BUSCHKE est un bon indicateur, qui permet de quantifier et de quali-fier le trouble. Pour la mémoire visuelle, on peut utiliser le test de lafigure complexe de REY, ou le test de rétention visuelle de BENTON.Quelques indications sur les capacités de mémoire à court terme peuventêtre obtenues au travers des mesures classiques d’empan à l’endroit. Onpeut se faire une idée sur les capacités de mémoire de travail par le biaisdes mesures d’empan à l’envers, (subtests « mémoire des chiffres » et« mémoire visuelle » de l’ECHELLE CLINIQUE DE MEMOIRE DEWECHSLER-REVISEE). Enfin, l’entretien nous renseigne sur les capa-cités de restitution des données autobiographiques et de la chronologiepersonnelle, ainsi que sur les possibilités de rappel de quelques événe-ments d’actualité ;➯ l ’ examen du langage doit comporter une épre u ve de dénomination àla re ch e rche d’un manque du mot (par exemple la DO.80 du réseauINSERM). En cas de doute sur les compétences langagi è res du pat i e n t ,

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un examen du langage ap p ro fondi est nécessaire à l’aide de bat t e ri e ss p é c i fiques (exemple : Boston Diagnostic Aphasia Examinat i o n( B DAE) ou le protocole Montréal-Toulouse d’examen linguistique del ’ aphasie) ;➯ les praxies sont évaluées au travers de petites épreuves cliniques tellesque la copie de dessins (figures planes ou en trois dimensions), l a réalisa-tion ou l’imitation de gestes symboliques ou sans signification, l’utilisa-tion d’objets de la vie courante ;➯ les capacités gnosiques peuvent être testées à l’aide de petites épreuvestelles que l’identifi c ation de fi g u res ench evêtrées (LILIA GHENT ouPOPPELREUTER), et de façon plus approfondie au travers du Protocoled’Evaluation des Gnosies Visuelles (PEGV) qui permet de distinguer lesniveaux perceptif et associatif de l’identification visuelle ;➯ les fonctions exécutives peuvent être abordées rapidement par le biaisde la Batterie Rapide d’Evaluation Frontale de DUBOIS et PILLON, parle TRAIL MAKING TEST, le STROOP et quelques épreuves cliniquesde programmation graphique et gestuelle.

Ce qui précède concerne donc l’éva l u ation des cri t è res cognitifs dedémence (DSM-IV). Mais le bilan neuropsychologique ne s’arrête pas là.

Au niveau des éventuels troubles psychocomportementaux, les donnéesrecueillies par l’entretien peuvent être étayées par quelques échelles d’évalua-tion.

Concernant les troubles de l’humeur, et notamment l’évaluation des syn-d romes dépressifs, les échelles de dépression classiques (HAMILTO N,MADRS) sont à utiliser avec prudence car elles sont peu spécifiques du sujetvieillissant. Les items concernant les troubles somatiques et cognitifs risquentd’élever artificiellement le score de dépression. Il est préférable de se référeraux outils d’évaluation spécifiques à la personne âgée qui commencent à êtred i s p o n i bles (V. AU B I N - B RU N E T, R. JOUVENT, 1996). Par exe m p l e,« l’échelle de dépression gériatrique » de YESAVAGE et BRINK qui s’intéresseuniquement à la symptomatologie psychique du syndrome dépressif du sujetâgé.

Si nécessaire, c’est-à-dire en fonction des conclusions psychométriques,les troubles du comportement peuvent être évalués au travers de « l’inventaireneuropsychiatrique » (P.H. ROBERT et al., 1998).

E n fin, pour l’ap p r é c i ation de l’autonomie fonctionnelle et sociale dupatient (et plus dans l’optique d’un suivi au long cours), l’entretien peut se com-pléter par la passation rapide de l’échelle I.A.D.L (P. BARBERGER-GATEAUet al., 1993).

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♦ Diagnostic différentiel

1 - Plainte mnésique et oublis bénins / démence (DSTA)

Le tableau classique est celui de patients venant consulter de leur propreinitiative, avec une plainte mnésique dont l’intensité peut être variable ; lesoublis concernent les faits récents sans perturber de façon importante le quoti-dien.

L’examen neuropsychologique montre effectivement une petite diminu-tion des performances mnésiques, sans que les critères de DSTA ne soientréunis, et en l’absence d’une symptomatologie dépressive franche.

Il est alors usuel de qualifier ces troubles « d’oublis bénins de la sénes-cence ».

Très tôt le souci de pouvoir différencier les oublis imputables aux effetsde l’âge des signes avant coureurs d’une détérioration s’est posé.

KRAL, dès 1962, avait proposé une dichotomie en oublis malins (évo-luant vers la démence), et oublis bénins liés à l’âge (benign senescent forget ful-ness).

D’autres classifications ont été proposées dans le même but.En 1986 est né le concept d’AAMI, « aged associated memory impair-

ment » ( CROOK et al.), pour tenter de préciser les critères d’une altération dela mémoire liée à l’âge.

Les critères d’inclusion au diagnostic d’AAMI peuvent être résumés de lasorte :

➯ les sujets des deux sexes doivent être âgés de 50 ans et plus ;➯ il doit exister une plainte mnésique ;➯ l’évolution des troubles doit être progressive sans qu’il y ait eu aggra-vation subite dans les mois précédant l’évaluation ;➯ la présence de pert u r b ations de la mémoire secondaire (mémoire récente)doit être objectivée par un ou plusieurs tests standardisés, avec une dévia-tion de plus d’un écart type par rap p o rt aux va l e u rs de l’individu jeune. (Pa rexemple : note M 6 au test de rétention visuelle de Benton, administra -t i o n A ; note M 6 au sous-test de mémoire logi q u e, et note M 13 au sous-testd ’ ap p re n t i s s age associé de la Bat t e rie de Mémoire de WECHSLER) ;➯ la préservation d’un bon fonctionnement intellectuel objectivé par unscore de 9 au moins au subtest de Vocabulaire de la WAIS ;➯ l’absence de démence démontrée par un score de 24 ou plus au MiniMental State Examination de FOLSTEIN (MMSE).

Enfin, devait être exclu toute affection ou traitement pouvant engendrerune détérioration cognitive.

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Ce concept a depuis été largement critiqué. Florence MAHIEUX etM a ri e - C h ristine GELY- NA R G E OT (1997) résument ces diff é rents points dedésaccord quant au choix des critères et à la validité du concept lui-même. Dansles nombreuses critiques apparaissent par exemple la non prise en compte duniveau culturel, la réduction au seul MMSE pour exclure une démence, la dévia-tion à la moyenne de sujets jeunes. En reprenant les diverses tentatives de défi-nition de cette entité anciennement connue sous le terme d’AAMI, les deuxauteurs montrent à quel point il est encore difficile, mais nécessaire, de spécifiercette catégorie clinique.

Dans sa dernière édition de 1996, le DSM a inclus ces patients souffrantde troubles mnésiques liés à l’âge dans une nouvelle catégorie diagnostique :l’Age Related Cognitive Decline (ARCD).

Dans cette nouvelle acceptation, la sphère cognitive dans son entier estconcernée et non plus seulement les capacités mnésiques. La plainte mnésiquedevient facultative, le constat objectif du déclin cognitif étant au centre de cettedéfinition de l’ARCD.

En résumé, des patients présentant une plainte mnésique (ou non, si l’onse réfère à l’ARCD) et dont les tests objectivent un déclin mnésique modérémais significatif, sans troubles associés, peuvent entrer dans la catégorie desoublis bénins de la sénescence.

La lecture de la littérature montre à quel point la définition précise decette entité est difficile. De façon sous jacente, la limite du vieillissement nor-mal ou pathologique est très présente, avec de nombreux questionnements quantà l’évolution de ces oublis « bénins ».

Des études ultérieures permettront peut-être de savoir si les patients dontles troubles s’inscrivent dans les oublis bénins liés à l’âge sont en phase pré-cli-nique de démence, ou « s’ils constituent réellement une entité nosologiquestable qui les différencie des normaux et des futurs déments » (M. PUEL et al.,1997).

2 - Plainte mnésique et dépression / démence (DSTA)

La vieillesse n’est pas une maladie. To u t e fois, la personne âgée doite n t rep re n d re, à cette étape finale de sa vie, certains réaménagements psy-chiques. Cette période correspond à une véritable crise existentielle (au sensEricksonien du terme), qui peut parfois être difficilement surmontée et se solderpar un aménagement dépressif.

Cette symptomatologie dépressive n’est pas toujours diagnostiquée pourdeux raisons essentielles :

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➯ la première est imputable aux idées socialement préconçues sur levieillissement considéré uniquement dans sa dimension de pertes et dedéficits. Dans ce contexte, il est donc considéré comme normal que lesujet réponde à la vieillesse par la dépression. Le désintérêt, la pauvretédu discours, la mimique figée, la tendance apathique ou tout autre symp-tôme sont alors banalisés et dépouillés du message de souffrance moraledont ils sont porteurs ;➯ la seconde raison (qui vient sans doute en réponse à la première),réside dans les modalités d’expression de la dépression chez le sujet âgé.Il est assez rare en effet que la douleur dépressive soit verbalisée commetelle, un cortège de plaintes somatiques diverses étant au premier plan.

Les difficultés de concentration et de décision, le ralentissement psycho-moteur, les trous de mémoire font partie des symptômes contribuant au diagnos-tic de dépression (DSM).

Chez le sujet âgé déprimé, il arrive que ces difficultés cognitives soientexacerbées. La plainte mnésique est alors massive, c’est une plainte catastropheavec la crainte parfois à peine dissimulée de la déchéance intellectuelle et del’incurabilité.

Le principal diagnostic différentiel se situe entre dépression et démence,situation parfois bien épineuse tant ces deux entités tissent des liens étroits.L’analyse de la plainte mnésique est alors un élément de valeur diagnostique.

L’intensité de la plainte du patient déprimé s’oppose à la modestie desdoléances dans les processus démentiels. Cette plainte sévère est souvent accom-p agnée d’autres plaintes (fat i g u e, maux de tête, etc.). Les oublis portent sur desa c t ivités mnésiques demandant le plus d’effo rt avec de grosses difficultés dec o n c e n t ration. La phase d’encodage des info rm ations peut être de ce fait pert u r-b é e, mais l’indiçage améliore généralement la récupération du souve n i r, alorsqu’il est inefficace dans les affections organiques de type DSTA. Enfin, ces per-t u r b ations mnésiques ne s’accompagnent généralement pas d’autre déficit cog n i-tif (un léger retentissement sur les fonctions ex é c u t ives peut parfois s’observe r ) .

L’orientation diagnostique est parfois difficile, surtout quand les signesclinique de démence ne sont pas réunis mais que quelques signes d’appel neuro-psychologiques nous posent question. A un stade précoce, le doute persistecompte tenu de la présence incontestable de troubles cognitifs dans les dépres-sions, et de perturbations psychocomportementales (encore peu connues maisbien réelles) dans les processus dégénératifs débutants.

Les données de la littérature sur ce sujet sont abondantes mais la questionn’a pas pour autant trouvé de réponse franche, tant les intrications entre cesdeux pathologies sont complexes.

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T. GALLARDA (1999), précise que « l’approche théorique des relationsentre maladie dépressive et démence ne se pose plus en terme de diagnostic dif-férentiel mais en terme de comorbidité et d’intrication de ces deux affections ».Il rappelle le résultat d’études montrant que certaines fo rmes cliniques ded é p ression d’ap p a rition tard ive (après 60 ans) constitueraient un facteur derisque d’une évolution démentielle.

Sur le plan pratique, et compte tenu des données actuelles, la prudence estde rigueur afin de ne pas porter le diagnostic de démence pour une réelledépression, et de ne pas masquer un processus dégénératif débutant par un dia-gnostic de dépression porté trop hâtivement.

C’est pourquoi il convient, en présence d’un patient dont le comport e-ment sugg è re un état dépre s s i f, de tenter de cerner s’il s’agit d’une réelled é p ression. Le bilan neuro p s y ch o l ogique doit être détaillé, à la re ch e rche designes d’appel d’un éventuel processus dégénérat i f. Compte tenu de l’augmen-t ation du risque de démence dans cette population, quand un déficit cognitif esto b s e rvé le suivi neuro p s y ch o l ogique s’impose, même après amélioration éve n-tuelle par traitement antidépresseur d’épre u ve et prise en ch a rge psych o l o-gi q u e.

3 - Plainte mnésique et démence (DSTA)

Dans les états démentiels de type DSTA la plainte mnésique est rarementintense voire même totalement absente. L’entretien peut parfois faire admettrequelques oublis, mais ceux-ci sont minimisés. La répercussion des troubles surles activités quotidiennes est souvent occultée par le patient. L’entretien avecl’entourage est alors très contributif.

Dans quelques cas plus ra res, même à un niveau de déclin cog n i t i favancé, les patients expriment un mécontentement quant à leur mémoire avecune conscience douloureuse des troubles.

Ceci est valable pour les patients dont les troubles cognitifs s’inscriventdans l’hypothèse d’une probable DSTA, c’est-à-dire dont les déficits objectivésréunissent les critères de démence (DSM).

La démence est un processus involutif que l’on sait de mieux en mieuxidentifier, mais qu’en est-il du stade pré-démentiel, et notamment des doléancesdu patient à ce stade infra-clinique ?

Peu de travaux empiriques permettent de définir précisément la plaintemnésique, et plus particulièrement de distinguer un trouble fonctionnel bénind’un trouble prémonitoire de démence. C’est dans cette optique qu’au niveau del’étude PAQUID, J.F. DARTIGUES et al. (1997), ont tenté d’analyser la plaintemnésique dans sa visée épidémiologique.

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Cette enquête a respecté quatre critères :➯ un échantillon représentatif de la population générale avec contrôle desbiais de sélection.➯ le recueil des données sur les troubles mnésiques différenciant untrouble ressenti, un trouble exprimé (au médecin par le sujet), un troublereconnu par l’entourage et une mesure de la performance mnésique.➯ le suivi longitudinal et prospectif de l’échantillon.➯ la recherche active des sujets évoluant vers une démence.

L’étude a été menée auprès de 1503 sujets de plus de 65 ans. La plaintemnésique, recueillie par un questionnaire, a été confrontée aux performancescognitives mesurées à l’aide de deux tests neuropsychologiques. Six groupes ontainsi été définis :

➯ groupe 1 : pas de trouble ressenti ni exprimé ; performances normales.➯ groupe 2 : pas de trouble ressenti ni exprimé ; performances basses.➯ groupe 3 : trouble ressenti mais non exprimé ; performances normales.➯ groupe 4 : trouble ressenti mais non exprimé ; performances basses.➯ groupe 5 : trouble ressenti et exprimé ; performances normales.➯ groupe 6 : trouble ressenti et exprimé ; performances basses.

Le suivi de ces sujets s’est effectué sur quatre ans, avec recherche activedes démences incidentes à deux et quatre ans.

Les résultats obtenus montrent que l’incidence de démence (en personne-année) est plus importante pour les groupes 4, 5 et 6 (respectivement égale à2.45 %, 1.42 % et 3.64 % contre 0.36%, 0.96% et 0.33 % pour les trois premiersgroupes). Selon ces résultats, la plainte mnésique serait donc un indicateur del’augmentation du risque de démence (groupe 5 et 6), même quand les résultatsaux tests sont normaux (groupe 5).

En résumé, l’expression d’une plainte mnésique est à considérer avecsérieux. Même si les résultats aux tests ne montrent pas de déficit, le suivi neu-ropsychologique est donc préférable pendant quelques années.

♦ ConclusionLa plainte mnésique, si fréquente avec l’avancée en âge, mérite une atten-

tion particulière. Indissociable de l’examen médical, l’évaluation neuropsycho-logique détaillée doit permettre de tracer le profil cognitif du patient et sonéventuelle compatibilité avec certaines « pathologies ».

Nous avons vu que la présence d’une plainte mnésique n’était pas forcé-ment le reflet d’un dysfonctionnement cognitif. Elle peut s’inscrire dans ce qu’ilest commun d’appeler les oublis bénins de la sénescence, être plus en rapport

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avec un contexte anxio-dépressif, ou s’exprimer chez des sujets sans troublesthymiques francs, ni affaiblissement cognitif.

Quels que soient les résultats psychométriques obtenus, la programmationde bilans de contrôle à distance semble s’imposer, et ce, pour deux raisonsessentielles.

Tout d’abord les études citées en référence incitent à la prudence quant àla valeur pronostique de cette plainte mnésique. La survenue tardive d’un étatdépressif, la présence d’un oubli bénin, voire même l’existence d’une plaintemnésique isolée, constituent autant de facteurs de risque supplémentaires enfaveur de la survenue d’un processus démentiel ultérieur. Même si les étudess’intéressant à la plainte mnésique n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, onne peut ignorer les premières conclusions. Les recherches ultérieures permet-tront sans doute d’affiner les outils d’évaluation, et d’arriver à une meilleureexploration clinique de cette plainte mnésique.

Ensuite, dans sa dimension inter-subjective, la plainte mnésique doit êtreentendue et recevoir écho. Le bilan neuropsychologique permet au sujet de tes-ter ses propres croyances en comparant ses performances à celles de son grouped’âge. La retransmission orale des conclusions rassure souvent le patient, et lesuivi annuel a, entre autres, la même fonction sécurisante.

Enfin, rappelons quand même que la fréquence de la plainte mnésique estloin de refléter l’incidence des démences dans la population générale. S’intéres-ser à cette plainte dans une visée pronostique est bien sûr d’une grande impor-tance, au même titre que les recherches portant sur des indicateurs psychomé-triques susceptibles de contribuer précocement au diagnostic de démence. Maisles rap p o rts entre plainte mnésique et syndromes démentiels ne sont paslinéaires, tout comme la vieillesse ne se limite pas à ses déficits. Les stéréotypesréducteurs, en se centrant sur les pertes, masquent les ressources encore dispo-nibles à cette période de vie. Face à une telle image sociale de la vieillesse, laplainte mnésique est peut-être la seule plainte susceptible d’être entendue...

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Mémoire et démences

Roger Gil

R é s u m éLe diagnostic de démence ne peut pas être posé s’il n’existe pas de troubles de la mémoire.Ainsi, les démences altèrent la mémoire explicite qu’il s’agisse de la mémoire de travail, dela mémoire épisodique comme de la mémoire sémantique.La mémoire des faits anciens et la mémoire autobiographique qui mêlent mémoire épiso-dique et mémoire sémantique, sont aussi altérées.Toutefois, le type des altérations observées peut différer selon qu’il s’agisse d’une démenced’Alzheimer ou d’une démence frontale ou sous cortico frontale.Le contraste le plus schématique est celui observé entre le déficit d’évocation propre auxdémences frontales et fronto sous corticales et le déficit de l’encodage-stockage du souve-nir de la démence d’Alzheimer.Quant à la mémoire implicite, les altérations observées restent encore disparates.Mots clés : mémoire, démences.

Memory and dementias

AbstractA diagnosis of dementia cannot be considered unless memory deficits are present.Thus, dementia is an illness process which impairs explicit memory, whether it concernsworking memory, episodic memory or semantic memory.Remote memory and autobiographical memory, which combine both episodic and semanticmemory, are also impaired.However, the type of impairment observed can differ according to the type of dementia: Alz-heimer’s disease, or a frontal or subcortical-frontal dementia.One of the most obvious contrasts is that observed between deficits of evocation which arespecific to frontal and frontal subcortical dementia on one hand, and deficits of encoding-stocking of memories on the other hand, the latter being specific to Alzheimer’s dementia.With regard to explicit memory, disparities exist between observed impairments.Key Wo r d s : memory, dementia.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Roger GILProfesseur de NeurologieCHU de la Milétrie86021 Poitiers

Si les démences sont multiples, elles sont néanmoins dominées épidémiolo-giquement par la maladie d’Alzheimer qui représente environ la moitiédes causes de démences (Cummings et Benson, 1992).

Les démences fronto-temporales représentent la deuxième grande causede démence dégénérative, leur prévalence étant estimée à 1 cas de démencefronto temporale pour 6.6 cas de démence d’Alzheimer (Pasquier et Lebert,1995).

Mais l’existence d’un dysfonctionnement frontal concerne non seulementles démences frontales, c’est-à-dire comportant une atteinte corticale, mais aussiles démences sous corticales, dénommées aussi démences fronto sous corticalesqui entrainent une désafférentation frontale. Telles sont les démences observéesau cours de la paralysie supra nucléaire progressive, de la chorée de Huntington,de la maladie de Parkinson, mais aussi au cours d’affections de la substanceblanche notamment au cours de certaines formes de sclérose en plaques.

Quelque soit la cause ou la variété anatomo-clinique d’une démence, lediagnostic ne peut pas être porté en l’absence de troubles de la mémoire.

La classification internationale des troubles mentaux et des troubles ducomportement (CIM - 10) indique que l’altération de la mémoire porte typique-ment sur l’acquisition, le stockage et le recouvrement des informations nou-velles, les souvenirs anciens et personnels pouvant également être oubliés parti-culièrement dans les formes évoluées.

Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) sou-ligne aussi le caractère obligatoire de la mise en évidence d’une altération de lamémoire considérée comme un élément nécessaire (mais non suffisant) au dia-gnostic de démence. En effet, il faut rappeler qu’outre le trouble de la mémoire,le diagnostic de démence nécessite l’atteinte d’au moins une autre fonction neu-ropsychologique (aphasie, agnosie, apraxie, syndrome dys-exécutif), un recul detemps suffisant (6 mois précise la CIM 10) et la constatation d’un retentisse-

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ment des perturbations neuropsychologiques sur les activités professionnellesou sociales ou sur les relations avec les autres.

L’évaluation de la mémoire est donc bien au centre de la démarche cli-nique qui permet de suspecter voire d’affirmer un processus démentiel et defaire des hypothèses sur sa classification.

♦ Plaintes mnésiques, métamémoire et démenceLa métamémoire désigne la connaissance qu’a le sujet de ses perfor-

mances mnésiques. L’anosognosie désigne l’inconscience qu’a le sujet de samaladie et tout particulièrement de ses déficits mnésiques. Il est schématique dedire que la plainte mnésique existe au stade débutant de la maladie d’Alzheimeret s’atténue au fur et à mesure que la maladie s’aggrave pour faire place à uneanosognosie. Il ne faudrait toutefois pas en inférer que c’est l’amnésie quiconditionne la méconnaissance du déficit mnésique puisque des observationsprivilégiées ont pu montrer qu’un syndrome amnésique sévère peut coexisteravec une connaissance du trouble (Duyckaerts et al., 1985).

Il a même pu être montré qu’il n’existait qu’une faible corrélation entre laperformance mnésique et l’évaluation de la métamémoire. D’une manière géné-rale et en fonction des travaux publiés, on peut avancer que l’anosognosie (et enparticulier l’altération de la métamémoire) a pu apparaître plus souvent en rela-tion avec la sévérité du dysfonctionnement frontal qu’avec la sévérité du proces-sus démentiel (Michon et al., 1994).

♦ Mémoire de travail et démence Les processus démentiels entraînent en règle générale une altération de la

mémoire immédiate et de la mémoire de travail.

On peut en première approximation considérer que l’empan, qu’il soitnumérique (subtest de mémoire de chiffres de la WAIS) ou qu’il soit visuel (testdes blocs de Corsi) est diminué dans les démences. Il n’a pas été observé de dif-férence significative dans la réduction de l’empan dans la modalité verbale entreles démences d’Alzheimer et les démences frontales.

Le paradigme de Brown et Peterson permet aussi d’étudier l’oubli enmémoire à court terme. Il consiste à demander au sujet de rappeler dans un délaide quelques secondes à deux dizaines de secondes, des trigrammes, c’est à diredes séries de 3 lettres ou mots, le sujet devant, pendant l’intervalle de temps quisépare la présentation du trigramme de son rappel, faire une tâche distractive(compter à rebours). L’oubli survient dans des délais plus brefs au cours des

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processus démentiels, qu’il s’agisse de démence d’Alzheimer ou de démencefrontale. Toutefois, en modalité visuo-spatiale, les patients atteints de maladied’Alzheimer ont des perfo rmances moindres que les patients atteints dedémence frontale.

On sait que la mémoire de travail a été imaginée par Baddeley commeune mémoire tampon qui permet l’allocation de ressources attentionnelles et quiest supervisée par l’administrateur central coordonnant des systèmes esclaves eten particulier la boucle phonologique et le bloc-note visuo-spatial. Les proces-sus démentiels et en particulier la maladie d’Alzheimer et les démences fron-tales comportent une atteinte précoce de l’administrateur central encore qu’onne puisse exclure dans la démence d’Alzheimer l’atteinte de l’un ou l’autre dessystèmes esclaves dont on sait qu’il repose pour la boucle phonologique sur lestockage des informations verbales et pour le bloc-note visuo-spatial sur la per-ception visuelle et l’imagerie mentale.

♦ Les autres mémoires La mémoire épisodique est altérée lors des processus démentiels dont

l’évolution va même entraîner une dissolution progressive de la conscienceidentitaire de l’individu.

Le terme de mémoire épisodique désigne en effet la capacité d’enregistreret de se souvenir d’informations référencées dans un environnement spatio-tem-porel. A ce titre, la mémoire épisodique, conçue comme mémoire des événe-ments de la vie, se confond en partie avec la mémoire autobiographique à condi-tion de considérer que nombre d’éléments re l evant de la mémoireautobiographique renvoient aussi à un savoir et relèvent donc de la mémoiresémantique.

La mémoire épisodique concerne donc aussi toutes les informations quitissent jour après jour la vie quotidienne : se souvenir d’une communicationtéléphonique, de fermer la porte, de débrancher le fer à repasser, d’éteindre legaz sur la cuisinière. C’est cette même mémoire épisodique qui est explorée ensituation de testing quand on demande à un sujet d’apprendre des listes de motsou des listes d’images.

La mémoire épisodique visuo-spatiale est ainsi explorée en clinique par lafigure de Rey ou par le test de rétention visuelle de Benton.

La mémoire verbale est explorée par le test des 15 mots de Rey ou le testde Grober Buschke. Ces deux épreuves permettent de tester le rappel libre et lareconnaissance et d’opposer déjà deux profils : le premier de type hippocam-pique associant un déficit en rappel libre et un déficit en reconnaissance ; le

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second témoignant d’une amnésie d’évocation de type frontal et associant undéficit en rappel libre avec une normalisation de la performance en reconnais-sance.

Toutefois, de bonnes performances en reconnaissance peuvent être obser-vées aux stades initiaux de la démence d’Alzheimer, soit que cette préservationtémoigne d’une atteinte frontale précoce, soit qu’elle témoigne d’une vulnérabi-lité peu marquée du processus de reconnaissance. L’intérêt du test de Grober etBuschke est double : il permet d’abord de contrôler le processus d’encodage ; ilpermet ensuite d’étudier la récupération en mémoire par un indiçage sémantique(quel est le nom de la fleur ? quel est le nom du fruit ?...).

La mémoire indicée est plus fragile que la mémoire de reconnaissance ;atteinte au tout début de la maladie, elle y voit ses performances rapidementdécroître avec l’aggravation de la démence (Dubois et al., 1997).

Par ailleurs, la comparaison de sujets atteints de maladie d’Alzheimerdébutant et de pseudo démence dépressive a permis à Gainotti et Marra (1994)de constater que ces deux groupes de malades ne se distinguent ni par leurs per-formances en rappel libre ni par leurs performances en reconnaissance. Parcontre, les patients atteints de maladie d’Alzheimer ont des intrusions en rappeldifféré et de fausses reconnaissances.

La comparaison de patients atteints de démence d’Alzheimer et dedémence fronto temporale montre que les premiers ont à la fois des troublesd’encodage (comme le montre le déficit du rappel indicé immédiat à l’épreuvede Grober et Buschke), du stockage, de la consolidation et de la récupération.Par contre, au cours des démences fronto temporales, le déficit intéresse essen-tiellement la récupération des informations, le déficit du rappel libre contrastantavec les bonnes performances observées en rappel indicé et en reconnaissance.

Toutefois si l’encodage contrôlé est satisfaisant dans les démences frontotemporales, il est déficitaire quand il doit être mis en œuvre de manière sponta-née en position de mémorisation incidente (Pasquier et Lebert).

La mémoire sémantique est indissociable du langage dont on sait qu’ilest, chez le sujet dément, quantitativement et informativement appauvri.

Ainsi, observe t-on dans les démences corticales et en particulier dans lamaladie d’Alzheimer, des perturbations des tests de dénomination, de fluenceverbale ainsi que des subtests de similitudes, de vocabulaire et d’information dela WAIS. La fluence catégorielle (donner des noms d’animaux ou de fruits, etc.)est davantage perturbée au cours de la démence d’Alzheimer que la fluence lit-térale (citer des mots commençant par une lettre donnée). Des tests de fluence

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comme le test du supermarché (Tröster et al., 1989) montrent que les patientsatteints de maladie d’Alzheimer ont tendance à produire plus des super ordon-nées désignant des catégories (des fruits...) que des noms d’articles (des pêches,des poires...) ce qui évoque une détérioration du stock sémantique dit de type« bottum up ». Le déficit sémantique peut prédominer sur la catégorie desvivants plus atteinte que celle des objets inanimés. Reste le problème de savoirsi les déficits observés sont liés soit à une détérioration du stock des informa-tions sémantiques, soit à une difficulté d’accès à ces informations.

Les tâches de fluence verbale révèlent aussi un déficit de l’évocation lexi-cale au cours des démences frontales ainsi qu’au cours des démences sous corti-cales.

La mémoire des faits anciens ou mémoire tertiaire désigne l’altérationdes souvenirs antérieurs au début de la maladie (mémoire du passé ou mémoirerétrograde). Le déficit mnésique obéit habituellement à un gradient temporel, lessouvenirs étant d’autant plus atteints qu’ils sont moins éloignés dans le temps.

C’est ce qui est observé au cours de la maladie d’Alzheimer qui peut tou-tefois ou même pendant les premières années d’évolution laisser persister uneréactivation des souvenirs en reconnaissance. Cette mémoire s’étend aussi bienà l’histoire personnelle du sujet qu’à l’histoire de la société dans laquelle il vit eten particulier les événements publics. Elle re c o u v re donc la partie la plusancienne de la mémoire autobiographique ; elle mêle des souvenirs qui relèventpour certains de la mémoire épisodique, pour d’autres de la mémoire séman-tique. La consolidation des souvenirs les plus anciens pourrait relever de leursémantisation notamment quand il s’agit d’événements publics ou de personna-lités politiques. C’est en tout cas cette altération progressive de la mémoirerétrograde qui participe à la dissolution de la conscience identitaire de l’individuabolissant progressivement les souvenirs de son histoire personnelle comme del’histoire de son environnement familial et social.

♦ Mémoire implicite et démence La mémoire implicite comporte d’une part l’amorçage par répétition qui

peut être verbal ou perceptif et d’autre part la mémoire procédurale qui permetd’acquérir des habiletés perceptivo-motrices ou cognitives comme par exemplel’apprentissage de la lecture de mots en miroir qui se fait en pratiquant ce modede lecture sans qu’aucune autre consigne ne soit donnée au sujet.

Les constatations faites au cours des démences donnent des résultats dis-parates. La mémoire procédurale est habituellement préservée dans la démenced’Alzheimer et peut être altérée dans les démences sous corticales, l’acquisition

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des procédures dépendant des structures sous corticales et en particulier dustriatum. Des épreuves d’amorçage verbal et perceptif qui dépendent théorique-ment de l’intégrité du cortex ont donné au cours de la maladie d’Alzheimer desrésultats très disparates montrant tantôt une préservation ou un relative préserva-tion, tantôt une altération.

Les malades atteints de démence fronto temporale ont des capacités demémoire implicite supérieures à celles des patients atteints de maladie d’Alzhei-mer tant dans les tâches de complètement de mots que dans les tâches d’amor-çage perceptif.

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Evaluation de la mémoire

Véronique Bonnaud

R é s u m éIl est devenu évident que la mémoire est un processus multiple dont chacun des élémentspeut être affecté sélectivement. L’évaluation des capacités mnésiques nécessite l’utilisationde tests précis en référence à un modèle théorique.Mots clés : mémoire, tests psychométriques, paradigmes expérimentaux, modèles théo-riques, mémoire antérograde, mémoire rétrograde.

Memory evaluation

AbstractIt has become clear that memory is made up of multiple processes, each of which can beselectively impaired. The evaluation of mnestic abilities requires the use of specific tests lin-ked with theoretical models.Key Wo r d s : memory, psychometric tests, experimental paradigm, theoretical models, ante-rograde memory, retrograde memory.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Véronique BONNAUDPsychologueUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur86021 Poitiers cedex

M é m o riser est une aptitude fondamentale de l’être humain. To u t eatteinte des capacités de mémorisation ne peut être que très doulou-reusement vécue. Il est donc nécessaire, afin de pouvoir apporter à un

patient une aide la plus efficace possible, d’évaluer avec précision ses diffé-rentes capacités mnésiques. L’observation de patients amnésiques a mis en évi-dence l’existence de dissociations comme par exemple la préservation des sou-venirs anciens apparaissant de façon concomitante à l’altération de l’acquisitionde nouveaux souvenirs ou bien la préservation de connaissances générales asso-ciée à une altération du rappel d’événements personnels situés dans un contextes p at i o - t e m p o rel précis. Il existe de nombreuses autres dissociations qui ontcontribué à affirmer le phénomène dynamique de la mémoire et à penser quecette faculté est composée de différents systèmes.

Il n’est pas possible d’isoler la mémoire des autres fonctions cognitives.L’examen clinique de la mémoire doit s’intégrer dans le cadre d’une évaluationglobale des fonctions supérieures. Il est en effet important de savoir si l’atteinteest isolée ou si elle s’intègre dans un désordre cognitif plus large et il est néces-saire de vérifier qu’il n’y ait pas de troubles susceptibles de gêner l’acquisition.Afin d’apprécier au mieux l’intensité des troubles observés, il est nécessaired’effectuer une estimation de l’efficience intellectuelle générale pour mettre enévidence l’existence ou non d’une détérioration intellectuelle. Cette efficiencepeut être estimée à travers des épreuves cliniques rapides telles que le MMS deFolstein, l’E . R . F. C . ou en utilisant des tests standardisés et plus élab o r é scomme la WAIS-R. Il est nécessaire d’étudier également les fonctions spéci-fiques concernant le langage, les praxies, les gnosies, le jugement, le raisonne-ment sans oublier l’état affectif.

L’évaluation clinique de la mémoire conduit à affirmer ou infirmer l’exis-tence d’un trouble mnésique qu’il convient de caractériser. Cette évaluationprend des formes variées selon le contexte. Fréquemment l’évaluation sert àcontribuer au diagnostic d’un syndrome démentiel. Elle permet également deconnaître l’intégrité ou non des capacités de chaque système de mémoire, de

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préciser les processus atteints et ceux préservés, en vue d’une éventuelle réédu-cation, de permettre un suivi.

Il n’existe pas d’examen standard de la mémoire, lequel ne peut être quep e rsonnalisé ; cependant, un schéma global d’éva l u ation doit être re s p e c t é .L’étude de la mémoire s’articule selon deux axes qui sont, pour le premier, unentretien semi-dirigé et détaillé avec le patient et sa famille, et pour le second,un bilan psychométrique qui comprend des tests standardisés et des paradigmesexpérimentaux. Chaque axe aborde les deux composantes principales du syn-drome amnésique, représentées par l’amnésie antérograde et l’amnésie rétro-grade.

Le bilan psychométrique permet de mesurer les performances d’un sujetdonné pour les confronter à un groupe de sujets de même âge. Si l’entretien per-met de préciser les objectifs et de poser des hypothèses, les épreuves et les testsont quant à eux pour but de quantifier les réponses du sujet, d’affirmer ou d’in-firmer les hypothèses émises.

L’évaluation psychométrique repose sur l’utilisation de tests standardiséset de paradigmes expérimentaux ; elle s’appuie sur des méthodes directes etindirectes d’évaluation de la mémoire. Il est essentiel de ne pas dépasser leniveau de fatigue du sujet et de veiller à l’état d’anxiété du patient. En effet,anxiété et fatigabilité faussent les résultats et interdisent toute conclusion.

♦ Rappels et définitions

1 - Les tests standard i s é s p e rmettent de situer les perfo rmances d’un sujetpar rap p o rt à une norm e, c’est-à-dire par rap p o rt à sa classe d’âge et en fo n c t i o nde son niveau socio-culturel. Ils ont des qualités métro l ogiques très fi ables et ontun bon étalonnage. Les limites de ces épre u ves se situent au niveau théori q u epuisqu’elles reposent sur des conceptions anciennes, imprécises et souvent uni-t a i res de la mémoire. Ces tests ne s’intéressent presque ex cl u s ivement qu’à lam é m o i re épisodique et distinguent la mémoire à court term e, la mémoire à longt e rme avec deux modes de présentation, visuelle ou ve r b a l e.

2 - Les paradigmes expérimentaux sont des épreuves qui évaluent desmodèles de fonctionnement de la mémoire. Ils ont été construits à partir d’unmodèle cognitif et permettent de préciser la nature du déficit. Cependant, l’éta-lonnage est peu fiable, réalisé souvent en fonction d’un seul groupe d’âge, avecdes échantillons trop restreints pour être représentatifs de la population fran-çaise.

Pour estimer les mécanismes psychologiques impliqués dans la mémori-sation, deux méthodes sont utilisées :

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❖ La méthode directe : le sujet doit se souvenir intentionnellementd’une information. Il est prévenu en début d’exercice qu’il devra se rap-peler du matériel présenté. La tâche la plus fréquemment utilisée est l’ap-prentissage d’une liste de mots.❖ La méthode indirecte : il n’est pas demandé explicitement au sujet dese rappeler d’un matériel précis, le patient doit simplement effectuer unt raitement particulier tel qu’un traitement perc ep t i f, un jugement devaleur..., etc.

A fin d’interpréter les résultats en terme de processus cognitifs at t e i n t sou préservés, ce type d’éva l u ation doit se situer dans un contexte théori q u eprécis. Notre contexte théorique concernant la mémoire antérograde s’ap p u i esur la conception du « modèle monohiéra rch i q u e » de Tulving (1985), qui dif-f é rencie 5 systèmes de mémoire (Fi g. 1) : ces systèmes sont hiéra rchisés selonleur émergence ontogénétique et phy l ogénétique présumée. Le système dem é m o i re le plus ancien est celui de la mémoire pro c é d u ra l e, présent chez cer-tains animaux inve rtébrés. Le plus récent est celui de la mémoire épisodique :très dépendant du langage, ce système de mémoire ne s’observe que chez lesve rtébrés supéri e u rs. Plus tard, en 1995, Tulving a enri chi son modèle en sup-posant une dépendance des systèmes supéri e u rs par rap p o rt aux systèmes infé-ri e u rs .

Fig.1 - Modèle monohiérarchique de Tulving (1985)

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♦ L’entretien avec le patient et sa familleL’entretien initial vise à recueillir des informations sur la nature du ou des

déficits présentés, sur le début des troubles. Toutes les informations recueillieschez le patient doivent être confrontées aux renseignements obtenus lors de l’in-terrogatoire de l’entourage. Cet entretien permet non seulement d’émettre deshypothèses sur le fonctionnement mnésique du sujet, mais également de guiderle choix des tests et des épreuves utilisés ultérieurement.

L’enquête initiale vise à la restitution des coordonnées personnelles, desdonnées autobiographiques : le patient peut-il ou non décliner sa date de nais-sance, son adresse, son numéro de téléphone, les prénoms et âges du conjoint,des enfants, petits-enfants, sa date de mariage ? Peut-il fournir des renseigne-ments précis concernant ses parents, la fratrie ? Se rappelle t-il de ses études,peut-il nommer certains de ses camarades de cl a s s e, certains instituteurs ?Répond-il avec exactitude aux questions concernant sa vie professionnelle, sasanté ?

Une partie importante de l’entretien vise également à s’intéresser auxactivités quotidiennes du patient. Est-il capable de retenir une conversation, unordre donné par l’entourage et de l’exécuter jusqu’à son terme ? Le patientperd-il ses objets, répète-t-il souvent la même chose ? Oublie-t-il des rendez-vous ? Si le patient s’intéresse à la lecture, est-il en mesure de parler avec préci-sion des livres ou articles récemment lus ?

L’entretien s’intéresse aux possibilités d’actualisation des connaissancesd’ordre didactique et des souvenirs sociaux, personnels. Le patient peut-il, enfonction de son niveau socioculturel et de ses centres d’intérêt, évoquer avecrichesse certains événements récents régionaux, nationaux ou mondiaux dansdifférents domaines politiques, sportifs ou faits divers ? Le patient indique-t-ilcorrectement le nom des principaux hommes politiques français ou étrangers?Peut-il évoquer des faits marquants de l’histoire du pays ou du monde, des don-nées de culture générale?

Enfin, l’entretien permet de préciser si le sujet est conscient ou non de sestroubles, s’il tient des propos fabulatoires. La présence de ces éléments constitueun signe clinique important.

♦ Evaluation psychométrique de la mémoire antérograde

1 - Evaluation globale de la mémoire antérograde

❖ Il est possible de débuter l’éva l u ation psych o m é t rique par l’adminis-t ration d’une échelle composite standardisée : E chelle Clinique de Mémoire

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de We ch s l e r-Révisée (WMS-R) ou B at t e rie d’Efficience Mnésique 144(BEM 144) de J.L. Signoret. Ces échelles vont perm e t t re de quantifier l’inten-sité des tro u bles lorsque la pat h o l ogie est connu e, et d’en suiv re l’évo l u t i o n .C ependant, elles ont pour limite de se référer à une conception unitaire de lam é m o i re et n’indiquent pas les processus psych o l ogiques mis en jeu au nive a ude chaque subtest. La WMS-R a été construite selon le même principe quel ’ é chelle d’intelligence de We chsler (WAIS). Elle évalue la perfo rmance mné-sique de façon parallèle à l’éva l u ation du quotient d’intellige n c e. La sévérité del’amnésie est mesurée par la diff é rence entre le quotient intellectuel estimé àp a rtir de la WAIS-R et le quotient mnésique estimé à partir de la WMS-R. LaBEM 144 a 2 ava n t ages sur l’échelle de We ch s l e r. Tout d’ab o rd, elle a étéconçue dans un contexte neuro p s y ch o l ogique ; par ailleurs, les séri e sd ’ é p re u ves verbales et visuelles sont construites de façon strictement para l-lèles, ce qui permet de comparer les perfo rmances des sujets selon les modali-tés d’entrée visuelle et ve r b a l e.

❖ Afin de mieux appréhender les répercutions d’un déficit mnésique dansla vie quotidienne, il est possible d’utiliser des questionnaires de mémoirecomme le Questionnaire d’Auto-Evaluation de la Mémoire (QAM) de VanDer Linden (1989) ou le Rivermead Behavioural Memory Test qui a principa-lement pour but de détecter des troubles du fonctionnement mnésique au quoti-dien et qui est composé de 12 épreuves (Tableau 1).

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Il est cependant préférable d’utiliser des tests qui évaluent une modalitéparticulière de la mémoire.

2 - Eva l u ation des sous systèmes (selon Tu l v i n g, 1985) de la mémoire antérogra d e

2-1- Le système de mémoire épisodique

Cette mémoire permet au sujet de se souvenir d’événements de sa proprehistoire personnelle, familiale ou sociale. Selon Wheeler et al. (1997), « lamémoire épisodique rend possible la récupération consciente d’événements per-sonnels passés et l’anticipation d’événements dans un futur subjectif ». Laméthode d’évaluation est directe ; la récupération se fait de façon intentionnelleet consciente : elle implique le moment précis et le lieu de l’épisode au coursduquel le souvenir s’est construit. Les outils sont variés et se composent de testsstandardisés ainsi que de paradigmes expérimentaux.

La mémoire épisodique peut être appréhendée selon une modalité verbaleou non verbale. Le rappel et la reconnaissance sont testés au niveau de chaqueépreuve. La mémoire épisodique implique de nombreux processus cognitifs telsque : l’encodage, le stockage, la récupération des informations, l’interférencepro et rétroactive. Un test n’appréhende pas tous les processus en même temps,mais peut en tester plusieurs.

a) Exploration de la modalité verbale :

❖ Le test de Gröber et Busch ke ( Tableau 2) permet le contrôle de l’enco-d age et mesure les mécanismes de stock age et de récupération des info rm at i o n s

Tableau 1 - Rivermead Behavioural Memory Test (selon Braun, 1997)

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ap p rises. Cette épre u ve consiste en l’ap p re n t i s s age d’une liste de 16 mots, ch a c u nap p a rtenant à une cat é go rie sémantique diff é re n t e. Il s’agit de présenter visuelle-ment les items sur 4 planches diff é rentes et de réaliser un encodage sémantiquefo rcé (re ch e rche de l’item sur indice puis évo c ation à partir de ce même indice).Trois rappels libres suivis chacun d’un rappel indicé sont ensuite demandés aup atient ; une tâche interférente d’une durée de 20 secondes avec comptage àreb o u rs sépare les essais.

Tableau 2 - Procédure du test de Gröber & Buschke

❖ Le California Verbal Learning Test, dont la standardisation doit êtrepubliée prochainement, permet d’appréhender les phénomènes d’interférencepro et rétroactive. Cette épreuve consiste en l’apprentissage d’une liste de 16mots appartenant à 4 catégories sémantiques distinctes. La procédure d’appren-tissage est la suivante :

1-Rappels libres immédiats de la liste 5-Intervalle de rétention de 15 mndu LUNDI (5)

2-Rappel libre immédiat de la liste 6-Rappel libre de la liste du LUNDIdu MARDI

3-Rappel de la liste du LUNDI 7-Rappel indicé de la liste du LUNDI

4-Rappel indicé de la liste du LUNDI 8-Reconnaissance de la liste du LUNDI

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❖ L’Epreuve des 15 mots de Rey est très ancienne et non construiteselon un modèle théorique. Cette épreuve peut aussi être utilisée lorsquel’entretien permet de soupçonner l’existence d’un déficit bien que lesscores aux autres tests de mémoire soient satisfaisants. Ce test de par saconstruction permet d’étudier les stratégies d’apprentissage du sujet enobservant les capacités de regroupement sémantique et sériel. A l’origine,cette épreuve consistait en 5 apprentissages successifs d’une même listede 15 mots, suivi immédiatement d’une phase de reconnaissance des motsdispersés au sein d’un court récit lu au patient. Une phase de rappel dif-féré des mots était effectuée après un intervalle de 15 mn. Actuellement,il existe une version de cette épreuve qui appréhende les mécanismesd’interférence. La procédure d’apprentissage est identique à celle du Cali-fornia Verbal Learning Test, excepté pour la phase de rappel indicé quin’existe pas.

❖ L’ é chelle clinique de mémoire de We chsler et la bat t e rie deJ. L . S i g n o ret (BEM 144) possèdent des subtests qui ex p l o rent lam é m o i re épisodique. Il s’agit des subtests « mémoire logi q u e » e t« mots couplés » :- Au niveau du subtest des « mots couplés », l’examinateur présente 8paires de mots au rythme d’une toutes les 3 secondes. Ces paires de motssont composées d’un mot-stimulus et d’un mot-réponse. Les mots peu-vent avoir entre eux un lien sémantique fort (rose-fleur) ou n’entretenirquasiment aucune relation (chou-plume). Après cette présentation initiale,le patient doit rappeler le mot-réponse qui était apparié au mot-stimulusindiqué par l’examinateur. Il existe un minimum de 3 apprentissages et unmaximum de 6. Selon Van Der Linden (1989), le système épisodique estici mis à contribution à travers l’apprentissage des couples de mots lesmoins liés sémantiquement. - Au niveau du subtest de « mémoire de logi q u e », l’ex a m i n ateur litune histoire courte au patient et lui demande immédiatement après lal e c t u re un rappel le plus précis possibl e. La même opération est effe c-tuée avec une seconde histoire. Le patient est préve nu qu’il lui serademandé d’évoquer à nouveau le contenu des 2 histoires dans un délaide 30 mn. Cette épre u ve de mémoire de récit est mieux adaptée aux ex i-gences mnésiques quotidiennes que l’ap p re n t i s s age de listes de mots.C ependant, les subtests de mémoire logique de l’échelle de We chsler etde la BEM 144 sont peu sat i s faisants : il s’agit d’un ap p re n t i s s age quasipar cœur qui ne permet pas d’ex p l o rer la micro et la macro s t ru c t u re dut ex t e.

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b) Exploration de la modalité non verbale :

Le clinicien a ici à sa disposition les subtests « reproduction visuelle » et« figures couplées » de l’échelle de Wechsler et de la BEM 144 ainsi que letest de la figure complexe de Rey.

- Dans le subtest « reproduction visuelle », il existe 4 planches de des-sins : le patient est invité à reproduire un dessin le plus fidèlement possibleaprès l’avoir observé pendant 10 secondes. L’examinateur procède de façonidentique avec les trois autres planches.

- au niveau du subtest « figures couplées », la procédure est identique àcelle utilisée pour le subtest « mots couplés ».

Le test de la Figure complexe de Rey se déroule en deux temps : toutd’abord, l’examinateur demande au patient de copier une figure géométriquecomplexe (Fig.2), sans jamais le prévenir de faire un effort de mémorisation.Après un intervalle de temps qui n’excède pas 3 mn, l’examinateur demandeexplicitement au patient de se rappeler le dessin copié et d’essayer de le refaire.

Cette épreuve évalue par ailleurs les capacités visuoconstructives qui doi-vent être relativement bonnes pour que l’épreuve de mémoire soit valide. Cetteépreuve a un statut particulier. C’est l’épreuve de mémoire épisodique qui serapproche le plus des conditions de mémorisation de la vie quotidienne. Eneffet, elle teste plus particulièrement la mémoire incidente (l’encodage est inci-dent, c’est-à-dire non conscient, du moins lors de la première passation). Le rap-pel est quant à lui volontaire, intentionnel : c’est la raison pour laquelle cetteépreuve est considérée comme appréciant la mémoire épisodique.

Figure 2-Figure de Rey

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2-2 - Le système de mémoire à court terme

La m é m o i re de trava i l peut être considérée comme une ve rsion sophisti-quée de ce qui a jadis été appelé la mémoire à court term e. En mémoire de trava i l ,on utilise au plan verbal le test de « mémoire de ch i ff res en ord re inve rs e » ( o ndonne au sujet une série de ch i ff res en nombre croissant ; le patient doit re s t i t u e rles ch i ff res dans l’ord re inve rse de la présentation). C’est une épre u ve très gro s-s i è re qui présente de nombreuses lacunes sur le plan théorique mais qui perm e tnéanmoins de savoir si la mémoire de travail est intacte ou non.

Sur le plan visuospatial, il est possible d’avoir re c o u rs au subtest« m é m o i re visuelle en ord re inve rs e » ex t rait de l’Echelle Clinique deMémoire de Wechsler Révisée (l’examinateur pointe dans un ordre croissant descarrés disposés de façon aléatoire sur une feuille ; le sujet, comme pour l’empandigital, doit pointer à son tour les carrés dans l’ordre inverse de la présentation).

On dispose également de l’épreuve de Rétention Visuelle de Bentondans sa forme la plus couramment utilisée (administration A : reproductionimmédiate d’un dessin présenté préalablement pendant 10 secondes).

2-3 - Le système de mémoire sémantique

La mémoire sémantique peut être atteinte à deux niveaux différents : ilpeut s’agir d’une perte des représentations sémantiques elles-mêmes, ou d’uneatteinte au niveau de l’accès à ces représentations.

Selon Shallice (1995), l’atteinte des représentations sémantiques est miseen évidence par la permanence des erreurs, l’absence de facilitation par lesindices sémantiques, l’atteinte des items peu fréquents, la perte progressive desattributs sémantiques. Les erreurs se produisent quelle que soit la modalité d’en-trée (visuelle, auditive, verbale ou tactile). Les épreuves de dénomination peu-vent mettre en évidence des productions verbales erronées ; le patient produitpar exemple un mot qui appartient à la même catégorie que le mot attendu(papillon = abeille) : il s’agit de paraphasies sémantiques. De même, en dési-gnation d’objets ou d’images, le patient montre un item proche par le sens decelui attendu (lampe = bougie). Au niveau de la fluence, on remarque une pro-duction de super-ordonnés (animal pour chien). La fluence catégorielle (ani-maux, fruits) est par ailleurs plus faible que la fluence littérale (lettre M, S).

Dans le cadre d’un déficit d’accès sémantique, le système sémantique estintact mais le patient ne peut accéder que très difficilement aux connaissancesstockées. Il existe à l’heure actuelle deux raisons distinctes de l’existence d’undéficit d’accès à la mémoire sémantique :

- Il peut s’agir d’une atteinte de l’imagerie visuelle. Ici, le patient ne peutdessiner ni décrire un objet de mémoire. Dans une tâche de décision d’objet, il

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ne peut décider si un objet présenté est réel ou non. De même l’identificationd’un objet à partir d’une description visuelle est fortement déficitaire.

- Il peut s’agir d’un déficit strict d’accès au système sémantique. Ici,l’imagerie visuelle est préservée. Le patient est sensible à l’amorçage et peutaccéder au concept à partir d’un autre canal sensoriel (verbal, auditif, tactile).

La méthode d’évaluation est indirecte. Il n’y a pas de tâche pure demémoire sémantique ; toutes les épreuves employées mettent en jeu d’autresprocessus cognitifs et notamment le langage.

On appréhende l’évo c ation lexicale à l’aide d’une tâche de fluidité verbale :on demande au sujet de donner en une minute un nombre maximal de mots com-mençant par une même lettre (fluence littéra l e, lettre : M, S), ou ap p a rtenant à unemême cat é go rie sémantique (fluence cat é go rielle : animaux, fru i t s ) .

Les connaissances sémantiques sont appréciées au trave rs des épre u ve ss u ivantes : la dénomination d’images (DO 80 et bientôt Déno 100) et la désigna-tion d’images (subtest de l’E chelle d’Eva l u ation de l’aphasie de Montréal-To u l o u s e), la définition de mots (le subtest « vo c abu l a i re » de la WA I S - R), laréponse à une définition (l’ex a m i n ateur donne une définition et le sujet doit don-ner le mot qui correspond à cette définition ; cette épre u ve se fait en choix libreou fo rcé ; le mat é riel est créé par le clinicien car il n’existe pas d’épre u ve ) .

2-4 - Le système de représentations perceptif (PRS)

Il sous-tend les effets d’amorçage de type perceptif. Le fait de présenterune première fois un mot facilite son accès ultérieur. La mesure d’évaluation estindirecte. Il n’existe pas d’épreuve standardisée pour appréhender le système dereprésentations perceptif ; les outils utilisés sont des paradigmes expérimentaux.Il est possible d’utiliser la tâche de complètement de mots qui consiste à sou-mettre aux patients une liste de mots pour lesquels on demande d’effectuer parexemple un jugement de valeur (il s’agit d’accorder une valeur à un mot, sur uneéchelle analogique de 0 à 10, en fonction de la connotation agréable ou désa-gréable accordée à ce mot). Dans un deuxième temps, on présente une liste detrigrammes (c’est-à-dire les 3 premières lettres de mots (TRAIN ➝ TRA). Lamoitié des trigrammes correspond aux mots sur lesquels un jugement de valeura été effectué ; l’autre moitié est constituée de nouveaux mots. Il est demandé aupatient de compléter ces 3 lettres par le premier mot qui vient à l’esprit. Dans untroisième temps, le sujet est invité à rappeler les mots pour lesquels un jugementde valeur a été effectué (il s’agit d’une tâche de rappel libre de mémoire épiso-dique). L’effet de mémoire implicite se mesure par la différence entre le scoreen rappel libre et le score à la condition « complétion de trigrammes ». Cettedifférence doit être en faveur de la condition « complétion de trigrammes ».

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2-5 - Le système de mémoire procédurale

La méthode d’évaluation de la mémoire procédurale est indirecte et lesoutils utilisés sont exclusivement des paradigmes expérimentaux. Une épreuveclassiquement utilisée est le protocole de lecture en miroir (Cohen et Squire,1980) qui consiste simplement à faire lire au sujet des mots écrits en miroir. Onnote une diminution du temps de lecture.

La Tour de Hanoi (Fig.3) bien que mettant principalement en oeuvre desprocédures de résolution de problème, est fréquemment utilisée comme tâche demémoire procédurale.

Il s’agit de contrôler le nombre de déplacements et de mesurer le tempsmis pour résoudre la tâche. Il s’agit de déplacer une pyramide constituée de 3 ou4 disques en bois de diamètres décroissants empilés sur une tige, vers une autretige déterminée à l’avance, en respectant 2 règles :

a) ne déplacer qu’un seul disque à la fois.b) ne jamais poser un grand disque au-dessus d’un plus petit.

Figure 3 - La Tour de Hanoi

Ces épre u ves ne sont pas uniquement pro c é d u rales. Elles mettent enoeuvre des compétences déclaratives variées ; Beaunieux et al. (1998) suggèrentd’évaluer les composantes cognitives et mnésiques mises en oeuvre dans cestâches afin de mieux en apprécier la composante procédurale.

♦ Evaluation psychométrique de la mémoire rétrograde

L’amnésie rétrograde se caractérise par une incapacité plus ou moins mar-quée à se souvenir des événements antérieurs à la survenue de la maladie.

Cette amnésie n’est pas uniforme. Elle peut toucher des faits personnelle-ment vécus (ex : la naissance du premier enfant) ou généraux, des événementsqui concernent une nation (ex : Mai 68) ou l’humanité toute entière (ex : le pre-mier pas de l’homme sur la lune).

Selon Larsen (1985) et en tenant compte de la spécificité personnelle ets i t u ationnelle d’un événement, la mémoire rétrograde fait obl i gat o i rement réfé-rence au contexte spat i o - t e m p o rel d’ap p re n t i s s age de l’info rm ation (plus ou moinsprécis) et à l’impact émotionnel de l’événement (fo rt ou fa i ble) (Tableau 3).

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La mémoire rétrograde est fréquemment atteinte chez les sujets cérébrolé-sés. Son évaluation a longtemps été restreinte à un entretien clinique ; c’est laraison pour laquelle nous ne disposons, en langue fra n ç a i s e, que de ra re sépreuves permettant d’objectiver un déficit intéressant une ou plusieurs compo-santes de la mémoire rétrograde. La méthode d’évaluation est directe.

1 - Epreuves explorant les événements à spécificité situationnelleet personnelle forte

Les épreuves explorent ici la mémoire épisodique personnelle.

❖ l’inventaire de Kopelman (1989) correspond à un questionnaire semi-structuré (A.M.I) qui étudie 3 périodes de la vie du sujet :

- l’enfance (entre 0 et 18 ans).- la vie de jeune adulte (entre 18 et 30 ans).- la période récente (la dernière année).

Il est demandé au sujet de fournir des souvenirs précis concernant lestrois époques précitées de sa vie.

❖ le test d’évaluation de la mémoire autobiographique [AutobiographicalMemory Inquiry (AMI) de Borrini et al. (1989)], au niveau duquel lesujet est invité à fournir 5 événements relatifs à 3 périodes de sa vie :

- l’enfance et l’adolescence jusqu’à 15 ans.- la période de jeune adulte de 16 à 40 ans.- la vie d’adulte plus âgé de 41 ans jusqu’à 2 ans avant la passation

du test.

Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des souvenirspersonnels épisodiques.

2 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle forteet personnelle faible

L’épreuve la plus utilisée concerne l’évaluation des événements publics.La batterie EVE de Thomas-Antérion et al.(1994) évalue la capacité des patients

Tableau 3-Les composantes de la mémoire antérograde selon Larsen (1985)

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à se souvenir d’événements de la vie publique (évocation libre, reconnaissanceavec choix multiple, questions de détails et datation).

Cette épreuve est constituée de 54 événements survenus de 1900 à 1994.Ils sont pour la moitié présentés en modalité verbale et pour l’autre moitié surphotographies.

Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des faits publics.

3 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle faibleet personnelle forte

Le questionnaire de Kopelman (1989) s’intéresse aux souvenirs person-nels sémantiques (informations générales concernant la vie personnelle du sujetet indépendantes du contexte spatial et temporel d’acquisition ➝ adresses, nomsde camarades d’école ou de collègues).

Il est également possible d’utiliser des épreuves de fluence dans les-quelles il est demandé au sujet d’évoquer dans un temps limite des souvenirspersonnels sémantiques.

4 - Tests explorant les événements à spécificité situationnelle et personnellefaible

Il s’agit ici d’évaluer les connaissances didactiques du sujet. Il est pos-sible d’utiliser les subtests « information » et « vocabulaire » de la WAIS-R éva-luant les connaissances acquises pendant la scolarité.

Il est possible d’utiliser des épreuves d’identification de visages célèbres,en évocation libre et reconnaissance. Aucune épreuve de ce type n’est actuelle-ment disponible en langue française. Des travaux sont toutefois à ce niveau encours de réalisation à l’heure actuelle.

Le GRECO adapte actuellement l’inventaire de Kopelman ainsi qu’uneépreuve de fluence autobiographique et sémantique.

♦ ConclusionLes modèles théoriques concernant la mémoire sont nombreux mais plus

rares sont les épreuves valides permettant d’estimer en pratique clinique l’effi-cacité mnésique d’un sujet. L’examen de la mémoire doit être exclusivementréalisé par des professionnels qualifiés. Afin que l’interprétation d’un test soitvalide, il est nécessaire de respecter rigoureusement les consignes de passationpour que le patient soit placé dans les mêmes conditions que les sujets témoinsayant servi de population de référence. Cela permet également d’éliminer lasubjectivité de l’examinateur.

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La durée d’une évaluation clinique de la mémoire varie en fonction desobjectifs. Plusieurs séances sont souvent nécessaires pour les raisons suivantes :éviter la fatigue du malade, ne pas utiliser deux tests appréhendant la mêmemodalité lors d’une même séance ( ex : mots de Rey et Gröber et Buschke).

Une évaluation précise et détaillée de la mémoire permet d’optimiser uneéventuelle rééducation.

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Neuroanatomie fonctionnelle de la mémoireépisodique

Frédéric BERNARD, Béatrice DESGRANGES, Francis EUSTACHE

R é s u m éLes études portant sur les patients cérébrolésés ainsi que l’expérimentation animale ontcontribué à mettre en évidence les structures cérébrales nécessaires au fonctionnement dela mémoire épisodique. De façon complémentaire, les techniques d’imagerie cérébralefonctionnelle telles que la tomographie par émission de positons (TEP) et l’imagerie parrésonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont permis, ces dernières années, d’enrichir defaçon considérable notre connaissance des relations entre cerveau et mémoire. Il est désor-mais possible, à l’aide de paradigmes sophistiqués, de déterminer les régions cérébralesimpliquées dans la réalisation de tâches mnésiques tant lors de l’encodage que de la récu-pération d’informations. Cet article expose dans un premier temps les principaux résultatsobtenus en imagerie cérébrale fonctionnelle dans le domaine de la mémoire épisodiquechez des sujets sains jeunes ; différentes applications en neuropsychologie sont ensuiteprésentées.Mots clés : neuro imagerie fonctionnelle, mémoire épisodique, encodag e / r é c u p é r at i o n ,maladie d’Alzheimer, syndromes amnésiques.

Functional neuroimaging of episodic memory

AbstractStudies in brain damaged patients, as well as in experimental animal models have contribu-ted to highlight the brain structures necessary for episodic memory functioning. In addition,over the past few years, functional brain imaging techniques such as positron emissiont o m o g r aphy (PET) and functional magnetic resonance imaging (fMRI) have contributedconsiderably to further our knowledge about the relations between brain and memory. It ishenceforth possible, with the help of sophisticated paradigms, to determine brain areasinvolved in memory tasks both during encoding and retrieval of information. This articlereports the main results achieved in functional brain imaging in the field of episodic memoryconcerning healthy young subjects ; different applications in neuropsychology are then pre-sented.Key Wo r d s : functional neuroimaging, episodic memory, encoding/retrieval, Alzheimer’sdisease, amnesic syndromes.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Frédéric BERNARD,Béatrice DESGRANGES,Francis EUSTACHE**INSERM U320Services de neurologieCHU Côte de Nacre14033 CAEN CEDEX

I l est maintenant admis que la mémoire n’est pas une faculté unitaire et quecelle-ci peut être subdivisée en diff é rents systèmes distincts (Eustache et al.,1996 ; Sch a c t e r, 1999, pour revues). Dans cet art i cl e, nous nous centre rons sur

la mémoire épisodique qui se définit comme un système qui permet d’acquéri r, deretenir et d’utiliser un ensemble d’info rm ations re l at ives à des épisodes pers o n n e l-lement vécus, encodés dans leur contexte spat i o - t e m p o rel (Tu l v i n g, 1972). Il estp o s s i ble d’estimer le fonctionnement de ce système de mémoire en demandant àdes sujets d’encoder (processus par lequel les cara c t é ristiques d’un stimulus oud’un événement sont traitées et conve rties en une trace mnésique) et de récupére rdes info rm ations dans des tâches comme le rappel libre, le rappel indicé (récupé-ration favo risée par la présence d’une info rm ation partielle associée au stimu l u sprésenté initialement) ou la reconnaissance (il est demandé alors au sujet dere c o n n a î t re des stimuli présentés initialement parmi des stimuli nouve a u x ) .

Jusqu’à une période récente, le principal moyen de connaître les basesneuroanatomiques de la mémoire était l’étude des effets de lésions cérébralessur le fonctionnement mnésique. Ainsi, en utilisant la méthode dite « anatomo-clinique », les études neuropsychologiques ont permis de mettre en évidence unréseau de structures sous-tendant le fonctionnement de la mémoire épisodique.Ce réseau comprend notamment le lobe temporal interne (hippocampe et cortexadjacent) et les structures diencéphaliques. Une lésion bilatérale de ces struc-tures provoque un déficit compromettant l’acquisition de nouveaux épisodes(amnésie antérograde) et un trouble plus variable de la récupération des épi-sodes encodés pendant la période prémorbide (amnésie rétrograde). Les lésionsdu cortex préfrontal n’auraient pas d’effet majeur sur la réalisation d’épreuvesde mémoire épisodique tant que celles-ci ne nécessitent pas l’utilisation de stra-tégies d’encodage ou de récupération trop élaborées. Malgré l’intérêt de cesétudes, une des difficultés d’interprétation est d’inférer un effet différentiel deslésions sur les processus d’encodage et de récupération. En effet, il est très diffi-cile, à partir de résultats comportementaux, de préciser ce qui revient à untrouble de l’encodage et/ou de la récupération.

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Les techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale offrent au contraire lapossibilité de déterminer spécifiquement, chez le sujet normal, et de façon non-invasive, les régions impliquées dans la réalisation de ces deux processus (enco-dage et récupération). En effet, la TEP et l’IRMf permettent d’estimer de façonindirecte l’activité de populations neuronales par la prise en compte des varia-tions du débit sanguin cérébral et de la consommation d’oxygène associées à lamise en œuvre d’opérations cognitives spécifiques. Ainsi, la plupart des étudesen TEP et en IRMf utilisent une méthode dite d’activations qui vise à détermi-ner les variations significatives liées à une activité cérébrale précise. Pour cela,deux catégories de tâches sont utilisées, les tâches cibles et les tâches de réfé-rence, qui sont censées ne différer que selon une composante, celle que l’ondésire étudier. De nombreuses études utilisent la méthode de « soustraction »entre les valeurs du DSC obtenues pour la tâche cible et celles obtenues pour latâche de référence. Les résultats obtenus en termes de régions activées ou désac-tivées lors de la réalisation d’une tâche sont toujours à relativiser par rapport àla tâche de référence choisie. Certaines études ne se limitent pas à la recherchede sites d’activations, mais quantifient également les corrélations entre ces acti-vations ou les corrélations entre les activations et les performances cognitives.

Cet article expose tout d’abord une synthèse des résultats obtenus grâce àla méthode d’activations en TEP et en IRMf concernant les processus d’enco-dage et de récupération en mémoire épisodique chez le sujet jeune, et présenteensuite les principaux résultats obtenus en TEP dans le vieillissement normalainsi que dans différentes pathologies (maladie d’Alzheimer, syndromes amné-siques) en prenant en compte à la fois des études d’activations et des études uti-lisant une méthode dite de corrélations cognitivo-métaboliques (voir aussi Des-granges et al., 1998a ; Desgranges et Eustache, 2000, pour revues).

♦ EncodageL’encodage se définit comme un processus qui permet de traiter les diffé-

rentes caractéristiques de stimuli de l’environnement et de les convertir en unet race mnésique. Il existe diff é rentes fo rmes d’encodage que les tech n i q u e sd’imagerie cérébrale fonctionnelle offrent la possibilité d’explorer. Celui-ci peuttout d’abord se caractériser par sa nature intentionnelle ou incidente. Dans lepremier cas, il est explicitement demandé au sujet de mémoriser un certainnombre d’items dans le but de les rappeler ultérieurement. Dans le second cas,le sujet perçoit et traite des stimuli sans consigne de mémorisation ce qui nel’empêche pas malgré tout d’en mémoriser un certain nombre, avec une préci-sion plus ou moins grande. La nature du matériel à encoder est une autre dimen-sion à prendre en considération. Celui-ci peut être de nature verbale (mots,

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couples de mots, phrases, etc.) ou non verbale (images d’objets, de formes géo-métriques, de visages, de scènes complexes, localisation d’objets, odeurs, etc.).

Les études d’activations ont d’emblée souligné l’importance des régionspréfrontales dans le fonctionnement de la mémoire épisodique (Squire et al.,1992 ; Grasby et al., 1993), ce qui a conduit Tulving et al. (1994a), à partird’une revue d’études, à proposer le modèle HERA (pour Hemispheric EncodingRetrieval Asymmetry). Selon ce modèle, il existerait une implication préféren-tielle du cortex préfrontal gauche dans l’encodage et du cortex préfrontal droitdans la récupération en mémoire épisodique. Ce modèle présente une grandevaleur heuristique et a permis de fournir un axe théorique à de nombreux tra-vaux effectués par la suite. Cependant, il faut préciser que les auteurs se sontbasés dans un premier temps sur les régions activées dans des tâches de récupé-ration sémantique pour ensuite attribuer un rôle à ces régions dans l’encodageincident en mémoire épisodique. En effet, ils justifient cette interprétation enaffirmant que le fait d’effectuer une tâche de récupération sémantique impliqueen parallèle un encodage incident de l’événement associé à la réalisation de latâche. De plus, les études prises en compte pour caractériser l’encodage incidentne portent que sur du matériel verbal.

La même année, Shallice et al. (1994) ont mis en évidence l’activation ducortex préfrontal gauche lors d’une tâche d’encodage intentionnel en mémoireépisodique de matériel verbal. Par la suite, Kapur et al. (1996) ont observé à leurtour des activations au niveau du cortex préfrontal gauche associées à la réalisa-tion d’une tâche d’encodage intentionnel de couples de mots. Ces activationsétaient situées plus précisément au niveau du gyrus frontal inférieur antérieurgauche et du cortex frontal inférieur postérieur gauche (qui comprend l’aire deBroca). Selon les auteurs, la première région serait impliquée dans le traitementsémantique des informations à mémoriser alors que la seconde serait associée àla répétition subvocale (le sujet se répète intérieurement les mots afin de lesmémoriser).

En IRMf, plusieurs études (Busatto et al., 1997 ; Heun et al., 1999) ontégalement mis en évidence une activation préfrontale gauche, au niveau del’aire de Broca, lors de l’encodage intentionnel de mots, activation associée,selon les auteurs de la première étude citée, à la répétition interne (ou subvo-cale) mise en œuvre afin de faciliter la mémorisation des mots.

Concernant la latéralisation des activations préfrontales lors de l’enco-dage de matériel non verbal, un nombre croissant d’études tend à relativiser ceque prédit le modèle HERA. En effet, si certaines études ont montré une activa-tion du cortex préfrontal gauche associée à l’encodage de visages inconnus(Grady et al., 1995 ; Haxby et al., 1996) ou de localisations d’objets (Owen et

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al., 1996a), d’autres travaux ont observé une activation du cortex préfrontal droitlors de l’encodage de paires de stimuli non verbalisables, constituées d’imageset de sons (Klingberg et Roland, 1998), de textures colorées (Wagner et al.,1998a) ou de visages non familiers (Kelley et al., 1998 ; McDermott et al.,1999). Ces derniers résultats sont confortés par l’étude en IRMf de Brewer et al.(1998). Cette technique, qui bénéficie déjà d’une très bonne résolution spatiale,permet grâce à des paradigmes « événementiels » de pouvoir isoler l’activitécérébrale spécifique à un seul stimulus. Quelques études sur la mémoire épiso-dique ont tenté de voir si l’activité de certaines régions lors de l’encodage étaits i g n i fi c at ivement diff é rente entre des items re c o n nus par la suite dans uneépreuve de reconnaissance et des items non reconnus. Ainsi, Brewer et al.(1998) ont déterminé les régions dont l’activité lors de l’encodage incident descènes imagées pouvait « prédire » les items qui seraient reconnus ultérieure-ment et ceux qui ne le seraient pas, soulignant ainsi à nouveau l’implication ducortex préfrontal droit.

Contrairement à ce qui était attendu à partir des observations de patientscérébrolésés, les premières études en TEP (mis à part Squire et al., 1992 ;Grasby et al., 1993) n’ont pas réussi à mettre en évidence d’activations du lobetemporal interne lors de tâches de mémoire épisodique. Cela a été interprété entermes de limites inhérentes à la technique utilisée (résolution spatiale de lacaméra insuffisamment précise) ou de difficultés à détecter des activations hip-pocampiques de par leur nature faible ou diffuse (Fletcher et al., 1995b) ou bienencore trop fugitive (Andreasen et al., 1995a). La méthode de soustraction aaussi été incriminée (Haxby, 1996) puisque l’activation du lobe temporal internepourrait aussi survenir de façon automatique quelle que soit la tâche de réfé-rence utilisée. Cependant, depuis quelques années, un nombre import a n td’études en TEP et en IRMf ont montré des activations du lobe temporal interneen utilisant des paradigmes différents.

Certains travaux ont ainsi souligné le rôle du lobe temporal interne dansla détection d’informations nouvelles, processus précédant ou associé à l’enco-dage de ces informations. Ainsi, Tulving et al. (1994b, 1996) ont demandé à dessujets de détecter des images colorées nouvelles (images complexes de la revueNational Geographic pour la première étude citée et images de personnes, descènes et de paysages pour la deuxième) parmi d’autres qui leur avaient été pré-sentées 24 heures au préalable. Les résultats obtenus montrent des activations auniveau d’un réseau de régions appartenant au système limbique droit. En effet,comme le souligne Martin (1999), l’augmentation de l’activité au niveau dulobe temporal interne droit serait associée à une augmentation de l’éveil et de lavigilance ce qui permettrait de favoriser la détection, et ainsi la mémorisation

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d ’ i n fo rm ations nouvelles (ayant une valeur adap t at ive selon Tulving et al.,1996). Même si certaines études basées sur la détection de la nouveauté ne mon-trent pas d’activation du lobe temporal interne, les résultats qui viennent d’êtrementionnés ont été confortés par des études portant sur le traitement de matérielnon verbal (Stern et al., 1996) et verbal (Dolan et Fletcher, 1997 ; Martin et al.,1997).

Certains auteurs ont préféré l’hypothèse selon laquelle le lobe temporalinterne jouerait des rôles différents selon l’axe antéro-postérieur de cette struc-ture. Ainsi, Roland et Gulyas (1995) ont été les premiers à montrer une activa-tion bilatérale de l’hippocampe antérieur lors de l’encodage de patterns géomé-triques colorés et de l’hippocampe postérieur lors de la reconnaissance de cesstimuli parmi des distracteurs. Par la suite, à partir d’une méta-analyse de 52études en TEP, Lepage et al. (1998) ont proposé le modèle HIPER (pour Hippo-campal Encoding Retrieval) selon lequel l’encodage en mémoire épisodiqueimpliquerait préférentiellement la partie antérieure du lobe temporal internealors que la récupération impliquerait préférentiellement sa partie postérieure.Comme le soulignent les auteurs, ce modèle n’a qu’une valeur descriptive etnon pas explicative par rapport aux rôles attribués à ces deux régions.

E n fin, tout récemment, Schacter et Wagner (1999) ont re l at ivisé lemodèle HIPER en effectuant une nouvelle méta-analyse en se basant sur lesrésultats obtenus dans des études supplémentaires en TEP et en IRMf. Ainsi, ilest possible de constater que l’encodage, étudié en TEP, impliquerait à la foisles parties antérieure et postérieure du lobe temporal interne alors que ce mêmeprocessus, étudié en IRMf, n’impliquerait que sa partie postérieure. Les auteursattribuent cette différence à la nature des paradigmes employés qui ne serait passtrictement équivalente entre les deux techniques.

D’autres régions sont régulièrement activées dans les tâches d’encodageen mémoire épisodique, notamment le cortex associatif postérieur, avec une asy-métrie en faveur de l’hémisphère gauche ainsi que le cortex cingulaire antérieuret postérieur.

Au total, les études en TEP et en IRMf ont clairement souligné l’impor-tance des régions préfrontales gauches (même si l’hémisphère droit sembleimpliqué pour les informations non verbales) et du lobe temporal interne (depréférence gauche pour le matériel verbal et droit ou bilatéral pour le matérielnon verbal) dans l’encodage en mémoire épisodique.

♦ RécupérationLes processus de récupération, comme ceux d’encodage, peuvent s’appli-

quer à du matériel de nature verbale ou non verbale. Il existe par ailleurs diffé-

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rentes formes de récupération estimées par des tâches de rappel libre, de rappelindicé ou de reconnaissance nécessitant l’utilisation de stratégies différentes etd’efforts de recherche plus ou moins importants pour accéder à la trace mné-sique.

Les études d’activations concernant la récupération en mémoire épiso-dique ont souligné l’importance du cortex préfrontal droit (cf modèle HERA,voir supra) dans la réalisation de tâches de rappel libre, de rappel indicé et dereconnaissance de stimuli de différente nature : mots, phrases, dessins d’objets,visages, odeurs, patterns géométriques colorés (voir Tulving et al., 1994a ;Nyberg et al., 1996a, pour revues).

Cependant, des activations bilatérales du cortex préfrontal ont aussi étéobservées dans plusieurs études (Desgranges et al., 1998a, pour revue). Diffé-rentes interprétations ont été proposées afin d’expliquer ce résultat. En effet,selon Bäckman et al. (1997), un tel pattern serait davantage associé à la réalisa-tion de tâches de rappel indicé que de reconnaissance, les premières étant plusdifficiles que les secondes. En réalité, c’est l’importance de la difficulté de latâche qui semble déterminer les patterns d’activations plus que la nature de latâche, comme l’ont montré Nolde et al., (1998) qui ont alors proposé l’hypo-thèse CARA (pour Cortical Asymmetry of Reflective Activity). Selon cette hypo-thèse, quelle que soit la nature des épreuves de récupération utilisées, les tâchesles plus simples entraîneraient des activations préfrontales unilatérales droites etles tâches les plus complexes, des activations préfrontales bilatérales.

D’autres hypothèses ont été proposées afin d’expliquer la présence de cepattern bilatéral en récupération. En effet, selon certains auteurs, le cortex pré-frontal gauche serait associé, même lors de la récupération, à un processus deprolongation de l’encodage d’informations récemment acquises (Andreasen etal., 1995b). D’autres auteurs ont suggéré que ces résultats seraient liés à un trai-tement préférentiel du matériel verbal par l’hémisphère gauche, ce point de vueétant conforté par des études portant sur du matériel verbal (Buckner et Peter-sen, 1996), notamment lorsqu’un traitement lexico-sémantique est effe c t u é ,comme dans les tâches de complètement de trigrammes (Nyberg et al., 1996).Certaines études en IRMf portant sur la récupération de matériel verbal ontmême montré une activation unilatérale gauche du cortex préfrontal (Wagner etal., 1998a ; McDermott et al., 1999).

Par ailleurs, il est aussi possible de prendre en considération l’implicationplus spécifique des régions préfrontales dans la mise en œuvre de stratégies derecherche permettant la récupération d’informations préalablement encodées.Ainsi, certains travaux se sont focalisés sur la distinction entre une forme derécupération basée sur des mécanismes de recherche stratégique (qui seraient

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sous-tendus par le cortex préfrontal) et une autre forme de récupération, davan-tage automatique, appelée ecphorique, caractérisée par une adéquation entre lesindices de récupération proposés et la trace mnésique (Tulving, 1983). Dans cecadre, Schacter et al. (1996a) ont observé une activation bilatérale du cortex pré-frontal lors du rappel indicé de mots encodés une seule fois et traités de façonsuperficielle (rappel indicé difficile), ce résultat n’étant pas obtenu pour unetâche de rappel indicé facile (mots encodés quatre fois et traités de façon pro-fonde), la première nécessitant un effort de recherche en mémoire plus impor-tant.

Au contraire, un certain nombre de travaux ont suggéré que le cortex pré-frontal, plus particulièrement à droite, serait impliqué dans toute activité dere ch e rche en mémoire, que celle-ci soit ex i geante ou non, efficace ou non(Kapur et al., 1995 ; Cabeza et al., 1997a ; Wagner et al., 1998b). Par exemple,dans l’étude de Nyberg et al. (1995), les sujets devaient écouter deux listes demots et les traiter selon un cri t è re soit sémantique, soit perc ep t i f. Quat remesures de DSC étaient ensuite effectuées, dont trois alors que les sujets étaientengagés dans une activité de recherche en mémoire (tâche de reconnaissanceportant soit sur les mots traités sémantiquement, sur les mots traités de façonperceptive ou sur des mots nouveaux) et la dernière, pendant la lecture silen-cieuse de mots. Les comparaisons effectuées entre les trois tâches de rechercheen mémoire et la tâche contrôle ont montré des activations du cortex préfrontaldroit, indiquant que l’implication de cette région est davantage liée à la tentativede récupération qu’au succès effectif (qui varie selon les tâches, le taux debonnes réponses étant supérieur pour les mots traités sémantiquement que pourceux traités de façon perceptive).

Tout récemment, dans le prolongement de cette conception selon laquellele cort ex préfrontal serait plus spécifiquement impliqué dans l’activité derecherche des informations en mémoire, Lepage et al. (2000) ont répertorié, àp a rtir d’une analyse de résultats obtenus dans plusieurs études en TEP, unensemble de régions associées au maintien d’un « mode de récupération épiso-dique » (qualifiées de sites REMO pour « Retrieval Mode »). REMO est définicomme un état neurocognitif pendant lequel un individu focalise son attentionsur une partie de son passé personnel, prend en compte les informations qui luiparviennent comme des indices de récupération d’événements spécifiques pas-sés, évite d’effectuer des traitements non liés à la tâche et s’approprie consciem-ment le produit d’une ecphorie (accès effectif à la trace mnésique) se manifes-tant sous la forme d’un événement dont il se souvient. Ainsi, six sites REMOont été mis en évidence. Un de ces sites se situe dans le gyrus cingulaire anté-rieur (BA 32). Les cinq autres sont au niveau du cortex préfrontal et compren-

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nent deux régions homologues bilatérales et symétriques, une au niveau du pôlefrontal (BA 10), et l’autre au niveau de l’opercule frontal (BA 47/45). La cin-quième se situe au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral droit (BA 8/9). Cesrésultats amènent les auteurs à proposer une reformulation du modèle HERAtout du moins en ce qui concerne les aspects liés à la récupération, même si lesdeux sites REMO de l’hémisphère gauche présentent une activité et une étenduespatiale moindres que les sites homologues de l’hémisphère droit.

De nombreuses études ont souligné l’implication du lobe temporal intern edans la récupération d’info rm ations épisodiques, que ce soit avec du mat é ri e lverbal (Squire et al.,1992 ; Schacter et al., 1996a ; Fujii et al., 1997 ; Rugg et al.,1997), des dessins (Schacter et al., 1995 ; Pe t e rsson et al., 1997 ; Uecker et al.,1997), des pat t e rns géométriques (Roland et Gulyas, 1995) et des info rm at i o n st o p ographiques (Owen et al., 1996b). Cependant, plusieurs études n’ont pasmontré d’activations de cette stru c t u re lors de la récupération d’info rm ations épi-sodiques (par exe m p l e, Shallice et al., 1994 ; Cabeza et al., 1997a). Schacter etal. (1996a) ont at t ri bué ce résultat à la nat u re des tâches utilisées, qui implique-raient préférentiellement le cort ex préfrontal lorsqu’elles engagent le sujet dansune strat é gie de re ch e rche ex i ge a n t e. Ils appuient cette hypothèse sur une étudedans laquelle une condition de rappel indicé facile (mots ayant été précédemmentprésentés quat re fois et ayant fait l’objet d’un traitement sémantique) entra î n a i tune augmentation bilat é rale du DSC dans le lobe temporal intern e, tandis qu’unecondition de rappel indicé difficile (mots présentés une seule fois et traités super-ficiellement) activait le cort ex préfrontal, de façon bilat é rale (voir supra). Cer é s u l t at sugg è re donc que le cort ex préfrontal et l’hippocampe seraient préfére n-tiellement impliqués dans des aspects diff é rents de la récupération en mémoireé p i s o d i q u e, le premier dans la strat é gie de récupération et le second dans la récu-p é ration consciente non liée à l’effo rt (ecphorique). A l’aide d’une méthode cor-r é l at ive, Nyberg et al. (1996b) ont également mis l’accent sur l’implication dulobe temporal interne ga u che dans la reconnaissance de mots. En outre, cettea c t ivation était plus importante après encodage pro fond qu’après encodages u p e r ficiel, la pre m i è re condition amenant à une meilleure récupération. D’autre sétudes (Owen et al., 1996b ; Rugg et al., 1997 ; Fujii et al., 1997) ont confo rt écette interp r é t ation concernant le rôle du lobe temporal interne dans la récupéra-tion n’ex i geant pas d’effo rt important, le mat é riel verbal activant préfére n t i e l l e-ment l’hémisphère ga u ch e, et le mat é riel non verbal, le dro i t .

Cependant, certaines études ayant proposé des tâches de « récupérationfacile » n’ont pas montré d’activation du lobe temporal interne (Petrides et al.,1995 ; Kapur et al., 1995 ; Rugg et al., 1996). De même, Grasby et al. (1994)ont mis en évidence des corrélations significatives entre l’activation du lobe

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temporal interne et des performances dans une tâche de rappel d’une liste demots qui exige des efforts de recherche. Enfin, Petersson et al. (1997) ont mon-tré une activation bilatérale du lobe temporal interne lors du rappel libre d’unesérie de dessins abstraits non verbalisables, cette activation étant plus impor-tante lors du rappel sans entraînement qu’après entraînement, ce qui estcontraire à ce que suggèrent Schacter et al. (1996a).

Lorsqu’on considère à nouveau l’hypothèse d’une implication différen-tielle du lobe temporal interne selon son axe antéro - p o s t é rieur (Roland etGulyas, 1995 ; Lepage et al., 1998 ; Schacter et Wagner, 1999), on constate queles résultats concernant le processus de récupération semblent moins contradic-t o i res que pour l’encodage. En effet, comme le sugg è re le modèle HIPER(Lepage et al., 1998), la partie postérieure du lobe temporal interne semble êtreeffectivement fortement impliquée dans la récupération en mémoire épisodique(Schacter et Wagner, 1999).

De nombreuses incertitudes subsistent encore actuellement quant à l’im-plication des structures temporales internes dans les processus de mémorisationet le problème est exacerbé d’une part, par la complexité de cette structure,d’autre part, par la petite taille de ses composantes. La confrontation des résul-tats obtenus selon différentes techniques se révèle être sur ce point très enrichis-sante (Schacter et Wagner, 1999 ; Stern et Hasselmo, 1999).

Le processus de récupération en mémoire épisodique implique aussi desactivations du cortex postérieur associatif, notamment au niveau du cortex parié-tal ainsi qu’au niveau du précuneus, une petite région située au niveau du cortexpariétal postérieur médian. L’étude de Fletcher et al. (1995c), dans laquelle ledegré d’imageabilité des mots à mémoriser était manipulé, est en faveur du rôledu précuneus dans l’imagerie visuelle liée au rappel. Cependant, Krause et al.(1999) ont montré des activations du précuneus lors du rappel de mots tant abs-traits qu’imageables et ceci, que les mots aient été présentés visuellement ouauditivement. Kapur et al. (1995) suggèrent que le précuneus joue un rôle dansles processus de récupération ecphorique. Ces auteurs ont comparé les activa-tions observées lors de deux tâches de reconnaissance visuelle de mots, l’uneétant caractérisée par une forte, et l’autre par une faible proportion d’items-c i bles. L’ e c p h o rie qui est provoquée par la fo rte pro p o rtion d’items-cibl e sentraîne une activation dans la région du précuneus. A l’inverse, Buckner et al.(1996) mettent en avant l’implication du précuneus dans l’effort de recherche enmémoire, s’appuyant notamment sur les résultats de Schacter et al. (1996a).Dans cette dernière étude, en effet, une activation du précuneus droit était obser-vée lors de la condition de rappel indicé difficile, en comparaison avec la condi-tion de rappel indicé facile.

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Une activation du cort ex cingulaire antérieur a été régulièrement détectéedans les études consacrées à la mémoire épisodique (Cabeza et al., 1997a ; Heunet al., 1999). Plusieurs fonctions ont en fait été at t ri buées à cette région, ce quiselon Fletcher et al. (1995a) pourrait s’expliquer par l’importance de sesc o n n exions ex t e n s ives avec les stru c t u res corticales (préfrontales, pariétales ett e m p o rales) et sous-corticales (thalamus antéri e u r, notamment). Son implication aainsi été établie dans l’attention divisée (Bench et al., 1993), ainsi que dans l’ini-t i ation et la sélection des réponses (Cabeza et al., 1997a). A l’aide d’un para d i g m eo ri ginal, intégrant toutes les cara c t é ristiques de l’info rm ation épisodique, Nyberget al., (1996c) ont montré l’implication du cort ex cingulaire antérieur lors du rap-pel de la cara c t é ristique temporelle de l’info rm ation épisodique (« quand »), com-p a rat ivement au rappel des autres cara c t é ristiques (« quoi » et « où » ) .

Des activations du cervelet ont régulièrement été montrées lors de tâchesde mémoire épisodique. Le rôle du cervelet dans les activités cognitives estmaintenant largement reconnu même s’il n’est pas encore bien compris (Fiez,1996, pour revue). Selon Schacter et al. (1996a), le cervelet serait, comme lecortex préfrontal, impliqué dans les processus de recherche stratégique et d’in-hibition des informations non pertinentes. Récemment, Andreasen et al. (1999)ont observé une activation du cervelet droit associée à l’évocation mentale desouvenirs relatifs à des expériences personnellement vécues. Ainsi, selon lesauteurs, cette structure serait impliquée dans la récupération consciente d’infor-mations en mémoire.

Au total, les études d’activations en TEP et en IRMf concernant le pro-cessus de récupération ont souligné l’implication des régions préfrontales (prin-cipalement à droite), qui seraient fortement associées à la tentative de récupérerles informations mémorisées, et du lobe temporal interne (plus spécifiquementdans sa partie postérieure) qui semble davantage associé à une récupération detype ecphorique. De plus, la latéralisation des activations du lobe temporalinterne serait sous la dépendance du type de matériel utilisé (gauche pour dumatériel verbal, droite pour du matériel non verbal).

A côté de ces travaux expérimentaux, quelques études ont cherché àmieux connaître les régions cérébrales impliquées plus spécifiquement dans larécupération en mémoire autobiographique. Ainsi, Fink et al. (1996) ont mesuréle DSC chez des sujets sains lors d’une condition dite « impersonnelle » pen-dant laquelle le sujet écoute des phrases contenant des informations qui concer-nent le passé autobiographique d’une personne qu’il ne connaît pas et qui lui ontété présentées une heure avant la passation sous caméra à positons et d’unecondition dite « personnelle » pendant laquelle le sujet écoute des phrasescontenant des info rm ations sur son pro p re passé. La soustraction entre les

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valeurs du DSC obtenues pour la condition personnelle et celles obtenues pourla condition impersonnelle met en évidence des activations, principalement laté-ralisées à droite, comprenant les lobes temporaux latéral et interne (hippocampe,gyrus parahippocampique et amygdale), l’insula, le cortex cingulaire postérieur,la jonction temporo-pariétale et le cortex préfrontal. Selon les auteurs, l’activa-tion de l’amygdale et des régions hippocampiques, qui appartiennent au systèmelimbique, refléterait le rôle de ces structures dans le traitement des caractéris-tiques émotionnelles de la mémoire. Par ailleurs, l’activation du cortex préfron-tal droit est en accord avec les résultats des travaux expérimentaux portant sur larécupération d’informations en mémoire épisodique.

Récemment, Maguire et Mummery (1999) ont tenté de déterminer lesrégions impliquées dans la récupération d’informations du « monde réel » enprenant en compte deux dimensions ; la pertinence personnelle et la spécificitét e m p o re l l e, permettant d’étudier quat re cat é go ries de rep r é s e n t ations mnési-ques : les événements autobiographiques (spécificité personnelle et contextetemporel), les événements publics (peu de spécificité personnelle mais contextetemporel), les faits autobiographiques (importante spécificité personnelle maissans contexte temporel) et les connaissances générales (peu de spécificité per-sonnelle et sans contexte temporel). Les résultats montrent que ces quatre caté-gories de mémoire sont associées à l’activation d’un réseau commun, principa-lement médian et latéralisé à gauche, comprenant le cortex préfrontal médian, legyrus temporal latéral antérieur moyen, le pôle temporal, l’hippocampe et legyrus parahippocampique, le cortex cingulaire postérieur et la jonction temporo-pariétale (de façon bilatérale). A l’intérieur de ce réseau, des activations spéci-fiques ont été observées pour chaque catégorie de représentations mnésiques.Ainsi, la récupération d’événements autobiographiques active l’hippocampegauche, le cortex préfrontal médian et le pôle temporal gauche. Ainsi, l’hippo-campe semble impliqué dans la récupération d’informations autobiographiquesdont le caractère épisodique est bien spécifié.

♦ Applications de ces techniques en neuropsychologie

Etudes d’activations dans le vieillissement normal et la maladie d’Alzheimer

Le vieillissement normal se caractérise notamment par un déclin de lamémoire épisodique (Eustache et al., 1998, pour revue). Des études d’activa-tions en TEP ont été effectuées en comparant des groupes de sujets jeunes etâgés afin de voir si ce déclin s’accompagne de modifications au niveau des pat-t e rns d’activations re l atifs à des tâches d’encodage et de récupération enmémoire épisodique.

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Grady et al. (1995) ont ainsi montré que les patterns d’activations liés auxprocessus d’encodage et de reconnaissance de visages se modifient avec l’âge.Lors de l’encodage, les sujets jeunes activent de manière significativement plusimportante que les sujets âgés les cortex préfrontal gauche, cingulaire antérieuret temporal ga u ch e. Selon les auteurs, les diminutions de perfo rmance enmémoire liées au vieillissement seraient dues en grande partie aux difficultésqu’éprouvent les individus âgés à encoder de manière adéquate les stimuli pré-sentés. En revanche, lors de la reconnaissance des visages, une activation simi-laire du cortex préfrontal droit a été observée dans les deux groupes même sides régions supplémentaires sont activées chez les sujets jeunes (cortex pariétaldroit et occipital).

S chacter et al. (1996b) ont demandé à des sujets jeunes et âgés d’effe c-tuer des tâches de rappel indicé facile et difficile de mots ap p ris au préalabl e.Les sujets jeunes ont rappelé signifi c at ivement plus de mots que les sujetsâgés dans ces deux tâches. Lors du rappel indicé fa c i l e, les deux groupes ontmontré des activations similaires des régions hippocampiques. Cependant, lorsdu rappel indicé diffi c i l e, les sujets jeunes ont montré une activation desr é gions frontales antéri e u res, et les sujets âgés, une activation de la région deB roca, ce qui peut re fléter le re c o u rs à des mécanismes de répétition subvo-c a l e, strat é gie moins efficace que celle de cat é go ri s ation sémantique pour lam é m o ri s ation de mots. La discordance de résultats entre l’étude de Gra dy etal. (1995) et celle de Schacter et al. (1996b) concernant les activations du cor-t ex préfrontal peut provenir du mode de rappel choisi - re s p e c t ivement re c o n-naissance et rappel indicé -, le premier étant moins perturbé dans le vieillisse-ment norm a l .

Cabeza et al. (1997b) ont utilisé un paradigme d’encodage et de récupéra-tion (reconnaissance et rappel indicé) de matériel verbal (voir figure 1). Leursrésultats renforcent l’hypothèse du recours à des stratégies différentes selonl’âge : les sujets jeunes montrent des activations plus grandes que les sujets âgésdans le cortex préfrontal gauche lors de l’encodage et dans le cortex préfrontaldroit lors du rappel. Par ailleurs, les sujets âgés ont des activations plus grandesque les sujets jeunes dans plusieurs régions (à la fois lors de l’encodage et durappel) ce qui peut refléter l’utilisation de stratégies cognitives moins efficacesou la présence d’une réorganisation fonctionnelle (Cabeza et al., 1997c). Cesétudes suggèrent globalement que l’asymétrie du modèle HERA tend à s’atté-nuer avec l’âge et que des aires supplémentaires seraient recrutées chez lessujets âgés afin de compenser les déficits mnésiques, même si Bäckman et al.(1997) ont souligné l’absence de modification des activations préfrontales (bila-térales dans ce cas) au cours du vieillissement.

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Madden et al. (1999) ont comparé des sujets jeunes et âgés à l’aide detâches d’encodage et de reconnaissance de mots (voir figure 2). Contrairement àce qui était attendu, ces auteurs n’ont pas constaté d’activation significative chezles sujets jeunes lors de l’encodage alors que les sujets âgés ont activé le cortexpréfrontal de façon bilatérale. En reconnaissance, une activation étendue du cor-tex préfrontal chez les sujets jeunes et âgés a été observée avec un patterndavantage bilatéral chez les sujets âgés. Ces résultats répliquent ceux de Cabezaet al. (1997b,c) en soulignant à nouveau une atténuation de l’asymétrie dumodèle HERA avec l’âge mais avec cette fois-ci une différence liée à l’âge enterme de performance cognitive (moins bonne reconnaissance des mots chez lessujets âgés).

Enfin, Grady et al. (1999) ont fait effectuer à des sujets jeunes et âgéssous TEP des tâches d’encodage d’images d’objets et de mots en utilisant troisformes de stratégies différentes : un traitement profond (effectuer un jugementsémantique en décidant si chaque item correspond à quelque chose de vivant ounon), un traitement superficiel (décision par rapport à la dimension de chaqueitem présenté) ou un encodage intentionnel (mémorisation consciente et volon-taire des stimuli). Les résultats obtenus dans une épreuve de reconnaissancee ffectuée après les mesures TEP montrent une meilleure mémori s ation desimages d’objets par rapport aux mots dans les deux groupes de sujets, avec tou-tefois un déclin spécifique de la reconnaissance de mots lié à l’âge. Quelle quesoit la nature des stratégies utilisées, l’encodage d’images d’objets est associé àune augmentation de l’activité au niveau du cortex extrastrié et du lobe temporalinterne alors que l’encodage de mots est associé à l’activation des cortex pré-frontal et temporal gauches. Quelle que soit la nature du matériel, les tâchesd’encodage intentionnel et d’encodage incident profond sont associées à despatterns d’activations différents, notamment au niveau du cortex préfrontal. Lessujets âgés obtiennent de tels patterns d’activations avec toutefois une amplitudesignificativement moins importante que chez les sujets jeunes. Un troisième pat-t e rn d’activations, comprenant les régions préfrontale ga u che et tempora l e sinternes bilatérales, est associé à l’encodage incident profond et à l’encodageintentionnel d’images d’objets, sans qu’il y ait cette fois-ci de différence signifi-cative liée à l’âge. Selon les auteurs, l’ensemble des résultats obtenus permet desouligner le dysfonctionnement, lié à l’âge, de certains réseaux associés à l’en-codage, même si l’encodage élaboré d’images d’objets semble épargné. Ainsi,ces changements liés à l’âge affecteraient davantage la mémorisation d’informa-tions de nature verbale.

Quelques études ont tenté d’appliquer le paradigme d’activations en TEPà des groupes de patients atteints de maladie d’Alzheimer, mais l’interprétation

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des résultats est restée difficile. Becker et al. (1996) ont étudié les modificationsdu DSC chez sept patients lors de tâches de répétition de séries de trois et dehuit mots. La première tâche est relativement bien réussie par les patients et lepattern d’activations est proche de celui des sujets témoins, la taille des airesactivées étant toutefois plus grande chez les patients. En revanche, le rappellibre de séries de huit mots est déficitaire et les aires activées sont différentesentre les deux groupes, en particulier au niveau du cortex préfrontal. Cela pour-rait traduire une réorganisation du fonctionnement cognitif, les patients utilisantune stratégie différente pour effectuer la tâche. Analysant les mêmes donnéesavec une nouvelle méthode, les mêmes auteurs (Herbster et al., 1996) ontnuancé leur interprétation initiale en soulignant la similitude entre les activa-tions des patients et celles des sujets âgés normaux. Ainsi, les réseaux fonction-nels sous-tendant la mémoire seraient partiellement préservés dans la maladied’Alzheimer débutante, mais les patients n’utiliseraient pas nécessairement lesmêmes éléments de ce réseau que les sujets sains.

Récemment, Bäckman et al. (1999) ont demandé à des patients et à dessujets âgés sains d’effectuer une tâche de rappel indicé de mots. Les perfor-mances obtenues chez les patients sont déficitaires par rapport à celles des sujetssains et ce résultat est associé à un pattern d’activations (cortex préfrontal bilaté-ral, précuneus gauche, cervelet droit) et de désactivations (régions temporalesgauches) commun entre les deux groupes malgré certaines différences pouvantrefléter la présence de mécanismes compensatoires chez les patients. En effet,les sujets sains activent le cort ex pariétal et la fo rm ation hippocampiquegauches alors que les patients activent le cortex préfrontal inférieur et le cerveletgauches ainsi que les gyri temporal moyen droit et cingulaire postérieur.

Méthode des corrélations cognitivo-métaboliques dans le vieillissementnormal et la maladie d’Alzheimer

Une deuxième méthode en TEP semble particulièrement adaptée pourétudier les modifications du métabolisme au cours du vieillissement normal etdans différentes pathologies neurodégénératives. Dans ce cas, les études sontréalisées au repos (pendant que le sujet ne se livre à aucune activité particu-lière), les mesures effectuées reflétant le métabolisme de base du cerveau, etdonc les altérations neuronales. Les valeurs métaboliques peuvent être mises encorrespondance avec des performances cognitives recueillies en dehors de lamesure TEP. Cette méthode présente ainsi l’avantage de permettre l’utilisationde tests neuropsychologiques sophistiqués, contrairement à la méthode d’activa-tions qui comporte un certain nombre de contraintes. La variabilité des valeurscognitives et métaboliques, liée au vieillissement ou à l’affection étudiée, per-

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met l’obtention de corrélations cognitivo-métaboliques reflétant la localisationdes structures cérébrales responsables des déficits observés. Le métabolismecérébral global est sensible au vieillissement normal, diminuant d’environ 6%par décennie (Pe t i t - Taboué et al., 1998). Quelques travaux ont étudié desgroupes de sujets sains d’âge différent au moyen de tests psychométriques et demesures du métabolisme cérébral au repos (Eustache et al., 1995a, 1995b pourrevue). Leur but était de mettre en évidence les régions cérébrales impliquéesdans les modifications cognitives survenant au cours du vieillissement.

Ainsi, l’étude de Riege et al. (1985) fait état de corrélations significativesentre des scores de mémoire à long terme épisodique verbale et la consomma-tion régionale de glucose (CMRGLc) de plusieurs régions corticales dont le cor-tex frontal et sous-corticales telles que le thalamus et le noyau caudé dans unepopulation de 23 sujets sains âgés de 27 à 78 ans. Par ailleurs, Eustache et al.(1995b) ont montré, dans une population de sujets sains âgés de 20 à 70 ans,que les performances en mémoire épisodique verbale, estimées à l’aide d’uneépreuve de mémoire associative, étaient significativement corrélées avec lesva l e u rs de consommation régionale d’oxygène (CMRO2) dans le thalamu sgauche et les deux hippocampes. Enfin, Baron et al. (1997) ont observé, dans ungroupe de sujets sains âgés de 20 à 65 ans, des corrélations significatives entredes performances obtenues à un test de rappel d’histoire et la CMRGLc, essen-tiellement dans le cortex préfrontal bilatéral, résultat rejoignant les données desétudes d’activations.

Selon les mêmes principes, une étude de corrélations cognitivo-métabo-liques a été réalisée dans la maladie d’Alzheimer. Plusieurs systèmes mnésiquesont été explorés et des corrélations significatives, différentes pour chaque sys-tème, ont été mises en évidence (Desgranges et al., 1998b). Ces résultats rensei-gnent sur les régions cérébrales sous-tendant les déficits mnésiques dans lamaladie d’Alzheimer, en particulier de la mémoire épisodique, de la mémoire detravail et de la mémoire sémantique. Concernant la mémoire épisodique, les per-formances obtenues à une épreuve de rappel d’histoire sont significativementcorrélées avec le métabolisme de l’hippocampe et du cortex cingulaire posté-rieur gauches (voir figure 3). Ces résultats comparés à ceux de l’étude de Baronet al. (1997) peuvent s’expliquer par la nature différente des troubles de lamémoire épisodique dans les deux populations. Dans le vieillissement normal,les troubles concerneraient essentiellement les stratégies d’encodage et de récu-pération de l’information, vraisemblablement sous la dépendance du cortex pré-f rontal. Dans la maladie d’Alzheimer, le déficit concern e rait avant tout lesmécanismes intrinsèques de l’encodage qui mettent en jeu les structures tempo-rales internes et notamment l’hippocampe.

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Etudes dans les syndromes amnésiques

Les techniques d’imagerie fonctionnelle cérébrale permettent d’obtenirdes renseignements précieux sur les régions cérébrales impliquées dans le fonc-tionnement normal ou pathologique de la mémoire épisodique chez des groupesde sujets (sains jeunes ou âgés, patients atteints de pathologies neurodégénéra-tives). Elles offrent aussi la possibilité de mieux connaître les substrats neuro-naux des déficits observés chez des patients uniques porteurs de lésions céré-brales focales.

Ainsi, dans une étude originale, Levine et al. (1998) rapportent les résul-tats obtenus chez un patient (M.L.) atteint d’une amnésie rétrograde consécutiveà un traumatisme crânien grave. M.L. est profondément amnésique pour les évé-nements qui précèdent son accident mais ne présente pas d’amnésie antérogradeévaluée par une batterie de tests standard de rappel et de reconnaissance. Cepen-dant, les résultats obtenus grâce à un paradigme « Remember/Know » (« se sou-venir/savoir », paradigme qui permet d’évaluer le niveau de conscience associéà la récupération) semblent indiquer que ce patient ne revit pas de façon aussiépisodique que des sujets témoins les événements post-traumatiques, se basantprobablement sur d’autres processus (comme la familiarité) pour faire une dis-tinction entre les événements personnellement vécus et ceux qui ne le sont pas.L’IRM anatomique de M.L. révèle des lésions du cortex frontal ventral droit etde la substance blanche (comprenant le faisceau unciné, qui relie les régionsfrontale et temporale et qui serait impliqué dans la récupération d’événementspersonnellement vécus, voir figure 4). Ce patient a par ailleurs participé à uneétude d’activations en TEP utilisant un paradigme inspiré de Kapur et al. (1996)et de Cabeza et al. (1997a). Les résultats ont été comparés à ceux obtenus par ungroupe de sujets sains et par un groupe de patients ayant eu un traumatisme crâ-nien. Ainsi, par rapport à ces deux groupes de sujets témoins, M.L. montre unehypoactivation au niveau du pôle du cortex frontal droit, ainsi qu’une activationplus importante au niveau du lobe temporal interne gauche lors de la réalisationd’une tâche de rappel indicé. Selon les auteurs, l’absence d’amnésie antérogradechez M.L. serait liée à une implication particulière (plus importante que chez lessujets contrôles) du lobe temporal interne gauche expliquant l’augmentation del’activité au niveau de cette région.

Les résultats de cette étude suggèrent la présence chez le patient M.L.d’un trouble de la conscience autonoétique (niveau de conscience associé à larécupération d’informations en mémoire épisodique, permettant de se situer entant qu’entité continue à travers le temps) lié à l’atteinte du lobe frontal ventraldroit (incluant une dysconnexion entre les régions temporale et frontale droites).Il existerait également une réorganisation des systèmes cérébraux sous-tendant

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certains traitements cognitifs sans permettre pour autant au patient d’avoir accèsà des informations complémentaires concernant sa situation par rapport aux évé-nements passés et futurs.

Les études au repos en TEP sont plus couramment utilisées dans l’étudedes syndromes amnésiques. Elles permettent de déterminer, chez un groupe depatients ou chez un cas unique, par rapport à un groupe contrôle, une cartogra-phie de régions hypométaboliques reflétant le dysfonctionnement des réseauxn e u ronaux impliqués dans l’amnésie. Fazio et al. (1992) ont, selon cetteapproche, mesuré la CMRGLc au repos chez un groupe de 11 patients présen-tant un syndrome amnésique d’étiologies diverses caractérisé par une impor-tante amnésie antérograde et une amnésie rétrograde plus ou moins étendue. Lesrésultats obtenus montrent un hypométabolisme bilatéral au niveau d’un réseaude régions appartenant au circuit de Papez (lobe temporal interne, gyrus cingu-laire, thalamus) ainsi qu’au niveau des régions orbitofrontales. Cependant, cetteétude présente les limites de ne pas avoir effectué d’analyses individuelles et dese baser uniquement sur la méthode des régions d’intérêt qui se limite à l’étudede certaines régions cérébrales.

Récemment, Aupée et al. (soumis) ont étudié la CMRGLc chez un groupede 5 patients atteints d’un syndrome amnésique permanent (3 patients présen-tent un syndrome de Wernicke-Korsakoff et 2 présentent un syndrome post-anoxique) à l’aide du logiciel SPM (Statistical Parametrical Mapping) qui per-met d’analyser les valeurs du métabolisme sur l’ensemble du volume cérébral.L’analyse de groupe a révélé un hypométabolisme au niveau du thalamus, dugyrus cingulaire postérieur, du cortex préfrontal médian (à proximité du gyruscingulaire antérieur) ainsi qu’au niveau des gyri temporal moyen et supramargi-nal gauches. Les analyses individuelles ont montré un pattern similaire à celuiobtenu dans l’analyse de groupe et ont par ailleurs déterminé d’autres régionshypométaboliques spécifiques à certains patients. En effet, trois d’entre eux pré-sentent un hypométabolisme au niveau lobe temporal interne. Les résultats ainsiobtenus indiquent que le syndrome amnésique serait sous-tendu par un dysfonc-tionnement des structures appartenant au circuit de Papez, s’étendant à desrégions habituellement dévolues au langage, probablement par un mécanisme dedysconnexion thalamo-cortical.

L’ictus amnésique est un syndrome qui offre l’opportunité unique d’étu-dier le dysfonctionnement de la mémoire humaine en l’absence de réorganisa-tions cognitive et neurologique présentes dans le syndrome amnésique perma-nent. En outre, le patient peut être son propre contrôle, ce qui représente unintérêt particulier dans le domaine de la mémoire qui se caractérise, y comprischez le sujet sain, par une grande va ri abilité interi n d iv i d u e l l e. Cep e n d a n t ,

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l’étude de l’ictus amnésique présente certaines contraintes et difficultés, pourdes raisons logistiques évidentes : la courte durée de l’épisode et le contexted ’ u rge n c e. Dans tous les cas, les inve s t i gations neuro p s y ch o l ogiques sontincomplètes, contrairement aux études portant sur le syndrome amnésique per-manent. Ainsi, les travaux portant sur l’étude du métabolisme cérébral au reposdans l’ictus amnésique sont très rares. Deux études, présentées sous la forme derésumés, ont souligné une altération du métabolisme au niveau des régions tem-porales internes (Heiss et al., 1992) notamment dans l’hippocampe (Volpe et al.,1983). Ces résultats n’ont pas été confirmés par les investigations réalisées dansnotre laboratoire. Dans le premier cas (Baron et al., 1994), une diminution de laCMRO2 a été mise en évidence, lors du début de la phase de récupération, auniveau du cortex préfrontal dorsolatéral droit, du thalamus droit et du noyau len-t i c u l a i re. La seconde étude (Eustache et al., 1997) a permis d’estimer laCMRO2 ainsi que le fonctionnement de différents systèmes mnésiques pendantla phase critique de l’ictus. L’étude TEP a mis en évidence une diminution de laC M RO2 au niveau des cort ex préfrontal, temporal et du noyau lenticulairegauches. L’examen neuropsychologique a révélé une dissociation nette entreune mémoire épisodique déficitaire et une mémoire implicite préservée. Parailleurs, la fluence catégorielle était significativement déficitaire, ce résultat sug-gérant un trouble de l’utilisation d’une stratégie de récupération en mémoiresémantique. La prise en compte des résultats obtenus dans les études d’activa-tions concernant l’implication du cortex préfrontal gauche dans l’encodage enmémoire épisodique ainsi que dans la récupération en mémoire sémantique per-met d’inférer un lien entre l’hypométabolisme observé au niveau de cette régionet les troubles de la mémoire épisodique et de la fluence verbale. On peut noterque cet hypométabolisme concerne plus précisément le gyrus frontal inférieurgauche, une région activée pendant l’encodage en mémoire épisodique chez dessujets sains dans l’étude de Shallice et al. (1994). Ainsi, les résultats obtenus enTEP chez le patient de cette étude iraient dans le sens d’un déficit de l’enco-dage. Cependant, il n’a pas été possible d’évaluer spécifiquement les processusd’encodage et de récupération chez ce patient. Dans l’étude de Baron et al.(1994), un hypométabolisme préfrontal droit a été montré mais il n’y a pas eud’examen neuropsychologique. En se basant sur le modèle HERA, cet hypomé-tabolisme préfrontal droit serait lié à un déficit de la récupération en mémoireépisodique.

Actuellement, l’interp r é t ation des résultats TEP obtenus dans l’ictusamnésique reste difficile car très peu d’études ont évalué à la fois les troublesmétaboliques et cognitifs pendant la phase critique. Néanmoins, ces résultatssuggèrent la présence d’un dysfonctionnement d’un large réseau impliqué dans

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la mémoire épisodique et comprenant l’hippocampe, le thalamus, et le cortexpréfrontal bilatéral.

♦ ConclusionLes résultats obtenus grâce aux techniques de neuro i m age rie fo n c t i o n-

nelle permettent de mieux connaître le vaste réseau neuronal qui sous-tend lefonctionnement de la mémoire épisodique chez le sujet sain. Certaines compo-santes de ce réseau seraient mobilisées quelle que soit la tâche effectuée tandisque d’autres seraient impliquées préférentiellement dans certains tra i t e m e n t s( e n c o d age ve rsus récupération, récupération ecphorique ve rsus strat é gi q u e )e ffectués sur des info rm ations de nat u re diff é rente (verbal ve rsus non ve r b a l ) .Les stru c t u res cérébrales qui composent ce réseau sont aussi fo rtement inter-connectées et il est possible de déterminer les re l ations fonctionnelles entreces régions (Nyberg et al., 1996d). Les études qui ont été effectuées souli-gnent la place priv i l é giée qu’occuperaient le cort ex préfrontal et le lobe tem-p o ral interne au sein de ce réseau. Les résultats ainsi obtenus constituent unes o u rce d’inférence ri che et permettent d’orienter de façon plus précise lesétudes effectuées chez les patients. Les études ex p é rimentales bénéfi c i e n taussi de ces résultats qui fo u rnissent des axes de re ch e rche ori ginaux. Ainsi,B l a n chet et al. (1999), en utilisant une technique de tachitoscopie en ch a m pvisuel divisé, ont obtenu des résultats qui vont dans le sens d’un compro m i se n t re ce que prédit le modèle HERA et les hypothèses concernant l’asymétri eh é m i s p h é rique du traitement d’info rm ations selon leur nat u re (verbale ve rs u snon verbale). En effet, ces auteurs ont observé une asymétrie en faveur del ’ h é m i s p h è re ga u che plus prononcée lors de l’encodage que lors de la récupé-ration de mat é riel verbal, et une asymétrie en faveur de l’hémisphère dro i tplus importante lors de la récupération que lors de l’encodage de mat é riel nonverbal. Ainsi, la direction de l’asymétrie hémisphérique semble dépendre de lan at u re du mat é riel traité alors que l’amplitude de cette asymétrie serait liée autype de traitement effe c t u é .

Les études de neuroimagerie fonctionnelle ont aussi permis de préciser etd ’ e n ri chir le concept de mémoire épisodique en intégrant la notion deconscience autonoétique (qui fait référence au niveau de conscience associé à larécupération d’informations en mémoire épisodique et qui permettrait à l’indi-vidu de voyager dans son passé pour y chercher un souvenir entouré de son inti-mité et de projeter ce souvenir dans le futur, ce qui donne au sujet, conscient deson identité, sa cohérence interne) et les connaissances liées aux régions pré-frontales (Wheeler et al., 1997). Dans les années qui viennent, il y a fort à pen-ser que des études de plus en plus nombreuses prendront en considération ce

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niveau de conscience, notamment dans le cadre d’explorations de la mémoireautobiographique.

Par ailleurs, ces études permettent d’obtenir des renseignements précieuxsur les substrats neuronaux des altérations de la mémoire épisodique survenantdans le vieillissement normal, dans la maladie d’Alzheimer ou dans les syn-dromes amnésiques. La méthode des corrélations cognitivo-métaboliques pré-sente l’avantage d’exploiter la variabilité interindividuelle qui caractérise lespopulations étudiées et de déterminer les régions dont l’altération est significati-vement corrélée au déclin des performances. Récemment, Tulving et al. (1999)ont conceptualisé une distinction entre les « WHAT sites », qui correspondentaux régions mises en évidence dans les études d’activations et qui décrivent ceque le système fait, et les « HOW sites », mis en évidence dans les études decorrélations cognitivo-métaboliques (mais aussi dans les études qui mesurentdes corrélations entre les régions activées et des performances de mémoire) quidécrivent la façon dont le système effectue les tâches. Les auteurs insistent surl’aspect complémentaire des deux approches qui permettent de déterminer detelles régions et sur l’intérêt d’étudier les relations qu’elles entretiennent. Ainsi,par inférence, les résultats obtenus selon ces différentes méthodes offrent l’op-portunité de mieux comprendre la mémoire humaine (Eustache et al., 1999,pour revue). Enfin, les techniques de neuroimagerie fonctionnelle utilisées chezdes patients uniques devraient permettre de mieux comprendre la nature de leursdéficits, d’observer la présence d’éventuels mécanismes compensatoires et desélectionner les stratégies de rééducation les plus adaptées.

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Prise en charge des troubles de mémoire despatients traumatisés crâniens

Mireille Beauchamps, Marie-Noëlle Besson

R é s u m é

Depuis une quinzaine d’années, la recherche en neuropsychologie a permis de faire évoluerla prise en charge des troubles mnésiques des patients traumatisés crâniens. Les stratégiesrééducatives tentent maintenant d’apporter au sujet une aide beaucoup plus concrète dansles diverses activités de sa vie quotidienne. Le programme rééducatif est mis en place aprèsune analyse fine des troubles mnésiques et une évaluation des processus préservés. Diffé-rentes techniques de rééducation nécessitant chacune une phase d’apprentissage préalablepeuvent être employées : il s’agit notamment des techniques dites de facilitation, de réorga-nisation ou d’utilisation des capacités résiduelles. La thérapie instaurée doit avant tout êtreadaptée en fonction de l’évolution neuropsychologique et comportementale du patient.

Mots clés : traumatisés crâniens, troubles de la mémoire, stratégies de rééducation.

Remediation of memory deficits in patients with traumatic brain injury

Abstract

Over the last fifteen years, neuropsychological research has contributed to significantadvances in the treatment of memory deficits in patients with traumatic brain injury. Cur-rently, remediation strategies attempt to provide the patient with much more concrete helpin his various daily life activities. The therapeutic program is developed on the basis of adetailed analysis of the patient’s memory deficits and of his intact processes as well. Diffe-rent therapeutic techniques, each requiring an introductory learning stage, can be used:more specifically, techniques for the facilitation, reorganization or usage of residual capaci-ties. The prescribed therapy must be adapted primarily according to the neuropsychologicaland behavioral progress of the patient.

Key Wo r d s : traumatic brain injury, memory deficit, remedial strategies.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Mireille BEAUCHAMPSMarie-Noëlle BESSONOrthophonistesUnité de Neuropsychologie &Rééducation du LangageCHU de PoitiersCité hospitalière de la Milétrie350, avenue Jacques Cœur

P endant de nombreuses années, les tro u bles mnésiques consécutifs àune lésion cérébrale n’ont pas fait l’objet d’une prise en ch a rge réédu-c at ive. Puis, l’étude des amnésies sévères et durables entraînant un

h a n d i c ap fonctionnel très important a permis la mise en place de progra m m e sde réentraînement mnésique. Ainsi, les travaux de Pat t e rn (1972), Jo n e s(1974) et Gianutsos (1979) se sont succédés (Mazaux et al., 1987). Cesa u t e u rs s’étaient inspirés des données de la psych o l ogie ex p é rimentale etl e u rs méthodes re c o u raient aux moyens mnémotechniques employés par dessujets norm a u x .

Depuis une dizaine d’années, les techniques dites de jogging mental, dontl’objectif principal visait à améliorer les performances au niveau de tâchesponctuelles, semblent révolues.

Grâce aux apports des travaux réalisés en neuropsychologie, de nombreuxthérapeutes s’attachent désormais à rendre au sujet amnésique une qualité de vieaussi proche que possible de celle qu’il avait avant la survenue des troubles, etce, tant sur le plan social que professionnel.

Le plus ancien document vieux de 2500 à 3000 ans et faisant référence àla prise en charge de patients traumatisés crâniens est d’origine égyptienne et aété découvert par Smith et Luxor (Walsh, 1987).

Les tro u bles de mémoire constituent un handicap fréquent chez lesp atients tra u m atisés crâniens et leur prise en ch a rge au plan rééducatif esti m p é rat ive. Ils sont cependant souvent associés à d’autres déficits cog n i t i f s( ap h a s i e, tro u bles de l’attention, difficultés de raisonnement et de juge m e n t ,ralentissement idéo-moteur, fat i gabilité...), ainsi qu’à des pert u r b ations émo-tionnelles (irri t abilité, passivité...). Les diff é rentes atteintes de la sphèrec og n i t ive et comportementale ne sont pas sans influer sur les capacités d’ap-p re n t i s s age et doivent par conséquent fa i re l’objet d’une ap p ro che rééducat iveavant même que ne soient ab o rdées les difficultés mnésiques sur le plan théra-p e u t i q u e.

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Il existe en fait autant de tableaux d’amnésies que de patients traumatiséscrâniens. Les troubles vont être plus ou moins invalidants, plus ou moins persis-tants, et leur intensité sera différente. Par conséquent, avant de mettre en placeun projet rééducatif, il est indispensable de déterminer le mieux possible lanature des troubles mnésiques présentés par le patient. Le déficit est-il global oulimité à certains types de stimuli ? Sommes-nous en présence d’un trouble del’encodage et/ou d’un stockage inefficace ? Les mécanismes de récupération del’information sont-ils inopérants ?

Si les scores obtenus aux tests psych o m é t riques nous permettent demieux cerner l’intensité du déficit présenté par le patient comparativement auxrésultats obtenus par une population témoin du même âge et de même niveausocioculturel, ils ne nous apportent par contre que peu ou pas d’indications surle retentissement des troubles mnésiques au niveau des activités journalières dupatient. Il est également important de savoir si le patient et/ou son entourages u restiment ou sous-évaluent l’intensité des tro u bles et si des strat é gies deréadaptation ont été mises en place spontanément.

Par ailleurs, lorsque l’on considère les plaintes des patients amnésiques,on s’aperçoit qu’elles sont extrêmement variées et correspondent à des difficul-tés de nature très différente. Il peut s’agir :

- de difficultés pour localiser ses pro p res objets (où ai-je mis mesclefs ?) ;- de difficultés pour retenir ce que l’on vient de lire, pour suivre uneconversation ;- de difficultés pour récupérer le nom d’une personne connue ;- de difficultés pour se souvenir d’avoir quelque chose à réaliser dans lefutur (payer une facture avant la date d’échéance, ce qui fait appel à lamémoire prospective).

Des informations utiles au thérapeute peuvent être obtenues à l’aide d’unauto-questionnaire que remplit le patient et sa famille (Questionnaire d’Auto-Evaluation de la Mémoire : QAM de Van Der Linden et al., 1988). Les réponsespermettent de mieux préciser le profil mnésique du patient et d’ajuster avec plusd’exactitude la prise en charge rééducative.

La rééducation des troubles mnésiques s’appuie sur des techniques diver-sifiées adaptées aux troubles rencontrés. Son but n’est pas uniquement de tenterde réimprimer des traces dans un espace de mémoire qu’Aristote et Platon ontcomparé métaphoriquement à une tablette de cire, mais il est aussi d’essayer defaire acquérir de nouvelles habiletés spécifiques et de pallier le déficit mnésiquepar différentes stratégies.

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♦ Principes généraux

1 - La spécificité de la prise en charge en fonction du patient

L’âge du patient et sa situation socio-professionnelle au moment de l’ac-cident représentent deux facteurs importants en ce qui concerne l’orientation dela rééducation et la perspective d’une réinsertion future. Lorsque le patient estâgé, d’autres déficits viennent souvent s’associer aux troubles mnésiques.

La rééducation peut par ailleurs s’avérer difficile quand le patient est ano-s og n o s i q u e, c’est-à-dire non conscient de ses tro u bles. L’ a n o s ognosie n’estcependant généralement que transitoire, le patient réalisant peu à peu son déficitgrâce à la mise en œuvre de la thérapie.

Enfin, il apparaît important de prendre en compte « les préférences et lesstyles individuels » variant en fonction des sujets. Ainsi, certains patients peu-vent préférer utiliser les procédés mnémotechniques plutôt qu’avoir recours àl’imagerie visuelle : on peut penser que le rappel interne de l’image reste sou-vent difficile pour beaucoup de patients (Bruyer et al., 1991). Selon Tulving etal. (1991), les sujets présentant des troubles de mémoire peuvent apprendre denouvelles informations factuelles ou sémantiques à la condition qu’elles aientdu sens pour eux. Cela signifie alors que ces informations s’insèrent dans ununivers connu du patient. Tel fut le cas de AC qui possédait beaucoup deconnaissances concernant la sphère politique avant la survenue de son amnésie,et qui a pu en acquérir de nouvelles dans le même domaine par la suite (Van DerLinden et al., 1996).

2 - La spécificité de la prise en charge en fonction des troubles rencontrés

Les programmes de rééducation doivent tenir compte de trois élémentsimportants qui diffèrent d’un patient à l’autre.

a - la nature du déficit

Certains patients amnésiques présentent un déficit au niveau de l’enco-dage des informations, alors que pour d’autres, les troubles intéressent le stoc-kage ou encore la récupération des données (Bouvard et al., 1994).

Lorsque le patient a des difficultés pour encoder correctement une infor-mation, il est possible de :

❖ réduire la quantité de données à traiter simultanément.❖ simplifier les données.❖ demander au patient d’associer l’information à retenir à quelque chosequ’il connaît déjà.❖ réorganiser l’information à mémoriser (grouper les informations encatégories permet de retenir plus aisément les items d’une liste de mots).

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Plus une information est traitée en profondeur, plus elle aura de chancesd’être bien encodée. Il faut pour cela encourager le patient à réfléchir et à s’in-terroger sur le matériel qu’il doit mémoriser.

Cependant, les patients amnésiques stockent d’emblée relativement peud’informations, et le taux d’oubli est important durant les premiers jours qui sui-vent l’apprentissage. Pour aider les patients à conserver les items dans leurregistre mnésique, le rééducateur, aidé par l’entourage, doit inciter le patient àmaintenir et à utiliser activement l’information apprise. Un rappel régulier estun moyen de consolider l’information : la technique de recouvrement espacépeut être utilisée.

La récupération de l’info rm ation peut, elle aussi, poser des diffi c u l t é spour le patient qui détient l’item-cible mais qui ne peut consciemment le récu-p é rer (l’exemple type est ici celui du phénomène dit « tip-of-tongue » ou« mot sur le bout de la langue »). Il est alors possible d’aider le patient en luifo u rnissant un indice qui va lui perm e t t re d’accéder à l’info rm ation re ch e r-ch é e. Diff é rents types d’indices peuvent être utilisés : la re ch e rche du mot« l o u p » p o u rra ainsi être facilitée par le re c o u rs à un indiçage sémantique( « attaque les tro u p e a u x » ), à un indiçage cat é go riel (« carn ivo re » ), à un indi-ç age littéral (« L » ) ou contextuel (« vit à l’état sauvage ou dans desr é s e rve s » ).

Lorsque les informations à mémoriser correspondent à des noms de per-sonnes, il est nécessaire au cours des répétitions de faire varier les conditionsdans lesquelles se déroulent d’une part, la phase d’apprentissage et, d’autre part,la phase de recouvrement de l’information ; dans le cas contraire, l’accès aunom sera le plus souvent impossible. Ainsi, l’apprentissage du nom du théra-peute est pour le patient bien souvent lié à un endroit spécifique (hôpital) et àune situation particulière (séances de rééducation), et il est alors indispensableque les conditions contextuelles de récupération soient identiques pour que lesujet puisse récupérer le patronyme considéré. Dans un contexte inhabituel (pis-cine), le malade aura beaucoup de difficultés pour retrouver le nom de son thé-rapeute.

b - les types d’activités concernés par le déficit mnésique

Il est primordial de cerner avec précision les répercutions du déficit mné-sique du patient au niveau des faits de la vie quotidienne. Le recours à un ques-tionnaire concernant les activités journalières est donc très utile. Le thérapeutepourra ainsi savoir si le patient est ou non capable de mémoriser le contenu d’unlivre, s’il a ou non des difficultés à suivre une conversation, s’il se rappelle ounon de ses prochains rendez-vous... etc.

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c - les processus préservés chez les patients amnésiques

Connaître les processus mnésiques préservés peut permettre de mieuxaider le patient à utiliser efficacement ses habiletés mnésiques résiduelles.

♦ Les différentes stratégies de rééducation de la mémoirechez les patients traumatisés crâniens

1 - Les stratégies de restauration

Les essais de restauration, dans son mode de fonctionnement antérieur, dusystème nerveux central endommagé, n’ont pas été tellement concluants. Larécupération n’apparaît en général effective que dans le cas de troubles résultantd’atteinte cérébrale secondaire et non pas primaire.

C ependant, plusieurs études chez l’animal ont montré qu’une cert a i n es t i mu l ation pouvait entraîner une production neuro n a l e. Chez les pat i e n t sprésentant des tro u bles de la mémoire, les essais de rétablissement de lafonction mnésique ont porté sur l’utilisation d’exe rcices d’entraînement ave cdes stimu l ations réitérées. Les jeux de KIM ou la mémori s ation de poèmesont ainsi été utilisés dans cette optique. Les progrès observés ne se sont tou-t e fois pas étendus au fonctionnement mnésique en général et sont restés loca-lisés au seul mat é riel ayant fait l’objet d’un travail particulier (Van Der Lin-den, 1999).

Si ce type de stratégie demeure encore très utilisé dans les thérapiescognitives, il ne semble cependant plus être considéré comme efficace, ainsi quele suggèrent Bruyer et Van Der Linden (1991), reprenant notamment les proposd’Harris et Sunderland. L’exemple de HM, opéré d’une double lobectomie tem-porale incluant l’hippocampe, et souffrant d’un oubli à mesure, conforte cetteimpression car, malgré un « jogging mental » intensif pendant plus de vingt ans,HM a conservé les mêmes difficultés. L’étude de Godfrey et Knight en 1988aboutit à un constat identique : aucune évolution notable n’a en effet pu êtrec o n s t atée chez un patient tra u m atisé crânien ayant pourtant bénéficié d’unentraînement quotidien pendant 8 semaines basé sur un programme comportantdes exercices d’apprentissage variés.

On ne peut donc plus actuellement considérer la mémoire comme unmuscle indifférencié qu’il suffit de réentraîner. La fonction mnésique recouvreen effet une série de systèmes indépendants qui sont régis par des zones céré-brales particulières et qui sont eux-mêmes divisés en sous-processus spécialisésextrêmement complexes susceptibles d’être électivement atteints par la lésioncérébrale.

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Si une amélioration survient dans le cadre de la mise en place de straté-gies de restauration, elle ne sera guère que la conséquence d’une récupérationspontanée : le jogging mental se révèle en effet le plus souvent inutile, mais enl’absence de toute autre stimulation, il peut toutefois avoir le mérite de consti-tuer pour un patient une certaine source de motivation.

2 - Les stratégies de réorganisation

Les stratégies de réorganisation s’appliquent notamment dans le cadre dela rééducation de la mémoire épisodique (ou autobiographique ou mémoire pureselon la terminologie bergsonienne).

Chez un sujet amnésique, mémoire antérograde et mémoire rétrogradepeuvent être conjointement atteintes. La mémoire épisodique, qui permet de« maintenir, stocker et actualiser des souvenirs référencés dans le temps et dansl’espace, reconnus par le sujet comme siens et comme passés » (Gil, 1996), esttrès fréquemment déficitaire lors de la survenue d’une lésion cérébrale.

La mise en place d’une aide adaptée doit être précédée d’investigationscliniques précises qui, au moyen de tests, vont permettre de savoir à quel niveaudu traitement mnésique d’un matériel donné se situe plus particulièrement l’at-teinte. En effet, lors d’un test mettant en jeu la mémoire épisodique tel que l’ap-prentissage d’une liste de mots avec rappel différé après 5 à 10 minutes, plu-sieurs processus interviennent au cours de la mémorisation :

➯ l’information-cible (mot) est encodée simultanément avec l’informa-tion-contexte (espace, temps, source). Cette dernière sera utilisée à laphase de récupération du souvenir. Les régions hippocampiques seraientchargées de réaliser une liaison entre l’information-cible et le contextepour créer un épisode.➯ les différentes informations sont organisées (constitution de catégo-ries), reliées les unes aux autres (encodage élaboré), afin de rendre leurstraces plus durables en mémoire épisodique.➯ les données sont stockées et consolidées afin de permettre leur récupé-ration ultérieure.

Un déficit en mémoire épisodique peut donc se situer au niveau de laphase d’encodage, d’organisation des informations, de stockage ou de récu-pération des données.

La prise en charge aura donc ici pour but de faciliter le fonctionnement dela mémoire épisodique en apprenant à des patients, dont le déficit mnésiquepeut être qualifié de léger à modéré, une nouvelle façon d’encoder ou de récupé-rer ou encore de stocker l’information. La stratégie qui sera utilisée sera appelée

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stratégie de réorganisation ou de facilitation puisqu’on apprend au patient àcontourner les difficultés auxquelles il se heurte. S’il existe plusieurs stratégiespour faciliter le fonctionnement de la mémoire afin de stocker des informationsponctuelles, il est par contre difficile d’obtenir du patient une utilisation habi-tuelle des procédés facilitateurs. Pour tenter d’y parvenir, le programme derééducation doit nécessairement comporter :

- une phase où l’on facilite le fonctionnement de la mémoire par le biaisd’exercices spécifiquement adaptés au sujet et à des situations de la viequotidienne.- une phase où l’on ap p rend au patient à utiliser les procédés de fa c i l i t at i o n .

2-1 - Les stratégies verbales

Les strat é gies d’encodage employées concernent ici des info rm at i o n s« signifiantes et reliées » qui peuvent par exemple correspondre aux donnéescontenues dans un texte (Coyette et al., 1994).

✥ La stratégie P.Q.R.S.T.Elle a été décrite pour la première fois en 1970 par Robinson (Bruyer et

al., 1991), puis utilisée depuis par de nombreux auteurs chez des patients pré-sentant des troubles de la mémoire à long terme consécutifs à un traumatismecrânien.

Cette stratégie consiste à traiter l’information de manière explicite en« l’organisant et en la reliant » aux connaissances déjà mises en mémoire. Cecis’effectue au travers des étapes suivantes :

➯ P (Preview) : prise de connaissance du contenu général du texte.➯ Q (Question) : choisir des questions clés.➯ R (Read) : lecture du texte dans le but de répondre à ces questions.➯ S (State) : donner les réponses aux questions.➯ T (Test) : auto-évaluation du sujet à intervalles réguliers.

La méthode P.Q.R.S.T. s’est révélée efficace dans beaucoup d’activités dela vie de tous les jours : lecture de livres, de journaux, de reportages ou appren-tissage scolaire (études de Wilson en 1987). Toutefois, elle demande certainsefforts de la part des patients. Crosson et Buening (1984) suggèrent d’adjoindreà la méthode P.Q.R.S.T. une technique d’imagerie visuelle ou d’autres stratégiespour améliorer l’encodage.

❖ La technique de la macrostructure Fayol, en 1985, a montré qu’un texte narratif était toujours organisé à sa

base selon un schéma reposant sur une macrostructure qui, du cadre à la résolu-tion de l’histoire, intègre différents épisodes.

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La technique de la macrostructure a été présentée par Van Der Linden etVan Der Kaa en 1989. Le programme de rééducation de la prise d’informationsconsiste à rechercher les liens entre les données à mémoriser et à utiliser lesrègles de réduction de l’information définies par Kintsch et al. en 1975. Cesrègles impliquent notamment l’omission de ce qui n’est pas nécessaire à lacohérence sémantique, la concentration de l’information dans des mots-clés(utilisation d’un superordonné afin d’éviter de construire une phrase), l’absencede répétition d’une information, l’omission de tout ce qui peut être inféré.

Les patients lisent ainsi tout d’ab o rd le texte dont ils bâtissent la macro-s t ru c t u re, puis, dans un deuxième temps et après un délai va ri abl e, ils re c o n s t i t u e n tle texte uniquement à partir de cette même macro s t ru c t u re. Cette méthode néces-site une étroite collab o ration thérap e u t e - p atient, surtout si le texte est diffi c i l e.

2-2 - Les stratégies visuelles

Lorsque les informations à enregistrer ne sont pas signifiantes ou reliées,il devient nécessaire d’employer des stratégies d’encodage ayant recours à desindices qui se révèleront utiles pour une meilleure récupération des données.Les procédés mnémotechniques d’imagerie visuelle interviennent alors afin depermettre le codage de l’information par l’intermédiaire d’une image sans quesoit fait appel à une quelconque stratégie verbale.

Il existe différentes techniques d’imagerie visuelle :

❖ la technique d’imagerie absurde utilisée par Van Der Linden et VanDer Kaa (1989) pour apprendre des paires de mots et également s’entraîner à laconstruction d’images mentales.

Exemple d’image mentale crée à partir des mots « éléphant » et « sombrero »,entre lesquels il n’existe aucun lien sémantique, phonologique ou visuel.

Adaptation du programme de Van Der Linden et Van Der Kaa (1989)

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Dans un premier temps, le rééducateur guide le patient en lui fournissantune association visuelle entre les deux mots choisis, puis le patient doit essayerde créer lui-même ses propres associations.

❖ la technique du « face-name » permet d’apprendre de nouveaux nomsde personnages en associant une caractéristique du visage d’une personne à unmot phonologiquement proche du nom patronymique à encoder (Mc Carthy,1980). Cette méthode est directement issue de la technique d’imagerie absurdedont elle est une application concrète. Elle comprend 3 étapes (Coyette et al.,1999) :

1 - Trouver un nom concret et imageable pour remplacer le nom initial àmémoriser. Le patronyme PAILLON peut ainsi devenir « PAPILLON ».

2 - Isoler un trait distinctif du visage, tel que l’existence de larges oreillesdécollées.

3 - Associer en une image interactive le remplaçant concret du nom et lac a ra c t é ristique du visage. Au niveau de l’exemple précédemment choisi, lepatient devra imaginer deux ailes de papillon de chaque côté du visage à laplace des oreilles.

Invité à nommer le personnage ici considéré, le patient, percevant d’em-blée le trait distinctif au niveau du visage (oreilles décollées), accèdera par lebiais d’une image mentale (ailes de papillon) au mot concret « papillon », lequelindicera à son tour le nom « PAILLON ».

Image mentale crée pour apprendre le nom de Mr Paillon(adaptation d’un exemple de Van Der Linden et Van Der Kaa, 1980)

Une étude réalisée par Wilson en 1987 a permis de montrer que les pat i e n t samnésiques se souvenaient plus des dessins qu’ils n’accédaient aux images men-tales elles-mêmes : utiliser des images dessinées (et de préférence par le sujet lui-même) semble donc constituer un moyen efficace de mémori s at i o n .

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La technique du « face-name » peut également être utilisée pour l’appren-tissage de la profession, du lieu de résidence, du passe-temps d’un personnage(à partir de photographies) : il est possible de créer de la même façon des liensentre les diverses informations et le visage choisi (Coyette et al., 1999). Cetteméthode sera en conséquence proposée à un patient pour l’aider à mémoriser lesnoms de ses proches (parents, voisins, collègues de travail...), ou ceux des diffé-rents thérapeutes.

❖ la technique du mot-clef peut quant à elle être utilisée pour l’appren-tissage d’un nouveau vocabulaire, de termes techniques ou pour l’apprentissaged’une langue étrangère.

Le principe consiste à créer une image mentale permettant de retrouversimultanément la prononciation et la signification d’un mot (Coyette et al.,1999).

❖ la méthode des lieux ou méthode de Loci, utilisée par les orateursgrecs, peut aussi faciliter un apprentissage.

Ve rs le milieu des années 20, Luria fit la connaissance d’un homme,M . C h e re ch evski, rep o rter dans un journal et réputé dans son milieu pro fe s s i o n n e lpour sa mémoire anormalement déve l o p p é e. Ce pers o n n age tra n s fo rmait toutesles info rm ations qu’il entendait ou lisait en une séquence d’images et se rep r é s e n-tait mentalement ces images ancrées en des endroits successifs d’une ru e.

Grâce à cette manière de procéder, il peut devenir possible d’aider unpatient à mémoriser une liste de mots ou d’objets en lui apprenant à les imaginersitués en plusieurs endroits d’un espace connu de lui, comme par exemple lespièces de sa maison. Le sujet pourra ensuite appliquer cette méthode à l’appren-tissage d’une liste de courses ou pour se remémorer une série d’actes à effec-tuer.

❖ on peut enfin avoir recours à la technique classique de la table derappel connue de tous.

L’ensemble de ces procédés mnémotechniques nécessite un long appren-tissage et requiert de la part des patients suffisamment d’attention et une cer-taine motivation. Il est également nécessaire que le sujet possède une compré-hension satisfaisante. Les capacités de chaque patient doivent donc être évaluéesde façon détaillée. Enfin, ces stratégies semblent surtout efficaces pour despatients dont les difficultés de mémorisation peuvent être qualifiées de légères àmodérées. Dans les cas de déficit mnésique grave, les patients n’utilisent passpontanément de telles techniques (Coyette et al., 1999). Or, ces stratégies doi-vent, après la phase d’apprentissage, pouvoir être utilisées dans les situations devie quotidienne.

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3 - Utilisation des capacités résiduelles

Chez les sujets amnésiques ayant des troubles de la mémoire épisodiqueextrêmement importants (oubli à mesure), la thérapie doit surtout viser à utiliserles capacités mnésiques préservées.

3-1 - Technique de la récupération espacée

Pour aider les patients amnésiques à stocker l’info rm ation le plusd u rablement possibl e, il est nécessaire de les inciter à répéter les donnéesmais aussi à les utiliser activement (travaux de Schacter et al., 1985, citésdans Van Der Linden et al., 1999). La technique de re c o u v rement espacépeut ici s’av é rer effi c a c e. S’il s’agit, par exe m p l e, de retenir un nom pro p reou un nu m é ro de téléphone, il est préférable d’effectuer un ap p re n t i s s aged i s t ri bué dans le temps plutôt qu’un ap p re n t i s s age massé. Au t rement dit, ils e ra demandé au patient de restituer lors d’un rappel immédiat (empani m m é d i at supposé normal) le nom pro p re ou le nu m é ro de téléphone quivient de lui être présenté, puis la même demande sera réitérée après un délaitrès court (2 à 3 secondes). L’ i n t e rvalle de temps sera progre s s ive m e n tallongé au fur et à mesure des essais successifs. Cette technique conduit àun meilleur ap p re n t i s s age comparat ivement à un ap p re n t i s s age réalisé enune seule fois ou à un ap p re n t i s s age effectué sans augmentation du délai dere s t i t u t i o n .

3-2 - Technique de l’apprentissage sans erreurs utilisée dans le cadredes amnésies sévères (d’après Baddeley et Wilson, 1994) Cette technique peut par exemple être utilisée pour l’apprentissage des

noms propres. Elle implique que la bonne réponse soit donnée dès le départ aupatient. Le sujet regarde en conséquence une photographie d’un personnagedont on lui indique d’emblée le nom. Le but est ici d’instituer un apprentissagesans erreurs (l’apprentissage avec erreurs pouvant par ailleurs se révéler utilechez des sujets présentant des troubles mnésiques légers) : en effet, si le sujetnormal va se souvenir de l’erreur qu’il aura effectuée pendant une tâche d’ap-prentissage, il n’en sera pas de même du sujet amnésique qui oubliera sonerreur. Le patient sera en outre plus long à s’approprier de nouvelles procédureset si la tentative d’acquisition d’une information sémantique entraîne une erreur,cette dern i è re se re n o u ve l l e ra car l’interférence ne sera pas contrée par lamémoire épisodique. Par ailleurs, dans le cadre des amnésies sévères et de l’ap-prentissage des noms propres, il est plus efficace d’utiliser les noms réels despersonnages plutôt que de recourir à des noms inventés qui rendent l’apprentis-sage encore plus laborieux.

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De même, il apparaît particulièrement important de revoir régulièrementles connaissances déjà enregistrées en mémoire et de « ne pas abandonner cequi a déjà été réacquis » (Van Der Linden, 1999).

Parkin et al. en 1998 ont utilisé la technique dite de l’apprentissage sanserreurs pour réapprendre à un patient les noms de certains de ses amis qu’il fré-quentait avant la survenue de la maladie. Une étude réalisée par Squires et al. en1998 (cités par Van Der Linden et al., 1999) a montré que cette méthode s’étaitavérée plus performante que la méthode avec erreurs au niveau de l’apprentis-sage des noms et des visages pour 14 patients. En 1994, Baddeley et Wilsonavaient déjà suggéré qu’un apprentissage avec erreurs reposait surtout sur lesc apacités de mémoire implicite (la mémoire épisodique étant défi c i t a i re ) ,laquelle est sensible à l’interférence.

3-3 - Utilisation des capacités de mémoire procédurale

Les patients ayant des troubles de mémoire peuvent apprendre des habile-tés extrêmement complexes comme le traitement de texte (Glisky et al.,1986 aet b). Ces acquisitions peuvent augmenter les chances de réinsertion d’un sujetet renforcer son autonomie dans la vie quotidienne. Il s’agit alors de « grefferune à une les informations » par l’intermédiaire de la mémoire procédurale (VanDer Linden, 1999).

Van Der Linden et Coyette (1995) ont ainsi proposé au patient AC, vic-time d’un traumatisme crânien ayant entraîné un grave syndrome amnésique, unprogramme d’entraînement portant sur l’apprentissage de la dactylographie, duvocabulaire relatif à l’informatique (ordinateur, traitement de texte), puis surl’utilisation elle-même d’un ordinateur et d’un logiciel de traitement de texte.L’apprentissage s’est effectué pendant une période allant de 1989 à 1993. AC apu ensuite trouver un travail bénévole de secrétaire et de bibliothécaire dans uneassociation d’aide aux patients cérébrolésés.

Les connaissances acquises par le biais de la mémoire pro c é d u ra l ed eviennent des « connaissances concep t u e l l e s » qui ne sont pas fo rc é m e n tdépendantes du contexte d’apprentissage. Elles apparaissent flexibles : le sujetp o u rra ainsi aisément passer d’un traitement de texte à un autre lors q u ’ i ln’existe que de légères différences entre les deux. Il y a donc élaboration demodèles mentaux d’une tâche complexe (Van Der Linden, 1999).

3-4 - Technique de l’estompage

La technique d’estompage ou « vanishing cues » a été décrite par Gliskyet al. (1986 a). Il s’agit d’une méthode d’apprentissage avec estompage progres-sif des indices fournis au patient et se rapportant à l’item-cible qui doit être rap-pelé.

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Ainsi, le sujet doit d’ab o rd découvrir un mot de vo c abu l a i re en réponseà une définition (exemple : IMPRIMER ➝ « procéder au tirage de »). Po u rfavo riser l’ap p re n t i s s age de ce nouveau mot, il est préférable d’éviter que lep atient ne se fo u rvoie en lui indiquant dès le début le mot attendu. La tech-nique consiste à demander à nouveau la restitution de l’item, après un cert a i ntemps de lat e n c e, et en indiçant alors le sujet grâce à l’indication des quat rep re m i è res lettres du mot (IMPR...). Cette aide sera progre s s ivement diminu é eau fur et à mesure des essais (IMP..., puis IM... et enfin uniquement I). Ce sontici les capacités préservées de mémoire implicite qui sont au maximu mex p l o i t é e s .

Dans le cas du patient AC suivi par Van Der Linden et al., la rétentiond’un nouveau vocabulaire informatique est restée stable après un délai de 24mois.

L’ e s t o m p age progressif mérite d’être utilisé contra i rement à la tech-nique inve rs e. En effet, n’indiquer à l’ori gine que la pre m i è re lettre du motattendu a souvent pour conséquence l’émission d’un mot inap p ro p rié. Or, lep atient amnésique qui commet une erreur a tendance à la réitérer (Van DerLinden, 1999).

Glisky et al. (1986 a) ont pu constater que cette méthode permettait d’ap-prendre avec efficacité aux patients amnésiques un nouveau vocabulaire lié àl’informatique, sans que les sujets aient un souvenir conscient de cet apprentis-s age. Les perfo rmances obtenues en utilisant cette technique se montra i e n tsupérieures à celles réalisées en ayant choisi une procédure classique d’appren-tissage par anticipation (« apprentissage par cœur »).

Cependant, cet avantage n’a pas été retrouvé par tous les auteurs, notam-ment Hunkin et Parkin (1995). La façon d’estimer les réponses justes, variableselon les auteurs, pourrait peut-être toutefois expliquer les différences consta-tées : en effet, Hunkin et Parkin n’enregistraient que la première réponse four-nie, alors que Glisky et al. acceptaient que des réponses inexactes précèdentl’émission de l’item attendu et comptabilisaient néanmoins celui-ci commebonne réponse à la seule condition qu’il soit fourni dans le laps de tempsimparti.

Les différences entre études pourraient également s’expliquer par le faitque la méthode d’estompage utilisant la mémoire implicite ne permet pas l’ap-p re n t i s s age d’associations nouvelles (qui n’ont pas de rep r é s e n t ations enmémoire).

Van Der Linden et al. (1999) suggèrent en outre que l’emploi de cettetechnique ne serait envisageable que pour certains patients amnésiques présen-tant un trouble de mémoire épisodique très sévère. En effet, la mémoire épiso-

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dique, puisque très déficitaire chez ces patients, ne gênerait pas l’utilisation descapacités de mémoire implicite.

L’efficacité de cette technique dépend donc d’un certain nombre de fac-teurs.

4 - Les stratégies palliatives

Elles pourraient être qualifiées de « stratégies de la dernière chance »(Séron et al., 1994). En effet, elles sont souvent mises en place lorsque les stra-tégies précédentes n’ont pas permis d’évolution favorable. Le recours aux stra-t é gies palliat ives peut notamment favo riser la récupération d’une cert a i n econfiance en soi.

Ces stratégies concernent l’aménagement de l’environnement et la miseau point d’aides-mémoire externes.

4-1 - L’aménagement de l’environnement

L’ u t i l i s ation d’étiquettes sur les étag è res, de signaux indicat e u rs, det racés sur le sol, de badges nominatifs, de codes-couleurs (fl è ches de cou-l e u rs diff é rentes symbolisant les trajets ; mat é ri a l i s ation par des couleurs desp o rtes et des clés du domicile), de même que le re c o u rs à une dispositionp a rt i c u l i è re des objets (vêtements...), constituent autant d’aides utiliséesdans le but de réduire la ch a rge mnésique de certains patients (Bru yer et al.,1 9 9 1 ) .

Chez certains patients tra u m atisés crâniens, le contrôle du nive a us o n o re ambiant peut être important ainsi que l’aménagement du temps de tra-vail (respecter des pauses entre les activités permet une amélioration des per-fo rm a n c e s ) .

4-2 - Les prothèses mentales (les aides-mémoire externes) :

Il existe deux types d’aides externes selon Harris (1984), parallèlementaux aides-mémoire internes représentés par les procédés mnémotechniques pré-cédemment décrits.

❖ La première catégorie comprend les alarmes de montre, les minuteriesprogrammables, les pense-bêtes familiers : faire un nœud à son mouchoir,une croix dans sa main.Toutes ces aides permettent d’accéder à des informations déjà stockées enmémoire. Elles demeurent cependant peu efficaces chez les patients souf-frant d’amnésie sévère « puisqu’ils oublient ce dont ils sont censés sesouvenir ».

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❖ La deuxième catégorie regroupe les notes personnelles, les agendas,calendriers, dictionnaires ou listes de courses. Les informations sont alorsenregistrées dans des systèmes externes au sujet. Solliciter l’aide d’unepersonne extérieure chargée de rappeler au patient ce qu’il doit faire peutaussi constituer un moyen de contourner le handicap.Ces aides mnésiques externes représentent des moyens alternatifs utilespour se souvenir. L’objectif doit être de trouver les aides qui correspon-dent le mieux au patient, celui-ci devant apprendre à s’en servir avec effi-cacité.Cependant, certains patients répugnent à utiliser ces aides externes et pré-

fèrent ne pas « tricher ». D’autres ne se souviennent pas qu’ils peuvent utiliserces moyens. Il faut enfin souligner que l’utilisation de ces prothèses peut inter-venir dès le début de la prise en charge parallèlement à une rééducation mné-sique spécifique.

Bruyer et al. (1991) soulignent qu’il peut être utile pour certains patientsd ’ e nv i s ager une thérapie comportementale visant à encourager à l’emploid’aide-mémoire externes.

Van Der Linden et Coyette (1995) ont appris au patient AC à se servird’un carnet de mémoire dans le but qu’AC accède à l’autonomie la plus largepossible. AC pouvait ainsi utiliser son carnet pour noter et consulter des infor-mations, retrouver des noms de personnes, des trajets... etc. Les parents dupatient ont été impliqués au niveau du programme d’apprentissage : ils devaientà plusieurs moments bien définis de la journée, et alors qu’AC devait exécutertelle ou telle action mais ne s’en souvenait plus, donner à leur fils un indicegénéral (« que dois-tu faire maintenant ? »), ou un indice plus spécifique sibesoin était (« tu dois consulter ton carnet-mémoire »), afin qu’AC finisse parpenser spontanément à utiliser son carnet. La même méthode a été utilisée par lethérapeute pendant les séances de rééducation. Vingt-six semaines furent néces-saires pour qu’AC utilise enfin son carnet à chaque moment-clé sans que l’onsoit obligé de l’y inciter. AC se sert maintenant de cette aide externe tout aulong de ses journées.

Un tel programme d’apprentissage est mis en place dans le but « d’utili-ser un carnet-mémoire comme une habileté mettant en jeu la mémoire procédu-rale ». Il est cependant impératif d’évaluer initialement les capacités et lesbesoins actuels et futurs du patient. Ce dernier doit prendre par la suite l’habi-tude de consulter son aide-mémoire et d’écrire les informations. L’apprentissagepeut s’étendre sur plusieurs mois. Le carn e t - m é m o i re, unique et pers o n n e l ,d evient ensuite une prothèse de mémoire épisodique qui supplée auxdéfaillances de cette dernière (Van Der Linden, 1999). Certains patients ont

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ainsi appris à consulter leur carnet de notes lorsque leur montre émettait unesonnerie et à exécuter l’acte correspondant dans la demi-heure suivante (arroserles plantes, prendre un médicament...).

On peut adjoindre à l’utilisation de ce carn e t - m é m o i re celle d’une« check-list » où sont notées puis barrées au fur et à mesure de leur exécutiontoutes les activités de la journée (Andrews et Gielewski, 1999). Harris (1984)s u gg è re l’utilisation d’un dispositif miniat u risé correspondant à une alarm eauditive reliée à un système d’affichage électronique sur écran et permettant lerappel d’informations. Une aide similaire consisterait à créer des agendas élec-troniques simples utilisés aussi au niveau de la mémoire prospective (la sonnerieindiquerait par exemple le moment de se rendre à tel rendez-vous). Les agendasélectroniques actuellement disponibles sur le marché sont trop complexes pourpouvoir être utilisés en rééducation. On peut leur reprocher une lisibilité insuffi-sante, une taille d’écran inadaptée, un clavier d’utilisation difficile, l’existencede trop nombreuses fonctions générant des interférences inutiles (Séron et al.,1994).

Dans la littérature, d’autres procédures visant à aider les patients amné-siques sont notifiées. Davies et Binks en 1983 rapportent ainsi le cas d’unpatient korsakovien auquel on avait donné une petite carte mentionnant au rectoson identité et au verso des informations relatives à ses troubles de mémoire,expliquant la nécessité de lui écrire des messages. Ce patient pouvait ainsi pré-senter sa carte aux personnes qu’il côtoyait.

Wilson (1992) a suivi un groupe de patients pendant une période detemps s’étendant de 5 à 10 ans après la survenue de l’accident. Il a ainsi puconstater que les patients ayant bénéficié d’une rééducation au plan mnésiqueconservaient l’habitude d’utiliser les aides externes.

Enfin, Harris en 1980 a montré que les aides externes étaient plus utili-sées que les procédés mnémotechniques considérés par l’auteur comme moinsfiables.

5 - La rééducation de groupes

La rééducation de groupes constitue d’une part un soutien thérapeutiqueet psychologique, et permet d’autre part d’envisager des situations plus prochesde celles habituellement rencontrées dans la vie quotidienne. Le groupe favoriseles échanges de conseils et d’astuces. Par ailleurs, confronté aux difficultés desuns et des autres, chaque patient acquiert peu à peu un niveau de conscienceplus aigu de ses propres troubles et il se crée ainsi « un phénomène d’émulationet de réassurance » (Bouvard et al., 1994).

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♦ ConclusionLes techniques de réentraînement mnésique doivent rester extrêmement

concrètes, réalistes et modestes dans leurs ambitions. Elles doivent être simplesà mettre en œuvre et ne peuvent être proposées qu’à des patients conscients deleurs troubles et désireux d’entreprendre une rééducation.

La plupart des patients traumatisés crâniens vont devoir réapprendre àvivre différemment. Les changements de personnalité fréquemment observéschez les traumatisés crâniens peuvent être difficiles à accepter pour l’entouragefamilial. Des réadaptations permanentes vont en conséquence s’effectuer.

La prise en charge de sujets traumatisés crâniens ne doit donc négligeraucun des bouleversements de la sphère cognitive et psychologique rencontréschez ces patients et essayer d’améliorer au mieux la vie quotidienne de chacund’eux.

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La prise en charge de patients Alzheimer austade débutant : rôle d’un centre de jour

Stéphane Adam, Martial Van Der Linden

R é s u m éLe Centre de Jour semble être une structure particulièrement bien adaptée pour la prise encharge de patients Alzheimer à un stade débutant à modéré de la maladie. Il constitue unlieu dans lequel les activités de la vie quotidienne peuvent être explorées et les stratégiesd’optimisation installées avant leur utilisation à domicile. Dans ce contexte, nous décrivonsl’organisation générale du Centre de Jour créé récemment à l’hôpital universitaire de Liège.Nous présentons également le programme d’intervention que nous avons développé dans ceCentre dans le but de réduire l’apathie généralisée observée chez une patiente Alzheimerâgée de 70 ans (AM). Cette prise en charge a consisté à réinstaller une activité de loisir àdomicile (le tricot) en proposant plusieurs adaptations destinées à minimiser l’impact desdéficits cognitifs de AM sur cette activité de tricot. Tandis qu’une aggravation des déficitsmnésiques a été observée, l’intervention a significativement diminué l’apathie et l’humeurdépressive présentées par la patiente ainsi que la charge ressentie par le conjoint.Mots clés : Alzheimer, prise en charge, neuropsychologie, centre de jour.

Management of patients with Alzheimer’s disease in the initial stageof the illness : Role of a day-care center

AbstractDay-care centers appear to be particularly well-suited for the management of patients withmild to moderate Alzheimer’s disease. This type of facility provides a place where daily lifeactivities can be explored, and optimization strategies can be established before they areused at home. Withn this perspective, we describe the general organization of a recentlycreated day-care center at the University Hospital of Liège. We also present the therapeuticprogram which was implemented in this day-care center in order to reduce behaviors ofgeneralized apathy observed in a 70-year-old patient with Alzheimer’s disease (AM). Thisprogram involved restoring a leisure activity (knitting) at home by proposing several adapta-tions designed to minimize the impact of AM’s cognitive deficits on her knitting activity.While an aggravation of her memory deficits was observed, the therapeutic interventionsignificantly decreased AM’s apathy and depressive mood, and also alleviated the burdenexperienced by her husband.Key Wo r d s : Alzheimer’s disease, rehabilitation, neuropsychology, day-care center.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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Stéphane ADAM (1,2)

Martial VAN DER LINDEN (1,2,3)

1 Service de Neuropsychologie, Universitéde Liège

2 Unité de Neuropsychologie Cognitive,Université de Louvain

3 Unité de Psychopathologie Cognitive,Université de Genève

D iverses études épidémiologiques montrent que la prévalence de la mala-die d’Alzheimer est de l’ordre de 5% chez les personnes âgées de plusde 65 ans et qu’elle augmente considérablement avec l’âge. La maladie

toucherait ainsi, pour l’an 2000, 81 000 cas dans la population belge de plus de60 ans (Kurz & Dresse, 1996), et 765 000 cas en France (Katzman & Fox,1999). L’ensemble de ces données indique clairement l’ampleur du problèmesocial et économique que constitue cette maladie et combien il est essentiel dedévelopper des stratégies de prise en charge et d’accompagnement efficaces.

Et pourtant, jusqu’il y a peu, la possibilité d’appliquer des interve n t i o n sc og n i t ives chez des patients présentant une maladie d’Alzheimer au stade débu-tant était env i s agée avec beaucoup de scep t i c i s m e. En effet, la maladie d’Alzhei-mer a longtemps été considérée comme une atteinte touchant de manière diff u s eet homogène l’ensemble des fonctions cog n i t ives. Dans ce contexte théori q u e, lesi n t e rventions rééducat ives dans le domaine de la démence ont été dominées part rois ap p ro ches : la Reality Ori e n t ation Th e rapy (ROT ; Powe l l - P roctor & Miller,1982) qui vise à améliorer l’ori e n t ation spat i o - t e m p o relle et de rétablir desrep è res d’identité, par la présentation continue d’info rm ations d’ori e n t ation etpar l’utilisation d’aides ex t e rnes dive rses ; la Reminiscence Th e rapy (Th o rnton &B ro t ch i e, 1987) qui a pour but d’inciter les patients à récupérer des souve n i rsp e rsonnels anciens ; et la Th é rapie Comportementale (Ylieff, 1989 ; Burgio &B u rgio, 1986) qui vise à re n fo rc e r, maintenir ou diminuer la fréquence d’ap p a ri-tion de conduites en modifiant les re l ations existant entre ces conduites, les évé-nements antécédents et les événements conséquents. D’une manière généra l e, leslimites de ces ap p ro ches tiennent à l’absence de réfl exion théorique sur la nat u redes tro u bles que l’on souhaite rééduquer et l’absence d’indiv i d u a l i s ation des thé-rapies. En fait, elles se fondent sur le postulat implicite que les patients Alzhei-mer souff rent des mêmes déficits cognitifs et donc qu’ils répondraient de fa ç o né q u ivalente aux mêmes programmes rééducatifs (voir Van der Linden & Sero n ,1989, pour une discussion ap p ro fondie de ces questions).

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♦ Apports de la neuropsychologie cognitive

Capacités préservées

Les re ch e rches récentes en neuro p s y ch o l ogie cog n i t ive ont considérabl e-ment modifié la manière d’ab o rder les déficits manifestés par les patients Alz-heimer (Ve n n e ri, Tu rn bull, & Della Sala, 1996 ; Van der Linden, 1994). Il estainsi actuellement largement admis que cette maladie ne s’ex p rime pas néces-s a i rement par une détéri o ration globale affectant l’ensemble des fo n c t i o n sc og n i t ives mais que, au contra i re, certains aspects du fonctionnement cog n i t i fdes patients Alzheimer peuvent être sélectivement préservés. Ainsi, parexe m p l e, en dépit de déficits importants en mémoire épisodique, les pat i e n t sAlzheimer sont cap ables d’ap p re n d re normalement dive rses habiletés perc ep-t ivo - m o t rices (Heindel, Salmon, Shults, Wa l i cke, & Butters, 1989), ce quiindique un maintien de la mémoire pro c é d u ra l e. De plus, dans les stades débu-tants à modérés de la maladie, les patients Alzheimer peuvent manifester desp e r fo rmances normales à certaines épre u ves de mémoire implicite qui n’ex i-gent pas la récupération consciente de l’info rm ation ap p rise antéri e u re m e n t( voir Fleischman & Gab rieli, 1998), et notamment des épre u ves d’amorçagep e rc ep t i f. Ces données sugg è rent l’intégrité du système de rep r é s e n t ation per-c ep t ive. Dans une étude récente, Ikeda et al. (1998) ont observé que desp atients Alzheimer (même à un stade avancé de la maladie) restaient cap abl e sde se souvenir de manière re l at ivement précise d’un événement ch a rgé émo-tionnellement (le tre m blement de terre de Kobe au Japon) alors qu’ils épro u-vaient des difficultés mnésiques importantes concernant des événements plusn e u t res et plus récents.

Par ailleurs, plusieurs études de cas ont illustré le maintien de certainesaptitudes spécifiques dans des domaines où les patients avaient atteint un niveaud’expertise important avant l’entrée en démence (Beatty et al., 1994).

Hétérogénéité des déficits cognitifs

De nombreuses recherches ont également montré que tant la nature desprocessus déficitaires que l’évolution des troubles variaient considérablementd’un patient Alzheimer à l’autre. Cette hétérogénéité des troubles peut se mani-fester entre les grandes fonctions cognitives (comme par exemple entre les capa-cités langagières et visuo-spatiales, Martin, Brouwers, Lalonde, Cox, Teleska, &Fedio, 1986) mais également au sein même d’une fonction particulière. Ainsi,dans le domaine de la mémoire de travail, Bellev i l l e, Pe retz, et Malenfa n t(1996) ont mis en évidence que la plupart des patients Alzheimer présentaientdes déficits affectant l’administrateur central de la mémoire de travail tandis que

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seulement la moitié d’entre eux manifestaient des troubles au niveau de laboucle phonologique (voir également Collette, Van der Linden, Bechet, & Sal-mon, 1999).

Facteurs d’optimisation

Un apport important de la neuropsychologie cognitive dans le contexte dela maladie d’Alzheimer a également consisté en la mise en évidence de diffé-rents fa c t e u rs permettant une optimisation de la perfo rmance cog n i t ive despatients. Par exemple, il est possible de favoriser la performance en mémoireépisodique d’un patient Alzheimer en lui fournissant un support à la fois à l’en-codage et à la récupération (voir Herlitz, Adolfsson, Bäckman & Nilsson, 1991 ;Bäckman & Small, 1998 ; Bird & Lucz, 1993 ; Lipinska, Bäckman, Mäntylä, &Viitanen, 1994).

Diagnostic précoce

L’élaboration d’épreuves neuropsychologiques sensibles ont conduit à desavancées importantes dans le domaine du diagnostic précoce de la maladie (voirVan der Linden & Juillerat, 1999 ; Juillerat, Van der Linden, Seron, & Adam,2000). Même si l’hétérogénéité des déficits semble être une des caractéristiquesmajeures de la démence d’Alzheimer, différentes études ont montré la préva-lence de certains troubles cognitifs à un stade très précoce de la maladie, et enparticulier les troubles de la mémoire épisodique et des fonctions exécutives. Enoutre, il a été montré que l’évaluation de ces deux domaines du fonctionnementcognitif, ajoutée à des mesures globales (telles que le MMSE ; Folstein, Fol-stein, & McHugh, 1975) permettait d’améliorer de façon importante l’efficacitédu diagnostic précoce de la maladie. Ainsi, par exemple, plusieurs études indi-quent que les épreuves de mémoire épisodique qui fournissent plus de supportcognitif lors de l’encodage et de la récupération constituent de bons prédicteursde la maladie d’Alzheimer. Par exemple, Buschke, Sliwinski, Kuslansky, & Lip-ton (1997) ont montré que les mesures de rappel indicé, en particulier quand lesindices à la récupération sont identiques à ceux fournis à l’encodage (indicessémantiques), constituent une mesure relativement efficace pour dissocier lessujets normaux des patients avec maladie d’Alzheimer débutante. Une versionfrançaise de cette épreuve a été développée (Adam et al., 2000a). Celle-ci com-porte 48 items (répartis en 12 catégories sémantiques de 4 items) et se composeuniquement d’une phase d’encodage contrôlé et d’une phase de rappel indicé.Le nombre important d’items à mémoriser permet de limiter l’effet-plafondconstaté fréquemment dans la tâche de rappel libre/rappel indicé à 16 items(Coyette et al., 2000 ; inspirée de Grober & Buschke, 1987). De plus, les résul-

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tats préliminaires (Ivanoiu et al., 1999) semblent tout à fait encourageants etmontrent une sensibilité de 93% et une spécificité de 96%, ce qui suggère quecette tâche pourrait être d’un grand intérêt dans le diagnostic précoce de lamaladie d’Alzheimer.

Des études plus récentes (Fabrigoule et al., 1998 ; Salthouse & Becker,1998) ont en outre suggéré que les déficits précoces manifestés par les patientsAlzheimer seraient sous-tendus par un facteur général, à savoir une atteinte desprocessus contrôlés (exécutifs) de traitement de l’information, alors que les pro-cessus automatiques seraient relativement préservés. Cependant, ces proposi-tions d’une atteinte précoce des processus contrôlés ont été réalisées à partird’analyses a posteriori et sur base de performances à des tâches le plus souventmulti-déterminées. Néanmoins, deux études récentes (Collette et al., 1999 ;Adam, Van der Linden, & Juillerat, 1999) ont exploré cette hypothèse au moyende tâches spécifiquement construites pour intégrer cette distinction entre auto-matique et contrôlé : la tâche d’alpha span (Belleville et al., 1998) qui permetd’explorer la coordination de l’information, et une tâche de complètement demots (Adam et al. 1999a ; adaptée de Ste-Marie, Jennings, & Finlayson, 1996)basée sur un paradigme proposés par Jacoby (1991). Les résultats obtenus sem-blent confirmer l’intérêt de ces épreuves dans la perspective du diagnostic pré-coce de la maladie d’Alzheimer.

♦ Implications pour la prise en charge des patients AlzheimerOutre leur importance au plan théorique, ces données, et plus particulière-

ment la mise en évidence de capacités cognitives préservées et de facteurs d’op-timisation ainsi que les possibilités accrues de diagnostic précoce, ouvrent desperspectives nouvelles de prise en charge des difficultés cognitives quotidiennesmanifestées par les patients Alzheimer. En effet, il semble actuellement possibled’envisager une intervention cognitive précoce qui tienne compte à la fois del’extrême complexité du fonctionnement cognitif et du caractère hétérogène desdéficits (Van der Linden, 1995). Compte tenu du caractère évolutif de la maladied’Alzheimer, cette approche cognitive visera essentiellement à optimiser lesperformances du patient à chaque moment de son évolution, et ce en exploitantses capacités cognitives préservées ainsi que l’ensemble des facteurs suscep-tibles d’améliorer sa performance.

Par exe m p l e, la prise en ch a rge clinique des déficits mnésiques peutsuivre trois directions globales (pour une revue de question, voir Van der Lin-den, 1995 ; Camp & Foss, 1997 ; Juillerat et al., 2000). Une première consiste àfaciliter temporairement l’encodage et/ou la récupération d’une information entirant parti des facteurs d’optimisation relevés lors de l’évaluation cognitive

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(Bird & Luszcz, 1993). Il s’agira entre autres d’utiliser l’apport que constituepour le patient dément un encodage moteur, émotionnel, ou multimodal de l’in-formation, plutôt que de se contenter d’un simple encodage verbal.

Un deuxième axe potentiel de prise en charge des déficits mnésiques despatients Alzheimer consiste à leur apprendre de nouvelles connaissances ouhabiletés spécifiques dans le but de les rendre plus autonomes dans la vie quoti-dienne. Dans ce contexte, il s’agira donc d’une part de délimiter les connais-sances et habiletés qu’il est important pour le patient d’acquérir, d’autre part dedévelopper les techniques d’apprentissage (telles que la technique de récupéra-tion espacée, la technique d’estompage, ou la technique d’apprentissage sanserreurs) qui exploitent les capacités mnésiques préservées des patients (voirBird, Alexopoulos, & Adamowicz, 1995 ; Abrahams & Camp, 1993 ; Vanhalle,Van der Linden, Belleville, & Gilbert, 1998).

Enfin, un dernier objectif de la prise en charge chez les patients démentspourra être de confier une partie des fonctions déficitaires du patient à un sup-port physique ou à des aides externes telles que le carnet mémoire ou encore, àaménager son environnement physique afin de réduire l’impact des déficitsc ognitifs sur son fonctionnement quotidien (voir par exemple Camp, Fo s s ,O’Hanlon, & Stevens, 1996).

♦ L’évaluation préalable à la prise en charge

Evaluation neuropsychologique et écologique

Dans la perspective de prise en charge cognitive, l’objectif de l’évaluationn e u ro p s y ch o l ogique sera, au moyen d’épre u ves explicitement construites enfonction d’un modèle du fonctionnement cognitif normal, d’essayer d’identifierla ou les composantes déficitaires responsables du trouble et de mettre en évi-dence d’éventuelles capacités préservées ainsi que de possibles facteurs d’opti-misation.

Par ailleurs, l’objectif de la prise en charge n’est pas d’améliorer la per-formance du patient dans les tests cognitifs mais bien d’augmenter son autono-mie dans la vie quotidienne et ainsi, d’accroître sa qualité de vie et celle de safamille. Dans ce contexte, l’analyse cognitive ne pourra pas se limiter aux situa-tions de tests de laboratoire. Le neuropsychologue devra également identifier lesconséquences des troubles sur les activités de la vie quotidienne. Une approcheparticulièrement bien adaptée à ce type d’objectif consiste à évaluer le patientdans des situations proches des activités de la vie quotidienne (simulations d’ac-tivités) ou encore à l’observer directement dans la réalisation d’activités réelles(voir par exemple Skurla, Rogers, & Sunderland, 1988 ; Rusted, Ratner, &

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Sheppard, 1995). Ce type d’évaluation écologique et les analyses qui en décou-lent ne peuvent être réalisées sans maintenir un cadre interprétatif cognitif (voirpar exemple Juillerat, Peigneux, Van Hoecke, Lekeu, & Van der Linden, 1999,pour une analyse de la performance de patients Alzheimer dans des activités dela vie quotidienne, basée sur une approche de Schwartz & Buxbaum, 1997 ; voiraussi Feyereisen, Gendron, & Seron, 1999). En d’autres termes, une simple ana-lyse phénoménologique du déficit est insuffisante pour comprendre de queldésordre sous-jacent dépend le trouble. Dans cette perspective, le développe-ment d’une « neuropsychologie cognitive de la vie quotidienne » s’avère indis-pensable.

Evaluation comportementale

A côté de l’évaluation des déficits cognitifs dans la vie quotidienne, il estégalement important d’explorer les troubles de l’humeur et du comportementqui sont fréquemment observés chez les patients Alzheimer, même dans lesstades très débutants de la maladie (Pat t e rson & Bolge r, 1994). Ainsi parexemple, plusieurs études ont constaté la présence d’une dépression chez 15 àplus de 50% des patients Alzheimer (Lyketsos et al., 1997). Par ailleurs, Chen,Ganguli, Mulsant, et DeKosky (1999) ont mis en évidence que les symptômesdépressifs constituaient une manifestation précoce de la maladie d’Alzheimer.Ces auteurs ont également observé une relation entre la dépression et l’évalua-tion subjective du patient de ses propres difficultés mnésiques. Ces données sug-gèrent que la dépression dans les stades précoces de la maladie d’Alzheimerpourrait refléter une réaction psychologique des patients à la prise de consciencede leurs déficits fonctionnels et de leur perte d’autonomie dans les activités quo-tidiennes. Dans ce contexte, l’identification et la compréhension des change-ments comportementaux et de l’humeur chez les patients Alzheimer mais égale-ment la mise en place de thérapies adéquates (pharm a c o l ogi q u e s ,psychosociales, comportementales) sont essentielles et ce pour plusieurs raisons(Jacobs, Strauss, Patterson, & Mack, 1998). En particulier, les désordres del’humeur peuvent aggraver les difficultés cognitives ainsi que les habiletés fonc-tionnelles d’un patient. De plus, la présence de symptômes comportementaux etde l’humeur conduit à une augmentation du stress et de la charge des accompa-gnants (Coen, Swanwick, O’Boyle, & Coakley, 1997). Enfin, si certaines modi-fications de l’humeur (telles que la dépression et l’anxiété) sont la conséquence(même partielle) de la prise de conscience par le patient de la présence de défi-cits cognitifs, on peut émettre l’hypothèse que la mise en place d’une interven-tion visant à réduire l’impact de ces déficits aura également un effet positif surl’état d’humeur du patient.

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♦ Rôle du conjointLa prise en charge des troubles cognitifs, fonctionnels, et de l’humeur

dans la maladie d’Alzheimer implique la participation active d’un conjoint (oud’une personne proche). La contribution des proches consistera notamment àfavoriser l’utilisation par le patient des facteurs d’optimisation et des capacitésp r é s e rvées, à interagir avec lui dans des conditions favo rables, à éviter lerecours aux capacités déficitaires, à aménager son environnement de vie enfonction de ses troubles cognitifs ou encore à l’assister dans son utilisation desaides externes (Camp, 1989 ; Camp & McKitrick, 1992).

Par ailleurs, l’accompagnement au quotidien d’un patient Alzheimerconstitue une situation particulièrement stressante et il paraît essentiel de fournirun soutien psychologique au conjoint (Brodaty, McGilchrist, Harris, & Peters,1993 ; Mittelman, Ferris, Shulman, Steinberg, & Levin, 1996).

PRÉSENTATION DU CENTRE DE JOUR DE LIÈGE

De plus en plus de travaux montrent sans équivoque que des interventionscognitives, fonctionnelles, comportementales et psychosociales peuvent aiderles patients déments (et plus particulièrement les patients Alzheimer) à amélio-rer leurs problèmes dans la vie quotidienne, et plus globalement à augmenterleur qualité de vie ainsi que celle de leur famille (pour une revue, voir Camp &Foss, 1997 ; Beck, 1998 ; Juillerat et al., 2000). Cependant, ce type d’interven-tion nécessite des infrastructures adaptées à la fois pour l’évaluation et le déve-loppement d’un programme de prise en charge. De ce point de vue, le Centre deJour est une structure qui semble particulièrement bien convenir et dans laquelleun environnement proche des situations de la vie quotidienne peut être repro-duit, et les stratégies d’optimisation peuvent être mises en place. C’est ainsiqu’un Centre de Jour pluridisciplinaire, pour la prise en charge de patients Alz-heimer au stade débutant à modéré de la maladie, a été créé au Centre Hospita-lier Universitaire de Liège sur l’initiative conjointe des départements de Neuro-psychologie et de Neurologie.

♦ Description générale du CentreLe Centre est localisée dans la ville, à l’intérieur d’un building. Il occupe

un étage entier comprenant un secrétariat, trois bureaux de consultation, unegrande salle de séjour, deux salles d’ergothérapie, une cuisine équipée, et unlocal destiné à des évaluations cognitives. L’équipe est composée d’un neuro-psychiatre, de trois neuropsychologues, de deux ergothérapeutes, d’une secré-taire et d’une assistante sociale. Des étudiants stagiaires en neuropsychologie et

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ergothérapie prennent également part au programme de prise en charge. LeCentre fonctionne actuellement à mi-temps et peut accueillir un maximum dedouze patients par demi journée (pour une description détaillée du Centre, voirQuittre et al., 1998).

♦ Objectifs de l’intervention en Centre de Jour

Un premier objectif du Centre de Jour est d’optimiser la réalisation desactivités quotidiennes du patient et par conséquent, d’augmenter son autonomie,de prolonger une insertion de qualité dans le milieu socio-familial et de retarderl’institutionnalisation.

Un autre objectif du Centre de Jour est de créer un lieu de rencontre où, àtravers diverses activités de groupe et de loisirs, le patient puisse rompre sonisolement et prendre du plaisir à fréquenter le Centre et à y rencontrer d’autrespersonnes. En effet, les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer réduisentsouvent, de façon considérable, leurs activités sociales soit parce que la prise deconscience de difficultés croissantes les amène à éviter toutes les « situations àrisque », soit encore parce qu’ils (ou leur conjoint) redoutent de voir se produireà nouveau certains incidents embarrassants. Ces activités de loisirs constituentégalement des situations privilégiées permettant de mettre en évidence certainesdifficultés chez le patient, mais aussi des compétences jusque-là insoupçonnées.De plus, elles permettent de réapprendre aux patients une série de connaissancespouvant s’avérer utiles dans la vie quotidienne.

Enfin, le Centre de Jour a aussi pour objectif de fournir à la personneproche un soutien psychologique ainsi que des informations et des conseils desorte qu’elle puisse mieux interagir avec le patient et mieux gérer les déficitsqu’il présente. Une assistante sociale est également disponible pour fournir unsoutien administratif et social au proche pour toutes les démarches destinées àobtenir des aides financières, des services à domicile et des facilités de trans-p o rt. Par ailleurs, en accueillant le patient deux à trois demi-journées parsemaine, le Centre de Jour contribue de façon non négligeable à soulager leconjoint de la tâche difficile que constitue l’accompagnement au quotidien d’unpatient Alzheimer. Ce soutien fourni au conjoint pourrait contribuer à différerl’institutionnalisation du patient (Lawton, Brody, & Saperstein, 1991 ; Flint,1995).

♦ Prise en charge pour quels patients ?Tous les patients pris en charge au Centre de Jour ont préalablement été

examinés et ont reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer à la Clinique de la

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Mémoire située au Centre Hospitalier Universitaire de Liège. Seuls les patientsse trouvant à un stade débutant de la maladie (c’est-à-dire ceux chez qui descapacités préservées et des facteurs d’optimisation seront le plus aisément iden-tifiables et exploitables) sont orientés vers le Centre de Jour. Par ailleurs, la per-sonne doit toujours vivre à domicile et doit se montrer favorable à la perspectivede venir au Centre, soit parce qu’elle en perçoit elle-même l’utilité, soit parcequ’elle est simplement attirée par l’idée d’y re n c o n t rer d’autres pers o n n e s .Enfin, une personne proche accompagnante (conjoint, enfant ou autre) doit êtredisponible à certains moments de la prise en charge. Il est également essentielque le patient et son accompagnant acceptent le diagnostic de « maladie d’Alz-heimer probable ou possible » afin qu’ils comprennent l’importance d’un pro-gramme de prise en charge.

♦ Evaluation initiale et suivi au Centre de Jour

Le travail neuropsychologique et ergothérapeutique visant à améliorer lefonctionnement au quotidien du patient commence par une évaluation extrême-ment détaillée de ses capacités cognitives et fonctionnelles atteintes et de cellesqui sont préservées. Cette évaluation s’effectue à partir des résultats aux testsneuropsychologiques, de l’observation directe du patient dans des activités quo-tidiennes, mais aussi du témoignage recueilli auprès des personnes proches. Uneautre stratégie d’évaluation consiste à mettre en place des situations de simula-tion où l’on demande au patient de produire des conduites proches des activitésquotidiennes. Ces situations seront filmées afin de permettre une analyse ulté-rieure détaillée. Enfin, d’autres outils permettant l’exploration spécifique descapacités préservées sont utilisés. C’est le cas notamment d’un questionnairequi évalue systématiquement les différentes activités (scolaires, de loisirs ouprofessionnelles) dans lesquelles le patient est susceptible d’avoir développé uncertain niveau d’expertise.

Une fois que l’équipe a obtenu suffisamment d’informations sur les capa-cités qui semblent préservées et sur celles qui sont atteintes, un objectif fonc-tionnel de prise en charge est proposé sur la base d’un contrat de trois mois(renouvelable) et une stratégie d’intervention est élaborée. Toute prise en charges’accompagne d’une évaluation de l’efficacité de l’intervention proposée et ceau moyen de lignes de bases adaptées au caractère évolutif des déficits, ainsique de questionnaires ou échelles d’évaluation proposés à l’accompagnant. Cer-taines échelles permettent également d’évaluer l’impact de l’intervention sur lacharge psychologique que représente l’accompagnement du patient pour l’en-tourage.

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ILLUSTRATION DE LA PRISE EN CHARGE EN CENTRE DE JOUR

La patiente AM était âgée de 70 ans lorsqu’elle a consulté la Clinique dela Mémoire en février 1998, accompagnée de son mari âgé de 78 ans. Lors del’entretien clinique, la patiente et son mari mentionnent essentiellement des dif-ficultés de mémoire (surtout pour les informations récentes), d’orientation tem-porelle et spatiale (dans les endroits non-familiers), une importante perte d’ini-tiative et une humeur dépressive (problèmes apparus un an plus tôt).

Un CT scan se révélait sans particularité et une tomographie à émissionde positons montrait une légère diminution du métabolisme dans les régionsfrontales et temporales gauches. AM obtenait un score de 25/30 au Mini MentalState Examination (MMSE ; Folstein et al., 1975) et de 125/144 à l’échelle dedémence de Mattis (DRS ; Mattis, 1973).

Une batterie de tests neuropsychologiques incluant des tâches sensiblespour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer a été administrée à lapatiente. La patiente présentait un langage fluent, et une absence de manque dumot. La lecture et l’écriture étaient sans particularité. Il n’y avait pas de signesd’agnosie ou d’apraxie. De plus sa mémoire à court terme était normale. AMprésentait également des performances normales à plusieurs tâches attention-nelles (Trail Making Test ; Reitan & Wolfson, 1995, et le « Gottschald’s hiddenfigures test » ; Gottschald, 1929) de même qu’aux tâches de fluence phoné-mique et sémantique.

Par contre, un déficit sévère en mémoire épisodique a été constaté au testde rappel libre/rappel indicé (Coyette et al., à paraître ; adaptation française dela procédure de Grober & Buschke, 1987) où la patiente obtenait des scores trèsinférieurs aux normes en rappel libre. En outre, la performance restait déficitairemalgré l’indiçage sémantique. Des difficultés affectant l’administrateur centralde la mémoire de travail (et plus particulièrement la gestion de tâches doubles)ont également été mises en évidence à l’épreuve d’Alpha Span (Belleville, Rou-leau, & Caza, 1998). De plus, à la tâche de Stroop (Stroop, 1935), la patienteproduisait un nombre important d’erreurs dans la condition interférente suggé-rant la présence d’un déficit d’inhibition. Enfin, quelques difficultés de planifi-cation ont été constatées dans la copie de la figure complexe de Rey.

Compte tenu de l’histoire clinique de la patiente et de l’examen neuropsy-chologique, un diagnostic de maladie d’Alzheimer probable a été posé. Des trai-tements pharmacologiques (cholinergique et par antidépresseur) ont été instau-rés sans succès et ces deux traitements ont été interrompus avant l’arrivée de lapatiente au Centre de Jour.

Suite à ce diagnostic, la possibilité d’une prise en charge dans le Centrede Jour de Liège a été discutée avec la patiente et son mari. L’un et l’autre ont

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accepté de prendre part au programme du Centre (voir Adam, Van der Linden,Andrès, Quittre, Olivier, & Salmon, 1999 ; Adam, Van der Linden, Juillerat, &Salmon, 2000, pour une présentation plus détaillée de cette prise en charge).

♦ Evaluation à l’entrée au Centre de Jour

A l’entrée au Centre de Jour, une relative concordance entre les plaintesformulées par la patiente et son conjoint a été constatée. Ces plaintes concer-naient essentiellement la mémoire épisodique, une perte généralisée d’initiativeainsi qu’un état dépressif. Ces trois plaintes étaient également retrouvées dansles réponses à une échelle faisant l’inventaire des problèmes de comportementset de mémoire (traduite du « Revised Memory and Behavior Checklist » ; Teri,Truax, Logdson, Uomoto, Zarit, & Vitaliano, 1992), et dans laquelle le conjointdoit estimer la fréquence d’apparition de certains déficits ainsi que la chargeémotionnelle que constitue pour lui la présence de ces troubles.

Par ailleurs, les réponses au « Neuropsychiatric Inventory » (NPI : Cum-mings, Mega, Gray, Rosenberg-Thompson, Carusi, & Gornbein, 1994 ; uneéchelle évaluant la fréquence, la gravité et la charge émotionnelle ressentie parle conjoint par rapport à dix troubles comportementaux fréquemment observéschez les patients déments) montrent que quatre troubles ressortent significative-ment, à savoir et en ordre décroissant d’importance : la dépression, l’apathie etl’indifférence, les difficultés de sommeil, et la perte d’appétit. Une échelle dedépression de Sheikh et Yesavage (1986 ; version abrégée) administrée à lapatiente et à son conjoint montre que la patiente présente une dépression légère(scores de 6/15 pour les deux évaluations, supérieurs au score limite de 5/15).Une échelle destinée spécifiquement à évaluer la charge que constitue pour leconjoint l’accompagnement au quotidien de la personne atteinte de la maladied’Alzheimer (Zarit, Reever, & Bach Peterson, 1980) a également été adminis-trée. Le score obtenu est de 25/88, ce qui correspond à la présence d’un fardeauléger à modéré. De plus, deux échelles (Teunisse & Derix, 1991 ; Gélinas, Gau-thier, McIntyre, & Gauthier, 1998) évaluant l’autonomie de la patiente dans desactivités de base de la vie quotidienne (hygiène, incontinence, alimentation,etc.) ne mettent en évidence aucun déficit dans ce domaine.

E n fin, une ex p l o ration détaillée des loisirs et des activités pratiquées auc o u rs de son existence a mis en évidence deux activités pour lesquelles lap atiente a acquis un certain degré d’ex p e rtise et qu’elle a encore prat i q u é e sdans une période récente : la musique (elle jouait de l’accordéon et de l’org u ed’église) et le tricot. Cependant, AM avait complètement arrêté ces deux typesd ’ a c t ivités depuis un an en justifiant un manque d’intérêt et une gra n d efat i g u e.

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♦ Contrat de prise en charge

L’évaluation des capacités cognitives et fonctionnelles a clairement misen évidence la présence de deux déficits majeurs chez la patiente : une apathieavec humeur dépressive ainsi que des troubles mnésiques (avec notamment unquestionnement répétitif et des oublis de rendez-vous). Dans ce contexte, unpremier contrat de prise en charge de trois mois a été proposé à la patiente à rai-son de deux demi-journées par semaine. Il visait : 1. à diminuer l’impact desdéficits mnésiques via l’installation d’un « carnet-mémoire » ; 2. à réduirel’apathie en réinstallant une activité de loisir (le tricot) à domicile. Seule la priseen charge concernant ce deuxième objectif sera détaillée ici.

Le programme de prise en charge des déficits mnésiques consistait àencourager la patiente à utiliser un agenda simplifié dans lequel elle devait noterses rendez-vous et choses à faire. Cet entraînement a été réalisé au centre dejour par le biais de jeux de rôle. De plus, le mari de AM a été entraîné à induirela consultation de l’agenda par la patiente à domicile (voir Adam, et al., 1999b).

♦ Prise en charge de l’apathie

Dans un premier temps, une évaluation des connaissances sémantiques etprocédurales de la patiente concernant l’activité de tricot a été réalisée. Un ques-tionnaire portant sur dix gestes techniques associés au tricot a mis en évidenceque la patiente était capable d’expliquer verbalement et en détail chacun desgestes. Par ailleurs, la réalisation effective de ces gestes ne lui a posé aucun pro-blème et elle n’a manifesté aucun déficit dans la manipulation des aiguilles à tri-coter. Consécutivement à cette première évaluation, une tâche capable de susci-ter un niveau élevé de motivation chez la patiente devait être trouvée : lapatiente a proposé de réaliser un gilet pour son arrière-petite-fille de 2 ans.

L’étape suivante dans cette prise en charge a consisté à identifier les diffi-cultés éventuelles présentées par la patiente dans l’activité de tricot dans le butde proposer des aménagements destinés à diminuer l’impact de ces déficits et àrendre la patiente plus autonome. Etant donné l’état dépressif de la patiente et sasensibilité face aux situations d’échec, des aides lui ont été fournies dès l’appa-rition d’une erreur et ont progre s s ivement été estompées. Dans un pre m i e rtemps, l’activité de tricot a été réalisée exclusivement au Centre. La patiente aété incitée à reprendre son tricot à domicile lorsqu’elle a atteint un critère deréussite fixé par les thérapeutes (une demi-heure de tricot réalisé par la patientesans erreur, et sans aide). Cette mesure a été appliquée afin d’éviter que lapatiente ne se trouve en situation d’échec à domicile sans possibilité d’aide, cequi aurait pu la conduire à abandonner l’activité.

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Une première observation (filmée) de l’activité de tricot dans des condi-tions normales de réalisation a mis en évidence d’importantes difficultés rendanttout à fait impossible l’avancement dans le travail. En fait, trop d’informationsinterférentes étaient présentes sur le modèle et AM avait des difficultés à inhibercette information non pertinente. De plus, la patiente présentait des difficultés àmaintenir en mémoire de travail l’information pertinente lorsqu’elle devait por-ter son regard du modèle au tricot (voir ses problèmes de mémoire de travail).

En conséquence, un premier aménagement du plan du tricot a été réalisépour minimiser l’impact de ces déficits : l’information non pertinente a été sup-primée et le modèle de départ a été sensiblement agrandi.

A ce niveau, la patiente éprouvait alors des difficultés importantes à pla-nifier mentalement la succession de « diagrammes » pour se guider dans son tri-cot. Le diagramme représente le modèle contenant le motif en deux coloris (noiret blanc) du gilet, et à l’aide duquel tout le tricot doit être réalisé.

Par exe m p l e, une longueur du dos réside dans la succession de ladeuxième moitié du diagramme, suivi de deux diagrammes entiers. Cette opéra-tion implique une planification mentale importante et de bonnes capacités derésolution de problèmes, car il faut pouvoir calculer le nombre de mailles à tri-coter en fonction de cette succession de diagrammes. Compte tenu des difficul-tés de mémoire de travail et de planification, une deuxième adaptation a consistéà planifier la succession de diagrammes à la place de la patiente. Plus concrète-ment, le diagramme a été reproduit, découpé et collé en fonction des besoins dechaque partie du tricot. La patiente ne devait donc plus planifier la tâche menta-lement mais disposait de toutes les informations visuellement.

Suite à cette adap t ation, les pre m i è res observations ont pu être réalisées parrap p o rt à la réalisation concrète du tricot. En effet, jusqu’alors, la patiente ne pou-vait utiliser le plan et ne tricotait donc pratiquement pas. Les pro blèmes de planifi-c ation ont été résolus mais sont ap p a rues alors des difficultés liées à la réalisat i o ndu tricot en tant que tel. Ainsi, la patiente avait tendance à confo n d re les lignes dud i agra m m e, et à sauter d’une ligne à l’autre (elle se plaignait de pro bl è m e svisuels, et un examen ophtalmologique avait effe c t ivement mis en évidence und é but de cat a racte). Une adap t ation simple pour pallier ce déficit a consisté àagrandir encore le diagra m m e, mais surtout à intro d u i re un espace entre les lignes.

Par ailleurs, dans la réalisation de ce tricot, la patiente devait gérer troistâches simultanément ou en alternance. En effet, elle devait compter et mainte-nir en mémoire le nombre de mailles à faire, et ensuite tricoter celles-ci tout enmémorisant l’emplacement sur le diagramme pour pouvoir poursuivre sa tâche.Or, comme nous avons vu dans l’examen neuropsychologique, la patiente pré-sentait un déficit dans la mémoire de travail, et plus particulièrement dans la

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gestion de tâches doubles. Ce déficit se manifestait effectivement dans la réali-sation du tricot (oublis du nombre de mailles à tricoter entre la consultation dudiagramme et leur production, oublis de l’emplacement du travail en cours surle diagramme, erreurs de comptage des mailles). Une proposition d’aménage-ment a donc consisté à alléger au maximum (voire à supprimer) chaque sous-tâche pour diminuer leur impact sur les ressources de traitement de l’administra-teur central de la mémoire de travail. Dans ce but, la patiente a été incitée àbarrer les mailles réalisées au fur et à mesure de son avancement dans le dia-gramme. Cette aide supprimait ainsi la tâche de mémorisation de l’emplace-ment. De plus, des chiffres ont été insérés dans le diagramme chaque fois que lenombre de mailles d’une couleur dépassait deux. Ainsi, la patiente ne devaitplus compter mais simplement regarder le chiffre dans un bloc de mailles.

L’autonomie de la patiente a augmenté de façon significative suite à cesderniers aménagements. Elle commettait moins d’erreurs et sollicitait moins desoutien. A ce niveau, la patiente devait trouver et corriger elle-même ses erreurs.Rapidement, elle a atteint le critère de réussite lui permettant de passer à laphase de tricot à domicile (elle a en effet tricoté une demi-heure en ne faisantqu’une erreur auto-corrigée). Par la suite, la prise en charge s’est limitée àcontrôler ponctuellement le travail de la patiente afin d’identifier la présenced’éventuels nouveaux déficits, et de l’inciter à réaliser son tricot à domicile.

Deux évaluations post-thérapeutiques ont par ailleurs été réalisées. Cha-cune consistait à observer la patiente dans l’activité de tricot, durant une demi-heure et en relevant le nombre d’erreurs et de mailles produites (sans interven-tion du rééducateur). Dans la pre m i è re condition, la patiente bénéficiait del’aide maximum, c’est-à-dire de la troisième adaptation du diagramme. Parcontre, dans la deuxième évaluation, la patiente était replacée en conditiond’aide minimale : elle disposait de la seconde adaptation du diagramme danslaquelle la charge sur les ressources de traitement de l’administrateur central dela mémoire de travail n’était pas allégée.

Cette évaluation permettait de vérifier que l’amélioration de la perfor-mance de AM était bien la conséquence des aménagements spécifiques quiavaient été proposés pour compenser les déficits. Les résultats mettent en évi-dence une diminution substantielle du rendement de la patiente en situationd’aide minimale. En outre, le tricot réalisé dans la condition d’aide minimaleétait inexploitable car le nombre d’erreurs produites par la patiente et non corri-gées était trop important.

Enfin, nous avons également calculé le nombre d’heures consacrées parAM au tricot à domicile. Une première tentative de réimplantation de l’activité

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de tricot à domicile avait été faite la deuxième semaine. La patiente avait tricoté45 minutes mais avait très vite abandonné l’activité car elle a pris conscience dela présence d’erreurs qu’elle n’avait pas pu corriger. Par contre, une fois que ladernière adaptation du diagramme a été apportée, la patiente s’est montrée rela-tivement autonome et la phase de transfert à domicile a dès lors été entamée.Lors de la cinquième semaine, elle a tricoté 18 heures (soit environ 2h30 parjour). Entre les semaines 5 et 13, l’activité de tricot a plus ou moins occupé 90heures, c’est-à-dire environ 1h20’ par jour (alors qu’avant la prise en charge,cette activité avait totalement disparu depuis un an).

♦ Evaluation après trois mois de prise en charge

Un bilan général a été réalisé après trois mois de prise en charge, c’est-à-dire à la fin du premier contrat. Sur le plan du fonctionnement cognitif global, lescore au Mini Mental State Examination est resté stable par rapport à l’entrée dela patiente au Centre (25/30). Par contre, on constate une chute de huit points àl’Echelle de Mattis (essentiellement dans la partie « mémoire » : la patientepasse d’un score de 7/7 à 0/7 au subtest de rappel).

En ce qui concerne l’inventaire des problèmes de comportements et dem é m o i re (Revised Memory and Behavior Checklist ; Te ri et al., 1992), leconjoint identifie moins de déficits que lors de l’évaluation initiale. De plus,même si la charge ressentie par le conjoint est équivalente entre les deux évalua-tions, elle est globalement plus faible puisqu’elle porte sur un nombre moinsimportant de comportements. L’amélioration constatée se manifeste essentielle-ment au niveau des items concernant l’apathie et la dépression. Par contre, ladimension mnésique des déficits ressort de façon équivalente entre les deux éva-luations. En outre, au « Neuropsychiatric Inventory » (Cummings et al., 1994),on constate une disparition totale des quatre troubles mis en évidence à l’entrée(dépression, apathie, difficultés de sommeil, et perte d’appétit). Par contre, unetrès légère anxiété est relevée alors qu’elle n’était pas présente en début de priseen charge. Cette disparition générale de l’apathie et de la dépression est confir-mée par l’échelle de dépression gériatrique de Sheikh et Yesavage (1986). Al’échelle de Zarit et al. (1980), on observe également une disparition du fardeaupour l’époux.

En résumé, alors qu’une aggravation des déficits mnésiques de la patienteest mise en évidence depuis le début de la prise en charge (sans que cette aggra-vation ne soit ressentie par le conjoint), on constate une réduction très significa-tive des plaintes concernant l’apathie et la dépression ainsi que du fardeau queconstituait ces troubles pour le conjoint.

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Le bénéfice de la prise en charge au niveau de l’apathie ne s’est pas uni-quement limité à l’activité de tricot mais s’est généralisé à l’ensemble des acti-vités de la vie quotidienne : la patiente a pris plus d’initiatives et est devenueplus active notamment au niveau des activités ménagères. Ces progrès se sontégalement manifestés au sein du Centre de Jour : la patiente a montré une plusgrande participation aux conversations et a spontanément collaboré à certainest â ches quotidiennes effectuées dans le Centre. Au plan comportemental, lapatiente était également plus souriante, moins fatigable, et par ailleurs, elle neverbalisait plus de sentiments de solitude ou de lassitude.

Sur le plan des fonctions mnésiques, la patiente a commencé à utiliser defaçon régulière son agenda et selon le conjoint, s’est montrée plus organiséedans ses activités à domicile. Elle a également adopté de façon relativementspontanée des stratégies et des aides externes proposées (mais non entraînées)au Centre afin de minimiser l’impact de ses difficultés de mémoire (commeexemple placer un tableau sur le frigo afin d’y noter les produits à acheter).

Après les trois premiers mois de prise en charge, un nouveau contratd’une durée équivalente a été établi : il visait à renforcer l’intervention sur lesdéficits mnésiques par le biais du carnet mémoire, et à continuer le travail surl ’ ap athie mais en orientant celui-ci sur l’activité musicale dans laquelle lapatiente avait également développé un certain niveau d’expertise. Cependant, aucours du premier mois de ce nouveau contrat, la patiente est décédée inopiné-ment d’un infarctus du myocarde.

Globalement, l’intervention proposée au Centre de Jour a permis unemeilleure intégration de la patiente dans son milieu familial et social. Cela acontribué à une meilleure qualité de vie (tant chez la patiente que chez leconjoint). Par ailleurs, cette intervention aura permis à la famille de garder uneimage positive et digne de la patiente.

♦ Conclusions

De plus en plus de données indiquent que des améliorations significativespeuvent être induites dans les activités de la vie quotidienne, amenant par là unequalité de vie supérieure et la possibilité d’un maintien à domicile prolongé.(Camp & Foss, 1997 ; Beck, 1998 ; Juillerat et al., 2000) Compte tenu du carac-tère évolutif de la maladie d’Alzheimer, il s’agit d’être efficace le plus rapide-ment possible et c’est pourquoi l’évaluation doit être centrée autant que possiblesur les situations de la vie quotidienne dans le but de déterminer des objectifs(limités) de prise en charge visant à une meilleure autonomie. Il ne s’agit évi-demment pas de faire l’impasse sur une analyse cognitive des troubles mais plu-

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tôt, dans une perspective de neuropsychologie cognitive de la vie quotidienne,d’essayer de comprendre la nature des déficits impliqués dans les perturbationsaffectant les activités de la vie réelle.

Le programme d’évaluation et de prise en charge que nous avons déve-loppé dans le but de minimiser l’impact des déficits cognitifs de la patiente AMconstitue une illustration de ce type d’approche. Cette intervention centrée sur lavie quotidienne implique la mise en place de structures adaptées. Le Centre deJour reproduisant différents lieux de vie (cuisine, atelier, potager, etc.) et installéau sein des communautés locales nous semble constituer une voie intéressante.Il peut servir de base à l’installation des stratégies d’optimisation et permet d’al-léger la charge que représente pour les proches l’accompagnement d’un patientAlzheimer au quotidien.

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L’aide administrative, sociale et financière dupatient ayant une maladie d’Alzheimer.Comment soutenir sa famille ?

M.D. Lussier, I. Migeon-Duballet, J.Y. Poupet

R é s u m éLes troubles de la mémoire, du raisonnement et du jugement associés aux troubles de l’hu-meur et du comportement sont dans la maladie d’Alzheimer une source d’angoisse et dedésarroi pour les proches comme pour les soignants. Nous nous proposons de lister les aides financières, juridiques et sociales qu’il est possiblede mettre en oeuvre à différentes étapes de la maladie. Elles doivent être aménagées enfonction de l’histoire du patient et de son évolution. Elles ont aussi comme objectif de réflé-chir aux situations à risque afin des les prévenir et/ou de les solutionner.

Mots clés : maladie d’Alzheimer, aide juridique - financière - sociale, équipe pluridiscipli-naire.

Legal, social and financial aid to patients with Alzheimer’s disease :providing support to the family

AbstractAlzheimer’s disease is characterized by impairment in memory, reasoning and jugmentcapacities which, associated with mood and behavioral disorders, create a great deal ofanxiety and distress in both family members and health care professionals.We intend to review those various financial, legal and social aid resources which can bedrawn upon at different stages of the disease. Their implementation must take into accountthe patient’s history and the progression of the disease. Using these available resources alsostimulates increased awareness of those risk situations to be solved and/or prevented.

Key Wo r d s : Alzheimer’s disease, legal aid, financial help, social support, multidisciplinaryteam.

Rééducation Orthophonique - N° 201 - Mars 2000

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M.D. LUSSIER,I. MIGEON-DUBALLET,J.Y. POUPETService de GériatrieCHU de Poitiers86021 Poitiers Cedex

L a qualité de la vie d’un patient porteur d’une maladie d’Alzheimerdépendra des possibilités de soutien qui se déploieront à son égard au furet à mesure des besoins. Ce soutien s’adresse au patient et à son entou-

rage. Seul l’accompagnement correct de l’entourage permettra de maintenirdans son domicile habituel un patient dément.

Cet accompagnement associe la prise en charge psychologique et médi-cale, des aides financières et administratives dont la personne peut bénéficier.

La difficulté de mise en oeuvre de ces aides se situe à 2 niveaux :➯ méconnaissance des aides,➯ choix de la période de mise en place de ces aides sans heurter l’auto-nomie du patient.

Ces aides ne sont que des moyens et n’empêcheront donc pas l’évolutionde la maladie. Elles ne doivent donc pas non plus être considérées comme per-mettant systématiquement le maintien à domicile jusqu’au bout.

Une équipe pluridisciplinaire doit toujours soutenir les familles qui doi-vent parfois faire le constat que malgré toutes les ressources qu’elles ont pudévelopper, le maintien à domicile devient quand même insupportable.

L’évaluation de la dépendance est souvent difficile car le maintien d’unebonne présentation physique et une capacité locomotrice correcte induisent ene rreur ceux qui n’ont pas l’habitude de ces pat h o l ogies (les familles elles-mêmes).

Il y a donc une sous-estimation des mesures à mettre en place. La diffi-culté supplémentaire est de faire face à toutes les initiatives dangereuses prisespar le patient (laisser déborder l’eau, jeter le courrier ...). Il est donc nécessairedans l’évaluation de la dépendance de ne pas sous-estimer la prise de risqueimprévu.

Nous réfléchirons à 3 éléments importants : l’organisation à domicile, lesaides financières directes et les aides juridiques.

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♦ Organisation à domicileElle comporte 3 volets :

♦ les actes de la vie courante,♦ les soins techniques,♦ l’état de l’environnement architectural et géographique (évaluation des

risques potentiels).

☞ Au début de la maladie, les soins techniques sont souvent faibles (saufs’il y a une pathologie associée comme un diabète insulino dépendant nécessi-tant un suivi infirmier). Si l’entourage familial ne fait pas défaut, il suffit engénéral à assurer la fonction de surveillance et de stimulation nécessaire aupatient pour les actes de la vie courante (toilette, habillage, repas). C’est à cettepériode que les aménagements du domicile doivent être évalués et mis en place.En effet, le patient est encore suffisamment bien pour s’adapter à des modifica-tions de son lieu de vie habituelle (réaménagement de salle de bain, réaménage-ment d’une chambre à coucher, modification d’un escalier, installation de barred ’ appui). Ces aménagements peuvent et doivent être discutés auprès d’uneéquipe médicale ayant l’habitude de la maladie et qui comporte en son seinkinésithérapeute et ergothérapeute. Ces derniers ont des compétences qui leurpermettent de faire des bilans à l’intérieur d’un domicile et de proposer desréaménagements en fonction du patient qu’ils connaissent. C’est souvent dans lecadre d’une prise en charge en hôpital de jour que l’avis d’un ergothérapeutepeut être demandé.

Des aides financières peuvent être obtenues si le réaménagement com-porte des travaux importants et si les ressources sont modestes. Il existe descentres d’amélioration de transformation de l’habitat qui peuvent faire cetteprise en charge (Cf. Annexe).

☞ Avec l’évolution de la maladie, des aides graduellement croissantesdoivent être mises en place. Dans les actes de la vie courante, ces aides vont dela présence d’aide-ménagère pour les tâches domestiques, jusqu’aux auxiliairesde vie ou aides-soignantes pour les aides à la personne. Les soins d’hygiènelourds et les soins techniques étant assurés par des infirmiers.

L’obtention de ces aides se fait en fonction :

- du niveau de ressources,- du niveau de dépendance mesurée par la grille AGGIR,- de l’âge si le patient à - de 60 ans, du lieu de vie (urbain ou rural).

L’accès au service des aides-ménag è res se fait auprès des serv i c e ssociaux des mairies.

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L’accès aux prestations d’aides soignantes se fait en ville auprès des ser-vices de soins à domicile, en milieu rural auprès des fédérations d’aide-ména-gère dite ADMR.

L’accès aux soins infirmiers se fait soit directement auprès d’une infir-mière libérale sur prescription médicale, soit auprès des services de soins àdomicile de la ville qui peuvent assurer la double prestation aide-soignante /infirmière en fonction des besoins du patient.

Les soins infirmiers sont toujours pris en charge à 100% par la SécuritéSociale.

☞ En ce qui concerne les aides non directement liées aux soins à la per-sonne, elles sont toutes à la charge financière des familles (portage des repas,téléalarme, garde-malade à domicile, travaux de dépannage) - (Cf. annexe).

♦ Les aides financières

Pour les soins techniques

Tous les patients porteurs d’une maladie d’Alzheimer peuvent bénéficierd’une prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale dans le cadre de l’ALD(maladie de longue durée). Une partie du matériel médical peut aussi être priseen charge (Cf. Annexe).

Pour la dépendance

Si les patients ont plus de 60 ans, une demande de prestation spécifiquedépendance (PSD) doit être faite. Elle évaluera la dépendance de la personne enutilisant la grille AGGIR, et en fonction des ressources, une somme d’argentsera allouée pour payer une tierce personne (le niveau alloué varie avec chaquedépartement, entraîne un recours sur succession). Les dossiers sont à demanderen mairie. Elle continuera à être versée en institution.

Si la personne a moins de 60 ans, une demande d’allocation compensa-trice tierce personne doit être faite auprès de la COTOREP (les assistantessociales des mairies ou des hôpitaux fournissent en général l’ensemble desdocuments).

Les emplois de garde malade peuvent donner lieu à des réductions d’im-pôts ; il est plus pratique alors d’utiliser la formule chèque emploi service pourle règlement ou de passer un contrat avec une association de garde-malade.

Les autres situations

En fonction des ressources, une allocation logement peut être demandée.Elle sera versée aussi ultérieurement si le patient entre en institution.

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Lorsque le patient devra quitter son domicile, si ses ressources sont insuf-fisantes, la famille peut aussi demander à bénéficier de l’aide sociale du départe-ment. Une somme d’argent sera alors allouée pour participer au paiement duprix de l’hébergement dans l’institution. Cette prestation aide sociale est établieen fonction des ressources du patient et de celles de ses enfants. Elle entraîneraun recours sur succession si le patient en bénéficie. Les enfants sont alors obli-gés alimentaires.

♦ Les aides juridiquesL’évolution de la maladie va rendre le patient de plus en plus vulnérable

avec des troubles du jugement et une inaptitude à gérer ses ressources person-nelles.

Le coût de la maladie peut aussi mettre en difficulté fi n a n c i è re unefamille, et des décisions graves comme la vente d’un bien immobilier peuventêtre nécessaires.

☞ Il est donc indispensable de penser suffisamment précocement à laprotection juridique dont peut bénéficier le patient. Cette mesure qui est à la foisune aide et une contrainte, ne pourra être prise que lorsque la famille aura reçuauprès d’une équipe médicale habituée à ces démarches et connaissant bien lepatient, les informations nécessaires à la compréhension du mécanisme juri-dique.

Cette démarche va en effet priver le patient de son autonomie juridique,elle doit être mise en place ni trop tôt quand le patient a encore les moyens intel-lectuels de décision, ni trop tard pour éviter de se retrouver dans des situationsd’urgence notamment au moment de l’entrée en institution.

Les démarches nécessaires à la mise en place d’une protection juridiquenécessitent de 3 à 6 mois. Le patient peut bénéficier de 3 types de régimes deprotection.

1/ la sauvegarde de justice : mesure rapide, immédiate à la date du certifi-cat médical. Mesure de prévention temporaire de 3 mois qui permet d’an-nuler des actes de la vie civile qui nuiraient à la personne. Elle n’enlèvepas les droits civiques.2/ la curatelle : mesure de protection, d’assistance lorsque le patient abesoin d’être conseillé pour les actes d’administration (gestion de patri-moine ou de vente) ; le patient est contrôlé dans les actes coura n t s(chèque, retrait d’argent). Les droits civiques sont conservés.3/ la tutelle : mesure de représentation. La personne protégée a besoind’être représentée d’une manière continue dans tous les actes de la vie

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courante, l’incapacité physique ou/et mentale est considérée comme per-manente, et la personne ne bénéficiera plus de ses droits civiques.

Pour obtenir ces différentes mesures, la famille fait une demande au tribu-nal d’Instance de la ville auprès du juge des tutelles qui fournira le dossier àremplir. Un certificat médical est nécessaire. La liste des médecins experts estfournie par le tribunal. Un médecin ou une équipe médicale peuvent eux-mêmessolliciter cette mesure de protection s’ils estiment que l’état du patient dont ilsont la charge justifie cette protection, même si la famille n’est pas directementdemandeur.

Quand le dossier est complet, le juge peut entendre le patient et safamille. Il prendra ensuite la décision de nommer le tuteur ou le curateur. Leplus souvent, le juge respecte le fonctionnement familial et va nommer leconjoint ou un proche, sauf s’il y a des conflits dans la famille, auquel cas ilnommera un tuteur extérieur.

☞ Les familles sont souvent démunies quant à l’attitude à tenir vis-à-visde la conduite automobile. Il est souhaitable d’interdire précocement la conduited’une voiture. A l’inverse des autres pays européens, il n’y a pas de contrôleparticulier en France pour la conduite automobile. S’agissant d’un patient quiprésente des troubles du jugement et des troubles de la compréhension, le méde-cin traitant peut rédiger un document interdisant la conduite pour raison desanté. Si le patient n’accepte pas cette décision, il peut être utile de recourir à la« Commission médicale du permis de conduire » qui siège dans les villes. Sursollicitation, cette commission convoquera ce patient et après examen pourraretirer le permis de conduire. Toutefois cela reste une épreuve très douloureusepour le patient.

♦ ConclusionLa prise en charge d’un patient porteur d’une maladie d’Alzheimer est un

long cheminement qui consiste en permanence à trouver un équilibre entre lanon stimulation qui isole et l’hyperactivité qui perturbe.

L’objectif du réseau qui entoure le patient est de le considérer comme uninterlocuteur à part entière.

Les aides que nous avons détaillées ici, vont pouvoir être mises enplace en fonction des besoins physiques du patient, mais aussi de son équi-l i b re psych o l ogi q u e. C’est la coord i n ation des effo rts d’une équipe pluri d i s c i-p l i n a i re et d’un entourage qui se sent soutenu, qui perm e t t ra au fil du tempsde tro u ver à chaque moment des solutions respectant le patient et son iden-t i t é .

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♦ ANNEXE 1 - REPARTITION DES AIDES

♦ ANNEXE 2 - LA PRESCRIPTION DE MATERIELAU DOMICILE

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♦ ANNEXE 3 - REPARTITION DES AIDES

REFERENCES

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LALLORET J., Considér ations pratiques sur l’assistance juridique et sociale aux malades atteints de lamaladie d’Alzheimer. La Revue du Praticien, 39, 6, 1989.

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♦ QUELQUES OUVRAGES DE REFERENCE

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2 - BADDELEY, A. (1993). La mémoire humaine, théorie et pratique. Gre-noble : PUG.

3 - BOTEZ, M.I. (1996). Neuropsychologie clinique et neurologie du compor-tement. 2e éd. Paris : Masson.

4 - BRUYER, R., VAN DER LINDEN, M. (1991). Neuropsychologie de lamémoire humaine. Grenoble : Presses Universitaires.

5 - E U S TACHE F., AGNIEL A. (1995). Neuro p s y ch o l ogie clinique desdémences. Marseille : Solal.

6 - EUSTACHE, F., FAURE, S. (1996). Manuel de neuropsychologie. Paris :Dunod.

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8 - GELY-NARGEOT M.C., MAHIEUX F., TOUCHON J. (1997). Métamé-moire et plainte mnésique, in B.F Michel, C. Derouesné, M.C. Gély-Nar-geot : De la plainte mnésique à la maladie d’Alzheimer. Marseille : Solal.

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10 - JUILLERAT, A.C., VAN DER LINDEN, M., SERON, X., & ADAM, S.(2000). La prise en charge des patients Alzheimer à un stade débutant. InX. Seron & M. Van Der Linden (Eds.), Traité de Neuropsychologie Cli-nique. Marseille : Solal, à paraître.

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13 - VAN DER LINDEN, M. (1989). Les troubles de la mémoire. Bruxelles :Mardaga.

14 - VAN DER LINDEN, M. (1994). Neuropsychologie des syndromes démen-tiels. In X. Seron & M. Je a n n e rod (Eds.), Traité de neuro p s y ch o l ogi ehumaine (pp. 558-573). Bruxelles : Mardaga.

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16 - WILSON, B.A. (1987). Rehabilitation of memory. New-York : GuilfordPress.

♦ ADRESSES UTILES

1 - ASSOCIATION DES FAMILLES DE TRAUMATISES CRANIENS :236 bis, rue de Tolbiac, 75013 PARIS (( : 01-53-80-66-03).

2 - ASSOCIATION FRANCE ALZHEIMER :21, boulevard Montmartre, 75002 PARIS (( : 01-42-97-52-41).

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Que soient remerciés Jodi Tommerdahl, linguiste (Université de Paris IV-Sorbonne ; Université de Poitiers-Faculté de Lettres) et Solange Cook, psy-chologue (Hôpital Robert Debré - Paris) pour leur aide précieuse à l’occa-sion de la traduction des résumés de cet ouvrage.

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Aucun article ou résumé publié dans cette revue ne peut être reproduit sous forme d’imprimé, photocopie,microfilm ou par tout autre procédé sans l’autorisation expresse des auteurs et de l’éditeur.