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73 MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016 Ce Cahier environnement est l’opportunité, à l’occasion des dix ans de la création de la Fon- dation Prince Albert II, de mettre en lumière les actions de Monaco pour la préservation des océans. Au sein des Nations unies, Monaco a travaillé tout particulièrement pour obtenir l’ouverture des négociations, commencées au mois de mars der- nier, sur la protection de la biodiversité en haute mer (BBNJ) et pour l’insertion dans les Objectifs du développement durable (ODD), adoptés en sep- tembre 2015, d’un objectif spécifique aux océans (ODD 14). Dans les deux cas, l’engagement per- sonnel du Prince Albert II et de sa Fondation ont été important. Au niveau scientifique, Monaco soutien des pro- jets de recherche de meilleure connaissance des écosystèmes marins ou d’étude de l’impact de l’acidification sur les océans. On soulignera, à cet égard, la création de l’AMAO (Association mo- négasque sur l’acidification des océans) pour co- ordonner les différentes institutions qui travaillent sur cette thématique. On notera également l’ini- tiative de Monaco au GIEC qui a conduit à l’ap- probation de l’établissement d’un rapport spécial de cette institution sur les liens entre l’Océan et l’évolution du climat. Sur le terrain, La Fondation et le gouvernement soutiennent de nombreux projets de protection de la biodiversité marine et des ressources halieutiques, que ce soit pour le thon rouge, pour la promotion de la consommation durable de produits de la mer avec Mr Goodfish ou le lancement d’un fond fidu- de SE Bernard Fautrier Ministre plénipotentiaire Administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco Éditorial 1. www.fr.mava-foundation.org - 2. www.iucn.org 3.www.oceans.taraexpeditions.org - 4.www.surfrider.eu PHOTO : DR « Nous devons protéger l’océan comme si nos vies en dépendaient. Et c’est précisément le cas. » Sylvia EARLE, biologiste, exploratrice, ambassadrice de l’Appel de l’océan pour le climat ciaire avec la France et la Tunisie pour le dévelop- pement des Aires marines protégées (AMP) de Méditerranée. Le bilan de dix ans d’action de la Fondation montre qu’il est possible d’inverser le cours des choses sur la disparition des espèces (thon rouge, phoque moine…), de faire progresser la connais- sance scientifique, la sauvegarde des écosystèmes fragiles ou les négociations internationales sur l’en- vironnement (BBNJ, SDG…). La Fondation, en partenariat avec l’Institut océa- nographique de Monaco, a lancé depuis avril 2010 la Monaco Blue Initiative. Cette rencontre annuelle réunit des acteurs scientifiques et politiques du monde de la mer pour créer une synergie positive, génératrice de solutions aux problèmes actuels et à venir des océans. En mars 2015, lors de la conférence : « Plastique en Méditerranée : au-delà du constat, quelles solutions ? » , SAS le Prince Albert II de Monaco a annoncé l’in- terdiction de l’utilisation des sacs plastiques à usage unique en Principauté. Lors de la dernière journée des océans du 8 juin, la Fondation Prince Albert II – avec ses partenaires, la fondation Mava 1 , l’IUCN 2 , Tara 3 et Surfrider 4 (taskforce Beyond plastic med) –, a lancé un appel à micro-initiatives contre la pollu- tion plastique en Méditerranée. L’Océan, source de vie, mérite toute notre at- tention et la Fondation Prince Albert II œuvre sans relâche, avec toutes les institutions moné- gasques concernées, pour mieux le connaitre et le protéger. « Le bilan de dix ans d’action montre qu’il est possible d’inverser le cours des choses » LE CAHIER ENVIRONNEMENT DE MARINE&OCÉANS Sommaire 73 Editorial de SE Bernard Fautrier : « Le bilan de dix ans d’action montre qu’il est possible d’inverser le cours des choses. » 74 Infos 75 Interview de Philippe Mondielli : « L’aquaculture peut être un moteur de la conservation et soutenir la biodiversité. » 77 Mr Goodfish : Informer pour responsabiliser. 78 Sauver le phoque moine de Méditerranée. PHOTO : THIERRY AMELLER Les îles de Lérins, dans la baie de Cannes (Alpes-Maritimes). SPÉCIAL MONACO

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73MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Ce Cahier environnement est l’opportunité, àl’occasion des dix ans de la création de la Fon-

dation Prince Albert II, de mettre en lumière lesactions de Monaco pour la préservation des océans.

Au sein des Nations unies, Monaco a travaillétout particulièrement pour obtenir l’ouverture desnégociations, commencées au mois de mars der-nier, sur la protection de la biodiversité en hautemer (BBNJ) et pour l’insertion dans les Objectifsdu développement durable (ODD), adoptés en sep-tembre 2015, d’un objectif spécifique aux océans(ODD 14). Dans les deux cas, l’engagement per-sonnel du Prince Albert II et de sa Fondation ontété important.

Au niveau scientifique, Monaco soutien des pro-jets de recherche de meilleure connaissance desécosystèmes marins ou d’étude de l’impact del’acidification sur les océans. On soulignera, à cetégard, la création de l’AMAO (Association mo-négasque sur l’acidification des océans) pour co-ordonner les différentes institutions qui travaillentsur cette thématique. On notera également l’ini-tiative de Monaco au GIEC qui a conduit à l’ap-probation de l’établissement d’un rapport spécialde cette institution sur les liens entre l’Océan etl’évolution du climat.

Sur le terrain, La Fondation et le gouvernementsoutiennent de nombreux projets de protection dela biodiversité marine et des ressources halieutiques,que ce soit pour le thon rouge, pour la promotionde la consommation durable de produits de la meravec Mr Goodfish ou le lancement d’un fond fidu-

de SE Bernard Fautrier Ministre plénipotentiaireAdministrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco

Éditorial

1. www.fr.mava-foundation.org - 2. www.iucn.org3.www.oceans.taraexpeditions.org - 4.www.surfrider.eu

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« Nous devons protéger l’océan comme si nos vies en dépendaient.

Et c’est précisément le cas.»Sylvia EARLE, biologiste, exploratrice,

ambassadrice de l’Appel de l’océan pour le climat

ciaire avec la France et la Tunisie pour le dévelop-pement des Aires marines protégées (AMP) deMéditerranée.

Le bilan de dix ans d’action de la Fondationmontre qu’il est possible d’inverser le cours deschoses sur la disparition des espèces (thon rouge,phoque moine…), de faire progresser la connais-sance scientifique, la sauvegarde des écosystèmesfragiles ou les négociations internationales sur l’en-vironnement (BBNJ, SDG…).

La Fondation, en partenariat avec l’Institut océa-nographique de Monaco, a lancé depuis avril 2010la Monaco Blue Initiative. Cette rencontre annuelleréunit des acteurs scientifiques et politiques dumonde de la mer pour créer une synergie positive,génératrice de solutions aux problèmes actuels età venir des océans.

En mars 2015, lors de la conférence : « Plastique enMéditerranée : au-delà du constat, quelles solutions ? »,SAS le Prince Albert II de Monaco a annoncé l’in-terdiction de l’utilisation des sacs plastiques à usageunique en Principauté. Lors de la dernière journéedes océans du 8 juin, la Fondation Prince Albert II– avec ses partenaires, la fondation Mava1, l’IUCN2,Tara3 et Surfrider4 (taskforce Beyond plastic med) –,a lancé un appel à micro-initiatives contre la pollu-tion plastique en Méditerranée.

L’Océan, source de vie, mérite toute notre at-tention et la Fondation Prince Albert II œuvresans relâche, avec toutes les institutions moné-gasques concernées, pour mieux le connaitre etle protéger. ■

« Le bilan de dix ans d’action montre qu’il est possible d’inverser le cours des choses »

LE CAHIER ENVIRONNEMENT DE MARINE&OCÉANS

Sommaire73 Editorial de SE Bernard Fautrier :

« Le bilan de dix ans d’actionmontre qu’il est possible d’inverser le cours des choses.»

74 Infos

75 Interview de Philippe Mondielli :« L’aquaculture peut être un moteur de la conservation et soutenir la biodiversité. »

77 Mr Goodfish : Informer pour responsabiliser.

78 Sauver le phoque moinede Méditerranée.

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Les îles de Lérins, dans la baie de Cannes (Alpes-Maritimes).

SPÉCIAL MONACO

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Àl’issue de sa dernière session de travail,le 13 avril 2016, à Nairobi (Kenya), le

GIEC 1 a annoncé la publication pro-chaine de trois rapports spéciaux 2 dontl’un – particulièrement attendu – sur lesocéans intitulé Changement climatique,océans et cryosphère. Cette décision estune belle victoire pour la Principauté deMonaco qui avait été la première à saisirle GIEC de cette demande dès février2015. En décembre de la même année, àl’occasion de la COP 21, deux autres ini-tiatives – l’Appel de l’océan pour le Cli-mat menée avec la Plate-forme océan etclimat 3 et la Déclaration Because theOcean signée par 22 pays à l’appel de Mo-naco et du Chili – avaient également ap-

pelé à placer les océans au cœur des en-jeux climatiques et à la production, par leGIEC, d’un rapport spécial lié aux consé-quences préoccupantes du réchauffementclimatique et de l’augmentation des émis-sions de gaz à effet de serre, au premierrang desquels l’acidification et l’élévationdu niveau de la mer qui ont un impactmajeur sur la vie, l’économie et la sécu-rité de milliards de personnes dans lemonde.

L’intégration dans ce prochain rapportsur les océans 4 des enjeux liés à la fontede la cryosphère – le monde des glaces etdes pôles – apportera, de fait, des élémentsextrêmement utiles pour répondre auxquestions posées par l’élévation du niveau

de la mer dont les dernières études mon-trent qu’elle pourrait être beaucoup plusimportante que prévue. Ce nouveau rap-port du GIEC sera publié pour la COP22 qui se tiendra en novembre prochain,à Marrakech, au Maroc.

Une plage en Méditerranée. La Méditerranée détient l’un des taux de pollution par le plastique les plus élevés au monde.

■ Aquaculture et économie circulaire

étaient au programme de cette nouvelle

rencontre de la Monaco Blue Initiative

(MBI) au Brésil. Pourquoi cette théma-

tique ?

Il faut savoir qu’au niveau mondiall’aquaculture fournit –avec plus de 70millions de tonnes par an 1 – plus de lamoitié des produits aquatiques con -sommés par l’homme. Alors que lescaptures de poissons sauvages sont sta-bilisées autour de 90 millions de tonnespar an 1, la production aquacole bat desrecords d’année en année. Partout surla planète, l’aquaculture contribuera, en grande partie, à cou-vrir les besoins croissants en protéines d’une démographieen expansion.

Or, il ne peut y avoir d’essor de cette activité si elle est dom-mageable pour l’écosystème qui l’accueillera. C’est l’aquacul-ture et l’économie circulaire ou plus simplement l’aquaculturedurable qui répondra à cet enjeu, illustré par le titre de l’édi-tion 2016 de la MBI : Sustainable aquaculture at the heart of aBlue Economy (Ndlr : L’aquaculture durable au cœur de l’Éco-nomie bleue).

■ Pourquoi le choix du Brésil ?

Parce que l’aquaculture y est un secteur économique en trèsforte expansion. Avec 700 000 tonnes (Ndlr : chiffre 2012), leBrésil est le deuxième producteur aquacole d’Amérique la-tine et des Caraïbes même s’il n’est que le douzième au ni-veau mondial, très loin du trio de tête, Chine, Inde et Vietnam.La production brésilienne a quadruplé entre 2000 et 2010 et abondi de 30 % entre 2010 et 2011, illustrant le caractère ultra-rapide de son développement.

■ Quelles formes prend cette aquacul-

ture brésilienne ?

Avec 87 % de la production composéenotamment de tilapia, de carpes, de pois-sons-chats et même d’Arapaima, l’undes plus gros poissons au monde, c’estl’aquaculture continentale (en eaudouce) qui prédomine, l’aquaculturemarine (crevettes, moules, huîtres,algues) ne représentant que 13 % de laproduction. À l’image du pays, les pers-pectives sont gigantesques. Avec une su-perficie de dix-sept fois la France, le Bré-sil dispose d’un énorme réservoir de

sites potentiels. La demande est, en outre, plutôt soutenue avecune consommation de produits aquatiques qui atteint tout demême 7 kg par habitant et par an (contre 30 en Europe). Ce-pendant, et ce, comme toute activité si elle est mal gérée, l’es-sor d’une aquaculture mal maitrisée peut impacter gravementles écosystèmes remarquables d’un pays considéré comme l’undes plus riches de la planète en matière de diversité biologique– avec en particulier les mangroves qui couvrent 85 % de ses8500 km de côtes –, et avec lui ceux de tous les pays tropicaux.Les enjeux du développement durable sont donc de taille…

■ Quelles sont les principales conclusions de cette MBI 2016 ?

Les échanges, très riches et fructueux, de cette dernière édi-tion nous ont permis de voir que l’aquaculture pouvait êtreun moteur de la conservation et soutenir la biodiversité ens’intégrant aux aires marines protégées. L’aquaculture peutavoir un rôle social important et contribuer à réduire les in-égalités et les discriminations en soutenant l’émancipation des

« L’aquaculture peut êtreun moteur de la conservationet soutenir la biodiversité »En 2010, la Fondation Prince Albert II – en partenariat avec l’Institut

océanographique de Monaco – lançait un nouveau rendez-vous international dédié à l’environnement : la Monaco Blue Initiative. Sa dernière édition s’est tenue

le 4 avril dernier à São Paulo, au Brésil, sur le thème de l’aquaculture.

Entretien avec PHILIPPE MONDIELLIDirecteur scientifique de la Fondation Prince Albert II

Propos recueillis par Erwan Sterenn

1. Chiffres FAO 2014.

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1. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évo-lution du climat.2. Les deux autres rapports portent sur : « Les im-pacts d’un réchauffement global de 1,5° par rap-port aux niveaux de l’ère préindustrielle » et sur« Les changements climatiques, la désertifica-tion, les changements d’usage des sols et la sé-curité alimentaire ».3. www.ocean-climate.org4. Réalisé dans la perspective de la COP22 quise tiendra en novembre 2016 à Marrakech auMaroc.

Un an après la conférence « Plastiqueen Méditerranée, au-delà du constat,

quelles solutions ? », organisée à Mo-naco en mars 2015, laTask force BeyondPlastic Med (BeMed) composée de cinqorganisations – Fondation Prince Al-bert II, Tara Expéditions, Surfrider Foun-dation Europe, Mava et UICN – a dé-cidé de passer à l’action. Elle s’est fixée

pour mission d’informer l’opinion pu-blique sur l’état de santé de la Méditer-ranée, de soutenir les solutions inno-vantes et citoyennes, et de peser sur lesdécisions politiques, législatives et rè-glementaires visant à stopper la pollu-tion plastique. Dans cet esprit, en no-vembre 2015 et en mai 2016, laFondation Prince Albert II et l’UICN

Le GIEC annonceun rapport spécial sur les océans

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En savoir + :www.beyondplasticmed.org

Twitter : @BeMed_org

La Task Force Beyond Plastic Medentre en action

ont réuni à Monaco des entreprises etdes ONG pour réfléchir à la recherchecommune de solutions permettant dediminuer en amont la production et l’uti-lisation de plastiques. BeMed lance éga-lement le 8 juin 2016, lors de la Journéemondiale des océans, un « appel à mi-cro-initiatives » destiné à identifier desprojets dans l’ensemble des pays médi-terranéens avec pour objectif de « créerune dynamique locale pour répondre àune problématique régionale ».

Les projets soutenus, qu’ils soient denature technologique, institutionnelleou liée à la sensibilisation et à l’éduca-tion des populations, seront sélectionnéspour leur caractère innovant. Chaqueannée, plus de 8 millions de tonnes deplastiques sont déversés en mer repré-sentant un danger grave autant pour labiodiversité marine que pour la santéhumaine en fin de chaîne alimentaire.La Méditerranée détient l’un des tauxde pollution par le plastique les plusélevés au monde.

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catégories défavorisées : reconversion de pêcheurs, subsistancede populations côtières, emploi des femmes… Elle peut aussicontribuer à séquestrer le carbone émis dans l’atmosphèregrâce aux algues cultivées, ou lutter contre l’acidification desocéans avec l’aquaculture multi-trophique intégrée (AMTI) qui,par ailleurs, piège et recycle les polluants azotés. Pour réussirces défis, l’aquaculture devra cohabiter intelligemment avecles autres usages de l’espace marin, la pêche et le tourisme,mais aussi des secteurs en devenir comme celui des énergiesrenouvelables. S’appuyant sur la connaissance fine de l’océanet de son fonctionnement (productivité des eaux et courants)et fondée sur la concertation entre usagers, la planificationspatiale marine optimisera la répartition des activités et contri-buera à une bonne définition des projets de territoires marins.L’optimisation des relations entre aquaculture, agriculture, éle-vage et pêche dans une perspective d’économie circulaire, lavalorisation des coproduits via des filières à haute valeur ajou-tée, offriront de formidables opportunités. Décideurs, pouvoirspublics et recherche auront un rôle important à jouer. Lesconsommateurs, plus exigeants en termes de qualité et de tra-çabilité, seront également des moteurs de ce développement.

■ On parle là d’un nouveau modèle économique…

L’aquaculture des prochaines décennies devra, en effet, se pla-cer au cœur d’un nouveau modèle économique dans lequelles activités de production ne sont plus en opposition avec l’en-vironnement mais le préservent. Elle doit penser différem-ment afin de rapprocher les enjeux de la sécurité alimentaire,du climat et de la biodiversité. Au Brésil, comme dans d’autrespays, elle doit compenser ses excès et adopter une vision beau-coup plus large. L’activité devra, non seulement, couvrir lesbesoins croissants en protéines d’une démographie en expan-sion, limiter ses effets négatifs sur l’environnement, mais aussiavoir une contribution nette positive sur l’environnement, auniveau local et global. Ce sont là tous les enjeux qui ont étédiscutés à Sao Paulo, lors de cette dernière édition de la MBI.

■ Quelle est l'histoire de la MBI et quels objectifs poursuit-elle ?

Lancée en 2010 à l’initiative de SAS le Prince Albert II deMonaco et organisée conjointement par la Fondation PrinceAlbert II de Monaco et l’Institut Océanographique FondationAlbert Ier Prince de Monaco, la Monaco Blue Initiative est uneplate-forme de discussion qui vise à stimuler la connaissanceet la préservation des océans et leur gestion durable en créantdes synergies entre les différents acteurs impliqués dans la pro-tection des écosystèmes marins et le développement écono-mique et social.

La première édition de la MBI, en 2010, s’était concentréesur les thèmes : « Les grands fonds : une biodiversité nouvelleà protéger » et « Les grandes espèces marines : clefs de voutedes écosystèmes marins ». Le comité de réflexion de la MBI,qui propose les thèmes de chaque édition en fonction de l’ac-tualité et des priorités, avait alors orienté les discussions surles Aires marines protégées (AMP) qui ont ensuite été le filrouge de toutes les autres éditions. Les AMP concentrent, eneffet, tous les grands enjeux de la conservation avec la combi-naison d’activités économiques dans le milieu marin qui peu-vent bénéficier aux communautés locales et la protection desécosystèmes lorsqu’elles sont gérées d’une manière durable.

■ Qui peut participer à la MBI ?

Les participants de la Monaco Blue initiative sont sélec-tionnés en fonction des thèmes de chacune des éditions. LaMBI ne veut pas être une conférence scientifique, bien aucontraire !

Elle a pour ambition de rassembler des experts, des scienti-fiques, des ONG, des décideurs politiques et économiques maisaussi des acteurs du secteur privé. C’est en créant une plate-forme de discussion et d’échanges entre les différents acteursde la mer que des solutions pérennes pourront émerger dansl’intérêt de la biodiversité et des communautés locales et pluslargement, des populations dépendant des produits de la merpour leur subsistance. ■

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Mr GoodfishInformer pour responsabiliser

Ce stock de poissons et de produitsde la mer n’est pas illimité et mal-heureusement trop d’espèces sont

surexploitées. Puisque le marché dicte àtous et à chacun sa loi d’airain, c’est doncsur la consommation qu’il faut tenterd’agir en priorité pour modifier les ha-bitudes de ceux qui mangent ou achè-tent du poisson en leur faisant découvrirdes espèces alternatives, moins connues,mais dont le goût n’en est pas moins raf-finé. Il faut également encourager le res-pect du cycle des saisons et des périodesde fraie afin de laisser le temps à la vie dese renouveler.

De ce constat et de ces réflexions debon sens est née, en 2010, l’idée du pro-gramme Mr Goodfish… En clair et enfrançais, M. Bonpoisson. La démarchen’est pas d’interdire à quiconque de man-ger du poisson, bien au contraire, elle en-courage même à continuer mais en choi-sissant le bon poisson, c’est à dire celuiqui est disponible en abondance. Infor-mer pour responsabiliser, tout est là !

Trois grands aquariums, français, ita-lien et espagnol, Nausicaa de Boulognesur mer, l’Acquario de Gênes et l’Aqua-rium Finisterrae de la Corogne, tousmembres du Réseau Océan Mondial 2,sont à l’origine de cette initiative parrai-née par Gaël Orieux, chef étoilé du res-taurant Auguste à Paris dans le 7e ar-rondissement, et suivie par plus de 400professionnels engagés. Il s’agit de pro-mouvoir le principe du développementdurable auprès du plus large public pos-sible, auprès des consommateurs biensûr mais aussi et surtout, auprès des pro-fessionnels que sont les pêcheurs, les ma-reyeurs, les poissonniers, les géants de la PH

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Par JEAN-STÉPHANE BETTON

Le Prince Albert II et les participants à la dernière édition de la Monaco Blue Initiative, à São Paulo (Brésil). « Lancée en 2010, la MBI est une plate-forme de discussion visant à stimuler la connaissance et la préservation des océans et leur gestion durable. » Philippe MONDIELLI

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La surpêche menace la survie de nombreuses espèces de poissons. Mr Goodfish 1

a pour ambition d’informer et de sensibiliser les acteurs de notre « chaîne alimentaire » – des distributeurs aux restaurateurs

en passant bien sûr par les consommateurs –, sur les espèces à consommer en fonction de l’état de leur stock. Explications.

1. En savoir + : www.mrgoodfish.fr2. www.worldoceannetwork.org

Les chefs de l’Hermitage

(photo), du Fairmont

et du Novotel ont signé

la convention Mr Goodfish

en 2015.

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grande distribution, les grands restaura-teurs et bientôt les aquaculteurs. Tous lespartenaires s’engagent à adapter leurspêches, leurs achats et leurs cartes enfonction d’une liste, régulièrement ac-tualisée, des espèces les plus disponibles.

En effet, quatre fois par an, à chaquechangement de saison, afin d’éclairer unpublic de plus en plus nombreux, MrGoodfish réunit un Comité d’experts –composé de scientifiques, de pêcheurs,de spécialistes et de responsables de ladistribution –, qui actualise, publie et re-commande à la consommation une liste

de poissons, de crustacés et de coquillagespour la Méditerranée, l’océan Atlantique,la Manche et la mer du Nord.

Toujours profondément désireuse desoutenir des actions urgentes et concrètesen faveur de la protection de l’environ-nement dans le domaine de la biodiver-sité qui est – avec l’eau et le changementclimatique – l’un de ses trois sujets ma-jeurs d’engagement, la Fondation PrinceAlbert II de Monaco coordonne et sou-tient cette initiative pour une consom-mation responsable et raisonnable desproduits de la mer sur la Côte d’Azur.En Principauté, les chefs de l’hôtel Fair-mont, de l’Hermitage et du Novotel ontofficialisé leur engagement en signanten 2015 la convention Mr Goodfish etseront, très prochainement, rejoints parceux du Métropole et des Thermes ma-rins. Un réseau de partenaires de qua-lité est ainsi en train, à partir de Monaco,de se constituer et d’étendre sa dyna-mique à toute la façade méditerranéennefrançaise. ■

« La démarche Mr Goodfish encourage à continuer à consommer du poisson mais le bonpoisson, celui qui est disponible en abondance ».

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78MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Sauver le phoque moinede Méditerranée

En 2011, le Prince Albert II de Monacopar l’intermédiaire de sa Fondation1

a pris l’initiative d’une étude et d’uneaction pour la protection du phoquemoine de Méditerranée. Un certainnombre de partenaires, parmi lesmeilleurs spécialistes mondiaux, ont ainsiété mobilisés comme le WWF de Grèce,l’Institut de recherche Téthys et la So-ciété Hellénique pour l’étude et la pro-tection des phoques moines. L’action dela Fondation Prince Albert II vient ainsiappuyer la politique environnementalede l’Union européenne2. Il s’agit princi-palement de développer, en mer Egée,une aire marine protégée déclarée zoneNatura 2000 autour des îles de Gyaros,Andros et Syros, dans le nord des Cy-clades, afin de recréer durablement unécosystème favorable aux phoques et auxhommes.

Une campagne d’information et de sen-sibilisation sur les enjeux environnemen-taux en direction des pêcheurs de l’ar-chipel et des acteurs de l’économietouristique a été lancée pour obtenir leuradhésion et les convaincre d’accepter la fu-ture zone de protection marine. Leur

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Le phoque moine, espèce emblématique de la Méditerranée, est en passe de disparaître dans l’indifférence la plus générale avec pour seule

cause l’activité humaine. Des acteurs se sont mobilisés pour rompre cette dynamique mortifère. Ils sont en passe de réussir, dans les Cyclades,

illustrant les vertus de la prise de conscience et de l’engagement.

Par JEAN-STÉPHANE BETTON

1. www.fpa2.com2. Le projet est soutenu par la Fondation Blue Ma-rine et par la Commission européenne dans le cadredu mécanisme de financement LIFE + Nature. 3. Attendu pour le mois de juin, ses conclusions se-ront présentées dans le prochain numéro de ce Ca-hier Environnement.

Abondant en Méditerranée et

dans le bassin pontiquedans la Haute Antiquité,

le phoque moine (ci-dessous) est

aujourd’hui en voie d’extinction imminente.

À droite, l’île d’Andros dans les Cyclades

(Grèce).

concours actif est en effet capital dans lesuccès du projet et pour espérer sauve-garder cette espèce emblématique de laMéditerranée. Une première session deformation réunissant une quarantaine depêcheurs d’Andros et de Syros a été or-ganisée en mai 2015. L’expérience devraitêtre répétée en 2016 et un rapport d’ac-tivité des cinq ans qui viennent de s’écou-ler va être très prochainement publié3.

Saviez-vous que le phoque moine parla fréquentation des eaux chaudes de laMéditerranée se distingue radicalementde ses congénères des mers froides ? Pourchasser, ce champion d’apnée est capabled’atteindre une centaine de mètres deprofondeurs pendant un quart d’heure.Certains adultes pèsent jusqu’à 300 kiloset peuvent vivre une quarantaine d’an-née. Cet animal d’exception abondait enMéditerranée et dans le bassin pontiquedans la haute antiquité au point d’avoirdonné leur nom à une région de l’Hel-lade sur les rives septentrionales del’Isthme de Corinthe : la Phocide. Auda-cieux navigateurs, les habitants de cettecontrée ont fondé Phocée en Asie Mi-neure puis exploré, au VIe siècle avant

notre ère, la Méditerranée occidentale.Aviez-vous songé que Marseille entrete-nait depuis sa lointaine origine phocéenneun rapport caché avec ce sympathiquepinnipède ? De sa Méditerranée natale,le phoque moine a franchi les colonnesd’Hercule et essaimé en colonies dans lesarchipels de Madère, des Canaries et surles côtes de Mauritanie. Puis, il a traversél’Atlantique pour s’établir dans les Ca-raïbes. Inauguré en 1914, le canal de Sueza permis à certains individus de s’aven-turer dans le Pacifique pour parvenir auxîles Hawaï où une sous espèce prospèreencore aujourd’hui sous la protection dugouvernement des Etats-Unis depuis 2001.

Car hélas… mille fois hélas ! Victimedes activités humaines, de la guerre, de lapollution, du tourisme balnéaire et de lasurpêche, le phoque moine de Méditer-ranée est aujourd’hui en voie d’extinctionimminente. C’est même l’une des six es-pèces animales les plus menacées aumonde. Des plaisanciers chanceux pou-vaient encore le croiser en Corse au dé-but des années 1980 mais il a, depuis, com-plètement disparu. Partout les femellesont déserté les plages surpeuplées pourmettre bas au pied de falaises abruptes etdans d’inaccessibles grottes sous-marineoù leurs petits se noient souvent. Il ne de-meure que quelques centaines d’indivi-dus, en Tunisie, au Maroc et en Grèce aunord des Cyclades. C’est là justement quel’on prépare sa renaissance… ■

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